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Marivaux, Le jeu de l’amour et du hasard :

résumé, personnages et analyse

Résumé de Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux


Le Jeu de l’amour et du hasard est une pièce de théâtre en prose et en 3 parties ou actes de
Marivaux qui a été publiée et mise en scène en Janvier 1730. La représentation a été faite par les
artistes transalpins à l’hôtel de Bourgogne. Il s’agit de la pièce de Marivaux la plus populaire et
également la plus représentée, aussi bien dans l’Hexagone qu’à l’étranger. Nous retrouvons dans
cette pièce un sujet traditionnel de la comédie : le mariage. Autour du mariage tournent la
découverte de l’autre et le sentiment amoureux. La découverte dans Le Jeu de l’Amour et du
hasard se fait à travers le déguisement. Les 3 actes montrent les étapes de cette découverte.

Acte 1

Orgon, un homme de haute condition, désire marier sa fille Silvia à Dorante, le fils d’un ami qui lui
est cher. Silvia discute avec sa femme de chambre, Lisette, des craintes qu’elle éprouve d’épouser
ce jeune homme qui est inconnu pour elle. Elle décide de se déguiser pour pouvoir étudier à sa guise
la particularité de celui qui pourrait devenir son mari. Son père lui donne l’autorisation de prendre
la place de Lisette. Silvia et Lisette échangent donc leurs vêtements et leurs identités lorsque M.
Orgon leur annonce l’arrivée imminente de Dorante.

M. Orgon se réjouit de la situation, car une lettre de son vieil ami vient de lui apprendre que Dorante
veut faire comme Silvia et changera de rôle avec son valet Arlequin. Il sera alors le valet
Bourguignon. M. Orgon met son fils Mario dans la confidence et lui demande de garder secret le
stratagème des quatre jeunes gens. Les deux hommes se promettent de s’amuser de la situation. M.
Orgon et son fils Mario seront ainsi les témoins privilégiés du Jeu de l’Amour et du hasard.

Déguisée en soubrette, Silvia tente de connaître son futur prétendant au travers des indiscrétions du
valet Bourguignon. Taquins, M. Orgon et Mario poussent les deux jeunes gens à se conformer aux
familiarités dévolues à leurs rôles de gens de maison : dès l’arrivée de Dorante sous son
accoutrement, Mario veut que Silvia et lui arrêtent de se vouvoyer, ce qui les gêne un peu au début.
Très vite, Silvia est troublée par Bourguignon à qui elle trouve beaucoup de distinction et une belle
prestance. De son côté, le jeune noble est impressionné par le charme, la noblesse de caractère et
l’esprit de celle qu’il croit être une domestique.

Restés seuls, les deux jeunes gens se découvrent mutuellement des qualités qui ne cadrent pas avec
leur condition apparente. Ils sont tous les deux troublés d’éprouver un tendre attachement pour des
valets. L’embarras de la jeune fille est grandissant devant tant d’esprit chez un valet et un
comportement choquant chez le prétendu maître chaque fois qu’il paraît. Vient Arlequin sous l’habit

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de Dorante. Il singe grossièrement son maître et se montre très satisfait de lui-même. Dorante lui
reproche ses familiarités excessives.

Acte 2

Lisette vient aviser M. Orgon que le pseudo Dorante, qui est en fait le valet Arlequin, n’est pas
insensible à ses avances. À sa grande surprise, M. Orgon l’autorise à se faire aimer d’Arlequin en lui
disant même qu’elle pourra l’épouser s’il se met à l’aimer vraiment. Il lui demande seulement
d’accuser Bourguignon de vouloir déprécier son maître devant Silvia. Ce jeu de rôle touche les
protagonistes dans leur amour propre.

Lisette, encouragée par les paroles de M. Orgon et libérée de ses scrupules, revient vers Arlequin.
Les deux domestiques se jurent un amour éternel, quelle que soit leur condition respective. Silvia se
sent atteinte dans sa fierté lorsqu’elle réalise que Lisette gagne les faveurs d’Arlequin qu’elle croit
être Dorante. On perçoit ici toute l’ambiguïté de la situation et la saveur du quiproquo.

Les entrevues entre ces maîtres et ces valets déguisés sont de vrais quiproquos. Arlequin et Lisette
profitent de leur nouveau statut pour séduire la personne qu’ils pensent être un maître ou une
maîtresse. Dorante et Silvia sont surpris d’être sensibles aux charmes de personne de rang social
inférieur.

Silvia prend Lisette à part et lui demande de cesser de répondre aux avances du pseudo Dorante
qu’elle trouve répulsif. Mais Lisette, forte des ordres de M. Orgon, n’écoute que ses sentiments. Elle
refuse de changer son attitude et demande à sa maîtresse si ses préventions contre son prétendant
ne viendraient pas des médisances de Bourguignon. Silvia est irritée et en sanglote, ne sait plus que
et quoi penser et ne se reconnaît plus elle-même. Quand Bourguignon arrive, elle veut s’en aller,
mais reste. Elle veut le réprimander, mais le console. Elle commence à réaliser sa troublante
inclinaison pour un homme censé être en dessous de sa condition.

Lorsque Dorante revient, Silvia essaie vainement de mettre des distances entre eux. Et devant la
sincère passion de Dorante qui lui promet un amour sans pareil, elle avoue qu’elle pourrait l’aimer
s’il n’était pas valet. M. Orgon et Mario, qui ont surpris une partie de cette scène, font fuir Dorante
par leurs taquineries. Sur un ton badin, ils poussent Silvia dans ses derniers retranchements et lui
demandent de poursuivre jusqu’au bout le jeu qu’elle a commencé.

Très troublée, Silvia tente de fuir Dorante. Ce dernier, ne veut plus continuer ce jeu béotien, fait
tomber le masque et lui avoue sa véritable identité. Il se rend compte que sa position sociale ne lui
laisserait pas épouser une domestique, mais il ne peut se défendre de l’aimer. Il est désespéré de la
situation. Silvia éprouve un vif soulagement en apprenant qu’elle s’est éprise du vrai Dorante. Mais
elle décide de ne pas se dévoiler et de se maintenir dans son rôle pour poursuivre le jeu à sa guise et
tester l’amour de Dorante.

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Acte 3

M. Orgon, Silvia et son frère Mario vont maintenant agir de concert. Silvia lance un ultime défi : à sa
demande, Mario prétend avoir de l’attirance pour elle dans le but de piquer la jalousie de Dorante.
Ce dernier s’emmêle avec la réponse de Silvia et la présence de ce rival. Elle ne repousse pas les
avances de Mario. Silvia triomphe.

Le chagrin au cœur, jaloux et désespéré, Dorante est sur le point de s’enfuir, mais il ne peut
abandonner. Silvia le pousse alors doucement à se déclarer : il la demande en mariage. C’est ce qui
motive Silvia à lui avouer enfin son amour et sa véritable identité. Arlequin et Lisette sont eux aussi
démasqués et se jurent, malgré leur désillusion, un amour éternel.

Le quiproquo est délié, les duos les deux couples peuvent se former. Tout le monde reprend sa
véritable identité et sa position sociale. Dorante et Silvia se marient, Arlequin et Lisette par la suite.
Tout se termine dans la joie par une dernière pitrerie d’Arlequin.

Présentation des personnages


– Le laquais : il apparaît au début de l’histoire.

– Silvia : c’est la fille de M. Orgon, future femme de Dorante et sœur de Mario. Aventureuse, elle
aime prendre des risques, notamment pour sa vie amoureuse.

– Lisette : femme de service de Silvia. C’est une jeune femme pleine de malice qui obéit sans limites
aux ordres de sa patronne.

– M. Orgon : père de Mario et Silvia. C’est un homme de condition qui « peut-être » appartient à la
bourgeoisie ou à la noblesse.

– Dorante : prétendant de Silvia qui a pris le personnage du valet Bourguignon. Il s’agit du fils de
l’ami de M. Orgon qui a une condition sociale identique.

– Arlequin : valet de Dorante, ce jeune est de nature timide. Il se plie aux ordres de son patron.

– Mario : frère de Silvia, fils de M. Orgon. Excentrique, il agit différemment de ce qui est habituel
dans la société.

Les rôles d’Arlequin, de Silvia et de Marion étaient au tout début des représentations tenues par des
comédiens italiens issus de la troupe Luigi Riccoboni. Guiseppe Baletti jouait le rôle de Mario,
Zanetta Rosa Benozzi – celui de Silvia (qui était âgée de 29 ans à l’époque). Thérèse Lalande jouait
Lisette dans ses rôles de soubrette et de première amoureuse. Antonio Fabio Sticotti, 19 ans, a
remplacé Jean-Antoine Romagnési (titulaire du rôle « premier amoureux ») lorsqu’il décède en mai
1742. Le jeune Tomasso Vicentini dit Thomassin ne se séparait ni du masque, ni du costume ni
encore moins des caractéristiques d’Arlequin, alors que les autres acteurs, eux, ne se séparaient pas

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de leurs costumes de ville. Le rôle d’Arlequin mettait en scène un jeune garçon naïf, gai et
insouciant, mais qui réussissait à chaque apparition à attendrir les spectateurs.

Analyse de l’œuvre
Cette histoire englobe les thèmes principaux suivants :

L’accusation du mariage de convenance

Le Jeu de l’Amour et du hasard est un manifeste ou une pièce à thèse qui dénigre les coutumes du
mariage arrangé infligé par les parents. M. Orgon, le père de Silvia, s’avère être un homme de bon
cœur, indulgent, compréhensif et malicieux. Il donne libre arbitre à sa fille et la laisse faire ses
preuves. Il autorise même le complice, Mario, qui est son fils, à ne pas se défiler, mais terminer
l’aventure. Silvia et son frère entretiennent une relation naturelle : celui-ci prend plaisir à la
taquiner, mais ne recule devant rien pour lui faire plaisir. Il veut tout lui divulguer lorsqu’il ressent
qu’il est allé trop loin et que cela va impacter sur le bonheur de sa sœur. Les deux jeunes gens
dévoilent une réelle complicité.

Le déguisement du caractère et des sentiments

La plupart des comédies de Marivaux emploient la thématique du travestissement : pour concrétiser


son projet, un personnage prend la place d’un autre ; un prince se transforme en simple garde de
son château dans La Double Inconstance ; une jeune fille prend l’apparence d’un chevalier (Le
Triomphe de l’amour, La Fausse Suivante). Dans cette histoire, non seulement Dorante et Silvia, les
deux personnages principaux, se déguisent en domestique, mais il y a en sus une inversion des rôles
entre serviteurs et maîtres. Par ailleurs, M. Orgon et son fils font semblant de ne rien savoir et
jouent la comédie à leur tour, voyant là « une aventure qui va les divertir en tout point » (acte I, III).

Le troc des costumes est indissociable avec celui des conditions. Dans Le Jeu de l’Amour et du
hasard, il transforme les duos maître/serviteur et maîtresse/servante en un assortiment
spectaculaire. Chacun pense que son interlocuteur est une personne d’une classe différente de la
sienne. Seule la foule sait à quel point les couples sont faits pour s’entendre. Des quatre
personnages, ce sont les valets qui s’évertuent à se situer plus haut dans leur conversion sociale. La
pièce renferme aussi des inflexions féministes : « la jeune femme issue d’un milieu aristocrate veut
tenter de se faire épouser sous une autre identité, la rébellion et l’appréhension de la femme
soumise à une société phallocrate ».

L’apologie de l’amour naturel et sincère

Le Jeu de l’Amour et du hasard affiche deux scénarios : celui qui relate l’histoire entre Lisette et
Arlequin, les serviteurs transformés en des personnes de condition qui se déguisent en leurs
maîtres. Cette thématique de l’échange de rôles entre serviteur et maître existe depuis les pièces
antiques. Molière s’est déjà servi de cette ruse dans les Précieuses Ridicules. Au XVIIIème siècle,

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dans plusieurs grandes œuvres, comme le récit de Gil Blas, Santillane, par exemple, utilise le ressort
comique des serviteurs. Ces derniers s’aperçoivent, après avoir échangé avec des fautes
d’orthographes et s’être promis fidélité (sous leurs apparats d’emprunts), que les deux personnages
sont des domestiques. Ils se mirent alors à éclater de rire. Ainsi, le valet se plaît dans le rôle du
maître et le force à obéir servilement en risquant de se démasquer. Par contre, le scénario qui fait
rencontrer deux jeunes bourgeois déguisés en serviteurs est rare avant le XVIIIème siècle. La
particularité du Jeu de l’Amour et du hasard se distingue des autres pièces contemporaines. Il met
en scène une situation farfelue : c’est la correspondance absolue entre les deux péripéties, celle des
valets et des maîtres et la simplicité extraordinaire entre Silvia et Dorante. Leur relation provoque
une reconnaissance instantanée, la sensation de vivre une aventure inouïe et le progrès que connaît
leur amour, toujours critiqué, mais devient de plus en plus fort.

Les diverses formes de comique

En fournissant des efforts pour imiter les belles manières du beau monde, on assiste à une parodie
conviviale et attrayante, pleine d’effets comiques. En courtisant Lisette, qu’il prend pour la fille de
M. Orgon, Arlequin copie le langage de l’aristocratie et des bourgeois tel que Mascarille de Molière
dans les Précieuses Ridicules. Il joue le bouffon pour atteindre certains clichés de l’Euphuisme. Il
donne alors du sens à l’expression « un amour naissant », une forme plus concrète qui finit par faire
de Lisette-Silvia « l’effigie » de cet amour qui est devenu « grand garçon ».

Le comique de mots n’est pas le seul qu’éveille ce type de retournement de la hiérarchie sociale.
Cette configuration nouvelle met en scène un comique de situation : devenu maître à son tour,
Arlequin ne se fait pas prier pour remettre à leur place Dorante ou Silvia qui interrompent son face-
à-face amoureux. Il traite sur un même pied d’égalité son beau-père qui, de son côté, s’amuse à
réprimander « Bourguignon » le serviteur, auquel il critique son manque de respect pour son patron.
M. Orgon et son fils apprécient la situation et s’en divertissent : l’un d’écouter les confidences de
Lisette, qui est sûre d’avoir charmé et captivé le fiancé de sa maîtresse, et l’autre d’être les témoins
de l’amour naissant de Silvia pour le valet. L’apparition de ces deux « spectateurs » sur scène
permet à l’auteur « Marivaux » de se servir de toutes les ressources comiques de cette situation de
conditions sociales à bon escient.

L’opposition des classes sociales

Dorante et Silvia apprennent à leurs dépens qu’en s’affranchissant des préjugés de leur classe
sociale, le mérite vaut la naissance. Il s’agit d’une vérité révolutionnaire qui gagne à être connue.
Toutefois, il faut rester dans les limites du « supportable » en ne faisant pas d’excès quant à l’ordre
social. Si les maîtres jugent que la fortune est parfois injuste, ils n’envisagent pas qu’elle pourrait se
métamorphoser. Les valets eux-mêmes sont en accord avec cela : « souvenez-vous qu’on n’est pas
les maîtres de son sort » disait Lisette à Arlequin qui la compare à une grande dame qu’elle ne l’est,
mais qui rétorque néanmoins « Hélas, quand vous ne seriez que Perrette ou Margot … vous auriez
toujours été ma princesse ». En même temps que leurs patrons, les valets découvrent qu’en dehors
de l’artifice des conditions sociales, la vérité qui mérite d’être écoutée est celle qui vient du cœur.

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Pour tout le monde, le déguisement aurait été un test ou une expérience qui aura appris aux maîtres
à surmonter leurs préjugés et aux serviteurs à ne pas se laisser bercer d’illusions. Au final, tout est
rentré dans l’ordre, les jeunes gens de « bonne famille » qui se sont reconnus en dépit des
travestissements, se marient, et les serviteurs désenivrés, mais ravis, convolent en justes noces à
leur tour.

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