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du sport
Collection dirigée par
Raymond Thomas
Pratiques corporelles
Analyse économique
du sport
JEAN-FRANÇOIS BOURG
JEAN-JACQUES GOUGUET
Introduction 15
I. Approche théorique 24
A. La démarche micro-économique 24
1. Présentation générale 24
a) Historique 24
b) Les étapes du raisonnement micro-économique 28
2. Deux types de modèles micro-économiques 32
a) La micro-économie traditionnelle : un grand nombre
d'agents 33
b) La nouvelle micro-économie 36
B. Approche micro-économique des pratiques sportives 40
1. Un problème de définition 40
a) Typologie des biens 40
b) Théorie des choix 43
c) Structure des marchés des pratiques sportives ............ 47
2. Les conditions de la transposition 49
a) Utilisation du comme si 49
b) Une micro-économie plus souple ............................. 51
II. Analyse empirique du marché des pratiques sportives 52
A. La demande de pratiques sportives 53
1. La pratique licenciée... ; 53
a) Volume de la pratique 53
b) Caractéristiques socio-démographiques 58
2. La pratique non licenciée 62
a) Dans les organismes privés 62
b) Dans les organismes publics 63
c) Les pratiques sauvages 64
B. L'offre de pratiques sportives 65
1. Organismes privés 65
a) Le mouvement fédéral 65
b) Les entreprises commerciales 68
2. Organismes publics 70
a) Les collectivités locales 71
b) L'État 74
1. Le monopole 230
a) Le cartel des ligues 230
b) Le monopole d u CIO et de la FIFA 232
2. Le monopole contrarié 234
a) Les droits de retransmission en E u r o p e 234
b) Les droits de retransmission en F r a n c e 236
B. La cartellisation de la d e m a n d e 237
1. Le monopsone 238
2. Le monopole bilatéral 238
a) E n E u r o p e 239
b) E n F r a n c e 241
a) R a p p e l 341
b) Valeur économique totale d ' u n bien 343
2. Techniques d ' é v a l u a t i o n 344
a) P r é s e n t a t i o n générale 344
b) Exemples 346
B. Les études d ' i m p a c t s u r l ' e n v i r o n n e m e n t 348
1. Difficultés d"élaboration 349
a) A m p l e u r du champ é t u d e 349
b) Insuffisance des études réalisées 351
2. P o u r une réforme des études i m p a c t . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352
a) Dans le type de méthode 352
b) Vers une démocratie participative 354
Bibliographie 357
A. La démarche micro-économique
1. Présentation générale
a) Historique
. Révolution marginaliste
On peut dater l'apparition de la micro-économie en 1870 avec
ce qu'il est convenu d'appeler la Révolution Marginaliste. Avant
cette date, l'Economie Politique était dominée par l'école classique
anglaise (A. Smith, D. Ricardo, R. Malthus, J.S. Mill...) qui
recherchait les fondements de l'équilibre macro-économique der-
rière le fonctionnement et l'interaction de grandes lois : loi des ren-
dements décroissants en agriculture (Malthus), loi de la population
(Malthus), loi des débouchés (J.B. Say), loi de l'accumulation du
capital (D. Ricardo).
La Révolution Marginaliste a été le fait de trois auteurs qui
représenteront par la suite trois écoles de pensée économique : Karl
Menger et l'école de Vienne, Stanley Jevons et l'école de Cambridge,
Léon Walras et l'école de Lausanne. Au-delà des spécificités rela-
tives à chacune de ces écoles, des idées communes plus ou moins for-
tement affirmées permettent de caractériser cette Révolution :
- il faut revenir à une analyse micro-économique : l'individu
est le meilleur poste d'observation possible pour la compré-
hension de l'évolution des sociétés. C'est dans l'action
d'agents supposés libres et rationnels sur un marché qu'est
recherchée l'explication des lois de l'échange et de la
production ;
- il faut faire de l'Economique une véritable science et
renoncer aux soubassements doctrinaux de l'Economie Poli-
tique. Pour ce faire, l'analyse économique utilisera l'ins-
trument des mathématiques pour formaliser de manière
rigoureuse le comportement rationnel des agents écono-
miques. L'Economie Politique allait alors se transformer
progressivement en Science Economique.
Cette double mutation essentielle de la discipline s'est opérée à
travers un abandon de la théorie de la valeur travail pour
l'adoption de la théorie de la valeur utilité. Rappelons seulement
que le problème du fondement de la valeur a toujours été un sujet
de discorde chez les économistes. Au nom de quoi peut-on dire que
telle chose possède telle valeur ? Deux réponses ont été apportées :
—les théories de la valeur utilité remontent aux philosophes
grecs (Aristote). Pour les individus, la valeur des objets maté-
riels dépend de la satisfaction qu'ils retirent de leur usage.
Cette conception, après la redécouverte de la pensée aristoté-
licienne au XIIe siècle (saint Thomas d'Aquin), se répand
essentiellement dans les pays latins jusqu'au XVIIIe siècle ;
—les théories de la valeur travail du XVIIe siècle s'élaborent spé-
cialement en Angleterre (Petty, Locke...) mais de façon
générale se développent dans des pays de tradition protes-
tante. On retrouve ici la thèse de Max Weber sur la relation
entre capitalisme et éthique du protestantisme. La glorifi-
cation du travail, la réussite matérielle d'ici-bas, signes de
prédestination à la vie éternelle, auraient été à la base de la
dynamique du capitalisme.
A partir de cette époque, les théories de la valeur travail sont
de plus en plus dominantes. De nombreux auteurs latins se font
séduire par la pensée anglaise et la parution de La Richesse des
Nations d'A. Smith en 1776 va rejeter dans l'ombre les travaux
issus de la pensée utilitariste. Il faudra attendre Marx pour voir
remise en cause la construction des Classiques et assister à un
retour de la valeur utilité pour remplacer la valeur travail, fon-
dement même de l'approche marxiste.
Est-ce la crainte du marxisme qui constitue la raison fonda-
mentale ayant poussé les économistes libéraux à revenir à la valeur
utilité ? Une telle explication est contestée, Menger, Jevons et
Walras ne connaissant apparemment pas les travaux de Marx
lorsqu'ils publièrent les leurs à partir de 1870. L'Utilité l aurait
finalement emporté à cause de sa supériorité analytique.
Sans vouloir rentrer dans un tel débat, nous nous contenterons
de souligner que le choix d'une théorie de la valeur reflète deux
visions radicalement opposées de l'analyse économique :
- la valeur utilité implique une conception individualiste de la
société. L'individu est le seul et le meilleur connaisseur de ses
propres goûts. Chaque individu constitue ainsi l'élément de
base de l'économie, elle-même considérée comme l'agrégation
de tous ces éléments. L'approche est fondamentalement
micro-économique ;
—la valeur travail renvoie à une vision globale de la société. A
l'approche par les individus, on préfère l'examen des lois
macro-économiques qui sont censées régir les relations entre
grands agrégats (consommation, production, épargne, inves-
tissement...) pour aboutir à l'équilibre économique.
. Structures de marché
En règle générale, les lois précédentes ont été élaborées à
l'origine dans un cadre de concurrence pure et parfaite. En modi-
fiant les hypothèses de départ, on va faire apparaître d'autres
types d'équilibres. Au XIXe siècle, quand on sortait du cadre de la
concurrence, les économistes considéraient qu'il y avait situation
de monopole. Cette double théorie ne rendant plus compte de la
réalité économique du XXe siècle, on l'a considérablement enrichie.
Pour ce faire, des critères généraux de classification des marchés
ont été établis (Guitton, 1966) :
—Nature des biens et services échangés
. homogénéité = identité et uniformité
. hétérogénéité = différenciation
—Caractéristiques des coéchangistes
. nombre
grand nombre : poly-situation
petit nombre : oligo-situation
un seul : mono-situation
. nature
atomicité : absence de domination, symétrie de l'échange
molécularité : regroupement d'individus
—Mobilité - Liberté
. fluidité : aucune restriction à l'entrée ou à la sortie du
marché, liberté totale
. viscosité : rigidité, liberté limitée
- Information
. transparence : information parfaite de tous les agents
. opacité : information imparfaite
A partir de tous ces critères, il est possible de reconstituer une
typologie des structures de marchés. La plupart des manuels d'éco-
nomie reproduisent-ils ainsi le tableau de Stackelberg (Guitton,
1966, p. 431) :
. La concurrence imparfaite
Quand l'une des conditions de la concurrence pure et parfaite
n'est pas satisfaite, on parle de concurrence imparfaite. On peut
supposer par exemple que l'information n'est pas parfaite (cer-
tains agents sont mieux informés que d'autres) ; que le poids de
tous les agents n'est pas identique, certains ayant plus d'influence
que d'autres ; que les produits ne sont pas homogènes... De mul-
tiples cas pourraient être recensés, la théorie en a approfondi
essentiellement quatre :
- le monopole ;
—le duopole ;
- l'oligopole ;
- la concurrence monopolistique.
Au-delà de la formalisation de la recherche de l'équilibre à
l'intérieur de telles structures, l'important est de comprendre les
facteurs qui ont été à l'origine de telles formes de marché :
—dans les trois premiers cas, la diminution du nombre
d'offreurs ne fait que traduire un phénomène de concen-
tration croissante des entreprises ;
—dans le cas de la concurrence monopolistique, l'hypothèse
d'homogénéité disparaît et l'hétérogénéité concerne par
exemple les produits (stratégies de différenciation des entre-
prises), l'information (complexité des économies modernes)
et l'espace (métropolisation croissante des économies).
Dans tous les cas, ces nouvelles formes de concurrence ne font
que refléter la mondialisation de l'économie qui s'accélère depuis
une vingtaine d'années. A ce sujet, M. Beaud parle du concept de
« système national/mondial hiérarchisé : il permet de prendre en
compte dans leurs interrelations les quatre dimensions clés du
capitalisme contemporain : le national, l'international, le multina-
tional et le mondial » (Beaud, 1981, p. 344).
Dans le même sens, Ph. Engelhard place la mondialisation au
centre de son analyse de l'avenir de la planète. D'un côté, on
assiste à un mouvement sans précédent de concentration au niveau
des firmes et de la finance. De l'autre, on voit la constitution de
grandes zones économiques intégrées à un niveau régional
(ALENA, Merco Sur, Union Européenne...). «Les firmes se
lancent dans des concentrations verticales ou horizontales à
l'échelle internationale pour susciter des imperfections qui leur
soient favorables, ou pour exploiter du mieux possible celles qui
existent, à commencer par les différences de salaires, de pression
fiscale ou de parité. monétaire. (...) Cette théorie a au moins
l'avantage d'être réaliste et de s'affranchir de la référence à un
marché parfait, qui n'existe que dans l'imaginaire de certains éco-
nomistes. Elle a de surcroît le mérite de montrer comment le pro-
blème de l'information devient crucial quand il s'agit de contrôler
de multiples marchés internationaux, et comment on s'achemine
vers des firmes réseaux, plus plastiques et plus fluides, mais for-
tement contrôlées par le " centre " » (Engelhard, 1996, p. 81).
« Cette concurrence n'est rien d'autre que la confrontation de
firmes multinationales qui se disputent des marchés plus ou moins
segmentés à coup d'innovations, de publicité et de guerre des prix ;
ou qui, à coup de différenciation du produit, sont capables de ren-
verser les avantages naturels » (Engelhard, 1996, p. 104).
Jamais peut-être autant qu'en cette fin de siècle, la mondiali-
sation de l'économie n'a généré une telle concentration économique
entre quelques multinationales qui se partagent, de façon déterri-
torialisée, l'essentiel de la production mondiale (Engelhard, 1996).
Le problème est qu'une telle configuration mondiale de l'économie
ne débouche sur des formes de concurrence entre grandes firmes
qui correspondent à la défense de leurs propres intérêts mais qui
n'iront pas nécessairement dans le sens de l'intérêt général.
De plus, la finance mondiale, dominée par quelques opérateurs
puissants, impose sa logique à la sphère réelle de l'économie, ce qui
explique très largement la croissance économique ralentie actuelle
de certaines régions.
b) La nouvelle micro-économie
Cette nouvelle micro-économie va essayer de lever, au moins
partiellement, les hypothèses les plus irréalistes du modèle d'équi-
libre général, concernant principalement : l'information des
agents, leurs interactions, les formes d'organisation de l'échange...
On conserve bien sûr les deux axiomes de base du modèle : la ratio-
nalité des agents et le principe de l'individualisme méthodologique.
A partir de là, plusieurs types d'analyses sont repérables :
—la prise en compte de l'asymétrie de l'information des agents
a donné naissance à la théorie des incitations et à la théorie
des contrats ;
- l'étude des interactions stratégiques entre agents s'est
effectuée à travers le développement de la théorie des jeux ;
—les formes d'organisation de l'échange donneront naissance à
la théorie des coûts de transaction (Coase, Williamson).
Il n'est pas question ici de rendre compte de l'ensemble de ces
travaux. Nous nous contenterons de présenter les principes
d'analyse de la micro-économie des contrats qui nous semble la
plus apte à renouveler les analyses micro-économiques tradition-
nelles du sport.
D'après B. Guerrien (1996), ces modèles ne comportent qu'un
nombre restreint d'agents (souvent deux) qui négocient le prix
d'un bien ou les conditions d'un contrat, souvent dans une
situation d'asymétrie d'information. Nous présenterons les notions
fondamentales utilisées dans cette approche qui permettront de
mieux caractériser certains types de transactions en matière
sportive.
Cette théorie est devenue dans les années 70 un des champs de
réflexion privilégiés des micro-économistes qui vont essayer de
l'appliquer à de multiples domaines d'activités. B. Guerrien
(1996) explique cet engouement par l'apparition d'une véritable
«industrie des contrats». La plupart des acteurs de la vie
économique vont progressivement contractualiser toutes leurs
relations✓:
—l'Etat avec bon nombre de partenaires (villes, régions...) ;
—les entreprises avec leurs salariés ou entre elles ;
—les consommateurs avec les producteurs ou les prestataires
de services (contrats d'après-vente, d'entretien, d'assu-
rances...).
On pourrait multiplier les exemples, la société peut bien être
vue comme un ensemble d'agents (publics et privés) qui nouent
entre eux un certain nombre de contrats. La théorie ensuite va
essayer de rendre compte du fait que, la plupart du temps, les con-
trats s'élaborent dans un contexte d'asymétrie d'information, une
partie étant mieux informée que l'autre, mais ceci dans un cadre
institutionnel donné (Baudry, 1995). Les contrats qui se nouent
entre acteurs sont en effet plus ou moins formels et de ce fait lient
les parties de manière plus ou moins contraignante. Les principales
caractéristiques des contrats sont les suivantes (Salamié, 1995) :
—Complétude
On entend ici que toutes les variables qui peuvent avoir une
influence sur le déroulement du contrat jusqu'à son terme
ont été prises en considération. On fait l'hypothèse (très
forte) qu'il ne peut y avoir d'imprévu, quelles que soient les
modifications de l'environnement de la relation contrac-
tuelle.
- Engagement
Il s'agit de mesurer le degré d'engagement des parties à ne pas
modifier les clauses d'un contrat signé pendant un temps plus
ou moins long. Cette donnée est importante à connaître pour
les parties au moment de la signature, tant elle conditionne la
transparence des relations réciproques.
—Incomplétude
Certaines variables et leur impact ne sont pas pris en compte
pour de multiples raisons : coût excessif, évaluation de
l'impact difficile voire impossible, probabilité de survenance
d'un événement (remettant en cause le contrat) impossible à
estimer.
—Renégociation
Quand les contrats sont incomplets, la renégociation s'impose
si besoin.
Pour présenter l'essentiel de la théorie des contrats, nous
reprendrons à nouveau la synthèse qu'en a donnée B. Salamié
(1995) :
• Sélection adverse
Parmi les parties à l'échange, l'une possède une information
privée à laquelle les autres n'ont pas accès. Un exemple typique est
celui de la société d'assurances qui veut placer des contrats d'assu-
rance-vie mais ne connaît pas l'état de santé réel de ses clients :
—si elle tarifie ses contrats par rapport au risque moyen (espé-
rance mathématique), elle va perdre les clients en bonne
santé qui trouveront le prix trop élevé et attirer les clients en
plus mauvaise santé séduits par un tarif relativement bas.
« D'où l'origine du terme de sélection adverse : sans le
chercher, l'assureur a sélectionné ses assurés dans la popu-
lation et le résultat est contraire à ses espérances » (Salamié,
1995, p. 6) ;
—la solution consiste à proposer plusieurs types de contrats et
à laisser les assurés choisir librement l'un d'entre eux (auto
sélection).
Un autre exemple typique est donné par le marché des voitures
d'occasion sur lequel il y a bien asymétrie d'information entre le
vendeur qui connaît la qualité réelle de son véhicule et l'acheteur
qui ne la connaît pas mais qui sait néanmoins que le vendeur la
connaît. Comme dans le cas de l'assurance, le marché risque d'être
inefficient, l'asymétrie d'information entre les parties générant la
méfiance et le refus d'achat de la part de l'acheteur. La solution
consiste ici dans la mise en place d'un système de garanties.
D'un point de vue théorique, des modèles ont été construits sur
la base de telles situations qui mettent toujours en relation deux
agents : la partie informée souvent dénommée Agent et la partie
non informée, le Principal. (B. Guerrien (1996) parle, lui, de Man-
dataire et Mandant).
« Le but du Principal est de proposer à l'Agent un contrat qui
soit acceptable pour ce dernier et qui aboutisse à l'utilité maximale
(ou aux profits maximaux) pour le Principal » (Salamié, 1995,
p. 8).