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La fracturation hydraulique est une technique utilisée pour l’extraction du pétrole et du gaz naturel.

Elle
permet de libérer de certaines formations géologiques des ressources qui seraient sinon irrécupérables.
La technique consiste à injecter sous haute pression dans le sol un mélange d’eau et additifs afin de
créer des microfractures dans la roche. Les hydrocarbures peuvent alors s'écouler par ces fractures
jusqu'à un puits de forage. Cette méthode est devenue controversée parce qu’avec les activités de
forage qui lui sont associées, elle pourrait menacer la nappe phréatique, les eaux de surface, la qualité
de l'air et d'autres composantes de l'environnement. Utilisée couramment sur les champs de pétrole de
l’Alberta depuis les années 1970, cette pratique s’est largement répandue au cours du début de ce siècle.
Elle a notamment accompagné plusieurs ruées sur le gaz en Colombie-Britannique et en Saskatchewan
mais elle fait l’objet d’une résistance dans plusieurs autres provinces.

Description

La fracturation hydraulique (ou hydrofracturation) consiste à injecter sous des pressions extrêmes de
l’eau mélangée à des additifs dans des formations rocheuses contenant du pétrole ou du gaz afin de
créer de minuscules fractures à travers lesquelles les hydrocarbures peuvent s’écouler plus facilement
que dans la matrice rocheuse intacte. L’effet a été comparé à celui de l’impact d’un marteau sur un
pare-brise : la roche ne bouge pas mais elle devient le siège d’un réseau de petites fissures. Les puits de
pétroles « stimulés » de cette façon produisent 75 p. cent plus de brute que les puits non traités. Ce
procédé est souvent appliqué pour extraire le gaz contenu dans les schistes argileux (une roche
sédimentaire qui s’est formée au fond des anciens plans d'eau et que l’on retrouve maintenant dans de
nombreuses régions). Il faut parfois y avoir recours plusieurs fois avant que le puits puisse entrer en
production. Dans la région de la rivière Horn, dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique, les puits ont
par exemple été fracturés au moins 20 fois avant que le gaz ne commence à être recueilli. Lors de la
dernière ruée vers les hydrocarbures, qui a commencé autour de 2005, la fracturation a permis
d’extraire le gaz naturel emprisonné dans les pores microscopiques de roches 50 fois moins perméables
que du béton. Plus de 2,5 millions de puits ont ainsi été fracturés dans le monde entier et plus de 200
000 au Canada, dont plus des trois quarts sont situés en Alberta.

Développement industriel

Démontrée pour la première fois en 1947, la fracturation a depuis gagné en puissance et en précision.
Dans les années 1950, le procédé faisait appel à des pompes qui étaient moins puissantes qu’une
camionnette pour pousser quelques milliers de litres d’eau et de sable au fond d’un puits vertical.
Aujourd’hui, on peut compter sur une puissance égale à celle de six locomotives pour forcer 50 millions
de litres d’eau en une seule fois à travers un puits. Des additifs sophistiqués permettent de rendre l’eau
plus glissante, empêchent la multiplication des bactéries et maintiennent ouvertes des milliers de
fissures qui font jusqu'à 3 mm de largeur et 100 m de long et qui se forment dans la roche ébranlée plus
d'un kilomètre sous terre.

La fracturation s’est imposée comme un tournant durant la première décennie du 21e siècle lorsque l’on
commença à l’appliquer à grande échelle avec une autre technique dite du « forage horizontal ». Le
forage horizontal signifie que les puits ne descendent plus verticalement dans les couches de schiste
riches en gaz. Le trépan est orienté sur le côté pour forer sur des kilomètres au milieu du dépôt. De
multiples puits forés de cette manière rayonnent sous terre comme les pétales d'une marguerite,
permettant aux sociétés d'exploitation de fracturer des centaines d'hectares de schiste à partir d'une
même plateforme de forage.

La précision croissante du forage horizontal, combinée aux avancées technologiques permettant de


contrôler l’emplacement de chaque fracture, a transformé les paramètres économiques de la
récupération du gaz de schiste.

Marché en pleine croissance

Les leaders politiques et économiques du Canada et des États-Unis annoncent la hausse de


l'approvisionnement en gaz naturel. Les dirigeants des États-Unis voient dans le gaz de schiste une
source d’énergie nationale en pleine expansion qui leur a permis de réduire la dépendance de leur pays
vis-à-vis du pétrole importé et de diminuer les émissions de polluants troposphériques et de gaz à effet
de serre en se substituant au charbon dans les centrales thermiques. Au Canada, le premier ministre
Stephen Harper considère le gaz naturel comme une des ressources naturelles qui font du Canada une «
superpuissance énergétique » tandis que la première ministre de Colombie-Britannique, Christy Clark, a
construit la stratégie économique de sa province autour des exportations de gaz naturel. Plusieurs
provinces, notamment le Nouveau-Brunswick, délivrent des permis aux sociétés qui veulent explorer le
sous-sol à la recherche du gaz de schiste tandis que la Chine, la Pologne et d’autres pays exploitent eux-
mêmes les dépôts de schiste situés sur leur territoire. L’Agence internationale de l'énergie a annoncé un
nouvel « âge d’or » pour le gaz.

La vague industrielle associée à la fracturation pour l’extraction du pétrole et du gaz naturel s’est
traduite par la production de grandes quantités des deux produits sur le marché nord-américain depuis
le début du nouveau millénaire. Les champs épuisés du Texas et de l’Alberta ont été réactivés et de
nouveaux puits ont été forés dans l’Ohio, en Pennsylvanie, dans le Dakota du Nord et en Colombie-
Britannique. La quantité de gaz extraite du schiste fracturé est aujourd’hui si grande qu’un excès
constant de l’offre a fait chuter de moitié les prix de ces produits sur le marché nord-américain entre la
première et la deuxième décennie du nouveau siècle. Le pétrole produit à l’aide de cette technique dans
les plaines des États-Unis a saturé la capacité des pipelines et obligé les producteurs à l’expédier par
chemin de fer (le train fou qui a explosé dans la ville de Lac Mégantic, au Québec, en juillet 2013,
transportait du pétrole extrait du schiste de Bakken dans le Dakota du Nord).

Controverse

Les sociétés qui offrent des services de fracturation hydraulique déclarent de manière catégorique que
la pratique ne pose aucun risque pour l’eau douce qui se trouve habituellement dans les 300 premiers
mètres sous la surface. Des milliers de mètres et plusieurs couches de roches imperméables séparent
ces eaux souterraines des zones d’exploitation du pétrole et la plupart des études suggèrent qu’il est
donc improbable que l’hydrofracturation d’une formation profonde de schiste puisse par elle-même
contaminer un puits d’eau en surface.

Néanmoins, les critiques estiment inquiétant que des sociétés aient reçu l’autorisation de garder secrète
la nature des produits chimiques qu’elles mélangent à l’eau pour préparer le fluide de fracturation. Ce
qui relevait jusqu’alors de la protection coutumière a été officialisé aux États-Unis en 2005, lorsque le
vice-président Richard (Dick) Cheney a exempté la pratique des exigences de divulgation aux termes du
Safe Drinking Water Act de ce pays. Avant son élection, Dick Cheney était président-directeur général
d’Halliburton Co., le plus grand fournisseur au monde de services de fracturation hydraulique. Des
chercheurs qui ont tenté de percer les secrets de l’industrie sont cependant parvenus à identifier dans
les échantillons de fluide de fracturation des centaines de produits qui pourraient présenter des risques
pour la santé humaine.

Sans compter que la fracturation de la roche ne représente qu’une petite partie des activités menées sur
plusieurs mois et 24 h sur 24 dans le cadre de l’exploitation des puits de pétrole ou de gaz, et sans parler
des efforts intenses déployés tout au long de l’année sur les champs importants. Les gens qui vivent à
proximité des zones d’exploitation du gaz se sont plaints de souffrir d’étourdissements, de maux de tête,
de démangeaisons, de saignements du nez, de troubles de la concentration et du sommeil ainsi que du
bruit et de la poussière générés par le passage des lourds camions. Des exploitants de ranch considèrent
que la mort de certaines de leurs têtes de bétail est liée à la présence d’opérations de fracturation à
proximité de leur exploitation. Certains sismologues suspectent qu’il existe un lien entre cette activité et
les séismes dans les zones où les liquides de fracturation usés (plus de la moitié du mélange injecté dans
les puits finit par remonter à la surface) ont été réinjectés dans le sous-sol pour s’en débarrasser.
Gasland, un documentaire de 2010 sur l’impact des développements gaziers sur les habitants et les
communautés a été nommé pour un oscar bien que sa véracité ait été contestée par l’industrie.

Protestations canadiennes

En 2011, Jessica Ernst, biologiste et ancienne conseillère spécialiste des champs pétrolifères, a poursuivi
en justice l’organisme de réglementation de l’Alberta et Encana Corp., une société gazière basée à
Calgary. Elle les accusait de ne pas encadrer correctement les opérations de fracturation à faible
profondeur sur des sites gaziers situés à proximité de chez elle et d’avoir contaminé son puits d’eau avec
des gaz inflammables. Ernst a appuyé ses accusations en montrant des images spectaculaires de
flammes jaillissant de l’eau d’un puits.

En octobre 2013, cinq voitures de police ont été incendiées et 40 personnes ont été arrêtées près de
Rexton, dans le Nouveau-Brunswick, au cours d’un rassemblement anti-fracturation et d’une
manifestation contre le gaz de schiste et son exploration dans la province. Un mois plus tard, le plus
grand syndicat canadien du secteur privé, UNIFOR (anciennement « Travailleurs canadiens de
l'automobile » et le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier), qui représente
plus de 300 000 membres, a demandé l’instauration d’un moratoire national sur la fracturation. Le
groupe mettait en avant plusieurs préoccupations, notamment en ce qui concerne la pollution de l’eau
souterraine par les produits chimiques et le gaz, l’émission de gaz à effet de serre, l’impact des
infrastructures pétrolières et gazières (routes, pipelines et plateformes de forage) sur le paysage et la
sécurité des travailleurs dans des conditions dites de « ruée vers l’or ».

Réponse de l’industrie

L’industrie et les organismes de réglementation ont commencé à répondre aux préoccupations


formulées par les opposants. Les sociétés de services se tournent vers des sources d’eau non potable et
recyclée au lieu d’employer de l’eau douce et abandonnent progressivement l’usage des additifs
toxiques en adoptant d’autres produits qui sont aussi utilisés dans les hôpitaux, les habitations et même
les aliments (additifs alimentaires). Les organismes de réglementation des États et des provinces (le
gouvernement fédéral ne régit pas la fracturation hydraulique, ni au Canada, ni aux États-Unis) ont exigé
une transparence accrue concernant la composition des fluides de fracturation. De même, l’Association
canadienne des producteurs pétroliers a publié des directives à l’attention des sociétés spécialisées dans
la fracturation qui prévoient la divulgation publique des ingrédients chimiques utilisés.
Il se peut cependant que ces améliorations ne soient pas suffisantes pour apaiser les critiques. Les
porte-parole de l’industrie et des organismes de réglementation conviennent que les produits chimiques
ou le gaz naturel peuvent fuir près du sommet de la colonne de forage lorsque les puits ne sont pas
correctement cimentés ou scellés, et que des contaminants peuvent alors atteindre la surface en
s’infiltrant dans l’espace compris entre le tubage du puits et les parois du forage. La volonté générale de
minimiser les coûts d’exploitation alors que le prix du gaz reste bas sur les marchés – en partie,
ironiquement, à cause du surplus causé par la généralisation de la fracturation – peut cependant
encourager les raccourcis. Sans compter que les organismes représentant les provinces ou les États sont
rarement sur place pour exiger que les meilleures pratiques soient adoptées et mises en œuvre. Les
préoccupations concernant les aspects sanitaire, environnemental et sécuritaire n’étant pas apaisées,
des moratoires provinciaux sur la fracturation ont été instaurés au Québec et à Terre-Neuve et Labrador.

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