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Sonde atomique tridimensionnelle

par Didier BLAVETTE


Professeur à l'Université de Rouen
Membre de l'Institut Universitaire de France
et Alain MENAND
Professeur à l'Université de Rouen
Directeur de l'URA CNRS 808

1. Limites de la sonde atomique classique ............................................ PE 902 - 2


2. Sondes atomiques 3D.............................................................................. — 3
2.1 PoSAP............................................................................................................ — 4
2.2 Optical Atom Probe ...................................................................................... — 5
2.3 Sonde atomique tomographique................................................................ — 6
3. Performances et applications ............................................................... — 7
3.1 Quantitativité des mesures.......................................................................... — 7
3.2 Résolution spatiale ....................................................................................... — 8
3.3 Analyse de petites particules finement dispersées ................................... — 9
4. Conclusion .................................................................................................. — 9
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. PE 902

L e microscope ionique à effet de champ et la sonde atomique sont des instru-


ments d’observation et de nanoanalyse dont l’importance s’est beaucoup
accrue durant les quinze dernières années. Associés systématiquement, ils sont
largement utilisés en sciences des matériaux.
Toutes les sondes classiques sont maintenant équipées d’un dispositif
compensateur d’énergie permettant d’atteindre une résolution en masse M/
∆M ≈ 2 000. Les progrès des systèmes électroniques et informatiques d’acquisi-
tion autorisent l’utilisation de fréquences de répétition des impulsions d’évapo-
ration plus élevées, de 100 Hz jusqu’à 300 Hz. Ces perfectionnements permettent
d’obtenir plus facilement des résultats quantitatifs en réduisant certains arte-
facts comme les recouvrements isotopiques ou encore les phénomènes d’éva-
poration préférentielle. Cependant ces améliorations n’entraînent pas de
changement qualitatif majeur quant aux informations auxquelles la sonde ato-
mique conventionnelle permet d’accéder.
En 1989, une toute nouvelle génération de sonde atomique est apparue avec
les sondes atomiques tridimensionnelles. Ces instruments utilisent des détec-
teurs à localisation spatiale. Une sonde atomique tridimensionnelle (3D) per-
met de reconstruire le volume analysé, atome par atome, en donnant la nature
des atomes et leurs positions dans l’espace à quelques angströms près
(1 Å = 10–1 nm).

Les principes ainsi que les principales applications du microscope ionique à effet de champ et
de la sonde atomique sont décrits dans l’article [P 900] de ce traité.

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SONDE ATOMIQUE TRIDIMENSIONNELLE ___________________________________________________________________________________________________

■ La deuxième conséquence - résolution latérale fixée par la taille


1. Limites de la sonde du détecteur - conduit à un compromis quant au choix de la surface
atomique classique d’analyse (surface du détecteur projeté à la surface de l’échantillon).
Le choix d’une petite surface d’analyse (0,5 nm de diamètre par
exemple), assez proche de la résolution latérale intrinsèque, conduit
à des fluctuations d’échantillonnage considérables car le nombre
Dans une sonde atomique, un atome de l’échantillon, lorsqu’il
d’atomes recueillis par couche atomique devient ridiculement petit
s’évapore par effet de champ sous forme d’ion, porte deux informa-
(quelques atomes). Le risque est alors de cacher la majeure partie
tions essentielles, par sa vitesse et par sa trajectoire. La vitesse de
des informations contenues dans les profils de concentration par les
vol v est liée au rapport masse sur charge de l’ion. La mesure du
inévitables fluctuations d’échantillonnage statistiques. À l’inverse,
temps de vol entre l’échantillon et un détecteur permet de détermi-
le choix d’une « grande » surface d’analyse implique une dégrada-
ner v donc M/n [P 900, équation 5] donnant ainsi accès à la connais-
tion de la résolution spatiale latérale. Il peut en effet être facilement
sance de la nature chimique de l’atome évaporé.
montré que le produit de l’incertitude ∆C sur la mesure de concen-
Dans une sonde atomique, comme dans un microscope ionique, tration par la résolution spatiale ∆ x est constant puisque :
les ions accélérés par le champ électrique forment une image proje-
tée de la surface de l’échantillon (figure 1). La connaissance de la ∆C ∼ σ ∼1⁄ N
position de l’impact de l’ion sur le détecteur permet de déterminer la
position qu’occupait initialement l’atome avant son départ depuis la et N ∼ Φ a2 ∼ ∆ x 2
surface de l’échantillon.
donc ∆ C á ∆ x = Cte
avec N nombre d’ions pour lequel la mesure de C est
Détecteur effectuée,
M1 σ écart-type de mesure,
M2
Φa diamètre de la zone analysée
Échantillon M3

D
2. Sondes atomiques 3D
Volume
analysé Les limites des sondes conventionnelles ont conduit à l’émer-
L gence d’une nouvelle génération d’appareils, les sondes atomiques
3D [1]. Ces sondes utilisent des détecteurs à localisation spatiale.
Figure 1 – Principe d’une analyse en sonde atomique
Elles permettent de reconstituer le volume analysé atome par atome
avec une résolution spatiale ultime de quelques angströms. Le
découplage : surface d’analyse - résolution latérale autorise une
plus grande surface d’analyse et donc un plus grand volume analysé
La résolution spatiale à la surface de l’échantillon ou résolution (20 × 20 × 100 nm3 par exemple).
spatiale latérale n’est intrinsèquement limitée que par les aberra-
Les défauts et qualités des sondes 3D sont intrinsèquement liés
tions de trajectoire des ions lors des premiers nanomètres de vol.
aux propriétés du détecteur spatial bidimensionnel choisi. Trois ins-
Les aberrations sont dues à l’environnement local immédiat de
truments différents ont été ainsi récemment conçus : le PoSAP
l’atome s’évaporant ; elles conduisent à une imprécision latérale de
(Position Sensitive Atom Probe), l’OAP (Optical Atom Probe) et le
quelques angströms pour la trajectoire de l’ion par rapport à son
TAP (Tomographic Atom Probe ou Sonde Atomique Tomographi-
point de départ.
que).
L’utilisation, dans les sondes atomiques classiques, de détecteurs
insensibles à la position des impacts conduit à une perte partielle de
l’information contenue dans les vagues d’ions évaporés quittant
l’échantillon (figure 1). Cela a plusieurs conséquences importantes. 2.1 PoSAP
La perte de l’information de position latérale (x, y) transforme une
analyse au départ tridimensionnelle en une analyse monodimen-
sionnelle selon l’axe de la pointe (z) [P 900, figure 12]. En outre, c’est Le PoSAP est la première sonde atomique 3D [2]. Le détecteur
maintenant la taille du détecteur lui-même qui fixe la résolution spa- bidimensionnel utilisé (figure 2) comprend deux galettes de micro-
tiale latérale, dans la mesure où la zone d’analyse a toujours une canaux de 70 mm de diamètre placées 10 mm devant une anode à
taille supérieure aux aberrations. localisation (Wedge and Strip Anode, WSA). Cette WSA [3] est cons-
tituée de trois électrodes indépendantes repérées S, W et Z sur la
■ La première conséquence - analyse monodimensionnelle - con- figure 3.
duit à décrire le matériau analysé par des profils de concentration La traduction littérale de Wedge and Strip Anode, anode à coins et bandes, n'est pas
[P900, figures 12 et 13]. L’information contenue dans ces profils de heureuse. WSA est le terme usuel pour décrire ce type d'anode.
concentration est très souvent réductrice de la réalité puisque les L’électrode S est un réseau de bandes conductrices (strip) dont la
signaux de composition obtenus correspondent à la projection largeur croît de façon linéaire dans la direction x. L’électrode W est
d’une microstructure en trois dimensions le long d’un axe, celui du un réseau d’électrodes de forme triangulaire (wedge) ; l’aire de cette
cylindre d’analyse. Des déconvolutions spatiales sont souvent électrode croît donc linéairement dans la direction y. Enfin, l’élec-
nécessaires pour accéder aux véritables grandeurs (compositions, trode Z couvre la surface libre entre les électrodes S et W. L’arrivée
tailles, longueurs de corrélation) lorsque les dimensions impliquées d’un ion sur le détecteur produit un faisceau d’électrons qui est foca-
sont faibles (de l’ordre de grandeur de la surface d’analyse), lorsque lisé sur la WSA ; la charge est ainsi divisée entre les trois électrodes
la microstructure est complexe (structures percolées) ou simple- S, W et Z. La mesure de la charge collectée sur chacune d’entre elles
ment lorsque l’objet analysé (précipité sous forme de plaquette, permet de calculer le barycentre de la tache électronique et d’esti-
joint de grains) n’est pas traversé perpendiculairement. mer la position de l’impact sur le détecteur. L’aire irradiée de l’élec-

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cause des impacts multiples est difficile à évaluer. De ce fait, l’éta-


GMC WSA lonnage en z (profondeur d’analyse) peut être plus ou moins arbi-
Échantillon
traire.

+V
W
S C
2.2 Optical Atom Probe
A
Z N
Son principe [4] s’inspire en grande partie de celui de la sonde à
images de désorption filtrées développée par Panitz [P 900, § 2.2.2].
ns
L’échantillon est situé à 15 cm du détecteur (figure 4) ; ce détec-
teur comprend deux galettes de microcanaux de 75 mm de diamètre
CAN convertisseur analogique- numérique placées devant un écran de visualisation. Une caméra CCD (Charge
GMC galette de microcanaux Coupled Device) (256 × 256 pixels), interfacée à l’écran par l’intermé-
diaire d’un réducteur optique, permet d’enregistrer la trace des
Figure 2 – Principe du Position Sensitive Atom Probe (PoSAP) impacts sur cet écran.

S Écran de
visualisation
Réducteur
QS optique
Échantillon

+V
Z QZ

GMC Caméra
y CCD

QW ns
x
W
Figure 4 – Principe de l’Optical Atom Probe (OAP)
Figure 3 – Principe d’une Wedge and Strip Anode (WSA)

trode S (respectivement W) variant de façon linéaire avec x Les ions, évaporés de l’échantillon sur des impulsions haute ten-
(respectivement y), les coordonnées X et Y de l’impact se déduisent sion, volent jusqu’au détecteur. Comme dans une sonde conven-
des relations : tionnelle, leur nature est identifiée par spectrométrie de masse à
temps de vol. De plus, le signal dérivé de l’impulsion d’évaporation
2Q S 2Q W déclenche l’ouverture de la caméra CCD qui peut ainsi coder la posi-
X = ------------------------------------
- et Y = ------------------------------------
- tion des impacts sur l’écran. Malheureusement, le temps de lecture
QS + Q W+ Q Z Q S+ QW + QZ
des positions enregistrées par la caméra CCD est important et, selon
où QS , QW et QZ sont les charges mesurées sur les électrodes S, W le nombre et la nature des ions reçus sur une même impulsion, des
et Z respectivement. informations peuvent être perdues. On peut distinguer trois cas :
— un seul ion est évaporé sur l’impulsion : la nature et la position
La mesure de ces trois charges est assurée par des préamplifica- de l’ion sont alors connues sans ambiguïté. En outre, compte tenu
teurs de charge suivis de convertisseurs analogique-numérique en du grand nombre de pixels de la caméra CCD (256 × 256), la position
synchronisme avec l’arrivée de l’ion. C’est le signal de temps de vol de l’ion est connue avec une très grande précision ;
à la sortie des galettes de microcanaux qui déclenche l’ouverture — plusieurs ions de même temps de vol sont évaporés sur la
des fenêtres d’intégration des charges. On connaît alors la nature et même impulsion : le signal de temps de vol donne la nature des
la position de l’ion à la surface de l’échantillon et il est possible, ions, l’image numérisée par la caméra CCD permet de les dénom-
après une analyse, de dresser un cartogramme de la distribution des brer. Contrairement au PoSAP, l’OAP permet donc de détecter plu-
atomes à la surface de l’échantillon. sieurs ions en même temps ;
Le détecteur choisi pour réaliser le PoSAP a un avantage - sa sim- — malheureusement le système est mis en défaut lorsque des
plicité - et deux inconvénients majeurs. Le premier est qu’il n’est ions de temps de vol différents sont évaporés sur une même impul-
sensible qu’à un impact à la fois. Lorsque deux ions de même temps sion. C’est un cas extrêmement fréquent. Considérons le cas simple
de vol arrivent sur le détecteur, un seul est détecté (masquage isoto- où deux ions sont évaporés : bien que deux positions et deux temps
pique). Dès lors, la mesure des compositions est faussée. Deuxième de vol soient effectivement mesurés, il est impossible de corréler
inconvénient, la position calculée est fausse puisqu’elle correspond ces deux positions aux deux temps de vol mesurés, puisque la
grossièrement au barycentre des positions de chaque impact. caméra CCD n’enregistre aucune information temporelle.
Ainsi le PoSAP permet d’obtenir des images 2D de la répartition Comme le PoSAP, l’OAP repose sur un principe extrêmement sim-
des différents atomes à la surface de l’échantillon. Mais, comme ple. Mais comme le PoSAP, l’OAP ne peut être un instrument quan-
nous venons de l’expliquer, le choix d’un détecteur spatial fonda- titatif. Bien qu’il autorise la détection d’événements simultanés, il
mentalement mono-impact ne permet pas d’obtenir des images est incapable de détecter des ions de temps de vol différents sur la
réellement quantitatives. De plus les reconstructions 3D à partir même impulsion. Là encore, le flux d’évaporation doit être main-
d’images 2D sont délicates car le nombre d’ions non détectés à tenu à une valeur si faible que l’analyse quantitative d’un matériau

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est souvent irréalisable en raison des phénomènes d’évaporation


préférentielle assistée par la chimisorption de gaz [P 900, § 3.5]. y Qr y Qr

2.3 Sonde atomique tomographique


I I
O x O x
Comme nous venons de l’expliquer, l’obtention d’images tridi-
mensionnelles réellement quantitatives nécessite l’utilisation d’un
multidétecteur à localisation spatiale. Le principe de la sonde atomi-
que tomographique repose sur l’emploi d’un multidétecteur spatial
sensible à des impacts multiples qu’ils soient simultanés ou non [5].
Il comprend deux galettes de microcanaux (GMC) placées devant un Ql Ql
réseau carré de 10 × 10 anodes indépendantes (figure 5). Chaque 1 anode
anode possède sa propre chaîne de mesure analogique des charges. a b
L’arrivée d’un ion crée, à la sortie des GMC, un nuage d’électrons qui Les coordonnées (x,y ) de l'impact d'ion I sont déduites des charges
irradie le réseau d’anodes. La mesure de la répartition spatiale de la électroniques recueillies sur la multianode. La tache électronique produite par
charge entre les quelques anodes irradiées permet de calculer la les galettes irradie plusieurs anodes.
position de l’impact sur le détecteur. Chaque anode et son électroni- a Lorsque la charge de droite (Qr , zone bleue) est égale à celle de gauche
que associée étant indépendante, plusieurs impacts peuvent être (Ql), l'abscisse de I par rapport à la référence locale ( Oxy ) est x = 0. Pour
localisés en même temps. chaque valeur de la charge réduite qx = Qr / Qt (avec Qt = Qr + Q l), on peut
associer et calculer une valeur unique de x.
b q > 1/2 et donc x > 0
Figure 6 – Calcul de la position des impacts des ions

dans ces conditions que la plupart des impulsions communiquées à


l’échantillon produisent entre 0 et 8 ions (avec des probabilités
décroissantes entre 1 et 8). La probabilité d’en avoir davantage est
Détecteur très faible (< 0,001). Ces ions pouvant être de nature différente
spatial (espèces, isotopes différents), la possibilité d’enregistrer jusqu’à 8
temps de vol distincts a été prévue. Pour chacun des temps de vol,
la distribution des charges électroniques sur la multianode est
M3 M2 M1 mesurée. Plusieurs impacts (2, 3…) simultanés peuvent être locali-
Échantillon sés indépendamment pour chacun de ces temps. Jusqu’à 800 char-
ges sont donc enregistrées pour chacune des impulsions
d’évaporation (8 temps, environ 100 charges par temps de vol). Pour
+V une fréquence de répétition de ces impulsions voisine de 100 Hz, on
aboutit à quelques centaines de milliers d’atomes enregistrés par
heure.

ns 3. Performances et
Figure 5 – Principe de la sonde atomique tomographique
applications
Nous avons souligné au paragraphe 1 les limites de la sonde ato-
La figure 6 illustre le calcul de la position des impacts des ions. En mique classique, qui ont, pour une large part, motivé la conception
mesurant les quantités de charges recueillies sur la multianode, la des sondes tridimensionnelles. Nous allons illustrer les performan-
position du barycentre du spot d’électrons, et donc de l’impact, peut ces de ce nouvel instrument en sciences des matériaux au travers de
être calculée. De manière générale, pour chacune des valeurs res- quelques résultats obtenus à l’issue d’analyses effectuées avec la
pectives des charges à droite Qr et à gauche Ql de l’axe Oy, il est sonde tomographique.
possible de calculer la position correspondante [5].
Le même principe est appliqué pour la position verticale (y). Il est
ensuite aisé de passer de ces coordonnées relatives aux valeurs
absolues en prenant en compte la position du centre (O) du système
3.1 Quantitativité des mesures
de références local x Oy. De la position des impacts sont ensuite
déduites les coordonnées de chacun des atomes évaporés.
L’image tridimensionnelle présentée sur la figure 7 est le résultat
Ainsi la position de chacune des espèces chimiques est calculée de l’analyse d’un superalliage à base nickel (CMSX2). Cet alliage
pour chaque couche atomique évaporée. Couche après couche, une contient de gros précipités cuboïdaux (taille ≈ 0,45 µm) riches en
reconstruction en trois dimensions du volume exploré est alors pos- aluminium (phase γ ’) dispersés dans une matrice riche en chrome
sible. La troisième dimension relative à la profondeur (z) est obtenue (phase γ). La fraction volumique des précipités est voisine de 70 %
à partir du nombre de couches atomiques évaporées, c’est-à-dire en [6]. La figure 7 représente la distribution en trois dimensions des
fait à partir du nombre total d’atomes détectés. atomes de chrome (noir) et d’aluminium (gris) rencontrés dans le
Dans les conditions expérimentales habituelles, un ion en volume analysé. Les autres éléments, dont le nickel, ne sont pas
moyenne est reçu par impulsion d’évaporation. L’expérience montre représentés. On voit que, durant l’analyse, deux précipités γ’ et un
couloir de matrice γ ont été traversés. La taille des particules étant

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très supérieure à celle de la surface interceptée par le détecteur,


seule une portion des précipités est imagée. La largeur du couloir de Natomes
matrice est égale à environ 30 nm. Près de 150 000 atomes ont été
collectés durant l’analyse dont la durée n’a pas excédé une heure et
1200 Ni
demie. Le flux de détection correspond à environ 0,25 ion/impul-
sion. 1000
800
600 Cr Ni

γ
400 Co

200 Al
Cr
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Natomes

1200 Ni
1 nm
1000
800 Al

600
Figure 7 – Distribution en volume des atomes de chrome (en noir) et Ni
400
d’aluminium (en gris) dans un superalliage à base nickel CMSX2
(le nickel n’est pas représenté pour plus de clarté) 200
Co γ'
Al
Ti Cr
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Rappelons que, avec la sonde classique, une acquisition de durée Rapport masse sur charge (u)
comparable conduit à quelques milliers d’atomes au plus. La sur-
face d’analyse (≈ 100 nm2) est en effet environ 100 fois plus faible Figure 8 – Spectres de masse des phases γ et γ’
dans ce cas. Pour obtenir une telle quantité d’informations il faudrait
bien sûr plus de temps mais aussi plusieurs échantillons. Le gain de
temps apporté par la sonde atomique tomographique est donc bien
supérieur à la simple différence des durées d’acquisition. Rappelons
encore que le résultat de l’analyse par sonde classique du même
volume se réduirait à une succession de 150 000 atomes, c’est-à-dire Tableau 1 – Comparaison des mesures de composition de la
à un profil de concentration le long de la direction d’analyse. Le
phase γ’ d’un superalliage à base nickel (CMSX2) avec la
résultat de l’analyse par sonde atomique tomographique est bien
plus riche. On distingue nettement la présence de deux phases et il sonde atomique tomographique et avec une sonde
est possible de sélectionner une région du volume située au cœur classique
d’une phase pour en connaître la composition sans qu’aucune con-
volution n’intervienne. La composition locale dans une région de Concentration
Concentration
taille arbitraire peut être extraite de n’importe quelle zone du mesurée par
mesurée par
volume reconstruit. Il est bien sûr envisageable de tracer un profil de Élément sonde
sonde classique
concentration le long d’une direction quelconque. tomographique
[6]
(at.% ± 2 σ)
La figure 8 représente les spectres de masse relatifs à chacune
des phases γ et γ’ et le tableau 1 donne les compositions mesurées Al 17,4 ± 0,9 16,5
dans la phase γ’. Ces valeurs sont comparées à celles précédem-
Ti 2,1 ± 0,4 1,7
ment mesurées par sonde classique. Les valeurs sont très voisines.
On vérifie ici qu’il est possible d’obtenir des mesures quantitatives Cr 3 ± 0,4 3,8
de composition à un flux de détection égal à 0,25 atome par impul-
Autres (Ni, Co...) 77,5 ± 1 78
sion.

3.2 Résolution spatiale

Une des premières reconstructions tridimensionnelles [7] obte-


nues avec la sonde atomique tomographique est proposée sur la
figure 9. L’analyse a été effectuée sur un alliage à base nickel mono-
cristallin comportant de petits précipités ordonnés riches en alumi-
nium (Ni3Al). La plus grande dimension du volume représenté est
parallèle à l’axe de la pointe et correspond à la direction cristallogra-
phique <001> du monocristal. Seuls les atomes d’aluminium et de
chrome sont représentés. Cette image met clairement en évidence
la présence de petites zones, grossièrement sphériques et riches en
aluminium. Le diamètre des particules est voisin de 7 nm.
La figure 10 présente une vue plus détaillée d’une partie de la
zone analysée. Cette image est vue dans une direction perpendicu-

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3.3 Analyse de petites particules finement


dispersées

L’analyse de systèmes finement décomposés est possible en


sonde atomique classique mais suppose un traitement statistique
des profils de concentration [P 900, § 3.6]. Par exemple l’étude d’un
Al alliage comportant de petits précipités permet d’obtenir à partir des
1 nm Cr profils de concentration la taille des particules, la distance moyenne
entre particules, la fraction volumique précipitée. Cependant le trai-
tement des profils obtenus en sonde classique nécessite une hypo-
Figure 9 – Distribution en volume des atomes de chrome (en gris) thèse cruciale : celle de l’homogénéité en forme, dimension et
et d’aluminium (en noir) d’un superalliage à base nickel composition, des particules. De plus, l’obtention de la composition
(7 × 7 × 60 nm3) [8] réelle des particules peut être problématique et sujette à de grandes
imprécisions lorsque leur taille est voisine de celle de la zone d’ana-
lyse.
laire à l’axe de la pointe, donc sous une incidence parallèle aux La sonde atomique tomographique donne directement l’image
plans atomiques (001). Elle met clairement en évidence l’existence tridimensionnelle de la répartition des atomes dans l’espace sans
d’un empilement périodique de plans riches en aluminium. La dis- hypothèse a priori sur la nature des objets contenus dans le volume
tance entre ces plans, voisine de 0,36 nm, correspond au paramètre analysé. La figure 11 présente par exemple le résultat d’une analyse
cristallin a de l’alliage [environ 20 plans sont observés le long du d’un alliage Fe-1,4 % at. Cu irradié aux neutrons. L’irradiation con-
diamètre du précipité (≈ 7 nm)]. Dans la structure cfc, la distance duit à la formation de petites particules enrichies en cuivre.
entre plans (001) successifs est égale à la moitié du paramètre
(d002 = a/2 = 0,18 nm). L’image reconstruite montre donc l’alter-
nance de plans riches et de plans pauvres en aluminium. Cette
séquence d’empilement des plans (001) est tout à fait caractéristique
de la structure ordonnée L12 des précipités : dans la phase Ni3Al,
l’aluminium occupe les sites de sommet du cube alors que le nickel
est placé sur les centres de face dans la structure cfc. La dispersion
observée dans la position des atomes par rapport au plan idéal est
due aux imprécisions de mesure et aux limites physiques de l’instru-
ment. Ces images montrent que la sonde tomographique est en
mesure de donner des informations à l’échelle de la maille cristal-
line. Les images reconstruites mettent en évidence l’ordre à grande
distance existant dans de petits précipités dont le diamètre est infé-
rieur à 10 nm. Cela démontre que la résolution spatiale en profon-
deur (suivant l’axe de la pointe) est inférieure à 0,2 nm.

1 nm
Ni

Al
Figure 11 – Distribution tridimensionnelle des atomes de cuivre dans
un alliage Fe - 1,4 % at. Cu irradié aux neutrons [9]

L’image tridimensionnelle présentée montre la distribution des


atomes de cuivre dans le volume analysé, une vingtaine de particu-
les riches en cuivre dont la taille est inférieure ou égale à 2 nm sont
visibles. Les informations pertinentes qu’apporte une telle image
sont :
Figure 10 – Vue de côté d’une partie du volume analysé dans une — la taille des particules et leur distribution éventuelle en taille ;
direction perpendiculaire à la direction cristallographique <001> — la forme des particules (ici proche d'un ellipsoïde) et leur orien-
tation dans l'espace ;
— la composition de chaque particule et la dispersion associée ;
— le nombre de particules par unité de volume.
Le résultat tout à fait original ici concerne la composition des par-
ticules qui ne sont pas du cuivre pur comme cela a pu être supposé.
Les particules contiennent du fer et on peut observer des particules

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de composition différente (sur la figure visiblement certaines parti-


cules comportent moins de cuivre que d’autres). Une autre informa-
tion concerne l’orientation des particules (le grand axe de
l’ellipsoïde semble être parallèle au flux de neutrons [9]).
Ce dernier exemple illustre bien les capacités uniques de la sonde
atomique tomographique. Des techniques de diffusion des rayonne-
ments (X, neutrons) peuvent mettre en évidence la présence de peti-
tes particules mais l’interprétation des résultats nécessite la
connaissance a priori de la composition de ces particules et de leur
géométrie, informations auxquelles on accède directement. On
mesure ici toute la richesse des informations fournies par les sondes
tridimensionnelles.

4. Conclusion
Nous avons montré le progrès considérable que représente l’avè-
nement des sondes atomiques tridimensionnelles. Avant de con-
clure sur ce point, il convient de préciser qu’il demeure un domaine
où la sonde atomique classique est encore indispensable, celui de
l’analyse d’éléments en faible concentration (< 0,1 % at.) En effet,
les sondes classiques sont équipées de dispositifs compensateurs
d’énergie (lentilles électrostatiques) qui permettent à la fois l’amé-
lioration de la résolution en masse (M/∆M ≈ 2 000) et la réduction
très importante du bruit de fond ( ≈ 10 ppm at./u). Les sondes atomi-
ques 3D ne sont pas, pour le moment, équipées de tels systèmes
électrostatiques, la qualité de l’image matérielle transférée n’étant
pas suffisante (surtout pour de grands angles d’ouverture).
Le développement des sondes atomiques tridimensionnelles
marque une étape décisive dans le développement des instruments
d’analyse à très haute résolution spatiale. Le progrès réalisé par rap-
port à la sonde atomique conventionnelle est à la fois qualitatif et
quantitatif. Qualitatif d’abord, avec l’apport et la richesse des ima-
ges tridimensionnelles. Quantitatif ensuite, avec la quantité beau-
coup plus importante d’informations recueillies. Une sonde
3D comme la sonde atomique tomographique est équivalente à
100 sondes conventionnelles en parallèle si l’on considère le nom-
bre d’ions collectés ou le volume analysé. Un demi-million d’atomes
sont collectés en quelques heures alors qu’il fallait de nombreux
échantillons et plusieurs semaines d’analyse en sonde convention-
nelle pour obtenir le même résultat. Le fait le plus important n’est
cependant pas cette amélioration quantitative, mais l’obtention
d’une image analytique tridimensionnelle, complètement quantita-
tive, du matériau avec une résolution spatiale de quelques dixièmes
de nanomètre. C’est ainsi une nouvelle approche de la microscopie
et de la microanalyse à l’échelle atomique qui naît en ouvrant de
nouvelles perspectives en sciences des matériaux.

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et caractérisation PE 902 − 7

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