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Les principes ainsi que les principales applications du microscope ionique à effet de champ et
de la sonde atomique sont décrits dans l’article [P 900] de ce traité.
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© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et caractérisation PE 902 − 1
SONDE ATOMIQUE TRIDIMENSIONNELLE ___________________________________________________________________________________________________
D
2. Sondes atomiques 3D
Volume
analysé Les limites des sondes conventionnelles ont conduit à l’émer-
L gence d’une nouvelle génération d’appareils, les sondes atomiques
3D [1]. Ces sondes utilisent des détecteurs à localisation spatiale.
Figure 1 – Principe d’une analyse en sonde atomique
Elles permettent de reconstituer le volume analysé atome par atome
avec une résolution spatiale ultime de quelques angströms. Le
découplage : surface d’analyse - résolution latérale autorise une
plus grande surface d’analyse et donc un plus grand volume analysé
La résolution spatiale à la surface de l’échantillon ou résolution (20 × 20 × 100 nm3 par exemple).
spatiale latérale n’est intrinsèquement limitée que par les aberra-
Les défauts et qualités des sondes 3D sont intrinsèquement liés
tions de trajectoire des ions lors des premiers nanomètres de vol.
aux propriétés du détecteur spatial bidimensionnel choisi. Trois ins-
Les aberrations sont dues à l’environnement local immédiat de
truments différents ont été ainsi récemment conçus : le PoSAP
l’atome s’évaporant ; elles conduisent à une imprécision latérale de
(Position Sensitive Atom Probe), l’OAP (Optical Atom Probe) et le
quelques angströms pour la trajectoire de l’ion par rapport à son
TAP (Tomographic Atom Probe ou Sonde Atomique Tomographi-
point de départ.
que).
L’utilisation, dans les sondes atomiques classiques, de détecteurs
insensibles à la position des impacts conduit à une perte partielle de
l’information contenue dans les vagues d’ions évaporés quittant
l’échantillon (figure 1). Cela a plusieurs conséquences importantes. 2.1 PoSAP
La perte de l’information de position latérale (x, y) transforme une
analyse au départ tridimensionnelle en une analyse monodimen-
sionnelle selon l’axe de la pointe (z) [P 900, figure 12]. En outre, c’est Le PoSAP est la première sonde atomique 3D [2]. Le détecteur
maintenant la taille du détecteur lui-même qui fixe la résolution spa- bidimensionnel utilisé (figure 2) comprend deux galettes de micro-
tiale latérale, dans la mesure où la zone d’analyse a toujours une canaux de 70 mm de diamètre placées 10 mm devant une anode à
taille supérieure aux aberrations. localisation (Wedge and Strip Anode, WSA). Cette WSA [3] est cons-
tituée de trois électrodes indépendantes repérées S, W et Z sur la
■ La première conséquence - analyse monodimensionnelle - con- figure 3.
duit à décrire le matériau analysé par des profils de concentration La traduction littérale de Wedge and Strip Anode, anode à coins et bandes, n'est pas
[P900, figures 12 et 13]. L’information contenue dans ces profils de heureuse. WSA est le terme usuel pour décrire ce type d'anode.
concentration est très souvent réductrice de la réalité puisque les L’électrode S est un réseau de bandes conductrices (strip) dont la
signaux de composition obtenus correspondent à la projection largeur croît de façon linéaire dans la direction x. L’électrode W est
d’une microstructure en trois dimensions le long d’un axe, celui du un réseau d’électrodes de forme triangulaire (wedge) ; l’aire de cette
cylindre d’analyse. Des déconvolutions spatiales sont souvent électrode croît donc linéairement dans la direction y. Enfin, l’élec-
nécessaires pour accéder aux véritables grandeurs (compositions, trode Z couvre la surface libre entre les électrodes S et W. L’arrivée
tailles, longueurs de corrélation) lorsque les dimensions impliquées d’un ion sur le détecteur produit un faisceau d’électrons qui est foca-
sont faibles (de l’ordre de grandeur de la surface d’analyse), lorsque lisé sur la WSA ; la charge est ainsi divisée entre les trois électrodes
la microstructure est complexe (structures percolées) ou simple- S, W et Z. La mesure de la charge collectée sur chacune d’entre elles
ment lorsque l’objet analysé (précipité sous forme de plaquette, permet de calculer le barycentre de la tache électronique et d’esti-
joint de grains) n’est pas traversé perpendiculairement. mer la position de l’impact sur le détecteur. L’aire irradiée de l’élec-
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+V
W
S C
2.2 Optical Atom Probe
A
Z N
Son principe [4] s’inspire en grande partie de celui de la sonde à
images de désorption filtrées développée par Panitz [P 900, § 2.2.2].
ns
L’échantillon est situé à 15 cm du détecteur (figure 4) ; ce détec-
teur comprend deux galettes de microcanaux de 75 mm de diamètre
CAN convertisseur analogique- numérique placées devant un écran de visualisation. Une caméra CCD (Charge
GMC galette de microcanaux Coupled Device) (256 × 256 pixels), interfacée à l’écran par l’intermé-
diaire d’un réducteur optique, permet d’enregistrer la trace des
Figure 2 – Principe du Position Sensitive Atom Probe (PoSAP) impacts sur cet écran.
S Écran de
visualisation
Réducteur
QS optique
Échantillon
+V
Z QZ
GMC Caméra
y CCD
QW ns
x
W
Figure 4 – Principe de l’Optical Atom Probe (OAP)
Figure 3 – Principe d’une Wedge and Strip Anode (WSA)
trode S (respectivement W) variant de façon linéaire avec x Les ions, évaporés de l’échantillon sur des impulsions haute ten-
(respectivement y), les coordonnées X et Y de l’impact se déduisent sion, volent jusqu’au détecteur. Comme dans une sonde conven-
des relations : tionnelle, leur nature est identifiée par spectrométrie de masse à
temps de vol. De plus, le signal dérivé de l’impulsion d’évaporation
2Q S 2Q W déclenche l’ouverture de la caméra CCD qui peut ainsi coder la posi-
X = ------------------------------------
- et Y = ------------------------------------
- tion des impacts sur l’écran. Malheureusement, le temps de lecture
QS + Q W+ Q Z Q S+ QW + QZ
des positions enregistrées par la caméra CCD est important et, selon
où QS , QW et QZ sont les charges mesurées sur les électrodes S, W le nombre et la nature des ions reçus sur une même impulsion, des
et Z respectivement. informations peuvent être perdues. On peut distinguer trois cas :
— un seul ion est évaporé sur l’impulsion : la nature et la position
La mesure de ces trois charges est assurée par des préamplifica- de l’ion sont alors connues sans ambiguïté. En outre, compte tenu
teurs de charge suivis de convertisseurs analogique-numérique en du grand nombre de pixels de la caméra CCD (256 × 256), la position
synchronisme avec l’arrivée de l’ion. C’est le signal de temps de vol de l’ion est connue avec une très grande précision ;
à la sortie des galettes de microcanaux qui déclenche l’ouverture — plusieurs ions de même temps de vol sont évaporés sur la
des fenêtres d’intégration des charges. On connaît alors la nature et même impulsion : le signal de temps de vol donne la nature des
la position de l’ion à la surface de l’échantillon et il est possible, ions, l’image numérisée par la caméra CCD permet de les dénom-
après une analyse, de dresser un cartogramme de la distribution des brer. Contrairement au PoSAP, l’OAP permet donc de détecter plu-
atomes à la surface de l’échantillon. sieurs ions en même temps ;
Le détecteur choisi pour réaliser le PoSAP a un avantage - sa sim- — malheureusement le système est mis en défaut lorsque des
plicité - et deux inconvénients majeurs. Le premier est qu’il n’est ions de temps de vol différents sont évaporés sur une même impul-
sensible qu’à un impact à la fois. Lorsque deux ions de même temps sion. C’est un cas extrêmement fréquent. Considérons le cas simple
de vol arrivent sur le détecteur, un seul est détecté (masquage isoto- où deux ions sont évaporés : bien que deux positions et deux temps
pique). Dès lors, la mesure des compositions est faussée. Deuxième de vol soient effectivement mesurés, il est impossible de corréler
inconvénient, la position calculée est fausse puisqu’elle correspond ces deux positions aux deux temps de vol mesurés, puisque la
grossièrement au barycentre des positions de chaque impact. caméra CCD n’enregistre aucune information temporelle.
Ainsi le PoSAP permet d’obtenir des images 2D de la répartition Comme le PoSAP, l’OAP repose sur un principe extrêmement sim-
des différents atomes à la surface de l’échantillon. Mais, comme ple. Mais comme le PoSAP, l’OAP ne peut être un instrument quan-
nous venons de l’expliquer, le choix d’un détecteur spatial fonda- titatif. Bien qu’il autorise la détection d’événements simultanés, il
mentalement mono-impact ne permet pas d’obtenir des images est incapable de détecter des ions de temps de vol différents sur la
réellement quantitatives. De plus les reconstructions 3D à partir même impulsion. Là encore, le flux d’évaporation doit être main-
d’images 2D sont délicates car le nombre d’ions non détectés à tenu à une valeur si faible que l’analyse quantitative d’un matériau
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ns 3. Performances et
Figure 5 – Principe de la sonde atomique tomographique
applications
Nous avons souligné au paragraphe 1 les limites de la sonde ato-
La figure 6 illustre le calcul de la position des impacts des ions. En mique classique, qui ont, pour une large part, motivé la conception
mesurant les quantités de charges recueillies sur la multianode, la des sondes tridimensionnelles. Nous allons illustrer les performan-
position du barycentre du spot d’électrons, et donc de l’impact, peut ces de ce nouvel instrument en sciences des matériaux au travers de
être calculée. De manière générale, pour chacune des valeurs res- quelques résultats obtenus à l’issue d’analyses effectuées avec la
pectives des charges à droite Qr et à gauche Ql de l’axe Oy, il est sonde tomographique.
possible de calculer la position correspondante [5].
Le même principe est appliqué pour la position verticale (y). Il est
ensuite aisé de passer de ces coordonnées relatives aux valeurs
absolues en prenant en compte la position du centre (O) du système
3.1 Quantitativité des mesures
de références local x Oy. De la position des impacts sont ensuite
déduites les coordonnées de chacun des atomes évaporés.
L’image tridimensionnelle présentée sur la figure 7 est le résultat
Ainsi la position de chacune des espèces chimiques est calculée de l’analyse d’un superalliage à base nickel (CMSX2). Cet alliage
pour chaque couche atomique évaporée. Couche après couche, une contient de gros précipités cuboïdaux (taille ≈ 0,45 µm) riches en
reconstruction en trois dimensions du volume exploré est alors pos- aluminium (phase γ ’) dispersés dans une matrice riche en chrome
sible. La troisième dimension relative à la profondeur (z) est obtenue (phase γ). La fraction volumique des précipités est voisine de 70 %
à partir du nombre de couches atomiques évaporées, c’est-à-dire en [6]. La figure 7 représente la distribution en trois dimensions des
fait à partir du nombre total d’atomes détectés. atomes de chrome (noir) et d’aluminium (gris) rencontrés dans le
Dans les conditions expérimentales habituelles, un ion en volume analysé. Les autres éléments, dont le nickel, ne sont pas
moyenne est reçu par impulsion d’évaporation. L’expérience montre représentés. On voit que, durant l’analyse, deux précipités γ’ et un
couloir de matrice γ ont été traversés. La taille des particules étant
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γ
400 Co
200 Al
Cr
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Natomes
1200 Ni
1 nm
1000
800 Al
600
Figure 7 – Distribution en volume des atomes de chrome (en noir) et Ni
400
d’aluminium (en gris) dans un superalliage à base nickel CMSX2
(le nickel n’est pas représenté pour plus de clarté) 200
Co γ'
Al
Ti Cr
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Rappelons que, avec la sonde classique, une acquisition de durée Rapport masse sur charge (u)
comparable conduit à quelques milliers d’atomes au plus. La sur-
face d’analyse (≈ 100 nm2) est en effet environ 100 fois plus faible Figure 8 – Spectres de masse des phases γ et γ’
dans ce cas. Pour obtenir une telle quantité d’informations il faudrait
bien sûr plus de temps mais aussi plusieurs échantillons. Le gain de
temps apporté par la sonde atomique tomographique est donc bien
supérieur à la simple différence des durées d’acquisition. Rappelons
encore que le résultat de l’analyse par sonde classique du même
volume se réduirait à une succession de 150 000 atomes, c’est-à-dire Tableau 1 – Comparaison des mesures de composition de la
à un profil de concentration le long de la direction d’analyse. Le
phase γ’ d’un superalliage à base nickel (CMSX2) avec la
résultat de l’analyse par sonde atomique tomographique est bien
plus riche. On distingue nettement la présence de deux phases et il sonde atomique tomographique et avec une sonde
est possible de sélectionner une région du volume située au cœur classique
d’une phase pour en connaître la composition sans qu’aucune con-
volution n’intervienne. La composition locale dans une région de Concentration
Concentration
taille arbitraire peut être extraite de n’importe quelle zone du mesurée par
mesurée par
volume reconstruit. Il est bien sûr envisageable de tracer un profil de Élément sonde
sonde classique
concentration le long d’une direction quelconque. tomographique
[6]
(at.% ± 2 σ)
La figure 8 représente les spectres de masse relatifs à chacune
des phases γ et γ’ et le tableau 1 donne les compositions mesurées Al 17,4 ± 0,9 16,5
dans la phase γ’. Ces valeurs sont comparées à celles précédem-
Ti 2,1 ± 0,4 1,7
ment mesurées par sonde classique. Les valeurs sont très voisines.
On vérifie ici qu’il est possible d’obtenir des mesures quantitatives Cr 3 ± 0,4 3,8
de composition à un flux de détection égal à 0,25 atome par impul-
Autres (Ni, Co...) 77,5 ± 1 78
sion.
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1 nm
Ni
Al
Figure 11 – Distribution tridimensionnelle des atomes de cuivre dans
un alliage Fe - 1,4 % at. Cu irradié aux neutrons [9]
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4. Conclusion
Nous avons montré le progrès considérable que représente l’avè-
nement des sondes atomiques tridimensionnelles. Avant de con-
clure sur ce point, il convient de préciser qu’il demeure un domaine
où la sonde atomique classique est encore indispensable, celui de
l’analyse d’éléments en faible concentration (< 0,1 % at.) En effet,
les sondes classiques sont équipées de dispositifs compensateurs
d’énergie (lentilles électrostatiques) qui permettent à la fois l’amé-
lioration de la résolution en masse (M/∆M ≈ 2 000) et la réduction
très importante du bruit de fond ( ≈ 10 ppm at./u). Les sondes atomi-
ques 3D ne sont pas, pour le moment, équipées de tels systèmes
électrostatiques, la qualité de l’image matérielle transférée n’étant
pas suffisante (surtout pour de grands angles d’ouverture).
Le développement des sondes atomiques tridimensionnelles
marque une étape décisive dans le développement des instruments
d’analyse à très haute résolution spatiale. Le progrès réalisé par rap-
port à la sonde atomique conventionnelle est à la fois qualitatif et
quantitatif. Qualitatif d’abord, avec l’apport et la richesse des ima-
ges tridimensionnelles. Quantitatif ensuite, avec la quantité beau-
coup plus importante d’informations recueillies. Une sonde
3D comme la sonde atomique tomographique est équivalente à
100 sondes conventionnelles en parallèle si l’on considère le nom-
bre d’ions collectés ou le volume analysé. Un demi-million d’atomes
sont collectés en quelques heures alors qu’il fallait de nombreux
échantillons et plusieurs semaines d’analyse en sonde convention-
nelle pour obtenir le même résultat. Le fait le plus important n’est
cependant pas cette amélioration quantitative, mais l’obtention
d’une image analytique tridimensionnelle, complètement quantita-
tive, du matériau avec une résolution spatiale de quelques dixièmes
de nanomètre. C’est ainsi une nouvelle approche de la microscopie
et de la microanalyse à l’échelle atomique qui naît en ouvrant de
nouvelles perspectives en sciences des matériaux.
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