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Néphrologie & Thérapeutique 8 (2012) 238–239

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Quel est votre diagnostic ?

Hyponatrémie : une occasion à ne pas manquer !


Florent Montini, Bérengère Vivet-Manzon, Didier Ducloux, Cécile Courivaud *
Service de néphrologie, dialyse et transplantation rénale, CHU Saint-Jacques, 25030 Besançon, France

1. Question réalisés et sont sans particularités. Sur le plan biologique, la seule


anomalie est l’apparition d’une hyponatrémie à 125 mmol/L. La
Une femme de 36 ans se présente aux urgences pour prise en charge thérapeutique associe une restriction hydrique et
épigastralgies et vomissements évoluant depuis trois jours. Elle la perfusion de sérum salé à 0,9 % aggravant l’hyponatrémie et
n’a aucun antécédent médicochirurgical et rapporte uniquement motivant son transfert dans le service de néphrologie.
l’apparition de myalgies suite à l’introduction, il y a un an, d’une À l’admission, la TA est mesurée à 12/6 cmHg. La patiente dit
contraception orale par œstroprogestatifs. Elle précise que ces avoir perdu 2 Kg depuis une semaine. Il n’est pas retrouvé de pli
myalgies s’amplifient en période menstruelle. cutané. Les paramètres biologiques objectivent une hyponatrémie
À l’entrée, elle est apyrétique et l’examen clinique est sans à 109 mmol/L, l’osmolalité plasmatique est à 228 mosmol/Kg,
particularité en dehors de douleurs musculaires diffuses à la l’osmolalité urinaire est à 874 mosmol/kg et la natriurèse à
palpation. 25 mmol par jour. Un bilan hormonal complémentaire permet
Le bilan biologique réalisé est sans anomalies (NFS, iono- d’éliminer les diagnostics d’hypothyroidie et d’insuffisance surré-
gramme sanguin, urée, créatinine et bilan hépatique). nalienne.
La patiente retourne au domicile avec un traitement associant
paracétamol et inhibiteur de la pompe à proton.
Celle-ci se présente de nouveau, trois jours plus tard, en raison
de douleurs abdominales croissantes et de vomissements Quel est votre diagnostic ?
itératifs. Un scanner abdominal ainsi qu’une gastroscopie sont Quels sont les examens complémentaires que vous prescrivez ?

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : ccourivaud@chu-besancon.fr (C. Courivaud).

1769-7255/$ – see front matter ß 2011 Publié par Elsevier Masson SAS pour I’Association Société de néphrologie.
doi:10.1016/j.nephro.2011.10.001

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F. Montini et al. / Néphrologie & Thérapeutique 8 (2012) 238–239 239

2. Réponse Tableau 1
Données clinicobiologiques sous traitement spécifique.

Diagnostic : porphyrie aiguë intermittente (PAI) associée à un Natrémie (mmol/L) [135–145 mmol/L] 114 124 124 133 133
Évaluation de la douleur (/10) 10 5 3 0 0
syndrome de sécrétion inappropriée d’hormones antidiurétiques
Porphyrines urinaires (mmol/L) 996 504 696 636
(SIADH). Porphyrines urinaires/Créatininurie
L’hypothèse diagnostique de PAI a, dans cette situation, été faite [0–10] 120 98 93  81
en raison des myalgies apparues à l’introduction d’une contra- ALA urinaire(mg/L) [0,1–4,5] 113    
ception et de la symptomatologie douloureuse aigue abdominale PBG urinaire (mg/L) [0–2] 24    
Hème arginate en intraveineux " " " "
inexpliquée. En cours d’hospitalisation, nous observons également
des urines « rouge porto » à la lumière, sans hématurie à la ALA : acide delta aminolévulinique ; PBG : porphobilinogène.
bandelette. Le diagnostic est confirmé en urgence par une élévation
massive dans les urines de précurseurs des porphyrines, l’acide aussi une cause d’hyponatrémie secondaire à un SIADH. Cette
delta aminolévulinique (ALA) et le porphobilinogène (PBG). La entité a été décrite à plusieurs reprises [2–4]. La physiopathologie
contraception orale et le paracétamol, tous deux inducteurs de reliant SIADH et PAI est actuellement non élucidée. Perloth et al.
crises de PAI, sont arrêtés et un traitement spécifique incluant une chez des patients atteints de PAI, en post-mortem, observent sur
alimentation riche en hydrates de carbone et des perfusions des sections hypothalamiques, des lésions de l’éminence médiane
d’hème arginate est initié. Les douleurs abdominales s’amendent et une perte de neurones dans la zone supraoptique et celle du
en cinq jours. La couleur des urines ainsi que la natrémie se noyau paraventriculaire [5]. Ces auteurs sont donc les premiers à
normalise également (Tableau 1). Ultérieurement, le diagnostic décrire une corrélation anatomique entre lésions hypothalamiques
génétique de PAI est confirmé par la mise en évidence d’une spécifiques et SIADH. Par ailleurs, ces lésions décrites de l’axe
diminution de l’activité de la porphobilinogène désaminase, hypothalamo-hypophysaire pourraient expliquer une sécrétion
troisième enzyme de la cascade de synthèse de l’hème. La patiente accrue d’ADH.
retourne à son domicile sans traitement spécifique, mais avec des Tout SIADH non expliqué doit faire évoquer le diagnostic de PAI.
consignes précises concernant l’éviction des facteurs inducteurs de La présence d’urines « porto » sans hématurie et d’un syndrome
crise aiguë de PAI. douloureux abdominal inexpliqué sont les deux caractéristiques
Les porphyries représentent un groupe hétérogène de maladies de ce diagnostic rare.
métaboliques héréditaires toutes liées au déficit d’une des
enzymes intervenant dans la biosynthèse de l’hème. Leur
prévalence est de 1 à 5/100 000. La PAI est la forme la plus Déclaration d’intérêts
commune des porphyries. La symptomatologie clinique (douleurs
abdominales aigues, urines « porto », troubles neurologiques, Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
psychiatriques et myalgies) est liée à l’accumulation de porphy- relation avec cet article.
rines et/ou une accumulation de ses précurseurs (ALA et PBG). La
crise aigue peut être responsable de complications neurologiques Références
potentiellement graves [1]. Le diagnostic est confirmé en urgence
par des taux élevés d’ALA et PBG dans les urines. Les apports en [1] Anderson KE, Bloomer JR, Bonkovsky HL, Hushner JP, Pierach CA, Pimstone NR,
hydrates de carbone associés à un traitement par hème arginate en et al. Recommendations for the diagnosis and treatment of the acute porphyr-
ias. Ann Intern Med 2006;144(7):537–8.
intraveineux doivent alors être débuté en urgence. Les crises aiguës [2] Suarez JI, Cohen ML, Larkin J, Kernich CA, Hricik DE, Daroff RB. Acute intermit-
sont souvent déclenchées ou aggravées par des facteurs favorisants tent porphyria: clinicopathologic correlation. Report of a case and review of the
dont de nombreux médicaments (paracétamol, contraception literature. Neurology 1997;48(6):1678–83.
[3] Usalan C, Erdem Y, Altun B, Gürsoy M, Celik I, Yasavul U, et al. Severe
orale. . .), le cycle menstruel chez la femme, le jeûne, la prise
hyponatremia due to SIADH provoked by acute intermittent porphyria. Clin
d’alcool ainsi que des épisodes infectieux. L’hyponatrémie est Nephrol 1996;45(6):418.
fréquemment associé à la PAI (environ 20 % des cas). Les [4] Charytan DM, Albrich WC, Brown RS. The case: a pregnant woman with
vomissements, signe digestif accompagnateur fréquent de la PAI, hyponatremia. Kidney Int 2007;72(9):1167–9.
[5] Pelroth MG, Tschudy DP, Marver HS, Berard CW, Zeigel RF, Rechcigl M, et al.
ainsi que la dilution par des solutions glucosées hypotoniques Acute intermittent porphyria. New morphologic and biochemical findings. Am J
favorisent fréquemment l’hyponatrémie. Cependant, la PAI est Med 1996;41(1):149–62.

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