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Université Saad Dahleb, Blida I, Faculté de Médecine, Module Hématologie

Professeur : S. Taoussi Cours Quatrième année de Médecine

Leucémie lymphoïde chronique


Définition
La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est une hémopathie maligne lymphoïde chronique caractérisée par
une prolifération monoclonale et une accumulation de lymphocytes matures B immunologiquement
incompétents, avec infiltration médullaire, sanguine et des organes lymphoïdes.

Epidémiologie
Fréquence : C’est la plus fréquente des leucémies en Occident. En Algérie, l’incidence est estimée à 0,77
pour 100000 habitants. Elle touche principalement les sujets âgés (âge moyen au diagnostic = 65,6 ans)
Il existe une forte prédominance masculine (Sex ratio M/F = 2)

Physiopathologie
La maladie est peu proliférative mais plus accumulative. Les lymphocytes B sont bloqués en phase GO du
cycle cellulaire. Le mécanisme principal est un dysfonctionnement des mécanismes régulateurs de
l’apoptose (mort cellulaire programmée) aboutissant à une survie anormalement prolongée des lymphocytes
de la LLC. Ils sont immunologiquement incompétents, responsables d'une hypogammaglobulinémie,
complication fréquente dans la LLC, et de manifestations auto-immunes essentiellement hématologiques.

Diagnostic positif
Circonstances de découverte : variables
- Au décours d’un hémogramme systématique révélateur (médecine du travail ou autre pathologie)
- Lors de signes généraux : asthénie; mais très souvent, l'état général est conservé
- Devant un tableau d’adénopathies généralisées, bilatérales, symétriques, indolores et mobiles par
rapport aux plans superficiel et profond (c’est le tableau le plus fréquent en Algérie)
- Devant une splénomégalie rarement isolée.
- Devant une hypertrophie amygdalienne dans moins de 5% des cas.
- Devant un syndrome d’insuffisance médullaire : anémie et ou thrombopénie
- Au décours d’une complication : infectieuse, anémie hémolytique auto immune
Diagnostic positif
Hémogramme : Hyperleucocytose variable : GB souvent supérieurs à 50 000 /µl dont la composante majeure
est une hyper lymphocytose toujours supérieure à 5000/µl, persistante sur plusieurs examens (plus de 3
mois), ou supérieure à 15000/µl sur un seul examen (OMS 2008).
L’examen du frottis sanguin : petits lymphocytes matures ; les ombres de Gümprecht (ombres cellulaires lors
de la réalisation du frottis sanguin due à la fragilité de la membrane cytoplasmique du lymphocyte
monoclonal)
L'immunomarquage lymphocytaire par cytometrie en flux (immunophénotypage): caractérisation des
Antigènes (Ag) membranaires et intra cytoplasmiques du lymphocyte malin par marquage des lymphocytes
sanguins et leur analyse par le cytométre. Examen qui assure le diagnostic : Un score de 4/5 ou de 5/5
permet de confirmer le diagnostic de LLC
Le myélogramme : est inutile au diagnostic : infiltration par des lymphocytes matures à un taux > 30 %.
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La biopsie ostéomédullaire inutile au diagnostic : Elle confirme l’infiltration par des petits lymphocytes.
L’électrophorèse des protéines sériques : permet d’éliminer une maladie de Waldenstrom ; elle montre
souvent, l’existence d’une hypogammaglobulinémie portant sur les trois classes d’immunoglobulines.

Diagnostic différentiel
Hyperlymphocytoses réactionnelles bénignes: Infections chroniques : tuberculose, syphilis.
Infections virales : EBV, VIH, CMV, Hépatites).
Infections bactériennes : coqueluche (rare chez l’adulte).
Dans ces pathologies, l’hyperlymphocytose est transitoire et se situe dans un contexte évocateur

Les syndromes lymphoprolifératifs chroniques : Le diagnostic différentiel repose sur l’examen cytologique
et l’Immunophénotypage des cellules lymphoïdes circulantes : Leucémie prolymphocytaire, Lymphomes
folliculaires ou lymphome du manteau en phase leucémique, Maladie de Waldenström.
Dans ces cas le score de Matutes est inferieur à 3.

Evaluation du syndrome tumoral


Classification clinique de Rai

Niveau de risque Stade Caractéristiques cliniques

Faible 0 Lymphocytose seule


Intermédiaire I Lymphocytose avec lymphadénopathie
II Lymphocytose avec splénomégalie et/ou
hépatomégalie, avec ou sans lymphadénopathie

Elevé III Lymphocytose avec anémie (hémoglobine


<110 g/l) avec ou sans lymphadénopathie,
splénomégalie ou hépatomégalie

IV Lymphocytose avec thrombopénie


(plaquettes <100 G/l) avec ou sans
anémie et/ou lymphadénopathie,
splénomégalie ou hépatomégalie
Classification de Binet.

Cinq aires ganglionnaires selon Binet: (1) tête et cou , (2) aisselles, (3) aine, (4) rate et (5) foie.
Les ganglions lymphatiques dont le diamètre est > 01 cm sont considérés comme hypertrophiés.

Niveau de risque Stade Caractéristiques cliniques


Faible A Lymphocytose avec ou sans lymphadénopathie,
atteinte de moins de 3 aires ganglionnaires
Intermédiaire B Lymphocytose avec lymphadénopathie et atteinte
dans 3 aires ganglionnaires ou plus
Elevé C Lymphocytose avec ou sans lymphadénopathie et
Anémie (Hb <100 g/l) et/ou thrombopénie (plaquettes <100 × G/l)

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Autres marqueurs biologiques

Parmi ces facteurs prédictifs d’évolutivité, on retrouve :


– Le temps de doublement de la lymphocytose : il annonce un mauvais pronostic si inférieur à 12 mois.
– Les marqueurs sériques des hémopathies lymphoïdes : LDH et Beta2-microglobuline.
- La cytogénétique : les anomalies sont évaluées par caryotype et FISH ; elles sont retrouvées dans plus
de 80% des cas. Mauvais pronostic : délétions ou mutation de la P53 (17p13) dans 7% à10% des cas

Complications
La LLC est incurable, son évolution est dominée par les complications infectieuses et hématologiques qui sont
les principales causes de décès.
1. Infections
Elles surviennent sur un terrain de déficit immunitaire cellulaire et humoral, sur neutropénie sévère et après
traitement par les analogues des purines (fludarabine); elles sont récurrentes, elles peuvent être graves et
représentent la première cause de mortalité.
- Les infections bactériennes :
- Pneumopathies communautaires à pneumocoques.
- Infections ORL (sinusites, otites), septicémies.
- Un réveil de tuberculose pulmonaire n’est pas rare chez des malades âgés.
- Infections virales (herpes, zona).
- Infections opportunistes : candida, aspergillose, pneumocystose, pneumopathies à CMV.
2. Insuffisance médullaire
Elle survient d’emblée ou le plus souvent en cours d’évolution : les trois lignées sanguines sont affectées
à des degrés différents :
- anémie : normocytaire normochrome arégénérative
- neutropénie : aggravant le risque infectieux préexistant à cause de l’immunodépression
- la thrombopénie : risque hémorragique lorsqu’elle est profonde.
3. Manifestations auto-immunes
a) Anémie hémolytique auto-immune
. Test de Coombs direct positif de type IgG ou IgG + complément, avec présence d’anticorps
" chauds " dirigés contre les antigènes du système Rhésus.
b) Erythroblastopénie
c) Purpura thrombopénique auto-immun (PTAI) : Relativement rare, observée dans 2% des cas

4. Syndrome de Richter (3-10 % des cas)


Il s’agit d’une transformation de cette hémopathie de bas grade en lymphome non hodgkinien
de haut grade, à grandes cellules. Diagnostic assuré par la biopsie ganglionnaire.
Formes cliniques
- Type de description : forme typique
- Les formes selon le stade (Binet)
Stades A : L’évolution est habituellement très lente ; la progression peut survenir chez certains patients et
nécessiter un traitement. La médiane de survie est en moyenne de 10 ans dans ces formes.
Stades B : Certains stades B sont ont un profil évolutif lent et ne nécessitent pas de traitement au début.
D’autres ont une progression plus rapide et sont éligibles à un traitement cytoréducteur.
La médiane de survie de ces stades est de 7 ans
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Stades C : La majorité des patients à ces stades sera symptomatique : altération de l’état général, cytopénies
profondes ; nécessiteront un traitement cytoréducteur rapidement.
Médiane de survie : 4 ans.
Traitement

La LLC demeure une maladie incurable.


Nécessité de traiter vigoureusement les complications infectieuses et les désordres immunitaires.
Chimiothérapie à discuter au cas par cas

But : - améliorer la qualité de vie


- allonger la survie sans progression voire la survie globale
Traitement spécifique : basée sur des schémas thérapeutiques en monochimiotherapie, polychimiotherapie
ou thérapie ciblée (anti CD 20 = Rituximab).
Méthodes
Le traitement symptomatique
.L’infection est la première cause de morbidité et de mortalité dans la LLC,
*Traitement préventif:
- du Pneumocystis en utilisant Bactrim forte : 1 comprimé par jour trois fois par semaine; en cas
d’intolérance au Bactrim, on utilise un aérosol mensuel de pentamidine
- des infections virales par l’herpès virus et le virus Varicelle-Zona en particulier au décours d’un
traitement par Fludarabine, par l‘aciclovir 400 mg tous les jours.
Les Immunoglobulines polyvalentes peuvent être indiquées chez les sujets avec infections pulmonaires et
ORL, graves et récurrentes chez un patient présentant une hypogammaglobulinémie profonde < à 4g/l( taux
liée plus à l‘ancienneté de la maladie qu‘à sa sévérité). Elles sont prescrites à des doses de 250 mg/kg/3
semaines à 400 mg/kg/4 semaines.

Vaccination: la LLC s’accompagne d’une anergie aux stimuli antigéniques nouveaux, notamment viraux ;
pas de contre indications aux vaccinations courantes (tétanos, polio, grippe, hépatite B, pneumocoque,
haemophilus), mais leurs efficacité est discutée.
L’utilisation de vaccins vivants atténués est contre-indiquée.

* Traitement curatif : vu l’état d’immunodépression cellulaire et humorale du patient, on utilise d’emblée


une association synergique d’antibiotiques ; l’utilisation de G-CSF peut se discuter en cas de neutropénie
profonde secondaire à une chimiothérapie pour réduire sa durée.
AHAI: traiter comme les formes idiopathiques (corticothérapie, immunosuppresseurs et splénectomie)
Transfusion de culots globulaires: rarement nécessaires en cas d’insuffisance médullaire due à l’infiltration,
si mauvaise tolérance de l’anémie. Chez les patients traités par Fludarabine ou un autre analogue des
purines, il est nécessaire de transfuser des produits sanguins irradiés.

Traitement spécifique:
Il est consensuel de ne pas traiter les LLC au stade A. La médiane de survie de ces malades est supérieure à
10 ans, proche de celle d’une population de même sexe et même âge.
Les stades B et C d’emblée ou en cours d’évolution doivent être traités, le choix du traitement dépend de la
stratégie à long terme, de l’âge du malade et de la présence ou pas de comorbidités.

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Chez les sujets jeunes évolutifs, en particulier de moins de 65 ans, un traitement visant à obtenir une
rémission complète ou au moins une survie sans progression prolongée, est privilégié, généralement à base
de protocoles comportant des analogues de purines (Fludarabine) et du Rituximab.
Chez les sujets âgés, le choix doit s’orienter vers le contrôle de la maladie avec une tolérance du médicament
et le respect d’une qualité de vie.

Pour les patients réfractaires (plusieurs rechutes) ou les patients avec anomalies (délétion/mutation) du gène
P53 (17p13), la tendance actuelle est d’utiliser des thérapies ciblées type Anti-BTK (Ibrutinib) ou Anti-
BCL2 (Venetoclax) avec des résultats prometteurs.

Surveillance et évaluation du traitement

La surveillance du traitement est :

Clinique : examen clinique complet en particulier :

- des aires ganglionnaires : évaluer leurs dimensions


- recherche d’effets secondaires liés au traitement et des complications en cours de traitement
surtout infectieuses et hémorragiques.
- recherche de signes de rechute chez les patients à distance du traitement : réapparition des
adénopathies, de l’anémie, de la thrombopénie

- Biologique : hémogramme avec équilibre leucocytaire, et marqueurs de progression de la maladie

- Radiologique : radiographie du thorax et échographie cardiaque et abdomino-pelvienne voire


examens tomodensitométriques.

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