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L'industrie du ciment
Yves Lacoste
Lacoste Yves. L'industrie du ciment. In: Annales de Géographie, t. 66, n°357, 1957. pp. 411-435;
doi : https://doi.org/10.3406/geo.1957.18305
https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1957_num_66_357_18305
L'INDUSTRIE DU CIMENT
1. Renielgnemente fournil par la Direction des Étude* générale! dei Gherhonnegee de Franet,
L'INDUSTRIE DU CIMENT 415
de la productivité (qui peut parfois s'abaisser très bas : Inde, 100 1 par ouvrier
et par an) expliquent, conjointement aux différences des prix de l'énergie et
de la main-d'œuvre, de très sensibles différences de prix de revient. Cet
accroissement important et général de la productivité de l'industrie du
ciment a eu pour conséquence un sensible abaissement des prix du ciment : la
tonne de charbon valait en France, en 1913, 35 F-or, elle vaut 29 à 30 F-or
environ en 1954-1955 (prix « nus » départ usine). Les prix du ciment,
d'autre part, ont relativement baissé par rapport à ceux du charbon dont
on a précédemment signalé l'importance dans les prix de revient de
l'industrie cimentière. De 1913. à 1946, les prix du charbon ont été de 2 à 1,5 fois
moins élevés que ceux du ciment. Le rapport des prix s'est progressivement
renversé entre 1946 et 1949 où l'égalité s'établit entre les deux prix. Depuis
cette date, le ciment est légèrement moins cher que le charbon.
Cette augmentation de productivité, ce matériel et ces usines de plus
en plus puissants entraînent un autre caractère de l'industrie du ciment :
l'importance des investissements, propre aux industries lourdes. Si
l'investissement moyen dans l'ensemble des industries des U. S. A. est de 10 000 $
par ouvrier, et 2 500 $ en France, l'industrie cimentière se caractérise par des
investissements de 15 000 à 20 000 $ par ouvrier. Les investissements moyens
nécessaires à une tonne de capacité de production s'élèvent à 21 000 F,
c'est-à-dire autant que dans la sidérurgie pour la production de la fonte,
produit vendu pourtant trois à quatre fois plus cher que le ciment. C'est
dire l'importance que présente pour l'industrie cimentière le problème de
l'amortissement de ces capitaux. Si leur rotation, comparativement aux
autres industries, est exceptionnellement lente, le matériel, par contre, s'use
relativement vite (en quinze ans environ) et son prix à considérablement
augmenté depuis la guerre (de trois à quatre fois). D'autre part, l'industrie
du ciment rencontre, face au problème de l'amortissement, des difficultés qui
lui sont propres. En effet, ce problème serait moins délicat s'il était possible
de répartir les frais d'amortissement sur une production régulière et de
limiter le potentiel de production au strict minimum par rapport à
l'utilisation1.
Au contraire, l'industrie du ciment se caractérise par une grande
irrégularité de production due à l'irrégularité de la demande. En effet, la cimenterie
supporte en premier lieu les conséquences des rythmes d'activité saisonniers
des industries clientes, bâtiment, travaux publics. Le rapport est très élevé
entre la période maximum et la période minimum de production. Si le mois
d'octobre 1955 a vu une production de plus de 1 million de t dans les
cimenteries françaises, le mois de février 1956 a vu la production s'abaisser à
1. Les investissements dans l'industrie cimentière ont été les suivants selon ГО.Е.С.Б.
(en M dollars) :
1954 1955 1956
407 000 t. Les livraisons présentent des oscillations encore plus grandes :
mai 1955, 1 050 000 t ; février 1956, 297 000 t. Le stockage, outre les
investissements importants qu'il nécessite et les difficultés de conservation qu'il
soulève, n'est pas assez développé pour absorber de telles variations. Aussi
les conséquences sont-elles grandes sur l'industrie du ciment et sur le
problème des investissements. La cimenterie est affectée plus rapidement et
plus gravement que d'autres industries par le fléchissement brutal de
l'allure de marche au-dessous du taux courant d'utilisation (80 p. 100). D'autre
part, l'industrie cimentière doit faire face à la pointe de consommation
estivale, en disposant d'un potentiel qui ne sera que très partiellement utilisé
dans le reste de l'année. Les répercussions de cet état de chose sur le prix
de revient sont importantes. En effet, celui-ci n'est composé que pour 50
à 60 p. 100 seulement d'éléments variant proportionnellement à la
production (énergie mécanique, combustible, sacs, etc.). L'amortissement (12 p. 100),
les frais généraux et financiers (7 p. 100) restant fixes quelle que soit la
production. La main-d'œuvre est loin de varier proportionnellement à la
production de l'usine, et sa part dans le prix de revient moyen (22 p. 100)
s'accroît considérablement lorsque l'usine ne fonctionne pas « à plein ».
Ainsi la tonne de ciment produite pendant les mois d'hiver revient beaucoup
plus cher que la tonne produite en été.
L'industrie du ciment, comme les autres industries des pays capitalistes
est soumise aux conséquences des crises de surproduction, mais, pourrait-on
dire, elle « accuse le coup » plus durement que d'autres. Si l'ensemble de la
production industrielle des U. S. A. s'est abaissée de l'indice 100 en 1929
à l'indice 55 en 1932, la production cimentière s'est abaissée à l'indice 39,
son principal client, la construction, s'étant effondrée à l'indice 33. Il est
d'ailleurs à signaler qu'aux U. S. A. la crise du bâtiment s'amorça dès
1926-1927 et que le relèvement à partir de 1932 fut beaucoup plus long et
difficile que pour les autres industries1. Les crises de l'industrie cimentière
peuvent donc être particulièrement longues et graves. Ainsi la production
française ne fit que s'abaisser d'année en année de 1932 à 1939, déclin qui
ne fit que s'accuser pendant les années de guerre. Le comportement de
l'industrie cimentière pendant les guerres est très différent de celui de l'industrie
lourde qui lui a déjà été comparée, la sidérurgie. Celle-ci voit sa production
se gonfler considérablement pendant la période d'hostilités et son potentiel
de production s'accroître considérablement, le problème des investissements
et de leur amortissement étant grandement résolu par l'aide de l'État.
Au contraire, la cimenterie voit sa production s'effondrer après une période
de pointe due aux fortes consommations de ciment entraînées par la
construction de fortifications ou d'aérodromes stratégiques. Les courbes de
production de ciment des U. S. A. et de PAllemagne pendant la seconde guerre
mondiale (fig. 1 et 4) fournissent de bons exemples de ce phénomène.
1. Depuis la guerre, une organisation de caractère plus technique, The Cement statistical and
technical Association, л Malmô, permet aux mêmes pays exportateurs d'entretenir entre eux
des rapports périodiques.
L'INDUSTRIE. DU CIMENT 419
1. G. Earle, Selling the world cément (British trade Journal, août 1955, et Г ïJconomisi .
juin 1939, décembre 1938).
2. Référence : Syndicat National des Fabricants de Ciments et Chaux (S.N.C.C.).
420 ANNALES DE GÉOGRAPHIE
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R. U., Royaume-Uni ; Sde, Suède ; Sse, Suisse.
1. S. N. C.C.
2. L'industrie du ciment en Europe, O. E.G. E., 1956.
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422 ANNALES DE GÉOGRAPHIE
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L'INDUSTRIE DU CIMENT 423
teries et Briqueteries Réunies dispose, pour ses deux usines, de 915 ha, dont
109 ha de terrains industriels qui constituent une réserve d'un siècle pour
l'extension de ses carrières.» De telles surfaces ne peuvent être acquises que
dans des zones où le terrain est à bon marché. Enfin, la cimenterie est tenue
à l'écart des villes en raison de ses fumées qui saupoudrent de blanc les
alentours.
Cependant l'utilisation du ciment est essentiellement étalée spatialement
et l'industrie cimentière doit donc suffisamment disperser ses implantations
pour pouvoir ravitailler chaque région sans frais de transport exorbitants.
Néanmoins cette dispersion n'est pas le cas le plus fréquent et l'on peut
constater dans différents pays producteurs l'existence de régions où la
production cimentière se concentre très fortement : la Pennsylvanie, la région
de Londres, etc. Les conditions de production et de marché y sont très
favorables et permettent l'implantation de très grosses unités de production,
dont la productivité permet d'abaisser suffisamment les prix de revient
pour pouvoir lutter victorieusement, malgré le prix du transport, avec des
usines plus petites implantées dans d'autres régions où les débouchés sont
moins importants. La géographie de l'industrie du ciment dans le cadre
d'une importante puissance industrielle est complexe tant du point de vue
de son évolution que des différences régionales de production et
d'utilisation. Il n'est que de prendre l'exemple de la France.
A la différence d'autres industries cimentières, la cimenterie française
apparaît comme relativement dispersée, bien des groupements apparaissent
nettement. Ils peuvent se classer en un certain nombre de types (fig. 3).
Le groupe du Nord et celui des Alpes sont les plus anciens (les usines de
Boulogne-sur-Mer et de Genevrey dans l'Isère datent de 1854). Ils sont
constitués de nombreuses usines petites et moyennes dépendant le plus souvent
de petites firmes. L'importance relative de ces deux groupes a grandement
décru : celui du Nord, qui constituait 28 p. 100 de la production française
en 1910, ne représente plus aujourd'hui que 18 p. 100 ; il reste encore
largement exportateur, puisque la consommation de la région ne constitue que
10,7 p. 100 de l'ensemble français. Le groupe alpin représentait 14 p. 100
de la production en 1910, 7 p. 100 en 1954. Si le groupe du Nord a dû son
importance à la proximité du charbon et au marché des industries qui en
sont nées, le groupe alpestre s'est développé en fonction de l'important
débouché constitué par l'édification des grands barrages.
Le groupe lorrain, plus récent (1890), fabrique des ciments
métallurgiques. Les usines, de taille relativement importante, dépendent pour la
plupart de firmes sidérurgiques.
Les groupes marseillais et bordelais doivent leur développement au
débouché important constitué par l'économie portuaire aux importations de
charbon, et surtout aux exportations vers les territoires d'outre-mer. Si le
groupe Lafarge domine le groupe marseillais, les Ciments Français et Poliet et
Chausson constituent l'essentiel du groupe bordelais.
Le groupe parisien est relativement récent. Modeste en 1910 (11 p. 100),
L'INDUSTRIE DU CIMENT 425
il est devenu le groupe le plus puissant : 22 p. 100 de la production française.
Il se caractérise par un nombre restreint de très grosses- usines dépendant
(sauf une) des « grands », Lafarge, Poliet et Chausson, Ciments Français,
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1. Les exportations françaises sont en régression constante : 747 000 t en 1955, 660 000 t
en 1956. Elles ne représentent plus que 5,9 p. 100 de la production, contre 9 p. 100 en 1954 et
12,5 p. 100 en 1950 (S.N.C.C).
L'INDUSTRIE DU CIMENT 433