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Dans la Pologne de la fin des années 1980, un homme qui n’a peut-être jamais cru au
dieu du catéchisme s’est choisi une divinité toute neuve : l’ordinateur. Le sien, croit-il,
ne peut parler que vrai. S’il dit que la glace sur le lac est assez épaisse pour qu’on y
patine, elle l’est, et l’homme confiera son propre fils à l’ordinateur et à la glace. Le fils
est parti – et voilà que la rumeur monte que la glace a rompu.
Construites par destins croisés, les dix histoires sont unies par un lieu, une cité HLM de
Varsovie, et des visages
La certitude éclate d’un coup, comme une ampoule alimentée par un courant trop fort.
Elle prend le père à la gorge. Il s’appelle Krzysztof – comme Krzysztof Kieslowski,
réalisateur de ce premier épisode du « Décalogue » (1988-1989), série en dix volets
d’une heure environ conçue pour la télévision polonaise. On a du mal à y voir un
hasard. Toute sa vie, Kieslowski aura douté – de Dieu, des hommes –, et toute sa vie, il
aura cherché des réponses. « Il ne croyait pas, mais il voulait croire », résumait Edward
Klosinski, chef opérateur du Décalogue II.
Assemblage rugueux
Il évacue aussi presque tout ce qui touche à la vie religieuse. Si Décalogue il y a, il est
presque laïque, assemblage rugueux, quasi primitif dans sa manière de témoigner de
l’éternelle propension de l’homme à trébucher sur les mêmes pierres (le lien conjugal si
difficilement tenable, la maternité incertaine, l’appétit dévorant pour un corps ou un
bien). Il faut continuer de vivre (et de filmer) en dépit de cela, libre et responsable, le
cœur raidi sous l’aiguillon du doute, mais comme sil’œil et la caméra entrevoyaient
dans les nuages le visage attentif et bienveillant d’un dieu.
Noémie Luciani