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Sûreté radiologique:
les nouvelles normes internationales
La nouvelle version des Normes fondamentales internationales
de protection contre les rayonnements ionisants et
de sûreté des sources de rayonnements
est le fruit d'une collaboration sans précédent
par Abel J.
Gonzalez
D,
L ^ è s la fin des années 80, on disposait d'un
volume considérable de données nouvelles qui
pas sans attendre et révisé à leur tour leurs propres
normes.
justifiaient une révision des normes régissant la L'objet du présent article est de souligner
protection contre les expositions aux rayonnements l'importance de ces initiatives pour l'harmonisation
ionisants et la sûreté des sources radioactives. de la sûreté radiologique sur le plan international:
En tout premier lieu, la réévaluation des résultats il expose en particulier l'essentiel des nouvelles
des études radioépidémiologiques sur les survivants Normes fondamentales internationales de sûreté
de Hiroshima et de Nagasaki donnait à penser que (NFR). Six organisations ont collaboré à leur élabo-
l'exposition à de faibles niveaux de rayonnement ration — l'Organisation des Nations Unies pour
impliquait plus de risques qu'on ne l'avait pensé. l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Agence
Par ailleurs, d'autres événements — notamment internationale de l'énergie atomique (AIEA).
l'accident nucléaire de Three Mile Island en 1979 et l'Organisation internationale du Travail (OIT),
celui de Tchernobyl en 1986 suivi d'une contami- l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'Organisation
nation transfrontalière d'une intensité inconnue de coopération et de développement économiques
jusqu'alors — ont fortement influencé la perception (AEN/OCDE), l'Organisation panaméricaine de la
par le public des dangers potentiels d'une radio- santé (OPS) et l'Organisation mondiale de la santé
exposition. Les accidents causés par des sources (OMS).
radioactives utilisées en médecine et dans l'industrie
ont aussi retenu l'attention du grand public. Ciudad
Juarez (Mexique), Mohamadia (Maroc), Goiânia
(Brésil), San Salvador (El Salvador) et Saragosse Objectifs et cadre de l'harmonisation
(Espagne) ont défrayé la chronique lorsque l'on sut
qu'il y avait des victimes. En outre, on a constaté de Afin d'élaborer les NFR, les six organisations ont
nouveau, pendant cette décennie, que le rayon- créé, en 1991. dans le cadre du Comité interorga-
nement naturel pouvait nuire à la santé: de fortes nisations de la sûreté radiologique, un secrétariat
concentrations inattendues de radon dans l'air ont été commun en confiant à l'AIEA la coordination des
relevées dans certaines habitations: on a découvert activités. Cette initiative a couronné des décennies
aussi que l'exposition à ce rayonnement naturel de d'efforts ininterrompus sous le signe d'une collabo-
certains travailleurs non exposés professionnelle- ration internationale sans précédent à laquelle ont
ment atteignait des niveaux beaucoup plus élevés que contribué des centaines d'experts venant des Etats
les limites des expositions professionnelles spécifiées Membres des organisations participantes. Ces
par les Normes. nouvelles normes internationales remplacent toutes
Vu ces données nouvelles, la Commission inter- celles qui étaient précédemment en vigueur dans le
nationale de protection radiologique (CIPR) a révisé domaine de la sûreté radiologique, notamment celles
ses recommandations en 1990. Les organisations qui avaient été élaborées sous les auspices de l'AIEA
intéressées du système des Nations Unies ainsi que (voir l'encadré ci-après).
d'autres organismes multinationaux ont emboîté le Les NFR s'intéressent aux effets des rayon-
nements. Dès les premières études faites sur les
M. Gonzalez est directeur adjoint de la Division de la sûreté rayons X et les minéraux radioactifs, on avait
nucléaire de l'AIEA. constaté que l'exposition à de fortes doses d'irradia-
Uniformisation
internationale
Plusieurs organismes ont contribué à Comité scientifique des Nations Unies de la sûreté
l'harmonisation des normes internationales pour l'étude des effets des rayonnements radiologique
de sûreté radiologique à partir de l'informa- ionisants (UNSCEAR). Ce comité a fourni
tion obtenue grâce aux importants travaux l'information scientifique sur laquelle les
de recherche et aux réalisations d'établisse- NFR sont fondées. Créé par l'Assemblée
ments scientifiques et techniques nationaux générale des Nations Unies de 1955, il se
et internationaux. Pour sa part, et en vertu compose aujourd'hui des représentants de
de son Statut, l'AlEA a pour attribution 21 pays et a pour tâche d'acquérir, d'évaluer
«d'établir ou d'adopter, en consultation et, le et de diffuser l'information sur les effets
cas échéant, en collaboration avec les orga- pathogènes des rayonnements et sur les
nes compétents des Nations Unies et avec niveaux de radioexposition à diverses sour-
les institutions spécialisées intéressées, des ces radioactives.
normes de sécurité destinées à protéger la Commission internationale de protec-
santé ...». C'est à cette fin que le Conseil des tion radiologique (CIPR). Les normes de
gouverneurs de l'AlEA approuva en mars sûreté radiologique sont fondées sur les
1960 les mesures de santé et de sûreté de recommandations de cette commission,
l'Agence. Il approuva ensuite en juin 1962 la organisme scientifique non gouvernemental
première version des Normes fondamen- fondé en 1928. Ses recommandations les
tales de radioprotection de l'AlEA et, en plus récentes ont été publiées en 1990
septembre 1965, une version révisée. Une (Publication 60, Annales de la CIPR, vol. 21,
troisième version revue et corrigée a été n os 1-3) et sont le fondement des NFR.
publiée dans l'édition de 1982 du numéro 9 Commission internationale des unités
de la Collection Sécurité de l'AlEA; cette et des mesures radiologiques (CIUMR).
édition était commune à l'AlEA, à l'OIT, à Les quantités et les unités utilisées pour les
l'AEN/OCDE et à l'OMS*. NFR sont essentiellement celles que recom-
Comité interorganisations de la sûreté mande la CIUMR, organisation jumelle de la
radiologique (CIOSR). Il y a quelques CIPR (voir l'encadré ci-après).
années déjà l'AlEA préconisa la création de Groupe consultatif international pour
ce comité pour faciliter la consultation et la la sûreté nucléaire (INSAG). Ce groupe de
collaboration dans le domaine de la sûreté consultants en sûreté nucléaire sert de
radiologique avec les organes compétents centre d'échange de documentation et
des Nations Unies et avec les institutions donne des avis à l'AlEA sur les problèmes
spécialisées. Ce comité a notamment pour de sûreté d'importance internationale. En
mission d'encourager la coordination des 1988, il a publié par l'intermédiaire de l'AlEA
politiques en vue d'assurer la cohérence des des «Principes fondamentaux de sûreté
principes et des normes de sûreté radio- pour les centrales nucléaires» (Collection
logique. Ses membres sont la FAO, l'OIT, Sécurité n° 75-INSAG-3). Nombre de ces
l'AEN/OCDE, l'OPS, l'UNSCEAR, l'OMS, la principes s'appliquent à la sûreté d'autres
Commission des Communautés européen- sources et installations radioactives et ont
nes (CCE) et l'AlEA. D'autres organismes — été retenus dans les NFR.
la CIPR, la Commission internationale des
unités et des mesures radiologiques
(CIUMR), la Commission électrotechnique
internationale (CEI), l'Association internatio-
nale de radioprotection (AIR) et l'Organisa- * Ces anciennes normes internationales sont décrites
tion internationale de normalisation (ISO) — par l'auteur dans un précédent article paru dans le
ont un statut d'observateur. Bulletin de l'AlEA, volume 25, n° 3 (septembre 1983).
tion risquait d'endommager les tissus du corps à cause de leur caractère statistiquement aléatoire
humain. Ces effets peuvent être diagnostiqués clini- (voir l'encadré ci-après).
quement chez l'individu exposé; ce sont ce que l'on Activités humaines et radioexposition: pratiques
appelle les effets déterministes parce que, pour une et interventions. Nombre d'activités humaines
certaine dose de rayonnement, ils se manifestent bénéfiques impliquent l'exposition d'individus à
nécessairement. des sources radioactives tant naturelles qu'artifi-
L'étude à long terme de populations exposées à cielles. Les pratiques sont des activités planifiées
des rayonnements, en particulier des survivants des depuis l'origine qui augmentent le niveau d'exposi-
bombardements atomiques d'Hiroshima et de tion des individus par rapport au fond naturel de
Nagasaki, a prouvé qu'une radioexposition peut rayonnement.
aussi provoquer l'induction différée de tumeurs Par ailleurs, il existe des cas d'exposition de
malignes et éventuellement d'effets héréditaires. Ces l'individu dus à des situations de fait. Les activités
effets ne peuvent être rapportés à aucun cas qui visent à réduire ces expositions sont appelées des
individuel d'exposition mais peuvent être déduits des interventions.
études épidémiologiques de groupes importants de Vu les effets pathogènes des rayonnements, les
population. Ce sont les effets dits stochastiques, pratiques et les interventions doivent être soumises à
Cette opération fait intervenir de nombreux les mesures de protection sont pratiquement
facteurs liés notamment aux aspects sociaux et toujours justifiées lorsqu'il est à prévoir que les
politiques du problème, tandis que les considéra- doses dans une situation d'intervention approche-
tions radiologiques jouent habituellement un rôle ront les valeurs indiquées sur le tableau ci-après.
secondaire. Les NFH donnent quelques indica- Toutefois, les niveaux d'intervention devraient
tions pratiques sur la manière de justifier prati- être optimisés et pourraient aboutir à des doses
ques et interventions, que l'on peut résumer bien inférieures (voir le tableau page 9).
comme suit.
Pratiques injustifiées. Les Normes mention-
nent les pratiques injustifiées parmi lesquelles on Niveaux de dose individuelle
relève celles qui feraient augmenter la teneur en auxquels l'intervention est probable
substances radioactives des aliments, boissons, en toutes circonstances
cosmétiques ou autres produits ou articles prévus
pour être ingérés, inhalés, absorbés par la peau Expositions aiguës
ou appliqués sur la peau d'un être humain, ainsi
que les pratiques impliquant un usage irresponsa- Organe ou tissu Prévision de dose absorbée
ble des rayonnements dans des produits ou arti- par l'organe ou le tissu
cles tels que jouets, bijoux fantaisie et autres en moins de deux jours
objets de parure. Par ailleurs, certaines exposi- (Gy)
tions médicales sont également jugées non
Organisme entier
justifiées: examen radiologique à des fins profes-
sionnelles, juridiques, ou de contrat d'assurance Poumon
vie; examen radiologique pour la détection Peau
d'objets volés; exposition de groupes d'individus Thyroïde
pour dépistage en masse; exposition d'êtres Cristallin
humains à des fins de recherche médicale (sauf
Gonades
conformément aux dispositions de la Déclaration
de Helsinki, aux instructions élaborées par le
Conseil des organisations internationales des
sciences médicales (COISM) et l'OMS, et sous Expositions chroniques
réserve de l'avis d'un comité d'éthique et de la Organe ou tissu Débit de dose équivalente
réglementation nationale ou locale applicable). (Sv/an)
Interventions. L'intervention est justifiée si Gonades 0,2
elle promet de faire plus de bien que de mal, Cristallin 0,1
compte tenu de la santé et de considérations
Moelle osseuse 0,4
sociales et économiques. Les NFR spécifient que
nucléaire impliquant ou pouvant impliquer une les NFR s'y appliquent globalement ainsi qu'à
exposition à des rayonnements ou à des substances chaque source distincte de rayonnements qu'elle
radioactives. contient.)
Sources. Dans le cadre d'une pratique, les NFR Exemption et affranchissement. Une pratique et
s'appliquent à toute source de rayonnement utilisée les sources qu'elle utilise peuvent être exemptées de
aux fins de cette pratique, qu'elle soit naturelle ou l'application des NFR si elle répondent à des critères
artificielle, dont: d'exemption spécifiés. Ces critères assurent que les
• substances radioactives et dispositifs contenant risques pour l'individu que comporte la source
des substances radioactives ou émettant des rayonne- exemptée sont négligeables et que l'impact radio-
ments, tels que produits de consommation, sources logique sur la collectivité n'appelle aucun contrôle
scellées, sources non scellées et générateurs de réglementaire. Une source exemptée doit toutefois
rayonnements; être intrinsèquement sûre.
• installations contenant des substances radio- Les critères d'exemption comportent aussi des
actives ou dispositifs émettant des rayonnements, niveaux d'exemption, c'est-à-dire des niveaux de
tels que les irradiateurs, les mines et installations de radioactivité ou de concentration d'activité dans des
traitement de minerais radioactifs, les installations matières au-dessous desquels l'exemption est prati-
traitant des substances radioactives, les installations quement automatique.
nucléaires, et les installations de gestion des déchets Les matières et les objets appartenant à des
radioactifs. (Lorsqu'une installation risque de rejeter pratiques et à des sources auxquelles s'appliquent
des substances radioactives ou d'émettre des déjà les NFR peuvent être soustraits aux obligations
rayonnements dans l'environnement, elle est qui en découlent sous réserve de respecter des
considérée comme une source dans son ensemble et niveaux d'affranchissement (encore appelés niveaux
8 AIEA B U L L E T I N , 2/1994
PERSPECTIVES
j
AIEA BULLETIN, 2/1994 9
PERSPECTIVES
Niveaux indicatifs
d'intervention Mesures de protection d'urgence
en cas
d'exposition Action Dose évitable
accidentelle Confinement dans les habitations 10 mSv pendant deux jours au maximum
Prophylaxie de l'iode 100 mGy (engagement de dose absorbée à la thyroïde)
Evacuation 50 mSv pendant une semaine au maximum