Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
ÉCOLE POLYTECHNIQUE –
L’inégalité de Minkowski, qui sera démontrée dans la suite de cette section par des arguments
élémentaires (mais importants) de convexité, va permettre de prouver que l’espace L p (Ω) est
un R-espace vectoriel et que
Z 1/p
p
Np (f ) = |f (x)| dx
Ω
définit une semi-norme sur L p (Ω) (mais pas une norme).
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 3 / 42
Espace de Lebesgue Lp (Ω)
Définition
Soit p ∈ [1, +∞[. L’espace de Lebesgue Lp (Ω) est défini par
Remarque : l’identification entre les fonctions est définie de la même façon que pour L1 (Ω) ;
les espaces L p (Ω), ainsi que les espaces Lp (Ω), dépendent de p.
Remarques.
1. On ne fait pas d’hypothèse de régularité sur F (et pour cause : on peut déduire de telles
propriétés à partir de la convexité, en tout cas p.p.).
2. Il est utile de voir les inégalités de la définition ci-dessus en termes de graphes et de
cordes tracées à partir de points du graphe de la fonction F .
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 5 / 42
Énoncé des principales propriétés des fonctions convexes
Voici un résumé des principales propriétés des fonctions convexes.
Proposition
Si F est convexe sur I , alors on a les propriétés suivantes.
(i) La fonction F est lipschtizienne sur tout compact de I ; elle est donc continue sur I .
(ii) La fonction F admet une dérivée à droite et une dérivée à gauche en tout point de I .
On note Fg0 la dérivée à gauche et Fd0 la dérivée à droite de F sur I .
(iii) Si x < y , alors on a
Fg0 (x) 6 Fd0 (x) 6 Fg0 (y ) 6 Fd0 (y ).
En particulier, les fonctions Fd0 et Fg0 sont croissantes.
(iv) Pour tout x ∈ I et pour tout a ∈ [Fg0 (x), Fd0 (x)], on a l’inégalité :
Preuve. On commence par prouver la croissance des fonctions taux de variation en chaque
point.
(z − x) F (y ) 6 (z − y ) F (x) + (y − x) F (z),
ce qui permet d’en déduire :
F (a) − F (x)
Ainsi, à x fixé, la fonction a 7→ est croissante sur I − {x}. Elle admet donc une
a−x
limite à droite Fd (x) et une limite à gauche Fg0 (x) en x.
0
Par passages à la limite appropriés dans la double inégalité précédente, on obtient en outre :
F (z) − F (x)
Fd0 (x) 6 6 Fg0 (z).
z −x
F (y ) > F (x) + Fd0 (x)(y − x) et F (z) > F (t) + Fg0 (t)(z − t),
que l’on peut réécrire sous la forme :
Remarque : une fonction convexe est deux fois dérivable p.p. sur I .
Justification. Remarquer que les intervalles de la forme ]Fg0 (x), Fd0 (x)[, quand ils sont non
vides, sont disjoints.
Remarque : si F est dérivable sur I , alors F est une fonction convexe si, et seulement si, F 0
est une fonction croissante. Donc si F est deux fois dérivable sur I , alors F est une fonction
convexe si, et seulement si, F 00 > 0.
ai = 1/n et xi = f (i/n),
pour obtenir
n−1 n−1
!
1 X i 1 X i
Φ f 6 Φ f .
n n n n
i=0 i=0
Ensuite, on passe à la limite quand n → +∞ en voyant les sommes précédentes comme des
sommes de Riemann.
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 13 / 42
Énoncé de l’inégalité de Jensen
Soit Φ : R → R une fonction convexe.
Remarque : ceci est un analogue mesurable naturel de l’inégalité de convexité discrète qui
précède, la fonction g pouvant être vue comme une version non discrète des poids ai .
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 14 / 42
Preuve de l’inégalité de Jensen
Preuve. On utilise une inégalité de tangence pour écrire que p.p. sur Ω on a :
Φ f (x) > Φ(m) + a (f (x) − m),
Z
avec m = g (x) f (x) dx et a ∈ [Φ0g (m), Φ0d (m)]. On multiplie par g (x) et on intègre :
Ω
Z Z Z
g (x) Φ(f (x)) dx > g (x) dx Φ(m) + a g (x) f (x) dx − m
Ω Ω Ω
ce qui fournit l’inégalité voulue (le second terme du minorant est nul et le coefficient du
premier vaut 1).
Z Z
Remarque : pour f (x) = x, on obtient Φ x g (x) dx 6 Φ(x) g (x) dx, qu’on retrouve
Ω Ω
en probabilités sous la forme Φ E(X ) 6 E Φ(X ) , où X est une variable aléatoire et g (x) dx
une mesure de probabilité.
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 15 / 42
Énoncé de l’inégalité de Hölder
|f (x)|p |g (x)|q
On prend X := R p
et Y := R
q
pour en déduire que
Ω |f (x)| dx Ω |g (x)| dx
1 1
et on intègre sur x, le majorant étant finalement égal à 1 puisque + = 1.
p q
Ces propriétés ont déjà été vues pour p = 1. Nous allons réviser la preuve de certaines d’entre
elles, avec des formulations un peu différentes éventuellement.
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 21 / 42
Complétude de Lp (Ω)
n
X
L p (Ω),
P
et telle que la série n>1 un converge vers U dans i.e. : lim Np (U − un ) = 0.
n→∞
k=1
prouvant que f (x) est fini presque partout. PPosons A = {f = +∞} : c’est un ensemble
mesurable négligeable et la série numérique n>1 un (x) est absolument convergente hors de A.
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 23 / 42
Preuve de la complétude de Lp (Ω), fin
∞
X ∞
X ∞
X
6 Np | vk | 6 Np (vk ) = Np (uk ),
k=n+1 k=n+1 k=n+1
Théorème
De toute suite convergente dans L p (Ω) (avec 1 6 p < +∞) on peut extraire une sous-suite
qui converge presque partout.
Preuve. On prouve le second point. La première remarque est qu’une fonction étagée
appartient à tous les espaces L p (Ω) dès qu’elle appartient à l’un d’eux, et donc dès qu’elle est
intégrable. Soit f un élément positif de L p (Ω). On sait qu’il existe une suite croissante de
fonctions étagées positives ϕn convergeant vers f (voir le cours sur l’intégration des mesures :
c’est le point de départ de la théorie). Chaque fonction ϕn est dans L p (Ω), et par
convergence monotone, on voit que
Z 1
p
p
Np (f − ϕn ) = | f − ϕn | dµ
tend vers 0 quand n → ∞. On conclut au moyen des notions de partie positive et négative,
puis de partie réelle et imaginaire.
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 26 / 42
Supremum essentiel
Nous passons maintenant à la définition d’un tout dernier espace de classes de fonctions en
lien avec la théorie de la mesure, mais sans hypothèse d’intégrabilité.
Définition
Pour toute f , fonction mesurable définie p.p. sur Ω, on note
n o
kf k∞ := inf M > 0 : {x ∈ Ω : |f (x)| > M} est négligeable ,
Proposition
L’espace L∞ (Ω), muni de la norme k · kL∞ , est un espace vectoriel normé complet (i.e. un
espace de Banach).
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 28 / 42
Particularités de l’espace L∞ (Ω)
Remarques.
1. Attention : l’espace Cc (Ω) s’identifie à un sous-espace vectoriel de L∞ (Ω), mais qui
cette fois n’est pas dense dans L∞ (Ω). Par exemple, pour tout f ∈ Cc (R) on a
En particulier
Proposition
Soient p et q des exposants conjugués, i.e. p1 + q1 = 1, avec p ∈]1; +∞[. Soit
g ∈ Lq (X , A , µ). Alors l’application f 7→ fg dµ(x) est une forme linéaire continue sur
R
Preuve. Notons G la forme linéaire en question. Alors l’inégalité de Hölder implique que
| G (f ) | 6 k g kLq · k f kLp .
g (x)
f (x) = .
| g (x) |2−q
Alors
Z Z 1− 1
q
q q
G (f ) = | g | dµ = k g kLq · | g | dµ = k g kLq · k f kLp ,
Remarque. Il existe des constructions analogues dans les cas limites non pris en charge par
l’énoncé précédent.
Dans le cas des espaces de Hilbert, c’est-à-dire quand p = 2, le théorème de Riesz est une
réciproque au dernier énoncé dans le sens où il dit que la construction
Z
f 7→ fg dµ
Dans la section qui suit, on va chercher à décrire le dual de certains autres espaces Lp au
moyen de la construction ci-dessus.
Définition
Soit µ une mesure sur (X , A ) et soit p une fonction mesurable positive sur X . L’application
qui à toute partie mesurable A ∈ A associe la quantité
Z
ν(A) = p(x) dµ(x) 6 +∞,
A
est une mesure qu’on appelle la mesure de densité p par rapport à µ et qu’on note ν = pµ.
Que pµ soit bien une mesure vient du faitP que si A est une réunion dénombrable de parties
mesurables An , alors on peut écrire 1A = n 1An et appliquer le théorème d’intégration terme
à terme pour vérifier le second axiome des mesures.
Preuve. C’est vrai (par définition) sur les fonctions caractéristiques des parties mesurables,
donc par additivité sur les fonctions étagées, et grâce au théorème de Beppo Levi c’est vrai
pour toute fonction mesurable positive.
On tire de cette proposition deux conséquences.
1. Soit f : X → C une fonction Rmesurable. AlorsR f est ν-intégrable si et seulement si fp est
µ-intégrable, auquel cas on a f (x) dν(x) = f (x)p(x) dµ(x).
2. Si p et q sont deux fonctions mesurables positives sur X alors on a : q(pµ) = (qp)µ.
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 37 / 42
Mesure absolument continue par rapport à une autre
Définition
Soit µ une mesure sur (X , A ).
(i) On dit que µ est σ-finie si X est réunion dénombrable de parties de A de µ-mesure finie.
(ii) Une mesure ν sur (X , A ) est dite absolument continue par rapport à µ si toute partie
µ-négligeable est ν-négligeable.
Exemple : pour toute fonction mesurable positive p sur X , la mesure pµ est absolument
continue par rapport à µ. Cela provient de la formule de définition de ν = pµ :
Z
ν(A) = p(x) dµ(x) 6 +∞.
A
Preuve (esquisse). On ne fait qu’esquisser la preuve, l’idée étant de voir une belle illustration
de plus du théorème de représentation de Riesz.
Tout d’abord, en partitionnant convenablement X , un peu de travail montre qu’on peut se
ramener au cas où µ(x) et ν(X ) sont finies.
L’idée est ensuite d’introduire la mesure auxiliaire λ = µ + ν. On peut alors donner un sens à
f dν pour toute classe de fonction f de L2 (X , λ) : en effet, si f et f 0 sont égales λ-presque
R
partout, elles le sont ν-presque partout (par hypothèse d’absolue continuité) et ont donc
même intégrale contre ν. Ceci définit alors une forme linéaire Φ : L2 (X , λ) → R par
Z
Φ(f ) = f dν.
Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Rémy 39 / 42
Théorème de Radon-Nikodym, esquisse de preuve
La forme linéaire Φ est continue sur L2 (X , λ) car on a (par Cauchy-Schwarz pour la fin) :
Z Z Z p
| Φ(f ) | = | f (x) dν(x) | 6 | f (x) | dν(x) 6 | f (x) | dλ(x) 6 λ(X )· k f kL2 (X ,λ) .
Par Riesz, il existe donc une classe de fonctions g ∈ L2 (X , λ) telle que Φ = h·, g i, soit
Z Z Z Z
f dν = fg dλ = fg dν + fg dµ,
ou encore :
Z Z
(∗) f (1 − g ) dν = fg dµ pour toute f ∈ L2 (X , λ).
Le théorème de Radon-Nikodym permet de prouver le théorème suivant, qui relie entre eux
certains espaces Lp au moyen de la notion de dual topologique.
Théorème
Soit µ une mesure σ-finie sur (X , A ). Soit p ∈ [1; +∞[. Si Φ est une forme
Z linéaire continue
1 1
sur Lp (X , µ), il existe g ∈ Lq (X , µ) avec + = 1 telle que Φ(f ) = fg dµ pour toute
p q
f ∈ Lp (X , µ).
Remarques.
1. Le dual topologique de L∞ (X , µ) est beaucoup plus difficile à décrire.
2. Si p ∈]1; +∞[, on a un isomorphisme de bidualité de Lp (X , µ) sur lui-même.