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CHARLES LE BRUN
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PREMIER PEINTRE
DU

ROI LOUIS XIV


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PAR

MICHEL GAREAU
Avec la collaboration de
LYDIA BEAUVAIS

Charg6e de mission ( projet LEBRUN), Cabinet des Dessins du Louvre

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LES REINES DE PERSE AUX PIEDS D'ALEXANDRE


ou LA TENTE DE DARIUS

Toile, H. 2,98 m ; L. 4,53 m BibLiograpbie


1663, -FELIBIEN. - 1682, Mercure Galant, d6cembre, p. 29. -
Historique 1688,' PERRAULT, p. 220 'sq. -1690, Mercure Galant, f6v;ter, pp.
1660-1661 ; peint par LEBRUN ;l la demande de LOUIS XIV, 260-261. - 1693,' GUILLET-( cf. Mtmoires InMits, 1854 ). - ?gSi6
selon ctmrp:'r de sfü+rr GEORGES, qui pr6cise : «( ( Sa Ma?iestd») PERRAULT, PP. 91-92,-16')9, LE COMTE, t.III, lre partie, PP-
fit LoBer ( M. LeBrun ) dam Le ch4teauet proche de son apparte- 161-162, -- 1-700,
161-162, 1/OO, NIVELON,
NIVELON,pp.pp.139-143, - 1731,
i.5')-14.5, (cf.
VOLTAIRE. (CI.
- l/jl, VOUIAIRE.
-menF (... ) elle venoit Le voir dans des moments inopin6s Lorsqu'il note de l'6d. de 1733 ; voir 6d. GARNIER, t. VIII(1877, p. 569 ).
tenoitje jinceau a La main... )), en 1661 selon l'inscription qui - 1751, VOLTAIRE. - 1757, PERRAULT, pp. 216-220. - 1778
accompagne l'estampe
accompagne l'estampe(1'EDELINCK,
d'hnp.üncx, publi6e
publreedu
LEBRUN, et qui confirme que le tableau fut ex6cutj;a
auvivant
vtvant-de
ae REYNOLDS (ed. DIMIER, Discours sur la -Peinture, Laurens,
1909. pp. 161-162 ). - 1801-1810, LANDON, t. II, pl. 57. - 1802-
l
FONTAINEBLEAU en pr6sence du Roi.
(01. rhnatin y mit la
LEBR'UNy- 1812;füuioh, t.l; pl. 55. - 18Ci4, mushum pxÄ'rqq,fi, b.7 et
derniere main ;l PARIS (NIVELON). Le tableau fut d'.'abord grav. '-1853,COUSIN,
grav. -1853, COUSIN,p.P.253.
253.1854,
1854,Memoxres
Mimoires lnedzts,
Inr:dits, pp.
pp. 24-26.
24-26.
plac6 dans le Grand
place Grand Cabinet
Cabinet du
du kkos
Roi aux
auxTUILERIES,
TUILERIES, puis
puis - 1860, DU SEIGNEUR. no 139. -1863-1866, LEJEUNE t. 1, p. 181.
transport6 .1 VERSAILLES (restaurations en 1761 et 1788). Il - 1889, JOUIN p. 133-137, pp. 497-498. - 1899, ENGERAND, p)'P-
passa directement dans les collections du r-ouvah (Notice du 319-320. - 1'X59, MARCEL,- PP. 53-57. - 1927, DIMIER, PP. .!6-
MUStE CENTRAL DES ARTS, nO 18; Cat. VILLOT nö 72; Cat.
mußah no 5111):il
): il 6tait estim6 A 60 000 F en 1810 et 1816.
37. -1933, RICHTER, P. 18-1." - 1953, ,-.BLUNT, pp. 243, 253 et
reprod. p. .164.
164.- -1955,
1955,STEWART,
STEWART,passi
passim. - 1957, HARTLE, paS-
l
1934 : mis en dfööt
d6pö';l VERSAILLES. sim. - 1'-59, POSNER, pp. 237-242.
Expoi?sition
1963, VERSAILLES, cat. no 27, reprod.

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Voici le prem;er tableau de la s6rie sur sous son voile et dont l'autre s'apprate, nerveuse-
ALEXANDRE. C'6tait, A l'6poque, le plus fameux;des
tableaux de hpnxun. Les centaines d'ann6es qui
ment, A )oindre les mains dans un espoir de supplica-
tion. Derri'ere se trouvent leurs servantes, non
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sont pass6es depuis ont d6pouill«' cette a:uvre de sa
coloration originale. Restaurations et nettoyages
successifs n'ont plus laiss6 grand trace des qualit6s
moins enturbann6es, et les eunuques. Ä droite, au
premier plan, l'un d'eux est prostern6, le front dans
la poussiThre; sa supplication est ultime, puisqu'il n'a
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de l'ex6cution. N6anmoins, le tableau conserve aucun rang royal qui lui permettrait d'füe sauv6.
une füs grande importance historique. LEBRUN lui Il 6tait de coutume que les vainqueurs s'offris-
doit sa nomination comme premier peintre du roi sent les femmes et les filles des ennemis, mais
LOUIS XIV. ALEXANDRE se distingua des conqfürants ordinaires
Le sujet traite d'hrhxhnnxp, au lendemain de en respectant la femme et les filles du roi vaincu.
sa victoire a ISSOS. DARIUS, roi des PERSES, s'est enfui Deux aspects de LEBRUN sont A noter dans cette
de peur d'füe achev6 par ALEXANDRE. Il abandonne peinture : le symbolisme et le coloris.
sa femme et ses enfants dans son campement. C'est Le symbolisme reffüe une profonde connais-
ainsi qu'apres avoir c6}6br6 la victoire toute la nuit, sance que LEBRUN s'applique A transmettre au travers
ALEXANDRE et son mignon nphhs'rxon rendirent visite de ses r6alisations. Il est difficile pour nous,
A la famille de DARIUS, au petit matin. aujourd'hui, de reconnaitre les raffinements his-
ßphhs'rion, ;l gauche, porte son traditionnel toriques qui ravissaient la haute socifü du XV??a
manteau pourpre, ce qui trompa les femmes. Elles si=cle. Un bel exemple de ces gestes symboliques
se prosterfürent aux pieds d'nphhsnon, le prenant sont les cfü€monies protocolaires qui suivent les visites
pour le roi ALEXANDRE. Lorsqu'un de leurs des grands personnages politiques d'aujourd'hui. Le
eunuques leur eut fait remarquer leur m6prise, moindre geste ou le moindre signe peut provoquer
Alexandre leur dit: «'hus ne vous hes pas tromp6es, le ravissement ou la cofüe des gens. Il faut donc
car lui nussi est Alexandre» (les corxquOtes posseder une bonne culture historique des proto-
dAlexr;tndre, p. 268 ). coles avant meme de pouvoir appr6cier, A sa juste
SIZYGAMBIS, la mere de DARIUS, est la premiere valeur, cette peinture de LEBRUN. Voici, par exemple,
des femmes prostern6es et, toujours courb6e devant tout ce que LEBRUN, selon pnt.tmhn, pr6tend mettre
tpnhs'rion, elle ne semble pas avoir vu le geste ou dans ce tableau :
compris les paroles d'üuxh'nnxp. Celui-ci s'adresse «Le peintre ne s'est pas contentä de
.1 la reine STATIRA, femme de DARIUS, qui tient son reprisenter, sur le visage dAlexandre, sa
fils OCHUS entre ses bras : tous deux regardent jeunesse, la douceur de son tempLrament,
ALEXANDRE comme pour implorer sa gr;äce. -k cöt6, sa valeur et toutes les autres quaLit6s que
6galement A genoux comme la reine, on voit les deux I'histoire nous apprend de ce Brand prince
jeunes filles de DARIUS, dont l'une essuie ses yeux et dont iX fait une fid;4e image, mais on

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voit encore, üm ses mouvements, quatre chantait sur le tWatre. Et Alexandre,
sortes d'actions difflrentes. La compassion ayant fait hhir dans la pille de Pella un
qu'il a des princesses paratt pisiMement et lieu pour hx comädie, et vouLant, pour Le
par ses reBards et par sp contenance. Sa renare plus heau et plus riche, que le
main ouverte montre sa cL6mence et depant de la scene du tWAtre fi2t d'un
exprime parfaitement la BrAce qu'iX fait ä bronze bien poLi, L'architecte L'en emp6cha,
toute cette Cour. Son autre main, qu'i[ lui remontrant que La voix des comädiens
appuie sur Äphestion, dit assez qu"iX est son parattrait moins beLle et moins douce a
fapori ou pLut6t un autre Lui-mAme, et sa PoreiLLe parce que, venant a frapper contre
jambe Bauche, qu'il vetire en arriäre, est cette matü:re dure et poLie, eLLe se rendrait
une marque de la civilite qu'iX rend ä ces trop äcbxtante. IX en est de tmjme dam La
privicesses. Le peintre ne X'4 pas fait peinture, oü la trop grande vivacite offinse
s'incliner davantaBe parce qu"il Le la pue. C'est pourquoi Apelle, cet excelLent
refiräsente dans le moment qu'iL aborde ces peintre, se serpnit d'un vervzis dont iL cou-
dames, que ce n'ätait pas I"usaBe des Grecs, vrait ses ouvrays pour diminuer la force
et de plus qu!L ne pouvait se baisser beau- des couleurs. Ht I'on peut comiürer dam
coup ä cause que, dam le dernier comhat, ce taMeau (il s'agit de la Tente de Darius )
il avait itä blesse ä In cuisse. » de qudle maniere le peintre Les a 6teintes,
Le coloris, pour LEBRUN, reffüe son refus et leur a 6t6 de Leur ädat et de leur vivacitä
d'exploiter la couleur pour elle-meme. Ce n'est natureLLe, afEn de les 4faihLir et d'emp6cher
aucunement par ignorance que LEBRUN jette la prin- qu'elLes n'offensent la vue par une trop
cipale lumiere sur une tache froide, la robe bleue de vive Lumiäre. »
STATIRA, alors que l'ensemble du tableau tire sur les
tons de bruns. Le maitre renverse tout simplement
le systeme cher au coloriste. Son principe est
d'attföuer l'effet visuel afin de donner priorit6 au
caractere intellectuel et spirituel de l'a:uvre.
pnumprq nous donne un exemple de cette philoso-
phie tout en parlant du pr6sent tableau :
«Anciennement, ceux qui repr6sentaient
la comädie avaient coutume de couprir
I'orchestre ai'rec de la bxine afin d"ämousser,
par cet artifice, La voix äu choeur qui

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