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Discours et noeuds

Il le fait bien sûr à propos de Joyce, mais ce qu’il développe à propos de Joyce concerne le discours du
maître bien au-delà de ce qu’il dit de Joyce. De quel Symptôme s’agit-il ici ? Il dit que le complexe d’Œdipe
est un symptôme et il le dénomme comme il l’avait fait dans RSI à propos de la réalité psychique freudienne
Nom-du-Père.Mais justement cela n’a ici rien à voir avec le Nom-du-Père pour Joyce. Car Lacan prend soin
d’utiliser le signifiant « soutenir » qui de l’inscription dudit Nom indique la carence et pose la question : «
En quoi l’artifice peut-il viser expressément ce qui se présente comme symptôme ? » Bref ce que vise
l’artifice de l’art de Joyce, c’est le symptôme en tant qu’il est illustratif de quelque chose qu’il est obligé de
soutenir par son art du fait de sa carence.C’est l’idée que le Sujet ne peut être représenté que par le Signifiant
S indice 1.Notons qu’il y a dans le mot Symbole l’idée même de cette duplicité, sumbolon en grec, c’est le
nom de ce qui a été brisé, une tessère, pour être à nouveau rassembler et faire office de pacte entre deux
amis, deux alliés, deux cocontractant. Le Symbole est duplice. S’il ne l’appelle pas Symbolique, c’est qu’il
veut insister sur la duplicité du Symbolique dans le discours du Maître du côté de l’artisan. Je dis bien du
côté de l’artisan.D’où cette idée d’une relation entre le discours du maître avec le symptôme ; en tant qu’il se
soutiendrait d’un quatrième, du côté du S1, le Nom-du-Père, reflet d’une division existante du côté du S2,
d’un savoir-faire qui déjoue les effets d’une inscription en défaut par rapport au Nom-du-Père. C’est cette
hypothèse que je voudrais soutenir ici.Deuxième question : pourquoi discours haineux alors? Parce que le
discours du maître dans son fonctionnement ordinaire procède ordinairement de la haine, de cette haine
qu’un certain rapport au S1 implique, quand il se trouve étayé par la logique ségrégative instituée par le
symptôme.Notez qu’il y a un passage du séminaire de Lacan que j’avais cité dans ma thèse tronqué, parce
que son contenu était passablement provocateur ; mais j’ai pu constater récemment qu’il l’était aussi pour les
psychanalystes les mieux intentionnés. Il y a cette façon comique chez Lacan de réduire la Métaphysique
d’Aristote à la violence symptomatique d’un commandement inaudible.Voilà la quintessence du discours du
maître, du m’être, et de son corrélat métaphysique la pensée de l’être, et l’on sait comment ce philosophe
ami de Lacan a pu en son temps venir s’égarer dans la forme la plus effroyable de discours du maître qu’ait
connue notre Histoire au XXème siècle. Il y a donc ce fil de la haine qui relie le discours du maître, celui de
l’être et ce qu’il faut bien reconnaître comme un effet du symptôme. C’est l’un de ses effets les plus patents
et en particulier chez les analystes, en ceci que le Nom-du-Père légitime, instaure, impose différentes formes
de ségrégation, entre ceux qui en sont revêtus et ceux qui en aucun cas ne sauraient l’être.Troisième question
: pourquoi est-il possible de dire que la crise que traversent aujourd’hui les discours annonce le passage à
une autre logique, celle du nœud à trois ?« Ce que je vous ai dit peut pourtant avoir été malentendu (ce que
je viens de de vous dire), entendu de sorte que ce soit pris au sens de savoir si la psychanalyse est un
symptôme social. Il n’y a qu’un seul symptôme social : chaque individu est réellement un prolétaire, c’est-à-
dire qu’il n’a nul discours de quoi faire lien social, autrement dit semblant. C’est à quoi Marx a paré d’une
façon incroyable aussitôt dit, aussitôt fait. Ce qu’il a émis implique qu’il n’y a rien à changer. C’est bien
pour ça que tout continue comme avant. »« Dans la mesure où la bourgeoisie, autrement dit le capital, se
développe, on voit se développer le prolétariat, la classe des travailleurs modernes, qui ne vivent qu’autant
qu’ils trouvent du travail, et qui ne trouvent de l’ouvrage qu’autant que leur travail accroit le capital. Ces
travailleurs sont obligés de se vendre morceau par morceau tels une marchandise et, comme tout autre article
de commerce, ils sont livrés à toutes les vicissitudes de la concurrence et toutes les fluctuations du marché.
»C’est une autre façon de dire que dans la nouvelle économie psychique, c’est l’objet a qui est l’agent de
l’échange au prix d’une mise en cause de ce qui fait discours, c’est-à-dire agencement de 4
places.Précisément le fait que le discours du maître ne continue d’opérer comme le discours de l’hystérique
que dans certaines régions du lien social et qu’ailleurs il est en difficulté, voir inopérant. C’est aussi vrai du
discours capitaliste.J’en indiquerai quelques-uns.Quelle légitimité la décision politique a-t-elle aujourd’hui ?
En particulier au regard du champ économique ? N’en déplaise, c’est une remarque clinique, qui indique le
déclin de la régie du discours du maître et dans son sillage des autres discours.Je n’insisterai pas sur ce qui
reste du discours du maître dans le champ politique et social, probablement cette dimension haineuse, avec
cette difficulté des hommes politiques à pouvoir incarner le semblant, comme en témoigne la pure violence
spéculaire où un grand parti de gouvernement s’abima pendant un mois. Mais ce problème ne touche pas ce
seul parti, il concerne les modalités de fonctionnement ordinaires des institutions politiques et
administratives, des associations, analytiques ou non, mais aussi l’entreprise où prévaut au-delà de la
nécessaire émulation une forme de compétition destructrice.A quel type de nouage correspond cette
évolution ? L’effacement progressif du Nom-du-Père comme rond quatrième et la crise des discours
m’amènent à faire d’un nœud à 3 mis en réseau ou en tissu avec une accentuation de la Jouissance Autre et
une forme que je dirai simplement allusive de jouissance phallique. Mais ce nœud à 3 qui a été présenté par
Brini n’est qu’une variante du nœud à 3.La vraie question n’est pas celle-là : il est toujours possible de
s’autoriser du Nom-du-Père pour y prendre appui et de reconduire les effets de ségrégation et d’exclusion
dont j’ai parlé plus haut. Y-a-t-il une alternative à cette variante symptomatique du nœud à 3 ou au nœud à 4
?Cela a-t-il un sens en termes de logique collective ? Ici je soulignerai que « le temps logique et l’assertion
de certitude anticipée » présente entre les trois prisonnier une structure borroméenne. C’est pour autant que
je fonde mon raisonnement sur la couleur du cercle que j’ai dans mon dos sur la couleur des cercles dans le
dos de mes deux partenaires que je vois et sur leur hésitation à déduire leur propre couleur que je m’avance,
fort de ce que je peux conclure de cette hésitation, avec eux vers la sortie et que nous sommes libérés tous
les trois en même temps du fait d’avoir serré un objet commun, qui fait commune mesure entre nous. Cette
logique borroméenne est une façon d’atteindre ensemble à la vérité, de telle sorte que chacun y joue son rôle,
y compris en commettant des erreurs.Lacan veut indiquer l’apport de ce constat à la logique de la
collectivité, c’est pourquoi il reprend l’adage latin « tres faciunt collegium » trois font collège, en soulignant
que la collectivité commence au nombre 3, mais peut évidemment aller au-delà du nombre 3 qui est ici
minimal à la représenter et s’étendre à « un groupe formé par les relations réciproques d’un nombre défini
d’individus, au contraire de la généralité qui se définit comme une classe comprenant abstraitement un
nombre indéfini d’individus. »Pierre-Christophe Cathelineau

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