Article
Notre travail s’appuie sur une enquête qualitative menée auprès de 17 coachs. 5
L’étude du coaching se fait donc au travers du regard des coachs, regard
exogène d’un métier forgé sur l’observation des besoins des organisations.
En se fondant sur les expériences vécues par les coachs, notre étude permet
d’analyser les situations de coaching considérées comme réussies afin
d’identifier comment s’articule la notion de changement et quelles sont les
dynamiques de changement observées.
l’accompagnement au changement
L’approche épistémologique du coaching s’inscrit dans l’interactionnisme 7
symbolique qui se fonde sur les travaux de l’école de Palo Alto, parmi lesquels
on peut rappeler ceux de Gregory Bateson sur la double contrainte mobilisés
en coaching en situation de dilemme ou de décision à prendre entre des
« non-choix », ou l’outil des niveaux logiques de Robert Dilts (2003),
permettant d’augmenter la capacité d’apprentissage et de changement du
coaché grâce à un alignement de sa logique intrinsèque. Carl Rogers (1968)
est directement à l’origine du cadre bienveillant mis en place en coaching et
de la confiance accordée à la personne coachée au sujet de sa capacité
d’évolution et d’adaptation à son environnement.
Nos résultats montrent que la définition d’un coaching réussi par les coachs 15
repose sur l’atteinte des objectifs définis dans le contrat tripartite, qui
dépend, à son tour, de l’énonciation préalable des résultats attendus. Les
coachs prennent un soin particulier à accompagner la clarification de la
définition des objectifs organisationnels et personnels prioritaires, ainsi que
la mise en place de critères de réussite. Toutefois, nous observons des
nuances dans les propos des coachs : les types d’objectifs définis en début de
coaching peuvent ainsi évoluer ou être supplantés par des demandes
cachées. De nouveaux objectifs guidant l’intervention du coach émergent
donc tout au long du processus du coaching. Lorsque le terme « objectif » est
employé par les coachs, ceux-ci font référence, en fonction du contexte, soit
aux objectifs du contrat tripartite, soit aux objectifs du coaching dans la
relation directe avec les coachés. On voit ainsi apparaître, dans la lignée des
travaux de François Jullien (Persson, 2019), un écart souvent verbalisé par les
coachs, entre les objectifs du contrat officiel (tripartite) et ceux qui
MÉTHODOLOGIE
Il apparaît à travers les discours liés au coaching d’équipe que, là aussi, les 19
coachs parlent de dépassement en termes de résultats (« les résultats sont
continuellement atteints ou surpassés ») ou d’évolution des attentes (« ce
n’était pas sa demande initiale »). La notion de changement apparaît
clairement (« de très beaux déclics se font »), ainsi que celle de la complexité
des interdépendances (« il a réussi à mettre en place des actions pour
coordonner la cohésion de sa grande équipe », « il y a vraiment un gain en
efficacité de chaque individu, qui va avoir aussi une répercussion sur le
travail en équipe »). On voit aussi émerger les critères que les coachs utilisent
pour juger du bon fonctionnement des équipes et les solutions apportées par
le coaching à ce niveau (« plus d’efficacité, plus de clarté dans la
communication, plus de respect des uns et des autres, la valorisation des
spécificités de chacun dans le travail, l’établissement des justes relations
entre les individus »). Cette orchestration s’effectue en intégrant au
raisonnement rationnel des émotions associées qui guident la personne vers
une pensée plus globale, plus instinctive et l’aident à faire des choix dans une
vision avec recul. De même, « la valorisation des spécificités de chacun dans
le travail » induit une gestion de l’observation des différences et un travail
d’hommage de chacun au sein de l’équipe. Les notions de « respect » et
d’« établissement de justes relations » sous-entendent une volonté
d’atteindre une satisfaction de chacun au sein du groupe.
d’« une personne qui a changé de poste. En cinq séances, elle avait un
nouveau contrat. Je suis tombée des nues moi-même tellement c’était
efficace. » Pour les coachs, ce type de changement de poste ou de structure
s’accompagne, comme les autres types de changement, en respectant
l’écologie de la personne et du système, c’est-à-dire en validant que le coaché
prend une série de décisions raisonnées. Le coach se garde de pousser le
coaché à prendre une décision risquée (« mon analyse, que je me garde bien
de faire, c’est « Qu’est-ce que tu fais là ? »), mais il accompagne la maturation
de la décision, l’un des objectifs fondateurs du coaching étant la « reprise en
main de leur destin ». Dans ce genre de situation, la décision étant prise, les
choses peuvent aller vite et même surprendre le coach (« Je suis tombée des
nues moi-même tellement c’était efficace »). L’évocation « des femmes
extrêmement coincées dans leur job » montre que le coaching intègre les
notions de souffrances au travail et que les émotions associées sont
bienvenues dans l’analyse de la situation par le coaché.
1. Contributions théoriques
2. Implications managériales
Nos résultats ont de nombreuses implications managériales, à la fois pour les 28
entreprises et pour les coachs. Les organisations définissent souvent leurs
objectifs opérationnels prioritaires liés au coaching de manière imprécise ou
partielle, probablement en raison de la nature complexe et
multidimensionnelle des changements auxquels elles doivent faire face, d’où
la difficulté de définir et choisir ce qu’il faut changer en priorité. L’efficacité
Notes
https://coachfederation.org/app/uploads/2017/12/2016ICFGlobalCoachingStudy_ExecutiveSummary-
2.pdf
Résumé
Plan
https://www-cairn-info.ressources.univ-poitiers.fr/revue-francaise-de-gestion-2020-6-page-73.htm Page 20 sur 25
Le coaching, un vecteur de changement au sein des organisations ? | Cairn.info 14/01/2021 12'54
Bibliographie
Ayadi N., Paraschiv C. et Vernette E. (2019). « Vers un référentiel théorique
interdisciplinaire du bien-être individuel », Revue française de gestion, vol. 45,
no 281, p. 43-56.
Handbook of Coaching, Cox E., Bachkirova T. & Clutterbuck D., London, SAGE.
p. 1-20.
Bono J.E., Purvanova R.K., Towler A.J. et Peterson D.B. (2009). “A survey of
executive coaching practices”, Personnel Psychology, vol. 62, no 2, p. 361-404.
Taylor S.N., Passarelli A.M. et Van Oosten E.B. (2019). “Leadership coach
effectiveness as fostering self-determined, sustained change”, The Leadership
Quarterly, vol. 30, no 6, p. 101-313.
Auteurs
Éveline Bouillon
Corina Paraschiv
Article suivant
Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous
pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par
photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de
données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce
soit.