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SÉQUENCE 1 

Partie 2. Les régimes totalitaires


Document 1. Les régimes politiques en Europe dans les années 1930

Manuel histoire Terminale, Hatier 2020, p. 36

Le XXe siècle est celui des totalitarismes, des régimes politiques, ou plutôt des systèmes, qui naissent
en Europe après la Première Guerre mondiale. Le mot « totalitarisme » est lui-même né en Italie : ce
terme s’applique à des dictatures d’un type particulier qui, dans l’Italie fasciste, l’URSS stalinienne,
l’Allemagne Nazie, inventent une nouvelle politique que l’historien et philosophe Krzysztof Pomian
définit ainsi comme un mouvement de masse révolutionnaire incarné par un chef charismatique qui
avec son parti fondu dans l’État et tout un ensemble d’organisations, soumet à son contrôle la totalité
de la vie sociale, guide, surveille et punit les masses.

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A. Genèse des régimes totalitaires
Fascisme, Stalinisme, Nazisme émergent à la faveur de situation de crises, sont enfantés dans et par la
violence, même si le pouvoir est conquis sous des allures de légalité. Ils n’affirment pas immédiatement
leur caractère totalitaire, même s’il leur est intrinsèque : les totalitarismes s’installent progressivement
une fois les rênes du pouvoir tenus.

1. Le rôle déterminant de la Première Guerre mondiale


Ce conflit joue un rôle décisif dans l’évolution politique de l’Europe. L’ensemble des sociétés
belligérantes y font en effet l’expérience collective de la violence de masse ; ce que l’historien George
Mosse appelle « la brutalisation des esprits » qui repose sur une violence banalisée, une expérience de
guerre extrême mais acceptée et sacralisée, vectrice de la résurgence de valeurs telles que le culte de
la virilité, le patriotisme exacerbé. Cette « brutalisation » semble avoir constitué un terreau favorable
à l’émergence des fascismes qui puiseraient ainsi leurs racines dans l’expérience de la guerre
moderne.
De plus, outre le choc moral et humain, les sociétés sont ébranlées par une forte crise économique au
sortir de la guerre avec les difficultés du retour à la vie civile, l’appauvrissement des pays européens,
l’instabilité sociale et politique.
Enfin, les bouleversements géopolitiques de l’Europe redécoupée par les différents traités de paix
qui démantèlent les grands empires multinationaux (Empire Allemand, Empire Austro-Hongrois,
Empire Ottoman, Empire Russe) et entérinent la naissance ou renaissance de nouveaux États
(Finlande, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Lituanie, Estonie, Lettonie), provoquent de
nombreux mécontentements et font naître immédiatement de nouveaux sujets de discordes intra ou
interétatiques.

Document 2. La nouvelle carte de l’Europe après les traités de paix

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Dans ce contexte général, la Russie, l’Italie et l’Allemagne connaissent une situation particulièrement
délicate.
En Russie, les bouleversements politiques débutent avant la fin du conflit à la faveur de l’immense
crise qu’il y a fait naître. Une première révolution en février 1917, d’inspiration libérale, entraîne la
chute du régime tsariste. Mais la décision de poursuivre la guerre se révèle fatale au nouveau régime.
Elle débouche sur une seconde révolution menée par les Bolcheviks (communistes) en octobre
1917 dont le mot d’ordre est « Paix, terre aux paysans, pouvoir aux Soviets (conseils de travailleurs)
». L’insurrection est bien préparée, notamment par Léon Trotski, et permet la prise de pouvoir
par Vladimir Oulianov Lénine. Immédiatement des mesures propres au projet des Bolcheviks sont
prises (suppression de la propriété privée individuelle, nationalisation des banques et des usines) et la
démocratie affichée par la nouvelle constitution s’efface immédiatement : les organes exécutifs et
législatifs sont noyautés et contrôlés et restent aux mains de Lénine et de ses camarades du Parti.
Immédiatement le nouveau régime doit faire face à la contre-révolution et le pays plonge dans une
effroyable Guerre civile.
L’Italie, dans le camp des vainqueurs en 1918, connait une période très difficile. La situation économique
est catastrophique et les traités de paix ne lui permettent pas d’obtenir la totalité des territoires qu’elle
convoite sur l’Empire austro-hongrois. Le thème de la « victoire mutilée » se développe alors dans les
partis d’extrême-droite. Parmi ceux-ci, on note la montée du mouvement fondé par Benito Mussolini
en mars 1919 : « les faisceaux italiens de combat », rassemblant des nationalistes, des anarchistes et
surtout des anciens combattants.
Quant à l’Allemagne, le traumatisme de la défaite est profond. Désignée comme responsable de la
guerre par les vainqueurs, elle doit payer de lourdes réparations et est contrainte d’accepter le Traité
de Versailles, reçu comme un diktat injuste. Issu de la chute de l’Empire et de la défaite, le régime
démocratique de la République de Weimar est à la fois contesté par l’extrême-gauche révolutionnaire
qui souhaite s’inspirer du modèle soviétique et par les nationalistes d’extrême-droite.
Vocabulaire :
• « Brutalisation des esprits » : Concept historiographique majeur, élaboré par l’historien George L.
Mosse en 1990. Il désigne l’acceptation d’un état d’esprit issu de la Grande guerre qui entraîne la
poursuite d’attitudes agressives dans la vie politique en temps de paix.

2. La violence comme moyen d’accession au pouvoir


Dans ces trois États, la violence est revendiquée et exercée comme moyen de la politique par des
partis qui méprisent et rejettent les principes érigés par les démocraties libérales.
En Russie, c’est la Révolution puis le « communisme de guerre » qui permettent aux Bolchéviques de
prendre puis de garder le pouvoir. À la prise de pouvoir par la force succède une très violente guerre
civile menée contre les « Blancs », les adversaires de la Révolution, soutenus par le France et la
Grande-Bretagne. La défense de la Révolution par les partisans de Lénine, repose sur une très forte
coercition et une militarisation à marche forcée d’où nait l’Armée Rouge organisée par Trotski. Après
les défaites de la plupart des armées blanches en 1919 et la mort de leur leader, l’Amiral Koltchak,
exécuté en février 1920, les Bolcheviks sont finalement vainqueurs.
Les épreuves de la Première Guerre mondiale, la guerre civile, ont fait de la Russie un vaste champ de
ruines. De plus, dans ce contexte, une police politique, la Tcheka, bientôt omniprésente, est organisée
dès la fin 1917 et l’enfermement des « ennemis de classe » dans des camps de concentration débute
dès 1918 sur l’ordre de Lénine.
La naissance et la réussite de la révolution bolchévique devient alors un contre modèle pour les
mouvements d’extrême-droite européens. Elle suscite un climat de peur en Europe et développe un
fort anticommunisme parmi les bourgeoisies européennes. Cette peur justifie la violence des milices
fascistes ou « chemises noires » contre les syndicalistes et les militants communistes en Italie. Elle
permet aux fascistes de Mussolini de se présenter, face à l’inefficacité de l’État, comme le seul rempart

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efficace au communisme ; la démonstration de cette efficacité résidant dans la violence qu’ils exercent
lors des meetings ou manifestations de leurs adversaires politiques. Notons, c’est une tactique politique,
que les fascistes sont souvent à l’origine de l’agitation qu’ils répriment par la suite…
En mai 1921, Mussolini est élu député, en compagnie de 32 des siens. En novembre, il fonde le
Parti National Fasciste (PNF). Le 27 octobre 1922, Mussolini organise avec ses chemises noires la
« Marche sur Rome », une manœuvre d’intimidation qui porte ses fruits : Mussolini est nommé
Président du Conseil par le roi Victor-Emmanuel III le 30 octobre 1922. Il maintient alors une forme
légale de gouvernement mais qui dissimule en réalité l’utilisation de la violence, les intimidations, les
manipulations. En avril 1924, les élections législatives se déroulent dans ce climat de violence et
d’intimidation : les fascistes remportent la majorité à l’assemblée mais le député socialiste Matteotti
dénonce publiquement leurs méthodes : il est assassiné en juin 1924. Cet événement annonce le
durcissement du régime.

Document 3. La marche sur Rome (28 octobre 1922)

Paru dans la revue Illustrazione Italiana, 1922, n° 45. ©Akg

On peut distinguer au premier rang les principaux chefs fascistes : de gauche à droite Michele Bianchi,
Italo Balbo, Benito Mussolini (au centre, en costume civil), Cesare Maria de Vecchi, Emilio de Bono. À
l’arrière-plan, on voit les chemises noires formant la troupe fasciste.

En Allemagne, en 1919, Hitler appartient à un mouvement nationaliste qu’il transforme en parti :


le NSDAP, Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands, dit « parti nazi ». Il commence à
vociférer contre le « diktat » de Versailles, la « menace » bolchévique, le « complot » juif contre
l’Allemagne dans une rhétorique haineuse dans une Allemagne alors assommée par la défaite, effrayée
par la possibilité d’une révolution communiste, frappée par une crise économique très dure et une
invraisemblablement forte inflation. Le NSDAP se dote deux 2 milices : les SA (Sturm Abteilung,
sections d’assaut) créées en 1921, commandées par Röhm, qui constituent le service d’ordre du parti,
chargé de contrôler la rue et de terroriser les adversaires politique et les SS (Schutz Staffel : échelon
de protection), créées en 1925, dirigées par Himmler, qui forment la garde personnelle de Hitler et des
membres du parti et deviennent la police militarisée du parti puis de l’État.
En 1923, alors que le NSDAP regroupe 50.000 adhérents, Hitler tente un coup d’État : c’est le putsch
de Munich, dit de la « brasserie », qui échoue car l’armée refuse de suivre les séditieux et reste loyale au

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régime. Hitler est arrêté et condamné à 9 mois de prison. Il y rédige son livre-programme Mein Kampf.
Dans ce livre, Hitler y exprime les quelques idées qui serviront de base à l’application de son programme
politique et militaire futur : sa croyance fondamentale dans l’inégalité des races, son antisémitisme
obsessionnel, sa volonté de revanche militaire sur les Français, le pangermanisme, c’est-à-dire la
volonté de rassembler tous les Allemands au sein d’un même espace « vital », un espace conquis sur les
voisins de l’Allemagne qui lui seront asservis.

3. La transformation vers le totalitarisme


En Italie, après l’affaire Matteotti, on assiste à la mise en place assumée d’une dictature totalitaire
organisée par les lois dites « fascistissimes », le 3 janvier 1925. Ces lois mettent en place la censure de
la presse et de l’édition, un tribunal d’exception, une police secrète, la suppression des autres partis
politiques et des syndicats, l’arrestation des opposants politiques. Dès 1926, le régime crée une police
politique, l’O.V.R.A. (l’« Organizzazione di Vigilanza e Repressione dell’Antifascismo » : l’Organisation de
vigilance et de répression de l’antifascisme) qui traque les opposants aux quatre coins de l’Italie. Une fois
arrêtés, ceux-ci sont déférés devant des tribunaux spéciaux qui les condamnent à mort, à la déportation,
au bagne (celui de Lipari notamment) ou au confino (« confinement » en résidence surveillée) dans des
villages isolés (voir le roman autobiographie de Carlo Lévi, Le Christ s’est arrêté à Eboli).
Désormais, le parlement compte peu. Mussolini s’appuie sur le P.N.F. (3 millions de membres) et
sa milice, les chemises noires. Le P.N.F. élit un Grand conseil fasciste qui est le véritable organe de
gouvernement avec lequel Mussolini dirige le pays. Remarquons cependant que le régime monarchique
n’est pas interrompu. Le Roi Victor Emmanuel III reste officiellement à la tête du pays et même s’il n’a,
dans les faits, pas le pouvoir, il garde une importance protocolaire et symbolique.
En URSS, la maladie puis la mort de Lénine en janvier 1924 permettent à Staline de conquérir le
pouvoir. Il est le nouvel homme fort du régime et impose sa vision du socialisme. Il parvient à écarter
ses principaux rivaux, notamment Trotski, forcé à l’exil en 1929. Staline impose alors le « grand
tournant » avec la collectivisation forcée des terres, la mise en place des kolkhozes (exploitations
collectives) et des sovkhozes (fermes d’État) et la planification de l’économie. Le 1er plan quinquennal
(1928-1932) privilégie l’industrie lourde, l’énergie, les transports.
En Allemagne, les effets particulièrement ravageurs de la crise facilitent la montée au pouvoir d’Hitler.
Le parti nazi obtient plus de 37% des voix aux élections de 1932 et les autres partis ne parviennent pas
à s’entendre pour lui faire barrage (voir ci-dessus). Hitler est nommé chancelier le 30 janvier 1933 par
le président Hindenburg. La transformation du régime en dictature est alors extrêmement rapide. La
nuit du 27 février 1933, le Reichstag est incendié. Attribué aux communistes, cet incendie est utilisé
comme prétexte par les vrais incendiaires : les nazis. Le lendemain, est signé le décret présidentiel
« pour la protection du peuple et de l’État » qui suspend les libertés individuelles et lance la
répression contre les communistes, les syndicalistes, les sociaux-démocrates. Les partis politiques et
les syndicats sont supprimés, les opposants sont arrêtés et enfermés – notamment à Dachau, le premier
camp de concentration nazi ouvert dès le 20 mars 1933 – voire assassinés. Hitler se débarrasse
également des SA de Röhm devenu trop gênants à plus d’un titre (les ambitions de Röhm, ses différends
affichés avec Hitler, la concurrence des SA avec les cadres militaires traditionnels). Le 30 juin 1934, au
cours de la « nuit des longs couteaux », les chefs SA sont ainsi assassinés et la SS occupe désormais
un rôle central. Le 2 août 1934, après la mort de Hindenburg, Hitler cumule les fonctions de Chancelier
et de chef de l’État. Il devient le führer du Reich : c’est la concrétisation de la vision politique nazie, «
Ein Volk, ein Reich, ein Führer » (un Peuple, un État, un Guide).

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B. Des caractéristiques communes et des spécificités

1. Un Chef messianique
Tous ces régimes sont basés et construits sur la figure du chef, le guide (Hitler est le führer, Mussolini
le duce, Staline (surnom signifiant acier…) le vojd) qui s’inscrit dans une rupture révolutionnaire :
son accession au pouvoir suprême dessine un « Avant » et un « Après ». L’Avant, ténébreux (le tsarisme,
présenté comme archaïque, obscurantiste, en Russie ; la démocratie libérale, rejetée comme un régime
faible et corrompu en Allemagne et en Italie), est dénoncé, vilipendé par le Chef qui finit par le détruire.
Une fois dictateur, lui seul connaît le chemin qui permettra au peuple de s’élever et de s’accomplir. Il
connait et il est le futur idéal.
Il tient sa légitimité de son essence même : il est, pour lui et pour ceux qui l’écoute, un surhomme, un
héros. Hitler écrit ainsi dans Mein Kampf, « Celui qui veut être chef porte avec lui l’autorité suprême et
sans limites, le lourd fardeau d’une responsabilité totale […] Seul un héros peut assumer cette fonction ».
Mussolini se présente ainsi comme l’héritier des Césars et emprunte à la glorieuse Rome antique ses
gestes et son esthétique pour construire une mise en scène politique grandiloquente que l’on retrouve
également chez les nazis (le fameux salut fasciste et nazi est une reprise de l’Ave Caesar). Aussi le
chef totalitaire s’ancre-t-il dans un passé glorieux, parfois mythologique (les nazis se posent comme
héritiers des guerriers des sagas germaniques) qui le justifie pleinement. Staline, lui, est bien sûr le
continuateur de Marx, d’Engels et de Lénine ; Hitler, celui de Frédéric II. Aussi le chef se pare-t-il de
références au divin et développe un caractère sacré aux yeux du peuple. Mussolini entretient ainsi de
bonnes relations, jusqu’en 1938, avec la papauté. Il est l’« homme de la Providence » selon le Pape Pie XI.
Naturellement, tous les régimes totalitaires se caractérisent par un culte du chef sans limite : son
portrait couvre les murs, des statues lui sont érigées, des poèmes, récités par cœur par tous les écoliers,
chantent sa gloire et ses louanges, des cartes postales qui le mettent en scène décorent les maisons,
des médailles à son effigie (la médaille Staline par exemple) récompensent les plus valeureux. La
propagande occupe ainsi une place centrale.

Exercice 1
Document 4. Un exemple de dictée dans l’Allemagne nazie

« Comme Jésus a délivré les hommes du péché et de l’enfer, ainsi Hitler a sauvé le peuple allemand de
la ruine. Jésus et Hitler furent persécutés, mais tandis que Jésus fut crucifié, Hitler fut élevé au poste de
chancelier. Tandis que les disciples de Jésus le reniaient et l’abandonnaient, les seize camarades d’Hitler
s’allièrent pour leur chef. Les apôtres achevèrent l’œuvre de leur maître. Nous souhaitons qu’Hitler puisse
achever lui-même son œuvre. Jésus travaillait pour le ciel, Hitler œuvre pour la terre allemande. »

Répondez à la question suivante sur votre support de cours.


1. Comment Hitler est-il ici dépeint ?

Document 5. Dressez le
drapeau de Marx, Engels,
Lénine et Staline

Collection du musée national des


Beaux-Arts de Lettonie.
www.franceculture.fr

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Répondez à la question suivante sur votre support de cours.
2. Comment est représenté Staline sur ce photomontage ?

Document 6. Benito Mussolini par le peintre futuriste Alfredo Ambrosi, 193

Alfredo Gauro Ambrosi, Benito Mussolini, 1930.

Répondez aux questions suivantes sur votre support de cours.


3. Qu’est-ce que ce tableau représente ?
4. La composition du tableau vous paraît-elle originale ?
5. Quelles sont les idées que l’artiste cherche à susciter chez le spectateur ?
6. En quoi, selon vous, l’art peut-il être un puissant outil de propagande ?
Pour vérifier vos réponses, rendez-vous à la fin de cette partie.

2. La propagande au cœur du système totalitaire


Les régimes totalitaires utilisent et développent des moyens de propagande visant à obtenir une
adhésion massive aux nouveaux régimes. Les moyens de propagande utilisés sont des affiches, les
journaux (comme La Pravada, « la Vérité », journal officiel du P.C.U.S et seul autorisé en URSS) mais
aussi les moyens de communication modernes que sont la radio ou le cinéma. Les régimes totalitaires
sont d’ailleurs les premiers à comprendre la redoutable efficacité politique des nouveaux moyens de
communication audiovisuels…

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Exercice 2
Document 7. La collectivisation, affiche de 1932

Répondez aux questions suivantes sur votre


support de cours.

1. Comment cette affiche est-elle


composée ?
Quels aspects de la politique agricole du
régime stalinien représente-t-elle ?
2. La réalité correspond-elle à cette image ?

Pour vérifier vos réponses, rendez-vous à la


fin de cette partie.

© Deutsches Plakat Museum, Essen/Archives Charmet/Bridgeman Giraudon

Outre le culte au chef relayé sans cesse par tous les médias des régimes totalitaires, la propagande est
le vecteur d’une désinformation totale, dans le sens où toutes les informations doivent être à la gloire
du régime. La propagande soviétique qualifie ainsi la collectivisation de formidable réussite alors que
celle-ci fonctionne mal voire est catastrophique : le cinéaste Dziga Vertov tourne en 1930 la symphonie
du Donbass, louange à la collectivisation en Ukraine, alors que son inanité y provoque bientôt une terrible
famine.
Des modèles de réussite obligée, en preuve de la validité du système, sont érigés. Ainsi le
« stakhanovisme » – du nom d’un mineur qui aurait extrait 14 fois son quota de charbon en une journée –
est largement diffusé afin d’inciter les ouvriers à accélérer les cadences.
En complément, la censure est omniprésente : certaines œuvres artistiques sont complètement
interdites alors qu’au contraire, certains artistes sont utilisés de manière officielle. Le régime nazi
s’emploie à établir un contrôle total sur la culture, tâche qui est confiée au Ministre de la propagande,
Joseph Goebbels. Celui-ci interdit et traque les « mauvais livres », notamment dans les bibliothèques.
Les livres écrits par des juifs, par des penseurs de gauche, des pacifistes voire des hommes d’Église sont
brûlés la nuit dans d’immenses feux, sur la place des grandes villes allemandes.
Les œuvres d’art modernes - que les nazis qualifient d’« art dégénéré », peintures et sculptures,
notamment celles de l’expressionnisme ou de l’art abstrait, sont chassées des musées, vendues pour

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des sommes dérisoires ou tout simplement brûlées. À l’inverse, des affiches, des films, des livres
multiplient les images d’Hitler et propagent l’idéologie nationale-socialiste. Des livres d’enfant,
des cartes postales répandent les thèmes antisémites. Par ailleurs, le nazisme s’emploie à diffuser un
véritable culte du corps masculin dont la dimension homosexuelle implicite (alors que dans le même
temps le régime nazi faisait la chasse aux homosexuels et les internait dans des camps de concentration)
a été clairement mise en exergue par l’historien George Moss. Ce culte du corps s’exprime notamment par
la valorisation par le régime du sport, et en particulier de l’athlétisme. Les sculptures d’Arno Brecker,
sculpteur officiel du régime, représentent des hommes aux épaules et aux muscles surdimensionnés. Les
Jeux Olympiques de Berlin, en 1936, sont un moment privilégié de cette exaltation de la force physique
au cœur de l’idéologie nazie. Ce moment qui constitue un des sommets de l’œuvre de propagande du
régime est immortalisé par le film de la cinéaste Leni Riefensthal, Les dieux du stade.
Aussi, bien au-delà de la diffusion du message politique, la propagande totalitaire contribue, au sein
d’un système d’organisations de contrôle, à forger, en l’exaltant, un « Homme nouveau » des temps
modernes.

3. La volonté de forger un homme nouveau


L’une des spécificités des régimes totalitaires est la mise en place d’un encadrement de la population à
tous les âges de la vie, avec une importance particulière accordée à l’encadrement de l’enfance et de
la jeunesse. En Italie, les enfants sont intégrés à des groupes où on les réunit par sexe et par âge. Les
plus jeunes garçons (de 5 à 8-9 ans environ) se trouvent dans les « fils de la louve ». Les adolescents
de 8 à 14 ans se trouvent dans les Balillas où ils reçoivent un uniforme et commencent à s’entraîner au
maniement des armes. Ils sont ensuite avanguardisti (de 14 à 18 ans) avant d’intégrer les Jeunesses
fascistes. Les jeunes filles sont également intégrées dans ce type d’organisations.
En Allemagne, la jeunesse est également l’objet de toutes les attentions. Les jeunes garçons sont
ainsi intégrés aux Hitlerjugend (jeunesses hitlériennes) où ils reçoivent un entraînement sportif et
militaire qui les préparent au service militaire et également des cours de propagande. On les encourage
aussi à dénoncer leurs parents si ceux-ci critiquent le Führer. L’adhésion aux Hitlerjugend devient
obligatoire dès 1936 et l’organisation rassemble 8,7 millions de membres à la veille de la guerre. Les
programmes scolaires sont également repensés en fonction de l’idéologie nazie. Dès le plus jeune âge,
les enfants doivent apprendre à aimer le Führer plus que leurs parents et sont élevés dans les préceptes
du national-socialisme. Notons qu’en mai 1945, alors que tout est perdu pour l’Allemagne, les jeunes
fanatisés, inflexibles, sont les derniers à se battre contre l’armée rouge et à mourir dans un Berlin ravagé
et alors que tout est perdu.

Exercice 3
Document 8. L’éducation selon Hitler

« C’est avec la jeunesse que je commencerai ma grande œuvre éducatrice, dit Hitler. Nous, les vieux, nous
sommes usés. Oui, nous sommes déjà vieux. Nous sommes gâtés jusqu’à la moelle. Nous n’avons plus
d’instincts sauvages. Nous sommes lâches, nous sommes sentimentaux. Nous portons le poids d’une histoire
humiliante et le souvenir confus des époques d’asservissement et d’humiliation. Mais ma splendide jeunesse
! Y en a-t-il de plus belle dans le monde ? Quel matériel humain ! Avec eux je pourrai construire un nouveau
monde. Ma pédagogie est dure. Nous ferons croître une jeunesse devant laquelle le monde tremblera. Une
jeunesse violente, intrépide, cruelle. C’est ainsi que je la veux. Elle saura supporter la douleur. Je ne veux en
elle rien de faible ni de tendre. Je veux qu’elle ait la force et la beauté des jeunes fauves. Je la ferai dresser
à tous les exercices physiques. Avant tout qu’elle soit athlétique ; c’est là le plus important. C’est ainsi que je
purgerai la race de ces milliers d’années de domestication et d’obéissance. C’est ainsi que je la ramènerai
à l’innocence et à la noblesse de la nature ; c’est ainsi que je pourrai construire un monde neuf. Je ne veux
aucune éducation intellectuelle. Le savoir ne ferait que corrompre mes jeunesses. Qu’elles sachent seulement
ce qu’elles pourront apprendre par le libre jeu de la curiosité et de l’émulation. La science seule que j’exigerai
de ces jeunes gens, c’est la maîtrise d’eux-mêmes. Ils apprendront à dompter la peur. »

9 Hitler
Extrait de Hermann Rauschning, CNED m’a dit, (1ère édition
– TERMINALE en allemand,
– HISTOIRE 1939).
GÉOGRAPHIE
Répondez à la question suivante sur votre support de cours.
Comment Hitler conçoit-il l’éducation et dans quel but ?
Pour vérifier vos réponses, rendez-vous à la fin de cette partie.

De la même façon, en URSS, les organisations de jeunesse jouent un rôle fondamental dans la
soviétisation des masses. Trois organisations de jeunesses participent au développement et à
l’endoctrinement de l’enfant : d’abord, il est Jeune Octobriste, puis à 9 ans, il devient un Jeune Pionnier
avant d’intégrer à 14 ans le Komsomol (organisation de la jeunesse communiste). Liés par un serment
de fidélité à la Patrie et au Parti, les jeunes ingurgitent les préceptes du marxisme-léninisme et
intériorisent les valeurs communistes (travail, effort, abnégation, dévouement, sacrifice) par différentes
activités sportives et récréatives, de l’entrainement militaire, des travaux collectifs d’intérêt général ; le
tout en vénérant les icones que sont Lénine et Staline.

4. Terreur de masse
Pour Hannah Arendt, la terreur est au cœur même du fonctionnement des régimes totalitaires ;
l’historien britannique Ian Kershaw désigne l’État nazi comme un état « terroriste » au sens d’un État
qui place la terreur en principe de fonctionnement. Cette terreur est générée par la violence de masse
et son instrument est la déportation en camp de concentration, utilisée à une échelle plus importante
en Allemagne et en URSS qu’en Italie. Le camp de Dachau est ouvert dès l’arrivée au pouvoir des Nazis,
en mars 1933 et rempli d’opposants arrêtés par les SA et la « police secrète d’État », la Gestapo. Le
système concentrationnaire est placé sous l’administration des SS d’Heinrich Himmler.

Document 9. Le règlement du camp de Dachau

« Art. 11 : Les délinquants suivants, considérés comme agitateurs, seront pendus : quiconque fait de la
politique, tient des réunions de provocation, se rassemble avec les autres détenus ; quiconque recueille des
renseignements vrais ou faux, sur le camp de concentration, les fait parvenir hors du camp.
Art. 12 : Les délinquants suivants, considérés comme mutins seront abattus sur le champ : quiconque se sera
livré à des voies de fait sur la personne d’un garde ou d’un S.S., aura refusé d’obéir ou de travailler en corvée,
aura protesté ou tenu des discours sur le lieu de travail. »

Document 10. Prisonniers du Goulag travaillant à la construction du canal de la mer Blanche, entre 1931 et 1933

Photo akg-images / Sputnik Paru dans www.liberation.fr

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En URSS, la répression politique de masse s’articule autour de la surveillance étroite de la population
par une redoutable police politique (Tcheka puis GPU puis NKVD) ainsi que sur la déportation des
opposants dans les camps du Goulag (acronyme pour « administration centrale des camps ») mis en
place dès Lénine et largement développé par Staline. La répression vise d’abord les « ennemis de
classe » – les contre-révolutionnaires, les bourgeois, les koulaks (paysans jugés riches – il suffit
pour cela de posséder sa propre vache…), les réfractaires à la collectivisation – puis se généralise
aux coupables du moindre faux pas. Certains territoires d’URSS résistent particulièrement au « grand
tournant » qu’est la collectivisation à marche forcée : la répression y est terrible. Ainsi, dans la RSS
(république socialiste soviétique) d’Ukraine, 110.000 koulaks sont déportés et la famine entretenue et
orchestrée par Moscou (réquisitions maintenues alors que les récoltes sont catastrophiques et villages
confinés) pour mater les résistances fait au moins 3 millions de morts entre 1931 et 1933 (l’Ukraine
qualifie en 2006 cet épisode de génocide). Dans ce contexte, 130.000 autres personnes sont condamnées
à 10 ans de déportation ou à la mort pour le simple vol de quelques denrées (loi des épis du 2 aout 1932
punissant « tout vol de la propriété socialiste »).
À partir de 1934, l’URSS entre dans une ère de terreur généralisée, marquée par une vague de grands
procès, les « Grandes Purges » qui visent non seulement les opposants (avérés, fantasmés ou fabriqués)
mais aussi les vieux cadres du Parti et compagnons historiques de Lénine (Zinoviev, Kamenev,
Boukharine notamment). Cette période connait son point culminant autour de 1937-1938 et permet le
remplacement des Léninistes par une nouvelle génération toute dévouée à Staline. Ainsi, ce sont 98 des
139 membres du comité central élu en 1934, qui sont exécutés. La répression touche les intellectuels,
les artistes, l’armée, les hauts fonctionnaires… On évalue à 2 millions le nombre de victime exécutées
et sans doute 5 à 8 millions de détenus dans les camps de concentration administrés par le Goulag, où le
taux de mortalité atteint 10% par an.

4. Les spécificités des régimes totalitaires


On le voit, les méthodes et les moyens – propagande, encadrement, terreur – sont ainsi similaires entre
les trois régimes. Mais leurs projets les distinguent nettement : rappelons que l’une de raisons d’être
des fascismes – régimes qui exaltent les inégalités – est la lutte contre le communisme. Ce modèle
idéologique est diamétralement opposé, donc, à celui de l’Union soviétique.
Le mot d’ordre dans l’URSS de Staline est la transformation radicale de l’économie et de la société. Il
s’agit, en application de la doctrine marxiste, d’aller vers une société sans classe. Pour aboutir à cette
société idéale, dans laquelle régnerait une égalité parfaite, il faut supprimer le fondement des inégalités
sociales : la propriété privée. Cette lecture sociale se traduit par la persécution et la déportation des
« possédants », notamment dans la phase de collectivisation des « koulaks », souvent de simples et petits
paysans mais propriétaires et présentés comme des exploiteurs par la propagande officielle.
Quant à l’économie, l’URSS doit devenir une, voire la première, puissance mondiale – ce qui serait la
preuve de la pertinence de son système. Sous l’impulsion des plans quinquennaux décidés par l’État
(et donc le Parti), elle se couvre de combinats, pôles de développement industriels dans lesquels on
trouve presque exclusivement des industries lourdes. Des complexes industriels géants se mettent en
place dans l’Oural, en Sibérie, dans le Kazakhstan, ce au grand détriment de l’agriculture (malgré la
propagande officielle) et de l’industrie des biens de consommation.

Le projet fasciste repose sur l’exaltation de la nation italienne et se veut éminemment modernisateur.
Menant une politique d’autarcie, Mussolini veut permettre à l’Italie de se suffire à elle-même en matière
économique. L’État lance de grands travaux : autoroutes, barrages, agriculture. La bataille du blé,
lancée par Mussolini dès 1925, a pour ambition d’augmenter la production italienne de céréales afin que
le pays soit capable de se suffire à lui-même. De grands projets d’assèchement des zones marécageuses
sont lancés afin de gagner de nouvelles terres agricoles et de faire reculer la malaria qui tue encore des
milliers d’Italiens chaque année. La propagande du régime met ainsi en scène l’assèchement des Marais

11 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE


pontins, réalisé entre 1928 et 1932. L’État mène aussi une politique nataliste, interdit émigration et
immigration. Dans le même temps, la population active agricole décroît au profit de l’industrie et la
scolarisation des petits Italiens s’améliore notablement au cours de la période.
-
port à l’Italie d’« avant » et pour certains contemporains, Mussolini devient l’homme qui « fait arriver les trains
italiens à l’heure »…

Ce projet de grandeur s’inscrit dans un rêve de puissance qui doit permettre à l’Italie de retrouver sa
splendeur de l’Antiquité.

Le nazisme qui exalte aussi la grandeur nationale et les vertus guerrières, est lui fondé
spécifiquement sur le racisme et l’antisémitisme – et est en cela l’héritier radical et la somme des
extrêmes droites allemandes et européennes. Cet antisémitisme obsessionnel, qui s’institutionnalise
rapidement, constitue la principale caractéristique du nazisme et est un trait original par rapport aux
autres totalitarismes (l’Italie fasciste n’instaure des lois raciales qu’en 1938).
À tous les niveaux, l’idéologie nazie désigne les Juifs comme les responsables de tous les maux de la
société allemande : Hitler et les siens se donnent pour rôle et pour objectifs de protéger par tous les
moyens la « pureté » de la « race aryenne ». Le 1er avril 1933, deux mois après l’arrivée d’Hitler à la
Chancellerie, la première mesure antisémite est prise avec le boycott des professions libérales et des
commerces juifs. Les Juifs sont ainsi rapidement exclus de la société allemande par le biais des lois de
Nuremberg (1935). Elles interdisent notamment le mariage entre Juif et non-Juifs. Elles sont rapidement
complétées par divers textes dont les ordonnances antisémites du 12 novembre 1938 : les Juifs sont
exclus des professions libérales (avocats, notaires, médecins), des professions de l’enseignement, de
l’armée, de la magistrature, du journalisme… Les commerces et les entreprises tenus par des juifs
sont aryanisés, c’est-à-dire confisqués par l’État nazi qui les revend à son profit ou les confie à des
fidèles du régime. Pour les reconnaître, on leur impose bientôt le port de l’étoile jaune. Les Juifs sont
également victimes des violences des S.A. et des S.S. La nuit de cristal, le 9-10 novembre 1938 est un
gigantesque pogrom qui voit les bandes nazies s’attaquer aux quartiers juifs des villes d’Allemagne
et d’Autriche. Des milliers d’appartements, de boutiques, des synagogues sont brûlés. Environ 100 Juifs
meurent au cours de cette nuit d’horreur, 25 000 sont déportés vers les camps de concentration de
Dachau, de Buchenwald et Sachsenhausen.

Exercice 4
Document 11. Des lois antisémites

15 septembre 1935 - Lois sur la protection du sang allemand et sur la citoyenneté (dites lois de Nuremberg) :

« Sont citoyens du Reich uniquement les habitants du Reich de sang allemand ou de race parente, qui prouvent
par leur conduite qu’ils ont la volonté et la possibilité de servir fidèlement le Reich et le peuple allemand. »
« Les mariages entre Juifs et citoyens allemands ou similaires sont interdits. »
« Les Juifs n’ont pas le droit d’employer au service de leur ménage des femmes de sang allemand ou assimilé
de moins de 45 ans »
« Il est interdit aux Juifs de hisser les couleurs nationales du Reich. »

De juillet à novembre 1938 - Ordonnances pour l’élimination des Juifs de l’économie :

« Les installations de médecins juifs doivent cesser le 30 septembre 1938. »


« Il est interdit aux Juifs d’exploiter des magasins de vente ou d’exercer un métier artisanal indépendant. »
« Un Juif ne peut plus être à la tête d’une entreprise. »
« L’assistance aux manifestations culturelles (théâtres, cinémas, concerts, spectacles de danse, expositions…)
ne doit plus être permise aux Juifs. »

12 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE


Répondez à la question suivante sur votre support de cours.
De quelles manières les Juifs sont-ils peu à peu exclus de la société allemande ?
Pour vérifier vos réponses, rendez-vous à la fin de cette partie.

Document 12. Incendie d’une synagogue lors de la nuit de cristal (9-10 novembre 1938)

Vocabulaire :
• Gestapo : Acronyme tiré de l’allemand Geheime Staatspolizei signifiant « Police secrète d’État ». La
Gestapo fut la police politique du Troisième Reich. Fondée en Prusse par Hermann Göring, son pouvoir
s’étendit ensuite, sous l’impulsion de Heinrich Himmler, à l’ensemble du Reich et des territoires
envahis par ce dernier au cours de la Seconde Guerre mondiale.
• Pogrom : Attaque accompagnée de pillage et de meurtres perpétrée contre une communauté juive
dans l’Empire russe. Par extension, émeute sanglante dirigée contre une minorité ethnique ou
religieuse.

13 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE


C. Vers la guerre
Si les causes et les responsabilités de la Première Guerre mondiale sont multiples et partagées,
celles de la Seconde Guerre mondiale sont plus évidentes à cerner : le bellicisme d’Hitler face à des
démocraties désirant à tout prix sauver la paix.

1. Des transgressions aux annexions


A partir de la montée au pouvoir d’Hitler, la marche vers la guerre est rapide. Fidèle à son hostilité de
toujours au traité de Versailles honnis par les Allemands, il le bafoue ouvertement, et joue l’intimidation
vis-à-vis de la Société des Nations, qu’il quitte d’ailleurs dès 1933. Sans encombre, l’Allemagne débute
son réarmement et rétablit le service militaire en 1935. L’année suivante, il remilitarise la Rhénanie.
Cette année 1936 est décisive. Mussolini, à la poursuite de son rêve impérial, parachève l’Afrique
orientale italienne en annexant l’Éthiopie sous prétexte d’une escarmouche à la frontière avec la Somalie
italienne. Cette agression, qui annonce les horreurs de la guerre à venir (usage de gaz, massacres
de civils), est censée accroître le prestige mondial d’une Italie à la poursuite des fantômes de la Rome
Antique ; elle marque surtout la rupture de l’Italie fasciste avec les démocraties occidentales : la SDN
la condamne et vote des sanctions, en vain. Mussolini se tourne alors vers l’Allemagne nazie avec
laquelle il signe l’axe Rome-Berlin, en octobre 1936, qui met un terme à deux ans de relations plutôt
froides entre les deux dictateurs (en janvier 1935, l’Italie et la France désignent conjointement l’Allemagne
d’Hitler comme ennemi commun). Mussolini se rend ensuite en Allemagne en septembre 1937. Fasciné
par les fastes hitlériens, il développe alors un style très proche, faisant défiler ses troupes au « pas
romain », adoptant un ton incantatoire et belliciste dans ses discours. Cette même année, l’Italie adhère
au pacte anti-Komintern (contre l’Internationale communiste donc), signé entre l’Allemagne et le Japon
en 1936 dans l’éventualité d’une guerre avec l’URSS.
Aussi, les succès géopolitiques et économiques des nazis face aux atermoiements des autres
puissances, donne à Hitler de plus en plus d’assurance.
En application du projet pangermaniste (réunir dans une « grande Allemagne » toutes les populations
germanophones), les nazis manœuvrent pour prendre le pouvoir en Autriche : infiltrations, intimidations,
pressions (notamment le soutien à un coup d’état des nazis autrichiens qui échouent en juillet 1934).
En mars 1938, la Wehrmacht envahit l’Autriche à la suite d’un coup d’état du parti nazi autrichien. En
avril, un plébiscite entérine, avec 99% de voix, le rattachement de l’Autriche au Reich. C’est l’Anschluss,
présenté par Hitler comme l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (ce même
droit utilisé par les vainqueurs de la Première guerre mondiale pour reconfigurer l’Europe au détriment
notable de l’Allemagne). En septembre de la même année, sous ce même prétexte, l’Allemagne réclame
le rattachement des Sudètes, région de Tchécoslovaquie peuplée d’une forte minorité germanique.
La Tchécoslovaquie refuse mais la conférence de Munich (29-30 septembre 1938), à laquelle
participent uniquement l’Italie, la Grande Bretagne et la France (alliée de la Tchécoslovaquie), au nom de
l’apaisement, donne raison à Hitler – en l’absence de tout représentant tchécoslovaque et sans l’avis des
autres puissances, de l’URSS notamment qui se tient, elle, prête à l’intervention armée : les Sudètes sont
annexées par le Reich dès le 1er octobre. C’est le point de départ du dépècement d’une démocratie
souveraine. Diminuée également par la Pologne et la Hongrie qui, en contestation des traités de l’après-
guerre, s’emparent de territoires du nord et du sud, elle est envahie, en violations des mêmes accords
de Munich, par la Wehrmacht le 15 mars 1939. Après la création du protectorat de Bohême-Moravie et la
sécession de la république Slovaque qui devient pronazie, la Tchécoslovaquie cesse d’exister le 31 mars
1939, sacrifiée sur l’autel de la paix. Plus qu’un territoire, l’Allemagne met la main sur la puissante
industrie tchèque et double son potentiel d’artillerie lourde.
Enfin, dernier acte avant l’invasion de la Pologne qui embrase l’Europe, l’Allemagne oblige la Lituanie à
lui céder Klaipêda, la Memel germanophone, le même mois.
L’Italie de Mussolini, stimulé par l’exemple nazi, emboite le pas à l’Allemagne et envahit l’Albanie le 7
avril 1939.

14 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE


Document 13. Les agressions hitlériennes en Europe

2. La passivité des démocraties


Dès les premières transgressions allemandes – le réarmement ouvert au printemps 1935 et la
conscription (aboutissement d’une promesse faite dès février 1933) – les puissances occidentales se
bornent à protester sans jamais prendre de mesures fortes. Pourtant, la remilitarisation allemande
inquiète : en avril 1935, une déclaration commune, dite « front de Stresa », de la France, la Grande-
Bretagne et l’Italie (alors diplomatiquement proche de la France) affirme la détermination de ces États
à garantir l’intégrité de l’Autriche, déjà inquiétée par le coup d’état nazi manqué de juillet 1934. Mais
parallèlement, l’Allemagne et l’Angleterre signent un pacte naval... De fait, Hitler considère les traités
comme des arrangements provisoires, des moyens d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés.
De même, la remilitarisation de la Rhénanie en violation du traité de Versailles, si elle choque la classe politique
française, ne provoque guère de remous : une mobilisation partielle est demandée par le Conseil des ministres,
mais elle n’a pas lieu face à la réticence des autorités militaires à risquer une escalade guerrière avec l’Alle-
magne. L’Angleterre proteste d’autant moins, estimant qu’après tout, l’Allemagne ne fait que revenir chez elle…

Dans un contexte devenu très favorable à l’Allemagne, l’Anschluss est proclamé dans la quasi
indifférence internationale. La question Tchécoslovaque est, quant elle, prise plus au sérieux au point
que la France et la Grande Bretagne décrètent une mobilisation partielle le 26 septembre face aux
menaces qui pèsent sur leur alliée. Néanmoins, la conférence de Munich est une nouvelle reculade face
à Hitler et peu nombreux sont encore ceux qui font face aux événements avec lucidité. La voix de Winston
Churchill reste encore inaudible quand il écrit avant la conférence : « nous allons devoir choisir pendant
les prochaines semaines entre le déshonneur et la guerre […] ». Mais Daladier, le signataire de retour
de Munich, s’étonne tout de même de se voir acclamé par la foule quand il s’attend à être conspué face
aux conséquences prévisibles de cet accord.

15 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE


Ce « lâche soulagement » (Léon Blum) est en effet largement partagé, non seulement par l’opinion
publique, mais également par les classes politique et militaire, traumatisées par la Première Guerre
mondiale, la « Der des ders », et devenues viscéralement pacifiques et ce dans le contexte d’une crise
socio-économique qui a renforcé les égoïsmes nationaux. Aussi le sort de la Tchécoslovaquie ne suscite
que peu de solidarité internationale et n’émeut guère. En septembre 1939, l’Éclaireur de Nice titre
ainsi : « tous les Tchécoslovaques du monde ne valent pas les os d’un petit soldat Français ». Quant
à Neville Chamberlain, le Premier ministre britannique, il s’exprime en ces termes à la BBC, le 27
septembre 1938 : « Il est vraiment horrible, fantastique et incroyable, d’essayer ici des masques à gaz à
cause d’un conflit dans un pays lointain entre des gens dont nous ne savons rien. »
En somme, le sacrifice de la Tchécoslovaquie dans l’espoir d’apaiser Hitler s’impose comme une
évidence pour la grande majorité.

Exercice 5

Document 14. La conférence de Munich vue par Jean-Paul Sartre, Léon Blum et Winston Churchill

• Dans cet extrait du 2e tome des Chemins de la liberté intitulé Le sursis, Jean-Paul Sartre imagine la
réaction d’Édouard Daladier, à son retour de Munich, lorsqu’il aperçoit la foule immense des Parisiens qui est
venu l’accueillir.

« L’avion décrivait de larges cercles au-dessus du Bourget (C’est alors l’aéroport de Paris) Léger se pencha
vers Daladier et cria en la montrant : « Quelle foule ! ». Daladier regarda à son tour :
– Ils sont venus me venus me casser la gueule. Je les comprends.
– Tout dépend du service d’ordre, dit Léger en soupirant.
L’avion s’était posé. Daladier sortit péniblement de la carlingue et mit le pied sur l’échelle. Il était blême. Il y
eut une clameur énorme et les gens se mirent à courir, crevant le cordon de police, emportant les barrières. Ils
criaient « Vive la France ! Vive l’Angleterre ! Vive la paix » Ils portaient des drapeaux et des bouquets. Daladier
s’était arrêté sur le premier échelon ; il les regardait avec stupeur. Il se tourna vers Léger et dit entre ses
dents : – les cons ! »

Jean-Paul Sartre, Les chemins de la liberté

• « La guerre est probablement écartée. Mais dans des conditions telles que moi qui n’ai jamais cessé de
lutter pour la paix, je ne puis en éprouver de joie et que je me sens partagé entre un lâche soulagement et la
honte. »

Léon Blum, Le Populaire (c’est le journal de la S.F.I.O.), 20 septembre 1938

• « Tout est consommé. Silencieuse, lugubre, abandonnée, brisée, la Tchécoslovaquie s’enfonce dans l’ombre.
Nous avons subi une défaite sans avoir fait la guerre. Ce n’est que le commencement, le premier avant-goût
d’une coupe amère qui nous sera tendue d’année en année, à moins que par un suprême effort, nous nous
dressions pour défendre la liberté comme aux temps d’autrefois ». […]».

Winston Churchill, discours au parlement anglais, 5 octobre 1938

Répondez aux questions suivantes sur votre support de cours.


7. Rappelez en quelques phrases le contenu des accords de Munich.
8. Quels sont les sentiments qui dominent chez chacun des auteurs après les accords de Munich ?
9. La vision littéraire donnée par Jean-Paul Sartre est-elle crédible ?

16 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE


10. La position de Winston Churchill est-elle partagée en 1938 ? Que veut-il dire quand il parle d’un
suprême effort ?
Pour vérifier vos réponses, rendez-vous à la fin de cette partie.

Enfin, le cas de la guerre d’Espagne (1936-1939) montre à quel point les régimes totalitaires dominent
la géopolitique européenne face à des démocraties apeurées. Certains historiens considèrent d’ailleurs
que la Seconde guerre mondiale débuterait avec ce conflit dès 1936.
Le 16 février 1936, le Frente popular (Front populaire) remporte la victoire aux élections espagnoles ;
le 17-19 juillet, l’armée et les nationalistes dirigés par le général Franco lancent une rébellion qui
vise à renverser le pouvoir en place. Le 9 septembre 1936, lors d’une conférence réunie à Londres, Léon
Blum, leader du Front Populaire français, propose – face à l’opposition britannique à toute intervention
étrangère en Espagne par crainte de l’escalade guerrière, alors même que les aviations allemandes et
italiennes bombardent déjà Madrid – un pacte de « non-intervention » sur lequel s’accordent presque
toutes les nations d’Europe : un marché de dupes. Les démocraties occidentales n’interviennent
pas dans le conflit, si ce n’est par la livraison clandestine d’armes, au contraire des trois régimes
totalitaires qui s’y affrontent par adversaires interposés.
L’URSS met en place des Brigades internationales, rassemblant des combattants russes mais aussi
des volontaires d’autres États, pour aider les républicains : ces brigades arrivent en Espagne en octobre
1936. De leur côté, l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie soutiennent ouvertement et activement Franco,
envoyant des armes et des soldats : en août 1936 la légion Condor allemande est envoyée en Espagne.
Elle passe sinistrement à la postérité en bombardant, avec le concours de l’aviation de l’Italie fasciste,
le village de Guernica le 26 avril 1937 : 50 tonnes de bombes sont larguées sur les 7000 civiles. La
ville est détruite à 70 % et le bilan humain, contesté, s’élèverait à 1654 morts et près de 800 blessés.
Ce bombardement émeut profondément l’opinion publique mondiale : dès juin 1937, sur commande du
gouvernement républicain espagnol, Pablo Picasso expose une toile monumentale, intitulée Guernica,
commémorant cet épisode sanglant de la guerre d’Espagne dans le pavillon espagnol de l’Exposition
universelle de Paris. Mais ce drame, et le bilan de la guerre (environ 400.000 morts) qui s’achève au
printemps 1939 par la victoire des troupes de Franco et l’instauration d’une dictature, n’infléchissent
pas la détermination des démocraties occidentales à se maintenir hors des combats.
Réarmement, remilitarisation, Rhénanie, Guerre d’Espagne, Anschluss, Conférence de Munich : autant
d’événements qui, en 4 ans, donnent à Hitler toutes les raisons de croire que ses ambitions peuvent se
concrétiser.

3. Front totalitaire contre la paix


Les alliances se consolident en 1939. En février/mars, la Hongrie de Miklós Horthy et l’Espagne de
Franco rejoignent le pacte « anti-Komintern ». En mai, le « Pacte d’acier », destinée à assurer la
sécurité de « l’espace vital » germano-italien renforce un front totalitaire maitre du jeu européen
face aux pusillanimes démocraties. Compte tenu des précédents et du programme sans équivoque
du NSDAP, la suite ne fait alors plus guère de doute. Reste pour l’Allemagne un problème : celui de
livrer à nouveau une guerre sur deux fronts opposés. Demeure donc le problème de l’URSS, l’ennemi
naturel…
L’URSS de Staline est devenu le pays de la construction du socialisme dans ses seules frontières
et non plus celui qui promeut la révolution mondiale. Aussi, sa priorité est de garantir la pérennité
du régime, de préserver sa stabilité et la paix. Et à ce titre, Staline, conscient dès 1933 du danger
que représente une Allemagne hitlérienne à la puissance ressuscitée, mène une active diplomatie
afin de prévenir le pire. Aussi, l’URSS adhère-t-elle à la SDN en 1934 et signe différents pactes de
non-agression avec les voisins occidentaux comme le pacte d’assistance mutuelle conclu avec la
France en 1935 ou celui signé avec la Tchécoslovaquie la même année. Néanmoins, la méfiance des
démocraties capitalistes, de la Grande Bretagne notamment, vis-à-vis de l’URSS freine grandement

17 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE


toute entente solide et l’enchaînement des événements – guerre d’Espagne dans laquelle seule l’URSS
prend part, non invitation à la conférence de Munich – montre à Staline son isolement. Aussi, en 1939,
Staline, convaincu de l’inévitabilité de la guerre, change de stratégie et décide de mettre en place un
glacis protecteur : c’est ce qui le pousse à signer avec Hitler un pacte de non-agression le 23 août
1939 qui contient des clauses secrètes sur un futur partage de la Pologne ; un rapprochement « contre-
nature » qui méduse le monde entier et permet aux deux parties de reculer leur inévitable affrontement.
Plus rien ne s’oppose à l’invasion de la Pologne, même l’éventualité d’une guerre avec les
démocraties occidentales méprisées : « nos ennemis sont des vermisseaux, je les ai vu à Munich » dit-il
à ses généraux. Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la cité-état libre de Dantzig et la Pologne.
Cette fois, l’Angleterre et la France, alliées depuis février, ne peuvent plus reculer.

Vocabulaire :
• Bellicisme : Doctrine ou attitude qui fait du recours à la force l’instrument privilégié du règlement des
conflits internationaux.

Synthèse de la 2ème partie


Dans les années 1920 (URSS, Italie) et 1930 (Allemagne), trois régimes totalitaires se mettent en
place, émergent et s’affirment. Ces trois régimes qui se distinguent par leurs idéologies, proposent de
construire une société radicalement moderne faite d’individus « nouveaux » totalement dévoués à l’État.
Celui-ci, par le biais d’une dictature, d’une propagande massive, d’un contrôle absolu des masses et de la
terreur, contrôle totalement la société.
Les agressions de l’Allemagne nazie – dont l’objectif est de construire par la guerre une « Grande
Allemagne » au « sang pur » en piétinant le fragile équilibre atteint en Europe après la Première Guerre
mondiale – aboutit à un nouveau conflit.

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