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Josué 1,1-9 :
Sois fort et sois courageux

1. Premières réactions
E Pourquoi Moïse est-il si souvent qualifié de serviteur ?

E Ce territoire promis aux Hébreux est immense et habité. Est-ce vraiment

un cadeau ?
E Pourquoi répéter par trois fois : « Sois fort et courageux » ? Est-ce un

impératif ou plutôt un encouragement ?

1. Lecture du texte
2.1. Indications pour la lecture
1,1.2.3.5 h#$emo (moshè) 
« Moïse » est nommé six fois, par trois fois il est qualifié de « serviteur »
(dbe(e,'èvèd). Dans l’Ancien Testament, il est le serviteur par excellence.

1,1.9  hwhy (YHWH)


« Le SEIGNEUR ». Dans notre passage, Dieu est toujours appelé par son nom
propre, YHWH. Cette nomination marque bien le lien entre les fils d’Israël
et leur Dieu.

1,1 (A#$uwOhy: (yehoshoua) 


« Josué » est nommé une seule fois, il est qualifié de « fils de Noun » et éga-
lement d’auxiliaire de Moïse. Josué signifie le « SEIGNEUR sauve ». Selon
un texte tardif (1 Ch 7,27), il appartient à la tribu d’Ephraïm. Dans le Penta-
teuque, Josué est qualifié d’« auxiliaire » de Moïse. Moïse a choisi Josué sur
ordre de Dieu (Nb 27,15-23), et à la fin du Deutéronome (Dt 31,7-8.14.23 ;
34,9), Moïse confirme à Josué le rôle de celui qui doit conduire le peuple
au-delà du Jourdain. Josué sera enterré dans le territoire d’Ephraïm, c’est
alors qu’il recevra le titre de « serviteur du SEIGNEUR » (Jos 24,29) qui était
réservé à Moïse.
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1,2.3.6 Nt'nO (notén) 


« Je donne ». Du verbe NtanF (natan) « donner ». Ce verbe revient cinq fois dans
le texte. C’est toujours le SEIGNEUR qui en est le sujet.

1,5.9 M(i (im) 


« Avec », cette préposition revient trois fois, le SEIGNEUR rappelle sa pré-
sence auprès de Moïse, puis de Josué.

1,6 lyxin:t@a (tanehil) 


« Tu donneras en patrimoine ». La notion de patrimoine est omniprésente
lors de la traversée du désert. Ici, il s’agit du verbe nahal, qui au hifil signifie
« donner en patrimoine », c’est-à-dire distribuer les territoires aux tribus.
C’est la mission de Josué.

1,6.7.9 Cmf)vwE qzaxj (hazaq wèèmaç) 


« Sois fort et courageux ». Cette injonction intervient par trois fois dans notre
texte. En hébreu, ce sont deux verbes à l’impératif, ce qui est difficile à rendre
en français. On pourrait traduire par « fortifie-toi et prends courage », mais je
propose de redoubler l’impératif du verbe être : « Sois fort et sois courageux. »

1,7.8 hrFwOt@ (torah) 


Ce mot est dérivé de la racine hébraïque hry yrh qui signifie « enseigner ».
La traduction par « loi » est dérivée du grec nomos, qui réduit la Torah à un
code juridique. La Torah pour le judaïsme est également l’ensemble des
cinq premiers livres de la Bible, que l’on trouve sous le titre de Pentateuque
dans les Bibles chrétiennes. C’est avant tout un récit, dans lequel est inclus
un code juridique.

2.2. Le texte dans son contexte


La péricope se situe à un moment crucial, elle est bien délimitée. Elle opère
de multiples transitions : de lieux, de leaders, de perspectives et de livres.
Le peuple vient de passer quarante années dans le désert après la sortie
d’Égypte. Ceux qui ont connu l’esclavage en Égypte sont tous décédés. Le
dernier d’entre eux, Moïse vient de mourir (Dt 34). Le peuple hébreu a un
nouveau chef, Josué, désigné par Moïse. Jusque-là, il a vécu dans l’ombre
de Moïse. Désormais, il devient l’interlocuteur privilégié du SEIGNEUR, il
va conduire la nouvelle génération au-delà du Jourdain. Le séjour dans le
désert a été très éprouvant, mais l’entrée dans ce pays habité par d’autres
a de quoi effrayer.
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Le passage est un discours que Dieu adresse à Josué. Il reprend de nombreux
éléments qui ont déjà été évoqués lors des livres précédents, instaurant ainsi
un lien étroit avec ce qui précède. La nouveauté annoncée s’inscrit dans une
histoire et une promesse. Ce discours qui inaugure le livre et la mission de
Josué, vient donner l’autorité à Josué.
À partir du verset 10, c’est le récit du passage du Jourdain qui s’amorce, par
le mot « alors » qui marque la rupture entre le discours et le début de l’instal-
lation en Canaan. À la fin du chapitre (Jos 1,18), c’est le peuple qui reprend
l’injonction « Sois fort et sois courageux » lorsqu’il s’adresse à Josué. Dès
l’ouverture, le passage de témoin entre Moïse et Josué est acté.
Par ailleurs, le livre de Josué inaugure une nouvelle partie de la Bible. La
Torah se referme et nous abordons les livres prophétiques, tels qu’ils sont
nommés dans la Bible hébraïque ou la TOB, ou historiques dans la plupart des
Bibles chrétiennes. Tout au long du Pentateuque, la promesse de la terre est
omniprésente depuis que le SEIGNEUR a demandé à Abraham de partir de
Chaldée pour s’installer en Canaan et lui a promis une grande descendance
et un pays. Si l’installation du clan d’Abraham en Canaan s’est déroulée de
manière pacifique, il n’en sera rien dans le livre de Josué. La conquête du
pays se fera dans la violence et le militarisme. Cette cruauté qui est également
attribuée à Dieu n’a eu de cesse de choquer.
Le livre de Josué n’est pas historique au sens où nous l’entendons aujourd’hui.
L’archéologie vient contredire quelques récits, par exemple celui de la prise
de Jéricho (Jos 6), puisque cette ville aurait été détruite au XVe siècle av. J.-
C., soit bien avant le temps où le récit situe Josué. Cela nous incite donc à
chercher du sens ailleurs que dans une concordance historique pas toujours
très significative.
Pour comprendre, il faut s’intéresser à l’histoire rédactionnelle du livre de
Josué. Le livre n’est pas contemporain des faits rapportés, il suppose une
longue élaboration. L’élaboration d’une première version date probablement
du temps où les Assyriens (VIIIe-VIIe siècles av. J.-C.) occupaient le Proche-
Orient Ancien, plus précisément de l’époque du roi Josias (639-609 av. J.-C.),
alors que la puissance assyrienne faiblit. Josias en profite pour réorganiser le
royaume de Juda, faisant du temple de Jérusalem le seul sanctuaire légitime.
Les conquêtes assyriennes étaient d’une violence inouïe. Josué va utiliser le
langage, les descriptions des Assyriens et de leurs armées destructrices, afin
de les subvertir, pour donner du courage au peuple hébreu. Il proclame que
c’est le Dieu d’Israël qui est le plus fort. Israël puise ainsi sa force dans la foi
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en Dieu qui ne l'abandonne pas. Ce livre est une « contre-histoire » (formule de
Thomas Römer) qui dénonce le militarisme du grand voisin ennemi assyrien.
Le livre de Josué peut être lu comme une propagande des Judéens contre
les Assyriens. Commencer le livre par un discours du SEIGNEUR souligne
que les Hébreux peuvent s’appuyer sur un Dieu puissant qui soutient leur
nouveau chef.
Le style de Josué est typique de ceux que l’on nomme les rédacteurs « deu-
téronomistes », il est en dépendance théologique avec le Deutéronome. On
retrouve dans notre passage le cœur de cette théologie, à savoir : la relation
d’alliance entre le SEIGNEUR et son peuple, la mention des patriarches, le
pays, la fidélité à la loi en lien avec la présence divine.

2.3. Commentaire
La péricope qui introduit le livre de Josué est un discours du SEIGNEUR qui
s’adresse à Josué. Jusque-là le SEIGNEUR ne s’adressait qu’à Moïse. Ses
paroles font office d’intronisation, et de discours programmatique, puisqu’il
énonce les grands thèmes du livre : le passage du Jourdain, la conquête,
le partage du pays. Le discours comporte deux parties : la première (v. 1-4)
énonce le programme, la seconde (v. 5-9) vient donner du courage à Josué
pour accomplir sa mission.

Verset 1 
Ce verset est introduit de manière très classique par « il arriva ». Cela nous
indique qu’une histoire commence, presque comme « il était une fois ». La
suite permet au lecteur de comprendre le passage de témoin entre deux
« héros ». Moïse vient de mourir, Josué qui était déjà à ses côtés devient
son successeur. Mais celui qui prend la parole, c’est le SEIGNEUR, le Dieu
d’Israël. Cette relation personnelle sera rappelée tout au long de la péricope
par les évocations des promesses faites par le SEIGNEUR aux pères. Josué
est «  fils de Noun », cela l’inscrit dans une lignée. Il est aussi « auxiliaire de
Moïse », cela nous indique qu’il n’est pas exactement le plein successeur de
Moïse qui, lui, était le serviteur du SEIGNEUR. Cela vient renforcer les derniers
versets du Deutéronome : « Plus jamais en Israël ne s’est levé un prophète
comme Moïse, lui que le SEIGNEUR connaissait face à face » (Dt 34,10-12).

Versets 2-4 
Le SEIGNEUR prend la parole pour s’adresser à Josué. Il s’agit de placer le
reste des évènements comme ordonnés par Dieu. Le rappel de la mort de
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Moïse est là pour inscrire Josué dans sa lignée, et lui faire comprendre que
désormais, c’est lui qui dirige le peuple d’Israël. Le discours commence par
des impératifs qui indiquent le programme de Josué. Dieu rappelle que c’est
lui qui donne le pays à conquérir, ce pays qui est habité et d’une immensité
qui peut sembler effrayante. Il rappelle également la promesse faite à Moïse.
L’évocation de la traversée du Jourdain prépare les chapitres 3-4, et l’évoca-
tion du don du pays anticipe les combats à venir, puisque le pays est habité
et l’installation se fait par la conquête.

Verset 5 
Après les impératifs, il s’agit maintenant de réconforter Josué, de lui donner
l’assurance de la présence divine à ses côtés. La préposition « avec » est
là pour renforcer le discours. En faisant mémoire de sa présence auprès
de Moïse, le SEIGNEUR donne des gages de sa puissance à Josué, il le
protégera, tout comme il a protégé Moïse, jamais il ne l’abandonnera. On
retrouve l’assurance que Dieu est à ses côtés, dans les paroles que le peuple
lui adresse à la fin du chapitre (Jos 1,17).

Verset 6 
L’expression « Sois fort et sois courageux » revient par trois fois dans la péri-
cope (1,6.7.9). On va la retrouver en 1,18, mais cette fois ce sera le peuple
qui l’adressera à Josué. On trouve la même injonction, déjà adressée à Josué
en Deutéronome 3,28 ; 31,6.7.23. On sent à travers cette double injonction
la tension et l’angoisse qui peuvent assaillir Josué. D’une part, il est ardu
de succéder à Moïse et, d’autre part, la conquête sera difficile. La référence
au don du patrimoine anticipe le partage du pays entre les différentes tribus
(Jos 11,23 ; 12,1-6 ; 13 ; 21).

Verset 7 
«  La loi que t’a prescrite Moïse ». On peut s’interroger sur le lien entre la
conquête et la loi. Il s’agit probablement d’insister sur l’alliance entre Dieu et
son peuple. Cela est renforcé par l’expression « ni à droite ni à gauche » que
l’on trouve déjà dans le Deutéronome, juste après le don de la loi à Moïse
(Dt 5,32), déjà en lien avec le don du pays, le bonheur et le maintien en vie.
On trouve la même expression lors la présentation du roi Josias (2 R 22,2).
Il y a d’autres rapprochements avec l’histoire de Josias, comme la fidélité à
la loi (Jos 8,30-35) lorsque Josué fait la lecture de la loi. Ce rapport à la loi
porte l’empreinte des rédacteurs deutéronomistes.
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Versets 8-9 
L’évocation de « ta bouche » peut être mise en lien avec la vocation prophé-
tique, telle qu’elle nous est relatée dans Jérémie (Jr 1,9-10). « Tu le murmu-
reras jour et nuit » fait probablement référence à une lecture personnelle,
méditative. La récitation répétitive permet de ne jamais oublier la torah.
On trouve une expression similaire en ouverture des Psaumes (Ps 1,2), la
récitation est ici source de plaisir et de réconfort, elle s’accompagne de la
promesse de la présence de Dieu. C’est le rappel de la présence divine qui
vient clore le discours.

3. Enjeux théologiques
a) Dieu avec nous 
Dès l’ouverture du livre, Dieu assure Josué de sa présence et de son soutien.
Josué a bien des raisons d’être effrayé. La mission qui lui est confiée semble
des plus difficiles, voire inatteignable. D’une part, parce que succéder à Moïse
peut sembler impossible : comment ne pas se sentir écrasé par la personna-
lité de celui qui a reçu la loi sur le Mont Sinaï, cet interlocuteur privilégié de
Dieu ? D’autre part, parce que le pays à conquérir est non seulement vaste,
mais aussi habité. Dieu vient accompagner les peurs de Josué. Il rejoint en
cela l’injonction « n’aie pas peur » si présente tout au long du texte biblique.
Aujourd’hui, l’image du Dieu fort et victorieux n’est plus très en vogue. Nous
sommes plus à l’aise avec la proximité, la « sensibilité » de Dieu. Mais la
compréhension du moment de Dieu n’épuise en rien son altérité radicale. Et,
lorsque les épreuves se multiplient, le Dieu fort, victorieux, est un vrai réconfort,
un refuge. On retrouve ces images de Dieu dans de nombreux Psaumes. Ce
n’est certainement pas un hasard si les esclaves des États-Unis ont puisé
dans le livre de Josué pour chanter leur espérance en de nombreux Negro
Spirituals. Ils avaient une foi profonde dans la présence de Dieu qui combat
à leurs côtés, les défend et qui leur dit « Sois fort et sois courageux. »

b) À l’heure du passage 
Puiser dans le passé pour aller de l’avant. Notre péricope comprend de
nombreuses références au passé : Moïse, les pères, la promesse du pays.
Ces références sont là pour rappeler la fidélité de Dieu et l’horizon qu’il pro-
met. Certes, il ne faut en rien regretter le passé, se lamenter, pourtant il ne
faudrait pas non plus l’oublier, le gommer. Le peuple a connu l’esclavage,
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l’errance dans le désert, maintenant il va affronter l’inconnu. Ces références
sont là pour donner un élan à un avenir, donner force et courage à Josué et
au peuple dans cette nouvelle aventure.

c) La fidélité à la loi 
Le lien entre fidélité à la loi et réussite est parfois difficile à entendre. Pourtant,
c’est bien le cœur de la théologie du Deutéronome. On la retrouve ici chez
Josué. « Ce livre de la Loi ne s’éloignera pas de ta bouche ; tu le murmureras
jour et nuit afin de veiller à agir selon tout ce qui s’y trouve écrit, car alors tu
rendras tes voies prospères, alors tu réussiras.» (Jos 1,8). Cette théologie
peut sembler éloignée de la « grâce ». Pourtant, en approfondissant ce qu’est
la loi, ou plutôt la torah, c’est-à-dire l’enseignement, on perçoit que cette
loi (torah) n’est en rien une contrainte qui enfermerait. Au contraire, elle est
structurante et permet de vivre en harmonie avec Dieu et avec les humains.
Elle est don. Ce qui est plus problématique, c’est l’impasse de cette théologie
de la rétribution, car l’observance n’est pas le gage de la réussite systéma-
tique. Est-ce pour cela qu’il ne faudrait pas méditer la loi (torah) et la mettre
en pratique ? D’autres livres bibliques vont venir affronter cette aporie (Job,
Qohéleth). Mais ici, il s’agit de faire alliance avec Dieu, de lui faire confiance,
de croire que sa loi (torah) nous offre la prospérité, même si cette prospérité
n’est pas celle que nous attendons. Josué est face à une terre inconnue,
et cette méditation de la torah lui permet d’affronter et d’accueillir l’avenir.

4. Entendre ce texte aujourd’hui


a) Et maintenant que fait-on de ce livre ?
Certes notre péricope ne contient aucune violence, mais la suite du livre nous
plonge dans la destruction. Il est donc difficile de faire l’économie de la suite.
Depuis toujours, la lecture chrétienne de ce livre se détache du sens littéral.
Alors comment l’entendre comme une parole vivifiante pour moi, aujourd’hui ?
Déjà Origène, père de l’exégèse biblique, au IIIe siècle de notre ère, y voit
une guerre à mener contre les vices, un combat spirituel. Par exemple sur la
conquête de la ville de Aï : « Aï » signifie chaos, or nous savons que le chaos
est le lieu, ou plutôt la demeure des puissances ennemies, du mal. Dans
cette perspective, Josué se met en marche pour affronter le chaos. Dieu lui
assure sa présence face aux épreuves et au mal dès le début de l’aventure.
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b) Le monde d’après
Josué et le peuple d’Israël vont enfin pouvoir entrer dans cette terre pro-
mise, ils laissent derrière eux esclavage et errance, mais que sera ce monde
d’après ? Cette question nous rejoint encore et toujours. La récente crise du
coronavirus nous a déstabilisés. Nous prenons conscience des limites de la
société dans laquelle nous vivons, et le choc provoqué par cette pandémie et
ses conséquences nous incitent à vivre autrement. On a beaucoup parlé du
monde d’après. Nous avons bien besoin de force et de courage. « Sois fort
et sois courageux » n’est pas un simple encouragement, c’est un impératif
qui a pour visée de nous secouer, qui nous incite à ne pas rester inactifs. Le
combat sera long et souvent difficile, et la présence de Dieu, nous encourage.
Cet encouragement peut nous accompagner tout au long de nos existences.

c) Savoir se mettre à l’écoute et méditer l’enseignement biblique 


Dieu nous parle-t-il encore, comme il le fait dans ce passage ? Nous pouvons
attendre des manifestations spectaculaires, mais nous pouvons aussi nous
arrêter et nous mettre à l’écoute, faire taire en nous le tumulte et la crainte
pour entendre les paroles de confiance et de réconfort. C’est d’ailleurs ce
qui est proposé dans le texte lorsque Josué est invité à « murmurer » la loi
(torah) jour et nuit, la torah qui ne se limite pas à la loi, mais qui regroupe tout
l’enseignement. Les chrétiens peuvent entendre l’appel à méditer l’Évangile,
sans cesse, activement, c’est le lieu de notre dialogue avec Dieu. Tout au
long de notre existence cette proximité avec les Écritures nous offre force et
courage dans les épreuves.

d) La difficulté de la succession 
Comment ne pas se sentir écrasé par ceux qui nous précèdent ? Lorsque
nous avons des parents exemplaires, comment être à la hauteur ? La ques-
tion peut se poser aussi professionnellement, spirituellement. Comme pour
Josué, nos vies ne sont jamais la reproduction du passé. Notre mission est
nouvelle, à nous d’ouvrir de nouvelles voies. Se nourrir de la richesse de ceux
qui nous précèdent pour innover et inventer.

e) Ne pas chercher à dominer mais à servir 


Le plus grand de tous les personnages bibliques, Moïse est qualifié de
« serviteur ». Ce qualificatif n’est-il pas la plus grande des qualités ? Josué
n’y aura le droit qu’après sa mort. La force et le courage dont il a besoin lui
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serviront à combattre les ennemis, et ainsi à se mettre au service de Dieu
et de son peuple. Il en faut du courage et de la force pour accepter de se
mettre au service ! Les noms de Josué et Jésus ont la même signification.
Jésus n’aura de cesse de servir. Aimer, c’est servir, et la loi (torah) et les pro-
phètes se résument au double commandement d’amour : aimer Dieu et son
prochain. Ce service loin de nous asservir peut nous libérer, car la loi (torah)
a été donnée dans le désert, dans le contexte de la libération de l’esclavage
égyptien. Paul l’énonce avec clarté : « Vous, frères, c’est à la liberté que vous
avez été appelés. Seulement, que cette liberté ne donne aucune prise à la
chair ! Mais, par l’amour, mettez-vous au service les uns des autres. Car la loi
tout entière trouve son accomplissement en cette unique parole : Tu aimeras
ton prochain comme toi-même. » (Ga 5,13-14).

5. Propositions pour la prédication


a) En route vers l’inconnu
Partir du contexte du récit : tout se situe à un moment de changement radical.
Désormais aucun retour possible, il faut se préparer à aller vers un ailleurs
encore inconnu, avec comme assurance une présence et une promesse.
L’incertitude est source d’inquiétude, voire d’angoisse. Et pourtant, l’existence
est aussi une succession de changements, parfois choisis, parfois subis. La
crise sanitaire que nous traversons est venue bouleverser nos certitudes.
Nous sommes perdus.
Comme Josué, nous aimerions que Dieu nous dise : « Sois fort et sois cou-
rageux », en effet nous manquons d’énergie, de combativité. Cette histoire
si lointaine peut tout de même nous permettre d’affronter le monde qui vient.
En découvrant la présence de Dieu à nos côtés, en n’ayant de cesse de lire,
méditer, réciter les Écritures, en mettant en pratique leurs enseignements,
c’est là que nous puiserons force et courage. Et nous découvrirons que nous
ne sommes pas seuls pour entrer dans cette terre inconnue, où nous aurons
encore à combattre le mal et la souffrance.
Pour cela, nul besoin d’être un héros, car le courage et la force peuvent
également se décliner sous la forme de l’humilité. Et nous pouvons entendre
Dieu nous dire « Va avec la force que tu as ! Oui, c’est moi qui t’envoie ! »
(Jg 6,14). Quel encouragement ! Car, chacun à notre mesure, nous pouvons
nous mettre en route vers ce qui nous est encore inconnu.
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b) Le courage de servir
Lectures bibliques complémentaires possibles : Luc 22,24-27 ou Jean 13,1-17.
« Sois fort et sois courageux ! » Cette injonction scande notre texte. Certes
Josué va devoir affronter de nombreuses épreuves. La conquête s’annonce
pour le moins délicate. Mais la première épreuve est certainement la difficulté
à succéder à Moïse. Comment se sentir à la hauteur de ceux qui nous ont
précédés et qui ont un tel prestige ? La question qui se pose à Josué nous
rejoint également dans bien des situations. L’on comprend combien les
encouragements qu’il reçoit de la part de Dieu peuvent le soutenir.
Pourtant, certains indices dans notre texte nous incitent à aller un peu plus
loin et nous posent la question : qu’est-ce que le courage ? Qu’est-ce
qu’être fort ? Serait-ce uniquement devenir un chef de guerre ? Ce n’est pas
si simple, car dans ce cas, pourquoi insister sur la qualité de « serviteur du
SEIGNEUR » de Moïse ?
Il faut aussi du courage pour se mettre au service de Dieu. Pour quitter notre
illusion de tout devoir à nous-mêmes, et de tout faire par nous-mêmes, pour
nous mettre au service de Dieu, et donc au service du peuple. Pour reconnaître
que la force et le courage nous sont donnés par un autre. Ce courage se
retrouve dans les évangiles, dans la personne de Jésus qui n’a eu de cesse
de se mettre au service des autres, jusqu’au bout.
Lors de son dernier repas, Jésus prend la place du serviteur pour laver les
pieds de ses disciples. Cette mise au service demande du courage, celui
de quitter nos conforts, nos projets de grandeur. D’ailleurs, Josué va se
mettre au service de Dieu et de son peuple. Pour l’heure, il n’est qualifié que
d’auxiliaire, mais après sa mort il recevra lui aussi le titre de « serviteur du
SEIGNEUR » (Jos 24,29).

c) Une prédication interactive


Avec des personnes en grande précarité (groupe d’une quinzaine de per-
sonnes, certains sont chrétiens, d’autres non).
Distribuer à chaque participant juste la phrase : « Sois fort et sois courageux. »
Dans un premier temps, pendant quelques minutes, inviter chacun à méditer
sur ces quelques mots : qu’est-ce que cela évoque ? Dans quelle situation ?
En suis-je capable ? Qu’est-ce que le courage ? …
Ensuite, ceux qui le souhaitent réagissent et partagent leurs réflexions. Puis
distribuer le texte et le lire, ou le faire lire à haute voix après en avoir donné le
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contexte. La difficulté de ce type de prédication interactive est d’être capable
de s’adapter et donner des éléments par touches, suivant les réactions des
participants. Il est donc précieux d’avoir bien travaillé le texte au préalable
sans que, toutefois, cela ferme la possibilité de se laisser interpeller par les
interventions des participants. C’est aussi la richesse de la découverte.

6. Ouvrages utilisés
Origène, Homélies sur Josué, (Sources Chrétiennes 71), Paris, Cerf, 2000.
T. Römer, « Josué », in : T. Römer, J.-D. Macchi, C. Nihan, éd., Introduction à l’Ancien
Testament (Le monde de la Bible N°49), Genève, Labor et Fides, 2009, p. 332-344.
P. Abadie, Le livre de Josué, critique historique (Cahiers Évangile N°134), Paris, Cerf,
décembre 2005.


Florence BLONDON

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