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Analyse de surface par ESCA

Analyse élémentaire et applications


par TRAN MINH DUC
Professeur
Université Claude-Bernard Lyon I

P
1. Analyse élémentaire quantitative ........................................................ 2 626 2
1.1 Formalisme ................................................................................................... — 2
1.2 Profondeur d’analyse ................................................................................... — 3
1.3 Paramètres de l’analyse quantitative.......................................................... — 3
1.3.1 Section efficace de photo-ionisation et paramètre d’asymétrie...... — 4
1.3.2 Libre parcours moyen des électrons ................................................. — 5
1.3.3 Fonction de transmission des spectromètres ................................... — 5
1.4 Modèles simples d’analyse quantitative .................................................... — 7
1.5 Limites de détection ..................................................................................... — 7
2. Déplacement chimique ........................................................................... — 8
2.1 Modèles théoriques des déplacements ESCA ........................................... — 8
2.1.1 Modèle à potentiel électrostatique .................................................... — 8
2.1.2 Modèle thermodynamique ................................................................. — 10
2.2 Exemples de déplacements ESCA .............................................................. — 11
2.2.1 Déplacement de surface des niveaux de cœur ................................. — 11
2.2.2 Exemples de déplacements chimiques ............................................. — 12
2.3 Déplacement et paramètre Auger............................................................... — 14
3. Applications analytiques ........................................................................ — 16
3.1 Choix de la technique................................................................................... — 16
3.2 Pratique de l’analyse .................................................................................... — 17
3.2.1 Échantillons.......................................................................................... — 17
3.2.2 Mesures................................................................................................ — 18
3.3 Applications spécifiques de l’ESCA ............................................................ — 18
3.3.1 Profils de concentrations en profondeur........................................... — 18
3.3.2 Dérivatisation chimique ...................................................................... — 21
3.3.3 Voltage Contrast XPS .......................................................................... — 23
3.4 Domaines d’applications ............................................................................. — 23
3.4.1 Analyses de polymères....................................................................... — 23
3.4.2 Analyses de catalyseurs...................................................................... — 26
3.4.3 Analyses en métallurgie ..................................................................... — 29
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. P 2 627

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 626 - 1
ANALYSE DE SURFACE PAR ESCA _________________________________________________________________________________________________________

L ‘ESCA est la technique de surface dont le domaine d’application est le plus


vaste et le plus complet. En science des surfaces, elle permet l’étude directe
de la structure électronique, de la liaison chimique, de la cristallographie, des
reconstructions et surstructures des surfaces monocristallines propres et chimi-
sorbées. En science des matériaux, ses applications vont de la catalyse à la
microélectronique, à l’adhésion, aux composites, à l’épitaxie et aux dépôts de
films minces, à la modification et au traitement de surfaces, à la corrosion, à
l’étude du vieillissement des polymères, à celle des biomatériaux et implants et
de la biocompatibilité. Dans l’industrie électronique, la technique est déjà utili-
sée en production et en ligne pour le contrôle de la qualité, la détection des
contaminations superficielles, la vérification de l’épaisseur et de l’homogénéité
de films et l’analyse de défauts et la résolution de problèmes de défaillances.
Le principe de la technique et l’instrumentation sont traités dans l’article
« Analyse de surface par ESCA. Principe et instrumentation ».

1. Analyse élémentaire analyse localisée de traces, ce qui montre son degré de difficulté. En
analyse de surface, il convient ainsi de distinguer la part revenant
quantitative aux caractéristiques et performances de la méthode mise en œuvre
et celle se rapportant à la composition et l’homogénéité de la sur-
face de l’échantillon à analyser. L’ESCA est réputée être une
méthode fidèle (mieux que 3 %), l’analyse répétée d’une même zone
L’ESCA s’est imposée comme la technique quantitative d’analyse
d’un échantillon ou encore de plusieurs points d’un échantillon
de surface. Le libre parcours moyen des photoélectrons dans la
homogène donne des résultats atteignant ce degré de reproductibi-
matière étant faible et notamment très inférieur à celui des photons,
lité. La fidélité de la technique associée à son aspect semi-quantitatif
la profondeur d’analyse en ESCA est gouvernée par les premiers et
fait que l’ESCA est actuellement la technique la plus appropriée
ne dépasse pas la centaine d’angströms (10 nm). Les libres parcours
pour étudier l’homogénéité de composition chimique.
des électrons, appelés parfois distances d’atténuation des électrons,
sont identifiés avec les profondeurs moyennes d’analyse en ESCA
dont l’ordre de grandeur est pris égal à 2 à 3 nm.
Le formalisme utilisé pour l’analyse quantitative en ESCA s’établit 1.1 Formalisme
en considérant un processus d’émission des photoélectrons en trois
étapes : L’intensité d’un pic photoélectrique provenant d’un niveau de
— création du photoélectron à une profondeur z par photo-ionisa- cœur d’un atome peut être reliée à la concentration atomique N,
tion de l’atome ; nombre d’atomes par unité de volume, dans l’échantillon, au moyen
— transport de l’électron dans l’échantillon de la profondeur z du modèle proposé initialement par C.S. Fadley [4], [24]. Ce modèle
jusqu’à la surface ; implique que la composition de l’échantillon soit homogène dans
— traversée de la surface et détection de l’électron. tout le volume analysé et que sa surface soit plane. Le modèle con-
siste à diviser l’échantillon en couches d’épaisseur élémentaire dz
Le processus de photo-ionisation étant atomique, les paramètres
situées à une profondeur z, d’établir l’élément d’intensité dI des
physiques caractéristiques de cette étape ne dépendent pas de la
photoélectrons détectés dus à chaque couche et d’intégrer les élé-
matrice si l’on excepte les différents effets multiélectroniques de
ments dI de z = 0 jusqu’à l’épaisseur Z de l’échantillon pour obtenir
l’état final ionisé et peuvent être quantifiables.
l’aire du pic ESCA.
En revanche, le transport des électrons dans l’échantillon dépend
L’intensité du signal provenant d’une couche d’épaisseur dz de
fortement de la matrice, de sa composition et de son homogénéité,
l’échantillon, localisée à la profondeur z de la surface, émis à un
en raison de la forte interaction des électrons avec la matière et de
angle q par rapport à la normale à la surface de l’échantillon
leurs faibles parcours dans les solides. Les paramètres de cette
(figure 1) est donnée par le produit de trois termes :
étape sont difficilement quantifiables dans le cas de matrices com-
plexes. A0 ds
d [ I (q ) ] = FN æ ------------- ö æ -------- ö W 0 L
Finalement, les facteurs instrumentaux, transmission des analy- è cos q ø è d W ø
seurs et efficacité des détecteurs, doivent être déterminés par éta-
z
lonnage. ´ exp æ Ð ------------------- ö
è l cos q ø
A l’exception des éléments H et He, l’ESCA détecte tous les élé-
ments sans interférence notable. L’énergie des photons utilisés, de ´ T ( E cin , E a ) D ( E cin , E a )d z (1)
1,5 keV, permet d’exciter au moins une orbitale de tous les atomes.
Les interférences spectrales et ambiguïtés d’attribution de pics sont On peut identifier dans cette expression les termes correspondant
réduites. Les interférences avec les pics Auger sont levées en utili- aux trois étapes : photo-ionisation, transport et détection du pho-
sant des raies d’énergie hn différente. toélectron. Le premier terme est le nombre de photoélectrons émis
Une analyse quantitative de surface est un problème complexe et est égal au produit du flux de photons par le nombre d’atomes
faisant intervenir des paramètres dépendant tant de l’échantillon lui- irradiés et par la probabilité de photo-ionisation. Le deuxième terme
même que du spectromètre utilisé. La surface est un milieu essen- est la probabilité de transmission après un parcours d’une distance
tiellement hétérogène qui, de plus, ne fait intervenir que très peu de z
------------- . Le troisième terme est la probabilité de détection.
matière. Une analyse de surface procède donc en fait d’une micro- cos q

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,,,
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,,,
seur Z de l’échantillon, l’élément d’intensité exprimé par la
Spectromètre relation (1),

ò
z
e-- , E0
I (q ) = dI
0

Source de A0
ce qui donne le résultat suivant :
rayons X
ds z
e-- , E I (q ) = FNA 0 æ --------ö W 0 LlT ( E cin , E a ) D ( E cin , E a ) 1 Ð exp æ Ð -----------------ö
è d Wø è l cos qø

(2)
∆θ
Pour une épaisseur z infinie par rapport à la profondeur analysée,
z
Z c’est-à-dire lorsque z > 3 l, le facteur exp æ Ð -----------------ö est négligeable
è l cos qø
et l’expression de l’intensité devient alors :
Échantillon
dz ds
I ¥ (q ) = FNA 0 æ --------ö W 0 LlT ( E cin , E a ) D ( E cin , E a ) (3)
è d Wø

Figure 1 – Schéma de la géométrie de détection


dans un spectromètre à électrons 1.2 Profondeur d’analyse

D’après l’expression (3) précédente, la contribution d’une couche


Les facteurs intervenant dans les trois termes de cette expression de surface d’épaisseur z dans l’intensité d’un signal ESCA, dans une
sont dans l’ordre : direction q donnée, est exprimée par la fonction
• F, le flux de rayons X à la profondeur z, exprimé en nombre de
I ¥ 1 Ð exp æ Ð -----------------ö
photons par cm2. F peut être considéré comme étant constant sur z
è l cos qø
toute la profondeur analysée, car l’absorption des photons est
absolument négligeable sur la profondeur analysée en ESCA qui,
rappelons-le, est imposée par la longueur d’atténuation des élec- représentée dans la figure 2a.
trons, très inférieure à celle des photons ; On peut expliciter ce résultat de façon différente en disant que les
• N le nombre d’atomes considérés par unité de volume ; électrons provenant d’une épaisseur z = l cos q immédiatement en
dessous de la surface contribuent pour 63,2 % au signal ESCA, ceux
A0
• æ ------------- ö d z , le volume analysé A0 étant la section droite de provenant de la deuxième couche de même épaisseur l cos q pour
è cos q ø 23,3 %, ceux de la troisième pour 8,3 % et que la quasi-totalité du
l’aire analysée, c’est-à-dire la projection de l’aire de la fente signal ESCA (95 %) est représentée par leur somme. Le signal ESCA
d’entrée du spectromètre sur l’échantillon (voir figure 1) ; n’est donc formé pratiquement que d’électrons provenant d’une
ds épaisseur z = 3 l cos q en dessous de la surface (figure 2b) et l’ESCA
• -------- la section efficace différentielle par atome du processus analyse au maximum une profondeur de 3 ou 4 l cos q. La profon-
dW
de photoéjection de l’électron du niveau de cœur considéré par deur moyenne d’analyse est le plus souvent donnée égale à une fois
les photons d’énergie hn dans la direction q ; l cos q.
• W0 l’angle solide d’acceptance de l’analyseur ; Les valeurs des libres parcours moyens des électrons revêtent
• L l’anisotropie d’émission : alors une importance fondamentale pour l’analyse quantitative.
Elles dépendent de l’énergie cinétique des photoélectrons, donc de
b 3 l’énergie d’excitation hn, et de la matrice, comme il en sera discuté
L = 1 + --- æè --- sin 2 g Ð 1öø plus loin dans la figure 4. Une fois connues ces valeurs, la figure 2
2 2
indique que la profondeur moyenne d’analyse ESCA, l cos q, peut
avec b: paramètre d’asymétrie, varier entre 0,4 et 5 nm pour les énergies cinétiques concernées en
ESCA. Il est ainsi possible de faire varier la profondeur d’analyse
g: angle entre la direction incidente des photons et
entre l’extrême surface, la région directement en dessous de la sur-
la direction d’émission des électrons ;
face et le volume, en jouant sur l’énergie des photons, notamment
z
• exp æ Ð -------------------ö la fraction des électrons transmis n’ayant subi
avec le rayonnement synchrotron. Il est également possible d’obte-
è l cos qø nir un profil non destructif sur 10 nm en faisant varier l’angle d’éjec-
aucune perte d’énergie par collision inélastique au cours du par- tion : l’émission normale favorise le volume et l’émission rasante
concerne plus l’extrême surface.
z
cours ------------- avant de sortir de l’échantillon (l est le libre parcours Les profils angulaires seront développés dans la partie Applica-
cos q
moyen d’un électron dans l’échantillon). Seule cette fraction con- tions analytiques (§ 3).
tribue au pic ESCA et s’exprime en fonction du libre parcours
moyen l des photoélectrons ;
• T (Ecin , Ea) le facteur de transmission de l’analyseur dont la 1.3 Paramètres de l’analyse quantitative
variation en fonction de l’énergie cinétique des électrons Ecin et de
l’énergie d’analyse Ea est une caractéristique de l’appareillage ;
• D (Ecin , Ea) l’efficacité de détection. En ESCA, on n’effectue pas la détermination de concentration
Pour un échantillon d’épaisseur Z, l’intensité du signal ESCA absolue car certains paramètres sont difficilement accessibles tels
mesuré est obtenue en intégrant, entre la surface (z = 0) et l’épais- que, par exemple, le flux des photons. Aussi procède-t-on par ana-

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Dans ces rapports ne figurent plus le flux X et la géométrie d’irra-


Intensité relative diation, seuls sont à considérer les différents paramètres physiques
pour l’analyse quantitative, à savoir la section efficace de photo-
2
ionisation et le paramètre d’asymétrie représentés par s, les libres
parcours moyens des électrons, lA et li , et la fonction de transmis-
sion du spectromètre T (E ).

1.3.1 Section efficace de photo-ionisation


et paramètre d’asymétrie
1
■ Les facteurs du processus physique à définir dans l’équation (3)
concernent d’abord la probabilité de photo-ionisation d’un électron
d’une sous-couche électronique (niveau de cœur nl ) dans l’angle
solide d’acceptance de l’analyseur (W0). Cette section efficace diffé-
d s nl
rentielle de photoémission ------------ est reliée à la section efficace totale
dW
0 snl par la relation :
90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 θ (¡)
d s nl s nl ( E cin )
- = ------------------------ 1 + --- b nl ( E cin ) æ --- sin 2 g Ð 1ö
1 3
a contribution à l'intensité du signal ESCA de la première ----------- (6)
dW 4p 2 è2 ø
monocouche atomique de surface en fonction de l'angle de
détection. Elle double en passant d'une détection normale
(θ = 0¡) à une détection rasante (θ = 80¡) dans laquelle Ecin est l’énergie du photoélectron émis, bnl (Ecin) le
paramètre d’asymétrie pour le niveau nl donné, sa valeur étant de 2
pour les niveaux s et variant entre – 1 et – 2 dans les autres cas ; g est
95 % l’angle entre les directions d’incidence des photons et d’émission
86 % des électrons ; en général cet angle est fixe pour chaque appa-
63 % reillage et compris entre 40 et 70°.
La figure 3 indique la variation des sections efficaces totales cal-
θ λ 2λ 3λ
culées par Scofield [17] pour la raie AlKa. Il est généralement admis
Détecteur que les valeurs relatives calculées par Scofield sont exactes, et peu-
e--
vent être utilisées pour l’analyse quantitative en admettant une

on
0 incertitude absolue de 20 %. Il faut noter que les erreurs faites dans

ill
nt
λ cos θ la détermination des aires des pics, soit en raison d’une soustraction

ha
Éc
de fond inadéquate, soit à cause des phénomènes multiélectroni-
ques qui diminuent l’intensité du pic principal ESCA, peuvent être
parfois plus importantes. Il peut exister un effet d’environnement
b contributions à l'intensité du signal ESCA respectivement
chimique sur les valeurs des sections efficaces que l’on peut raison-
des trois premières couches d'épaisseur λ cos θ chacune, nablement considérer comme négligeable pour les niveaux de
en fonction de l'angle θ. A partir de la quatrième couche, cœur.
la contribution devient négligeable. L'épaisseur maximale
analysée en ESCA est donc de 3 à 4 λ cos θ

Section efficace (σC1s = 1)


Figure 2 – Influence de la profondeur d’analyse ESCA
100
3d5/2
lyse quantitative relative, soit en exprimant le rapport stœchiométri-
2p3/2 4f7/2
que des concentrations atomiques de deux éléments A et B :
IA
------------------------------ 1s
NA sA lA T ( EA ) 10 3p3/2 4d5/2
-------- = ------------------------------- (4)
NB IB
------------------------------
sB lB T ( EB )
soit en ramenant à la stœchiométrie d’un élément (c’est-à-dire sa
concentration en pourcentage atomique, CA) par rapport à la
1
somme de tous les éléments détectés, å Ni . Cette somme naturel-
i
lement ne comporte pas les éléments non détectés, soit parce qu’ils 2s
sont à l’état de traces (concentration inférieure à 0,1 % en moyenne), 3d3/2, 5/2 4d3/2, 5/2 4f5/2, 7/2
soit parce qu’ils ne sont pas détectables, comme l’hydrogène, ce qui 2p1/2, 3/2 3p
1/2, 3/2
constitue une limitation importante de la technique, par exemple 0,1
pour l’analyse des polymères : 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
IA Numéro atomique
------------------------------
sA lA T ( EA )
CA = -------------------------------- (5) Figure 3 – Sections efficaces de photo-ionisation calculées
Ii
å s------------------------
i li T ( Ei )
pour la raie AlKa par rapport au C1s pour tous les éléments,
i d’après Scofield [17]

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■ Le deuxième facteur à définir pour le processus de photo-ionisa-


tion concerne les paramètres d’asymétrie. Les valeurs universelle- λ (nm)
ment utilisées sont celles tirées des tables calculées par R. Reilman
et al. [44].
10 Au Au

5 Al Au
1.3.2 Libre parcours moyen des électrons Au Ag
Ag Au Mo
Les valeurs des libres parcours moyens des électrons influent de Ag Au C
Au C W
façon importante sur l’analyse quantitative ; ce sont néanmoins des Ni Ag Au
paramètres délicats à déterminer avec précision. Ils dépendent, Ag Be
1 Ag Be Be Be Ag
entre autres, de l’énergie cinétique Ecin des électrons, mais égale- Ag P
Be C Mo
ment de la nature du matériau traversé, de sa composition chimi- 0,5 Ag Ag W
que, de sa structure et de sa densité. On observe, en effet, dans les Mo Be Fe
compilations de valeurs expérimentales (figure 4), pour une même 0,3
énergie, une grande dispersion des valeurs suivant le matériau. 2 5 10 50 100 500 1 000 2 000
Elles ont été théoriquement calculées par différents auteurs [45, 46, Énergie cinétique de l'électron (eV)
47]. Les processus responsables de l’absorption des photoélectrons
dans l’échantillon sont les collisions inélastiques qu’ils subissent
avec les électrons du solide, essentiellement les électrons de Figure 4 – Libre parcours moyen des électrons
valence, l’interaction avec les électrons de cœur étant faible. La pré-
cision des valeurs des libres parcours repose sur la représentativité
des modèles de solides à la base des calculs. Ainsi, les calculs de 1.3.3 Fonction de transmission des spectromètres
D.R. Penn [45] reposent sur un modèle d’électrons libres et présen-
tent une précision qu’on peut estimer à 5 % pour les métaux à élec-
La fonction de transmission de l’analyseur T (Ecin , Ea) est un des
trons libres mais à plus de 40 % pour les autres solides.
paramètres fondamentaux pour l’analyse quantitative en ESCA et
Seah et Dench [48], d’après une compilation de différentes déter- doit être déterminée pour tout spectromètre. Elle se présente
minations expérimentales, proposent, pour le calcul du libre par- comme une fonction à la fois de l’énergie cinétique Ecin des photo-
cours moyen, les formules phénoménologiques suivantes en électrons et de l’énergie de passage de l’analyseur Ea. Elle dépend
fonction de la nature chimique des composés : de la configuration de l’ensemble optique d’entrée, fentes et analy-
seur. Dans les appareils des nouvelles générations, cette fonction ne
– pour les éléments simples : ü peut pas s’écrire sous une forme mathématique simple comme
ï c’était le cas dans les appareils anciens, en raison essentiellement
l m = 538 E cin
Ð2
+ 0, 41 ( aE cin ) 1 ¤ 2 ï de la complexité des lentilles de collection. Elle dépend également
ï
– pour les composés inorganiques en général ï de la géométrie de détection des photoélectrons. Pour des aires
ï d’analyse A0 importantes, la fonction T n’est pas constante en cha-
(qui peuvent se subdiviser entre oxydes et chlorures) : ï
ï que point (x, y) de la zone analysée ; en ce cas, il faut intégrer sur
l m = 2170 E cin Ð2
+ 0, 72 ( aE cin ) 1 ¤ 2 ï l’aire A0 :
ï
– pour les oxydes en particulier : ý (7)
l m = 2170 E cin + 0, 55 ( aE cin )
– pour les chlorures :
Ð2 1 ¤ 2 ï
ï
ï
òòT x y E
A0
( , , cin , E a ) dx dy .

ï
l m = 2170 E cin + 0, 89 ( aE cin ) 1 ¤ 2
Ð2 ï On comprend alors que le calcul théorique de la fonction de trans-
ï
– pour les composés organiques : ï mission soit complexe. Sa valeur exacte dépend de la configuration
ï précise des spectromètres et les différents exemplaires d’un même
l m = 49 ( m E cin ) Ð2 + 0, 11 ( E cin ) 1 ¤ 2 ¤ m ï modèle peuvent présenter des fonctions de transmission très diffé-
þ
rentes les unes des autres. Les constructeurs sont de plus en plus
avec lm libre parcours moyen exprimé en nombre de tenus à indiquer les fonctions de transmission de leurs spectromè-
monocouches, tres. Les utilisateurs ont aussi intérêt à déterminer ou vérifier eux-
mêmes la fonction de transmission de leur installation.
a épaisseur d’une monocouche exprimée en
nanomètres, La majorité des mesures en ESCA sont effectuées en mode DE
constant. En ce cas, D (Ecin , Ea) qui inclut le rendement du détecteur
m masse spécifique en g/cm3. et de la chaîne de comptage et qui ne dépend essentiellement que
Ces relations distinguent les isolants des conducteurs. Les pre- de Ea, est théoriquement constant. On procède en général à la déter-
miers, en raison de la largeur de leur bande interdite, présentent des mination globale du produit T ( E cin , E a ) ´ D ( E cin , E a ) qui repré-
probabilités de diffusion inélastique plus faibles et, en conséquence, sente alors la transmission totale du spectromètre (et non
des libres parcours moyens pour les électrons plus élevés, en com- seulement de l’analyseur qui cependant demeure prépondérante).
paraison avec les conducteurs. Par la suite, dans cet exposé, la fonction de transmission globale du
La dépendance du libre parcours moyen des électrons avec l’éner- spectromètre sera notée T (E ).
gie cinétique est une fonction de l’énergie cinétique à la puissance ■ Comparaison avec des spectres étalons
m
m, E cin avec des valeurs de m comprises entre 0,54 et 0,81. J. Szaj-
man et al. [49], s’inspirant des travaux de Seah et Dench [48], ont La fonction de transmission du spectromètre T (E ) est, par défini-
établi une relation « universelle » valable aussi bien pour les iso- tion, simplement le rapport, en fonction de l’énergie, entre le spectre
lants que pour les conducteurs : enregistré par ce spectromètre I (E ) et le spectre réel émis par un
échantillon, n (E ) :
3 ¤ 4.
l (E ) = AE cin (8)
I (E )
T ( E ) = ------------ (9)
avec A constante. n (E )

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A partir de cette définition, si on connaît le spectre réel, dans la ■ Détermination de la fonction de transmission
mesure du possible de plusieurs échantillons étalons, on peut éta- Cette troisième méthode, ne nécessitant pas la connaissance de
lonner en intensité tous les spectromètres et déterminer leur fonc- sA, lA et L, consiste à supposer que la fonction de transmission du
tion de transmission en comparant quantitativement les spectres spectromètre est une fonction dépendant de Ea et de Ecin [55, 56,
qu’ils donnent de ces échantillons avec les spectres de référence 57] :
[50]. Les spectres réels n (E ) peuvent être générés alors par un spec-
tromètre dont la fonction T (E ) est parfaitement déterminée théori- Ea ö
æ ---------
Ea n è E cin ø
-
quement et expérimentalement afin de bien maîtriser les différents T (E ) = E a æè ---------- öø (11)
paramètres entrant en jeu, et qui remplit ainsi le rôle d’un spectro- E cin
mètre étalon, baptisé par Seah spectromètre de métrologie (metro-
logy spectrometer). où les paramètres Ea et Ecin ne sont plus considérés comme indé-
Un tel spectromètre est proposé au National Physical Laboratory pendants et où n n’est plus une constante mais est une fonction de
(Teddington, Grande-Bretagne) qui fournit des spectres réputés Ea et de Ecin. Cette méthode vise donc à déterminer une fonction de
réels d’échantillons étalons choisis parmi des métaux purs : Cu, Ag transmission de forme complexe et en cela est peut être la plus
et Au [51]. Ces étalons permettent d’étalonner les spectromètres adaptée aux spectromètres modernes.
ESCA sur un domaine d’énergie cinétique de 200 eV à 1 600 eV avec En introduisant la fonction de transmission donnée par la relation
un pas de 1 eV et avec les raies d’excitation AlKa et MgKa non (11) dans l’expression (3) donnant l’intensité d’émission ESCA pour
monochromatiques et la raie AlKa monochromatique. La procédure un solide pur et réécrite de la façon simplifiée suivante où le terme
a été testée par une comparaison interlaboratoire sur une soixan- C inclut tous les facteurs constants N, s, L, l, F, A0 :
taine de spectromètres de 25 modèles différents. Les résultats mon-
trent l’importance des conditions expérimentales réelles des I = CT (E )
mesures. La dispersion pour un même appareil physique avec les
mêmes réglages est typiquement de 3 %, mais dans la pratique elle on obtient :
peut varier entre 1 %, dans le meilleur des cas, et 20 % dans le pire. Ea ö
æ ----------
Ea n è E cin ø
-
De nombreux facteurs expérimentaux et instrumentaux contri- I = CE a æ ------------ ö (12)
buent à la valeur de la fonction de transmission. Les aberrations, è E cin ø
inhomogénéité des potentiels, distortions par des champs magnéti-
ques résiduels des lentilles d’entrée introduisent des distorsions qui s’écrit de la façon suivante dans une échelle logarithmique :
dans la géométrie et l’efficacité de collection des photoélectrons. De
même, des diffusions sur les sphères de l’analyseur peuvent induire Ea Ea
ln æ -------- ö = ln C + n æ ------------ ö ln æ ------------ ö .
I
un fond d’électrons secondaires anormalement élevé. L’état de sur- (13)
èEa ø è E cin ø è E cin ø
face des pièces mécaniques et les contaminations superficielles
influent sur cette diffusion. Les aires d’analyse sont également
importantes. Pour les excitations avec des sources non monochro- Ea
Le paramètre n æ ------------ ö peut alors être obtenu en traçant la varia-
matiques, donc moins bien définies, la reproductibilité est en géné- è E cin ø
ral bonne, ce qui n’est pas toujours le cas des sources
Ea
tion de ln æ ------------ ö pour un pic de Ecin déterminé mesuré à différentes
monochromatiques. Ce résultat peut s’expliquer en constatant que
les sources non monochromatiques donnent des zones d’analyse è E cin ø
très étendues, donc avec un effet de moyenne tant sur les paramè- énergies d’analyse Ea. La courbe T (E ) est obtenue en utilisant plu-
tres concernant l’échantillon que sur ceux concernant l’appareillage,
alors qu’avec les microfaisceaux obtenus avec un monochromateur, sieurs pics de composés de référence : Cu, Ag, Au, SiO2, et normali-
la géométrie est plus pointue et critique mais mal connue et diffici- Ea
sée à une valeur fixe de ln æ ------------ ö .
lement contrôlable. Notamment, les trajectoires des photoélectrons è E cin ø
peuvent différer de façon importante selon leur énergie. Les condi-
tions de comptage, telles que saturation du détecteur, correction de
temps mort et seuil électronique des discriminateurs dans le circuit ■ Fonctions de transmission des spectromètres
de détection peuvent également déformer le spectre en énergie. Ces méthodes appliquées à différents spectromètres conduisent à
des fonctions T (E ) présentant les formes différentes suivantes :
■ Comparaison avec des spectres théoriques — pour les deux premières méthodes exposées ici :
L’utilisation de spectres étalons de référence ne présentant pas un
avantage incontestable, une comparaison directe des spectres expé- T (E ) = E Ðp, avec p compris entre 0,35 et 1 ; (14)
rimentaux avec le spectre théorique donné par la relation (3) pour
extraire la fonction de transmission des spectromètres demeure une — pour la dernière, la relation (11) :
procédure intéressante car moins lourde expérimentalement.
Ea ö
æ ---------
Plusieurs auteurs ont ainsi proposé de déterminer la fonction Ea n è E cin ø
-

T (E ) à partir des aires des pics ESCA des spectres expérimentaux T (E ) = E a æè ---------- öø
E cin
IA(E ) d’échantillons étalons purs, A, par comparaison avec les inten-
sités théoriques, d’après la relation simple suivante [51, 52, 53] : avec n donné soit par une simple valeur numérique, soit par une
relation complexe en fonction de Ea et Ecin selon les spectromètres.
I A (E )
T (E ) = -------------------------
- (10) Les optiques d’entrée des spectromètres anciens étaient en géné-
NA sA lA L ral simples car elles ne remplissaient principalement qu’un rôle de
lentille retardataire. Les optiques actuelles combinent des fonctions
Cette méthode nécessite la connaissance des paramètres sA, lA et multiples : retard, collection, focalisation, imagerie. Elles sont opti-
L, NA étant la densité atomique du matériau, et l’utilisation d’échan- misées afin d’assurer les performances exigées en sensibilité, lumi-
tillons propres avec des surfaces non contaminées, planes et non nosité, grand angle de collection, résolution tant énergétique
rugueuses. En général, les valeurs sA et L sont obtenues respective- qu’angulaire et spatiale. Leur fonction de transmission est nécessai-
ment à partir des tables de Scofield [17] et de Reilman [44] et lA est rement complexe. De plus, elles dépendent de façon très sensible
pris proportionnel à E m avec m compris entre 0,5 et 0,75. des conditions opératoires.

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1.4 Modèles simples d’analyse tinu et des fluctuations statistiques de ces signaux. La limite de
détection correspond à l’intensité du signal minimal détectable.
quantitative Pour qu’un signal soit détectable, c’est-à-dire qu’il sorte du bruit de
fond, il faut que son intensité soit supérieure aux fluctuations statis-
A la lumière des discussions précédentes sur les paramètres tiques du signal du fond, SBF (voir figure 5). Le fond suit une distri-
influant sur l’analyse quantitative et sur la difficulté de déterminer bution de Poisson avec un écart-type s :
précisément leurs valeurs, en raison également du fait que les
échantillons réels sont hétérogènes et que les modèles précédents, s = S BF = I BF t (18)
en toute rigueur, ne concernent que des échantillons homogènes, il
est souvent fait appel à des modèles simples d’analyse quantitative. où t est le temps de comptage.
Il est alors possible d’utiliser des expressions approchées pour les Il est généralement admis que l’amplitude du signal minimal
relations (4) et (5). détectable, Smin , doit être égale ou supérieure à trois fois le bruit de
fond (égal à l’écart-type s ):
■ Méthode des facteurs de sensibilité élémentaire
Cette méthode est basée sur la constitution pour un spectromètre S min = I S t = 3 s = 3 I BF t (19)
min
donné d’une banque de données sur des solides élémentaires purs
ou des composés de stœchiométrie définie [58]. Pour chaque élé- La concentration minimale détectable Cmin s’écrit :
ment i, on mesure donc l’intensité I i¥ . La stœchiométrie CA d’un élé-
ment A dans le composé est alors obtenue par la relation : S min 3 I BF t
C min = C 0 ------------- = C 0 --------------------
S0 I0t
IAö ö
æ æ -----
ç è I ¥- ø ÷ ou, après réarrangement :
= ç ------------------ ÷
A
CA ç
(15)
I ÷
ç å -----i- ö ÷
æ 3
è i è I i¥ ø ø C min = C 0 -------------------------------
I0
(20)
I 0 ------- - t
où au dénominateur on somme sur tous les éléments i détectés. Ce I BF
modèle nécessite la détermination des intensités I i¥ pour tous les
éléments. Pour les spectromètres actuels, ayant une fonction de où S0, I0 et C0 sont respectivement l’aire du pic ESCA (en nombre de
transmission complexe, cette approche empirique peut offrir un cer- coups), l’intensité (nombre de coups/s) et la concentration atomique
tain intérêt. Se posent alors la nécessité et la difficulté d’avoir des de l’étalon, en général l’élément pur ; en ce cas, pour tout solide :
étalons parfaits.
C 0 » 10 23 atomes/cm 3
■ Formalisme théorique simplifié
D’après la relation (20), les facteurs influençant directement les
Cette deuxième méthode est similaire dans l’esprit à la précé-
limites de détection en ESCA sont l’intensité du signal spécifique, le
dente. Elle utilise l’expression théorique de base de l’intensité I i¥
rapport signal sur fond et le temps d’accumulation, qui pèsent d’un
d’un pic ESCA pour un solide homogène infini, et l’utilisation
même poids.
d’approximations pour estimer si, li et Ti et I i¥ :
L’ESCA est une technique relativement lente, le temps d’enregis-
I i¥ = F N i s i l i T i . (16) trement d’un spectre ESCA d’un élément majeur est de l’ordre d’une
minute, donc un gain nominal d’un facteur 10 nécessiterait des
Les sections efficaces si sont les valeurs calculées par Scofield temps de comptage de l’ordre de l’heure par élément, ce qui est un
[17] tandis que li et Ti sont exprimés par des fonctions Em. Pour le maximum compte tenu des dégâts d’irradiation, des dérives et des
domaine d’énergie cinétique intéressant l’ESCA (100 à 1 500 eV), l coûts d’analyse. Le facteur temps d’enregistrement est un facteur
peut varier approximativement comme la racine carrée de l’énergie limitant important en imagerie ESCA qui nécessite en moyenne des
cinétique et, de plus, pour des spectromètres anciens, beaucoup poses de une à plusieurs heures en fonction de la concentration des
moins complexes, on peut de façon justifiée prendre T constante. éléments à visualiser.
En ce cas, la stœchiométrie de l’échantillon est alors exprimée
comme le rapport des intensités des pics photoélectriques corrigées
de la racine carrée de l’énergie cinétique et de la section efficace,
avec, au dénominateur, une sommation sur les intensités de tous les Intensité
éléments détectés :
IA
------------------
sA EA S0
CA = ---------------------- (17)
Ii
å --------------
i si Ei I0
Smin > 3σ
De telles relations ont, jusqu’à maintenant, sur des spectromètres
dénués d’optique d’entrée complexe, permis de déterminer semi-
quantitativement les stœchiométries à la surface d’échantillons Bruit statistique
2σ Bruit de fond
réels avec une précision de 20 à 30 %.
(σ = IBF) IBF

1.5 Limites de détection Distance

La limite de détection d’un élément A est fonction de l’intensité IA Figure 5 – Fond continu, bruit statistique, signal minimal détectable
du signal spécifique de cet élément, de l’intensité IBF du fond con- et limite de détection

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ANALYSE DE SURFACE PAR ESCA _________________________________________________________________________________________________________

Le monochromateur joue un rôle déterminant dans le rapport Si Nmin est pris égal à 1010 atomes avec N0 de l’ordre de
signal sur fond. Naturellement, l’adjonction d’un monochromateur 1023 atomes/cm3, d exprimé en mm et l pris égal à 1 nm, on obtient
diminue fortement le nombre de photons reçus, donc le signal spé- la valeur numérique suivante :
cifique comme nous le verrons ci-après. En général, la perte est d’un
facteur 10. Cette perte apparente de sensibilité est compensée large- 10 2
C min = --------2- (23)
ment par l’augmentation très significative du rapport signal sur fond d
obtenue grâce d’une part à l’élimination du fond dû au bremsstra-
hlung et satellites X et d’autre part à l’amélioration de la résolution Cela signifie qu’en l’état actuel des performances de la technique,
en énergie. Ce rapport I0/IBF qui est de l’ordre de 10 pour une raie que ce soit en mode faisceau X microfocalisé ou en mode aire sélec-
d’excitation non monochromatique peut passer à quelques centai- tionnée, avec une résolution latérale de 10 mm l’on ne peut détecter
nes avec un monochromateur. pratiquement que des éléments purs (Cmin = 1). Si l’on veut conser-
ver des limites de 0,1 % atomique à la résolution de 10 mm, il faut
Le facteur fondamental, car spécifique de chaque méthode analy- améliorer la sensibilité de la technique d’un facteur 100. En micro-
tique, est la sensibilité, représentée par 1/I0. L’intensité I0 d’un signal faisceau X, le flux de photons est limité pour des raisons technologi-
ESCA donnée par la relation (3), en dehors de la concentration de ques de dissipation de la puissance du microfaisceau des électrons
l’élément concerné, est proportionnelle au flux de photons, à la sec- primaires sur l’anode. La densité du faisceau X ne peut également
tion efficace de photo-ionisation, au volume analysé, c’est-à-dire au pas dépasser un seuil imposé par les dégâts sous irradiation ou les
produit de la profondeur et de l’aire d’analyse, et à l’efficacité de effets de charge.
détection. Il convient ici de distinguer l’analyse classique de grandes
surfaces de la microanalyse à grande résolution spatiale et de l’ima-
gerie.

■ Analyse classique 2. Déplacement chimique


Pour l’analyse de grandes surfaces, à partir de la relation (3) pour
un échantillon homogène, on peut estimer l’intensité I0 à partir des
La mesure précise de l’énergie de liaison des électrons en ESCA
ordres de grandeur présentés par les différents facteurs. Les flux de
fournit des informations importantes sur la structure chimique des
photons sont de l’ordre de 109 à 1010 photons/s, les rendements de
surfaces analysées. En effet, cette énergie varie en fonction de
photoémission de 10–3 à 10–4 et l’efficacité de détection de 0,1.
l’environnement chimique et moléculaire dans lequel l’atome émet-
L’intensité I0 est alors de l’ordre de 104 à 105 photoélectrons par
teur est engagé ; c’est le phénomène de déplacement chimique
seconde dans le pic ESCA, ce qui est observé dans la pratique. La
ESCA [1, 4, 59, 60, 61]. D’après l’expression de l’énergie de liaison
limite de sensibilité massique est de 1 % atomique pour les élé-
des électrons mesurée en ESCA, on peut exprimer le déplacement
ments les moins sensibles et de 0,1 % pour les éléments lourds où
comme la résultante de deux termes :
la sensibilité est la meilleure.
Le volume analysé est donné par le produit de l’aire d’analyse A0 D E L = D ( Ð e HF ) + D E relax (24)
par la profondeur moyenne d’analyse ; on peut prendre cette pro-
fondeur de l’ordre de grandeur des libres parcours moyens des élec- Le premier terme reflète les effets de l’état initial. Il tient compte
de la polarité (statique) des liaisons chimiques et des transferts de
trons, soit l = 1 nm et A0 varie en moyenne entre 10 mm2 et charge lors de l’établissement de celles-ci. Le deuxième terme tra-
0,1 mm2, ce qui donne un volume de 104 à 102 mm3. A partir de la duit l’influence de la relaxation dans l’état final, de la mobilité des
limite de détection moyenne en volume de 0,1 % atomique, on peut électrons et de la polarisation (dynamique) des liaisons. Les deux
alors estimer une grandeur plus représentative que Cmin : Nmin qui contributions peuvent varier en sens opposé et se neutraliser dans
est le nombre minimal d’atomes détectables donné par la relation certains cas avec un déplacement ESCA nul ou même inverse par
suivante où N0 est le nombre total d’atomes par unité de volume (de rapport à celui attendu en considérant les charges partielles. L’état
final dans les transitions Auger est doublement ionisé, le déplace-
l’ordre de 1023/cm3) :
ment des pics Auger est alors dominé par les effets de relaxation qui
N min » A 0 l C min N 0 (21) sont beaucoup plus importants que pour l’ESCA dont l’état final a
une simple ionisation. Les déplacements Auger sont en général plus
12
soit environ 10 à 1010 atomes, en l’état actuel des performances importants que ceux des pics ESCA, leur différence ne reflète alors
des spectromètres. que les variations de l’énergie de relaxation [62]. Cette propriété est
fructueusement exploitée par le paramètre Auger pour discrimer les
En terme de sensibilité de surface, la limite de détection est de 1 % composés chimiques d’un élément avec une meilleure résolution
à 0,1 % d’une monocouche atomique, soit 1013 à 1012 atomes/cm2 (ce chimique que l’ESCA seul [63].
qui correspond bien à la valeur de Nmin), soit 10–10 à 10–11 mole/cm2,
c’est-à-dire de l’ordre de 10 picomoles ou encore 10–10 g/cm2. Cette
sensibilité permettant de détecter des traces présentes à l’extrême
surface jusqu’à des profondeurs de quelques dizaines de monocou- 2.1 Modèles théoriques des déplacements
ches est un des atouts majeurs de l’ESCA pour de nombreux domai- ESCA
nes de surfaces.

■ Microanalyse avec résolution latérale Les niveaux de cœur étant d’énergie élevée, le calcul théorique de
leur déplacement en fonction de l’environnement chimique est com-
En microanalyse, la meilleure résolution latérale d est actuelle-
plexe. Pour des applications analytiques, il suffit d’avoir une com-
ment de l’ordre de grandeur de 10 mm. Le volume d’analyse décroît
préhension phénoménologique des déplacements ESCA. Deux
avec la résolution latérale d selon l’expression A0l = d 2l. Donc, si
types de modèles, le modèle à potentiel électrostatique et une
l’on n’améliore pas la sensibilité de l’ESCA en augmentant les autres
approche thermodynamique, permettent d’atteindre cet objectif.
facteurs, à savoir le flux photonique et l’efficacité de détection, le
nombre minimal d’atomes détectables reste inchangé et la concen-
tration minimale détectable, d’après la relation (21), est donnée par :
2.1.1 Modèle à potentiel électrostatique
N min
C min = ---------------------
- (22) Dans une première approximation pour interpréter les déplace-
d 2 l N0 ments ESCA, on peut ne considérer que les propriétés de l’état ini-

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tial, à savoir les variations d’énergie des orbitales Dek entraînées par
les transferts des électrons de valence lors de l’établissement des q1
liaisons chimiques. Pour calculer les variations Dek, toute une
gamme de méthodes, se différenciant entre elles par leur degré
d’approximation, est disponible ; celles-ci vont des méthodes de r1
champ autocohérent Hartree-Fock HF SCF (Hartree-Fock Self Consis-
tent Field) au modèle très simple de type électrostatique en passant q
par des méthodes semi-empiriques des orbitales moléculaires [59, r 1s
60, 61]. L’expérience a montré qu’il est possible de trouver un
modèle basé sur des concepts simples, familiers au chimiste, de
transferts d’électrons en fonction des électronégativités et capable r2 q2
r4
de rationaliser et même de prédire les déplacements chimiques des q4
niveaux de cœur, à un niveau d’approximation consistant à négliger
Erelax. r3

Pour comprendre de façon simple le déplacement ESCA, le


modèle à potentiel électrostatique représente les atomes par des q3
sphères conductrices creuses à la surface desquelles sont distribués
les électrons de valence et à l’intérieur desquelles sont enfermés les ∆E (1s) = q1s /r + Σqj /rj
électrons de cœur. Les déplacements des niveaux de cœur sont dus j
aux variations de la population des électrons de valence entraînées
par les liaisons chimiques. Ces variations induisent des variations Figure 6 – Modèle à potentiel électrostatique
de potentiel à l’intérieur de ces sphères renfermant les électrons de des déplacements ESCA
cœur. On distingue alors deux composantes dans le déplacement
ESCA des niveaux de cœur d’un atome A :
— la première due au potentiel exercé sur ces électrons par la rents niveaux d’approximation. Les charges atomiques peuvent être
charge de valence qA située sur la sphère de valence de l’atome A déterminées par la méthode de Pauling exprimant le caractère ioni-
lui-même ; que partiel de la liaison AB engageant l’atome concerné :
— la deuxième due au potentiel exercé par les charges de valence
situées sur les sphères de valence des autres atomes B. I = 1 Ð exp [ Ð 0, 25 ( c A Ð c B ) 2 ] (26)
Le potentiel exercé par une charge qA distribuée sur la surface
d’une sphère conductrice à l’intérieur de la sphère est constant dans où cA et cB sont les électronégativités des deux atomes dans
l’échelle de Pauling. Les charges atomiques sont alors exprimées
qA par la relation :
toute la sphère (le champ électrique est nul), et égal à V = ------
- , avec
rA
rA le rayon de la sphère. L’énergie correspondante est donc qA = Q A + å I (27)
eq A
eV = ---------- . Le potentiel exercé à l’intérieur de la sphère A par toute où Q A est la charge formelle et la somme å I effectuée sur toutes
rA
les liaisons AB. La figure 7a montre la corrélation obtenue pour le
charge, ou distribution de charges, qB située sur une sphère B à niveau C1s dans une série de composés halogénés du carbone.
l’extérieur de la sphère A est obtenu en supposant que les charges Les charges atomiques peuvent être également calculées à partir
sont réduites en des points situés au centre des sphères A et B et de la méthode semi-empirique SCF CNDO (Self Consistent Field -
qB Complete Neglect of Differential Overlap). La figure 7b montre le
s’exprime comme V = -------- - , où rAB est la distance entre les centres
r AB résultat pour les niveaux, C1s, N1s et S2p dans de nombreuses
molécules gazeuses organiques [64].
des sphères.
Lorsqu’il s’agit d’interpréter le déplacement ESCA d’un atome
Dans sa forme la plus simple, le déplacement des énergies des
inclus dans une matrice solide et non plus dans une molécule
électrons de cœur d’un atome i s’écrit alors d’après ce modèle à
gazeuse, le recours à des modèles empiriques tels que le modèle
potentiel [4] (figure 6) :
électrostatique à charges ponctuelles est quasiment obligatoire. Les
q charges atomiques qij sont de plus généralement évaluées à partir
D E L = k i q i + å -----j (25) de l’utilisation de paramètres tels que les électronégativités de Pau-
r
j ij
q
DEL est alors une simple fonction des charges atomiques partiel- ling. Le potentiel å -----j doit alors être sommé sur tous les atomes du
r
j ij
les qi sur l’atome i et de la somme å qj des charges situées tous les
solide, donc j ® ¥ . La série converge vers une limite identifiée alors
j
autres atomes j du système, rij étant tout simplement la distance de comme le potentiel de Madelung spécifique au réseau cristallin du
solide concerné. Pour le cas particulier et simple d’un solide binaire
liaison entre les atomes i et j ; ki est une constante physique pour un
AB avec un cation A et un anion B, on a qA = – qB et le potentiel de
niveau atomique donné et correspond à l’intégrale de répulsion cou-
Madelung s’écrit :
lombienne biélectronique entre l’orbitale de cœur concernée et les
orbitales de valence. Cependant, ki est souvent considérée comme qB qA
un paramètre ajustable : une bonne approximation consiste à pren-
A
V Mad = å ---------
d AB
- = Ð M -------
d0
(28)
dre ki égale à l’inverse du rayon atomique : B

avec M>0 constante de Madelung du réseau cristallin


1 concerné,
k i = --- .
ri
d0 distance entre A et ses plus proches voisins.
Le groupe de Siegbahn a ainsi trouvé une bonne corrélation entre A partir de l’expression (25) nous pouvons avoir une estimation
les déplacements mesurés et les valeurs calculées par le modèle à des valeurs numériques des déplacements ESCA. Si on exprime les
potentiel avec les charges atomiques partielles obtenues à diffé- charges q en unités de charge élémentaire, les rayons et les distan-

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C1 C2

O
(A) H3C C

Énergie de liaison (eV)


CF4 OH

O
300
(B) H3C C
CHF3 CH3

C1 C2 CO2
O
CO (C) H3C C
A H
295
E (C3)
C H
B
CS2
CH3, OH E (D) H3C C OH
D
B, C A
ED H
CH4
290
0 1 2 H O
Charge partielle de Pauling qP
(E) H3C C O C C2H5

a H
C3

∆EL observé (eV)


C1 C2
CF4
O
10
(A) H3C C
OH
CHF3
O
CO2
(B) H3C C
CH3
C2
5 CO O
A (C) H3C C
C H
C1 B
CS2 H
D CH
CH33, OH
(D) H3C C OH
A
B
D C
0 CH4 H
Figure 7 – Corrélation entre les
déplacements C1s et les valeurs
0 5 10 calculées avec le modèle
∆EL calculé d'après le modèle à potentiel (eV) à potentiel avec les charges
estimées : (a) avec les électro-
b négativités de Pauling [1, 4]
et (b) avec un calcul CNDO [64]

ces atomiques en Å, on obtient le déplacement exprimé en eV selon l’énergie de liaison ESCA croît algébriquement avec le degré d’oxy-
la relation : dation ou plutôt avec la charge partielle sur l’atome. La figure 12
dans le paragraphe sur les exemples de déplacements chimiques
q qj
D E L = 14, 4 æ -----i + å ----- ö
illustre, à propos du trifluoroacétate d’éthyle, cette propriété pour
(29)
è ri r ø des composés du carbone : le pic ESCA C1s de ces composés se
j ij
déplace vers les énergies de liaison élevées lorsque l’atome de car-
Cette relation indique numériquement que le transfert d’un élec- bone est lié à des éléments de plus en plus électronégatifs car sa
tron appartenant à un atome A de rayon atomique rA = 0,1 nm (1 Å) charge partielle croît algébriquement. Nous pouvons également
vers un autre atome B dans une liaison de longueur rAB de 0,2 nm prédire que le déplacement ESCA est d’autant plus élevé que le
(2 Å) induit un déplacement des niveaux de cœur de A de + 7,2 eV. rayon de l’atome concerné est petit.
Cette estimation donne l’ordre de grandeur des déplacements géné-
ralement rencontrés.
L’intérêt du modèle à potentiel est de fournir des directives sim- 2.1.2 Modèle thermodynamique
ples pour déduire le sens et l’ordre de grandeur des déplacements
ESCA. Ainsi, nous pouvons prédire que les déplacements ESCA sont L’intérêt de ce modèle est de proposer une analyse des déplace-
égaux pour tous les niveaux de cœur d’un même atome et que ments chimiques ESCA qui prend en compte les effets de l’état final

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ionisé à partir de données thermodynamiques [65]. La description


de l’état final photo-ionisé relaxé repose sur l’approximation dite ∆EL (eV)
des cœurs équivalents : un noyau atomique de charge nucléaire Z
NO2
avec une photovacance sur une couche profonde agit sur un élec- 3
tron de valence de façon équivalente à un noyau de charge Z + 1.
NF2
Cette hypothèse est raisonnable lorsque le recouvrement des deux 2
orbitales, celle de la lacune et celle de l’électron de valence, est nul,
ce qui est le cas dans l’éjection des électrons de cœur. Bien qu’une 1 NO
telle substitution d’un noyau Z avec une vacance en couche pro-
fonde par un noyau (Z + 1) du point de vue énergétique ne soit abso- 0 N2
lument pas justifiée, il suffit, pour expliquer les déplacements ESCA,
que l’énergie accompagnant cette substitution puisse être considé- --1
rée comme constante quel que soit l’environnement chimique de NNO
l’atome. --2
Ainsi, en considérant l’émission d’un électron de cœur N1s d’un
HCN
composé azoté, un cœur O(Z = 6) 1s2 peut être substitué au cœur --3
N(Z = 5) 1s. Ces deux systèmes sont équivalents vis-à-vis d’un élec-
tron de valence et correspondent à 4 charges positives. Une telle --4
NH3
substitution permet d’exprimer les déplacements chimiques à l’aide (CH3NH2)
de cycles de bilans thermodynamiques. Comme exemple d’illustra- --5
(CH3)2NH
tion, considérons le déplacement du niveau N1s entre les molécules
N2 et NH4. L’éjection de l’électron N1s, si l’on suppose que le photo- --6
électron sort avec une énergie cinétique nulle, peut s’écrire comme --4 --3 --2 --1 0 1 2 3
des réactions chimiques : ∆EL calculé thermodynamiquement (eV)

ü
NH 3 ® NH 3+ ( 1 s ) + e – D E 1 = E L ( NH 3, N1 s ) ï Figure 8 – Comparaison des déplacements mesurés
ý (30) expérimentalement avec le modèle thermodynamique,
N 2 ® N 2+ ( 1 s ) + e – D E 2 = E L ( N 2, N1 s ) ï d’après Jolly [65]
þ

Les espèces chimiques NH 3+ ( 1 s ) et N 2+ ( 1 s ) sont les molécules plomb PbO et PbO2 et de cuivre Cu2O et CuO pour lesquels les
NH3 et N2 avec une lacune sur l’orbitale N1s. Les énergies de liaison déplacements sont dans le sens inverse de celui indiqué par les
de l’électron N1s dans les molécules NH3 et N2, EL (NH3, N1s) et EL degrés d’oxydation et transferts de charge. Ce comportement
(N2, N1s), sont alors exprimées par les variations d’énergie internes s’explique par les variations en sens inverse des effets de l’état ini-
DE1 et DE2 des deux réactions. Le déplacement chimique du pic N1s tial et de l’état final, avec prépondérance de l’énergie de relaxation.
entre N2 et NH3 s’obtient en faisant la soustraction des deux réac- Nous verrons qu’il est dans ce cas possible de différencier ces com-
tions précédentes : posés par le déplacement Auger.

NH 3 + N 2+ ( 1 s ) ® NH 3+ ( 1 s ) + N 2 (31)

Le déplacement chimique du pic N1s entre N2 et NH3, DEL, est 2.2 Exemples de déplacements ESCA
alors exprimé par la chaleur de cette réaction chimique.
Les espèces chimiques N 2+ ( 1 s ) et NH 3+ ( 1 s ) avec une vacance en 2.2.1 Déplacement de surface des niveaux de cœur
couche profonde 1s sont naturellement très instables et inhabituel-
les, l’approximation des cœurs équivalents permet de substituer au L’effet de l’état initial peut être illustré par deux exemples. Le pre-
cœur N(Z = 5) ( 1 s ) le cœur O(Z = 6) dans N 2+ ( 1 s ) et NH 3+ ( 1 s ) qui mier est le déplacement des niveaux de cœur des atomes de surface
ainsi sont remplacés par NO+ et OH 3+ . Cette substitution s’accompa- illustré dans la figure 9 [66]. Sur cette figure, les spectres des
gne d’une variation d’énergie d’échange de Pauli, DEéch, très faible niveaux 4f 7/2 d’un monocristal de tungstène orienté W(100) excités
entre les électrons 1s. Tant que cette énergie d’échange ne varie pas par des photons de 70 eV sont enregistrés sous des conditions diffé-
trop entre N 2+ ( 1 s ) et NH 3+ ( 1 s ) , elle se compense et n’intervient rentes. Cette figure illustre également les possibilités du rayonne-
pas dans les bilans. ment synchrotron pour l’ESCA. Le choix d’une énergie d’excitation
A la réaction chimique précédente (relation (31)) se substitue spécifique de 70 eV permet de communiquer aux photoélectrons
maintenant la réaction suivante : W4f 7/2 une énergie cinétique d’environ 40 eV qui correspond à un
très faible libre parcours moyen et donc à une très grande sensibilité
NH 3 + NO + ® OH 3+ + N 2 (32) de surface. Deux autres paramètres concourent également à exalter
la sensibilité de ces spectres à la première monocouche de surface.
Cette fois-ci, on peut connaître les enthalpies de formation des Il s’agit d’abord de la polarisation des photons excitateurs. La
espèces chimiques NO+ et OH 3+ et calculer DEL à partir de leurs lumière synchrotron est linéairement polarisée dans le plan de
valeurs, la figure 8 montre qu’un tel modèle permet une compré- l’orbite des électrons. En polarisation p, avec le vecteur champ élec-
hension satisfaisante par la thermochimie des déplacements de
N1s. D’autres interprétations ont été aussi obtenues dans des com- trique A de la lumière perpendiculaire à la surface, le gradient
posés de C, O, B et Xe. d A ¤ d z induit une photoémission de surface. Ce n’est pas le cas
En conclusion à ce paragraphe au cours duquel nous avons vu
qu’en grande partie les déplacements ESCA, bien qu’ils soient dus d’une polarisation s où A est parallèle à la surface et pour laquelle
aux variations d’énergie de relaxation dans l’état final, peuvent être ce gradient est donc nul. Le deuxième facteur est la diffraction des
interprétés en considérant uniquement les propriétés de l’atome photoélectrons dans les monocristaux qui traduit les processus
avant la perturbation excitatrice et qu’ils peuvent être exploités pour d’interférence entre l’émission directe et les émissions rétrodiffu-
extraire des informations sur la liaison chimique, citons des excep- sées par les atomes du cristal. Pour des conditions d’énergie et
tions, par exemple les cas de l’oxyde d’argent AgO, des oxydes de directionnelles particulières (figure 9), il y a interférence construc-

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bande d en surface et par un transfert de charge entre la couche de


surface et celles de volume. Le sens de ce transfert dépend de la
[110] configuration électronique du métal et de sa position dans le rem-
A
plissage de la bande d. Pour les métaux en début de remplissage de
Surface bande, il y a transfert d’électrons vers la surface et déplacement du

,,,
70¡ hν pic de cœur de surface vers les basses énergies de liaison. Lors de la
hν = 70 eV Volume deuxième moitié du remplissage, il y a transfert d’électrons vers le
volume et inversion du déplacement du pic de surface. L’amplitude
[001]
de ce déplacement est aussi fonction de l’orientation de la surface
du cristal, elle est d’autant plus importante que la face est ouverte.
a Généralement faibles (quelques dixièmes d’électronvolt) ces dépla-
cements peuvent atteindre des valeurs supérieures à l’électronvolt
(métaux lourds et actinides).
Enfin, signalons qu’un tel effet de déplacement de surface peut
être mis en évidence sur les polymères, en l’occurrence sur des
[110]

,,,
films de PMMA syndiotactique où les groupements methoxy sont
hν orientés préférentiellement vers la surface du film en opposition
avec la forme isotactique. Ce déplacement est cependant très faible
27¡
et de l’ordre de 0,1 eV.
b A

2.2.2 Exemples de déplacements chimiques


[001]
Les déplacements ESCA induits par la polarité des liaisons chimi-
ques peuvent être illustrés dans la figure 10 par l’exemple de la
molécule de trifluoroacétate d’éthyle CF3 COOC2H5 où les atomes de
carbone sont dans quatre environnements chimiques différents : un
atome de carbone lié à trois atomes de fluor dans le groupement
¾ CF 3 ¾ , un groupement carboxylique ¾ COO ¾ , un groupement
c éther ¾ C ¾ O ¾ et un groupement méthyl ¾ CH 3 ¾ . Les charges
partielles portées par les atomes de carbone diminuent algébrique-
ment dans cet ordre. L’atome de carbone fluoré porte la charge par-
tielle la plus positive et celui de la fonction méthyl la moins positive,
le fluor étant le plus électronégatif et l’hydrogène le moins électro-
négatif dans cette série d’atomes chimiquement liés au carbone.
Comme nous l’avons vu dans le modèle à potentiel, l’énergie de
liaison de C1s diminue en suivant l’ordre précédent, de CF3 à CH3.
Relevons que l’aire des pics correspond parfaitement à la stœchio-
métrie 1/1/1/1 de la molécule.
d
Un deuxième exemple est fourni par un composé solide, le thio-
sulfate de sodium avec deux atomes de soufre chimiquement non
équivalents, l’un étant l’atome de soufre central de degré d’oxyda-
tion +6 et l’autre le ligand de degré d’oxydation –2. Les pics S2s et
33 32 31 30 S2p 3/2 de ce composé présentent deux composantes d’égale inten-
Énergie de liaison (eV)
sité, séparées respectivement par 5,82 eV et 6,04 eV avec le pic à
haute énergie de liaison attribué à l’atome de soufre au plus haut
a surface propre, polarisation p degré d’oxydation (figure 11). Cet exemple montre les capacités de
b surface propre, polarisation s spéciation chimique des degrés d’oxydation par ESCA et la possibi-
lité d’utiliser plusieurs niveaux de cœur, tous présentant des dépla-
c surface exposée à H2 cements équivalents. En général, pour les cations, les énergies de
d surface exposée à O2
liaison sont déplacées vers les grandes valeurs et, à l’inverse pour
les anions, vers les basses valeurs. Le soufre présente la particula-
rité d’être l’atome pour lequel l’ampleur du déplacement ESCA est la
Figure 9 – Déplacement de surface du pic 4f7/2 pour W(100) en plus élevée, l’amplitude étant de 15,4 eV comme indiqué dans le
fonction de la polarisation des photons et différents états de surface tableau 1.
(propre et après exposition à H2 et O2)

Tableau 1 – Valeurs des déplacements chimiques


tive et amplification de l’émission des atomes de la première couche dans les composés soufrés
monoatomique de surface. Ainsi le spectre de la figure 9a montre
un déplacement de – 0,3 eV entre l’émission de la première couche Composé EL S 2p3/2 DEL S 2p3/2
de surface et l’émission de volume. Le caractère spécifique du pic de
surface est démontré par sa sensibilité à la polarisation de la lumière (eV) (eV)
et à l’adsorption d’espèces atomiques et moléculaires. K2S 161,6 – 2,6
Le déplacement de surface des pics de cœur est fonction de la S8 164,2 0
nature des composés (métaux, alliages, semi-conducteurs, cristaux
ioniques…). Il a pour origine essentiellement l’abaissement de la K2SO3 166,6 2,4
coordinance (c’est-à-dire le nombre des plus proches voisins) des K2SO4 169,0 4,8
atomes de surface par rapport au volume qui se traduit, par exem-
ple, pour les métaux de transition, par un rétrécissement de la SF6 177,3 13,1

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O H H 1
F 3 3 2 2
F C C O C C H ( O C C O CH2 CH2 )n
Intensité F

Nombre de coups x 103


H H O O

14

12
1

Référence : 10
EL = 291,2 eV
8 x5
0 10 8 6 4 2 0
Déplacement chimique (eV) 6

4 3
Figure 10 – Spectre C1s de la molécule de trifluoroacétate d’éthyle 2
CF3COOC2H5 [4]
2

0
N (E )/E 295 290 285
102 Énergie de liaison (eV)
SVI

Figure 12 – Spectre C1s du polyéthylènetérephtalate (PET)


2 avec résolution des pics en différentes composantes chimiques
et satellites shake-up [13]
SII

1
CH3
0 1 2
( CH2 C )n
Nombre de coups x 103

176 172 168 164 160


4
Énergie de liaison (eV) C O
10

Figure 11 – Déplacement chimique du pic S2p dans le thiosulfate O


avec deux sites chimiques du soufre inéquivalents 3
8 CH3
1
L’ESCA est actuellement la méthode d’analyse de surfaces la plus
utilisée dans le domaine des polymères, en raison entre autres de 6
ses capacités de distinguer par le déplacement ESCA les fonctionna-
lités chimiques de surface. Un exemple typique est le polytéréphta- 2
late d’éthylène ou PET ( polyéthylène téréphtalate) dont le spectre 4
C1s est présenté dans la figure 12. Le pic de carbone se décompose 4
en trois composantes à EL respectivement de 284,7 eV, 286,2 eV et 3
288,6 eV dans le rapport d’intensité de 3/1/1 correspondant aux
2
fonctions CH, C ¾ O et COO respectant la stœchiométrie du motif.
Ce spectre indique également la présence des pics satellites de
shake-up accompagnant chacun des pics C1s.
0
La haute résolution en énergie permet dans l’étude des polymères 292 290 288 286 284 282
de résoudre les effets chimiques secondaires induits par les atomes Énergie de liaison (eV)
en position b. Nous présentons ici l’exemple du polyméthacrylate de
méthyle (PMMA). Dans ce polymère, le pic C1s peut être décomposé
en quatre composantes (figure 13). En raison de la haute résolution, Figure 13 – Illustration d’un déplacement ESCA secondaire induit
par un groupement en position b dans le spectre C1s du PMMA
le carbone 2C peut être résolu des atomes de carbone 1C, correspon-
résolu en quatre composantes : le carbone aliphatique 2C est déplacé
dant au motif donné dans la figure 13.
par rapport aux deux autres carbones aliphatiques 1C en raison
Finalement, l’exemple des polymères permet également d’illus- de l’effet secondaire b du groupement carboxylique 4COO [13]
trer la possibilité d’utiliser les spectres de la bande de valence pour
leur caractérisation. Le polyéthylène et le polypropylène représen-
tent les cas les plus typiques (figure 14). En effet, ces deux polymè-
res ne peuvent pas être distingués par leurs spectres C1s à partir de groupements CH, CH2 et CH3 sont caractérisés par la même position
leurs motifs monomériques [ ¾ CH 2 ¾ ] et [ ¾ CH ¾ ] car tous les en énergie du niveau C1s. En revanche, leurs spectres de bande pré-
sentent des structures très différentes et permettent de les différen-
CH3 cier. L’excitation des spectres de bande de valence est en général

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où Erelax (L+L+) est l’énergie de relaxation de l’état final Auger dou-


blement ionisé qui varie comme le carré des charges :

Nombre de coups
800
E relax ( L+ L+ ) = 4 E relax ( L+ ) (35)

Le déplacement Auger s’écrit finalement, en supposant que F (LL)


600 ne varie pas avec l’environnement chimique et que les valeurs des
déplacements DeHF(K) et DeHF(L) sont égales, comme :

400 D E cin ( KLL ) = D e HF ( K ) + 3 D E relax ( L+ ) (36)

Cette relation exprimant le déplacement chimique Auger montre,


de façon plus nette que pour le déplacement ESCA, l’importance de
200 l’état final et de l’énergie de relaxation dans les déplacements chimi-
ques. La contribution des effets de relaxation extra-atomique est
C 2s C 2p nettement plus importante en Auger qu’en ESCA. Il en résulte que le
0 déplacement Auger entre deux composés chimiques est toujours
35 30 25 20 15 10 5 0 plus important que le déplacement ESCA corrrespondant.
Énergie de liaison (eV)
Ce résultat a conduit Wagner à introduire le paramètre Auger a
a polyéthylène basse densité défini comme la différence entre l’énergie cinétique de l’électron
Auger et l’énergie cinétique d’un des pics ESCA associés. En géné-
ral, ce sont les pics les plus intenses qui sont sélectionnés :

Nombre de coups
a = E cin ( KLL ) Ð E cin ( K ) (37)
800 Cette définition conduit parfois à des valeurs de a négatives car
elle dépend des valeurs relatives de l’énergie de liaison EL(K) et de
l’énergie des photons hn. Pour éviter cet inconvénient, il est préféra-
600 ble de modifier, sans en dénaturer la portée, la définition du paramè-
tre Auger en ajoutant hn, ce qui conduit à des valeurs toujours
positives plus pratiques :
400
a = E cin ( KLL ) Ð E cin ( K ) + hn = E cin ( KLL ) + E L ( K ) (38)
200 Le paramètre Auger varie en fonction de l’environnement chimi-
que ou plutôt de la polarisation des liaisons chimiques dans le com-
C 2s C 2p
posé et la relation précédente indique que plus les composés dans
0 lesquels est engagé un atome sont polarisables, plus son paramètre
35 30 25 20 15 10 5 0 Auger augmente. Le déplacement du paramètre Auger, en tenant
Énergie de liaison (eV) compte des expressions des déplacements ESCA et Auger, s’écrit
b polypropylène alors très simplement comme :

D a = 2 D E relax ( K + ) (39)
Figure 14 – Différences dans les spectres de bande de valence
du polyéthylène basse densité et du polypropylène et possibilités L’utilisation du déplacement de ce paramètre Auger pour discrimi-
de caractérisation moléculaire ner les formes chimiques, de préférence au déplacement ESCA, pré-
sente de multiples avantages. Du point de vue théorique, ce
déplacement est totalement indépendant des effets de l’état initial et
très faible, ce qui a jusqu’à maintenant freiné leur utilisation. Avec n’est fonction que de l’état final. Ce point souligne d’abord la prédo-
les appareils modernes combinant résolution et luminosité, il est minance des effets dynamiques de relaxation et de polarisabilité des
maintenant possible d’exploiter à des fins analytiques cette branche liaisons chimiques sur les effets statiques de transfert de charge et
de la photoémission. de polarité des liaisons sur les déplacements chimiques. De plus,
n’étant plus la résultante des contributions de ces deux effets par-
fois contradictoires comme c’est souvent le cas en ESCA, les dépla-
cements Da sont en général nettement plus importants. Finalement,
2.3 Déplacement et paramètre Auger le paramètre a étant défini comme la différence en énergie des deux
pics, est indépendant de la définition du niveau de référence dans
Les énergies des transitions Auger dépendent également de l’échelle des énergies de liaison et des ambiguïtés de la position du
l’environnement chimique de l’atome émetteur comme en ESCA. niveau de Fermi d’un composé à un autre.
Cependant, de grandes différences existent entre les deux phéno- Du point de vue expérimental, a est mesuré sur le même spectre
mènes en raison de la double ionisation de l’état final Auger par rap- en énergie et ne dépend pas des conditions expérimentales, celles-
port à une simple ionisation pour l’ESCA. Le déplacement Auger ci en principe devant influer sur la position en énergie des deux pics
s’écrit dans le cas des transitions KLL à partir de la relation expri- de façon identique. Cette propriété est particulièrement intéressante
mant l’énergie Auger : dans le cas des échantillons isolants, car les erreurs induites par les
effets de charge sont alors minimisées et les mesures de a sont très
E cin ( KLL ) = E L ( K ) Ð 2 E L ( L ) Ð F ( LL ) (33) fiables. En fait, les variations Da sont significatives à partir d’une
valeur de 0,3 eV, limite imposée par la résolution en énergie.
qui se réécrit en remplaçant les énergies de liaison EL(X) par leur
valeur exprimée dans la relation (4) de [P 2 625] : L’exemple des composés du cuivre illustre la discussion précé-
dente sur l’intérêt du paramètre Auger. Les valeurs des énergies de
E cin ( KLL ) = Ð e HF ( K ) Ð E relax ( K + ) + 2 e HF ( L ) + E relax ( L+ L+ ) Ð F ( LL ) liaison des pics ESCA ne permettent pas de différencier les oxydes
ou sulfures cuivreux et cuivriques du métal, comme l’indiquent le
(34) tableau 2 et [P 2625, figure 18].

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Les composés cuivreux Cu+ et même le sulfure cuivrique CuS pré-


Tableau 2 – Comparaison des déplacements ESCA, sentent un déplacement ESCA, DEL(2p3/2), en sens inverse de celui
Auger et du paramètre a pour des composés du cuivre, attendu si on considère les degrés d’oxydation. Les effets d’état final
d’après [8] priment pour déterminer les grandeurs des déplacements, on voit
d’après les directions et grandeurs des déplacements Auger
DEL DEL(L3VV) et du paramètre Da que la polarisabilité des composés
Composés EL (2p3/2) Ecin(L3VV) DEL(L3VV) a Da cuivreux est plus importante que celle du cuivre métal et des com-
(2p3/2)
posés cuivriques.
(eV) (eV) (eV) (eV) (eV) (eV) L’utilisation du paramètre Auger est facilitée par l’établissement
Cu 932,6 0 918,6 0 1851,2 0 de chartes disposant les valeurs de Ecin(KLL) en fonction de EL(K)
respectivement en (x, y), les valeurs du paramètre Auger apparais-
Cu2O 932,4 – 0,2 916,2 – 2,4 1848,6 – 1,6
sant sur les diagonales parallèles à la première bissectrice, chacune
Cu2S 932,5 – 0,1 917,4 – 1,4 1849,9 – 1,3 de ces diagonales ayant même valeur de a. Dans de telles chartes,
CuO 933,8 1,2 918,1 – 0,4 1851,9 0,7 les composés se répartissent selon des régions regroupant des
composés de même degré d’oxydation. La figure 15 montre l’exem-
CuS 932,3 – 0,3 917,9 – 0,7 1850,2 – 1,0 ple d’une telle charte pour les composés du cuivre [12].

Cu 2p Cu LMM
Composé Énergie de Énergie
liaison (eV) cinétique (eV)
Cu2Mo3O10 931,6 916,5
Cu2Se 931,9 917,6
CuAgSe 931,9 917,7
CuSe 932,0 918,4
CuS 932,2 917,9
CuBr2 932,3 916,9

Paramètre Auger + énergie du photon (eV)


Énergie cinétique (eV)

Cu2S 932,5 917,4 1853 1852


921 1851
CuCl 932,5 915,0
CuCl 932,5 915,6
920 1850
Cu2O 932,5 916,2
Cu2O 932,5 916,2 Cu (0)
919 1849
Cu2O 932,5 916,6
Cu2O 932,5 917,2
Cu 932,6 918,6 918 1848
Cu 932,6 918,7
Cu64Zn36 932,6 918,6 917 1847
Cu 932,6 918,6 Cu (II)
Cu 932,6 918,7 Cu (I)
916
Cu 932,7 918,6
CuCN 933,1 914,5
915
CuC(CN3) 933,2 914,5
CuO 933,7 918,1
914
Cu3Mo2O9 934,1 916,6
CuMoO4 934,1 916,6
CuCr2O4 934,6 918,0 913
938 937 936 935 934 933 932 931 930
CuSiO3 934,9 915,2
Énergie de liaison (eV)
CuCO3 935,0 916,3
Cu(OH)2 935,1 916,2
CuCl2 935,2 915,3
Cu(NO3)2 935,5 915,3
CuSO4 935,5 915,6
CuF2 936,1 916,0
CuF2 936,8 914,4
CuF2 937,0 914,8

Figure 15 – Charte des paramètres Auger pour les composés de cuivre [12]

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3. Applications analytiques adapter l’outil analytique au problème posé et non l’inverse (le pro-
blème à l’outil) et éviter toute propension à utiliser l’ESCA ou tout
autre appareil pour la simple raison que c’est le spectromètre dont
on dispose.
La planification des mesures nécessite de faire la liste des ques-
3.1 Choix de la technique tions analytiques précises à poser. Avant d’effectuer le choix de la
(ou des) technique(s) et de décider des mesures, on peut s’efforcer
de répondre à un questionnaire type suivant :
Avant de faire appel à l’ESCA (ou à d’autres techniques d’analyse)
pour résoudre un problème de surface, il convient de justifier l’ana- Formulation du problème à régler :
lyse en termes de rentabilité de l’investissement, de bien définir la — hypothèses analytiques avancées sur l’origine de la
problématique, d’être convaincu du bien-fondé du choix de la tech- défaillance ;
nique, d’en avoir reconnu les avantages et les limitations et de pré- — éléments incriminés à rechercher ;
voir éventuellement des compléments d’analyse avec une autre
— localisation des zones défectueuses : en profondeur et résolu-
technique.
tion spatiale ;
Le retour sur investissement des analyses à effectuer est en géné- — nécessités de déterminer ou non les formes chimiques.
ral la première question à se poser : le bénéfice que l’on suppose
tirer de l’analyse projetée (ou de l’achat d’un équipement) sera-t-il Échantillons :
supérieur à son coût ? Pour des problèmes de Recherche et Déve- — leurs formes physiques, dimensions, conductivité ;
loppement, l’importance reconnue de l’ESCA comme un puissant — leur composition de volume ;
outil de recherche est un argument raisonnable. Il en va différem- — le nombre, possibilité d’analyser des échantillons de
ment pour la résolution de problèmes en production, de contrôle de référence ;
qualité ou de défaillances. On peut également poser différemment — l’historique : condition de vieillissement, de stockage, de
la question de la rentabilité en se demandant combien il en coûtera manutention ;
si l’on n’effectue pas l’analyse. La réponse comporte plusieurs — supportent-ils une mise sous vide ? Quelles sont les conditions
éléments : naturellement, on considère tout de suite les conséquen- de dégazage ?
ces financières liées aux arrêts de production ou rejets de pièces
défectueuses, mais en dehors de ces considérations à court terme, il L’ESCA est la technique d’analyse de surfaces dont le champ
faut également prendre en compte l’intérêt technique des connais- d’applications est incontestablement le plus large. On peut affirmer
sances ainsi acquises sur les produits et procédés et sur les dysfonc- que l’ESCA se présente comme l’outil prédominant en analyse de
tionnements possibles, l’amélioration de la politique de qualité de surfaces. Si, prise séparément, chacune de ses performances analy-
contrôle, le gain de compétitivité et l’impact commercial et marke- tiques telles que sensibilité et limite de détection, résolution chimi-
ting que de telles analyses peuvent avoir. que et moléculaire, profondeur d’analyse et résolution latérale, peut
être surpassée par celle des autres méthodes comme le SIMS et la
En général, une analyse de surface donne des résultats le plus spectrométrie Auger, l’ensemble constitue un tout unique. Il est utile
souvent très éloignés de ceux obtenus sur le même échantillon par de rappeler les principales performances, en insistant particulière-
une méthode d’analyse de volume, aussi importe-t-il d’expliquer ces ment sur le caractère universel de la technique.
résultats. L’analyste a beaucoup à gagner à travailler en étroite coo-
pération avec le scientifique ou l’ingénieur soumettant l’analyse, 1) L’ESCA, principalement utilisé pour les solides, est applicable à
pour définir le plus précisément possible le problème, pour connaî- l’analyse des gaz et des liquides ; pour les solides, les échantillons
tre complètement l’historique de l’échantillon, le procédé et les opé- peuvent être sous toutes les formes physiques :
rations de fabrication et les conditions de manutention et de — massiques, films, fibres, poudres ;
stockage. Il pourra ainsi optimiser l’analyse et trouver la solution — cristallisés ou amorphes, compacts ou poreux ;
exacte et rentabiliser au mieux l’analyse. Un dialogue interactif — isolants, semi-conducteurs ou conducteurs.
entre l’analyste et l’utilisateur en cours d’analyse est souhaitable et,
au vu des résultats, permet de réorienter les analyses ou même de 2) La technique est reconnue comme étant la plus facile des tech-
faire appel à d’autres techniques pour les étayer ou les infirmer. Une niques quantitatives de surface. Tous les éléments, sauf l’hydrogène
telle flexibilité pour définir la stratégie d’analyse doit toujours être et l’hélium, sont détectables. Les limites de détection sont, en con-
adoptée par l’analyste. centration atomique, en moyenne de 0,1 % du volume analysé.
L’échantillonnage est une étape importante et concerne la nature, Le volume analysé est caractérisé par :
le nombre et le type d’échantillons. Il est essentiel que l’analyste — la profondeur d’analyse qui peut varier entre 0,1 nm et 1 nm
puisse disposer d’échantillons de référence, c’est-à-dire de ceux qui par rotation angulaire ;
ne posent pas de problème et qu’en général les utilisateurs ne pen- — l’aire analysée qui varie entre 10 nm2 et 100 mm2 (résolution
sent ou ne sont pas enclins à analyser. Une des difficultés rencon- latérale < 10 mm).
trées par l’analyste est qu’on ne lui soumet des analyses que
lorsque des problèmes surgissent et qu’on lui demande ex nihilo de 3) L’ESCA permet de déterminer les fonctions chimiques, degré
les résoudre. La comparaison entre les échantillons « bons » et d’oxydation et environnement moléculaire dans certaines limites de
« mauvais » est une approche pratique, efficace et fructueuse. Il faut résolution.
regretter que les technologues ne soient pas enclins à effectuer des
analyses sur leurs produits quand la production marche bien. Pour résumer, l’ESCA est la technique à utiliser pour résoudre les
problèmes de surfaces isolantes, à des profondeurs < 10 nm, sur
Pour résoudre un problème de surface, nous disposons d’un des zones de dimension > 10 mm, où il faut détecter et doser des
ensemble de techniques analytiques composé essentiellement de impuretés à des teneurs > 0,1 % at. ou 0,1 % de monocouche
l’ESCA, de la spectroscopie Auger et du SIMS. Le choix d’une ou de (1012 atomes/cm2) et déterminer leurs formes chimique. Notons que
plusieurs d’entre elles pour aborder un problème particulier est une c’est la méthode la plus utilisée pour les surfaces de polymères,
question clé. Il s’agit en effet de déterminer celle (ou celles) qui est leurs traitements et dépôts, l’adhésion, les catalyseurs. La technique
la plus appropriée pour résoudre le problème posé. Cela consiste en ne doit pas être utilisée pour la microanalyse de traces aux teneurs
premier lieu à traduire ce dernier en termes analytiques, de décider inférieures à 10–3 monocouche et nécessitant des résolutions
de la nature des informations à obtenir et donc des techniques qui latérales < 10 mm. Rappelons également les limitations de l’ESCA
sont les plus aptes à les fournir, et des mesures à effectuer. Il faut relatives aux résolutions chimique et moléculaire.

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3.2 Pratique de l’analyse

Nombre de coups
3.2.1 Échantillons 2 500
O1s
■ Préparation des échantillons 2 000
Si2s
La prise des échantillons conditionne la qualité et l’efficacité des
1 500 Si2p
analyses ESCA pour la résolution d’un problème de surface, comme
pour toute autre technique d’analyse de surfaces. La profondeur
1 000
d’analyse étant au maximum en ESCA de 10 nm, il faut que l’échan- C1s
tillon analysé présente sur cette profondeur la composition qui soit 500
pertinente pour le problème posé. Il faut notamment éviter toute
contamination de la surface lors de la manipulation de l’échantillon 0
qui fausserait complètement les conclusions des analyses. La 0 200 400 600 800 1 000
figure 16 montre l’effet d’un simple contact de doigts sur le spectre Énergie de liaison (eV)
ESCA d’une surface de silicium, la contamination superficielle due à
la minime quantité de sueur déposée suffit à masquer le signal du a spectre de survol de la surface de silicium propre
silicium de plus de 60 % par ceux du carbone et du sodium prove-
nant de la sueur. Le port de gants sans talc est recommandé.

Nombre de coups
Les sources de contaminations accidentelles des surfaces solides
sont multiples. En dehors de la contamination évoquée précédem- 2 000
ment par les contacts humains (sueur, pommades, cosmétiques, ali- O1s
ments…), les contacts avec d’autres solides peuvent également C1s
1 600
polluer la surface de l’échantillon. Les emballages en polymères
Na1s
souples ou rigides sont à cet égard à éviter pour le transport des 1 200
échantillons et les boîtes en verre sont préférables. En effet, les Si2s
nombreux adjuvants entrant dans la formulation des polymères, 800 Si2p
plastifiants, agents glissants, démoulants, antioxydants, lubrifiants,
catalyseurs et tout composé de bas poids moléculaires ségrègent 400
vers la surface de ceux-ci et s’y concentrent. Par contact ou même
lorsque qu’il n’y a pas contact, simplement par dégazage dans le 0
conteneur, ces contaminations se transfèrent sur l’échantillon. En 0 200 400 600 800 1 000
règle générale, lors du transport il faut éviter tout contact de la sur- Énergie de liaison (eV)
face à analyser avec un autre solide, même indirect s’il s’agit de
composés volatils. b spectre de survol de la surface de silicium
après simple contact avec les doigts
La pollution provenant de l’atmosphère (laboratoires chimiques,
ateliers, moteurs, usines…) doit être considérée également et cons-
titue des sources de contamination par hydrocarbures, huiles, lubri- Figure 16 – Illustration de l’importance dans un spectre ESCA
fications, fluoration, sulfuration, silicones, poussières. de la contamination superficielle

La fixation des échantillons doit s’effectuer mécaniquement.


L’emploi d’adhésifs du type « scotch à double face » est à éviter pour des, sulfures, etc. posent plus de problèmes. En effet, les décapages
fixer les échantillons que ce soit pour le transport ou pour l’analyse chimiques et surtout les érosions ioniques par bombardement dans
dans le spectromètre, notamment ceux à base de silicones qui par le spectromètre lui-même, dégradent et altèrent chimiquement la
dégazage et diffusion latérale sont de redoutables contaminants. Le surface.
problème de fixation des échantillons est particulièrement ardu
pour l’analyse de poudres. Bien que l’utilisation du scotch à double ■ Montage des échantillons
face soit à proscrire, il demeure le dernier recours. Dans le cas où le Les conditions de montage de l’échantillon pour l’analyse doivent
porte-échantillon est horizontal (une telle configuration constitue un permettre le repérage précis des zones d’analyse et une bonne cor-
avantage pour le choix d’un spectromètre ESCA particulier), on peut rection des effets de charge pour les isolants.
utiliser une simple coupelle et une tenue des poudres par leur sim-
● Localisation de la zone analysée
ple poids. Naturellement, il faut veiller à ce que la mise sous vide ne
souffle pas les poudres, donc ce procédé n’est pas utilisable pour les Le système de manipulation des échantillons dans le spectromè-
poudres trop pulvérulentes. Le procédé à recommander dans ce cas tre doit assurer une bonne exploitation des performances spectros-
est l’incrustation dans l’indium. Ce métal mou peut être obtenu à copiques. Le manipulateur doit assurer le déplacement de l’échan-
l’état très pur. Il est possible par simple pression de la poudre entre tillon dans les trois dimensions et la rotation angulaire par rapport à
deux feuilles minces d’indium et ensuite par séparation de celles-ci la direction d’analyse. Il n’est pas nécessaire que le goniomètre soit
d’obtenir une poudre incrustée de façon homogène dans ce métal et de très grande précision, mais il doit être en adéquation avec les
dont la surface n’a été en contact qu’avec elle-même (celle de la résolutions spatiale et angulaire du spectromètre considéré, en
poudre sur l’autre face). général dans le domaine de 1 à 10 mm pour les translations en x et y
Si la surface à analyser se trouve malgré tout contaminée et et de 1 à 3° en rotation. Les points importants concernent les géomé-
qu’elle ne présente pas la composition pertinente à analyser sur la tries de positionnement et la visualisation de l’échantillon par
profondeur d’inspection de l’ESCA, le procédé à utiliser pour la net- microscopie optique ou électronique pour repérer exactement le
toyer et éliminer le film de contamination doit nécessairement éviter point d’analyse.
toute dégradation et recontamination physique ou chimique. Les Il est important que le spectromètre dispose de l’imagerie ESCA
solvants non polaires tels que l’hexane et des solutions de type qui permet de sélectionner sur l’image ESCA les zones d’intérêt à
mélange alcool-eau sont généralement utilisés pour éliminer les analyser de façon précise car effectuée dans la même géométrie
contaminations organiques. Les procédés de nettoyage à mettre en d’irradiation et de détection. Cette procédure nécessite un contrôle
œuvre avec ces solvants vont des ultrasons jusqu’aux extractions automatique et programmable du positionnement du manipulateur.
par soxhlet. Les éliminations des couches inorganiques du type oxy- Certains appareils proposent une image des électrons secondaires,

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dont l’émission est très intense, générée par un balayage de la ● Pics dus à une contamination de l’anode : si l’anode émet des
même source X monochromatique utilisée pour les spectres ESCA raies d’excitation autres que la raie attendue, celles-ci peuvent géné-
grâce à la rotation du monochromateur. Cette technique permet un rer les spectres ESCA correspondants. Ces spectres sont en général
repérage précis et très simple des zones à analyser. de faible intensité en raison du faible flux X correspondant, mais les
● Contact électrique pour écoulement des charges pics des éléments majeurs peuvent présenter des intensités détecta-
et neutralisation bles. Les raies fantômes sont dues en général, dans le cas des ano-
des multiples, à un dépôt sur une anode d’un autre élément de
La méthode par compensation à l’aide d’un faisceau d’électrons l’anode multiple (contamination par exemple de l’aluminium par du
(flood gun) est actuellement adoptée universellement. Pour un manganèse et vice versa dans les anodes doubles Al/Mg) ou à
échantillon très isolant et un faisceau X monochromatique, donc l’usure de l’anode découvrant le substrat sur lequel le métal de
avec un effet de charge sévère, l’utilisation d’un cache métallique l’anode est déposé, ce qui donne lieu à une émission X du substrat ;
avec diaphragme de diamètre suffisant pour l’analyse, plaqué sur en général, il s’agit du cuivre avec les raies CuLa et Ka respective-
l’échantillon, peut aider à améliorer la conductivité à la surface et ment à 929,7 et 8 048,0 eV. Dans ce même type de raies fantômes
l’écoulement des charges. L’analyse des poudres isolantes est aussi rentrent les raies satellites Ka34. Avec les appareils ayant un mono-
facilitée par implantation dans l’indium. chromateur, ces raies fantômes d’excitation X sont éliminées sauf
celles qui correspondent à des diffractions d’ordre supérieur, par
exemple avec la raie AlKa monochromatique, on peut avoir la raie
3.2.2 Mesures d’ordre supérieur n = 2 soit l = 0,415 nm (2 973,2 eV).
● l’effet de charge, déjà évoqué, peut déplacer les pics ou les
■ Étalonnage du spectromètre dédoubler dans le cas d’un effet différentiel soit latéral soit en pro-
Il est recommandé d’étalonner périodiquement le spectromètre fondeur.
en énergie et surtout en intensité. Pour l’étalonnage en énergie de
liaison, les échantillons de référence sont le cuivre, l’or, le difluorure
de polyvinylidène (PVDF) et le polyéthylènetéréphtalate (PET). Pour 3.3 Applications spécifiques de l’ESCA
la calibration en intensité et l’analyse quantitative (et également en
énergie de liaison), les échantillons sont Au (pic Au 4f ), le PET dont
les pics C1s et O1s sont dans un rapport stœchiométrique 2/5, le L’analyse ESCA la plus courante et la plus simple consiste à enre-
polydiméthyldisiloxane (PDMS) dont les pics C1s, O1s et Si 2p sont gistrer un spectre en énergie et puis éventuellement à enregistrer
dans le rapport stœchiométrique 2/1/1. Le difluorure de polyvinyli- une image. La technique permet d’effectuer des mesures plus com-
dène (PVDF) ou le Téflon sont également de bons étalons pour l’ana- plexes. Il est ainsi possible de mesurer la modulation d’intensité des
lyse quantitative avec l’avantage supplémentaire avec le F1s de pics ESCA en fonction de la direction d’émission fonction des angles,
couvrir un domaine d’énergie de liaison jusqu’à 800 eV. Ces maté- polaire et azimutale, et qui est due à la diffraction des photoélec-
riaux polymériques présentent l’intérêt d’être isolants et très sensi- trons. Ces mesures angulaires permettent de déterminer la structure
bles à la dégradation par irradiation qui se manifeste par une perte cristallogra-phique et les distances de réseau des plans de surface.
d’halogène. Ils permettent ainsi d’évaluer les conditions de dégrada- Elles ne sont appliquées que pour des monocristaux et ne concer-
tion de l’installation. nent pas les échantillons industriels. De même, les paramètres élec-
triques et semi-conducteurs, tels que les barrières de Schottky, et les
■ Performances instrumentales discontinuités de bande peuvent être mesurés en ESCA [67]. Ces
applications spécifiques concernent des domaines très spécialisés
Les performances effectives du spectromètre utilisé et les qualités et ne seront pas exposées ici.
des mesures obtenues ont des répercussions sur la résolution du
problème posé. Les performances du spectromètre utilisé doivent Nous ne mentionnerons ici que les applications pouvant concer-
être précisées pour tout résultat d’analyse. Elles s’étalonnent en ner les analyses industrielles :
fonction des critères suivants discutés par ailleurs et qui sont — profils de concentrations en profondeur ;
intercorrélés : — dérivatisation ;
— résolution en énergie : largeur et position des raies ; — Voltage Contrast XPS.
— sensibilité : intensité des raies et tout particulièrement du rap-
port signal sur fond ; 3.3.1 Profils de concentrations en profondeur
— quantitativité : courbe de transmission ;
— compensation des effets de charge latérale et en profondeur ; La profondeur moyenne d’analyse en ESCA, dan, s’exprime,
— résolution latérale en imagerie et microanalyse en tenant comme nous l’avons vu dans la relation (2), par une loi en
compte de la sensibilité ;
d
— résolution angulaire : possibilité de détection très rasante ; 1 Ð exp æÐ ------------------- ö en fonction de l’angle q défini par rapport à la
— dégradation des échantillons. è l cos q ø
D’autres critères portent sur l’ergonomie et la flexibilité de l’appa- normale, la profondeur maximale étant donnée approximativement
reillage : logiciel de traitement des spectres, anodes multiples, par la valeur dmax = 3 l cos q. Sur cette base, nous pouvons alors
canon à électrons (pour spectrométrie Auger, système de position- faire varier la profondeur d’analyse de deux façons :
nement des échantillons). — en faisant varier l’angle d’analyse q mesuré par rapport à la
normale (§ 3.3.1.1) ;
■ Artefacts — en faisant varier le libre parcours moyen des photoélectrons l,
Si l’interprétation des spectres ESCA ne se heurte pas, en général par la variation de leur énergie cinétique, soit en utilisant deux ou
à des risques d’artefacts majeurs, il est utile de rappeler la présence plusieurs raies ESCA des mêmes éléments, soit par excitation
possible de raies fantômes ayant les origines diverses suivantes. d’une même raie par des photons d’énergie variable (§ 3.3.1.2).
● Raies Auger : pour discriminer les raies Auger des pics ESCA, Ces deux méthodes se caractérisent par un domaine de profon-
on peut changer la raie X d’excitation (d’où l’intérêt des sources deur d’analyse de l’ordre des libres parcours moyens des électrons
avec anode double ou multiple). Les raies Auger restent à la même c’est-à-dire < 10 nm. La résolution en profondeur, très fine
énergie cinétique (il faut contrôler que la nouvelle raie X est assez comme le montre la figure 17, dépend de la rugosité à l’échelle sub-
énergétique pour créer la vacance primaire de la transition Auger nanométrique de la surface étudiée et naturellement de la résolution
considérée) tandis que l’énergie cinétique des pics photoélectriques angulaire du spectromètre. En outre, ces méthodes présentent
suit l’énergie hn de la raie X. l’avantage d’être non destructives.

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Cet effet d’angle de détection est d’autant plus marqué que la sur-
Nombre de coups face de l’échantillon est plane à l’échelle nanométrique, ce qui est le
Pics Si cas ici d’un monocristal de Si, mais en général pas celui des échan-
14 000 tillons industriels très rugueux. Du point de vue des performances
instrumentales du spectromètre, il faut disposer d’une très bonne
résolution angulaire, c’est-à-dire d’un cône d’acceptance des élec-
trons très collimaté avec une ouverture de 1 à 2°. La résolution
angulaire s’obtient naturellement au détriment de la sensibilité.
12 000
Un autre facteur déterminant est la géométrie entre la direction
Pics SiO2 d’irradiation, la direction de détection et l’axe de rotation de l’échan-
θ = 0¡ tillon. Pour la plupart des appareils, cet axe de rotation est souvent
perpendiculaire au plan formé par les deux premiers axes : inci-
10 000
dence des raies X et émission des électrons. Dans cette géométrie,
l’angle d’incidence i des raies X varie également lorsque l’on fait
50¡ varier l’angle de détection q en tournant l’échantillon. De plus,
l’intensité du pic photoélectrique d’un échantillon pur semi-infini
8 000 obtenue par intégration de la relation (1) comporte deux termes
dépendant de q :
A0
I µ ------------- ´ l cos q
70¡ cos q
6 000
A0
où ------------- est l’aire détectée et l cos q la profondeur moyenne analysée.
cos q
Pour des angles d’analyse q faibles, le facteur cos q s’élimine. Il
4 000
n’en est plus de même pour les grandes valeurs de q en détection
80¡ A0
très rasante où l’aire ------------- devient supérieure à l’aire maximale
cos q
2 000 analysée qui est limitée par la configuration géométrique du spec-
tromètre. Donc, dans ce cas, l’aire analysée reste constante quand q
varie et l’intensité totale détectée chute en variant comme cos q.
85¡ Vers les émissions très rasantes les intensités ESCA sont très fai-
bles, interdisant toute possibilité de travailler à des angles supé-
0
rieurs à 60-70°.
105 100 95
Énergie de liaison (eV)
Certains appareils comme le spectromètre Scienta 200 présentent
une configuration d’analyse dans laquelle l’axe des rayons X, l’axe
de la lentille de détection et l’axe de rotation sont dans le même plan
Figure 17 – Variation, en fonction de l’angle de détection q, (figure 18). Cette configuration procure trois avantages majeurs :
du spectre Si 2p d’un monocristal Si recouvert par une couche native — l’intensité détectée est indépendante de l’angle, donc de la
d’oxyde d’environ 2 nm : illustration de l’exaltation de la sensibilité sensibilité superficielle, ainsi que la résolution en énergie et le posi-
superficielle en émission rasante tionnement de l’échantillon ;
— la tache du faisceau X monochromatique sur l’échantillon pré-
sente la direction non dispersive en énergie parallèle à la fente
Si on veut mesurer des distributions sur des profondeurs supé- d’entrée du spectromètre et la direction dispersive en énergie per-
rieures allant à 10 nm jusqu’à plusieurs dizaines ou centaines de pendiculaire à celle-ci. La projection de la fente d’entrée du spectro-
mm, il faut faire appel à l’abrasion ionique de la surface analysée mètre délimitant la zone analysée est inférieure à la tache du
(§ 3.3.1.3) ; cette technique est naturellement destructive. faisceau X dont seule une fraction et non la totalité est analysée.
Lorsque l’on fait tourner l’échantillon, l’axe de rotation étant de le
plan d’incidence, la zone irradiée de l’échantillon augmente comme
3.3.1.1 Distribution angulaire 1/cos q réduisant la densité X d’autant, mais l’aire détectée, l’axe de
collection étant dans le même plan, augmente également comme 1/
Comme l’illustre la figure 17, dans le cas du spectre Si 2p d’un
cos q, ce qui compense la diminution de la densité des rayons X inci-
échantillon monocristallin de Si recouvert d’une mince couche
dents. Il en résulte que l’intensité des pics ESCA est pratiquement
d’oxyde natif d’environ 2 nm d’épaisseur, le rapport d’intensité du
indépendante de l’angle d’émission q, notamment aux angles
pic de l’oxyde SiO2 sur celui de l’élément Si sous-jacent varie de
rasants, comme le démontre la figure 17.
façon très significative en fonction de l’angle de collection des pho-
toélectrons que l’on fait varier en inclinant l’échantillon. En détec- Comme le flux des raies X correspondant à la dispersion des raies
tion normale à la surface (q = 0), la profondeur d’analyse moyenne X collecté par la fente d’entrée de l’analyseur est indépendant de
est directement donné par le libre parcours moyen (ou profondeur l’angle de rotation q, la résolution énergétique introduite par la lar-
d’échappement) des photoélectrons qui dépend de leur énergie geur en énergie de la source x d’excitation, qui est prépondérante en
cinétique. Une rotation de l’échantillon pour se positionner en ESCA, ne dépend pas non plus de l’angle q comme le montrent les
détection rasante diminue la profondeur d’analyse d’un facteur spectres de la figure 17. En revanche, dans les autres configura-
cos q. Plus l’angle de détection est rasant, plus l’analyse est superfi- tions, la résolution en énergie aux angles rasants est fortement dété-
cielle. Ainsi, avec un angle q de 85°, la profondeur d’analyse dans la riorée.
figure 17 est de 0,08 l soit de l’ordre de 0,13 nm pour une valeur de La figure 19 présente une application sur l’enrichissement en sur-
l de 1,5 nm. Dans les spectres de la figure 17, pour une détection à face d’une des composantes d’un copolymère. Il s’agit d’un copoly-
la normale favorisant le volume, le rapport du pic de l’oxyde de sur- mère ( PP ¤ CH 2 ¾ CH ) ( [ CF 2 ] n ¾ CF 3 ) . Le spectre haute résolution
face SiO2 sur celui du substrat Si n’est que de 0,1 tandis que pour
une détection à 85° favorisant la couche de surface, ce rapport C1s de ce copolymère montre quatre composants correspondant
atteint 3 soit un gain d’un facteur 30. respectivement aux fonctions aliphatiques CH2, CH3, au groupe-

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ment CH ¾ CF 2 ¾ avec un déplacement secondaire induit b, CF2 et


CF3. Par rapport à une détection à la normale, une détection rasante
Photo- montre une augmentation des composantes CF3, CF2 et CH ¾ ( CF 2 )
électrons
ur
relative aux fonctions CH2 et CH3. Ce résultat s’interprète aisément
e
at par une orientation vers la surface des composants fluorés de plus
om
hr
basse énergie de surface que les composantes aliphatiques. Mieux
Lentille de
oc encore, l’examen détaillé du comportement relatif des composants
on collection
CF3 et CF2 montre que la composante CF3 en bout de la chaîne fluo-
M
rée pointe plus en surface que les chaînons CF2.
Fa
is L’exemple de la figure 20 montre l’étude d’une fluoration de sur-
ce
au face d’un polymère par plasma. Les fonctions fluorées sont toutes
de
ra localisées en surface indiquant que la modification ne porte que sur
yo des profondeurs de l’ordre de grandeur des libres parcours moyens
ns
X des électrons, soit moins de 10 nm sous la surface.
Axe de la lentille
3.3.1.2 Utilisation de raies d’excitation X de longueurs
Axe de rotation de l'échantillon d’onde variables
Une autre solution pour effectuer des analyses à différentes pro-
Manipulateur Échantillon fondeurs consiste à faire varier les libres parcours moyens des élec-
trons concernant les pics ESCA considérés en utilisant des raies X
d’énergie variables. Un choix de métaux d’anodes tels que Zr, Al et
Figure 18 – Géométrie optimisée en ESCA avec rotation Cr permet d’avoir des analyses ESCA avec trois profondeurs crois-
de l’échantillon pour mesure angulaire santes comme l’illustre le tableau 3 pour le Si 2p :

PP+ ( CH2 CH )n ( CH2 CH )

(CF2)5 (CF2)5
e--

,,,
CH2 , CH3 CF2
CF3 CF3

85¡
e--

,,, 85¡ CF3

,,,
CF2
CH
CF3

CF2

,,,
CH2 , CH3 e--
CF2
e-- 5¡

5¡ CF3
CF3

CH -- CF2 --

300 295 290 285 280 294 292 290 288


Énergie de liaison (eV) Énergie de liaison (eV)

a b

La figure 19 a démontre que les fonctions CF3 , CF2 et CH -- CF2 sont situées plus en surface que CH2 et CH3 et la figure 19 b que CF3 est plus en
surface que CF2 et que la chaîne (CF2)n -- CF3 pointe vers l'extérieur de la surface (Courtoisie Scienta).

Figure 19 – Orientation en surface des groupements fluorés dans un copolymère démontrée par détection en fonction
de l’angle (Courtoisie de Scienta)

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tent des énergies de liaison différentes, donc des photoélectrons


Nombre de coups d’énergies cinétiques et de profondeurs d’extraction différentes.
C -- C Ainsi les pics O1s et O2s correspondent à des énergies de liaison
respectivement de 530 et 20 eV ; donc, avec la raie Al Ka, ils présen-
F/C = 0,79 tent des énergies cinétiques de 960 à 1 470 eV et correspondent à
des profondeurs moyennes d’analyse respectives de 0,5 et 3 nm.
3 000
C -- Fx 3.3.1.3 L’érosion ionique

θ = 0¡ Les méthodes précédentes pour déterminer les profils de concen-


tration portent sur des profondeurs inférieures à 10 nm, ce qui leur
confère un grand intérêt dans de nombreux problèmes de surfaces
F/C = 0,92 industriels qui font intervenir une telle profondeur, couches minces,
traitements de surface, adhésion ; de plus elles ne sont pas destruc-
tives. Pour tracer des profils de concentration sur des profondeurs
2 000 45¡ plus importantes sous la surface de l’ordre de la dizaine ou centaine
de micromètres, il faut faire appel à la technique classique de déca-
page de couches successives de surface par érosion ionique. Après
F/C = 1,11 analyse d’une épaisseur de surface, on élimine cette couche par
bombardement ionique et forme une nouvelle épaisseur de surface
à analyser, et ainsi de suite. Sans discuter en détail les différents
inconvénients de l’érosion ionique, dont nous rappelons les princi-
60¡ paux.
La technique, séquentielle de nature, nécessite des temps d’expé-
1 000 rience très longs lorsque les profondeurs à analyser sont grandes et
F/C = 1,06 les points d’analyses nombreux.
L’érosion ionique est essentiellement destructive et induit des
artefacts :
80¡ — macroscopiquement, la zone décapée ne présente pas des
Pics correspondant bords verticaux et le fond du cratère n’est pas plan. Ces irrégularités
aux composantes fluorées topographiques détériorent la résolution en profondeur du profil de
concentration. La solution pour remédier à cet état de fait est
d’adapter un diamètre de l’aire analysée plus fine que le diamètre du
0 cratère d’érosion et de n’analyser que le fond du cratère en évitant
295 290 285 280 les bords. L’érosion peut s’effectuer également en prenant un fais-
Énergie de liaison (eV) ceau d’ions de faible diamètre et en le faisant balayer ainsi sur une
paire plus grande pour obtenir un cratère à fond plat et bords droits ;
En détection rasante, les composantes à hautes énergies de liaison,
— microscopiquement l’érosion ionique induit :
correspondant aux fonctions fluorées et localisées en extrême surface, • une pulvérisation préférentielle qui modifie la composition de
sont exaltées. surface analysée par enrichissement superficiel des éléments les
moins facilement pulvérisables,
Figure 20 – Spectres C1s d’un polymère fluoré par plasma • une dégradation des composés chimiques par cassure de
en fonction de l’angle de détection q montrant que les fonctions liaisons ce qui, lorsque cela se produit, ôte l’intérêt chimique des
fluorées sont localisées en surface à une profondeur < 7 nm profils ESCA,
• une rugosité de surface d’autant plus importante que la pulvé-
risation est hétérogène et due à la pulvérisation préférentielle des
zones « molles » et à la croissance de cheminées sur des zones
Tableau 3 – Profondeurs d’analyse ESCA du silicium dures moins pulvérisables. Cet effet détériore la résolution en pro-
en fonction de la raie d’excitation X fondeur puisque les épaisseurs pulvérisées ne sont pas planes. La
résolution des profils par érosion est d’autant plus mauvaise que
Profondeur la profondeur érodée est importante. On peut remédier à ces
Raies X Énergie hn Ecin Si 2p défauts par rotation de l’échantillon en cours de pulvérisation qui
d’analyse
permet, en changeant les angles de bombardement, d’obtenir une
(eV) (eV) (nm) vitesse d’érosion plus homogène avec des surfaces érodées pla-
nes.
Zr Mz 151,4 50 0,5
De plus, par rapport aux profils de concentration par érosion asso-
Al Ka 1 486,6 1 380 2,5 ciant l’Auger ou le SIMS, les inconvénients précédents sont plus
Cr Ka 5 417,0 5 315 5,0 accentués pour les profils ESCA en raison de sa plus faible résolu-
tion spatiale et de sa sensibilité moindre. En revanche, l’ESCA peut
suivre la chimie des couches comme le montre la figure 21 qui suit
Une autre possibilité pour obtenir des photons d’énergie variable le profil de l’oxygène pour un empilement des différentes couches
est fournie par le rayonnement synchrotron. De plus, en ce cas, SiO2/ZrO2/SiO2/ZrO2/SiO2. Les pics O1s de SiO2 et de ZrO2 ne sont
l’énergie d’excitation peut varier de façon continue ce qui permet pas à la même énergie de liaison, et permettent donc de suivre la
d’avoir une profondeur d’analyse également variable de façon con- nature des différentes couches d’oxydes.
tinue. Il faut noter cependant que cette possibilité n’est pas fréquem-
ment utilisée pour des analyses de routine vu les difficultés et les 3.3.2 Dérivatisation chimique
coûts d’accès à de telles sources.
Une alternative pour faire varier les profondeurs d’analyse ESCA Une des principales utilisations de l’ESCA est de pouvoir distin-
est d’utiliser deux ou plusieurs raies du même élément qui présen- guer les fonctions chimiques et les environnements moléculaires

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ANALYSE DE SURFACE PAR ESCA _________________________________________________________________________________________________________

Nombre de coups
Nombre d'atomes (%)
100 6 000

5 000
C C ; CH
O1s C (O)2
4 000
Zr3d O
Si2p 3 000 C O O
C O C C
2 000
O
1 000
0
0 C1s 3 680 0
Temps d'érosion (s) 292 288 284 280
Énergie de liaison (eV)
a profil ESCA de multicouches SiO2/ZrO2
a avant dérivatisation par PFE

Distance à la surface

Nombre de coups
3 000
O
C C ; CH
2 000 CH ( CF3)
C O
O
1 000 C C
CF3 O
532 530 528 526 524 522 520 518 516 514 512
Énergie de liaison (eV)
0
SiO2 ZrO2 300 296 292 288 284
b suivi de la chimie des surfaces érodées par le spectre O1s Énergie de liaison (eV)

b après dérivatisation par PFE


Le spectre du fond correspond à la surface et celui en avant est
celui le plus en volume
Figure 22 – Spectre C1s d’un film de polyacide acrylique polymérisé
par plasma avant et après dérivatisation par PFE montrant la fixation
Figure 21 – Profil ESCA de multicouches SiO2/ZrO2 obtenu
par érosion ionique suivi de la chimie des surfaces érodées O
par le spectre O1s de CF3 sur la fonction C
O¾H

des éléments grâce aux déplacements chimiques. Cependant,


comme nous en avons discuté précédemment, l’amplitude des — ne pas, en dehors de la dérivatisation proprement dite, modi-
déplacements ESCA est faible et ne dépasse pas 10 eV au maximum fier l’état physico-chimique de la surface. (Par exemple, les solvants
mais se situe plutôt en moyenne vers 4 à 5 eV et moins pour la plu- utilisés lors de la réaction peuvent provoquer un gonflement du
part des éléments. De nombreuses fonctions chimiques donnent polymère et une réorganisation de la surface avec des migrations
des déplacements inférieurs à 1 eV entre elles. En ce cas, même en des groupements fonctionnels).
disposant de spectromètres modernes à haute résolution énergéti-
que, les largeurs des raies expérimentales sont de cet ordre. Il est La dérivatisation a été largement utilisée en ESCA et le lecteur
alors difficile de séparer les différents composants chimiques lors peut trouver dans la littérature [68, 69] la liste des réactions de déri-
des procédures de traitement numérique et de décomposition des vatisation des fonctions les plus courantes et les modes opératoires.
spectres. Comme exemple, les fonctions hydroxyl ( C ¾ OH ) , éther Nous présentons ici un exemple d’utilisation de la dérivatisation
( ¾ C ¾ O ¾ ), ¾ C ¾
¾ N, C ¾ Cl …, etc. présentent des énergies de
¾ chimique pour distinguer les fonctions acide carboxylique des fonc-
liaison vers 286-287 eV et ne sont pas résolues par l’ESCA. De tions ester et anhydre qui ne sont pas résolues dans un spectre
même, en raison de la nature du déplacement chimique ESCA lui- ESCA. La figure 22a montre le spectre C1s d’un film acide polya-
même, les pics C1s des fonctions telles que les fonctions ester et crylique obtenu par polymérisation plasma. Ce spectre est résolu en
acide ne peuvent pas être séparés. plusieurs composantes dont la décomposition est résumée dans le
Pour suppléer à ce manque de résolution spectroscopique, on tableau accompagnant le spectre. Dans ce spectre à très haute réso-
peut alors faire appel à la spécificité des réactions chimiques à tra- lution, il faut noter que le déplacement chimique secondaire sur un
vers les techniques de marquage des fonctions par dérivatisation carbone aliphatique dû à la présence en position b d’une fonction
qui consiste à fixer sur ces fonctions, de façon spécifique, des grou- carboxylique, CC ( ¾ ¾O )OX qui n’est que de 0,4 eV par rapport à CH2
pements plus aisément séparables par ESCA. Les critères d’un mar- ou CH3 est résolu. La composante à la plus haute énergie de liaison
quage efficace sont les suivants : englobe les fonctions carboxylique (C(¾ ¾O )OH ) , ester
(C(¾¾O )OR ) et anhydre C ( ¾ ¾O ) ¾ O ¾ C ( ¾
¾O ) . Pour doser unique-
— présenter un pic ESCA, soit d’un élément, soit d’une fonction, ment la teneur en acide acrylique, on peut utiliser une dérivatisation
qui soit unique, facilement séparable et de grande sensibilité ; par le trifluoroéthanol (TFE) qui ne réagit que sur la fonction car-
— réagir de façon spécifique et quantitativement (idéalement à boxylique en la marquant par CH ¾ CF 3 et non sur la fonction ester
100 %) avec la fonction chimique à doser ; [70]. Après marquage, le spectre C1s de la figure 22b montre l’appa-

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rition de la composante CF 3 (et aussi de la composante CH ¾ CF 3 ).


Une partie de la composante C ( C ¾ ¾O ¾¾ )OX subsiste et corres- Fibre Matrice

Nombre de coups
pond aux fonctions ester n’ayant pas réagi avec le PFE. Le rapport
des composantes CF 3 ¤ C ( C ¾ ¾O ¾¾ )OX du spectre dérivatisé
donne le pourcentage d’acide carboxylique.

3.3.3 Voltage Contrast XPS


L’effet de charge différentiel intervenant sur des surfaces compo- 4 eV Énergie
sées de phases de conductivités très différentes peut être mis à pro- des électrons
fit pour visualiser ces phases en ESCA. La technique de Voltage du flood gun
Contrast XPS consiste alors à exalter cet effet de charge différentiel
soit directement en appliquant une tension de 5 à 15 V à l’échan- 3 eV
tillon [71], soit indirectement en l’irradiant avec un faisceau d’élec-
trons de faible énergie d’un flood gun [72]. Dans la première
variante, les zones conductrices sont portées à la tension appliquée
tandis que les zones isolantes ne le sont pas. Les pics ESCA d’un 2 eV
même élément présent dans les deux zones ont un comportement
alors différent, les pics des éléments localisés dans les zones con-
ductrices se déplacent avec la tension tandis que ceux des zones iso-
lantes restent à une position constante. A l’inverse, avec le flood 1 eV
gun, les charges négatives injectées déplacent les pics des éléments
localisés dans les zones isolantes tandis qu’elles s’écoulent dans les
zones conductrices et n’y induisent aucun déplacement des pics
ESCA. La figure 23 illustre ce dernier effet à propos du spectre C1s 0 eV
d’une surface de rupture d’un composite à matrice polymérique ren-
Avec flood gun
forcée par fibres de carbone. Les pics C1s de la fibre conductrice res-
tent à la même position énergétique tandis que les pics C1s de la
matrice polymérique isolante se déplacent linéairement en fonction
de l’énergie des électrons du flood gun.
L’intérêt du Voltage Contrast XPS est que l’on peut séparer des
domaines de dimensions inférieures à la résolution spatiale du Sans flood gun
spectromètre puisque le contraste d’image est obtenu de façon
complètement indépendante à l’optique électronique. 295 290 285 280 275 270
Énergie de liaison (eV)

3.4 Domaines d’applications Figure 23 – Spectres C1s obtenus par Voltage Contrast XPS
d’une surface de rupture d’un composite à matrice polymérique
et renfort par fibre de carbone en fonction de l’énergie des électrons
3.4.1 Analyses de polymères du flood gun, d’après [72]

L’ESCA fut une des premières méthodes d’analyse de surfaces à


avoir été appliquées intensivement et avec succès aux polymères et 3.4.1.1 Analyse quantitative industrielle
elle demeure encore la principale méthode d’analyse de surfaces de de contaminations superficielles
ces matériaux [68, 69]. La méthode induite relativement peu de
dégâts d’irradiation, ce qui présente un intérêt évident pour ces En analyse industrielle, la principale utilisation de l’ESCA est la
matériaux fragiles ; cependant, les polymères halogénés particuliè- détection des contaminations superficielles et ségrégations d’addi-
rement fragiles tels que le chlorure de polyvinyle (PVC) ou le tétra- tifs. Un exemple d’école est la contamination par les huiles silicones
fluorure de polyéthylène (PTFE) dans le vide se dégradent sous d’une surface de polyéthylène téréphtalate. Nous constatons que la
irradiation X par rupture des liaisons C ¾ X ainsi que le montre la méthode est directement quantitative par l’augmentation relative
décroissance continue dans le temps respectivement des pics C1 et des pics silicium avec la teneur de la contamination en silicone
F au cours de l’analyse. (figure 24).
Analytiquement, la méthode fournit un large éventail d’informa-
tions analytiques : caractérisation quantitative des fonctionnalités 3.4.1.2 Ségrégation superficielle dans les copolymères
et mélanges de polymères
de surface et détermination de leur orientation, connaissance de la
structure des bandes de valence et du degré d’aromaticité par les Dans les copolymères block, le constituant présentant la tension
satellites de shake-up, détermination du caractère acide-base. superficielle la plus faible tend à se concentrer en surface par ségré-
L’analyse des fonctionnalités chimiques des surfaces de polymè- gation superficielle afin de satisfaire au principe de minimisation de
res est abondamment décrite dans la littérature et a servi pour illus- l’énergie de surface. De telles ségrégations ont été mises en évi-
trer le déplacement chimique des niveaux de cœur dans ce présent dence très tôt par ESCA. Naturellement ces études ESCA ne sont
exposé. D’autre part, les spectres de bande des orbitales moléculai- possibles que si les deux phases polymériques peuvent être diffé-
res C2s et C2p sont très différents entre le polyéthylène et le poly- renciées par leurs spectres ESCA caractéristiques. De ce point de
propylène (voir figure 14) et ces différences peuvent être mises à vue, le potentiel moléculaire du SIMS statique, possédant une
profit pour différencier ces deux polymères, ce que les niveaux de meilleure résolution, en fait un complément de choix de l’ESCA.
cœur C1s ne permettent pas de faire. De même, les structures iso- Ainsi, dans des films de copolymère poly-diméthyl-disiloxane/
mériques telles que les formes normal-, iso- et ter- du méthacrylate polystyrène (PDMS-PS) de différentes morphologies, il est aisé de
de butyle peuvent être également différenciées par leurs spectres de distinguer le PDMS du PS par les pics Si2p et O1s, ce qui a permis
bande de valence [73]. de montrer par ESCA que l’extrême surface est constituée par du

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PVC en surface (% masse)

Nombre de coups
100
2 000
1 600 75
1 200
800 50
400
0
25
0 200 400 600 800 1 000
Énergie de liaison (eV)
PET propre 0
0 25 50 75 100
PVC en volume (% masse)

Nombre de coups
Figure 25 – Composition de surface mesurée par ESCA en fonction
2 000 de la composition nominale de volume pour des mélanges miscibles
1 600 (●) et non miscibles (▲) de PVC/poly(a-méthylstyrène-co-acrylonitrile),
d’après [75]
1 200
800
400 Pics Si 3.4.1.3 Propriétés acide-base
0 Les propriétés de mouillabilité et d’adhésion des surfaces de poly-
0 200 400 600 800 1 000 mères peuvent être prédites à partir de leurs caractères acido-basi-
Énergie de liaison (eV) ques de surface [76]. Dans le cadre de ce modèle, les adsorptions de
molécules en surface de polymères font intervenir des transferts
PET avec 1 % at. siloxane d’électrons entre des bases et des acides de Lewis. Ces molécules
constituent des sondes pour mesurer le caractère acido-basique de
ces surfaces de polymères. Les déplacements ESCA des énergies de
Nombre de coups

liaison de telles sondes moléculaires adsorbées à la surface d’un


ensemble de polymères peuvent servir pour déterminer une échelle
2 000
de degrés d’acido-basicité de surfaces de ces polymères [77]. Se
1 600 basant sur les caractères d’acides de Lewis des halogénures organi-
ques comme accepteurs d’électrons, on constate que lorsque ces
1 200
molécules sont adsorbées sur des surfaces basiques, elles voient les
800 énergies de liaison de leurs pics Cl2p ou F1s décroître. Ces déplace-
Pics Si ments indiquent un transfert d’électrons des polymères vers les
400
halogénures adsorbés d’autant plus important que l’interaction
0 acide-base est forte. Inversement, les pyridines sont des bases de
0 200 400 600 800 1 000 Lewis et les pics N1s se déplacent de 1 eV vers les énergies de
Énergie de liaison (eV) liaison plus élevées lorsque ces bases sont adsorbées sur des surfa-
ces acides de PMMA. Cette valeur du déplacement est interprétée
PET avec 5 % at. siloxane comme la conséquence d’un transfert de 0,26 électron vers le grou-
pement carboxyl COOH du PMMA. Un déplacement de la pyridine
Figure 24 – Détection quantitative de contamination d’une surface N1s encore plus important est mesuré quand la pyridine est adsor-
de PET par des huiles silicones à différentes teneurs (1 et 5 % at.) par bée sur polymère avec un caractère d’acide de Lewis plus fort, le
l’évolution des pics Si 2p polyvinylbutyl (PVB).
Les valeurs des déplacements ESCA de telles sondes peuvent
donc servir pour évaluer quantitativement des grandeurs thermody-
PDMS pur [74]. De même, les copolymères block PMMA-PS de namiques telles que DHab, l’enthalpie d’adsorption acide-base de
structure lamellaire voient leur composition de surface s’enrichir en ces molécules sur les surfaces de polymères, et par la suite les
PS. Ces ségrégations se produisent également dans de nombreux caractères acido-basiques de celles-ci. En effet, dans le cas de
mélanges de polymères (blends). Ces ségrégations font intervenir l’adsorption de CHCl3, un acide de Lewis, sur un ensemble de
de façon complexe de nombreux paramètres tels que la tension six polymères de surface basique, une corrélation linéaire entre
superficielle des constituants, leur poids moléculaire, leur miscibi- l’enthalpie d’interaction acide-base DHab et le déplacement Cl2p3/2 a
lité et leur degré de cristallinité. Des mélanges miscibles et non mis- pu être obtenue comme l’indique la figure 26 [77]. De plus, le pic
cibles de PVC et de poly(a-méthylstyrène-co-acrylonitrile) peuvent Cl2p3/2 sur ces systèmes se trouve à des valeurs d’énergie de liaison
être obtenus avec la même composition. La figure 25 montre qu’il y encore plus faibles que les valeurs habituellement mesurées dans
a un enrichissement de PVC en surface de ces mélanges et qu’il est les chlorures organiques, ce qui confirme bien un transfert d’élec-
plus prononcé dans le cas des mélanges non miscibles [75]. trons à partir des surfaces basiques de polymères vers l’acide CHCl3.

De telles études sont facilitées par des tracés de distribution angu- 3.4.1.4 Traitement de surface par plasma
laire en faisant varier de façon non destructive les profondeurs
d’analyse dont nous avons vu précédemment des applications de Les modifications de surface par plasma sont actuellement de
même type. plus en plus utilisées pour améliorer les propriétés de mouillage,

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des deux polymères pour les mêmes conditions du traitement


Cl2p3/2 (eV) plasma, ici le PS et le polyéthylène haute densité (PEHD). Il est mon-
tré que la réactivité du PS est notablement supérieure à celle du
201 PEHD.
L’ESCA permet également de caractériser les fonctions chimiques
200
greffées comme le montrent les pics C1s du PS avant et après traite-
ment. Le caractère aromatique du PS est indiqué par le satellite de
199 shake-up accompagnant le C1s avant traitement. Ce satellite dispa-
raît dès les étapes initiales du traitement, indiquant une interaction
des espèces actives du plasma sur le cycle pendant aromatique du
198
PS. Sur le spectre C1s du PS oxydé de la figure 29, on peut déceler
cinq composantes chimiques attribuées respectivement aux éner-
197 gies de liaison EL suivantes :
0 1 2 3 4
--∆Hab (kcal/mol) C1 à EL = 285,0 eV : C–C, carbones aliphatiques, aromatiques
C2 à EL = 286,5 eV : C–O, fonctions alcool, éther
ArMCU PCHMA
PBMA PMMA C3 à EL = 287,7 eV : C=O ou O–C–O, fonctions aldéhyde, cétone,
PVAc PEO époxy ou hémicétal…
C4 à EL = 289,2 eV : O–C=O, fonctions ester ou acide, etc.
Figure 26 – Corrélation du déplacement du pic Cl2p3/2 de la molécule
CHCl3 adsorbée sur six polymères avec les enthalpies acide-base
C5 à EL = 290,3 eV : (CO)O2, fonctions peracide, perester, carbo-
DHab, d’après [77]
nate.
Ce spectre illustre également les limitations de l’ESCA. En effet, la
décomposition précédente du spectre C1s en ses différentes compo-
d’adhésion ou de biocompatibilité. La profondeur de ces traitements santes peut s’effectuer en raison du contrôle de l’état chimique de la
étant très faible ( < 10 nm), l’ESCA fournit un outil performant et surface et d’une connaissance préalable des fonctions chimiques
pratique pour caractériser, contrôler et certifier les traitements. Les probables. Mais le manque de résolution en énergie dans le cas
d’échantillons inconnus est alors rédhibitoire. En ce cas, il est possi-
spectres de la figure 27 illustrent une telle application à propos du
ble de pallier ce défaut de résolution par les procédés de dérivatisa-
traitement du polystyrène par un plasma froid micro-onde transféré. tion que nous avons exposés précédemment.
L’ESCA permet d’abord de caractériser la nature des espèces ato- Rappelons enfin que les mesures angulaires permettent de locali-
miques greffées selon la nature du gaz. Les spectres de la figure 27 ser en fonction de la profondeur sous la surface les différentes for-
montrent le résultat du traitement du PS par un plasma d’oxygène et mes chimiques greffées (voir figure 20).
d’azote purs. L’on voit que dans un plasma d’azote pur, les espèces
oxygénées présentes dans le vide résiduel du réacteur plasma sont
3.4.1.5 Adhésion, collage
excitées et oxydent également le PS. Ces spectres sont obtenus in
situ, c’est-à-dire que les spectres ESCA sont enregistrés après traite-
ment par transfert direct de l’échantillon de la chambre plasma dans Une des applications les plus intéressantes des techniques d’ana-
lyse de surfaces dans le domaine de l’adhésion porte sur la localisa-
le spectromètre sans transiter à travers l’atmosphère.
tion de la surface de rupture lors de la décohésion d’un assemblage.
Lorsque l’adhésion entre deux solides est bonne, la décohésion lors
Grâce à ses capacités d’analyse quantitative, l’ESCA permet de
des tests de rupture intervient dans un des deux solides, le plus
doser les taux d’ oxygène incorporés sur la surface du polymère et fragile : la rupture est dite cohésive. Lorsque l’adhésion entre les
de tracer les cinétiques d’oxydation en suivant le rapport stœchio- deux solides est mauvaise, la rupture est interfaciale ou encore
métrique O/C (figure 28) et par exemple comparer les réactivités dénommée adhésive.
Intensité (u.a.)

Intensité (u.a.)

Intensité (u.a.)

C1s
O1s

C1s
C1s N1s
O1s

Auger O

a b c

Figure 27 – Comparaison du spectre ESCA du PS avant (a) et après un traitement plasma d’oxygène (b)
et d’azote (c) montrant la fonctionnalisation chimique de la surface du polymère par plasma

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mis à des conditions de brouillard salin fait apparaître des piqûres


O/C valeurs corrigées de corrosion. Après pelage de la couche protectrice de polymère, on
effectue l’image ESCA de la face acier. Dans les zones où la couche
0,6 polymérique est bien adhérente, la rupture est cohésive dans le
polymère. L’image ESCA C1s nous montre que la surface est consti-
PS tuée d’une couche mince polymérique. Dans les régions des piqûres
0,4 de corrosion, l’acier a été dénudé et l’image ESCA montre effective-
ment la présence de fer non recouvert par le carbone. De plus, le fer
PEHD
est oxydé comme l’indique la répartition de O1s. Enfin, les zones
0,2 corrodées montrent une concentration de Na provenant de l’agent
corrosif NaCl.
Signalons, en passant, l’intérêt de l’ESCA pour visualiser le
0 sodium ; en effet, du fait de sa grande mobilité, cet élément migre
0 300 600 900 1 200 1 500 sous l’impact d’électrons ou de particules chargées, ce qui obère sa
Vitesse d'écoulement du gaz plasma (sccm) localisation par MEB ou Auger. Les rayons X n’induisent pas de tel-
les migrations du sodium, mais il est vrai que l’intérêt de la visuali-
sccm : standard cubic centimeter per minute sation du sodium par ESCA est limité par la faible résolution latérale
de l’ESCA.
Figure 28 – Rendements de greffage en O pour le PS et le PEHD en Relevons l’intérêt de la technique Voltage Contrast XPS pour de
fonction de la vitesse d’écoulement du gaz plasma telles études. En effet, on peut évaluer l’énergie d’adhésion dans les
composites par la proportion des ruptures cohésives par rapport
aux ruptures adhésives. Ce rapport peut être mesuré directement
Par analyse des deux faciès de rupture, on peut déterminer si la sur les spectres tels que celui de la figure 23 par le rapport de l’aire
rupture est cohésive ou adhésive. Dans le premier cas, les deux ana- du pic C1s provenant des zones isolantes de la matrice, donc carac-
lyses indiquent la même composition, celui du milieu le plus fragile téristique des ruptures cohésives sur celui provenant de la fibre con-
qui a cédé et, dans le deuxième cas, les faciès de rupture correspon- ductrice de carbone caractéristique des ruptures adhésives [72].
dent aux deux constituants de l’interface. En fait, la situation n’est
pas aussi simple qu’elle paraît. En effet, lors d’une rupture cohésive,
celle-ci ne se produit pas dans le volume du matériau mais près de
l’interface à des distances nanométriques de celle-ci dans la zone où
3.4.2 Analyses de catalyseurs
les contraintes dues aux forces interfaciales provoquent une fragili-
sation du milieu. Le faciès de rupture du côté interface ne comporte
alors qu’un film très mince du milieu fragilisé recouvrant le L’ESCA est une méthode de choix pour suivre les transformations
deuxième solide. L’on comprend alors que seule une technique chimiques des surfaces de catalyseurs en fonction des traitements
ayant une très grande sensibilité de surface peut détecter cette cou- et des conditions d’utilisation [78].
che mince dont l’épaisseur peut n’être que de quelques monocou- Une application importante de l’ESCA dans ce domaine est l’ana-
ches moléculaires. La détection d’un film si mince n’est pas à la lyse quantitative des phases actives présentes en surface. Par
portée des techniques comme le MEB (microscope électronique à ailleurs, ce problème procède d’un contexte plus général qui est
balayage). Pour de telles expériences, l’ESCA est utilisé de préfé- l’analyse des poudres et qui concerne de nombreux secteurs : aéro-
rence à la spectrométrie Auger ou au SIMS, notamment lorsqu’il sols, minerais, flottation. Le formalisme de l’analyse quantitative
s’agit de collage et d’analyses d’adhésifs polymériques, donc iso- ESCA exposée précédemment suppose que la distribution des élé-
lants. Dans les cas réels, la situation peut être encore plus complexe, ments est homogène dans l’échantillon qui, de plus, est supposé
la décohésion peut être hétihomogène, c’est-à-dire cohésive à cer- être idéalement plan. Or, un catalyseur supporté est par nature un
tains points et interfaciale à d’autres. En ce cas, il est nécessaire système très hétérogène et finement dispersé. Le support d’alu-
d’avoir recours à des microanalyses résolues latéralement et l’ima- mine, silice et zircone se présente sous la forme de poudre consti-
gerie. tuée de particules, de diamètre pouvant descendre jusqu’à quelques
nanomètres seulement. L’agent catalytique se trouve à l’extrême
L’exemple suivant (figure 30) concerne une couche polymérique surface de ces particules, soit à un état extrêmement dispersé à la
de protection contre la corrosion d’un acier. Un tel assemblage sou- limite atomique, soit aggloméré en amas, soit les deux.
Intensité (u.a.)

Intensité (u.a.)

C1

C2

C3

C4

C5
Shake-up

300 eV 280 eV 300 eV 280 eV Figure 29 – Fonctionnalités


oxygénées du carbone greffées
a PS non traité b PS traité par un plasma d'oxygène sur le PS par un plasma
d’oxygène

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Figure 30 – Images ESCA de faciès de décohésion et de corrosion d’un revêtement par un film polymère d’une surface d’acier
(Courtoisie Vacuum Generators)

De nombreux modèles ont été proposés pour exprimer l’intensité Quand l’épaisseur du dépôt métallique est très fine, c’est-à-dire
ESCA du métal catalytique dans un catalyseur supporté. Un modèle quand ns est petit devant l, cette relation tend vers la limite :
simple d’analyse quantitative consiste à représenter le support
comme des sphères dures assemblées côte à côte dans un plan avec Ie rL 1
- = --------------------- --- .
------- (41)
le métal déposé sous forme d’agrégats cubiques d’épaisseur uni- I e¥ 100 A s d l
forme [79]. Dans ce modèle, la surface de la poudre analysée est
supérieure à l’aire géométrique vue par le spectromètre d’un facteur En revanche, quand ns est grand devant l, on a :
r, égal au rapport de la surface totale des demi-sphères sur l’aire
Ie rL 1
géométrique couverte par l’arrangement compact des sphères, soit - = --------------------- ------- .
------- (42)
p/2. Le facteur r intègre de plus un facteur dû à la microrugosité des I e¥ 100 A s d ns
sphères de l’ordre de 2, ce qui finalement donne une valeur de
Et en ce cas, l’intensité Ie est inversement proportionnelle à
l’ordre de 4 pour r.
l’épaisseur de la couche supportée.
Soit As la surface spécifique du support en cm2/g. La masse volu- La figure 31 illustre l’application du modèle précédent. Les cataly-
mique du métal catalyseur d est en g/cm3, l’épaisseur de l’agrégat seurs d’argent sur alumine sont représentatifs des catalyseurs sup-
est exprimée en nombre n de monocouches atomiques d’épaisseur portés de grande charge (5 à 15 %) et de faible surface spécifique
s. L exprime la charge en métal en pourcentage. l est le libre par- (0,1 à 1,0 m2/g) pour lesquels l’équation (42) s’applique. Dans cette
cours moyen des photoélectrons. Le modèle exprime le rapport des catégorie de catalyseurs, quand le recouvrement du support par le
intensités Ie / Ie¥ des pics du métal respectivement dans le cataly- métal est uniforme, on obtient des épaisseurs de l’ordre de
seur supporté et dans le métal massique pur [79] : 100 monocouches atomiques, l’intensité Ie est alors maximale et
égale à I e¥ . Si le dépôt métallique s’agglomère, les agrégats qui se
forment présentent des épaisseurs de l’ordre du micromètre, en
Ie rL 1 Ð e Ðns ¤ l
- = ---------------------
------- -------------------------- . (40) deçà donc du recouvrement homogène. L’intensité Ie décroît lors-
I e¥ 100 A s d ns que la taille des agrégats augmente (figure 31).

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Rapport des intensités ESCA Mo3d /Al2p


Ie/Ie∞
1
8% Ag 15% Ag 1,6
As = 0,5 m2/g 0,1 m2/g
10--1 1,4
Ag

10--2 4% Pt 1,2

600 m2/g 1
10--3
0,4% Pt
0,8
10--4
0,6

10--5
0,4

--6
10 0,2

10--7 0
10 102 103 104 105 106 0 5 10 15 20 MoO3 (%)
Taille des agrégats en nombre d'atomes
Figure 32 – Variation linéaire du rapport ESCA MoO3/Al en fonction
La ligne en tireté sépare les domaines des catalyseurs à grandes de la charge en Mo, d’après [80]
charges métalliques et faibles surfaces spécifiques de ceux à faibles
charges et grandes surfaces spécifiques
L’étude d’une série de catalyseurs Pt/SiO2 avec des charges de
platine de 0,38 % jusqu’à 3,7 % et des supports de silice de surface
Figure 31 – Relation entre l’intensité ESCA du catalyseur supporté, spécifique de 245 à 526 m2/g a montré que la majorité de ceux-ci,
exprimée par I e ¤ I e¥ , et la taille des agrégats métalliques, présentant les dispersions les plus élevées, sont conformes à l’équa-
d’après [79] tion (43) (figure 33). Les dispersions mesurées, de 7 à 100 %, sont
les pourcentages du nombre d’atomes de platine se trouvant en sur-
face des agrégats de platine. Le comportement diffèrent de ceux
A l’autre extrémité, dans le domaine des catalyseurs à faible présentant des basses dispersions serait dû au procédé de prépara-
charge (4 à 0,4 %) et à grande surface spécifique (600 m2/g), se trou- tion par imprégnation qui conduirait à des distributions non parfai-
vent les catalyseurs au platine supporté sur silice. Le recouvrement tes des agrégats sur des particules hautement dispersées [81].
du support par le métal est très faible et n’atteint pas la monocou-
Ie
che. Le rapport -------- est alors très faible avec des valeurs maximales
I e¥ I (Pt4f )/I (Si2p)
limitées aux valeurs données par l’équation (41). 1
100
Ce modèle permet également d’exprimer le rapport ESCA du
signal du métal supporté sur celui du rapport, Ie/Is en fonction de
I e¥ et de Is0, les intensités des pics du métal pur et du support non 62
recouvert. Pour des faibles taux de recouvrement de métal ou dans 14
le cas où ns est petit devant ls (ls étant le libre parcours des photo- 100
on
électrons émis par le support à travers le dépôt) on a la relation sui- r si
7 s pe
vante similaire à la relation (40) : 0,05 di
34 te
au
I I e¥ L 1 Ð e Ðns ¤ l H
----e- = -------- --------------------- -------------------------- . (43)
Is I s0 100 A s d ns
40
100
Dans le cas où ns est petit devant l et ls, on a la relation : 56 27
64
I I e¥ L 1 63
----e- = -------- --------------------- --- . (44)
Is I s0 100 A s d l 0
0 1 2
et dans le cas inverse où ns est grand devant l, on a : L (1 -- e--ns/λ)/ Asns

I I¥ L 1
---- = ------- --------------------- ------- (45) Haute dispersion, échange d'ions
Is I s0 100 A s d ns Basse dispersion, échange d'ions
Basse dispersion, imprégnation
De nombreux catalyseurs supportés rentrent dans la catégorie de Valeurs = % dispersion
ces catalyseurs à faible charge et à grande surface spécifique. Ces
relations indiquent que dans ces catalyseurs, pour une même taille Figure 33 – Rapport des signaux Pt4f /Si2p pour une série
des agrégats métalliques, leurs intensités en ESCA augmentent de catalyseurs Pt/SiO2 en fonction de L ( 1 Ð e Ð ns ¤ l ) ¤ A s ns ,
linéairement avec la charge, ce que montre la figure 32 pour des d’après [81]. Les modes de préparation des catalyseurs par échange
catalyseurs d’oxydes de molybdène sur alumine. d’ions et par imprégnation influent sur la distribution des particules

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3.4.3 Analyses en métallurgie permet de calculer l’épaisseur de celui-ci. A titre d’exemple, la


figure 36a représente les spectres ESCA des niveaux Ni2p3/2 et O1s
correspondant à Ni, NiO et Ni(OH)2. Le dernier spectre correspond
Les exemples présentés ci-dessous appartiennent à un domaine aux films passifs formés sur le nickel en milieu acide. On voit qu’il
privilégié d’application de l’ESCA, celui de l’étude des interactions est possible de distinguer les différentes espèces et qu’elles sont
entre un métal ou un alliage et son environnement, gazeux ou
présentes dans le film passif sur le nickel. Ce film passif a une épais-
liquide [82].
seur d’environ 1 nm, d’après les analyses par ESCA. L’interprétation
■ Oxydation de métaux ou alliages quantitative de ces spectres permet de proposer un modèle pour la
structure du film passif formé sur le nickel présenté dans la
L’oxydation des métaux et alliages a fait l’objet de nombreuses
figure 36b.
études par ESCA. Les déplacements chimiques causés par les chan-
gements d’états d’oxydation peuvent être détectés, ce qui permet
d’identifier la nature des oxydes présents à la surface. La mesure de
l’intensité des signaux correspondants permet, moyennant un éta-
lonnage préalable, d’accéder à la composition chimique de l’oxyde.

Nombre de coups/s
Ceci est particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit d’étudier des Fe2p3/2 Cr2p3/2 O1s
systèmes dans lesquels l’oxydation préférentielle de certains élé- +++
ments a pour conséquence la formation d’un oxyde qui présente Cr
des compositions très différentes de celles de la matrice.
30 Fe Cr2O3 Cr
La figure 34 représente les spectres ESCA obtenus après oxyda- Fe+++
tion d’un alliage fer-chrome. Elle illustre clairement la possibilité de Fe2O3
25
distinguer les états d’oxydation du fer et du chrome.
20
L’oxydation des alliages s’effectue sur des épaisseurs pouvant
atteindre plusieurs micromètres, aussi dans ce domaine les profils 15
de concentration par érosion sont-ils couramment utilisés. La 10
figure 35 représente le profil de concentration mesuré après oxyda-
tion d’un alliage Ni-Cr-Fe du type Inconel 600 (à 500 °C dans un 5
mélange Ar-5 % O2 pendant 0,1 min). On constate un net enrichisse-
ment en chrome de l’oxyde. Les oxydes de fer Fe2O3 et de nickel NiO 715 710 705 580 575 535 530
n’existent qu’en faible quantité à cette température, NiO étant en Énergie de liaison (eV)
outre localisé en extrême surface. L’étalonnage, toutefois assez déli-
cat, de la vitesse d’érosion ionique, permet de déterminer l’épais- Figure 34 – Spectres ESCA montrant les déplacements chimiques
seur des films formés sur la surface. Dans l’exemple précédent, des pics après oxydation d’un alliage fer-chrome
l’épaisseur de la couche analysée était de 60 nm.
De telles études peuvent permettre de déterminer les meilleures
conditions (température, pression, état de surface initial) pour
l’obtention de couches d’oxydes protectrices.
Concentration (%)

■ Caractérisation des films passifs et étude des phénomènes 100


de corrosion
NiO
Un autre exemple de domaine dans lequel l’utilisation de l’ESCA Ni métal
a largement contribué à une meilleure compréhension des phéno- 80
mènes est celui des films passifs formés sur certains métaux et allia-
ges en milieu liquide. Ces films passifs très minces jouent un rôle
primordial puisqu’ils assurent la protection du matériau contre la 60 Cr2O3
corrosion. Cependant, dans certaines conditions, notamment en
présence d’impuretés non métalliques telles que le soufre, le phos-
phore ou le chlore, ces films peuvent se rompre, ce qui provoque la 40
corrosion localisée des matériaux. Il est donc très important de bien
caractériser ces films passifs. L’ESCA est une technique adaptée à
l’étude de ces films d’oxyde de très faible épaisseur. Il faut cepen- 20
dant au préalable résoudre le problème du transfert des échantillons
Cr métal Fe2O3
de la cellule électrolytique dans laquelle les films passifs sont for-
més, à l’appareil ESCA. Des systèmes permettant de réaliser ce Fe métal
0
transfert sous gaz inerte sont généralement utilisés. Ici encore, la
0 10 20 30 40 50
possibilité de distinguer le métal, l’oxyde et éventuellement
Temps de décapage ionique (min)
l’hydroxyde permet d’accéder à la composition des films passifs. La
détection des signaux émis par les éléments métalliques présents
sous le film passif est généralement possible en raison de la faible Figure 35 – Profil de concentrations mesuré en ESCA d’un alliage
épaisseur de ces films. L’atténuation de ces signaux par le film passif Ni-Cr-Fe de type Inconel après oxydation

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Nombre de coups / s
Ni2p3/2 O1s

Ni

O
NiO

Ni(OH)2

OH

Ni passivé
passive

860 855 535 530


Énergie de liaison (eV)

OH OH OH

OH Ni OH Ni OH Ni
Ni O Ni O Ni O
O Ni O Ni O Ni
Substrat de nickel

Figure 36 – Spectres Ni2p3/2 et O1s du nickel métal, de l’oxyde


et de l’hydroxyde formés sur le métal et du film passif préparé
par polarisation anodique du nickel en milieu acide (a).
Modèle structural du film passif d’après les spectres ESCA (b)

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