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CHAPITRE 1 MERS ET OCEANS AU CŒUR DE LA MONDIALISATION

I/ LES MERS ET OCEANS, VECTEURS ESSENTIELS DE LA MONDIALISATION

La mondialisation est l’explosion des flux de toutes natures entre les différentes parties du
monde, explosion rendue possible par la baisse des prix du transport et le libre-échange. Quel
rôle jouent les espaces maritimes dans la mondialisation  ?

1/La mondialisation a entraîné la maritimisation des échanges et des économies

- Presque 90 % des échanges mondiaux de marchandises se font par voie maritime, lente
(22 jours pour 22 000 km entre l’Europe et la Chine) mais très économique :pas
d’infrastructures nécessaires, forte capacité de fret (cargaison) des bateaux
spécialisés, vraquiers, supertankers pour le pétrole et méthaniers pour le gaz, porte-
conteneurs de 400 mètres de long pour les produits industriels (ou manufacturés) et
peu de main-d’œuvre (équipage d’une vingtaine d’ hommes pour un porte-conteneur,
déchargement et transbordement des conteneurs automatisé).

- La maritimisation des échanges a entraîné la littoralisation des activités économiques


dans de grandes métropoles portuaires comme Singapour (2 ème port mondial pour les
porte-conteneurs derrière Hong Kong) qui agrandissent sans cesse leurs zones
industrialo-portuaires pour faire face à l’augmentation des échanges et des activités
logistiques (déchargement, entreposage et transbordement des conteneurs) et
industrielles (raffinage du pétrole importé : Singapour au 3ème rang mondial, activités
industrielles pour l’exportation). La taille du port de Singapour égale la superficie de
Paris. Shanghai qui a la plus vaste ZIP du monde (chaînes de montage) a créé à 30 km du
littoral un port en eau profonde pour accueillir les plus gros bateaux. La maritimisation
de l’économie a donc transformé les territoires.

Les routes maritimes sont donc devenues les vecteurs des flux de la mondialisation :

- 90 % des flux de marchandises, 60 % des flux de pétrole brut


- Sous les routes maritimes, au fond des océans, plus de 400 câbles de
télécommunication sous-marins d’une longueur totale d’un million de km qui assurent 99%
des communications intercontinentales par internet et téléphonie
- Flux touristiques comme les croisières dans la mer des Caraïbes et dans la mer
Méditerranée. Certains littoraux bénéficient en effet de l’explosion des flux
touristiques internationaux (1 milliard de touristes internationaux/an). Les
aménagements touristiques balnéaires touchent les espaces de croisière (espace et les
littoraux des pays du Nord (côte d’Azur) et de pays du Sud proches de pays du Nord
(ex Turquie)
- Flux financiers via internet et en direction d’îles qui sont des paradis fiscaux
(blanchiment d’argent et l’évasion fiscale) comme les îles Caïman
- flux illicites, encouragés par la difficulté de contrôler d’aussi vastes espaces : drogues,
migrants clandestins caractérisent surtout les interfaces Nord-Sud comme la mer des
Caraïbes ou Méditerranée).).

2/La hiérarchie des routes maritimes reflète l’inégale intégration des territoires à la
mondialisation.
Les routes maritimes majeures sont des couloirs de quelques kilomètres de largeur qui relient les
façades maritimes des trois pôles dominants de la mondialisation : l’’Amérique de Nord, l’Europe
occidentale (Northern Range) et l’Asie orientale où s’échelonnent les plus grands ports du monde
(3/4 des flux maritimes). 25 villes portuaires seulement polarisent la moitié des flux mondiaux. Le
centre de gravité de ces échanges maritimes est en train de basculer vers l’Asie Pacifique du fait de
la forte croissance de l’aire de puissance d’Asie orientale et surtout de la Chine. Sur les 10 premiers
ports mondiaux pour le trafic de marchandises total et pour le trafic de conteneurs, sept sont des
ports chinois, Shanghai étant en tête du classement après avoir supplanté Singapour.

Cela fait du détroit de Malacca le passage le plus important du trafic maritime mondial (30%
du trafic total). Les détroits et les canaux sont des passages obligés et stratégiques car ils
permettent de raccourcir les routes maritimes et sont donc très fréquentés. Les détroits
d’Ormuz et de Bab-el-Mandeb, de part et d’autre de la Péninsule arabique sont eux des
passages obligés des hydrocarbures.

Les deux canaux creusés dans des isthmes pour raccourcir les distances maritimes sont le
canal de suez permettant d’éviter de contourner l’Afrique et le canal de Panama qui évite de
contourner l’Amérique du Sud pour joindre l’Asie. Très fréquentés (souvent deux jours
d’attente), ils sont actuellement agrandis pour permettre le passage de bateaux porte-
conteneurs encore plus grands. La congestion (encombrement) des canaux et des détroits
pousse à la recherche de solutions : le creusement d’un nouveau canal en Thaïlande par la Chine
pour éviter le détroit de Malacca.

A l’inverse, d’autres régions du monde ne sont connectées aux échanges que par des routes
maritimes secondaires et des ports beaucoup moins importants, comme l’Afrique (4% du trafic
de conteneurs) ou l’Amérique latine.

Actuellement, à cause du réchauffement climatique, de nouvelles routes circumpolaires (autour


du pôle Nord) , beaucoup plus courtes (réduction d’un 1/3 de la distance) se libèrent des glaces.
Mais du fait des risques de la navigation, elles sont encore peu utilisées pour le commerce de
transit. Mais la réduction de la banquise rend aussi peu à peu accessibles les ressources
énergétiques et minérales de l’Océan Glacial Arctique. Les océans ont en effet aussi un rôle
majeur dans la mondialisation du fait de leurs ressources

3.Des océans riches en ressources

Les ressources énergétiques et minières

 Les gisements offshore (« loin du rivage ») d’hydrocarbures (gaz et pétrole) représentent


déjà le 1/3 de la production mondiale d’hydrocarbures et le 1/3 des réserves connues. . La
compétition est engagée entre grandes compagnies pétrolières pour l’exploitation des
gisements très profonds (au-delà de 1400 m de profondeur), difficile et coûteuse mais que
l’augmentation du prix du pétrole pourrait rendre rentable.

Les océans sont aussi des réserves de terres rares, métaux indispensables pour les industries
de haute technologie (gisement découvert et exploité par le Japon depuis 2017). Ils
contiennent aussi, dans les nodules polymétalliques pour l’instant non exploités, 84% des
réserves de minerais tels que le manganèse, le cuivre ou le cobalt.

Les océans commencent aussi à être exploités pour les EMR ou énergies maritimes
renouvelables (utilisant la force du vent, du courant, de la houle)
Le sable est aussi une ressource de plus en plus exploitée en Asie pour la construction, comme
composant du ciment (terre-pleins portuaires, bâtiments) et le tourisme (îles artificielles des
EAU)

Les ressources halieutiques (= pêche et aquaculture)  La pêche est cinq fois plus importante
qu’en 1950, à cause de la pêche industrielle pratiquée par les pays du nord et les pays
émergents (Chine 1er producteur et exportateur de poissons) et par l’augmentation de la
demande. Les principales zones de pêche se concentrent dans le Pacifique (Chine, Indonésie,
Pérou) et en Atlantique Nord. La pêche industrielle menée au large des côtes africaines
menace la pêche artisanale pratiquée au Maroc ou en Mauritanie, en épuisant les ressources.
L’aquaculture (élevage ou culture de poissons, crustacés, coquillages) est aussi en plein essor en
Asie à cause de la demande mondiale (élevages de crevettes en Asie du Sud-Est). Les
ressources biochimiques de la mer sont en train de devenir un nouvel enjeu (pigments, nouvelles
molécules pour des médicaments etc…).

Les océans sont donc bien des espaces au cœur de la mondialisation, par l’importance de leurs
ressources, leur rôle dans les échanges et les activités économiques. Cette maritimisation de
l’économie en fait aussi l’enjeu de tensions entre les Etats pour l’appropriation des espaces
maritimes.

II/ MERS ET OCEANS ENTRE APPROPRIATION, PROTECTION ET LIBERTE DE


CIRCULATION

Riches en ressources, artères du commerce mondial, les espaces maritimes sont devenus un
enjeu à la fois politique, économique et environnemental pour les Etats. Quelles sont les
tensions provoquées par la volonté d’appropriation et d’exploitation des espaces maritimes ?

1) L’ONU a mis en place un droit de la mer pour définir les règles de l’appropriation
des espaces maritimes

L’ONU a défini le statut juridique des mers et océans, en 1982, par la convention de Montego
Bay, entrée en application en 1994 en les « découpant » en six zones.

La zone économique exclusive ou ZEE est la zone maritime où l’Etat côtier peut exploiter à son
seul profit toutes les ressources (pêche, hydrocarbures, minerais). Elle peut s’étendre jusqu’à
200 milles nautiques des côtes, soit 370 km, voire 350 milles à la demande de l’Etat riverain.
L’ONU a ainsi mis en place des « frontières maritimes ».

. Au-delà, commence la zone de haute mer où la pêche est libre (2/3 des mers et océans).En
revanche, les fonds marins y sont protégés par l’ONU qui les considère comme « un bien
commun de l’humanité ».

La convention rappelle également la liberté de navigation sur les espaces maritimes et en


particulier dans les détroits qui ont un statut international.

Mais les Etats riverains qui se partagent un petit espace maritime sont souvent en conflit sur
la délimitation de leurs frontières maritimes, sur la limite de leurs Zones Economiques
Exclusives, à cause du droit à y exploiter les ressources en hydrocarbures ou le droit de pêche
-exemple du golfe de Guinée riche en hydrocarbures

-exemple de la mer de Chine dont la Chine revendique 90% (limite des neuf traits ou « langue
de buffle ») aux dépens des Etats voisins. La Chine a des objectifs économiques (gisements
d’hydrocarbures) mais aussi militaires. Elle crée en effet des îlots artificiels pour en faire des
points d’appui pour sa flotte et le contrôle d’une route maritime vitale pour son commerce.

2/ L’engagement des grandes puissances maritimes dans la sécurisation des routes


maritimes et la militarisation des océans

L’ONU demande aux grandes puissances maritimes de coopérer pour lutter contre la
piraterie. Trois zones sensibles : la région du détroit de Malacca, la corne de l’Afrique (golfe
d’Aden et côtes de la Somalie) et le golfe de guinée au large de l’Afrique occidentale et les
espaces maritimes voisins de la péninsule arabique. Les pirates prennent en otage le personnel
des bateaux de marchandises ou des bateaux de plaisance, pour les libérer contre rançon
coopération entre Etats riverains et puissances maritimes pour faire la police des mers (ex :
escorte militarisée des convois de bateaux de marchandises). Les actions terroristes (ex :
attentat à l’embarcation piégée contre un navire de guerre américain en 2000 à Aden) sont peu
fréquentes.

Les grandes puissances maritimes, en premier les Etats-Unis, assurent la police des mers et la
sauvegarde de leurs intérêts

Les Etats-Unis, devenus les gendarmes du monde à la fin de la guerre froide, sont aussi
devenus les gendarmes des océans avec sept flottes (18 sous-marins nucléaires, 11 porte-
avions) capables d’intervenir très rapidement. Leurs deux enjeux stratégiques majeurs sont la
sécurisation du Moyen-Orient, riche en hydrocarbures mais aussi en islamistes et la défense
de leurs alliés en Asie orientale (Taïwan).

Face à eux, la Chine (3ème flotte de guerre) renforce sa présence dans deux objectifs, affirmer
sa domination régionale face aux Etats-Unis et sécuriser la route maritime la reliant au Moyen-
Orient et à l’Europe. Elle acquiert des bases navales et des ports sur cette route (route de la
soie maritime selon les Chinois, désignée comme la stratégie du collier de perles par les EU).

Les détroits et les canaux sont donc des passages stratégiques majeurs surveillés par les deux
puissances : le détroit d’Ormuz pour les hydrocarbures (que l’Iran avait menacé de fermer en
2012 en représailles à l’embargo américain) le détroit d’Ormuz) mais aussi le canal de Suez et
le détroit de Malacca.

Les autres puissances militaires sont la Russie (héritage de la guerre froide), la France et le
Royaume-Uni. Les grands pays émergents comme l’Inde, rivale de la Chine, renforcent aussi
leur puissance navale.

3/ La valorisation des ressources des océans menace leur protection et les activités des
populations côtières

La dégradation grandissante des océans a un impact élevé sur les ressources mais aussi sur les
sociétés humaines

- pollutions aux hydrocarbures provoquées par l’exploitation des gisements offshore


(catastrophe de la plateforme pétrolière britannique « Deepwater » en 2011, dans le golfe du
Mexique) et le naufrage de bateaux. Menace non seulement la biodiversité marine mais aussi
les activités de pêche, d’aquaculture, le tourisme

- La surpêche industrielle menace la reconstitution des stocks de poissons tout en produisant


un énorme gaspillage (40% des poissons pris accidentellement et non-utilisés) et en dévastant
les fonds marins par le chalutage de fond. Parmi les espèces particulièrement menacées, on
compte le thon rouge, les baleines et les requins. La surpêche menace la pêche artisanale
pratiquée dans de nombreux pays en développement. La grande barrière de corail australienne
est particulièrement menacée par l’autorisation par le gouvernement australien de la pêche
industrielle.

Les acteurs de la protection des océans sont :

-Les Organisations Non Gouvernementales comme Greenpeace, Bloom, Surfrider qui tentent
d’alerter l’opinion publique mondiale

-les Etats qui créent des aires marines protégées mais celles-ci ne couvrent que 4,8% de la
surface totale des océans. La plus grande est la réserve marine de la mer de Ross en
Antarctique (2 millions de km2). L’Union Européenne a décidé d’interdire la pêche électrique à
partir de 2021.

-l’O.N.U. cherche à organiser la protection des océans à l’échelle mondiale, avec une première
conférence internationale sur ce thème en 2017. Son objectif était de protéger au moins 10%
des océans (d’ici 2020 !). Le débat est aussi ouvert sur les ressources de la haute mer. 134
pays en développement regroupés dans le G 77 demandent que la haute mer soit considérée
comme un héritage commun de l’humanité à préserver mais les grandes puissances maritimes
(Etats-Unis, Canada, Russie) s’y opposent.

CONCLUSION : Les océans jouent un rôle essentiel dans la mondialisation, car ils permettent
de transporter à faible prix les marchandises, rendant ainsi possible la mondialisation des
chaînes de production et des échanges. Cela entraîne la maritimisation de l’économie au profit
des ports des façades maritimes des pôles de la mondialisation (Amérique du Nord, Europe et
Asie orientale).

L’appropriation des océans est donc devenue un enjeu pour les puissances, pour le contrôle des
routes maritimes et des passages stratégiques mais aussi pour la valorisation des ressources
halieutiques ou énergétiques.

Mais cette valorisation économique a un fort coût environnemental et il y a une prise de


conscience de la nécessité de la protection des océans pour une économie bleue durable.

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