D’ABEILLES
Par Daniel Petit*
A la mémoire de Pierre Jean Prost.
Pour ses recherches sur les lieux d'accouplement
des reines d'abeilles.
Ce cours est une reprise de l'enseignement d'apiculture créé par l'auteur dans le cadre du Brevet Professionnel
Agricole, option apiculture, au CFPPA du Lycée agricole de Nîmes-Rodilhan de 1980 à 1985, de plusieurs
conférences et cours dispensés en France, pendant les années 80, dans le cadre de l'ANERCEA (Association
Nationale des Eleveurs de Reines et des Centres d'Elevage Apicole) repris et adapté pour des formations en
apprentissage en CFA (Marvejols 2002) et d'une série de formations de spécialistes effectuées en Espagne à la
demande du Ministerio de la agricultura y de la pesca, del Departamento agrario de la Región de Murcia y de la
AARM (Asociación de los Apicultores de la Región de Murcia) en 1988, 90 et 91. Une video franco-espagnole a été
tirée de la série de formations en Espagne, ainsi qu'un polycopier en langue espagnole. Le cours présenté ici est la
traduction du polycopié largement complété et adapté aux enseignements en CFA et CFPPA, aux types de ruches et
aux sous-espèces d'abeilles généralement rencontrées en France.
SOMMAIRE
INTRODUCTION........................................................................................................................................2
METHODE D'ÉLEVAGE............................................................................................................................3
1. Le "starter" (jour J, le matin). ..............................................................................................................3
2. Le "picking" ou transfert de larves et l'introduction du cadre d'élevage dans le "starter" (jour J,
l'après-midi)..............................................................................................................................................5
3. Le "finisseur" (jour J+1). ......................................................................................................................9
4. Résumé du calendrier d'élevage jusqu'à l'obtention des cellules royales (CR) prêtes à "naître". .......14
UTILISATION DES CELLULES ROYALES ..........................................................................................15
Destination des cellules royales à la sortie du "finisseur" (J+10). ..........................................................15
Le transport des cellules royales.............................................................................................................17
CONTRÔLE DE LA PONTE. ...................................................................................................................19
CALENDRIER RÉCAPITULATIF DE L'ÉLEVAGE DE REINES .........................................................20
PRODUCTION DE GRANDES QUANTITÉ DE REINES ......................................................................21
Principe du "starter" permanent ouvert. .................................................................................................21
Organisation spatiale d'une unité de production de reines : le rucher d'élevage et de fécondation.........23
La question du contrôle des accouplements. ..........................................................................................25
CONSEILS DOCUMENTAIRES..............................................................................................................27
Dans la nature, les abeilles élèvent des reines lors de la préparation de l’essaimage. Elles
élèvent également des reines en d’autres situations plus rares, comme lors d’une supercédure
(renouvellement d’une reine sans essaimage) ou après disparition accidentelle de leur reine.
Il est possible de prendre des cellules royales dans ces colonies et de les transplanter. Mais ce
procédé est très aléatoire. Il ne permet pas l'obtention de cellules royales d’âge connu et donc de
prévoir la sortie de la reine. Aucune maîtrise, de l'époque de production des reines ni de la
quantité nécessaire pour la conduite du rucher, n'est possible.
Une autre solution consiste à profiter du fait que les abeilles élèvent des reines lorsqu'on leur
retire leur propre reine. C'est le cas lorsque l'apiculteur réalise des essaims artificiels avec
couvain ouvert, sans reine. On peut alors détacher, à l'aide d'un emporte pièce ou de la pointe
d'un couteau, les cellules royales surnuméraires édifiées par les abeilles de l'essaim artificiel.
Outre les difficultés de la manipulation, le procédé présente des limites :
- Les reines sont élevées en absence de phéromones royales, ce qui est assez éloigné
de l'élevage naturel.
- Il ne permet pas de réaliser une sélection sur un grand nombre de reines.
- On ne connaît pas l'âge de la larve à partir de laquelle les abeilles démarre l'élevage
royal (il est connu que les abeilles, privées brutalement de leur reine, s'empressent
d'en élever une autre et choisissent, bien souvent, des larves âgées).
- Pour un même élevage, l'écart d'âge entre les différentes cellules royales peut être
important ainsi que la qualité même de cet élevage (quantité et qualité de la gelée
royale).
Il existe de nombreuses méthodes d'élevage de reines. Toutes dérivent des mêmes principes.
Tout apiculteur sait, qu'en dehors de la période d'essaimage, une colonie avec reine n'accepte
d'élever d'autres reines sans certaines précautions (en général la reine présente, empêche ou
détruit tout élevage royal).
La méthode de base que nous allons décrire utilise, en début de la procédure, la technique du
"starter" pour initier l'instinct d'élevage des abeilles. C'est dans le "starter" que nous
introduirons le cadre d'élevage porteur des toutes jeunes larves pour que les abeilles les prennent
en charge en vue d'un élevage royal. Ce passage par le "starter" est quasiment indispensable
avec l'abeille noire Apis mellifera mellifera1.
Définition :
On appelle "starter" (du verbe anglais to start : démarrer) un paquet d'abeilles, sans aucune
reine, pouvant recouvrir, au moins, trois cadres contenant du miel et du pollen sans absolument
aucun couvain (ni larves, ni œufs). Le succès du "starter" réside dans ces conditions
impérieuses. La présence d'un seul œuf ou d'une seule larve conduira à l'échec. A fortiori la
présence d'une reine !2
Matériel :
On utilisera une ruchette classique (5 cadres) munie d'une grande aération grillagée au
plancher et d'un système de fermeture d'entrée parfaitement étanche. Une fois fermée, la
ruchette ne doit laisser sortir aucune abeille.
1
Avec des sous-espèces comme l'abeille italienne Apis mellifera ligustica ou certains écotypes de l'abeille
du Caucase Apis mellifera caucasica et leurs hybrides, il est parfois possible de sauter l'étape du starter et
de placer le cadre d'élevage fraîchement greffé directement dans le finisseur. Même avec ces sous-
espèces, pour initier une série d'élevage avec le même finisseur, il sera bon de démarrer la première série
en passant par l'étape du "starter". Les séries suivantes viendront, alors, remplacer le cadre d'élevage
précédent, directement dans le finisseur, sans passer par le "starter".
2
Une reine dans le "starter" est une erreur classique du débutant qui ne sait pas encore chercher la reine
d'une colonie, ou croit l'avoir trouvée sur un cadre qu'il a mis de côté. Il faut donc savoir rechercher et
surtout trouver une reine. Pour être sûr de la manipulation, le mieux est encore de placer la reine dans une
cage à reine, ce qui permet de bien la reconnaître et le cas échéant d'en profiter pour la marquer.
Attention aux ruches qui sont en cours d'essaimage. On peut alors trouver une reine qui sera vierge…mais
il y en aura d'autres dans la ruche ! Le "starter" ne fonctionnera pas s'il contient une reine vierge.
On créé le "starter" le jour "J", quelques heures avant d'introduire le cadre d'élevage (par ex.
le matin, pour une introduction l'après-midi) et on y laisse les abeilles enfermées pour qu'elles se
"rendent compte" qu'elles sont privées de reine et n'ont aucune possibilité d'élevage (on dit
qu'elles sont orphelines).
2
Toit
+ 2 cadres de miel et pollen
couvre cadres +
1 kg à 1,5 kg d'abeilles jeunes
M
P +
P
Emplacement laissé vide pour
recevoir le cadre d'élevage
après le temps de confinement
Au préalable, pour réaliser cette opération, il aura fallu choisir une ruche suffisamment
peuplée et bonne éleveuse (bonne quantité de gelée royale, claire et brillante, autour des jeunes
larves) et avoir scrupuleusement rechercher la reine et l'avoir mise de côté pour être sûr
qu'elle ne se retrouve pas dans le "starter".
La ruchette "starter" créée est laissée fermée, à l'ombre au rucher où s'effectue l'élevage, ou
dans un endroit obscure et frais (cave, réduit, cellier, etc.), pendant quelques heures (en général
de 1 à 3 heures suffisent) jusqu'à ce que les abeilles prennent le comportement caractéristique de
l'orphelinage (léger vrombissement permanent ou bruissement long et "plaintif" en réponse à un
petit choc contre la paroi de la ruchette).
Définition :
On entend par "picking" (du verbe anglais to pick : extraire) le transfert des jeunes larves
d'ouvrières d'une ruche sélectionnée pour ses qualités (ruche souche) dans des cellules
artificielles appelées "cupules", à l'aide d'un outil appelé "picking". On parle également, mais de
manière impropre, de "greffage".
Matériel :
Aujourd'hui on utilise des cupules en matière plastique. Beaucoup plus commodes pour le
transfert des larves, elles présentent aussi l'avantage de ne pas nécessiter l'opération de
"familiarisation"3.
Les cupules sont placées sur une barrette porte-cupules qui vient s'intercaler à l'intérieur d'un
cadre sans rayon. C'est ce cadre qui est appelé cadre d'élevage ou encore cadre porte-cupules.
Porte-cupule
Cupules
Cellule royale
operculée
3
La "familiarisation" consiste à placer les cadres porte-cupules, munies des cupules vides, pendant
quelques heures, dans une ruche quelconque, afin, pense-t-on, de faire perdre les mauvaises odeurs dues à
la cire d'origine ou au mode de fabrication des cupules. L'acceptation des cupules en cire s'en trouve
améliorée.
Rappel comparatif des métamorphoses d'une larve d'abeille ouvrière et d'une larve de reine.
Les larves prélevées dans la colonie sélectionnée doivent être âgées de moins de 36 heures.
L'idéal est de prélever des larves de 12 à 24 heures.
Pour prélever les larves, plusieurs type d'outils "picking" existent. Notre préférence va au
"picking" en alliage léger d'aluminium dit "picking Suisse". Dans le même genre, le "picking"
dit professionnel en inox est également un bon outil, bien que moins fin. Certains éleveurs
utilisent un fin pinceau humidifié et les Asiatiques la hampe d'une plume soigneusement
recourbée. Nous nous souvenons des premiers temps de l'élevage de reines en France où l'on
utilisait des rayons de bicyclette au bout aplati et recourbé, et soigneusement lissé dans la pâte à
rôder à grain extra fin !
On prélève la larve délicatement en passant la pointe du "picking" sous elle (la jeune larve
flotte sur la gelée royale) par le "dos" et non par le "ventre". Il est bon que les deux extrémités
de la larve ne reposent pas sur la pointe du "picking" pour faciliter la dépose. Puis on la pose sur
le fond de la cellule artificielle, en commençant par mettre en contact les deux extrémités
pendantes de la larve avec le fond de la cellule et en retirant délicatement la pointe du "picking"
par un léger glissé de l'outil. Ne jamais retourner la larve.
Il est bien pratique de raccourcir les cellules à l'aide de la lame d'un couteau en acier
recourbée et légèrement chauffée pour faciliter le prélèvement de la larve sur le cadre de
couvain.
Figure 3 : Une manière d'opérer le prélèvement d'une larve ("picking") . Notez les cellules
"raccourcies" pour faciliter le prélèvement.
Les larves sont sensibles au vent (déshydratation) et au soleil (rayonnement UV). Par contre
une température momentanément fraîche ne les affecte pas.
Dès que toutes les cellules d'un cadre d'élevage sont pourvues d'une larve, celui-ci doit être
introduit dans le "starter" sans tarder. C'est pourquoi le "starter" doit être placé non loin des
colonies souches dans lesquelles on prélève les larves pour l'élevage.
- Par la méthode du "picking" à sec, les larves sont déposées directement sur le fond de la
cellule artificielle.
- Par la méthode du "picking" sur gelée royale, les larves sont déposées sur une goutte de
gelée royale préalablement placée au fond de la cupule.
Commentaires :
Le "picking" sur gelée royale peut améliorer le pourcentage d'acceptation par les abeilles du
"starter" notamment pour les jeunes éleveurs encore peu adroits dans le maniement des larves.
La toute petite larve adhère par capillarité à la goutte de gelée royale, facilitant son détachement
de la pointe du "picking".
La gelée royale devra être d'excellente qualité (fraîche) et si possible du même âge que celui
des larves (ce qui est très difficile).
Rapidement on acquière la dextérité nécessaire et le "picking" à sec devient alors plus rapide.
Les larves sont prises immédiatement en charge dans le "starter".
Le double "picking" :
La qualité de la gelée royale placée au fond des cellules artificielles, dans le cas de la
méthode précédente, ne correspond jamais à celle nécessaire aux jeunes larves. Elle est
généralement éliminée par les ouvrières nourrices. D'où l'idée du double "picking".
- La première opération consiste à réaliser un premier "picking" avec des larves d'une
ruche banale mais de moins de 36 heures. Le cadre d'élevage est placé dans le "starter"
jusqu'au lendemain matin.
- Le lendemain on récupère le cadre d'élevage et on retire toutes les larves transférées la
veille (elles baignent dans la gelée royale administrée par les nourrices du "starter"). On
réalise un nouveau "picking", cette fois avec les larves de la ruche sélectionnée qui sont
posées sur la gelée royale des larves précédentes.
- A la suite de ce double "picking", il n'est pas nécessaire de replacer le cadre d'élevage
dans le "starter", il peut être introduit directement dans le "finisseur".
Commentaires :
La qualité des reines obtenues dépend davantage de l'âge de la larve prélevée et de l'hérédité
de la colonie souche que de la présence ou non de gelée royale adéquate au fond de la cupule.
La rapidité de la prise en charge des larves, par les nourrices du "starter" est aussi un facteur
important.
Des expériences comparatives, menées à l'INRA selon un protocole scientifique précis, ont
néanmoins montré que les reines issues de la méthode par double "picking" étaient
significativement un peu plus grosses.
Il est bon d'avoir l'enfumoir allumé prêt à intervenir. Mais avec l'habitude, la manipulation se
réalise en moins d'une demi-minute et ne nécessite aucune fumée.
Note : Les éleveurs professionnels utilisent des "starter" permanents ouverts qui ne présente
pas les inconvénients des petits "starter" fermés (voir le paragraphe concerné aux "starters"
ouverts, page 21).
Définitions :
On dit qu'une larve est "acceptée" lorsque les abeilles du "starter" ont commencé à l'élever
en tant que future reine en déposant autour d'elle une grande quantité de gelée royale.
On appelle "finisseur", une ruche spécialement organisée, peuplée avec une forte colonie,
dont la fonction est de mener à bien la suite de l'élevage royal, au moins jusqu'à l'operculation
des cellules royales, en fournissant, jour après jour, un bon contingent de jeunes nourrices
(fonction que ne peut remplir le "starter" dépourvu de reine et de couvain).
Matériels :
On peut reconnaître deux grands types de "finisseurs" : Les "finisseurs" horizontaux simples
ou doubles et les "finisseurs" verticaux. Pour les deux types, les principes d'organisation
suivants sont les mêmes.
- Un compartiment improprement dit "orphelin", où la reine n'a pas accès, reçoit le cadre
d'élevage.
- Un ou deux compartiments où est installée une forte colonie avec une reine en ponte.
- Les deux types de compartiment sont séparés par une partition munie d'une grille à reine
(environ 20 cm X 20 cm) permettant le passage des abeilles mais pas de la reine.
Nourrisseur
C C C P M
O O N +
P
Légende
M+P : Cadre de miel et de pollen
P: Cadre de pollen
CO : Cadre de couvain ouvert
CN : Cadre de couvain naissant
Cellule royale en cours d’operculation
Colonie avec reine Compartiment « finisseur »
- Un grand compartiment pourra contenir les 10 cadres d'une forte colonie avec sa reine.
- Un compartiment plus petit devra contenir 4 ou 5 cadres. C'est la partie orpheline.
- Entre les deux, la partition munie de sa grille à reine (environ 20 cm X 20 cm).
Nourrisseur
C C M M C C
O O + + O O
P P
- Ils maintiennent bien la chaleur au niveau des cellules en élevage, y compris par temps
froid. Surtout le "finisseur" double qui est très utilisé par les éleveurs de montagne.
- Le "finisseur" double produit des nourrices en grande quantité.
- Ils sont d'un maniement aisé. Chaque compartiment pouvant être visité sans déranger les
autres.
- Les deux types nécessitent une fabrication spécifique que l'on ne trouve pas dans le
commerce.
Le "finisseur" vertical :
Ce type de "finisseur" utilise une colonie très forte, installée sur deux corps de ruche.
- Une grille à reine sépare les deux corps.
- La colonie est installée dans le corps inférieur avec sa reine.
- Le corps supérieur fait office de partie orpheline. On placera le cadre d'élevage en son
centre, entouré de couvain ouvert.
Nourrisseur
Figure 6 : "Finisseur" vertical.
M C C M
+ O O + Corps orphelin
P P
Grille à reine
Légende
M+P : Cadre de miel et de pollen
P: Cadre de pollen
CO : Cadre de couvain ouvert
1. Préparation du "finisseur".
- On peuple le "finisseur" quelques jours avant de commencer l'élevage des reines, pour
que les abeilles se familiarisent avec leur nouvel habitat et qu'elles viennent occuper le
compartiment orphelin. On choisit une colonie très populeuse et bonne éleveuse.
- Pour attirer les nourrices vers la partie orpheline, on y place 2 cadres de couvain contre
la grille à reine (cas des "finisseurs" horizontaux).
- Dans l'autre compartiment le couvain est regroupé vers la grille à reine (voir figure 7). Il
est bon de compléter les deux cadres manquant par des cadres de couvain naissant
(accroissement du nombre de nourrices) ou par des cadres de miel et pollen.
Nourrisseur
M M C C C C C C C C
+ + N F F O O O O O
P P
Légende
M+P : Miel et pollen
CO : Couvain ouvert
CF : Couvain fermé
CN : Couvain naissant
G: Cire gaufrée
M M C C C C C C C C P M
+ + N F F O O O O O +
P P P
Légende
M+P : Miel et pollen CO : Couvain ouvert Cellule royale
CF : Couvain fermé CN : Couvain naissant
- Pour faciliter l'acceptation des abeilles du "starter" et celles du "finisseur", on aura soin
de les parfumer à la même odeur en aspergeant de quelques gouttes les têtes de cadres,
de part et d'autre, avec un mélange d'eau et d'huile essentielle4, 2 à 3 minutes avant
l'opération.
4
Nous utilisons avec succès l'huile essentielle de citronnelle ou encore celle d'eucalyptus (environ 30 ml
dans un litre d'eau, bien agiter avant chaque utilisation car les deux éléments ne se mélangent pas).
Attention les huiles essentielles pures sont très irritantes. Ne pas se frotter les yeux ou les muqueuses
sensibles. Se laver les mains après avoir effectuer le mélange. Tenir le mélange éloigné de la portée des
enfants.
4. Résumé du calendrier d'élevage jusqu'à l'obtention des cellules royales (CR) prêtes à
"naître"5.
Jours Opérations
J Le matin : peuplement du "starter" L'après-midi : "picking"
J+1 Transfert du cadre d'élevage au "finisseur" (compartiment orphelin)
5
L'usage commun du verbe "naître" ou du mot "naissance" largement usité pour définir la sortie de
l'imago de sa cellule est impropre. En fait la naissance a lieu lorsque l'œuf éclot et que sort la petite larve
au fond de l'alvéole. Dans ce cours, pour simplifier, nous suivrons l'usage commun.
L'apiculteur débutant pourrait penser introduire directement les cellules royales mûres dans
les ruches qu'il souhaite remérer6. Il lit d'un œil sceptique les articles parlant de nucleus, de
méthode d'introduction de cellules royales et de reines vierges, de station de fécondation, etc. Il
trouve cela bien compliqué, voire inutile. Plusieurs raisons expliquent les précautions prises :
- L'acceptation d'une cellule ou d'une reine vierge est beaucoup plus difficile dans une
grande colonie que dans une petite.
- Certaines sous-espèces d'abeilles acceptent mieux que d'autres.
- Le pourcentage d'acceptation est meilleur si les abeilles n'ont pas la possibilité d'élever
une autre reine.
- Introduire dans une colonie normale occasionne beaucoup de retard à la colonie à cause
du trou de ponte (le temps qu'il n'y ait plus de jeunes larves, ni d'œufs + le temps
d'accouplement de la nouvelle reine).
- Si la reine s'avère mauvaise pondeuse ou mal fécondée ou encore ne revient pas de son
vol d'accouplement, la colonie se trouve gravement affaiblie, voire perdue.
- Il est difficile d'opérer le contrôle de qualité de la ponte sur des ruches en production. Le
travail de sélection présuppose que certaines reines seront éliminées. Il vaut mieux donc
passer le temps des premières pontes tests dans une petite colonie (ruchette de
fécondation ou nucleus) que dans une ruche sur laquelle on compte pour la production.
- Le contrôle des accouplements (ou encore nommé contrôle des fécondations) est difficile
avec des ruches de production en transhumance. C'est pourtant là le point important en
matière d'élevage de reines (voir cours sur la sélection, les stations de fécondations et
l'insémination artificielle).
On n'utilise donc pas les cellules royales ou les reines vierges directement dans des ruches de
production mais on les introduit au préalable dans de petites, voire de micro colonies, le temps
que les reines s'accouplent, effectuent une première ponte, que l'apiculteur contrôle cette ponte
et élimine les mauvaises reines. Ensuite ce sont les reines, fécondées et bonnes pondeuses,
restantes qui seront introduites dans les ruches de production (voir cours sur l'introduction des
reines).
A ce niveau, l'apiculteur "affolé" peut s'en tenir à l'acquisition de reines fécondées chez un
bon éleveur professionnel mais il lui restera à maîtriser l'introduction de ces reines.
Beaucoup d'éleveurs laissent naître les reines dans un incubateur électrique. Cette solution
permet de contrôler la morphologie de la reine vierge, éventuellement de la marquer (avec
précaution) ou encore de la vendre en l'état. Chaque cellule est placée dans une petite cage afin
que les premières reines nées n'aillent pas détruire les autres cellules royales (voir figure 2).
D'autres préfèrent laisser naître les reines dans une ruchette de fécondation. Ils y
introduisent, alors, directement la cellule royale.
6
Barbarisme professionnel pour désigner le remplacement de la reine (la mère) d'une ruche.
Une variété incroyable de ruchette de fécondation existe sur le marché et chez les
apiculteurs. On peut reconnaître en gros deux grands types par le volume.
- Les toutes petites ruchettes constituées d'un à trois cadrons offrant le volume utile pour
une louche d'abeille. C'est ce que l'on nomme plus précisément nucleus (un nucleus, des
nuclei). Ils sont difficiles à conduire (engorgement rapide, essaimage ou désertion
fréquents, sensibilité aux changements de température), et n'offrent pas une surface de
ponte suffisante pour estimer correctement la valeur de la reine. Ils sont économiques en
abeilles.
Pour éviter que les abeilles ne détruisent les cellules royales, une sage précaution est de les
protéger en les entourant par un petit ruban de feuille d'aluminium ménager. Il faut prendre soin
de laisser libre la pointe de la cellule. Les ouvrières n'attaquent jamais une cellule royale par sa
pointe !
Avec des abeilles qui acceptent bien, le taux de réussite est assez bon et voisin de 80%. Si les
abeilles que l'on possède acceptent mal, on peut suivre la méthode suivante, un peu plus longue.
- Après l'ouverture de la ruchette, attendre 6 à 8 jours que les abeilles aient entrepris un
élevage royal.
- Introduire les cellules royales bien protégées, après avoir détruit celles édifiées par les
abeilles de la ruchette.
C'est une technique utilisée par de nombreux éleveurs de reines. Les ruchettes de fécondation
sont constituées avec des "paquets d'abeilles" (essaims nus, sans œuf, sans couvain et sans
reine).
- Dans une ruchette munie d'au moins un cadre de provision on introduit entre 300 et
800 grammes d'abeilles selon le volume (à titre d'exemple : une louche d'abeille pour
un nucleus de trois cadrons ou 2 ou 3 louches pour une ruchette 5 cadres Langstroth).
- L'introduction de la CR peut se faire au moment du peuplement (attention au
transport) ou après quelques heures de confinement dans un endroit frais et obscur.
En général, deux heures de confinement sont suffisantes.
- Quelque soit le moment d'introduction des CR, un bref confinement d'au moins 2
heures facilite l'acceptation.
- Les ruchettes de fécondation sont transportées au rucher de fécondation le soir même
et ouvertes.
L'acceptation des reines vierges est, en général (notamment avec l'abeille noire), plus
difficile que l'acceptation des cellules royales.
Les réussites sont bien meilleures en essaims nus, constitué avec des abeilles très jeunes.
La procédure est la même que précédemment, une reine vierge est introduite à la place de la
cellule royale.
Pour l'introduction des reines vierges on utilise les mêmes techniques que pour l'introduction
des reines fécondées (voir cours sur l'introduction des reines7). De nombreuses techniques
existent : introduction directe, semi-directe, indirecte, double, etc. A titre d'exemple nous
présentons ici la méthode traditionnelle avec cagette d'introduction et candi.
- La reine vierge est placée seule dans une cagette d'introduction (ou dans une cagette
d'expédition) munie de son candi obstruant la sortie de la cagette.
- Le bouchon de protection extérieure du candi est ôté et on perce un petit trou
d'environ 1 mm de diamètre à travers le candi.
- La cagette est fixée entre deux cadres au milieu de la grappe d'abeilles.
- Les abeilles libéreront la reine en léchant le candi.
- Opérer le soir du dépôt des ruchettes au rucher de fécondation, après leur ouverture.
- La cagette est retirée à la visite de contrôle de la ponte.
7
Gilles Fert répertorie la plupart des méthodes d'introduction de reines, réellement efficaces, dans son
ouvrage sur l'élevage des reines (voir en fin de ce cours). L'éleveur intéressé pourra également consulter
son site Internet sur l'introduction des reines : http://www.apiservices.com/fert/introduction_fr.htm
Couvercle coulissant
Bloc de polystyrène
Bouilloire
Deux à trois jour après l'introduction des cellules royales dans les ruchettes de fécondation
les jeunes reines naîtront. Une visite de contrôle rapide des naissances est possible à J+13 ou
J+14. Elle permettra de remplacer les cellules non nées (cellules non ouvertes) ou non acceptées
(détruites par les abeilles sur le côté).
Pendant la semaine suivant la sortie des cellules royales, les reines vont effectuer leur vol
d'accouplement (on dit aussi improprement vol de fécondation).
Quelques jours après, elles commenceront leurs premières pontes.
Afin de faciliter le repérage des ruchettes de fécondation par les reines au retour du ou des
vols d'accouplement, l'éleveur disposera les ruchettes avec des angles différents. Les faces des
ruchettes côté trou de vol seront peintes de couleurs et/ou avec des motifs différents et
facilement discriminées par l'œil de l'abeille (bleu, jaune, blanc, noir ou rouge, formes pleines,
formes linéaires, etc.8)
Le contrôle de la ponte s'effectue 15 à 20 jours après l'introduction des cellules royales soit
entre J+25 et J+30.
Note : Il arrive que d'excellentes reines, fortes pondeuses, déposent plusieurs œufs dans une
alvéole lors de leur première ponte. Le phénomène s'estompe au bout de quelques jours.
De même les premiers œufs pondus peuvent ne pas être fécondés et donc donner des mâles.
8
Cf. les travaux de Karl Von Frisch.
9
Voir l'évaluation du couvain : cours sur la visite de printemps.
Jours Opérations
J+11
à "Naissance" des reines
J+13
Bon Mauvais
Vols d'accouplement
J+25
à Contrôle des pontes
J+30
Le principe du "starter" reste le même : abeilles jeunes, sans reine, ni couvain ouvert.
Rendre permanent un telle système nécessite de lui apporter très régulièrement des abeilles
jeunes. Aussi le "starter" permanent est-il toujours associé à une ou deux ruches pourvoyeuses
d'abeilles jeunes.
Matériel :
- Le "starter" est constitué d'un corps de ruche standard, avec entrée ouverte.
- La ou les ruches pourvoyeuses de jeunes abeilles sont de fortes ruches, bonnes
éleveuses (belle quantité de gelée royale auprès des larves), avec reines excellentes
pondeuses. Elles sont conduites sur deux corps, séparés par une grille à reine.
Préparation :
- 8 à 10 jours avant le démarrage de la campagne d'élevage, choisir une très forte ruche,
saine.
- Retirer la moitié des cadres de couvain et deux de provisions sans abeille et surtout sans
la reine. La reine doit impérativement restée dans le corps inférieur.
- Remplacer les cadres enlevés par des bâtisses vides ou des cire gaufrées.
- Placer une grille à reine sur le corps.
- Sur la grille à reine, on place un second corps dans lequel on introduit les cadres retirés,
précédemment, du corps inférieur.
- Compléter par des cadres de provisions riches en pollen frais (c'est ce second corps qui
va devenir le "starter" permanent). Laisser la place d'un cadre, vide, pour recevoir le
cadre d'élevage ultérieurement.
Constitution :
- Enfumer la ruche préparée et tapoter rythmiquement (1 coup par seconde environ) sur
les côtés du corps inférieur pour faire monter une bonne partie des abeilles dans le corps
supérieur.
- Retirer le corps supérieur (sans l'ouvrir) et le placer sur le plancher apporté. Placer la
fermeture d'entrée. Voilà le "starter" constitué !
- Retirer la grille à reine du corps inférieur (attention ! la reine est souvent sous la grille) et
le couvrir avec le couvre-cadres et le toit apportés.
- Transporter le "starter" dans un lieu frais de confinement.
Nourrisseur
2
2
C C CS
V 3
Nourrisseur
M M M M C C C C C M
+ C C C C C C C + + CI + B F F F F F B + ST
P P P P P
1 1
4
Ruche pourvoyeuse de jeunes abeilles "Starter" permanent
Légende
M+P : Miel et pollen C : Couvain CF :Couvain operculé
G : Cire gaufrée B : Bâtisse vide (couvain né) Cellule royale
Figure 13 : Principe de rotation des cadres de couvain pour alimenter, en jeunes abeilles, un
starter permanent, à partir d'une ruche pourvoyeuse sur deux corps.
- On retire les anciens cadres de couvain éclos (1) du "starter" et on fait glisser les plus
récents vers les rives ( ).
- Dans l'espace ainsi libéré de chaque côté du cadre d'élevage, on transfert les 2 cadres de
couvain (2) placés une semaine auparavant au-dessus de la grille en CS (donc avec
presque plus de couvain ouvert).
- On referme le "starter" permanent.
- Du corps inférieur CI, de la ruche pourvoyeuse, on monte 2 cadres de couvain (3) dans
le corps supérieur CS en lieu et place des deux cadres précédemment transférés vers le
"starter". Ils passeront vers le "starter" la semaine suivante.
- Dans l'espace libéré, on introduit les cadres de couvain éclos (4) retirés du "starter".
- On referme la ruche pourvoyeuse.
Il est vivement recommandé que l'unité de production de reines soit très proche du domicile
de l'apiculteur. Les interventions ne demandent pas de grosses mises en œuvre ni ne prennent
beaucoup de temps, mais par contre, sont très fréquentes. Il est nécessaire d'y aller certains jours
plusieurs fois et souvent le soir. Un petit abri (3 à 5 m2)équipé d'un chauffage de camping
facilite grandement le travail de "picking" les jours pluvieux, froids ou venteux.
Dans l'exemple que nous explicitons ici, le rucher d'élevage est en même temps station de
fécondation. Car en effet, il ne s'agit pas seulement d'élever de bonnes reines mais encore
faut-il que l'accouplement ne vienne pas amoindrir voire détruire tous nos efforts de
sélection. Il s'agit donc d'influer le plus possible sur les populations de mâles qui attireront nos
reines lors des vols d'accouplement.
Diverses méthodes pour contrôler l'accouplement existent. Nous ne ferons ici que citer
brièvement les principales.
- La saturation en mâles sélectionnés d'une zone suffisante autour de la station de
fécondation.
- L'installation de la station au fond d'une vallée isolée entourée de lignes de crêtes
élevées.
- L'installation de la station de fécondation dans une île, dépourvue d'abeilles, distante d'au
moins 5 à 6 km du continent ou d'une autre île hébergeant des abeilles.
- La production de reines et de mâles à contre saison c'est à dire lorsqu'il n'y a pas de
mâles naturellement disponibles.
- Le confinement des reines et des mâles durant la journée et lâchés le soir lorsque les
mâles "naturels" sont rentrés.
- L'insémination artificielle.
Hormis la dernière, aucune de ces méthodes ne peut garantir des résultats à 100 %.
La méthode par saturation est la plus usitée et à la portée de beaucoup d'apiculteur. C'est
cette méthode que nous intégrons dans notre modèle bien que nous restions très critique à son
égard (voir le paragraphe suivant).
Un terrain est donc choisi, proche du domicile et d'accès aisé par tout temps.
Dans notre exemple nous supposerons que les vents dominants de la région, desquels il faut
se protéger, sont de secteur nord-ouest à nord-est. On cherchera donc à s'en protéger soit par la
configuration du terrain (bois, bosquet, colline au nord) soit en installant une haie (vive ou non).
Juste derrière cette haie on installera la zone d'élevage avec le ou les ""starters" permanents,
la ou les ruches pourvoyeuses et les "finisseurs" (voir figure 13, page suivante).
Sur le reste du terrain, les nucléi seront dispersés en profitant des accidents du terrain et de la
végétation pour faciliter le repérage des reines lors du retour des vols d'accouplement.
Ch Petit abri
pour ST
"picking"
S3 S4 RP
T
RP
S1 S2
Chemin N
d'accès
FV
FHD
Petit bosquet ou
arbuste isolé
Légende
ST : "Starter" permanent, S1, S2, etc. : Ruches souches, RP : Ruche pourvoyeuse, FHD : "Finisseur"
horizontal double, N : Nucléi, T : Table pour "picking", Ch : Chauffage d'appoint.
Selon les recherches menées pendant plus de 25 ans (P. Jean-Prost, F. K. Böttcher, F. et H.
Ruttner, E. Englert, etc.), dans les années 60 et 70, on peut raisonnablement estimer que les
reines s'accouplent jusqu'à une distance moyenne de 2 km (exceptionnellement à une distance
maximum de 5 km). Les faux-bourdons volent jusqu'à une distance de 5 km.
2 km 5 km
Il résulte de ces données un territoire d'influence possible sur les accouplements d'environ 7
km de diamètre. Soit une superficie de plus de 150 km2, soit encore l'équivalent de près d'une
dizaine de communes rurales moyennes françaises !
Dans ces conditions, le contrôle des populations de mâles par saturation du territoire, en
ruches à mâles, apparaît assez aléatoire.
Comme concluaient les chercheurs cités ci-dessus, lors d'un symposium international sur les
accouplements et la sélection chez l'abeille mellifère qui se tenait en Autriche en 1972 :
considérer la présence de colonies à mâles sélectionnés, même en grand nombre, à la station de
fécondation, est un "détail secondaire", en zone continentale. Ces chercheurs concluaient qu'il
fallait "se concentrer sur le renouvellement régulier des reines dans les nombreuses colonies des
environs de la station"10.
Dans ce troisième cas de figure, 4 à 5 ruchers avec des reines issues de lignées différentes
de celles qui seront à féconder à la station, sont installer sur un rayon d'environ 1 à 1,5 km.
10
RUTTNER Friedrich, RUTTNER Hans. et HARNAJ Veceslav (co-dir.), Contrôle de l'accouplement et
sélection chez l'abeille mellifère, Symposium international de la commission permanente de biologie
apicole Apimondia tenue à Lunz Am See (Autriche), Burarest, Ed. Apimondia, 1972, 112 p.
Figure 16 : Schématisation de la zone d'influence des trois ruchers à mâles installés sur un
rayon de 1,5 km autour d'une station de fécondation centrale.
Le procédé comporte, bien sûr des limites importantes. Il faut néanmoins prendre en compte
les nombreux facteurs physiques (topologie de la région, structure paysagère, altitude), micro
climatiques (vents, courants aériens, variation des températures en basse altitude), génétiques
(races d'abeilles en jeu), techniques (pratiques apicoles des voisins), d'urbanisation, etc., qui
réduisent assez souvent les distances "parcourables" par les abeilles.
Pour faire ses premières armes et se perfectionner le jeune apiculteur pourra consulter les
deux ouvrages suivants :
A noter :
Une vidéo sur l'élevage de reine est disponible à l'OPIDA et un aperçu de l'élevage de
reines, avec de belles images, est consultable sur le site Internet APISERVICES de Gilles
Ratia : http://www.apiservices.com/cours/elevage/index.htm