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Migraine : de nouvelles recommandations de prise en charge

Par Corinne Tutin le 01-07-2021

Les recommandations 2021 de la Société française d’études des migraines et céphalées ont été
présentées lors des Journées de neurologie de langue française (JNLF), organisées du 26 au 28
mai 2021 sous forme digitale. Elles proposent d'utiliser plus tôt les triptans et prennent en
compte l'arrivée des anti-CGRP pour le traitement de fond.

Les dernières recommandations de prise en charge de la migraine de la Société française


d’études des migraines et céphalées (SFEMC) dataient de 2012. Or, depuis, des médicaments
sont apparus. La SFEMC a donc élaboré d'autres recommandations "dont la publication est
espérée pour octobre 2021", a signalé le Dr Caroline Roos (Hôpital Lariboisière, Paris).

"Avant instauration d'un traitement de crise, les facteurs déclenchants devront être recherchés
(alcool, cycles menstruels, bruits, lumières ...). Pour autant, ils ne devront pas être surestimés
car une éviction stricte peut altérer la qualité de vie et augmenter la sensibilité à ces
paramètres', a souligné le Dr Roos. On expliquera au patient que le but des médicaments de la
crise est de soulager totalement la céphalée dans les 2 heures et qu'en raison d'un risque de
céphalées secondaires, leur administration ne doit pas se faire plus de 8 jours par mois.

L'administration d'aspirine seule (à la dose maximale de 3 g) ou, en association au


métoclopramide (3 comprimés par jour au maximum de 900 mg d'aspirine et de 10 mg de
métoclopramide), est fortement recommandée. La force de recommandation est, en revanche,
faible pour le paracétamol, administré seul ou avec la caféine. En effet, même si son efficacité
est élevée dans les crises de migraine d'intensité faible ou modérée, il existe un risque d'abus
d'antalgiques, "et la consommation de caféine est un facteur de risque de chronicisation de la
migraine", a ajouté le Dr Roos.

Concernant les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), la preuve d'efficacité est élevée
(recommandation forte) pour le diclofénac, le flurbiprofène, le naproxène, l'ibuprofène et le
kétoprofène (les deux seuls AINS à avoir une autorisation de mise sur le marché, AMM, dans la
migraine) mais intermédiaire pour l'indométacine (recommandation modérée). Par ailleurs, 6
triptans (almotriptan, élétriptan, frovatriptan, naratriptan, rizatriptan, sumatriptan), ayant tous une
AMM, sont fortement recommandés en raison de leur efficacité importante.

Triptan d’emblée en cas de migraine modérée à sévère

On prescrira, sur la même ordonnance, un AINS et un triptan, en expliquant que, lorsque la


céphalée est d'intensité faible, on prendra tout d’abord un AINS puis on ajoutera un triptan en cas
de réponse insuffisante après 1 heure. En revanche, dans la douleur migraineuse d’intensité
modérée ou sévère, on fera l'inverse : triptan d'emblée (ce qui est une nouveauté de ces
recommandations car auparavant il fallait attendre 3 échecs d'un AINS pour prendre un triptan)
puis, après 1 heure, éventuellement AINS. Dans la migraine avec aura, l’AINS sera pris pendant
l'aura et le triptan au moment de la céphalée. Les opiacés devront être évités en raison d'un risque
de mésusage (recommandation forte).

L'absence d'efficacité ou une mauvaise tolérance du traitement ne seront évaluées qu'après


traitement de 3 crises, en utilisant l’échelle d'évaluation T-MOQ*. En cas de résistance au
triptan, on pourra donner un AINS et un triptan de façon simultanée, modifier les doses et la
galénique (la forme suppositoire, spray ou sous-cutanée est utile en cas de vomissements), ou
changer l’AINS ou le triptan "car il n'existe pas d'effet classe", a mentionné le Dr Roos.
L'administration de rimégépant, d'ubrogépant, des antagonistes du récepteur du CGRP
(Calcitonin Gene-Related Peptide), est fortement recommandée en raison de leur grande
efficacité (et d'effets indésirables limités). "Toutefois, ces 2 médicaments ne sont pas encore
disponibles en France". Pour le lasmiditan, un agoniste sélectif du récepteur de la sérotonine 5-
HT 1F, la recommandation de la SFEMC est modérée en raison d'effets indésirables fréquents.
Mais, de toute façon cet agent n'est pas non plus encore sur le marché.

"Un traitement de fond sera instauré chez les patients utilisant un traitement de crise au moins 8
jours par mois, avec une migraine chronique selon la définition internationale (au moins 15
jours de céphalées par mois), ou avec une migraine sévère selon les critères français récemment
publiés", a complété le Pr Anne Ducros (CHRU de Montpellier) (Donnet A, et al. Severe
migraine and its control: a proposal for definitions and consequences for care. Revue
neurologique, disponible en ligne le 31 mars 2021). En pratique, il s'agit de migraines
s'accompagnant d'une interruption de l'activité au moins une fois sur deux, ou de patients avec un
score égal ou supérieur à 60 à l'autoquestionnaire de céphalées HIT-6**, autoquestionnaire à
systématiquement employer pour estimer l’impact de la migraine. La SFEMC conseille aussi
d’évaluer l'état émotionnel du patient, de rechercher la présence d'une anxiété ou d'une
dépression grâce à l'échelle HAD** lors de la première consultation et en cas d'échec
thérapeutique.

Prophylaxie des crises : bêta-bloquant en première ligne

Les traitements prophylactiques oraux fortement recommandés, en première ligne dans la


migraine épisodique, sont le propranolol et le métoprolol, et si les patients ne peuvent recevoir
un bêta-bloquant : l'amitriptyline, le topiramate, et le candésartan (pas d'AMM cependant). En
revanche, dans la migraine chronique, le seul traitement oral avec un niveau de preuve
d'efficacité élevée est le topiramate, qui sera donc prescrit en premier lieu. En cas d'échec, on
proposera un 2 e traitement prophylactique.

Après résistance à 2 de ces traitements, on pourra, en cas de migraine épisodique, présente au


moins 8 jours par mois, prescrire un anticorps anti-CGRP ou anti-récepteur du CGRP (érénumab,
frémanézumab, galcanézumab). Cette classe thérapeutique pourra également être administrée
dans la migraine chronique, ayant résisté à 2 traitements prophylactiques oraux ayant inclus le
topiramate. "Reste qu’actuellement, seul, le galcanézumab est accessible en pharmacie, mais ce
sans remboursement alors que le prix public conseillé est de 245 euros par mois", a déploré le Pr
Ducros. "Une situation regrettable, car ces anticorps ont démontré une bonne efficacité dans des
essais avec une excellente méthodologie, après échec de 2 à 5 traitements au préalable ».

* Migraine Treatment Optimization Questionnaire (M-TOQ).


** Échelles disponibles sur le site de la Société française d’études des migraines et céphalées
(SFEMC),
www.sfemc.fr

Sources :
Journées de neurologie de langue française (JNLF, 26 au 28 mai 2021). D’après les
communications de : C. Roos (Paris) et A. Ducros (Montpellier).

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