Vous êtes sur la page 1sur 220

PSYCHOLOGIE SURNATURELLE

LA

PSYCHOLOGIE
DU PURGATOIRE
par

M onseigneur J.-A, G MOLLET


ARCHEVÊQUE DU CÀMURAX

PARIS
P. LETHIELLEUX, L im w a ih iî-E u ite u h
1 0 , lîUE CASSETTE, 10
1021
P . L E T Ï Ï I E L L E U X , E d ite u r

DU M ÊM E A U T E U R

La Psychologie des Élus, in-12 écu.................. ... h IV. »


La Psychologie dit P u rg ato ire, in-12 é e u .......... 0 fr. »
La Psychologie du Christ, 2 voJum.es in-12 é c u ... . . 8 fr. >
Nos Morts, au p u rg ato ire, au ciel, fort volum e in-S0 cou­
ronne 1 fr. »
La m orale stoïcienne cil face de la m orale chrétienne, in-8"
c o u ro n n e ..................... 7 fr, »
La no) ion do l ’ordre, in-8® c o u r o n n e .............. 6 fr. »
L’ascétique m oderniste, in-12......................... ............ h JV. »
lies Enfants, questions du temps présent, in -1 2 ... /1 fr. »
Les Idées religieuses de M. Bru ne titr e , in-12 ccu. 1 fr. 20
La Contribution de l ’Occultisme à l ’A nthropologie, in-12
c c u .............................................................................. 1 JV. 20
Le Modernisme dans la religion, étude su r le rom an
“ Il Sauta ” de Eogarc/zo, in-12 é c u ........... 1 fr. 20

'J"yl'Ogi-n1io îm 11lin-indot et C . — l ’ail 3,


I
t

AVANT-PRO POS

II y a an an nous terminions à pareil jour


noire Psychologie des E lu s. Nous disions en même
temps notre projet de pz&licr, sous le titre de P sy­
chologie surnaturelle, une série d’ études où seraient
explorés les nombreux problèmes que soulève la vie
de l’âme et de ses facultés sous l’ influence de la grâce
ou de la gloire, dans l’en deçà et dans Vau delà. Le
projet reçut le meilleur accueil el, à une oa deux ex­
ceptions près, les revuesquien parlèrent adressèrent
à l’auteur les plus précieux encouragements. Celles
qui firent quelques réserves avouaient en mëmejemps
professer un certain agnosticisme sur les choses
de Vau delà. La Psychologie des E lus bénéficia de
la faveur accordée au plan dont elle commençait
l’exécution et eut vite de nombreux lecteurs.
Nous étions ainsi excités à lui donner une suite.
L ’élude qu’appelait naturellement la Psychologie
des E lu s était la Psychologie du P u rgato ire
Nous la publions aujourd’hui. On y trouvera la
X AVANT-PUOPOS ®

même méthode de preuves et d’exposition que dans


le volume précédent.
Nous avons tenu à conserver à notre travail le
caractère scientifique loué généralement dans la
Psychologie des É lus. Nous avons cherché dans la
Sainte Ecriture, dans les saints Pères, dans les théo­
logiens, parmi lesquels, au premier rang, l’Ange de
l’école, saint Thomas d’Aquin, dans les documents
ecclésiastiques, les bases solides de notre construc­
tion. P u is nous avons demandé au raisonnement
philosophique et théologique d’ élaborer une synthèse
en harmonie avec les données certaines de la foi ou
de la théologie. Nous pensons avoir réduit le plus
possible le champ de l’hypothèse inévitable dans de
telles questions et avoir donné le plus souvent des
solations certaines.
Pour mieux convaincre encore nos lecteurs nous
avons ajouté à notre ouvrage cies appendices où l’on
trouvera les professions de f o i de l’Eglise relati­
vement à la doctrine du Purgatoire, la liste des p rin ­
cipaux auteurs à consulter, un certain nombre de
textes qui nous avaientfournile thème de nos dévelop­
pements. On voudra bien y voir, nous l’espérons, la
preuve de notre souci de ne fournir en des matières
aussi difficiles que des enseignements les mieux ga­
rantis possibles.
On sera peut-être surpris de nous voir traiter en
un chapitre, le plus hn g de tous, des joies du P u r­
gatoire. D ’aucuns seront peut-être tentés d'y deviner
quelque chose de ces préférences irrévérencieuses
que Renan professait pour le Purgatoire qu’ il
appelait, dit-on, « un endroit mélancolique et char­
mant )). Nous demandons qu’ on veuille bien ne voir
AYANT-PHOTOS XI

en cette théorie ni enthousiasme exagéré, ni satire.


Le Purgatoire, s’ il n’ est pas le ciel, est encore
moins l’Enfer, I l n’en a ni les désespérances, ni
les blasphèmes. S ’ il a, avec ce lieu de réprobation,
la communauté du feu, il a du ciel l'amour de Dieu,
il a en outre l’ espérance en sa miséricorde, la sécu­
rité de ne plus fa illir, la certitude d’être bientôt
parmi les saints et les anges. A u milieu des flammes
il y a donc de grands sujets de consolation et si l'on
vit des martyrs chanter et sourire dans leurs sup­
plices, on ne comprend pas pourquoi l’hymne de
reconnaissance et d ’espoir serait banni .du Purga­
toire.D u reste, sainte Catherine de Gênes et le Père
Binet entr autres nous servaient de guides sur ce
point.
Nous dédions ces pages aux amis et aux lecteurs
de celles qui ont précédé. Nous les consacrons au di­
vin Cœur de Jésus. Que cet adorable Cœur dont les
flammes purifient et préservent du Purgatoire ceux
qu’elles consument ici-bas, veuille bien bénir l’œuvre
ei l’ouvrier.
Paray-lo-Monial, 25 août 1901,
C H A P IT R E P R E M IE R

A LA [JAIUUi DIS D IE U : L is J U G E M E N T DE L A M E
. S O M M A IR E DU C H A P I T R E PR E M IER

D evant les hommes et elevant D ieu. Les doux ju g em en ts,


— II. Le ju g em en t p articu lier a lieu aussitôt la m ort. —
III. O ù a - t- i l lieu ? — IV . La procédure du ju g em en t. —
V. La com parution. L'âm e toujours sous le reg ard de
D ieu. C om m ent D ieu lu i apparaît, — "VI. L ’instruction
du procès. D ieu sait to u t, puisque toutes nos fautes sont
des flagrants délits Mais l ’âme a besoin d ’ètre convaincue,
— Y Il-V III. Elle se convainc elle-m êm e. Les habitudes
e t les actes o n t déposé en elle des traces. — IX . Le télé-
graphone. — X, P a r la conscience, l ’âm e, après la m ort,
voit tous les restes de ses actes et vo it ainsi, comme en un
tableau, toute sa vie, — X I. Elle rev o it aussi, en u n a u tre
tableau, les enseignem ents q u ’elle a reçus. La comparaison
des doux tableaux est sa justification ou sa condam nation,
— X II. D e la présence de l ’ange g ardien e t du démon au
ju g e m e n t de l ’âm e, — X III. La sentence. Dieu l ’écrit
dans l ’intelligence, I ’im e l ’exécute p ar la p ro p re évolution
de son état. — X IV La volonté accepte spontaném ent la
condam nation au P urgatoire,
LA PSYCHOLOGIE

DU PURGATOIRE

C H A P IT R E P R E M IE R

A LA BARRE D E D IE U : LE JU G E M E N T D E L ’ AM E

I. — À peine la m oribon d a -t-il ren du le der­


nier soupir que déjà son âm e est devant D ieu :
son ju gem en t est com m encé, que dis-je ? il est
term iné ct la sentence est portée et exécutée.
A u 'o u r de la couclie funèbre, les am is, les pa­
rents, tristes et sous l ’étreinte de cette ém otion
que la m o rt jette to u jo u rs sur son passage, s’as­
suren t timidement, que c’est bien fini. Ils écou­
ten t s’il n ’y a pas encore un battem ent au cœ ur,
un souffle expirant dans la poitrine, une agita­
tion au pouls ; puis ne percevant, n ’entendant
p lu s rien , ils pressent les lèvres, baissent les pan-
h LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

piorcs pour toujours. E t tandis que la lu gu b re


toilette de l ’ensevelissem ent s’entam c et se pour­
suit, des voix discrètes ct respectueuses parlent
d u m ort, de ses qualités, d u courage q u ’il a
m ontré dans la lu tte contre le m al q u i finale­
m ent vient de le terrasser ; auparavan t de l'af­
fection q u ’il a portée aux siens, de sa cons­
tance dans le devoir, de son énergie dans le la ­
beu r. C ’est le ju g e m e n t des hom m es, de la fa­
m ille, des am is. A vec la nouvelle du trépas qui
sc répand, d'autres appréciations sc font jo u r
chez les indifférents, appréciations m oins affec­
tueuses, m oins flatteuses, sévères parfois. Q u i­
conque m eu rt est ju g é . Il l ’est ici-bas par
flio m m e . Il l ’est dans l ’a utre m onde par D ieu
et par le C h rist.
C ’est ce dernier ju g e m e n t q u i nous intéresse
en ce m om ent. Aussi bien est-ce le seul vraim en t
intéressant, puisque c’est le seul q u i soit rendu
avec une com pétence et un e im p artialité absolues,
avec une autorité incontestable, e l le seul q u i soit
suivi d ’une sanction.
La tradition chrétienne a transm is à tous les
siècles l ’affirm ation d ’un double ju g e m e n t q u ’il
nous faudra subir dans l'a u -d e là 1. Le second,
q u ’elle appelle ju ge m e n t un iversel, sera la suite
de la résurrection des corps. La race h u m ain e
sortie des tom beaux creusés depuis la m ort
d ’A b el, rassem blée aux pieds du C h rist,s’entendra
ju g e r par lu i. L e frisson de la vie renaissante, de
l’espérance ou de la crain te, p arcourra les rangs
pressés des fils d ’A dam . L e C h rist escorté des
apôtres et des anges apparaîtra ; ch ef de la grande
A. LA BAlUîE DE D IEU 5

fam ille hu m ain e, il ju g e ra l ’œ uvre de celte fa­


m ille, en prononcera la définitive sanction : ct
sur sa parole les bons seront pour l'étern ité sé­
parés des mauvais,' Cette grande m anifestation
de la justice divine regardera surtout, dans l'h u ­
m anité, la race, l'u n iv erselle société des fils
d ’A dam rachetés par le Christ.
O r, elle est précédée d’u n autre appareil de
ju stice q u i concerne les in dividus, qui prend
chacun au sortir de ce m onde terrestre, discerne
im m édiatem en t ce q u ’il a fait de droit ou d ’in i­
que, constate l ’état m oral dans lequ el la m o rt
l ’a saisi, et prononce une prem ière sentence,

II. — Q ue ce ju g e m e n t a it lieu , c’est une vé­


rité que l ’E glise tout entière enseigne. Q u ’il
doive être placé à l ’in stant q u i su it im m édiate­
m ent la m ort, c ’est un e conséquence directe de
plus d’u u texte d ’É critu re, de p lus d ’une affir­
m ation p atristique. L a raison théologique p arti­
culièrem en t l ’exige 2. N ous savons, en effet,
q u ’entre la m ort et le ju g e m e n t un iversel, ou
p lutôt, q u ’aussitôt la m o rt les âmes entrent et
séjournent, suivan t leu rs m érites, les unes en P a ­
rad is, d ’autres en E n fer, d’autres en P u rg a to ire 3,
Le ju g e m e n t dernier n ’est pas encore prononcé
et cependant nous savons d ’u ne foi certaine que
le bon larron est en Paradis, canonisé au G ol­
gotha m êm e par N otre Seign eur, que les apôtres
jouissen t du bonh eu r étern el, q u ’un Judas est en
E n fer avec les dém ons. A vec l ’E glise nous, prions
pour les âmes du Pu rgatoire. 11 a donc fallu une
sentence pour opérer cette sélection des âmes en
6 LA PSYCHOLOGIE DU PUMGATOJRE

trois catégories si diverses, il a fallu un acte


d ’autorité divine pour prescrire à chacune le lieu
de son séjour. Cette sentence, cet acte d ’autorité,
c’est le ju gem en t p articulier prononcé par con­
séquent avant que chaque âm e suive sa n ou velle
destinée, c’est-à-d ire dès la m ort.
D u reste, pourquoi D ieu attendrait-il ? P a r la
m o rt, l ’hom m e est arrivé au b out de son épreuve.
J L a vie lu i avait été donnée pour exercer son libre
arbitre, lu i faire prendre ses pentes vers le bien,
em ployer les énergies de sa n ature et celles de la
grâce à parfaire ses facultés, à épanouir son être
et l ’am ener au plus grand, degré de développe­
m ent. C elte œ uvre de perfectionnem ent indivi­
duel . chacun doit l ’accom plir ici-b as : c’est occu­
pation terrestre, com m e tisser est la tâche de
l ’ouvrier dans l ’usine, faire preuve de savoir est
la mission de l ’étudiant en fâce de son exam ina­
teu r. Q uand l ’étu dian t est hors de la présence de
l ’exam inateur et quand l ’ouvrier a franchi la
porte de sortie du tissage, la fonction de l ’un et
de l ’autre est finie. P a reillem en t,q u a n d l ’hom m e
par la m ort a passé les frontières de la vie, sa
tâche est term inée, il n ’a plus q u ’à en recevoir
le p rix. E t pourquoi cette sanction, d’ailleurs ir­
révocable, se ferait-elle attendre ? D ieu a -t-il
besoin, lu i qui est la science infinie, de nouveaux
renseignem ents pour être à m êm e d ’apprécier le
travail de son serviteur ? Ou l ’hom m e a u ra it-il
encore quelques m oyens de corriger les défec­
tuosités de son labeu r, et quelques chances de
réparation P N on, Dieu est fixé, et l ’hom m e doit
être ju g é sur l ’état où il se tro u vait sp iritu elle-
A LA BAHUE DE D IEU 7
m eut à la seconde précise où il're n d it le dernier
soupir. Ce dernier soupir a donc bien sonné
l ’heure, j ’allais dire la m in ute suprêm e du ju g e ­
m ent.

III. — O ù se fait ce ju g e m e n t ? L ’àm c est-elle


transportée par la puissante divine, par la m ain
des anges, ou par son propre vol, aux pieds du
C h rist, au sein do l ’A réopage terrib le et solennel
qui entoure son trône éternel ? E st-elle adm ise
p rovisoirem ent d u m oins, au Paradis où règn e
le C h rist, afin d ’y com paraître à la barre de son
ju g e ? Poser la question, c ’est la résoudre. Une
âm e n ’est adm ise à fran chir la porte du Paradis,
à entrer dans le lieu d ’où l ’on ne sort pas, q u ’en
vertu de la sentence môm e qui la béatifie. E n trer
en Paradis, c ’est être élu , c ’est jo u ir de la vite im ­
m édiate et in tu itive de D ieu, c’est être fixé, cris­
tallisé pour ainsi dire et pour l ’étern ité, dans
l ’acte heureux du face à face avec la Sainte T ri­
nité, de l ’am our p ur, nécessaire, d é fin itif du
Seign eur, L ’âm e, avant d ’être ju g é e, ne fut-ce
([ue p o u r être ju gée, n ’est pas in tro duite au sein
du Paradis, Les assises où se décide son sort ont
un autre siège.
P o u r déterm iner ce siège, il convient de faire
une observation préalable. L e lie u est une pro­
priété des corps ou p lutô t la portion de l ’espace
occupée par un corps. La question de lieu peut
donc se poser pour les corps, lesquels o n t une
lo n g u eu r, un e la rgeu r, une épaisseur, en un
m ot des dim ensions qui les ren den t aptes à oc­
cuper *un endroit et à le rem plir. Mais une âm e
LA PSYCUOLO/HE pu PURGATOIRE, 1
8 LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

qui n ’a ni lo n gu eu r, n i largeur, ni épaisseur,


qui m anque de dim ensions géom étriques, pourra-
t—elfe occuper un lieu ? S ’il lu i est donné, de par
une autorisation divine, d ’a gir sur un corps,
alors son action com m unie à la localisation du
corps q u ’elle m ène ou soulève, son action est
localisée, mais en dehors de cela, en quel lieu
est située un e finie qui est sortie du corps q u ’elle
inform ait, cl qui, paralysée, n ’agit' plus sur a u ­
cune portion de m atière ? On ne localise pas une
âm e, pas plus q u ’on ne la pèse. On ne peut r e n ­
ferm er dans un lieu , com m e on ne p eut la jeter
sur le plateau d ’une balance.
D ieu , qui ju g e cette âm e, est esprit lu i a u ssi:
il ne p eut donc être contenu en un lieu . Du
reste, son action s’étend sur toutes les créatures,
s’in filtre dans toutes les veines du m onde, s’in ­
sinue dans tous les êtres', il est om niprésent et
l ’âm e,sortie du corps, n ’a pas à chercher la p ré­
sence divine : elle la trouve tout de suite.
Je sais bien que le C hrist ju g e , lu i aussi ;
q u ’il est ressuscité ; que, partant, il a un corps ct
q u ’à ce su jet on peut dire que le ju g e m e n t doit
avoir lie u là où sc trouve le corps du C h rist. O u
don c il aura lieu en Paradis, ou le C h rist sortant
du Paradis viendra ju g e r Pâm e en un lieu
q u ’il aura choisi.
Cette dernière observation a sa part de vérité.
L e C h rist, en effet, depuis sa résurrection, est
réu n i à son corps. S eu lem en t ce corps est entré
dans une nouvelle vie, possède un e physiologia
différente de celle d ’ici-bas ct a pris des qualités
spirituelles. Seminatur corpus animale, d it saint
A IiA iîAHRE t>E J)tEÜ S

P a u l, I Cor, Av, /{/[, sur g et corpas spiritale. Le


corps du C hrist participe dans la m esure possible
aux propriétés'dos âmes, sans cesser d ’être un
corps cependant. À cause de cela, il peut être,
sans perdre sa nature, en plusieurs lieu x ici-bas ;
il est, de fait, sur chaque autel où l ’on célèbre,
en chaque tabernacle ou se trouve un ciboire, en
chaque hostie contenue d a n sé e ciboire. Il peut
donc, sans quitter le Paradis, se transporter, par
un e autre présence réelle, au chevet du m ourant,
se présenter à l ’àm e à l ’instant où les lèvres lu i
o uvren t un dernier passage, la saisir de son au­
torité de ju g e et de sa sentence redoutable à ce
m om ent solennel. C ’est là l ’opinion la plus p lau ­
sible et les chrétiens qui entourent la couche où
leur frère expire ont raison de frissonner et de
garder un e attitude religieuse, com m e si la d ivi­
n ité passait au-dessus de leurs têtes et com m e si
quelque chose de grave s’accom plissait dans le
m ystère au m ilieu d’eux. Jésus est là, l ’âm e est
devant lu i et une sentence de vie ou de m o rt, de
salut ou de dam nation est rendue L

IV . — C ’est peu de. déterm iner le temps ct le


lieu du ju gem en t. C ’est en dire seulem ent les
circonstances extérieures. Il nous faut, de plus,
exam iner la procédure suivie à ce m om ent fatal
par le grand ju ge.
Cette procédure a trois temps, si nous en
croyons le Catéchisme du Concile de Trente, livre
d ’ une si grande autorité et d’ une sûreté absolue.
A u sujet des deux ju gem en ts que l ’àm c doit su­
bir, l ’ un à la m ort, l ’autre à la résurrection, il
-te LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

dit que, dans ces occurrences, chacun devra ve­


n ir en présence de D ieu, rendre com pte de toutes
ses pensées, de ses actions, de scs paroles ; enfin
subir la sentence d u ju g e . 11 y a donc trois épi­
sodes dans celle procédure : le prem ier consiste
à elre am ené en la présence du ju g e , c’est la
com parution ; dans le second, il faut rendre
, compte, c’est l'in stru ctio n ; le troisièm e épisode
com porte la sentence 5.

V. — La com parution d’abord. Q uand un


inculpé est cité en ju stice, il com parait devant le
juge, vient en sa présence ; en m êm e temps ct ré­
ciproquem ent le ju g e est en présence d e l'in c u lp c .
L e ju g e voit l’ inculpé, l ’inculpé voit le ju ge.
A u ju gem en t de l ’àme, D ieu n ’a pas besoin
([uc celle-ci soit am enée en sa présence. Lui qui
est partou t, qui voit tout, suit les étapes de toute
existence hu m ain e. Nous sommes toujours en sa
présence, toute notre vie s’écoule sous son
regard ; notre m o rt s’accom plira sous ses yeux,
ct en sortant clu corps, l ’âm e ne s’écarte, ni ne
s’approche de D ieu , clic continue d’être auprès
de lu i ; pluS que cela, elle se m eu t en lu i, sui­
vant la parole de l ’a pôtre: In Ipso enim vivimus,
movemur et sumas. A ct. x v u , 28. L a com parution
11e consiste donc pas qîour l ’âm e â cire conduite
à D ieu, â lu i apparaître après avoir été loin de
lu i.
Mais elle consiste en cc que D ieu se m anifeste
plus vivem ent à l ’âm e, et Ihi fait sentir sa pré­
sence. Ici-bas, Dieu est caché. Le voile des créa­
tures est trop épais p o u r laisser apparaître le
A ia bâ ch e d e d ie u

créateur, e tie s voies de la connaissance sont trop


m atérielles dans leurs conditions prem ières, pour
que l ’hom m e perçoive directem ent que D ieu est
là. Ce qui nous frappe au dehors, ce sont des
natures sensibles ; hem m es avec qui nous vivons
et qui nous entretiennent de la voix, pressent
n otre m ain, s’oflrent à notre regard ; panoram a
varié de la nature où se m euvent les anim aux,
où s’épanouissent les végétations aux tons vifs,
aux fleurs éclatan tes,aux fruits savo u reu x;atm o ­
sphère lim pide où s’em plit notre poitrine d ’un air
vivifiant, où se baigne notre corps. Ce sont le s '"
seuls objets qui frappent nos sens, ce sont les seuls
qui nous soient connus d’abord, qui soient sentis
p a r nos organes, analyses et creusés par notre
esprit. L ’intelligence travaille sur ces m atériaux,
com pare, raisonne, se replie sur clle -m Am e,
arrive ainsi à conclure q u ’il y a un e région im ­
m atérielle et que dans cette région habite D ieu.
Mais D ie u n ’est pas vu ; il est prouvé, déduit par
le raisonnem ent, désiré par le cœ ur ; il n appa­
ra ît pas. E t le chrétien qui veut vivre en sa pré­
sence, s’u n it à lu i, s’entretient avec lu i,p a r l'effort
du raisonnem ent ct non par l ’clTet d’une vision
directe de cet être aim é, in visible et présent à la
fois.
Jusqu’à la m o rt D ieu reste donc caché. Après
la m ort, les voiles sont déchirés = l ’àm c est dé­
livrée du corps où elle était em prisonnée, les
organes de la vio sensible ont disparu, le flam ­
beau du regard est éteint, la nature corporelle
n ’ébranle plus nos yeu x, n i nos oreilles de ses
vibrations, ne nous caresse p lus de sa tiède a lm p -
12 LA PSYCHOLOGIE DU PUIIGATOIUE

sphère,ne nous enivre plus de ses saveurs ou de scs


parfum s. T o u t le m écanism e de la connaissance
sensible est rom pu, les panoram as terrestres sont
disparus. O r, c’était tout cela qui cachait D ieu,
L ’âm e ém ancipée cesse de connaître par les sens,
elle com m ence à voir par ellc-m ônic. L e monde
im m atériel est m is en contact im m édiatem ent
avec elfe et dans cc. m onde elle saisit d’une façon
plus nette ct plus précise la présence de D ieu.
P a r quel procédé P C ’est ici un point de psycho­
logie de l ’au-delà assez difficile à déterm in er.
Après être sortie d ’ici-lias et avant d ’être jugée,
l’âme ne peut jo u ir de l ’in tu ition divine, elle ne
peut yoir D ieu face à face ; elle en est indigne
s’il lui reste des fautes ou des dettes ; elle n ’y est
pas encore appelée si elle est entièrem ent pure,
Cc n ’est donc pas de cette façon que Dieu appa­
raît sur son siège de ju ge.
E t cependant l ’âme sait q u ’il est là : elle a une
vive et to u t ém ue conscience q u ’e lle so trouve
en la présence de son Dieu. Cette conscience est
faite de souvenirs du passé, de constatations dans
le présent et d’action divine.
L'Am e est restée en possession des connais­
sances acquises en cette vie, de ses connaissances
religieuses en p articu lier ; elle n ’a point vu D ieu,
inais elle sait q u ’il est partout, que rien ne lui
échappe et donc q u ’il est là.
À ces souvenirs se jo in t l ’expérience q u ’elle
fait on ce m om ent : la m ort vient de la frapper,
un grand déchirem ent s’est p ro d u it en elle ; te
trépas, com m e un glaive m ystérieux et pénétrant,
s’est glissé dans la soudure qui unissait la chah
A LA BARRE DE D IEU

à l ’esprit, l ’a rom pue, l ’esprit, s’est échappé.


Après avoir senti se briser douloureusem ent les
liens qui l ’attachaient à la m atière, il a éprouvé
q u ’une sève n ou velle, une vie inconnue ju sq u e-
là s’in sin uait en lu i. D e si grands événem ents ne
ne se passent pas dans une destinée sans faire
penser im m édiatem ent à la m ain qui les m ène
ou les p roduit. L e sauvage en présence de la
foudre qui gronde, de l ’océan qui s ’agite, de la
fo rci im pénétrable qui bruisse, des torrents dé­
chaînés qui se précipitent en h u rla n t de rocher
en rocher, im plore in stin ctivem en t l’ E sprit qui
m anie la foudre, soulève Pocéan, parle au fond
de la forêt, fouette la course des torrents. C om ­
m ent l'âm e, m êlée à un cataclysm e autrem en t
grave que tout ce que nous venons de nom m er,
n ’aurait-clle pas le pressentim ent in stin ctif d ’un
Ê tre, de son D ieu qui en a conduit la m arche?
D u reste, le regard de cette âme a pris une singu­
lière acuité. D éjà en ce m onde, bien q u ’ émoussé
par la vie organique, il avait deviné D ieu, l ’avait
déduit de tout ce qüc les sens lu i rapportaient,
avait conclu que tout ce m onde sensible ne p ou­
vait ni avoir com m encé, n i se m ouvoir, n i vivre
sans un créateur. M aintenant que la lum ière est
plus intense, l ’esprit de l ’hom m e se trouve en
face de lui-m êm e, connaît à fond sa n ature que
jusque-là il avait tan t de peine à explorer m êm e
superficiellem ent. Cette im age do D ieu où le
C réateur a m is le reflet de sa yie et' de son in tel­
ligence, le rayonn em en t de son am our, lu i appa­
raît avec la lim p idité du cristal. P ouvon s-nous
dire que celui q u i a su lire le poiq de D jçu suy
1 1% LA PSYCHOLOGIE DU PUEGATOIUE

les m ontagnes,dans les flots,ou au scindes nuage j,


ne saura pas le reconnaître dans le livre autrem en t
éloquent de l ’âme hum aine. D ieu est dans l ’âme
et l ’âm e, en se voyant, y saisit son Créateur.
E t puis peut-être que déjà, en ce prem ier mo­
m ent, le m onde entier des esprits, des anges, des
dém ons m êm e, des autres âmes, des saints lu i
apparaît. Sans partager leur état, ni être en Para­
dis, l'âm e peut les apercevoir peut-être et alors
comment- ne pas lire D ieu dans chacun de ces
esprits, com m ent ne pas le voir dans l ’harm onie
q u i u n it toutes les parties de cette société si
grande,-si parfaite ?
. A tous ces l’ayons qui sillonnent l ’intelligence
et y sèm ent la pensée, j ’allais dire le sens, c’est-
à-d ire le sentim ent d e là présence réelle de D ieu,
ajoutons l ’action m ôm e dé D ieu qui s’exerce.
P a r le m oyen d’une connaissance infuse, dont
nous avo n s-d écrit le m ode au chap. iv de la
Psychologie des Plus, D ieu lu i-m ê m e dépose en
l ’intelligence la constatation, la vue de sa p ré­
sence. Son doigt to u t puissant écrit sur le tableau
de l ’esprit ; il y m arque ces mots : « Je suis là ».
E t l ’âm e enveloppée, pénétrée, inondée de l ’at­
m osphère divine, se livre toute trem blante au
D ieu qui va la ju g e r

V I, — E t le ju gem en t com m ence. C ’est l ’en­


quête qui en in augure la partie active. P o u r les
innocents, pour les saints, elle est un e ju stifica­
tion totale ; pour la p lu p art, elle est une accu­
s a tio n .P a r l ’accusation, dans les tribu n au x h u ­
m ains, le m agistrat in structeu r fait savoir au ju g e
A LA CARRE DE D IEU

la prévention qui pèse sur l ’inculpé et à celu i-ci


les délits ou crim es dont il est soupçonné.
A u tribun al de D ieu , il n ’y a pas besoin d ’un
ju g e d ’instruction, n i d ’une instruction prépara­
toire. Tous nos crim es sont des flagrants délits,
puisque tous sont com m is sous le regard de D ieu
et que tous sont une in ju re à scs droits et à sa
m ajesté. D ie u ,e st in stru it, dans l ’in stant o ù .la
faute est com m ise, ct un acte d ’accusation ne lui
apprendrait rien .
Mais il faut convaincre le coupable, lu i faire
passer sous les yeux scs fautes, lu i faire entendre
scs hontes. Ceci est le propre de l’état nouveau de
l ’àm e, et le rôle de la conscience clle-m cm o. C ’est
l ’hom m e qui s’accuse ct qui sc convainc person­
n ellem en t de m al et d ’ in dign ité, ou d ’innocence
et de m érite.
On com prendra facilem ent la m arche de l'a c ­
cusation, si on veut se rappeler la doctrine chré­
tien ne et psychologique des habitudes et celle de
...la conscience.

V II . — Q u ’cst-ce que les habitudes ? Nous en


avons tous, nous en prenons chaque jo u r dé nou­
velles. Elles sont parfois si invétérées q u ’elles
deviennent tyranniques ct reçoivent le nom de
seconde n ature, c ’e st-à-dire de chose im m uable
et nécessaire.- E lles sont m ultip les, in fin im en t
variées et se rencontrent dans tous nos organes,
m odifient toutes nos facultés, sc m anifestent
dans.”toutes nos activités physiques, intellec­
tuelles ou morales. Ea jeu n e fiile qui s’exerce à
jo u er de la m andoline ou du piano, cherche ^
j 6 ta p s y c o t.o g ie du p u rg a to ih e

acquérir le doigté, c’ est-à-dire une habitude des


doigts à tendre ou à faire vibrer les cordes de la
m andoline, à courir sur le clavier. Le gym naste
acquiert des habitudes de souplesse et de vigueur
dans scs articulations et scs muscles. L e m arin
accoutum é à sonder l ’horizon donne à sa vue une
h abitude qui lu i perm et de voir plus loin et plus
distinctem ent. Le fum eur et le buveur, par l ’usage
ou l'abu s du tabac et de la boisson, p rennent des
habitudes déplorables. Le savant qui s’attache à
u n e étude spéciale et privilégiée acquiert l ’habitude
d ’en saisir plus vite et d ’en résoudre plus prom p­
tem ent les problèm es : le m athém aticien n ’est pas
autre chose q u ’ un hom m e dont l ’esprit a î'h a b i­
tude des m athém atiques ; le saint qui s’adonne
à la p ratiqu e héroïque de la vertu, a donné à
sa volonté des pentes, des inclinations qui sont
des habitudes, L 'h abitu d e est donc p artou t.
On vo it q u ’elle a pour résultat de rendre les
actes suggérés par elle plus faciles, plus com plets
et plus agréables. Q uan d on a l ’habitude de la
vertu, on en produit les actes plus facilem ent,
on y .atteint une perfection p lus haute, on y
goûte un plaisir que d ’autres ignorent.
L ’ habitude s’obtient par la répétition des actes.
{Nous ne parlons pas ici évidem m ent des h a ­
bitudes surnaturelles, qui sont des vertus infuses
et dont l ’origine s’explique différem m ent).
Il est rare que l ’h abitude s’acquicre du pre­
m ier c o u p ; il fau t du temps pour avoir le
doigté q u i fait agir sûrem ent, avec souplesse et
bonheur. Ce sont donc les actes répétés qui en­
gen dren t rh a b ilq d ç,
A LA BARRE DE D IEU I?
V III. — Les Relions de la vie se succèdent
chez nous com m e les vagues se suivent à la sur­
face cîe TOcéan : une action n ’est pas p lu tô t,
com m encée, une vague n ’est pas plutôt gonflée,
q u ’une autre vien t et sem ble, en rem plaçant
la prem ière, la faire disparaître to u t entière, en
effacer étern ellem en t la trace. C ’est vrai, dans
la h au te m er, m ais c’est faux sur la rive, où
chaque vague en se brisant m ord le rocher. Les
vagues pareilles se succèdent rapides, incessantes
sur le m êm e rocher, ct chacune y laisse sa
trace im perceptible, mais ré e lle ; ct au bout
des jours, des années ou m êm e des siècles,
le travail d e - l’eau apparaît, en un e caverne
profonde ou m u g it la m er, ou en ces silhouettes
variées et bizarres que présentent les brisants.
L ’âme est la rive battue par les actions h u ­
m aines : chaque action qui s’exerce à sa surface y
laisse une em preinte : cette action fût-elle un iquo
et passagère,’ l’âme en porte la m arque. E lle subit
surtout l ’im pression des actes répétés, des h a b i- '■
tudes dont la force creuse dans la profondeur do
l'être un sillon nettem ent accusé et durable.
L ’âme créée par D ieu, vierge de toute tache
ct de toute ride, se m odifie ainsi à chaque ins­
tant de son existence. Les opérations heureuses
et fécondes l ’enrichissent, la p erfectionnent ; les
chutes, les m auvaises habitudes la dim in uen t,
et quand elle sort de ce m onde, son être est
chargé de tontes les traces que chacune des ac­
tions successives y a inscrites,

, — U n e des dernières et des plus îolè-?


l8 LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

ressac tes découvertes de la pli y si que nous fera


saisir celte propriété de l'âm e : nous voulons
.parler du léléphonographo ou télégraphonc de
Pou îscn .
« C ’est un téléphone enregistreur de la parole
q u 'il a transm ise. A y c c le téléphone ordinaire,
il faut être à deux pour échanger une com m u ni­
cation, car la conversation suppose u n in te rlo ­
cuteur ct un auditeu r. S i personne n ’a l ’oreille
collée au récepteur pendant que vous form ulez
votre message, celu i-ci est perdu ct vous avez
parlé dans le vide. A vec l’appareil Poulsen, la
parole est recueillie en l ’absence de l ’auditeur
et elle lu i sera redite quand il re n trera... L e té-
lcgraphone sc compose d ’un fil d’acier très fin
q u ’on fait passer devant le polo d’ un électro-ai­
m an t traversé par le courant téléphonique qui
transm et c t m odule la voix ; le cham p de cet
éleclro subit d a m son intensité des variations
concordantes avec l ’intensité du courant faisant
parler le récepteur. 11 en résulte une aim antation
transversale du fil d’acier. Cette aim an tation
est p erm an en to ,. on vertu de la -force coercitive
de l ’acier ct c’est elle qui enregistre la parole. En
cilct, pour lire cette écriture d ’un nouveau genre,
il suffit de recom m encer l ’expérience en con dui­
sant le fil ainsi im pressionné devant les pôles
d'u ne nouvelle bobine d ’électro-aim ant, dans
laqu elle son influence fera naître réciproque­
m en t les mémos courants induits qui avaient
p ro d u it l’aim antation du fil. Ces courants in tro ­
du its'à leur vour dans un récepteur téléphoni­
que: le feront parler et reproduiront le message
A la barre de d ie u *9
reçu dans le prem ier éleclro, La m erveille, c’est
que l ’aim antation transversale de ce fil d’acier
lasse renaître les courants q u i l ’avaient produite
et q u ’elle rep roduit la parole in itia le. » A . W ilz ,
Après l'Exposition, dans « A lm an ach catholique
de France » , -i901. '
V o ilà donc un fil d’ acier q u i s’aim an te au
passage du couran t téléphonique, qui se charge
de tout un discours ct le conserve. C ’est l’ im age
de l ’âme qui, elle aussi, dans le courant d’acti­
vités où la vie l ’a placée, s’est aim antée, a pris
l ’im pression de to u t ce q u ’elle a . vu, pensé,
vo u lu , accom pli, s’est chargée de ce langage des
clioses ct le conserve.

X. — Q uan d le trépas arrive elle redit le dis­


cours de sa vie sans en perdre une syllabe et
cette répétition est son acte d’accusation, ou le
plaidoyer de son in nocence. Supposez que le fil.
d’acier du télégraphone soit in telligen t, q u ’il ait
conscience, que cette conscience soit entière ct
pénètre le m ystère des aim antations successives
qu i sc sont produites en lu i ct y ont inscrit les
paroles reçues. Il ne sera p lus seulem ent une
page d ’écriture, il saura le discours, il le répé­
tera d ’une façon in telligente. L ’ àmc est ce fit
d ’acier conscient et in telligen t. — Ici-bas, parce
q u ’elle est un ie à un corps, q u ’avec lu i elle ne
fait qu ’ un tout substantiel, la m atière pose des
bornes à sa conscience, lu i lim ite les horizons.
L ’intelligence sait bien ce q u ’elle conçoit actuelle­
m ent, fait assez facilem ent renaître les connais­
sances acquises dans le passé, perçoit la vie de la
20 L a l’SYCIIOLOCSlIÜ Jbü PÜUGATOIUË

volonté ct va m êm e ju s q u ’à so renseigner sur


l ’activité des sens, Mais la conscience q u ’elle
prend ainsi de la vie de l ’esprit est lim itée et su­
per licielle. Nous percevons certains actes, non
pas tous les actes p roduits par notre nature
ct le sang coule dans nos veines, un e chim ie
m erveilleuse assim ile et désassim ilc les m até­
ria u x de la com bustion organique sans que
la conscience en ait la m oin dre lu eu r ; de
m êm e par clic nous savons que l ’âm e pense
à ceci ou à cela, veu t ceci ou cela, mais si
nous lu i dem andons quelle est sa nature,
elle reste m uette. II fau drait, pour répondre
à cette question, faire plonger son regard à
des profondeurs qui lu i sont in terdites, L ’àm c
ne sc connaît, donc pas toute, en cette vie,
et le tém oignage de la conscience est incom ­
plet.
Mais quand elle entre dans l’ autre m onde, le
corps l ’a quittée, l ’ennem i de la conscience a
évacué le territoire de la substance de l ’âm e,
celle-ci t®ut im m atérialisée (C f. Psychologie des
lila s , ch. 1) devient lim pide com m e le cristal au
regard de l'in telligen ce. On se connaît alors d ’une
façon totale, on v o i t 'l ’essence de l ’âme et tous
les vestiges accum ulés par les années, les traces
laissées par toutes les actions bonnes ou m au­
vaises apparaissent. Ch acu n peut constater les
ruines q u ’il a entassées en lu i, les réparations
q u ’il a essayées ou accom plies ; chacun , d ’un
seul regard, fait le bilan du son existence.
C ’est donc grâce à la faculté que l ’âm e possède
de sc retourner sur clle-m ém c, de sonder scs re­
A. LA. BAIUUÎ DK D IËU Ht

plis, c'est, d ’autre part, grâce à la lim p id itéa b so -


lu c q u ’elle a acquise par la séparation d ’avec le
corps, q u ’elle peut connaître, q u ’elle connaît par­
faitem ent toute son existence, Sa substance est
un livre où scs actions sont inscrites ; sa con­
science, le regard qui lit ce livre. L iv re de vie,
s’il n ’ y a que des actions bonnes ou suffisam m ent
réparatrices ; acte terrible d’accusation, si ces
actions furen t m auvaises et coupables,

X I. — P o u r que l ’accusation soit com plète,


il ne suffit pas seulem ent de rapporter les faits,
il faut encore les com parer à la loi ; constater
dans le p arallélism e des obligations d ’une part,
des actions de l ’autre, le degré de conform ité ou
d’opposition de celles-ci à celles-là. C ’est encore
l’œ uvre de la conscience. L ’àm c, en se rep lian t
sur ellc-m cm e, ne voit pas seulem ent en elle la
trace de ses opérations, mais elle y découvre
aussi les rayons de lu m ière q u ’y ont m is les e n ­
seignements. religieux. Ces enseignem ents revi­
vent pour elle, elle vo it com bien ils furen t n o m ­
breux et pressants, de quels conseils, de quelles
sollicitations ils furen t appuyés, elle sc souvient
de la façon dont clic les a com pris, -— détail im ­
portant puisque nous som m es jugés par la m i­
séricorde de D ieu non pas sur le code absolu
d'u ne m orale idéale, m ais sur les obligations de
la m orale cliretienne qui nous furen t m anifes­
tées person n ellem en t et puren t être comprises
de nous.
D eux tableaux se présentent au regard de
l ’âme : d’ un côté, celu i de ses opérations libres
22 LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

et m orales, d ’un autre côté, celui des obligations


connues d ’elle ; et de la com paraison de ces ta­
bleaux ja illit pour elle la m anifestation de son
innocence ou de sa culp abilité. L ’accusation est
term inée : elle est faite par un tém oin irrécusa­
ble, par l ’accusé lu i-m ém e.

X II. — Q ue penser après cela de la présence


de l ’ ange gardien et de celle du démon au ju g e ­
m ent de l ’am c ? S o n t-ils là tous les deux, ainsi
qu ’on aim e à les représenter dans la pein ture de
cette scène redoutable? L ’ange gardien est-il
auprès do son pup ille, de son enfant, le défen­
dant, p riant D ieu , p laidant les circonstances
. atténuantes ct l'innocence. Le démon est-il de
l ’aulre^côté, avec sa rage ct sa haine, occupé à
détailler les in dign ités de celui q u i fut sa vic­
tim e et de qui il vou drait faire sa proie éter­
n elle? — • 11 est difficile d ’accepter à la lettre
cette description dram atique, aim ée des orateurs
c t des écrivains ascétiques désireux surtout de
frapper l ’im agination et de donner la crainte
sensible d ’une com parution dont l ’ apparat est
si solennel.
Nous l ’avons dit, D ieu est suffisam m ent in ­
form é, sa ju stice a ses lois, sa m iséricorde a scs
desseins. H n ’a pas besoin de plaidoyers pour
fixer une intelligence obscure ou u n e volonté
hésitante. D ieu est im m uable, il con naît la vé­
rité, ve u t le bien, pèse chacun avec une préci­
sion infinie. S ’il est u tile de faire entendre des
plaidoyers à des ju ges hu m ain s dont l'in fa illi­
bilité ou l ’im pcccabilité n ’est pas* l ’apanage, a u -
A LA BAIUIE DE DIEU

près de D ieu à l'h eu re du ju ge m e n t de [elles in ­


terventions seraient oiseuses.
Ce n ’est pas dans ce sens q u ’ il faudrait en­
tendre une présence ou une in terven tion des
anges bons ou m auvais.
Présents, ils le sont, si l ’on pense q u ’ils étaient
là il n ’y a q u ’ un in stant, en to u ran t.le m alade,
sollicitant le m oribond à un d ern ier acte d ’am o u r
de D ieu ou d ’apostasie. L e u r présence est trop
récente pour ne pas sem bler sc poursuivre en­
core à la m in ute fatale où l ’âm e com parait d e­
van t D ieu. D u reste, leu r pensée est là : ils sont
to u t entiers à cette créature, la désirant, la
gu ettan t, l ’un pour assister triom phalem ent à son
entrée en E n fer, l ’autre pour jo u ir de son salut.
Ils in tervien nen t aussi, non par leu r action
actuelle, m ais par les résultats de leu r influence
passée. L a série des efforts généreux, des vertus
p ratiquées, les sacrifices consom m és, les devoirs-
accom plis, sont l ’œ uvre de Fange gardien q u i
soutenait la volon té, la sollicitait, encourageait
le chrétien. Ces fautes q u ’il faut bien avouer
m aintenant, ces crim es com m is dans l ’om hre, ces
vices caressés, n ou rris, ces obligations foulées
a u x pieds, c’est l ’œ uvre du dém on, de ses sour­
noises insinuations, de ses tenta lions perfides.
In tervention ^réelle et vraim ent efficace qui
perd l ’âm e ou la délivre.

X III, — La cause est entendue, D ieu m ainte­


nan t va prononcer la sentence, ou p lutôt c’est ,
l ’âme elle-m êm e q u i la prononcera et l ’exécutera
d u m êm e coup. A. peine la conscience a-t-elle
LA PSYCIIOI-OCIK DU l'UKOAÏOïlŒ. 2
24 LA p s y c h o l o g i e d u PURGATOIRE

constaté l'état de Pâm e par la com paraison entre


les deux tableaux décrits p lus lraut, q u e D ieu,
au m oyen dé la connaissance infuse, dépose dans
l ’intelligence la form ule d’absolution ou de con­
dam nation. Son doigt, com m e s u r -le s m urs de
la salle du festin de Balthazar, écrit sur la der­
nière page de l'in telligen ce les mots fatidiques.
L ’in telligence sait alors à quoi elle est con­
dam née ou appelée : si c’est l ’ Enfer avec son
éternel désespoir ; si c’est im m édiatem ent le
Ciel avec sa jo ie sans fin ; si c’est le P u rgato ire
avec ses joies ct ses expiations. E t pendant
q u ’elle s’in scrit en l ’esprit, la sentence com ­
m ence déjà de s’exécuter sans in terven tion
étrangère, par la suite toute norm ale de l ’état
m êm e de Pâm e.
Sain t Thom as explique ce phénom ène par
une com paraison q u ’il tire 'du m ouvem en t des
corps dans l ’atm osphère. A bandonnez un corps
à lu i-m ê m e il prendra spontaném ent sa place
dans le système terrestre : s’il est plus lourd que
Pair, il tom bera sur le sol ; s’il est plus léger, il
s’élèvera ju sq u ’à ce q u ’il atteign e des régions
d ’égale d e n sité; s’il est de m ôm e poids, il ne
bougera q u ’au gré clés courants qui agiteraien t
l’atm osphère. P areillem en t .le poids des fautes,
dont l ’hom m e s’est chargé, déterm in e la rou le
que prendra d’cllc-m cm e son âme à Pissue du
ju gem en t. S ’il est couvert de péchés m ortels non
effacés, l ’évolution nécessah'e de ces fautes et de
l ’état q u ’elles ont engendré ,1a jettera au sein
du feu ven geur ; leur présence, de m êm e,
em pêchera l ’irradiation de D ieu en cette créa-
A LA CARRE DE D IEU

turc in dign e, la pureté divine ne pourra pénétrer


en cette volonté m auvaise, en cette in telligence
pervertie, com m e le soleil frappe en vain de ses
rayons les m urs d ’un cachot sans fenêtres ct n’eu
égaie jam ais la froide atm osphère. E t le dam né,
par le fait m ôm e de scs fautes, est privé de
D ieu ct dévoré d ’un feu aussi éternel que ses
crim es.
« Eclairée par le ju g e m e n t de D ieu sur ses m é­
rites et scs dém érites, l ’âm e, d it l ’A n ge de
l'E cole, s’en va com m e d ’ellc-m ôm c au lieu de
son éternité, sem blable à ces corps légers ou pe­
sants qui m ontent ou descendent là où doit so
term iner leur m ouvem en t. l\icn n ’a rrête celle
q u ’écrase le poids du péché fixé par l ’im p én i-
tcncc ; elle tom be lo u rd em en t aux abîm es des
éternelles douleurs. Mais l ’âm e p énitente, à qui
Dieu a m on tré le ciel, et qui se sent attirée vers
le séjour de l ’étern elle félicité, peut n ’être pas
assez pure pour soutenir l ’apparition de celui
qui ne souffre rien de souillé devant sa face. De
là la nécessité d ’un lieu m oyen, o ù la grâce est
obligée d ’attendre la-gloire, ct de con tin uer dans
la d ouleur sa purification que le repentir n ’a pas
eu le temps d ’aclitîver sur la terre. C e lieu m oyen,
l ’Eglise l ’appelle le P u rgato ire G. »
Si l ’hom m e, d ’a utre p art, est m o rt purifié de
toutes scs fautes, il n ’ y a plus en lu i aucun em pê­
chem ent à l ’évolution de la grâce. Celle-ci atteint
alors son plein épanouissem ent et devient la l u ­
m ière de gloire et- cette âme de cristal, fortifiée
par le don de la gloire, présente à l ’action divine
le terra in le m ieux préparé. D ieu en pénètre les
20 LA PSYCHOLOGIE DU PURG A TO IRE

profondeurs de sa divine présence et y porte avec


lu i sa ch aleu r, son am our, sa félicité.
Si, au contraire, il y a encore quelques traces
de fautes vénielles non remises ou de fautes
m ortelles pardonnecs, cet état de l ’âme s’op­
pose à l ’in filtration divine qui envah irait les
facultés et en p rendrait possession pour to u ­
jo u rs. D ieu ne p eut s’em parer de l ’in telligence
p ar le phénom ène de l ’in tu itio n divine (Cf. P sy­
chologie cles élus, ch. vi). U y a un obstacle, un
ricleau. Mais cette âme est bonne, et si la lu ­
m ière éternelle ne l'en vah it p s . ses efforts, jo in ts
aux désirs du cœ ur, a lta q u c.it vigoureusem ent
l ’obstacle, le ten aillent et f souffrir à ce cœ ur
m ille m orts. Joignez à cela b f.*u x’éel et m ysté­
rieux* qui' dévore les restes du péché et vous,
posséderez la clef des tourm ents d u P u rgato ire,
dont nous aurons à p arler.

X IV . — L a sentence q u i envoie le chrétien


aux flam m es du P u rgato ire ne s’exécute pas sans
u n plein assentim ent de la volonté. C e lle volonté
est droite,' elle voit la claire vérité sur son état,
elle ve u t l ’entier accom plissem ent de l ’ordre
prescrit par D ieu . L e Purgatoire"pour elle est dans
Tordre, elle le veu t, elle l’ aim e, elle y y o I c en
m êm e tem ps q u ’ elle y est portée par le propre
poids de ses dettes. « Les âmes qui’ sont dans le
P u rg ato ire , écrit sainte C atherin e de G ènes, aux
prem ières lignés de son p arlait Traité du Purga­
toire (ch. i), ne p eu ven t, selon qu ’il m e sem ble
le com prendre, avoir d ’autre volonté ni d’autre
désir que de rester dans ce lieu de souffrance,
a: l a iu r r r de d ie u 27

parce q u ’elles savent q u ’elles y sont par un ordre


très équitable de la ju stice de D ie u .......
» Im m uablem ent établies dans la charité, et
désormais dans l ’im puissance d ’en dévier par une
im perfection actuelle, elles ne peuvent plus
vou loir n i désirer que le p ur vou loir de la pure
charité. »
CHAPITRE II

LÀ VEE DE l ’ e S P IU T
SO M M A IR E DU C H A P IT R E l ï

(. A u P urgato ire, s'ouvre une vie nouvelle qu i se résum e en


ces trois actes : croire ou savoir, aim er ou vouloir, expie i
ou souffrir. — II, La vie de l ’esprit. Le P u rg ato ire n ’est paf
u ne prison aux . horizons ' bornés. C ’est un é tat d ’âme
p lu té t q u ’un lieu corporel, — 1U. La souffrance y sup­
prim e-t-elle la pensée ? — IV . .Opposition en tre la dou­
le u r e t la pensée. — V . E lle n ’est pas absolue : il y a
des pensées q u i font souffrir, des souffrances q u i foui
penser, — V I. E n P u rg ato ire, la pensée est lillo de là
douleur et la d ouleur fille de la pensée. — V II. La pensée
en P urg ato ire. On se souvient, parce q u ’on a conscience,
parce q u ’on aim e, parce q u ’ôn souffre, -— V III — On
voit au to u r de soi les âmes e t les flammes. — IX . A u -
dessus do soi, les élus. — X, Au-dessous, les dam nés. —
X I, S u r la te rre , les p aren ts et les amis, — X II- X III . La
science en P u rg ato ire. Le m onde des réalités e t celui des
idées. E n P u rg ato ire , on connaît aussi ce d ern ier monde,
on l ’explore scientifiquem ent, mais sans raisonnem ent et
avec une perfection et une étendue plu s g ra n d e s ,— X IV ,
E n P urg ato ire, on se p arle. — XV. E n P u rg ato ire, on
croit. Foi plus intense, m oins étendue. — X V I. Connais­
sances ' m ystiques. — X V II. La Théologie du P u rg ato ire.
C H A P IT R E II

LA V IE D E l/ E S P R I T

■I. — Q uan d l’àn:2 pénèUa dans le Pu rgatoire,


c ’est une autre vie q u i com m ence. Nous ne répé­
terons pas ici ce que nous avons dit ailleurs, des
nouvelles conditions dans lesquelles l ’être h u ­
m ain se trouve. L ’esprit a rom pu ses liens avec
la chair, il s’est ém ancipé : la vie organ ique est
m orlc, l ’activité im m atérielle seule subsiste. Le
temps lui-m êm e a fm i son œ uvre, et les actions
se m esurent désormais sur un autre cadran que
celui que règlen t les révolutions des astres.
La vie du prisonn ier du P u rg ato ire p eut se
résum er on trois grandes fonctions : croire ou
savoir, aim er ou v o u lo ir, expier et souffrir. Croire,
voir, se souvenir, suivre scs pensées, aller dans
la lum ière : c’est la vie de l'esprit ; — - aim er,
désirer, appeler de ses vœ ux, vou loir, avancer
dans l ’a m our : c’est la vie de la volonté ; —
3a LA PSYCHOLOGIE DU PUllGATOIHE

souffrir étrangem ent, dans la souffrance on m orale


qui étreint le cœ ur, ou physique qui ronge les
attaches m auvaises sous l ’action d ’un feu m ysté­
rieu x, expier, apaiser la justice de D ieu ; jo u ir
en souffrant, jo u ir m êm e de souffrir, c’est la vie
de l ’am e, c’est son ascension, son h o n n eu r et son
espoir à la fois.
Suivons le chrétien souffrant dans l ’évolution
de celte triple vie. Aussi bien ne sera-ce pas e x ­
plorer les régions de l ’espérance et nous réserver
de douces consolations ? -

ï î , — Il sem ble que l ’esprit en P u rgato ire soit


m oins libre qu ’en Paradis, aie des horizons plus
bornés, tics vues m oins profondes. D ’abord il est
enferm é dans l’cnceintc de ce lieu de souffrances
et ne peut en sortir. Pu is le feu 1 ce tourm ent
qui enveloppe, étreint, pénètre, n ’onlève-t-il pas
à l ’esprit toute lucidité, toute liberté d ’action ?
Q u ’attendre ici-bas d ’un m alheureux que ' la.
fièvre dévore, que la m aladie lord sous le cingoé­
mon t do son fouet ? D e quelle présence d’esprit
est-il capable ? Q uelles conceptions a - t- il? Sou
in telligence n ’cst-elle pas, sinon éteinte, du
m oins paralysée ? Il ne peut y avoir de vie de
l ’esprit cbez ceux que secoue le paroxysm e de la
douleur.
À ces difficultés nous répondrons q u ’ évidem ­
m ent l ’esprit de l ’hom m e n ’a pas en P u rgato ire
cette pleine lu m ière, ces révélations divines, ces
douces certitudes q u ’il reçoit en Paradis. Cepen­
dant les connaissances q u ’il lui est donné de con­
server ■ou d’acqucrir, sont plus nom breuses,
LA VIK »K l ’ e SPKIT 33

p lus nettes, plus certaines que toutes les sciences


d ’ici-bas. La vie de l ’esprit en P u rgatoire n ’est
pas un rêve, ni une om bre, c’est une réalité très
riebe et très féconde.
Le Pu rgatoire ne doit pas être com paré à nos
prisons m odernes, entourées de grands m urs,
tellem en t fermées au dehors que l ’activité de la
cité n ’y reten tit pas et si bien closes q u ’elles n ’ont
presque plus d e relations avec l ’extérieur. Le
prisonnier y m ène seul sa triste existence, re n -
* contre au travail ou au préau scs com pagnons
de peine ; les destinées de la ville p euven t chan ­
ger sans q u ’il s’en doute et il peut s’écouler un
long temps avant q u ’il on apprenne les effets.
Sans doute le P u rg ato ire n ’est pas exem pt de
toute localisation ; on p eut m ême dire q u ’il en­
chaîne l ’âm e dans u n e certaine m esure. En’ effet,
le Pu rgatoire est un châtim ent qui im plique un
feu très probablem ent m atériel, et toute m atière
est située quelque p art. En outre, l ’âm e est rivée
â c e feu, lu i est un ie par la puissance divine et
ne p eut s’en séparer ju s q u ’à sa purification com ­
plète.
E t cependant elle garde son contact avec le
m onde extérieur. Nous le verrons plus lo in , le
,fcu de la justice divine, to u t en étant un e ter­
rible et m atérielle réalité, possède des propriétés
'différentes de celui qui consum e le bois ou fa il
to u 1er la fonte em brasée. D ’autre part, il appar­
tien t au système de l ’au-delà, c’cst-à-dirc à un
ordre m atériel autre que celui de notre univers
sensible. De mémo que les corps ressuscites, soit
des élus, soit des dam nés, to u t en étant de vrais
34 LA PSYCHOLOGIE DU t’URGATOIHB

corps, revêtiron t cependant des qualités fort dis­


tantes de leurs qualités actuelles, ainsi le feu oui
tourm entera les derniers a des caractères spé­
ciaux. Q ui em pêche dès lors de considérer le feu
du P u rg ato ire com m e un e m atière ayant, à
l ’instar des corps glorifiés, des propriétés appro- '
chantes des propriétés spirituelles ? E t dans l ’afftr-
/m a tive , ce feu n ’aurai t-il pas ainsi que les corps
glorifiés, ainsi que le corps eucharistique du
C h rist, une localisation très différente de celle de
nos corps terrestres?
A joutons à cela q u ’il ne parait n ullem en t in ­
dispensable de réu n ir en un e seule masse ignée
les feux q u i tourm en ten t chaque âm e. Il n ’est
n u lle p art exigé que le feu qui purifie l ’âm e de
P ierre soit en un m ém o endroit avec le feu qui
purifie ■ l ’âme, de P a u l. Ces feux s’attachent à
l ’âm e, l’enserrent dans leur étreinte. Dans ce .
sens l ’âm e est enferm ée dans ce feu, m a is'p o u r­
quoi ne pourrait-elle pas en m êm e tem ps q u ’elie
y est em prisonnée rayonner au dehors, voir au­
tour d ’elle, com m e le rayon de soleil reçu dans
un cristal, incarné en lu i, rayonne ct éclaire au-
. to u r d e lu i. C e fe u , d’autre part, n ’est pas, semble-
t-il, dosa n ature affecte à u n endroit fixe; adhé-'
r c n t a l ’âm c, il peut la suivre, l ’envahissant toute
de sa m ystérieuse ardeur,m ais sc transportant avec
elle, com m e une fonte allum ée au cœ ur qui ré­
pan drait sa lave dans tout l'organism e, circule­
rait à travers les veines et les artères, rayo n n e­
r a i t avec les nerfs et les m uscles, et p artout
dévorerait sa proie.
D ans ces conditions, le P u rgato ire paraîtrait
LA VIE D lî l ’ç SEIUT 35

plus un état q u ’un lieu . Ce serait l ’état des âmes


justes, m ais non entièrem ent pures, la situation
de douleur d’enfants qui ont blessé leur Père et
qui sont privés quelque tem ps.de le voir face à ’
face ; le supplice d’un cœ ur aim ant et que le
souvenir de ses offenses contre le Père aim e dé­
chire de rem ords ; ce serait enfin le châtim ent '
du feu. L ’ âm e traîn erait avec elle son supplice,
com m e l'oiseau atteint d u plom b m eu rtrier le
porte au flanc et s illo n n e l’atm ospbère d eso n vol
douloureux. E lle n ’aurait pas perdu le contact
avec ce m onde pas p lu s q u ’avec le ciel. À la côte
d ’azur, au m ilieu d ’une végétation de fête, au bord
des vagues chantantes, sous les rayons jo ye u x du
soleil, côtoyant l ’ouvrier qui va vigoureux ct sain
h sa besogne, sc m êlant aux h eureux du siècle, on
voit aller le pauvre p oitrinaire, spectre am bulant,
incarnation de la tristesse et foyer d e là fièvre qui
le tue, aussi étranger â la jo ie q u i brille, inonde
to u t autour de lu i que s’il était absent de ces
lieu x. A in si entre celui qui expie en P u rgatoire,
celui qui jo u it au ciel, celui qui lu tte sur la terre
il y- aurait moinsr la distance qui s’étend d ’un
lieu à un autre que celle beaucoup plus grande
q u i sépare le poum on m alade de i ’organism e
l'obuste. ' «

III. — M ais, m e direz-vous, c ’est précisé­


m ent un m alade. Il a beau vivre, se trouver au
m ilieu des élus et des anges, souffrir aux côtés
de ses frères partis com m e lu i de la terre et sou­
m is au m êm e supplice, la douleur lancinante est
sa seule occupation, son u n iqu e pensée ; il n ’a ni
36 LA PSYCHOLOGIE DU PURG A TO IRE

la force de regarder autour de lu i, n i celle de


rentrer en lu i-m è m e ; ne pas penser est le résul­
tat de ses douleurs, ou au m oins le refuge où il
se retire pour y trouver quelque tem péram ent à
ses peines. Traversez un e sa lle 'd ’hôpital, allez au
chevet de cet ouvrier q u ’on vien t d ’apporter à
l ’instant. P ris dans un e m achine im p itoyable, il
s’est vu en un clin d ’œ il un m em bre attiré, broyé,
arraché, les chairs saignent, les lam beaux en
tom bent lam entablem ent, les nerfs se révoltent,
les m uscles se contractent, et secoué par une
h orrible torture, attendant que le m édecin
achève l ’am putation com m encée par la roue
traîtresse,, panse la plaie et endorm e la douleur,
te m alheureux n ’a plus n i raisonnem ent, ni
pensée. 11 hu rle sa souffrance. Ne lu i parlez pas,
ne lu i dem andez pas ce qui se passe autour de lu i,
ne l ’interrogez pas sur autre chose que sur son
m alheu r. Souffrir tue la tête et le cœ ur ; quand
on souffre on ne pense plus, on n ’aim e pas.

IV . — C est, en effet, un problèm e du plus


haut in térêt et d ’une grande portée philoso­
phique et m orale, que celui des rapports de la
dou leu r et de la pensée. Il est vrai que d’ habi­
tude, en ce monde; ces deux choses sont très
opposées, que la souffrance porte de rudes coups
à la vivacité des conceptions, à la puissance des
raisonnem ents. L e génie perd ses ailes dans la
m aladie, l ’esprit y voit son élan brisé, la science
scs progrès com prom is.
La raison en est dans notre n ature organique
« id a n s l ’étroite dépendance qui lie l’intelligence
LA V ÏE DE L ESPHIT *7
et la volonté au fonctionnem ent norm al de la
sensibilité. Mens sana in corpore sano, la santé
p hysique est un adjuvant de la santé in tellec­
tu elle ct m orale. L ’intelligence, pour prendre
son essor, s’élancer à la découverte dans les
régions inexplorées de la conscience psycholo­
gique ou de la n ature, a besoin d ’étre précédée,
secourue par les facultés sensibles. E t celles-ci
n ’ai:lent l ’esprit q u ’à la condition de se bien
porter. U n trouble dans la vie organique, en en­
rayan t l'activité sensitive, reten tit donc nécessai­
rem ent dans la vie de la pensée.

V. — E t cependant m êm e ici-bas toutes les


douleurs n ’éteignent pas le flam beau du raison--
ncm ent : i l en est de nerveuses, de moins orga­
niques, dont LofTet est de surexciter la sensibilité,
d ’exaspérer les sens, de déchaîner l ’im agination
ct alors l ’esprit à son tour est ém u ; loin d ’être
assoupi com m e dans les lésions organiques, il est
ten u en éveil, secoué, fouetté dans un e course
folle par les sens ; la douleur de ceu x-ci engendre
la pensée, l ’aiguise ct lu i com m unique ses tor­
tures.
D ’autres fois c ’est la pensée qui engendre la
douleur. La réflexion n ’est pas un spectacle étran ­
ger q u i se déroule, froid, sous nos yeu x in diffé­
rents : elle fait partie de nous-m êm es, elle nous
in téresse; souvent elle nous charm e de scs dé­
couvertes ou d o ses souvenirs m ais, en retour,
parfois, sur nous, sur ■ ce qui nous entoure, sur
les êtres dont l ’existence est un ie à la tram e de
notre propre destinée, sur les événem ents au
LA PSYCHOLOGIE DU rURGA'VOJUE

milieu- desquels nous m archons, dont nous


som m es les acteurs ou les victim es, elle nous
révèle de si tristes choses, q u ’u n ‘ som bre décou­
ragem ent descend sur notre esprit, sur notre
cœ ur e't le jette en un deuil im m ense, dou lo u ­
reux, n avrant.
Q ui n ’a connu les peines m orales dont la
source est dans le souvenir ou dans l ’expérience
quotidien n e, c’cst-à-dirc dans la pensée ? Peines
m orales d’ une M adeleine à qui les infinies virgi­
nités de l ’am our de D ieu sont apparues : son
cœ ur s’est épris d ’une passion surhum aine et
surnaturelle pour cet idéal de chasteté, m ais son
regard, sc rep lian t sur elle-m êm e, lu i découvre
en face de ces puretés célestes, les im m oralités
de sa vie, les hontes de ses jo u rs et d e scs n u its,
les turpitudes de ses désirs et de ses actes ; et la
com paraison ‘ entre ce q u ’elle fut jadis et ce
q u ’e lle v o u d ra ît être m aintenant la jette dans un
supplice fait de rem ords, d ’h u m iliatio n , de m é­
pris de soi, d ’élans paralysés ct voulus quand
m ôm e : supplice in exprim able, œ uvre de ré h a b i­
litation et principe de sainteté.
Peines m orales encore d ’une M onique, éprise
d ’un e in dicible am bition d ’clcvaü on m orale, de
noblesse, de vérité et de vertu pour son fils. E lle
a rêvé pour lu i une âme pétrie d ’héroïsm e
chrétien, une in telligence solidem ent assise aux
som m ets d e là foi et d om in an t d ’u n ferm e regard
les horizons de la doctrine religieuse, un e volonté
in ébran lablem en t attachée au d e vo ir,un cœ ur voué
aux grandes causes du bien et de l ’apostolat, et
chaque jo u r elle le vo it s’égarer davantage, gas--
I,A V IE DE L ESPRIT 39
p iller les trésors d’une riche nature ct d ’une ten­
dresse suave, applaudir à l ’e rreu r, sourire aux
vices,obéir aux sens. L ’opposition entre ce q u ’elle
désire ct ce q u ’elle constate lui déchire l ’âm e, elle
en m eu rt à p etit feu ju s q u ’à ce que D ie u , exauçant
la prière de ses sacrifices et de ses m érites, fasse
de son rêve une sublim e réalité don t, après
quinze siècles, -l'Eglise est'encore hère.
Les rapports que la pensée soutien t avec la
douleur sont donc très divers : tantôt la douleur
supprim e la pensée, tantôt elle l'engen dre ct la
n ou rrit, tantôt elle n aît d ’elle,

V I. O r, de ces trois faits, le prem ier ne se


rencontre pas en P u rgato ire, les deux autres eu
expliquent les pensées. Dans ce séjour l’esprit
garde toute sa lucidité ; la pensée y est fille de
la douleur, la douleur y est fille de la pensée.
Q u ’en P u rgato ire les souffrances ne portent
aucune atteinte à la peine, la chose p araît évi­
dente quanti on songe q u ’alors Pâm e est séparée
du corps, ses facultés organiques ont disparu,
les organes ne sont, plus, ils ne p euven t p lu s s u ­
bir aucune lésion ct par là entraver l ’activité in ­
tellectuelle. L ’esprit est .affran ch i-d e sa dépen­
dance à l ’égard des sens, il n ’a plus besoin d ’eux
pour voir, et les troubles organiques d ’en bas ne
peuvent réagir sur lu i, puisque aussi bien
l ’accord entre l ’esprit ct le corps est rom pu et
que les m aladies ont fini leu r temps.
D ’autre p art, la pensée, débarrassée de scs e n ­
traves, ne s’endort poin t. E lle va, court les sen­
tiers du passé, les visite tous, y retrouve le
LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE- 3
4O LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

souvenir des chutes qui m arquen t presque


chaque pas, voit les offenses de D ieu s ’accum uler,
devenir m ontagne, l ’àm c écrasée sous ce poids,
paralysée dans scs desseins surnaturels, couverte
de ces souillures que la m o rt n ’a pas effacées et
qu e le feu doit dévorer les unes après les autres.
E t ce regard de la pensée est triste, il est dou­
lo u reu x , il p roduit au fond de la conscience la
plus grande peine qui se puisse im agin er. Car à
présent on voit ce q u ’est D ieu , sa grande bonté,
l ’idéal m erveilleux q u ’il avait proposé à sa créa­
tu re ct q u ’il avait m is au b out de la route du bien,
si clic avait voulu la suivre en to u t ; on voit com ­
bien la perfection est belle, com bien elle est douce.
A u spectacle des stérilités de sa vie, des faux
pas m utipliés com m e à plaisir, des fautes com ­
mises là où la vertu aurait dû resplendir, le cap­
tif du P u rgato ire conçoit un rem ords im m ense,
profond com m e les eaux do la iner, rem ords
m êlé d ’espérance et de d ileclio n , et grandi m êm e
de toutes les intensités de cet am our. Car on sc
repent alors parce que l ’on aim e. La pensée en
P u rgato ire enfante donc la d ouleur c l chaque
regard donné aux fautes du passé est un glaive
q u i perce le cœ ur.
La douleur a surtout donné naissance à la
pensée. Si l’on songe q u ’au P u rgato ire Pâm e est
plongée dans un feu m ystérieu x, qui la saisit,
P étrcin t dans les flam m es, s’insinue dans scs fa­
cultés et ju s q u 'a u plus in tim e de sa substance,
s’ attache à elle com m e le vautour au flanc de
Prom élh ée, que ce supplice est le châtim ent des
fautes passées et l ’in strum en t de la purification
LA V IE DE i/ e SPR IT

de l'âm e, on com prendra que celle-ci est encore


pressée, par son supplice m êm e, à songer au D ieu
ju ste dont la pureté exige que tout esprit soit
sans tache pour entrer en sa divine présence.
E lle regarde encore avec plus d’acuité les fautes
qui servent d ’alim en t à ce feu, les souillures
q u ’il lèche de scs flam m es, qu ’ il efface lente­
m ent, si len tem en t, de son action bénie et
cruelle à la fois : et les ardeurs d u feu éclairent
l ’esprit sur les im puretés de la vie; et les v ir g i­
nités célestes

V U . — La pensée existe donc en P u rgatoire.


1/in lcilig cn ce y est un cham p ouvert à l ’activité
du savoir, des moissons considérables de connais­
sance y m ûrissent. On y recueille d ’abord les
moissons du souvenir. E n effet, ainsi que nous
l ’avons dém ontré ailleurs pour les élus, en P u r ­
gatoire on se.souvient. P ourquoi du reste ne se
souviendrait-on pas ? L ’âme a em porté avec elle,
en elle-m êm e, les traces de sa vie ici-bas. Chaque
jo u r s’est in scrit en caractères ineffaçables, com m e
sur un im m ortel vélin, sur les feuillets clc la
conscience 2, Chaque pensée, chaque volonté,
toutes les paroles, toutes les actions vivent en la
m ém oire : l ’âm e devrait se séparer d ’elle-m ôm c,
perdre sa substance, s’ il lu i fa lla it anéantir les
restes de sa prem ière vie. O r, com m e ces pensées
avaient un objet, com m e ces actions avaient des
tém oins qui les voyaien t, des conseillers qui les
suggéraient, des victim es qui les subissaient ou
des bénéficiaires q u i en jouissaient, leu r souve­
n ir rappelle toutes les personnes qui y ont eu
da La p s y c h o l o g ie dû îm r iG A T o m iî

une part quelle q u ’elle soit, et parm i ces p er­


sonnes, les parents, les am is q u i ont été les
causes ou les occasions de la p lu p art de nos
actes. L ’âme dans l ’autre vie em porte donc avec
elle les rém iniscences de ce m onde.
E lle em porte p articulièrem ent la m ém oire de
ceux q u ’ elle a aimés. Nous venons d ’en trouver
une raison dans ce fait que ceux-là ont collaboré
p lus que tous les autres aux événem ents inscrits
dans la conscience. U n e considération, d ’ un ordre
différent, va nous a m èn era un e pareille conclu­
sion. Il y a une affinité très étroite entre l ’am our
et la m ém oire. Q uand on aim e, on sc rappelle
bien vivem ent les m oindres faits qui sont de la
sphère de l ’aETcction. Q u 'u n e parole flatte voire
am our-propre, encourage votre am bition, vous ne
l ’oublierez pas. Q u ’une personne vous donne une
m arque de dévouem ent, q u 'elle fasse d u bien
à une personne aimée de vous, vous en garderez
longtem ps, peut-être toujours la m ém oire. T out
ce q u j réjouit, ct aussi to u t ce qui froisse l'a ­
m our que nous nous portons à nous-m em es ou
à un autre n ous-m êm es, to u t cela s’écrit clai­
rem en t et en lettres im m ortelles au livre du
souven ir. A u contraire, rien ne s’efface com m e
les choses indifférentes, m êm e quand elles ont
un e réelle im portance. Com m e elles n ’in téres­
saient pas le cœ ur, on les a vues, on s’en sou­
vien t pendant-quelqucs jo u rs ct bientôt le temps
fu g itif les em porte sur son aile rapide. Sans
doute le cœuv et le souvenir sont deux facultés
diverses, m ais on peut se convaincre que le
cœ ur est le ciseau q u i grave sur le m arbre
LA V IE DE l/E S P R lT

do la .m ém oire les événem ents de l ’existence.


Nous le verrons plus doin , les captifs du P u r ­
gatoire con tin uent à aim er. Los souvenirs, soi­
gneusem ent conservés par leur affection, survi ven t
à la m ort et leu r parlen t sans cesse de ceux q u ’ils
ont laissés ici-bas ct dont ils sc savent pleures.
11 n ’est pas ju s q u ’au feu du Pu rgatoire et aux
châtim ents de la divine Justice qui ne deviennent
des in strum ents du souvenir. Si le prisonnier
clans son cachot, sent chaque jo u r, à m esure que
sa peine lu i est plus présente ct plus dure, s’ai-
gu iscr davantage la conscience de sa faute ; s’il
en vo it de plus en plus clairem ent les circons­
tances et les plus m enus détails ; pareillem ent le
captif des flam m es vengeresses de la divine bonté
est. ram ené sans cesse, par l ’ardeur m êm e de son
supplice, aux fautes q u ’il a commises ct q u 'il
expie, aux personnes q u ’il a eues pour complices
ou dont il a m éconnu la vertu.
L a conscience, le cœ ur, le feu concourent
donc à m ain ten ir très présents è l ’esprit tous
ceux q u ’on a connus ct aimés.

V III. — M ais, si nous en croyons les principes


de saint T hom as développés dans la Psychologie
des E lu s, l ’intelligence n ’a urait pas que le regard
rétrospectif sur la vie de la terre et sur le passé ;
elle aurait l ’oeil très ouvert ct très clairvoyant
sur la n ou velle vie, provisoire heureusem ent,
q u i s'ouvre devant elle. E lle en verrait les con­
ditions ; par le regard interne, elle en percevrait
la douleur, elle serait fascinée par Thorreur du.
feu ; en mémo tem ps, soit par une vue directe,
£oit par le m écanism e dç la connaissance infuse
LA. PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

expliqué par nous ailleurs, elle verrait les âmes


soumises com m e elle à l'épreu ve du t'eu. E lle
assiste, croyons-nous, â ce spectacle horrible' et
grandiose à la fois d 'u n in cen die d ’âmes, où
celles-ci, com m e un am iante im m o rtel, se con­
sum ent ct sc purifient. Les flam m es les en ­
touren t, p artout ce sont dosâm es en com bustion,
c’est une incinération m ystérieuse de fautes déjà
pardonnées et, en m êm e temps, un e efflorescence
de grâces. T o u t autour une atm osphère de gloire
enveloppe cet im m ense brasier et en ra v it
les victim es à m esure que l ’œ uvre de ju stifica ­
tion s’accom plit. E t de toutes parts, dans toutes
scs profondeurs, le pétillem en t de la flam m e rend
une harm onie indicible ct des âmes s’exhale tui
chant d ’am our.

IX . — Spectacle d ’une sublim e h orreur ct


d ’une épouvantable beauté, et le regard des âmes
souffrantes ne s’y arrête sans doute pas. Il a des
horizons plus étendus, traversant la m er des
flam m es, il va par en haut ju sq u 'a u ciel em pyréc
ct y voit les saints. Il n ’y saisit pas D ieu à la m a­
nière dont ceux-ci le voient ct le possèdent, mais
les habitants du Paradis lu i apparaissent dans la
pureté de leu r être im m atériel, dans le rayo n ­
nem ent de leu r glo ire. Les anges, les saints fo r ­
m ent un peuple dont la vu e réjo u it l ’âme du
P u rg ato ire et lu i apporte la consolation et l'es­
pérance. Ils vien n en t m êm e visiter cette âme et
traversent, im p un ém en t le brasier ven geur. La
flam m e, ne trouvant aucun alim en t chez eux, les
enveloppe sans les a tte in d re 3, Nous n ’avons pas
LA V IE DE l/ lïS l'R I T

de dém onstrations nouvelles à apporter pour


prouver celte clairvoyance des aines et. ju stifier
notre affirm ation. Elles voient les élus, les es­
prits célestes, parce q u ’esprits elles-m êm es elles
o n t pris une n ou velle m anière clc conr.-aissancc
en recevant une m anière d ’être im m atérielle et
une vie sans organes; Nous ne com prendrions
pas que leu r regard fut lim ité au spectacle du
P u rg ato ire, ni surtout enferm é dans la sim ple
vue de leur personne.
Les conditions im m atérielles de leur être leur
donnent la possibilité de voir, de saisir tout le
m onde im m atériel. La vision in tu itive de Dieu,
l'éservéc aux esprits' élevés par la lum ière de
gloire et totalem ent purs leu r est seule in ter­
dite. En' P u rg ato ire, on a la m êm e faculté d’in ­
telligence naturelle' q u ’en Paradis. E lle a moins
d’acüité et d é p o rté e , m ais elle perm et de voit
les esprits et de converser avec eux.
P eut-être p vélen d ra-t-o n que le feu physique
qui étrein t les êm es, s’il ne supprim e pas la
pensée par les souffrances q u ’il cause, en d im i­
nue au m oins la portée par sa présence. Réalité
étrangère à l ’è m e, il en pénètre la substance, en
altère les facultés, dim in ue la puissance de celles-
ci ,et ne leur perm et pas de prétendre à la perfection
q u ’elles sauraient atteindre si elles étaient libres
de tout alliage. — L ’objection serait vraie si le
feu était un i substantiellem ent à l ’âm e à la fa­
çon du corps et’ ne form ait q u ’ une n ature avec
elle. L ’activité étant toujours proportionnée à la
co n d itio n 'd e l’être.d u q u el elle ja illit,-to u te m o ­
dification dans une n ature amène, une m odifica-
/i6 LA. PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

tion dans les forces dont elle est le principe.


C ’est ainsi que le corps, jo in t à Pâm e en une
substance organique, impose une activité m a té ­
rielle et lie les facultés im m atérielles de l ’in te lli­
gence et du vou loir au fonctionnem ent des p u is ­
sances sensibles. Mais le feu to u t en touchant
l ’âm e, en reste distinct, loin de lui être attaché
en l funité d’ une seule nature, il garde son es­
sence, elle garde, sa su bstan ce; ce sont deux
êtres différents et l ’âm e, en la perm anence de
son im m atérialité, peut exercer toutes les a cti­
vités des forces im m atérielles. L e feu ne chan­
geant rien h sa n ature ne m odifie donc pas pro­
fondém ent l ’essor de son in telligen ce ot do sa
volon té. A u contraire, si quelque chose paraly­
sait l'essor de l ’âm e, ce seraient les restes de ses
fautes qui em pêchent la pleine efflorescence de
la grâce et le feu qui les d étru it travaille ainsi à
ém anciper l ’esprit et a gran d ir au m oins ses fa­
cultés surnaturelles de connaissance et d’ am our.
D u reste, le fou est le tourm en t des démons de.
l ’Enfer com m e il est celui des victim es du P u rg a ­
toire : il s’acharne sur eux et s’il avait une puis- '
sauce psychologique capable d ’entraver l ’activité
de l ’intelligence, il l ’exercerait là surtout. O r, les
dopions connaissent les anges, les âmes séparées,
les événem ents de ce m onde. R ien donc n ’em ­
pêche celui qui souffre au P u rgatoire de porter
son regard sur le m onde im m atériel to u t entier,
de voir les élus et les anges du ciel, la nature'
h u m ain e du Christ.

X . — K ien ne les empêche non p lus de pion-


LA. V IE DE L ’ESPRIT 4/
g Pi* d ’u n œil épouvanté dans les profondeurs
éternellem ent ténébreuses ct désespérées de
l'E n fer. Les damnés et les dénions sont des subs­
tances im m atérielles, in telligibles par conséquent
pour toute intelligence im m atérielle. T o u t esprit
peut les voir, les reconnaître, ils sont à jam ais,
dans la bonté de leur supplice, en spectacle au
Purgatoire et au ciel. L ’àm c souffrante considère
l'âm e dam née, et com parant les deux supplices,
puise dans cette com paraison un sentim ent de
sécurité pour elle-m êm e, de reconnaissance en­
vers D ieu , d ’borreur plus grande du péché qui a
allu m é et entretient les deux brasiers de la Jus­
tice divine,

X L — L ’œil de Pâm e a d ’autres horizons en­


core. Il porte ju sq u e sur la terre. Dans les
llatnmes ou dans ïes rayons, en Purgatoire ou au
ciel, l ’âm e possède la m êm e nature : elle sou­
tient avec la terre les mêm es rapports do con­
naissance, ct si les événem ents de cette vie sont
visibles pour les élus du ciel, ils le sont égale­
m ent pour les élus du P u rgatoire. Ceux que nous
avons perdus et que nous pleurons ne nous ont
donc pas vraim en t quittés : êtres im m atériels,
la question de lieu ct de distance ne se pose pas
p our eux, ils sont près de nous ; êtres clair­
voyants, la question de voile et d ’ignorance ne
se pose pas davantage, ils nous connaissent, nous
suivent et, dans la délicatesse d ’tm am our qui
s'épure sans cesse, dans l ’attention d’un regard
Cjui s’aiguisc à chaque heure, ils nous envelop­
pen t de leu r sollicitude et de leur affection.
43 LA PSYCHOLOGIE OU PURGATOIRE

Com bien ils voudraient faire passer en nous


l'ardeur q u i les dévore, la charité qui les tran s­
porte, l'assurance du salu t qui les réjo u it !

X II. — En P u rgatoire on sc souvient, O n voit.


J'ajoute q u ’on y réfléchit et q u ’ainsi on y vit
dans le m onde des idées aussi bien que dans
celui des réalités. Ce sont, en effet, deux mondes
différents ct qui réservent tous deux de grandes
satisfactions à l ’esprit épris de vérités. P ar la vie
quotidienne, par l’activité des sens, nous sofn-
mes en contact perpétuel avec les réalités exté­
rieures, nous adm irons les m ille nuances que la
lum ière sème avec un génie d’artiste et un e pro­
fusion de prodigue sur toutes choses, nous écou­
tons les indéfinissables harm onies que les créa­
tures répandent de par le m onde en m êlant leurs
activités, nous touchons,, nous utilisons, nous
observons, nous expérim entons, ct notre vie se
déroule au m ilieu d ’existences étrangères. A insi
par le souvenir de ces choses com m e par la vue de
l ’esprit, l ’âm e du Pu rgatoire est en rapport inces­
sant avec les existences disparues et avec les na ­
tures nouvelles qui l ’e n to u ren t ct constituent le
m onde auquel elle appartiendra désormais.
O r, quand, ici-bas, mes sens m ’ont révélé des
êtres, m ’ont appris certains faits réels et enseigné
leur enchaînem ent, mon esprit in tervien t pour en
dégager des idées abstraites, des lois générales,
des théories scientifiques : m onde idéal qui n ’a ni
chairs, ni m uscles et dont la fortune ne se dé­
roule qu e sur le théâtre de mon esprit* Sans
doute ces idées sont tirées dos faits réels et en
LA V IE DE i/ e SPIUT

sont l ’expression, mais elles appartiennent, dans


leu r vérité, à l'in telligen ce seule ct n ’ont de réalité
subjective que par elle et en elle. Ce m onde des idées
donne de hautes satisfactions au philosophe qui,
par lu i, voit la synthèse du m onde, les principes
directeurs de la vie, la destinée des êtres, la lin
de toutes choses ; au savant qui arrive ainsi à
connaître le pourquoi des natures q u ’il explore,
la loi des phénom ènes q u ’il étudie et q u ’il essaye
do diriger. O r, le m onde des idées est accessible
aussi à l ’Ame du P u rgato ire, La science, -une
haute philosophie, une théologie toute consolante
se développent en elle, lu i offrent des idées a u ­
trem ent certaines ct autrem en t élevées que
toutes les sciences d ’ici-bas, lu i révèlent la raison
des êtres ct des faits auxquels elle assiste, lui
m on tren t l'ench aîn em en t providentiel m is par
D ieu dans le déroulem ent de l ’histoire du monde
ct l ’élèvcnt au-dessus de la sim ple constatation
des événem ents dont elle est le tém oin ou l ’objet
en lu i don nant la raison suprêm e, et Pcx pli ca­
tion de toutes ces choses.
C ’est donc plus qu ’ une vue directe de l’ univers
im m atériel et du m onde terrestre que possède
alors l ’esprit, c’est un e science supérieure. E lle
dépasse la nôtre en étendue et en profon­
deur, p u isqu ’elle possède la raison dos lois du
m onde m atériel et des conditions du m onde
invisible, mais elle l ’em porte encore par la m é­
thode.

X III. — Ici-bas nous arrivons à la vérité


Scientifique par de nom breuses opérations que
5o LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

les logiciens appellent des déductions et des in ­


ductions : il faut explorer les faits, les analyser,
les reproduire quand ils sont entre nos m ains, les
com parer, en tirer des généralisations, et ce n ’est
q u ’à la suite do longs et laborieux raisonnem ents
que nous obtenons la certitude 11 nous faut en­
lever feu illet par feu illet l ’ccorce des choses pour
en pénétrer le m ystère et leur arracher leurs se­
crets, D ans l ’autre vie, l ’àm c ne raisonne plus,
elle arrive im m édiatem ent au termo clicrcho par
le raisonnem ent, elle brû le les étapes, et, d ’un
bond, elle atteint le bu t : les conclusions lu i ap­
paraissent dans les principes, la nature des
choses, les lois des faits se m anifestent sans ro-
cherche, le m onde devient de cristal et se m ontre
à l ’intelligence. Certes, tout n ’est pas encore
connu et l’évidence n ’est pas entière, ni la certi­
tude absolue pour toutes choses, m ais les exi­
gences du raisonnem ent sont supprim ées et
l ’àm e voit d’un seul coup d ’œil l ’enchaînem ent
des idées, com m e d ’un regard et sans dém onstra­
tions elle découvre les substances im m atérielles.
C 'est u n e science très riche, et spontanée ;
c’est une étendue im m ense de savoir. En P u rg a ­
toire, si nous tirons des principes précédents les
conclusions probables q u ’ils contiennent, l ’àm e
sait les sciences que nous bégayons ici-bas, la
m écanique dont nous cherchons encore les der­
nières lois, la physique, la chim ie de ce m onde
dont les phénom ènes no nous sont pas tous
connus, la biologie q u i renferm e tan t de m ys­
tères, les m erveilles de la nature hu m ain e, les
forces qui m ènent les astres, À ces sciences fer-
lA V IE DIS L* ESPRIT 5i

rostres joignons la science des lois q u i m ènent


l ’autre vie, q u i allu m en t ct entretiennent le feu
p urificateur, qui président à l ’évolution de l ’âme
dans la lum ière et dans l ’a m o u r.■ ■

X IV . — E t nous n ’avons pas encore détaillé


toutes les richesses vraisem blables du savoir. En
.Purgatoire, l ’âm e n ’est pas isolée : si elle voit au
dehors d ’elle, si clic sait, elle entend aussi ; il y
a un langage d'âm e à âme, d ’âme à ange et
d ’ange à âm e. Les âmes sc p arlen t, les anges
leur p arlen t, elles p arlen t aux Anges. 11 so fait
aipsi des entretiens où un esprit com m unique,
suivan t sa lib re décision, à un autre esprit les se­
crets dont il est le possesseur, les élans qui l ’an i­
m ent, les vues qui l'en flam m en t. L ’ange gardien
dit à l ’âme scs efforts d’autrefois, scs espoirs
d ’a u jo u rd ’hui ; l ’âme sœur d it ce q u ’e ltèa vu , ce
q u ’elle sait ct com m u nique la douceur de ses
souvenirs et la certitude de son attente . 4

X V . — V o ir, savoir, entendre, ce sont les


activités naturelles de l ’intelligence en P u rg a ­
toire. 11 y en a d’ autres, car on y croit. L a foi
n ’a pas encore disparu, elle ne s’est pas tra n s­
form ée en la vision de la glo ire : D ie u ne se
m o n tran t pas en face à face, on l ’adm et sur le
tém oignage entendu ici-bas ct gardé par le sou-
enir. On croit en D ieu , la sainte T rin ité, la
ace, le salut éternel. L a foi gran d it en certi­
tude et on intensité : elle ne peut p lus avoir ni
défaillances, n i doutes ; clic n ’a plus à discourir
pour éclairer ses dogm es, et faire une synthèse
5a LA. PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

scientifique de toutes ses données. T o u t apparaît


avec les om bres inséparables de la foi, en un e n ­
semble harm onieux ; ct la théologie d u 'P u rga lo irc
est devenue com m e les autres sciences, non plus
une série de raisonnem ents laborieux, m ais une
belle vue d ’ensem ble m erveilleusem ent ordonnée.
L ’esprit n ’a plus de doute, la volonté, qui a sa
p art dans la foi, n 'a plus d ’hésitation, elle a, au
contraire, des élans inconnus ju sq u e-là, et c’est
avec une assurance parfaite q u ’elle dit : je crois.
Cependant, si la foi gran d it en intensité, elle
dim in ue en étendue. Les voiles sont tombés qui
recouvraient certains m ystères : et l ’assentim ent
de croyance q u ’elle don nait ici-bas s’est tran s­
form e en une constatation d ’expérience ; elle
croyait à l ’autre vie, elle la possède ; elle croyait
à l'im m o rtalité de F furie, elle en a m aintenant
la preuve personnelle ■elle croyait aux anges,
clic s’entretien t avec- et toutes les réalités
qui lu i sont apparucô et q u i ne lu i étaient avant
la m o rt attestées que par les dogm es, sont au­
tant de points qui sont m ontés e iï lum ière ct
qui sont passés des ténèbres de la croyance au
grand jo u r de la m anifestation. Mais tout n ’est
pas app aru: la substance divine, la très adorable
T rin ité, les vérités qui apparaissent avec clic aux
y eu x des bien heureux, des élus, sc cachent
encore, et l ’esprit con tin ue à les adm ettre sur
le tém oignage de la révélation en attendan t
q u ’ il les possède pour toujours,

X V I. — L a m e , du reste, est en roule vers cette


possession. E lle est sans doute élevée par l ’action
LA VIE DE L 'E S P R IT 53

divine à celle grâce d’union m ystique où la pré­


sence de D ieu se fait sentir expérim entalem ent,
où le Seign eur n ’apparait pas encore dans la
pleine lum ière, où cependant l ’âme en éprouve
des touches certaines et délicieuses.
Q ue l ’àm c puisse être et souvent soit en P u r
ga lo irc adm ise à la faveur de l ’un ion m ystique,
la chose nous p araît sinon certaine, d u m oins
très fondée. Les restes de péchés qui sont en
cette âme ne sauraient être un obstacle à cette
union : ils em pêchent l ’union in tu itiv e du Pa­
radis, m ais l ’union m ystiqu e p eut être donnée
à une âme qui a encore des dettes envers la justice
divine, surtout si elle n ’a plus d ’attaches pour
la créature. C ’est un e doctrine adm ise en théo­
logie m ystique que les grâces de quiétu de aident
l ’hom m e à se dépouiller de ses im perfections et
par conséquent supposent souvent q u ’elles n ’ont
pas totalem en t disparu. D ’autre part, l ’àm c en
Pu rgatoire est arrivée à la perfection de la charité,
elle est confirm ée en grâce et ne p eut p lus pé­
cher : a utan t de dispositions qui, certes, ne pro­
duisent pas par elles-m êm es, m ais ren den t pos­
sible l ’union m ystiqu e.
O r, dans cette un ion m ystique, suivant le té­
m oignage de R ich ard de S ain t-V icto r, De gradi­
bus violentæ charilatis, odit. M igne, col.. 1218,
le Seigneur ,« fait tellem en t sentir sa présence,
q u ’il ne m ontre poin t son visage. Il répand an
dedans sa douceur, m ais il ne m anifeste point
sa beauté. 11 y répand sa suavité, m ais il n ’y
m ontre p o in t sa clarté. On sent donc sa douceur,
m ais on no voit point scs charm es, Il est encore
5 /| ’ LA PSYCHOLOGIE DU PURG A TO IRE

environné de nu tiges ct d’obscurité ; son trône


est encore dans une colonne de nuée. À la vérité,
ce que l ’on sent est extrêm em ent doux et plein
de caresses, m ais ce que l’on voit est to u t dans
l'obscurité : car il ne p araît pas encore dans la
lu m ière. E t q u o iq u ’il paraisse dans le feu, c/est*
un feu qui cbaufl'c p lutôt q u ’il n ’éclairc. Il e n ­
flam m e bien la volonté, m ais il n ’illu m in e pas
l ’entendem ent ; l ’âm e donc en ce L é la t peut bien
sentir son b ien -aim é, m ais, com m e il a été dit,
il ne lu i est pas permis de le voir ; ou si elle le
voit, elle le voit comme dans la n u it, elle le voit
com m e derrière un nuage ; enfin elle le voit
com m e dans un m iroir, en un e énigm e c t non
pas face à face ; d ’où vien t q u ’e lle d it : faîtes re­
lu ire sur votre serviteur la lu m ière de votre v i­
sage. » »

X V II. — T el est le bilan, som m aire de la théo­


logie du P u rgato ire. C ette théologie con tient des
connaissances naturelles acquises de D ieu et des
choses d iv in es: les l'aisonncm ents d’ici-bas qui
ont conduit à l ’affirm ation de D ieu , de sa vérité,
de sa véracité et m ené l’âme ju s q u ’au seuil de la
foi, ont accum ulé dans l ’esprit une som m e d ’idées
q u ’il a gardées dans l ’au-delà. L e cours n atu rel
de l ’intelligence en P u rg ato ire, les choses qui
lu i sont apparues, lu i o n t prouvé d’ une façon
plus nette encore l ’existence et la Providence de
D ieu , la réalité de la vie im m ortelle. Cette théo­
logie contient en outre des connaissances surna­
turelles, vérités révélées, admises par la foi ic i-
bas, affirm ées plus nettem ent et sans aucune
LA. V I E D lî l ’ e s i >JUT

défaillance en P u rgato ire. E n fin , aux vues na­


turelles, et aux croyances surnaturelles, il faut
joindre les connaissances infuses de l’ union m ys­
tique, cette science expérim entale de D ieu qui agit
im m édiatem ent sur l ’esprit, le touchç de sa pré­
sence ct, sans sc m on trer encore, s’affirm e ce ­
pendant d ’une façon aussi certaine que m ysté­
rieuse

*
LA PSYCHOLOGIE DU PUIÎ0A 101l!E. ■
1
«

/
CIIAPJTRK IU

L A VIE DE LA V O L O N lÉ
SOMMAIRE DU CHAPITRE III

I. Union clc la tète e t clu cœ u r, de la volonté e t de l ’in


tûlligcnce. La philosophie nous m ontre que tout être est
>ource d ’a c tiv ité ; — II. que toute pensée provoque u n
sentim ent d ’a ttra it ou de répulsion. Tém oignage de la
théologie. — I I I . Si l ’on veut en P u rg ato ire, on v eu t au­
trem ent q u ’ici-bas. Le « term e » e t la « voie ». — IV.
Situation irrévocable causée p ar la m o rt. — V. C’est que,
comme les anges, l ’ânic est confirm ée en lu m ière ; — V I.
■confirmée en énergie dé d é c isio n ;.— V II-Y I1 I. dispensée
de s’occuper des moyens qui m ènent à la fin d e rn iè re ; —-
IX . confirm ée en grâce. — X -X I, Q ue restc-t-il de la
lib e rté ? On ne p eu t plus com m ettre ni péclic m ortel, ni
péché véniel, ni im perfection. E n quoi est-on lib re ? —
X II. La liberté e s t am éliorée, — X III, L ’am our en p u r ­
gatoire. L’am our e t la souffrance. — X IV . L 'am our n atu ­
rel : les am itiés du P u rg ato ire. — XV. La charité su r­
na tu re lle en P u rg ato ire,
CHAPITRE III

LA V IE r r , ï,A V O L O N T É ,,*•

1. L 'esp rit ne va pas sans la v.olonlé : ni


la connaissance sans l'am o ur. C ’est l ’union per­
pétuelle de la tète et du cœ ur. P arto u t où l’on
rencontre u n eteto , on sent au dessous battre un
cœ ur. Les âmes du P u rgato ire étant douées do
m ultiples connaissances, sentent aussi vibrer en
elles les cordes de l'affection : elles aim ent.
La philosophie se jo in t â la théologie pour
dém ontrer ço fait si consolant.
Ecoutons d’abord la philosophie. Q uand on
prom ène son regard dans la n atu re, on constate
que tout être est hase d ’élan, plus que cela, p rin ­
cipe et source d ’élan. A m esure q u ’elle est fon­
due par les rayons du soleil et par les souffles
chauds du ven t du m idi, la neige des hautes
cimes se transform e en eau ; à la pointe in fe-
6o LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

lie u rc ciu glacier n aît un torrent dont les flots


im patients de l ’im m obilité q u 'ils o n t dû garder
pendant la rig u eu r de l ’hiver, s’élancent, se pré­
cipitent de roche en roche, franchissent parfois
d ’un seul bond toute la hauteu r d ’une m on ta­
gne, courent, courent en grondan t et ne s’arrê­
ten t dans leu r fuite que pour se livrer dans
l ’Océan au balancem ent éternel de la m arée et
des vagues. Si, au lieu de considérer la m arche
des élém ents, on étudie leu r existence, la m a­
nière dont ils se com portent quand iis sont mis
en face l ’u n de l ’autre, on les vo it se fondre, se
m élanger en une société où on p eut à peine
les distinguer, ou bien avoir un tel élan l ’ un
vers l ’autre qu'ils perdent leu r n ature propre
et s’u nissent pour com poser une nature n ou ­
velle qui procède d ’eux comme- leur fds et
leu r p roduit, Force d ’attraction q u i m êle deux
liquides, force d’aflm ité qui com bine deux
corps, c’est toujours un élan qui part du fond
de l ’être, cherche toutes les occasions de se
m anifester et de détendre tout son ressort. C ’est
surtout chez les vivants que l ’on constate cette
puissance d’élan. La cellu le organ ique est à
peine fécondée q u ’elle s’ém eut, se m et en m arche
vers l ’épanouissem ent de l ’être q u ’elle doit cons­
tru ire, elle attire à elle, les m atériaux de sa vie,
les broie, les désagrège, les prépare, se les assim ile,
les fait, entrer dans la con stitution de sa chair ou
de ses fibres, travaille ainsi à la form ation, au
développem ent de chacun des organes ; c’est une
im pulsion puissante, constante, agissante, in ­
consciente, m ais inlassable ; c’est une m arche en
LA. VIE D E LA VOLONTÉ 61
avant, sans hésitation, sans trêve. L 'éla n est
p lus m anifeste encore d a n s 'la vie de l'âm e où
l'in telligen ce a faim de vérité ;o ù la volonté a faim
de bonté ; où ces deux grands ressorts se dérou­
len t sans cesse â la poursuite de leu r idéal de
lum ière et de dévouem ent.
C ’est donc une loi de tous les êtres. D epuis la
goutte d ’eau échappée du glacier, ju s q u ’à l’âme
avide de perfection, tous sans exception sont des
forces, des élans vers le développem ent de leur
perfection ou la conservation, la perpétuité de
leu r n ature,

IL — L e m onde in tellectuel obéit à la m êm e


lo i. 11 sc succède une in fin ité do pensées sur l'écran
de l ’esprit. L ’âm e, par la connaissance et le r a i­
sonnem ent, reflète un e foule d ’êtres qui apparais­
sent un in stant à sa surface, s’illu m in en t de scs
clartés, viven t de sa vie, s’échauffent à son
foyer.
O r, toutes ces im ages qu'en fan te l ’esprit sont,
elles aussi, des principes d ’activité, des bases
d’clan. C e ne sont pas de froides projections qui
se suivent dans une indifférence inerte et stérile.
Elles vivent, elles sontagissan tes,elles ém euvent,
elles attiren t. Elles touchent les entrailles de
l ’âme q u i les a produites et qui les n o u rrit, et
sous leu r action l ’âm e se sent soulevée, elle
aspire, elle veu t, elle désire, elle décide, elle
choisit, elle repousse, elle hait, elle crain t ou e s - .
père ; et un peuple de sentim ents, d ’ém otions,
d’ élections naît en elle à la suite de scs pen­
sées. C elte région active où éclosent les entraîne-
I,A PSYCHOLOGIE DU PUHGATOÏHE

monts provoques en l’ a111« par la pensée, s'appelle


la volonté on le cœ ur : volonté,parce que la force
de la pensée s’ y traduit par des choix, des déci­
sions fermes ; cœ ur, parce que ces choix, et ces dé­
cisions sont com m andés par la sym pathie pour
les objets vus, par l ’am our. Il n ’est donc pas
possible de penser sans aim er, de raisonner sans
délibérer et choisir. L ’in telligen ce entraîne la
volonté.
N ous pouvons dès lors affirm er en toute vé­
rité que les âmes du Pu rgatoire qui pensent et
savent, veulent aussi et choisissent ; elles aim ent,
com m e elles xe souviennent.
La philosophie n ’établirait pas ce fait, que la
théologie l ’attesterait. N ’a ffirm e-t-elle pas que
l ’âm e ju s te , en sortan t de cette vie, atteint im ­
m édiatem ent la perfection d e là charité? Plus de
faiblesses, d ’hésitations dans l ’am our de D ieu ,
D ieu est aim é de toutes les énergies de Pâm e, de
toutes.les ressources surnaturelles dont celle-ci
dispose. O r, la charité est am our et la perfection
de la charité entraîn e l ’exercice le plus noble de
la volonté ; en P u rg ato ire on veut parce qu'on
aime.

III. — Mais, si la volonté persiste en P u rg a ­


toire, elle y prend des pentes nouvelles, des ha­
bitudes diverses de celles q u ’e lle avait ici-bas. La
chose p araît in évitable en effet, car la volonté
étant com m e le p rolongem en t et la m an ifesta­
tion d ’activité de la connaissance, toute trans­
form ation dans celle-ci apporte une transform a­
tion de celle-là. O r, nous avons d it au chapitre
LA VIE D E 'T A VOLONTÉ 63

précédent ce q u ’il y arrivait de nouveau et d ’iné;


d it dans la vie de l ’esprit.
En réalité, si nous consultons la théologie, elle
nous apprend que toute âm e, en q u ittan t cette
vie, a fini scs preuves ct ses épreuves E lle est
au ten ue de son évolution ct, la course finie pour
elle, sa situation tourne à l ’irrévocable. C ’est ce
que les théologiens appellent « le te r m e » . E t
cet état du terme est opposé à celui de « la voie »
dans lequel les âmes se trouvent ici-b as. T o u t
hom m e en ce m onde est, aux yeux de la T héo­
logie, un viator, un voyageur et, com m e tout
voyageur, il est en m arche, il a la liberté de
choisir sa route m orale, de prendre le vrai che­
m in , d’y avancer plus ou m oins vite, d ’y rester
m êm e stationnaire ou de préférer les voies de
l’erreur. Q uand la m ort arrive, le voyage est
term iné : quicon que a été surpris sur la route
véritable est irrévocablem ent destiné à la cité de
D ieu qui en est le term e, quiconque a été enlevé
hors de la voie droite sera, a to u t jam ais, étran­
ger à la patrie céleste.

IV . — A près la m ort on ne peut p lus s’éloi­


gner du term e, le péché devient im possible ; mais
si l ’on est sorti de la voie on n ’y peut rentrer ct
to u t repentir com m e to u t m érite est égalem ent
supprim é. L ’âme est com m e figée, cristallisée
sur place, paralysée dans les efforts q u ’elle pouiV
rait faire pour changer sa destinée.
Q uand, dans l ’ascension d*u M o n t-B lan c, un
touriste m alheureux est couvert par l ’avalanche
ou entraîné au fond d ’une crevasse, si les efforts
LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

pour ïe retrouver restent vains, il périt, le froid


ic saisit alors, scs traits, ses m em bres sont im ­
mobilisés dans la glace. La bouché reste ouverte
Comme p our con tin uer l ’appel suprêm e in ter­
rom p u par le trépas; les gestes de désespoir, ou
les efforts des muscles pour la délivrance, s’éter­
nisent, et cet hom m e con tin ue au m ilieu du
glacier l ’instant dernier, l ’acte final dans lequel
la vio l ’a q u itté. Il fait corps avec son tom beau
de neve, il avance avec l ’océan de glace qui l ’en­
veloppe . et qui sem b le ,'d an s la len teu r de sa
m arche, avoir conscience q u ’il porto la m o rt dans
son sein. L orsque, au bout d ’un dem i-siècle, le
cadavre a term iné sa course ct arrive à la base
du glacier, il p araît être m o rt tout à l ’heure, on
croirait entendre expirer l ’écho de son dernier
cri et voir s’esquissor son dernier geste : tant la
rig u e u r du froid l ’a im m obilisé et fidèlem ent
conservé dans son attitude finale.
Les glaces de la m o rt opèrent la m êm e chose
dans l ’am c et celle-ci est, non plus p our un
dem i-siècle, mais pour l ’éternité, saisie ct cris­
tallisée dans son geste suprêm e. C ’est un e
éternité d’union à D ieu , si elle a q u itté cette vie
dans la charité ; c’est un e éternité de-dam nation,
■si le trépas est venu dans l ’état de péché.
N otre Seign eur l ’affirm é par une autre com ­
p araison.Q uand la cognée du bûcheron ou la vio­
lence de la tem pête o n t ébranlé dans la forêt la
base du vieux chêne, celui-ci tom be : il peut in ­
d ifférem m en t, taht q u ’il est debout, se couclier
vers le nord ou le m id i, s’in clin er vers l ’orient
ou Vers l ’occident, mais quand une fois il est à
LA Y IB DE LA VOLONTÉ 65

terre, il reste dans la direction que le bûcheron


ou la tem pête lu i ont donnée ; les jo u rs se suc­
cèdent, et les passants q u i le voient le trouven t
tous abattu au m ilieu des m êmes brous­
sailles meurtries* sur le m êm e lit de feuilles
.m ortes.
Ceci est un fait im p o rtan t à sig n a le r: car il
m ontre toutes les ressources que présente cette
vie, p u isq u ’e lle p erm et ju s q u ’à la fin de s’orienter
vers D ieu et d’assurer l ’éternité. Mais il fait res­
sortir e u m êm e tem ps ce q u ’il y a d ’irrévocable
dans la m ort et par quelles im possibilités l ’âme
se trouve liée au delà du tpm beau i ,

V . . — D ieu seul, par sa volonté toute-puissante,'


en a décidé ainsi. C ’est sa providence qui a oc­
troyé à l ’hom m e soni existence terrestre pour
donner sa m esure, m ériter sa récom pense et fixer
sa destinée : et qui lu i a refusé to u t délai après
la m ort. - ■
E n étu dian t la n ature de l ’âm e hu m ain e,
...si flottante par caractère, on n ’y rencontre pas
un fondem ent suffisant pour attester cette im m o­
bilité finale. On ne v o ît ’rien en elle qui rende
im possible, après la m ort, un e direction, plus
saine de la volonté, u n repentir sincère en face
des lum ières de l ’au-delà, et des élans d’am our
capables d ’ajouter des m érites nouveaux à ceux
emportés de la terre. Mais si la nature de l ’âme
ne sem ble pas exiger cette situation définitive,
elle ne s’y oppose en rien, E llc p a r a îta u contraire
s’en accom m oder fort bien et l ’appeler plutôt
com m e le couronnem ent le plus harm on ique des
6G L ,\ PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE'

transform ations opérées en elle par le divorce


d ’avec la m atière.
C ’est, en effet, que le propre des esprits im ­
m atériels et purs est de rester im m uablem en t al"
taches à une vérité ou à u n bien une fois q u ’ils
lui ont donné une prem ière adhésion. Les anges
ont été créés par D ieu dans l ’indifférence par
rapport à la fin dernière ; ils étaient par consé­
qu en t libres d ’adhérer à elle, de donner leu r
am our à D ieu et de prendre ainsi leur pente
vers le bien ; ou, com m e L u cifer, ils p o u ­
vaient dire non serviam, m ettre en eux leu r
fin dernière aü lieu de la situer en D ieu, son
lieu véritable, et s’engager ainsi dans la voie de
l ’orgueil et du m al. Mais ils n ’étaient libres
q u ’en l ’acte prem ier d’adhésion ou de révolte. Cet
acte un e fois posé était d é fin itif ct entraîn ait
.pour toujours son auteur dans ses conséquences
salutaires ou désastreuses. C ’est la différence entre
l ’esprit angélique ct l ’esprit de l ’hom m e ici-bas.
L ’ange est un être essentiellem ent énergique ct
déterm iné q u i, un pli un e fois pris, le conserve :
tandis que l ’h om m e sur la terre subit les fluc­
tuations de la m atière à la q u elle il est u n i, et,
versatile comme elle, s’attache et se d éprend, so
donne à D ieu , s’en écarte, revien t à lu i et s’ache­
m ine vers la m o rt de chutes en chutes, de relè­
vem ents en relèvem ents a.
C epen dan t déjà ici-b a s l ’h om m e agit en ange
en face de certaines vérités im m édiates et in d is­
cutables. T an t q u ’on ne lu i a pas proposé les
axiomes prem iers son esprit reste in différent ct
m uet h leur endroit ; mais q u ’on lui dise et q u ’on
LA V IE ÎÏE LA VOLONTÉ 67
lu i fasse com prendre que deux et deux font
quatre, que la lign e droite est le plus court che­
m in d ’un point à un autre, ces affirm ations une
fois entendues restent logées dans sa tcle, il ne
vacillera pas, toujours il les acceptera avec la
m êm e netteté.
Q uan d l’âme arrive en l ’autre inonde, les vérités
prennent toutes pour elle le caractère d’axiomes :
elle les voit avec la m êm e lum ière, les adm et avec
la m êm e certitude ; les conclusions contenues
dans les principes apparaissent im m édiatem ent
et sont admises avec eux. Nos indécisions ici-bas
11c portent guère sua les principes, mats sur les
vérités lointaines q u i découlent d’eux sans doute
mais q u i ne leur paraissent, pour nos yeu x faibles
ct pour notre logique incertaine, rattachés que
d ’une façon douteuse ou peu nécessaire. P lu s ces
vérités sont lointaines, plus les opinions sont p ar­
tagées à leu r sujet. A u delà d e là tom be, les con­
clusions se rapprochent des principes, les liens
apparaissent n ettem ent; qui voit le principe, per­
çoit toutes les conséquences q u ’il fonde et dont
il est la source; qui adm et le prin cipe, accepte
ces conséquences et la ferm eté môme de l ’assen­
tim ent donné aux principes devient la certitude
de l ’affirm ation de leu rs conséquences. On peut
dire que l'in telligen ce est confirm ée en vérité.

V I. — Cette ferm eté de l ’esprit passe à la vo­


lonté : l ’esprit saisit d’un coup d ’œil les principes
et leurs suites les p lus éloignées, la volonté sou­
tient les mômes rapports avec la fin dernière et
les m oyens qui y conduisent.
68 LA PSYCHOLOGIE OU PURGATOIRE

E n prem ier lieu , la m ort la surprend dans


une situation, déterm inée en face de la fin der­
n ière. C ’est une volonté ju ste et droite, dès lors
elle entre dans la m o rt en com m union avec le
bien suprêm e, avec D ieu. C ’est une volonté pé­
cheresse, au contraire ; dans ce cas, clic arrive à
l ’autre vie en opposition avec D ieu , en union
avec une lin suprêm e coupable et qui n ’est autre
que son égoïsme, son m oi, sa p ropre personne.
L ’état in itial de la volonté dans l ’autre vie est,
dans le prem ier cas, l ’union à D ieu , dans le
second cas, l ’ opposition à D ieu . Com m e, dans
cette vie n ou velle, la m e h u m ain e, séparée du
corps, participe à la. m anière d 'èlre des esprits
angéliques, elle en prend le caractère irrévocable
en ses décisions et l ’état in itia l par rapport à
la fm dernière sc perpétue. L ’âm e ju ste reste
irrévocablem ent juste, l ’àm c pécheresse reste
irrévocablem ent pécheresse. T outes deux sont
confirm ées en leu r b ut.

V II. — A jou ton s à cela que le problèm e de la


recherche des m oyens aptes à atteindre la fm
dernière n ’existe plus.
Ici-bas nous sommes des ouvriers au travail.
Les instrum ents sont entre nos m ains : à nous
d ’en étudier le m aniem ent, de les em ployer avec
courage, de les conduire avec art, et de façonner
ainsi notre âm e. L e bu t est toujours devant
nous, m ais, jam ais atteint, il nous laisse dans la
splière des m oyens q u i con duisen t à lu i.
À la m ort, le temps du labeur est fini, les ins­
trum ents nous sont retirés, les m oyens cessent
LA V IE DE LA VOLONTÉ

de nous appartenir : c’est la fin pour tous. C h a­


cun est ju g é sur les résultats tic son travail.
L ’intelligence n ’a donc plus à rechercher quels
sont les m oyens q u i la conduisent à son bu t,
quelle est leu r raison, quel em ploi il en faut
faire. P a r voie de conséquence la volonté n ’a
plus à s’exercer sur ce poin t, ni à choisir tel ou
tel m oyen q u i lu i p laît davantage ct qui lu i
sem ble m ieux la rapprocher de l ’idéal q u ’elle
s’est donné,

V III. — L u reste, ces problèm es sur les


m oyens de salut ne disparaissent pas seulem ent
parce que l ’âm e est m aintenant arrivée au terme
de la course, m ais ils sont encore résolus par la
vie nouvelle de l ’intelligence.
Nous avons dit que, pour l ’esprit, dans l ’autre
vie, les principes ct les conclusions ne font plus
q u 'u n seul corps, et apparaissent dans une m êm e
lu m ière. D e m êm e pour la fin dernière et pour
les m oyens, il se fait une transform ation analogue
dans la m anière de les connaître et de les vou loir.
Tandis q u ’ici-has, il faut parfois de longues ré­
flexions, de sérieuses m éditations pour connaître
les m oyens appropriés à un bu t ; que des parents
hésitent longtem ps, aux heures où gran d it leu r
fils, avant de décider à quelles m ains ils le con­
fie ro n t, la direction q u ’ils von t donner à son
avenir ; qu e le jeu n e hom m e passe par p lus d ’une
angoisse avant de choisir la carrière à laqu elle il
dem andera la prospérité et le bonheur ; — dans
l ’autre vie, au co n traire,1fins et m oyens appro­
priés apparaissent un is, éclairés par le m êm e .
7o LA PSYCHOLOGIE DÛ l’ URGATOIRE

jo u r, et sont vus du môme regard. P a r suite,


envers les m oyens qui lu i paraissent soudés
avec leurs buts et com m e ne faisant plus q u ’ un
corps avec eux, la volonté prend, par une
pente nécessaire, la m ôm e attitude q u ’elle a prise
envers ces buts. C elui qui m eurt dans l ’am our
de D ieu , acquiert un m ôm e am our irrévocable
pour tout ce qui est uni à D ieu et mène à lu i ;
celui qui est m ort dans le péché et dans la haine
de D ieu, hait d’ une haine irrévocable tout ce qui'
m ène à D ieu ou vient de lu i. E t l ’acuité du
regard qui su it en toutes choses la trace de D ieu,
son ém anation, ou la force q u i porte à lu i, est
u n stim ulan t à la volonté pour aim er ou pour
haïr.
L orsq u ’elle entre au P u rgato ire, par le fait
q u ’elle y arrive eu union avec D ieu , par le fait,
d’autre part, que son intelligence lu i m ontre
m aintenant d ’un seul coup d ’œil le rapport de
toutes choses avec D ieu, l ’âme s’attache donc
irrévocablem ent au Seign eur et à ce q u ’il y a de
d ivin en toutes les créatures. E lle ne peut plus
ne pas aim er D icu /e llc ne peut plus ne pas aim er
les vertus qui donnent D ieu et le servent, elle ne
peut p lus ne pas accepter les com m andem ents
qui m ènent à D ieu , elle ne peut plus ne pas
aim er en elle l ’œ uvre et la créature de D ieu, etLc
ne peut plus ne pas aim er son prochain.

IX . — Douce nécessité qui s’im pose au cœ ur


et l'enchaîne dans ses liens de charité et d'affec­
tion .
E t ce n ’est pas seulem ent l'am o u r naturel qui
LA V IE DE LA VOLOX ÎÉ 71
devient ainsi la loi du cœ ur, mais l ’amour- sur­
naturel lu i-m ê m e s’em pare de l ’âm e pour tou­
jo u rs. C ’est une troisième confirm ation que nous
trouvons alors chez l'h om m e. Il est confirm é en
lu m ière dans son intelligence qui voit nettem ent
le rapport 4 CS choses entre elles et avec D ieu ; il
est confirm é dans son adhésion à la fin dernière
et à tout ce q u i s’ y rattache, et sa volonté traduit
dans sa ferm eté, les certitudes de l ’intelligence ;
enfin il est confirm é en grâce. Ne p ouvan t plus
pécher, il ne peut p lu s perdre la. grâce dans la­
q u elle il est m ort : celte grâce peut donner de plus
en plus ses consolations et ses forces à m esure que
les traces du péché disparaissent ; mais elle ne
peut plus n i subir de dim in ution , ni disparaître.
La théologie enseigne que les apôtres après la
Pentecôte et certains saints à la fin de leu r vie
furen t confirm és en grâce : les dons surnaturels
étaient devenus en eux si abondants, les lum ières
de la foi ou des unions m ystiques étaient si in ­
tenses, les ardeurs de l ’a m our si puissantes, q u ’ils
étaient assurés de conserver leu r foi sans hésita­
tion, leurs espoirs sans découragem ent, leu r cha­
rité sans défaillance ; leur salut était in faillible.
11 en est à plus forte raison de m êm e pour les
élus- du P u rgato ire. L eurs certitudes sont deve­
nues telles, leur charité est montée à un si hau t
degré, leur in telligence est si éclairée, leur volonté
si ferm e, q u ’ils ne peuven t plus faiblir et que le
surnaturel a, en eux, une dem eure définitive. Ils
ne peuvent p lu s le perdre. ,

X . — O r. toutes ces confirm ations sont b tlles,


LA rSYCH OLOeilî du p u n e a t o m e . 5
72 LA. PSYCHOLOGIE DU PURGATOIHE

elles, sont ■ ■d’adm irables privilèges. Mais 011 ne


com prend plus, alors où est la liberté p o u r la vo­
lonté. Si elle est tellem ent fixée dans son terme
q u ’elle ne puisse plus s’en détacher, si elle
adhère du m êm e coup ct par le m êm e acte à
tous les m oyens qui sont unis à ce b u t, de telle
sorte q u ’elle les veu ille nécessairem ent par le fait
q u ’ils lu i apparaissent nécessairem ent liés à la
fin suprêm e, la liberté reçoit p ar ce fait de ter­
ribles coups et nous nous dem andons si elle existe
encore et quel cham p lu i est réservé.
E n effet, quand on p arcourt les diverses m ani­
festations de la liberté hu m ain e sur la terre, on les
trouve prem ièrem ent dans ce fait que la volonté
p eut choisir entre D ieu et B élial, entre poursuivre
safm dernière et y renoncer. Q uan d elle renonce
à sa fui suprêm e, c ’est le péché m ortel ; quand elle
y tend, c’est la vertu ; et sa liberté s’exerce en
choisissant entre pécher m ortellem ent ou bien
faire. O r, en P u rgato ire le péché m ortel est im ­
possible : l ’âme est attachée irrévocablem ent à
D ieu , elle ne peut plus s’en détacher ; et l ’exercice
de la lib erté q u i consiste à choisir entre èo'rn-
' m ettre ou ne pas com m ettre le péché m ortel,
c’est-à-dire entre le m al grave ou le bien, est sup­
prim é.
En second lieu , la liberté se m anifeste ici-bas
dans le choix entre le péché véniel et l’acte sur­
naturel q u i lu i est opposé. La conscience attachée
à la fin suprêm e et le poursuivan t avec sincérité,
p ren d des m oyens défectueux ou étrangers q u o i­
que non opposés ou leu r préfère des m oyens tout
à fait aptes et convenables. Il y a là délibération
lÀ VIE Î>Ë L A , - VOLONTÉ

et choix, partan t exercice de la liberté. O r, en


Pu rgatoire ceci n ’existe plus ; on est arrivé au
bu t, les m oyen s'n e peuven t p lus être utilisés, on
n ’a donc plus à les choisir ; d’autre part, ils appa­
raissent liés avec leur fin dans u n tel jo u r que
l ’am our de la fin s’étend ju s q u ’à eux et que la
nécessité de cet am our porte in vin ciblem ent la
volonté vers eux.
C ’est, un second cham p retiré à la liberté.
D u m oins lu i re s te -t-il celui du choix entre
l ’im perfection et la perfection. E n tre les divers
m oyens égalem ent sûrs d ’atteindre l ’intégralité
de la fin, il y en a de plus lents et de p lus ra­
pides : choisir les prem iers, est im perfection ; uti^
User les seconds, est perfection ; en tout cas, c’est
user de la liberté. O r, en P u rgatoire, p o u r les
m otifs que nous venons de dire, l'im perfection
dans l ’emploi des m oyens ne saurait avoir lieu ;
on ne fait que des actes parfaits, la charité est à
son com ble et à son paroxysm e, l’ am our est le
p lus p u r, le p lus intense.
C ’est le dernier cham p ravi à la liberté.

X I. — P o u r bien faire com prendre ces usages


d e là liberté et la différence qui existe entre péché
m o rtel,p ô ch évén ielet im perfection, nous em ploie­
rons une com paraison. T rois ouvriers égalem ent
habiles sont au service d ’un sculpteur. C elui-ci
leu r prescrit à chacun une tâche déterm in ée, et à
leu r portée : c’ est un re lief représentant un
ange en prière. L e m aître se .retire, ct le p re -
m iôr ouvrier, au lieu de se m ettre à la besogne,
se couche et s’endort. L e soir ven u, rien n ’ est
74 LA 'PSY C H O LO G IE DU PURGATOIRE

fait, la tâche'im posée est m anquée totalem ent.


Pendant ce Tem ps, le second ouvrier travaille,
il ne perd pas de vue son œ uvre, peu à peu la
pierre prend une figure, elle sc creuse, les traits
de l ’ange sc dessinent. A. l ’heure où le m aître
prend livraison de l’œ uvre, celle-ci est fruste.
L 'an ge csL là, il a l’attitude de la prière, mais
combien grossiers les traits, com bien gauche la
pose et quelle différence entre ce travail ct le
m odèle que l ’ouvrier avait .sous les yeux.
Le troisièm e ouvrier, au contraire, livre au
.maître une œ uvre parfaite : le modèle est repro­
duit avec une fidélité entière : ce sont bien les gra­
cieuses ondulations des vêlem ents ; c’est bien la
dign ité du m aintien, l ’éloquence du geste, l ’ex­
pression des tra its,le fini de tous les détails. Mais
si l’on regarde de quels instrum ents cet hom m e
s’est servi, au lieu de prendre le ciseau classique el
les autres outils du m étier, il a em ployé de gros­
siers m orceaux de fer et des objets inform es. Ces
trois ouvriers représentent assez bien le prem ier
l ’ hom m e en état de péché m ortel et qui sc m et to­
talem en t en dehors de la voie : aussi le m aître lui
rc fu se -l-il tout salaire com m e D ieu refuse la ré­
com pense céleste- au pécheur. L e second repré­
sente l ’hom m e qui com m et des fautes vénielles :
il atteint le b u t, m érite un salaire, mais encourt
une am ende ou une dim in u tio n de salaire pour
les défauts de son œ uvre, com m e l ’âm e chargée
de fautes vénielles reçoit la récom pense céleste,
mais après avoir subi une retenue ou une dé­
tention en P u rg ato ire. Le troisièm e représente
Pâm e qui n ’a aucune faute, dont l ’œ uvre est
LA V IE DE LA VOLONTÉ 75

accom plie, mais qui a apporté dans la façon de


travailler quelque im perfection. 11 m érite toute
la récompense, quoique le m aîlrc lu i puisse faire
quelque observation sur la m éthode de travail.
T elles sont les trois façons d’ user de la liberté
ici-bas : elles sont propres à l'existence terrestre
et au temps d’épreuve. E u P u rgatoire, l ’o uvrier
a term iné sa tâche, il est à la fin de sa jour­
née : il a fait une œ uvre incom plète par quelque
endroit, ct il en subit la peine, m ais son iu lclli
gencc ouverte vo it où elle a péché, s’en repent
sincèrem ent c t s'est irrévocablem ent attachée à
D ieu. Sa volonté ne peut p lus ni com m ettre des
fautes m ortelles ou vénielles, ni avoir la m oindre
im perfection.

X II. — Com m ent, dès lors, est-on lib re et que


reste-t-il de celte grande prérogative de l'h om m e
qui est son péri!, mais son honneur, je veux
dire le libre arbitre ?
II est certain que le cham p de la liberté est
dim inué. L a volonté est la faculté du bien, elle
ne peut vouloir que le bien ; ct m êm e quand elle
ebosit le m al, c'est parce q u ’elle y trouve un bien,
un avantage. Ce bien ct cet avantage sont faux
et sim p lem en t’ apparents, m ais ce ne p eu t être
q u ’à cause d’eux que la volonté se décide. A u
P u rgato ire, l ’in telligen ce est éclairée, elle voit
les choses telles q u ’clles sont, elle appelle mal
ce qui est m al, et bien ce q u i est bien ; les voiles
sont déchirés, et les fausses apparences de bien
éLant percées à jo u r s’évanouissent, le brouillard
séducteur qui enveloppait le m al, donnait le ver­
LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

tige aux esprits, faisait tom ber les volontés, est


dissipe. La volonté qui, de sa n ature, est la faculté
de choisir entre les biens q u i lu i sont proposés
ne peut plus choisir les choses qui sont sorties de
l ’horizon du bien : elle ne peut plus choisir le
m al, parce q u ’il ne lu i apparaît p lus que com m e
m al.
^ O ù est la dim in ution de la lib erté? n'est-ce
pas p lutô t une am élioration du libre arbitre, un
ennoblissem ent de la volonté qui est mise dans
l ’im possibilité d ’errer ? L ’œil est-il plus parfait
parce q u ’il p eut se couvrir de ses paupières ct
ne plus voir ou parce q u ’il peut être enveloppé
de ténèbres ou parce q u ’il peut être paralysé
dans l ’un de ses élém ents ? N ’csl-il pas préfé­
rable au contraire — et p lus œil — plus uni „à
sa fonction, s’il est baign é, com m e il le sera au
ciel après la résurrection, dans un e lum ière qui
ne s’é tein t pas, doué d ’un e vigupur sans dé­
faillances et étern ellem en t ouvert sur les beautés
célestes ? U n œ il qui ne peut pas n e pas voir est
préférable à celui qui peut subir des éclipses.
Pareillem en t, un e volonté qui ne p eu t pas ne pas
vo u loir le vrai bien est supérieure à celle qui
p eu t s’attacher au m al ct subir ainsi de fatales
éclipses.
A près tout, D ieu lu i aussi est lib re, in fin i­
m en t lib re et liberté par essence. E t cependant
in fin im en t m qins que l ’âm e du. Pu rgatoire il
p eu t vouloir le péché ou l ’im perfection. Disons
donc, que, en Pu rgatoire,, les clus sont libres,
d ’un e liberté supérieure et, dans la m esure qui
ÇQpyieqt à une ci’éature, p areille à celle de D ieu .
LA V IE DE LA VOLONTÉ 77
Cette liberté s’exerce dans le choix entre les
biens réels, entre les actes d ’am our de D ieu,
entre les paroles qui le lu i tém oignent, les élans
qui affirm ent le repen tir, les grâces dem andées
pour nous, les am is laissés ici-bas et q u 'il s’agit
de secourir. U n vaste cham p reste encore à cette
liberté dont toute la gran deur est sauvegardée et
m êm e m ultipliée.

X III. — Le plus noble usage de leu r volonté et ■


de leu r liberté que puissent faire les âmes du
P u rgato ire, est d ’aim er. E t elles aim ent, elles le
font avec des délicatesses ineffables, un e puis­
sance, une ardeur, j ’allais dire une violence
extrêm e.
D e m êm e que nous avons m on tré p lus haut
les rapports de la pensée et de la souffrance, il
est intéressant à cet endroit de faire ressortir en
quelques traits les rapports de l ’am our et de la
souffrance.
Si parfois la souffrance altère pour un in stant
la vivacité de l ’am our, on p eu t cependant a f­
firm er que D ieu a ordonné cette vie ’ de telle
sorte que l ’am our et la souffrance; y sont géné­
ralem ent unis.
O n aim e en souffrant et on souffre en aim ant.
La charité, l’am our engendrent la souffrance, la
souffrance engendre l ’am our.
Je dis que la charité, que l ’am our engen drent
ia souffrance, car elle est source de désirs et
il’aspiratiôbs perpétuelles perpétuellem en t in as­
souvies. ; 1 * ; ,J ’ . 1: ' ■■

' ‘ Qudî de plus tçrfiivant, (je plus çrqcififiqj
LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

pour une âme vraim en t sainte, que l ’am our de


D ieu, de ce D ieu désiré, de ce D ieu appelé, de
ce Dieu en lin q u ’on voudrait posséder sans li­
m ites et pour toujours et qui sc dérobe, qui voile,
sa présence et qui parfois sc fait d ’au tan t moins
sentir q u ’on l ’appelle de vœ ux plus ardents, de
désirs p lus vifs. Ce tourm en t, une sainte T h é ­
rèse ne l ’a-t-clle pas éprouvé pendant les qu a­
torze années d’am our et de sécheresse, où son
cœm réclam ait, cherchait son D ieu et où D ieu
sem blait la repousser et la fuir ?
L ’am our engendre la souffrance, car il pousse à
l ’im m o la tio n .L ’E glise nous l ’apprend dans l ’o f-
lico des A pôtres, ces cœurs les plus grands qui
aient jam ais battu dans des poitrines d ’hommes,
cœ urs les plus aim ants et les plus crucifies Ma­
jorent caritatem nemo habet at animaiti suam ponat
quis pro amicis suis. La plus grande preuve
d ’am our q u ’on puisse donner à ses am is, c’est
de leur im m oler son âme et sa vie. L ’affection,
l ’am our, com m e tous les sentim ents, tend, à
croître, et quand il est arrivé à son term e, à son
p lu s haut p o in t, il im m ole celui qui aim e pour
celui qui est aim é. N ’est-ce pas là le dernier m o t
de l ’am our du C hrist pour nous? du soldat pour
la p atrie? Souven t la m ort sur le cham p de ba­
ta ille , l ’autel ou le calvaire, le renoncem ent et
le sacrifice toujours, voilà où m ène l ’am our, où
m ène la charité.
E t si l ’am our enfante la souffrance, celle-ci à
son tour fait n aître ou gran d it l ’am our.
Interrogez pour cela le cœ ur d ’u n père ou
d ’une m ère. O uvrez l ’E vangile et Iiscz-y cette
LA V IE DE LA VOLONTÉ 79
page divine et si ém ou vante, où le C h rist re­
trace, en termes im m ortels, l ’égarem ent, les
m alheurs, puis le retour de l ’enfant prodigue.
V ous sen Lirez dans cette page battre le cœur
d’ un père. Ce père a laissé p artir avec une faci­
lité qui étonne son fils infidèle. E t m aintenant,
voyez avec quelle jo ie débordante il le reçoit,
quand le m alheureux revient à lui. On devine que
son cœ ur s’est dilaté pendant l ’absence du pro­
digue, son am our a gran d i, il s’est accru de
toutes ses in quiétudes, de toutes ses souffrances,
de toutes ses larm es.
Interrogez le cœ ur d ’une m ère, de toutes les
m ères. T outes vous répondront que leu r fils le
plus cher, celui q u ’elles aim en t par-dessus-tout,
est celui qui leu r a coûté le plus de douleurs,
de veilles et de soins, celui qui a m is leu r vie en
danger ou q u i, frappé par la m aladie, leur a
apporté le plus de craintes ct d ’angoisses.
Interrogez ces supérieurs, ces directeurs qui
pénètrent dans les consciences ct qui, eux aussi,
sont des pores ct des m ères d ’àm cs. Ils vous di­
r o n t’ tout leu r p en chan t pour ces consciences
frêles sauvées au p rix des plus am ers soucis.
Interrogez enfin le cœ ur de D ieu ct dem an ­
dez-lu i le secret de scs tendresses et de scs par­
dons ; il vous répondra : Il y a dans le ciel plus
de joie pour la pénitence d’ un pécheur que pour
la persévérance de q uatre-vin gt-dix-n euf justes.
C om m e si l ’in gratitu d e du pécheur était pour
D ieu u n n ouveau m otif de l ’aim er.
Il suffit d ’ouvrir la vie de sainte Thérèse pour
y constater la réalisation de cette double loi de
8o I,A PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

l'h u m a n ité en général et de l'h isto ire des saints


en p articulier. Car elle aima, et parce q u ’elle
aim ait, elle -soujjrit, elle, souffrit toute sa vie,
elle souffrit étrangem ent, elle souffrit d ’am our.
« 0 mon D ieu, s’é criait-elle, je vous en conjure,
faites croître do p lus en plus le m artyre de m on
âm e en la blessant de votre am our, ou faites-le
iccsser en vous don nant à elle dans lo ciel. »
C ’était sa grande devise : « O u souffrir, ou
m o u r ir » , car elle sentait bien q u ’à m oins de
m o u rir, il h û fallait, ici-bas, aim er et souffrir,
souffrir parce q u ’elle aim ait, aim er à souffrir.
« Jam ais assez pour lu i, dit-elle encore en par­
lan t de D ieu, jam ais trop de trà va q x , jam ais
trop de douleurs. »
E t son am our la fit tan t souffrir, au tém oi­
gn age de l'É g lise e lle-m êm e, q u ’elle en mourut :
intollerabili divini amoris incendio 3, et que ses
historiens ont pu écriro qu « elle expira con­
sumée par les divines flam m es au m ilieu des­
quelles elle avait toujours vécu. »

X IV . — L e P u rgato ire obéit à cette loi do


l ’ hum an ité ; placé entre l’ enfer où l ’on souffre
sans aim er, et le ciel où l ’on aim e sans souffrir,
il continue notre vie terrestre où l ’on souffre en
aim ant, où l ’on aim e en souffrant.
O n y aim e donc. D ’un am our n aturel d ’abord.
L e cœ ur n ’avant pas été éteint continue sa vie,
son œ uvre de d ilcelion . Il y est en tre ten u , aidé
par l ’in telligence. Les souvenirs qui sont restés
très vifs provoquent des actes d affection poux
çciw qui çn ont été .l'objet, l'in telligen ce <|uj
LA V IS PJ5 LA VOLONTÉ

voit, qui réfléchit,, m ontre le vrai côté des per-*


sonnes et des choses : on aim e ceux d’ici-bas, on
aim e cette création im m ense dont les horizons
se sont reculés, don t l'o rd re et l ’harm onie écla­
ten t aux y eux ém erveillés de l ’âm e. O n aime
- les anges, les bien heureux dont la douce appa­
rition parfois réconforte et entretien t les espé­
rances de salut ; on aim e ceux que la confrater­
nité de la souffrance retient au m ilieu d u môme
feu p u rifia n t; on aim e D ieu qui est le principe
et la fin de toutes choses ; on aim e to u t ce q u i
est, tout ce qui a quelque reflet d u d iv in .
L a haine s’csl éteinte en P u rg ato ire où un
seul feu existe, celui de l ’am our ct de la charité ;
on n ’a m êm e pas la haine d u pécheur, ni la
h a in e ( de personne ; le péché seul, parce q u ’il
est le m al et le néant est haï, les personnes sou­
lèven t un im m ense sentim ent de com m isération
et de pitié, si elles sont m auvaises.
Q uelles douces pages il y au rait à écrire sur le
tendre com m erce d ’am itié q u ’entretien nent les
âmes du P u rg ato ire. A u s e in , de leu rs souf­
frances, elles chérissent ceux q u ’elles ont laissés
ici-bas, qui o n t vécu à leurs côtés, qui les pleu­
rent, et elles m ettent dans leu r affection ce je ne
sais qu o i d ’indéfinissable que la souffrance donne
à l ’am our. L ’affection d ’un am i est très douce,
m ais si cet am i souffre, s’il s’étiole, si on voit
la vie s’en aller go u tte â goutte par la fêlure
* de sa santé brisée, si en m ôm e temps on sent
que son cœ ur reste toujours pareil, q u ’il ne
perd rien de sa vigueur, que cet am i nous aim e
îqujours autant, alors ses regards où l ’ardeur ch*
Sa LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

la sym pathie sc môle à la lan g u eu r de l ’anémie',


I’étrcinle, forte encore, de cette m ain débile,
tout cela porte un charm e p articulier. T elle est
l'affection que nous don nent ceux du P u rgatoire,
affection d e ' souffrants, m ais sentim ent rcel, vif,
et de plus en plus délicat.
Q ue dire égalem ent des am itiés en Purgatoire,
des liens créés par la douleur entre ces âmes
vouées au m êm e supplice ct appelées au mémo
bonheur P D ’une parole voilée par la tristesse,
elles s’gYOuent leurs fautes, sc redisent leurs con­
fessions, reconnaissent leu r indign ité, leu r in ­
gratitude ct l ’in fatigable bonté de D ieu, parlen t
entre elles de-ceux d ’ici-bas, s’excitent à prier
D ieu pour eux, afin q u ’ils ne passent ni par les
mômes égarem ents, ni par le m êm e châtim ent.
Par dessus to u t elles se causent du ciel, do D ieu
si bon, et des apparitions blanches d ’âmes et
d ’anges qui les appellent là-bas e t versent sur les
flam m es les eaux de la m iséricorde e t du par­
don.

XV. — Car la charité surnaturelle se m êle à


l ’am our n aturel de leur cœ ur. Les vertus chré­
tiennes donnent m aintenant leu r plein , la cha­
rité est à son m axim u m , et les élans d’am our de
D ieu q u i jaillissen t d’elle em plissent le cœ ur des
élus du P u rgato ire. T o u t concourt à exalter celte
vie de la charité. L ’intelligence qui vo it plus ct
m ie u x ,-ct ren d plus ré gu lie r, plus puissant le
ro u a g e 'naturcl où réside la charité, je veux dire
la volon té les grâces reçues en ce m onde sont
arrivées à leu r plus h a u t point, D ieu les- donne
LA V IE -R E LA VOLONTÉ 63
m aintenant sans réserve à ces âmes q u i ne pè­
chent plus et ne peuven t p lus pécher ; le Sei­
gn eu r lu i-m è m c, dans les effusions de l ’union
n ryslique, s’u n it à l ’àm c ct lu i fait sentir son in­
tim e présence ; ct n ou rrie par tous ces alim ents,
purifiée par le feu qui dévore ses souillures, la
charité grandit et atteint le p lus hau t degré
q u ’elle puisse posséder en dehors du Paradis.
CI Ï ÀPI TKE IV

LES JOIIiS n u P U R G A T O l tï E
SOMMAIRE DU CHAPIT RE IV

1. La joie est-elle conciliable avec la d o u le u r? Réponse do


saint A ugustin c t réponse de la raison. — IL N ature de
la joie. La psychologie de la joie, — I I I. Déploiem ent
de 1 activité vitale dans la construction de l ’ètve corporel
c t de scs organes ; — IV . dans la mise en œ uvre et le déve­
loppem ent des facultés ; — V. dans la p rise de possession
chaque jo u r croissante des objets m ultiples de ces facultés.
— V I. La jouissance est dans la paisible et consciente pos­
session d'u n avantage acquis ou inné, d ’un bu t poursuivi
e t atteint. — V IL Le bonheur de l ’homme ; le bonheur
de Dieu. — V III. A u P u rg ato ire, il y a les joies n a tu ­
relles de l'intelligence q u i v o it plus facilem ent e t qu i voit
plus, — ÏX -X . Ce q u 'o n voit au P u rg ato ire. — X I-X II-
X I IL Joies naturelles de l ’am our. La raison psychologique
ct l ’expérience dém ontrent la réalité de ces joies. D ouceur
d ’aim er ct d ’è lrc aimé, — X IV , O r, au P u rg ato ire, on
aime et l ’on est aime. — XV-X V I. Joies su rn atu relles du
Purg ato ire. Joies des souvenirs jo in ts à la pensée de l ’E n ­
fer. — X V II. Joies tirées des sécurités du p résen t; sécu­
rités de l’intelligence ; — X V III. de . la volonté e t du
cœ u r ; — X IX . de la grâce. — X X . Joies puisées dans
les ascensions de l ’âme. Ascension de la voie purgative,
de la voie illum înativc, de la voie u nttivc, ici-bas. — X X I-
X X II. O r, au P u rg ato ire, l ’âme m onte en pureté —
X X III. E lle m onte en clarté ct en union. — XX IV . Joies
des espérances de l ’avenir.
CH APITR E IV

L E S JO IE S DU P U R G A T O IR E

I . — Des jo ies au P u rg a to ire ! La chose peut-


elle être possible ? Le Pu rgatoire n ’esl-il pas par
essence u n séjour ou p lu tô t un état de souf­
frances, do douleurs indicibles, crucifiant tout
P ètre? Com m e la victim e du Calvaire, celle du
P u rgato ire ne p eu t-elle pas s’écrier q u ’il n 'y a
pas en elle d’endroit q u i ne soit déchiré et san­
g la n t? O r, si elle souffre tant et de to u t elle,
q u elle place et quelle jjossibilité peut rester à la
jo ie ? — D e m ôm e que plus hau t s’est posée la
question de l ’accord en tre la pensée ou l ’am our
et la souffrance, ainsi se dresse m aintenant de­
va n t nous le problèm e de l’ association des joies
et des peines. L a jo ie n ’exclut-elle pas la dou­
leu r, la douleur n ’exclu t-elle pas la jo ie ? L ’une
ne disparaît-elle pas aussitôt que l ’autre appa-
LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE, 6
88 î,A CSYCllOLOGIE D E PURGATOIRE

r a î t ? — Le génie de saint A u gu stin avait déjà


entrevu et résolu cette difficulté. D ans ses Con -'1
fessions (1. IV , c. iv -v i), racontant le deuil cruel
que lu i avait apporté la m o rt d ’un ami trop ten­
drem ent aim é, il dit : « Je ne trouvais de dou­
ceur que dans qics lan n es : c’était de quoi je fai­
sais mes délices, et elles m ’étaient, depuis la
m o rt de mon am i, ce q u ’il m ’était pendant q u ’il
vivait. » Il ajoutait : a Toi^t cela est passé pré­
sen tem en t,' Seign eur, cl. le tem ps a ferm é ma
plaie. » Mais le fait n ’e n 'a v a it pas m oins existé
de ces délices naissant de la d o u leu r, de cette
douceur des larm es. E t cela suggère à saint A u ­
gu stin la question suivante ; « D ’où vien t que
les m iséreux tro u ven t q u elqu e sorte de douceur
et do soulagem ent dans leurs larm es ? P ou rrais-
je l ’apprendre de vous qui ôtes la vérité, et
m ettre l ’oreille de m on cœ ur assez près de votre
bouchc, pour entendre de vous quelque réponse
sur ce su jet? » Cette réponse il la cherche, il la
propose, elle est consolante et digne de ce grand
esprit. « Ce qui fait donc que, dans les am er­
tum es de la vie, nous trouvons quelque douceur
à nous plain dre, à gém ir, à p leurer et à soupi­
rer, ne serait-ce p o in t quelque espérance secrète
que vous nous exaucerez ? » C ’est un e prem ière
réponse, elle est ju ste et p eut s’appliquer à toutes
les souffrances chrétiennes ; m ais il y a d’autres
douleurs qui. n 'o n t pas la m êm e perspective et
q u i cependant ont leu r charm e. « Cela est vrai,
con tin ue-t-il, des larmes, que. nous versons dans
la prière, p u isq u ’elles o n t un bu t auquel nous
désirons arriver, mais non pas de celles que fait
DES JO IE S DU PURGATOIRE 89

répandre un e douleur com m e celle où j ’étais


d ’avoir' perdu m on am i. Car je n ’espérais pas de
le voir revivre : je ne vous le redem andais poin t
par mes larm es ; et elles n ’avaient p o in t d’autre
cause que ma 'd o u le u r, et la m isère où m ’avait
réd u it la perle de ce qui avait fait toute m a jo ie.
N ’ esi-ce- donc point que les larmes nous plaisent par
leur amertume même, lorsque quelque perte,
com m e celle que j ’avais faite, nous a m is au
p oin t de n ’avoir que du dégoût et de l'h o rre u r
pour les choses m êmes q u i nous faisaient le plus
de plaisir ? » E t il revient sur sa tristesse et sur
les joies q u ’il y puisait : « Voilà l ’état où j ’étais
alors : je pleurais am èrem ent, ne trouvan t de
douceur et de repos que dans l ’am ertum e de
mes larm es. » .
C ’est donc un fait que la douleur est conci­
liable avec la jo ie. T an tô t cela vient de ce que la
douleur étant m odérée perm et a d ’autres senti­
m ents de se faire jo u r auprès d ’elle, et de tirer
d ’autres objets des m otifs de jo ie. J ’ai deux amis
intim es dont l ’un est dans les larm es et l
dans le rayonn em en t de la prospérité et du
bonh eu r : je puis à la fois p rendre part aux tris­
tesses du p rem ier et m e r'éjouir des succès du se­
cond: T an tô t cela vien t de ce que l ’objet m êm e
de la douleur présente sim ultan ém en t des rai­
sons de p leurer et des sujets de contentem ent.
L a patrie tout entière fu t pén iblem en t ém ue à
la nouvelle de la m ort de ce héros si français
tom bé au sud de l ’A friqu e, p o u r la noble cause
de l ’indépendance' de deux peuples ; m a is en
même tem ps tous les cœurs furen t üers et con­
90 LA PSYCHOLOGIE DÜ PURGATOIRE

solé.5 de la noblesse d ’une pareille m ort c l do


l ’éclat qui en rejaillissait sur le norn de France.
Ce qui faisait notre chagrin causait en m êm e
tem ps notre fierté. T an tô t c’est l'excès m êm e de
la douleur qui provoque je ne sais quelle dou­
ceur et fait naître en nous ce sentim ent singulier
qu T Icrbcrt Spencer appelle « la volupté de la
douleur.», et que Schopenhaucr observe chez les
A nglais sous le nom de « jo ie de la d o u le u r» .
F ran cisqu e B o u illier, Du plaisir el de la douleur,
c. in , Paris, 1 8 9 1 / p . ift3.

II. — Mais si, en P u rg ato ire, on peut à la fois


souffrir et jo u ir, com m ent exp liquer cela? E t
d ’abord q u ’est~ce que la joie ? Chez qui peut-elle
éclore ?
11 est évident que la joie suppose u n e certaine
conscience Les êtres q u i ne peuvent avoir a u ­
cune conscience, com m e les rochers ou les
plantes, ceux qui n 'o n t pas encore acquis ou qui
ont perdu to u te'con scien ce et to u t sens, comme
le léth argique, ceu x-là sont incapables d ’un
m ouvem en t de jo ie , d ’un sentim ent de bonheur.
P o u r jo u ir, il faut sentir ct savoir que l ’on sent.
L ’in conn u ne provoque aucun e consolation.
Mais encore q u ’est-cc que la joie ? Saint Thom as
nous le révèle d ’un Irait quand il écrit :: Fruitio
el Jrnelus ad idem perlinere videntur et unum ex allero
derivari, (Summa Iheol., I-II, q. x i, a. x). I.,a
lru itio n , c’est-à -d ire la jouissance et les fruits pa-?
m issent se rapporter à la m êm e idée ct procéder
l ’un de l ’autre. C ’est à la végétation q u ’il faut de­
m ander une explication. Les arbres sont des v i-
LES JO IE S DU PURGATOIRE 9«

vanls, ils poussent, se construisent, se couvrent de


feuilles sous lesquelles éclosent des fleurs fin ale­
ment converties on fru its.L e fru it est l ’aboutissant
tle l ’arbre : c’est pour lu i, pour se propager avec
lui et par lu i - que. l ’arbre sc n ou rrit, stim ule sa
sève dans les veines du bois, sc charge d ’une
épaisse frondaison ét surtout sc p arc de fleurs ;
les feuilles protègent la fleur et le fru it, la fleur
est le berceau dù fru it, la sève est l ’alim en t du
tout. L e fru it est la fin de la vie de l ’arbre 2.
O r, sauf les anges, tous les vivants ont u n e
végétation pareille en quelque sorte. Ils sont des
forces qui partent d ’un point im parfait, s’exer­
cent, grandissent, s’épanouissent et produisent
leurs résultats. L ’hom m e en particulier jo u it de
cette force d’expansion ; il la m et on œ uvre depuis
le m om ent où il reçoit une âme des m ains dû
Créateur ju sq u 'à ce q u ’il touche au term e de sa
vie : après la m o rt toute activité n i tout p ro ­
grès n ’est m êm e pas fini, du m oins pour cer­
taines catégories d ’âmes." C ’est un e végétation
continuelle, une circulation de sève, une m ontée
dans la vie. Les fruits ainsi obtenus sont m u l­
tiples : il ' est opportun de les rappeler parce
q u ’ils sont précisém ent l ’objet ct le,p rin cip e de
la jouissance.

III. — L ’activité vitale de l’hom m e a pour


prem ier résultat,ph ysique ce lu i-là, de construire
la substance corporelle, de développer la cellule
organique, de la segm enter, de la transform er
en une architecture com plète avec ses m em bres
distincts, scs fonctions variées, scs muscles b r- ’
92 LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

gancs du'-force, ses nerfs organes de sensation :


ainsi l ’hom m e se fait, gran dit, devient lu i, prend
pleine possession de son être physique. L ’âme,
bien q u ’im m uable en sa substance, acquiert en
m êm e temps la p lén itu de de sa puissance, clic
devient consciente d’clle-m cm c, ce qui gran dit
et régularise ses pouvoirs ; elle reçoit en m ains
toutes ses facultés, •
A cot accroissem ent de l ’être hu m ain corres­
pond la naissance des facultés. A l ’origine^ elles
existaient, m ais en germ e seulenqent ; elles étaient
dans l ’âme, com m e l ’arbre est dans le sol où on -
vient de le sem e r; elles n ’avaient pas encore
leur libre et plein exercice. A m esure que les o r­
ganes se construisent, les facultés apparaissent,
Ja vue s’éveille dans l ’œ il fraîchem ent construit,
Ja m ém oire et l ’im agination s’ouvrent dans le
cerveau désormais com plet et consistant. A la
suite do ces puissances organiques, les facultés
im m atérielles du savoir et du vo u loir sortent des
ténèbres où elles étaient enfermées et com m en­
cent à voir et à décider.

IV . — M aintenant l ’être est com plet, l ’activité


est rnunic de tous ses organes, la m achine
hu m ain e achevée p eut fo u rn ir son travail. E lle
agit. O r, c’est un fait d ’expérience q u e, tandis que
les m achines m ortes, les m achines industrielles,
par exem p le, se ro n gen t à l ’usage, la m achine
vivante devient plus robuste à l ’usage. Les ja r­
rets deviennent de fer chez le m arch eur, les
bras sont d’acier chez le forgeron, les doigts
p rennent une agilité de fée chez le pianiste ou la
LES JO IE S DU PURGATOIRE
93
brodeuse, la m ém oire à laquelle on confie beau­
coup devient d ’une fidélité à toute épreuve, à
être aux écoutes l ’o reille s’aiguisc, à être aux
aguets l ’œil de la vigie acquiert un regard
perçant, à apprendre et à raisonner l ’in te lli­
gence devient riche et sûre, à prendre des dé­
cisions la volon té s’afferm it. C ’est une n ou­
velle efflorescence de la vie q u i, non plus seule­
m ent enrichit le vivan t, m ais affine les organes
et perfectionne l ’exercice de ses forces,

y .— Il y a là déjà u n e jo lie m oisson de


fruits résultan t do l ’activité vitale. E t cependant
ce n ’est pas tout. Les facultés hum aines, organ i­
ques' ou autres, ne sont pas faites pour elles-
m êmes : elles sont des instrum ents pour saisir
des objets extérieurs, se m ettre en rapport avec
eux, les attirer, se les assim iler soit par la n u tri­
tion, soit par ce phénom ène d’assim ilation supé­
rieure qui s’appelle la connaissance.O r,par l ’exer­
cice, non seulem ent les facultés s’affinent, mais
elles con quièren t p lus entièrem en t, dom in en t
plus plein em ent leu r objet. La vue bien exercée
n e devient pas seulem ent plus perçante, m ais,
faite p o u r saisir les couleurs, elle en discerne plus
nettem ent les^varictcs et ju s q u ’aux plus im per­
ceptibles nuances, E lle est m aîtresse de l ’objet au­
quel elle est destinée. L ’intelligence m ise fré­
quem m en t et logiquem en t en œ uvre, sans
doute devient plus robuste, m ais aussi découvre
sans cesse de n ouveaux horizons du vrai. Des
Y éritésqu’ ello ign o rait, qui lu i étaient étrangères
deviennent siennes, clic les saisit, les garde, les
f}7! LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

possède pour toujours, et voyant sans cesse plus


largem ent, ct plus profondém ent, elle fait la
synthèse de toutes choses.
T els sont donc les résultats de la vie hum aine :
construction de l ’ctre corporel ct de ses organes,
mise en œ uvre des facultés, développem ent de
ces facultés, prise de possession chaque jo u r crois-
usante des objets m ultiples de l ’activité.

V I. — Nous possédons m aintenant la clé du


problèm e de la jouissance. Q uan d le sculpteur a
mis la dernière m ain à son œ uvre, q u ’il y a in ­
carné son idéal, que-tous les traits sont une ex­
pression vivante de sa pensée, que l ’ensem ble
respire l ’harm onie et la beauté ; quand il a
trouvé la traduction de l ’im age qui vit en lu i, si
entière q ü ’il est tenté de lu i crier : « Mais parle
donc ! a alors il pose son ciseau, il s’assied de­
vant celte statue q u ’il aim e, il se repose, il jo u it.
Son activité est arrivée à son b u t, son œ uvre est
finie, elle est parfaite, l ’heure de jo u ir d’elle en
paix a sonné. La jouissance est donc dans la pai­
sible ct consciente possession d ’un avantage ac­
quis ou in né, d ’un bu t poursuivi et atteint. E t
parce que le bu t est objet de choix et de volonté :
c’est la volonté qui jo u it.
D e cette délinilion de la jouissance, il s’ensuit
que chaque accroissem ent d’être, chaque m ain­
mise s i r une activité n ou velle, chaque am éliora­
tion d ’une faculté, chaque conquête d ’un objet
in édit ,dc connaissance ou d ’am our, p eut
am ener ct am ène dans l ’àm c qui en a conscience
un e jo ie vraie et nouvelle. On a plaisir à sentir
LÉS JO IE S DU PURGATOIRE 9 5

sa santé s’afferm ir; son 'co rp s acquérir la robus­


tesse et de justes proportions ; on arrive à cons­
tater que les rouages de la m achine sont en place
et fonctionnent aisém ent, que les muscles sont
vigoureux et souples, que le toucher est délicat,
l ’ouïe fine, le go û t sûr, l'im agin ation vive, la
m ém oire tenace, l'in telligen ce inform ée et p ru­
dente, la volonté énergique. On est heureux de
connaître chaque jo u r plus de choses, de savoir
beaucoup, de distinguer et de reconnaître parfai­
tem en t les objets d ’activité.
La source de la jouissan ce est donc l'épanouis­
sement de l ’activité vitale qui assure l ’être, déve­
loppe les facultés, m et en possession des huis
poursuivis, L ’in ertie ou la paresse engendrent le
dégoût, la paralysie désenchante, l ’activité ordon­
née et couronnée de succès rend heureux : ce
sont scs fruits que savoure la jouissan ce. Le
bonheur suprêm e est dans la possession défini­
tive du Vrai total,du B ien in fin i dans une in telli­
gence et une volonté parfaites et conscientes de
ce V rai et de ce B ien .

VIL. — Ce bonh eu r, pour l ’hom m e, s’acquiert


par le travail, parce que l ’hom m e part (L'une
origine em bryonn aire et im parfaite. A m esure
que l ’hom m e gran d it, le bonheur lu it à l ’horizon
de son âm e et chaque étape de scs accroissements
m arque une étape dans l ’acquisition du bonheur
parfait.
D ieu , qui est de toute éternité au terme-de
l ’être et de l ’a ctivité, jo u it in fin im ent de toute
éternité. Il agit sans cesse, il se con naît, il
LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

s’aim e. C ette connaissance et cet am our pénè­


trent ct possèdent pleinem ent leu r objet, qui est
la n ature m êm e de D ieu . Ces actes possèdent
donc, dans la paix, le Souverain B ien, et dans
cette possession D ieu est heureux : son in te lli­
gence, en effet, n ’a rien à chercher, son am our
rien à désirer. O r, le bonheur réside, avons-
nous d it, pour chaque activité, dans la pleine
possession de son objet.
D ieu trouve encore le bonheur in fin i dans scs
opérations personnelles : le P ère est in fin im ent
heureux en engen drant le F ils, ct cotte g é n é ra -,
tion fait en m êm e temps, le bonheur du F ils, ct
tous deux sont encore le principe étern ellem en t
heureux de l ’E sprit Sain t, qui procède de l ’un et
de l ’autre com m e u n don d ’am our et de joie.
Ï1 n ’est pas juscpx’à l ’acte créateur qui n e soit
p o u r D ieu une source de bonheur ; non pas que
D ieu gagne u n accroissem ent de jo ie dans le
tem ps et p a r le fait môm e q u ’il nous crée, m ais
p a r c e . que l ’ exercice éternel do la sagesse, de
l'a m o u r et do la puissance dont la création est la
réalisation contingente, est en D ieu un acte in ­
finim ent doux et agréable,

■Vllf. — Nous savons ce q u ’est la jo ie , quelles


sont scs sources, com m ent toutes les activités or­
données la produisent en n ous, en nous rendant
plus parfaits,, en nous ren dan t m aîtres de leurs
objets,
Il est dès lors facile de con clure que la joie
doit régn er largem en t en P u rg ato ire et en
rafraîchir les flam m es. Il y a là-bas des joies
LES JO IE S RU PURG A TO IRE 97
naturelles, de véritables bonheurs surnaturels
L ’intelligence est la prem ière source des joies
que l ’âm e puise dans sa nature. U ne fois ém an­
cipée et délivrée du corps, l'âm e prend u n e vie
nouvelle où* l ’esprit a une part prépondérante.
Or, q u i donc nie les satisfactions pures ct nobles
qu’apporte au cœ ur l ’essor de l’intelligence P
Q uan d, aux tem ps de Jésus, l'A n g e descen­
dait chaque année pour agiter l ’eau de la piscine
de Siloc et y déposait une vertu curative, le
prem ier m alade qui était plongé dans l ’eau ou
q u i y descendait lu i-m cm c, était gu éri. S ’il était
paralysé, ses m em bres brisaient les liens qui les
retenaient im m obiles, une vigueyir nouvelle les !
in on dait ; com m e une h u ile suave sem blait
glisser dans les attaches ct dans les jo in tu res, et
ce pauvre hom m e q u i, auparavant, ne p ouvait se
m ouvoir, agijtait alors ses bras, faisait avancer
ses jam bes, redevenait sem blable h ses frères.
E t le m ouvem ent ren du était pour lu i une
source de bonh eu r, l ’eau m iraculeuse en versant
la santé dans to u t son. être y avait versé aussi
une inondation de d élices..L a jo ie éclatait dans
tout cet hom m e, son visago la reflétait, scs pa­
roles la disaient, le tressaillem ent qui le parcou­
rait dos pieds à la tête la chantait. — U ne 'mer­
veille sem blable s’opère p our l ’âme q u i arrive en
Pu rgatoire. Ici-bas, son in telligen ce était com m e
paralysée* : elle ne p ouvait m archer sans le- sou­
tien des sens ct de l'im agin atio n ; soutenue par
eux, elle a llait len tem en t par la voie du raison­
nem ent ; la m arche lu i causait de la fatigue,
exigeait des efforts n om breux, était m arquée par
LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

des hésitations, des opinions craintives, les faux


pas de l ’e rreu r, in terrom pue par les arrêts du
doute. T o u t cela était causé par l ’union avec le
corps. Débarrassée du corps, 3'in telligence de­
vien t m aîtresse de scs m ouvem ents, n ’a plus à
recourir aux sens, prend des ailes, brû le les-
étapes du raisonnem ent, arrive d roit au term e/
Les rouages de son activité sont sim plifiés, la lu ­
m ière les inonde com m e une h u ile de suavité
tout devient facile, les efforts ne sont plus né­
cessaires, com m e le p aralytiqu e gu éri n ’avait
p lus q u ’à se laisser vivre, l ’intelligence n ’a plus
q u ’à se laisser aller. La vérité vient à elle sans
-travail, ct sans, peine, n ’est-ce pas là une réelle
cause de satisfaction ?

IX . — A joutons à cela-q u e l ’in tcîligeûcc ne


voit pas seulem ent plus facilem ent, niais voit
plus. Si elle regarde en arrière, ses souvenirs
apparaissent tous clairs et précis, dans u n e pers­
pective harm onieuse qui n ’ exclu t pas la netteté
des détails. Q uand, au soir de la vie, le vieillard
qui a achevé sa course se retourne, avant de des­
cendre dans la tom be, vers la route q u ’il a p a r -'
courue, son enfance sé m ontre là-bas dans le
lo in tain , puis l ’adolescence et la jeunesse aux
points in term édiaires, puis l ’àge m u r et le déclin
tout proches. E t le vieillard rêve. Sa rêverie lui fait
revivre les illusions de son jeu ne âge, les élans
et les audaces de sa vie ; elle lu i fait entendre
des voix amies, sentir de douces étreintes,
cu eillir une nouvelle fois de glo rieux lauriers : ct
cette rêverie est suave com m e une m usique loin ­
LES JO IE S DU PURG A TO IRE
99
taine où cent in strum ents fondent leurs accords
avec une douceur de sons in dicible. L e chrétien,
au Pu rgatoire, est ce vieillard qui revit son
passé, avec celte différence pourtant que les
années de la terre lu i apparaissent autrem ent lu ­
m ineuses : il voit dans une clarté intense les
joies de cette vie-, les dévouem ents dont il a été
l ’objet, les affections q u ’il a suscitées, celles q u ’il
a données, les heures intim es dont' le charm e
venait du devoir accom pli, de D ieu aim é et
servi. E t ce souvenir rem p lit l ’âm e d ’une réelle
félicité. Cette félicite n ’est pas m oin dre lorsque
l ’intelligence, au lieu de se replier sur elle-m êm e
et sur son passé, regarde devant clic et contem ple
les horizons nouveaux qui sc déroulent sous ses
yeu x. Nous avons démonLré plus haut que l ’e s­
p rit en P u rgato ire sait plus et q u ’il sait m ieux,
q u ’il connaît plus de choses et q u ’il en sonde
plus profondém ent les m ystères. O r, c ’est là
encore mac source de grandes joies. Jci-bas nous
voyageons au m ilieu d ’énigm es dont le secret
nous tourm ente ; nous en cherchons la solution
e t nous som m es heureux quand nous l ’avons
trouvée.-M ais à une énigm e dissipée en succède
un e autre souvent plus ténébreuse et plus pres­
sante et nous quittons la vie avant d ’avoir éclairé
tous ces doutes.
Dans l ’au-delà la p lupart des énigm es, peut-
être toutes, sont résolues. Nous voyons le pour­
quoi dé bien des choses, la raison de tant de faits
incom préhensibles, l ’enchaînem ent de ce qui
nous paraissait rom pu et sans suite, le coté p ro­
vid en tiel de ce qui sem blait p u r hasard, l ’u tilité
100 LA PSŸCltOLOGÎÈ DU PURG A TO IRE

de ce que nous qualifions de vain ou de m auvais.


E t c’ est une grande satisfaction pour l ’esprit
cVêlre débarrassé de la hantise de- ces problèm es
u rgents ct insolubles.
E t puis ces mondes nouveaux qui se m ontrent
aux regards surpris et ém erveillés, ces élus, ces
' âmes saintes, com pagnes de tortures au P u rg a ­
toire, cette sublim e .h orreur des flam m es de
l ’E nfer, tout cela cause une ém otion très vive. B o n ­
heur aussi que la découverte des lois supérieures
du m onde, que cette connaissance si claire, si in ­
faillib le de toutes les sciences dont nous ne
bégayons ici-bas q u e les rudim ents.

X. — Q uand le touriste, après avoir qu itté le '


lac des Q uatre-G anton s, g ra v it .le sentier qui
m onte de W æ ggis au U igi, ou se laisse porter par
le chem in de fer qui part de Yit/.nau, une vive
adm iration em plît son âm e. A chaque to u rn an t
de sentier, à chaque halètem en t de la m achine
qui m onte essoufflée, le panoram a change ; ce
sont sans cesse des décors différents d’ une indes­
criptible beauté ct auxquels des panneaux neufs
s’ajo u ten t a m esure que l ’ ascension se fait.
D ’abord ce sont, en face, les croupes sombres du
B ürgcn stock, le Stanserhorn, la masse im p o­
sante et sinistre du P ila tc, puis plus lo in , au
dessus des prem ières m ontagnes, les Alpes d ’U ri,
d ’E n gelberg, de Berne, E n bas, le lac dans le­
quel se baigne la belle ville de L ucern e, P u is, la.
chem in tom m e, des sites nouveaux se découvrent,
l ’œ il plon ge dans le golfe de K üssnach. Encore
quelques instants ct le lac de Z u g fait étinceler
■LES JOIES DU PURGATOIRE - 101

sa coupe si fraîche au m ilieu d ’un délicieux


paysage. E t, à m esure que l ’on m onte, c’est un en- '
ch an tem en t,u n e fête des yeu x, de l ’im agin ation,
de l ’esprit. Parfois, la brum e survien t. Tandis
q u ’au-dessus le soleil brille et fait étinceler la fo­
rêt de m ontagnes qui cernent le ïlig t ; au-dessous
une mer cotonneuse s’étale im m ense, agitée, si­
lencieuse ; les vagues, ou p lu tô t des rochers de
vapeurs y ro u len t, courant les uns après les a u ­
tres, s’entrechoquent, se brisent, se fondent, von t
d ’une course folle. Des éclats s’élèvent au-dessus
de ce chaos en colère, ct se dissipent en im percep­
tibles vapeurs après s’être cram ponnés quelques
m om ents, com m e à la vie, à la cim e d ’un m on t ou
à la chevelure d’ un sapin. P ar instants, l ’abim e
s’e n tr’ouvre et, au fond de cette m er d ’une b la n ­
cheur de neige, entre deux m urailles m ouvantes
on aperçoit, dorm ant là-bas bien loin des prairies
verdoyantes, des villages gracieux, des vallons ra­
vissants, puis l'abîm e se referm e et la lu tte y re­
com m ence. E t avec cette agitation contraste le si­
lence q u i enveloppe ct pénètre cette m er de bro u il­
lards : de ces vagues on d irait des colosses qui
sc ru en t les uns sur les autres sans un cri, sans
un souffle, sans un m u rm u re, com m e la-haut les
astres circulen t dans le silence glacial des nuits.
C ’est une autre féerie quand , à travers
une atm osphère pure, le soleil se couche ou
sc lève sur les m ontagnes lointaines. L e soir,
il éteint u n à u n les feux q u ’il avait allum és
sur les. cham ps de neige ou de bruyère, .au
som m et des pics brillan ts com m e des cierges
dans une cathédrale im m ense, in fim e ; en ex­
102 LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

pirant, la lum ière prend louf.es les teintes, ici


elle jette un dernier et plus v if éclat sur le cristal
d ’ un glacier, ailleurs c’est un voile gris étendu
sur un cham p de neige, ailleurs c'est une gaze
rouge, violette ou rose qui habille tous ces m onts
com m e pour une fête de n uit. P u is la fêle cesse,
aux sons de la « Retraite du soleil », jo u ée par
un m ontagnard s’ur le cor des Alpes, le dern ier
flam beau est éteint là-bas au som m et du dernier
pic de l ’ouest. A ttendez quelques heures et de
l ’autre coté à l ’est, pendant que le. cor fera
retentir de nouveau ses notes rudes et bizarres,
les m ontagnes s’a llu m eront de n ouveau. L e
Samt.is donne le signal, son pic apparaît sur un
fond d’ôr com m e une étoile frileuse et gran dis­
sante, puis dix, vin gt étoiles sem blables p ointent
gaiem ent, se soudent les unes aux autres en un
cham p im m ense de lu m ière et de gloire.
Des m ontagnes blanches, l'au rore descend aux
pentes vertes, aux vallées som bres, aux lacs et
aux rivières d’argen t ; ct la plum e se refuse à
décrive ces m erveilles com m e à dire l ’ém otion
douce, la jo ie ineffable q u i inonde l ’àm c com m e
la lu m ière inonde ces sites,
O r, ces paysages m atériels de rochers con vul­
sés, ou effondrés en des jo u rs de cataclysm es, de
vallées creusées et tordues par la violence des
eaux, ne sont rien dans leu r sauvage beauté à
côté des éblouissants panoram as qui se déroulent
aux yeu x de l ’âm e en l ’a u tre vie, de l ’àme du
Pu rgatoire en p articulier. A u tan t l ’esprit l ’em porte
sur le corps, et la lu m ière im m atérielle sur la
lum ière physique, autant les splendeurs de l ’au-
L E ^ JO IE S DU PURGATOIRE

delà dom inent celles de la terre, autant les joies


spirituelles q u ’elles procurent, dom in en t le ravis­
sement. des yeux du touriste. Le P u rgato ire a
réellem ent ses fêtes de lu m ière et scs jo ies d’in ­
telligence.

X I. — Il a aussi les fêtes du cœ ur et les joies


de l ’am our.
La volonté est l ’a utre puissance qui se partage
avec l ’esprit l ’activité de l ’àm c dans l ’au-delà.
Son exercice, ses progrès sont principe de satis­
faction tout autant que l ’exercice et les progrès
de la connaissance.
La raison psychologique et l ’ex péri en ce intim e
de chacun de nous établissent clairem ent ce fait.
Consultons, en effet, la psychologie. E lle nous
dira q u ’il y a, entre la connaissance et l ’am our,
ce lle différence qu e la connaissance est u n e force
qui attire à soi, l ’am our une force qui se répand
au dehors, une puissance d ’expansion. 11 y a là
com m e une sorte d ’aller et de retour. C ’e s t l’été,
il l'ait chaud d’ une de ces chaleurs qui assom ­
m ent et qui altèrent.. Je suis fatigué, j ’ai soif..
L à, près de m oi, se trouve une grappe de raisin
d ’ un beau noir qui annonce la pleine m aturité.
Se détachant sur le vert du feuillage, elle frappe
m on regard, l ’im pressionne agréablem ent : son
im age se pein t dans mes yeux ; c’est l ’aller. La
grappe élait au dehors, elle a agi sur m a vue,
elle est représentée par ce sens, elle y est pré­
sente de cette présence qui constitue la connais­
sance. Ma vue l ’a saisie et la possède présente en
cl le-même. O r, celte perception que j ’ai de la
l.A l ’ S Y C ltO I .O l'r lE DU D U R O A T O m e. ?
LA l’ S Y C U O L O G llî DU l’ U HGATOIRK

grappe allu m e en moî un désir, celui de m ’en


em parer e l de la savourer. C ’est le retour. M ain­
tenant mon àm c tend vers ce fru it succulent,
c ’est une inclination de moi à lu i. La connais-
.sancc naît donc d ’ une im pression du fru it sur
m oi ; le désir est une in clin atio n du moi vers le
fru it.
Ceci nous m ontre en quoi la volonté diffère de
l'in telligen ce; ce lle -ci est la représentation vi ­
vante en moi des clioses du dehors : celle-là est
l/inclination de mon désir vers les objets connus,
O r, la volonté, que 1d ésire-t-elle, q'ü’a im e-l-
ello ? T o u t ce qui est bon peut provoquer scs élans.
E t tout ce qui nous constitue ou nous parfait
d ’une façon ou d’ une.autre est bon. Ce qui éclaire,
enrichit, l'in telligen ce est bon, c’est un objet de
convoitise pour la volonté. Ce qui m euble ma mé­
m oire, affine mes inslincLs nobles, rem p lît mon
im agin ation de tableaux sains, aiguise ■ mes sens
extérieurs, tout cela est bon, tout cela peut p ro ­
voquer et provoque, en effet,les inclinations de la
volon té. Ce q u i fortifie ma sauté p hysique et
m orale, est égalem ent propre à séduire cette fa­
culté, On voit que le ressort de la volonté est
1res étendu eL (pie, tandis que la vue ne saisit que
des couleurs, et Toute des sons, le goût des sa­
veurs, la m ém oire des souvenirs, l'im agin atio n
des tableaux vécus, l'in telligen ce des lum ières
scientifiques, la volonté saisit tout pela et l ’aim o.
E lle est com pétente sur l ’o bjet de chaque faculté,
car elle est com pétente sur tout ce qui est bon et
l ’objet de chaque faculté est le bien propre de
celle-ci. -Si nous poursuivons ce raisonnem ent
LES JO IE S DU PURGATOIRE I0 5

psychologique nous verrons que cette com pétence


un iverselle d e là volonté qui lu i fait désirer tout
ce qui est bon à chacune des activités de l ’être,
en fait précisém ent la faculté du bonheur ct de
la jouissance. Car la jouissance étant la satisfac­
tion et le repos dans le bien possédé, cette puis­
sance jo u it qui a p oursuivi et conquis le bien.
L ’ intelligence s’e m plit do/vérités, les sens d’im ­
pressions harm oniques, le corps déborde de sève
ct de vie, toutes ces choses sont causes de jo u is ­
sances, mais c’est la volonté qui recueille les
fru its et les savoure, c’est elle qui jo u it, ( l’est en
elle que vient rcleuLir ce dernier écho des per­
fections acquises dans les autres facultés, c ’est en
elle que s’élève le cri de jo ie ct le chant de bon­
h eu r.

X II. — D u reste, l'expérience vien t ici confir­


m er les données de la science psychologique, et
découvrir les Ilots de jo ie jaillissan t de l ’activité
con tin ue de la volonté.
. L ’acte "principal ct prem ier de la volonté est
d ’aim er, et c’est pour cela que la. volonté s’appelle
aussi le cœ ur, parce q u ’elle est essentiellem ent
la faculté qui s’attache ct qui aim e. T oute sa
vie rayonne autour de ce sentim ent, tous ses
autres actes peuvent se ram ener à celui-là ou
s ’expliquer par lu i. Saint François de Sales
le dém ontre excellem m en t dans son Traité de
VAmoàr de Dieu, I. I, c. iv : a L ’am our étant la
.première com plaisance que nous avons au bien;
ainsi que nous dirons tantôt,, certes, il précède le
;désir ; ct d'effet, q u ’cst-cc que l ’on désire, sinon
lo 6 LA PSYCHOLOGIE b ü PURG A TO IRE

eu que l’on aim e ? Il précède la délectation, car


com m ent p o urrait-on se réjouir en la jouissance
d’une chose, si on ne l ’a im ait pas ? Il précède
l ’espérance, car, on n ’espère que le bien q u ’on
aime ; il précède la haine, car nous ne haïssons
le m al que pour l ’am our que nous avons envers
le bien ; ainsi le m al n ’est pas m al, sinon parce
q u 'il est contraire au bien, et c'en est de m êm e,
T héotîm e, de toutes autres passions ou affections,
car elles proviennent toutes de l ’am our, com m e
de leu r source et racine.
» C ’est pourquoi les autres passions et affections-
sont bonnes ou m auvaises, vicieuses ou v e r­
tueuses, selon que l ’am our d uqu el elles procèdent
est bon ou m auvais ; car îl répand tellem ent ses
qualités sur elles, q u ’elles ne sem blent être que
le m êm e am our. Sain t A u gu stin , réduisant
toutes les. passions et affections à q u atre, com m e
ont fait Boèce, C icéron , V irg ile , et la p lup art
de l ’antiquité : « L ’am our, d it-il, ten dant à pos­
séder ce q u ’il aim e, s’appelle convoitise ou désir;
l ’a ya n t et possédant, il s’appelle j o ie ; fu y an t ce
qu i lu i est contraire, il s’appelle crainte :■que si
Cela lu i arrive et q u ’ il le sente, il s’appelle tris­
tesse : et partant, ces passions sont mauvaises^ si
l'a m o u r est m auvais ; .bonnes, s’il est'bon . »

X III. — Il suffit de consulter le cœ ur pour


l'en ten d re proclam er les divines suavités que lui
procure l’ am our. .
11 est doux d’aim er ; et c’est chose si délicieuse
que N otre Seign eur a vou lu la goûter. Il a aim é,
aim é de toutes scs fibres, aim é d ’un cœ ur qui
LUS JOIHS DU PÜRGAT01UR

en est devenu adorable. Lorsque l ’am our surtout


est noble, sain ; lo rsqu ’il va au seul objet digne
de lu i, à D ieu, q u ’il aim e D ieu par dessus toutes
choses., q u ’il découvre en tout le reste l ’étincelle
de divin que le C réateur y a cachée, q u ’il aim e
les créatures pour ce q u ’ elles ont reçu d ’en
haut, alors c’est un rayon du bonheur céleste
qui le traverse, l'illu m in e, l ’échauffe, l ’épa­
n ou it.
A im er, c’est donner de son trop plein , c’est so
donner soi-m éinc, c ’est aller à celui q u ’on aim e,
. aller A Dieu pour lu i l'aire hom m age de ce que
l ’on est, ajouter a sa glo ire, le gran dir, si c ’était
possible, de tout soi. A im er, c ’est, pour D ieu,
aller à. ceux q u 'il aim e, sc dépenser pour eux, so
.sentir vivan t parce q u ’il déborde au dehors ; se
sentir fécond parce q u ’i l édifie le bonheur d’un
autre.
A im er est chose si douce que môme quand
D'amour est coupable, on voit des pécheurs ne
pâs craindre, p o u r ch goûter les délices, de lui
sacrifier leurs énergies intellectuelles et morales.,
leur fam ille, leur avenir, leur santé, presque leur
vie.
A im er et être aim é, c’est double b o n h eu r:
aim er D ieu , sc sentir aim é de lu i ; ou’ p lu tô t se
sentir aim é de l u i ,— car n ’est-ce pas lu i qui a fait
les prem ières avances 3 et le payer do l'etour ;
aim er nos frères ct recueillir leur attachem ent ;
savoir que la vibration qui est née dans notre
cœur, q u i court à l ’o bjet aim é, est agréée par
lu i, et reten tit en sort cœ ur en un autre cri d ’af-
fcctioq et dç cjon de soi j com m unier par l ’amouiq
Ï0 3 LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

à D ieu, aux âmes ; sentir, com m e disent les m y s­


tiques, q u ’on s’écoule en eux, et q u ’ils s’écoulent
en nous ; com m unier à eux, être com m unié
par eux ; agrand i r no tre à me des â mes a i m éc s, d e
leurs vertus, de leurs qualités, de leu r noblesse,
par cette fusion qui, tout en laissant â chacun sa
personnalité propre, fait cependant passer, de
l ’am i à l’ am i, cette ressem blance exprim ée par
le vieil adage : amicitia parcs invenit aut fa cit :
« l ’am itié est entre pareils ou rend pareils » ; en
vérité, c ’est là une réelle jouissance, si grande que
n ulle autre ne peut l ’égajer sur te rre .,, ni en
Pu rgatoire.

X IV . —- C ar là on aime,, on est aim é.


On aim e D ieu, on l ’aim e à en b rû ler, à en
souffrir un feu consum ant, mais à en jo u ir du
m êm e coup d'étrange façon. On aim e D ieu de
toute sa volonté form e, 'fix e , inébranlable ; on
l'aim e de toute sa charité coin me nous l ’a! Ion s
voir. On voit tout ce que D ieu a mis de soi dans
les créatures, cette indéfinissable et certaine
participation d u divin dans le créé, qui est tou Le
la raison d'être do celui-ci : et parce q u ’on aim e
D ieu par dessus to ut, on le p oursuit de son am our
jusque dans les rayonnem ents les plus lointains de
son être ct de son œ uvre. T o ute créature est aimée
dans la m esure où elle participe à D ieu. C hacun
aim e surtout son âme q u ’il voit achem inée vers
le Paradis et pleine de D ieu, E t parce que les pa­
rents, d ’une p art, viennent de D ieu, vont à lui ct
contiennent des étincelles de sa flam m e ; parce
que, d ’auLrc pari., on sc retrouve plus particuliè-
T.KS JO SE S DU l'U U G A T O T im

renient en eux qui sont de m êm e race et de


même filiation, ou les aim e d’une affection plus
vive et plus tendre. On n ’aime pas seulem ent
ceux qui ressem blent par la race, mais encore
ceux qui ressem blent par l ’état, com m e les autres
âmes du P u rgato ire, ou ceux cjui sont pareils par
vocation, com m e les élus du ciel, E t cet am our
em plit l ’être d’ une h ym n e si douce, si suave
q u ’on ne se lasse pas de la chanter. E l au bon­
heur de chanter l’hym ne d ’am our se jo in t au
Pu rgatoire celui d'entendre cette hym ne chantée
par D ieu, par ses élus, par les autres âmes du
Pu rgatoire, par les lutteu rs de la terre, par sa
propre fam ille. On se sait aim é de D ieu, dont la
présence se fait sentir expérim entalem ent par
des touches aussi discrètes que puissantes ; on se
sait aim é des élus dont les grandes ailes planent
au-dessus du Pu rgatoire pour attendre ceux qui
s'en échappent et les porter à D ieu ; on se sait aimé
de ceux que l ’on coudoie dans les mêmes flam m es,
et qui sont com pagnons de m êm e fortune, ct de
même, infortune ; on se sait aimé de cette Eglise
de la' terre qui jet Le à flots continus dans les
flam m es les satisfactions infinies q u ’elfe puise
dans son trésor pour éteindre les feux ven­
geurs et purificateurs ; 011 se sait aim é des siens
q u 'o n aime tan t q u ’on ne peut pas se les repré­
senter indifférents, de qui, du reste, on sait le
souvenir, on connaît le deuil, on reçoit secours
et soulagem ent.
A im er, être aim e, c ’est Pacte principal du P u r ­
gatoire,' c’en est le bonheur, la consolation. E t
.cette consolation est telle que les Ames arriven t à
110 LA. PSYCHOLOGIE DU PURGATOIUK

aim er ce Pu rgatoire q u i leur perm et de t e l es


joies cl leur en prom et de p lu s grandes encore.
S 'il est si doux d’aim er et d’etre aim é sur la
terre ; que dire du P u rgato ire, où l'o n aime
d ’une affection plus pure, p uisqu'on est saint et
irrévocablem ent saint ; plus intense, puisque rien
ne vient, p lu s faire .vaciller le cœ ur et que la vio
n aturelle et la grâce étant à leu r m axim u m
d ’énergie décuplen t la puissance de l ’am our ; plus
éclairée, p u isqu ’on y voit les choses à leur vrai
poin t de vu e et dans leur vraie valeur. A joutons
a cela q u ’on y est plus aim é, et q u ’on y sait da­
vantage les sentim ents dont on est l ’objet. Q u ’im ­
porte d ’ètre aim é, si on l ’ign o re? c ’est la con­
naissance qui perm et do jo u ir de l ’affection des
autres. A u P u rgato ire, on sait clairem ent, à
n ’en pas douter, quelle tendresse on a provoquée
au cœ ur de D ieu et au cœ ur de ses frères et cette
conscience plus vive, plus sûre 'Vôtre aim é, en­
gendre des joies plus abondantes. 0 bonheur des
âmes q u i brû len t en P u rg ato ire !

XV. — Nous n ’avons encore découvert que


les sources naturelles des joies du P u rgato ire, tout
en signalant au passage l’appoint q u ’elles pou­
vaient recevoir des sources surnaturelles. Il nous
reste a dire les flots do bonheur déversés par ces
dernières dans Vaine.
U n e prem ière cause de jo ie surnaturelle doit
être cherchée dans les souvenirs jo in ts à la pensée
de l’ E nfer.
L a m ém oire, que nous avons vue si fidèle en
J hirgaloirç, rappelle : tous les dangers, de' çette
CES JO IE S DU PURGATOIRE ïlt

vie. On a'cô lo yé le précipice sahs cesse ; parfois,


quand on a eu le'm a lh eu r cîc com m ettre le péché
m ortel,on a fait p lu s que cotoyér 011 a été sus­
pendu au-dessus de l ’abîm e. S i la m ain de D ieu,
q u i soutient tout, s’était retirée, Sï le fil deT exis-
ten ce s’é ta itro m p u jc’en é la itfa it,o h é ta iten glo u ti
p o u r l’éternité. On se souvient aVec une ém otion
poignante de ces heures, de ces jïxirs, de ces an ­
nées p eu t-être où la chu te en E n fer n ’ a ten u q u ’ à un
fd ; et cet E nfer est là, on se le représente,en entend
pour ainsi dire les blasphèm es qui s'en échappent.
On devrait y être, on n ’y est pas : quel bonheur !
Mais pourquoi r fy est-on pas ? On se souvient
alors avec délices des heures de repentir, des re­
tours .où le divin P asteu r s’est m ontré si b o n ;
011 n ’avait pas la force de se relever, :on a crié au
secours, le S auveur est venu- dans la personne de
ses prêtres, dans la charité de son É glise, et il
a porté sur ses épaules ou sur son cœ ur le m al­
heureux pécheur.
: On sc rappelle aussi les joies de la vertu pra­
tiquée, de l ’état de grâce conservé ou reconquis et
gardé fidèlem ent. L e danger était toujours là,
on le sentait, on était attiré vers lu i par des sol­
licitation s perverses, par le vertige du m al, par le
poids de sa propre nature. Sans appui on serait
tom bé, m ais on a eu le secours d ’en h a u t ; la lu ­
m ière de la foi qui m o n trait la route, les énergies
su rn a tu relles'q u i relevaient les forces chance­
lantes, les directions sacerdotales q u i m ettaient
un e barrière en tre 'la route ct l'abîm e. On frém it
encore à la pensée du danger couru, on se ré­
jo u it à la vue du dan'gei’ disp aru, ’
112 LA PSYCHOLOGIE DO PUDGATOIUE

X V I. — Iiap pelons-nous les ém otions (pii


étreignent notre âme aux jo u rs des grands n au -
irages ct les joies qui la dilatent quand nous ap­
prenons que les passagers sont tous sauvés.
Im aginons-nous surtout le bonheur qui inonde
tout ré tro du naufragé quand, après un dernier
. effort ct une brasse suprêm e, il a enfin louché
la rive. Depuis des heures il était sur le pauvre
n avire dont l’ épave s’était engagée entre les bri ­
sants. La m er en-furie s’agitait dans de perpé­
tuelles tentatives pour saisir sa proie, et pour
l ’engloutir ! Les vagues pressées com m e une
charge m onstre de Ja cavalerie de la m ort, ac­
couraient colossales, se brisaient sur les lianes
du vaisseau, balayaient le pont, h u rla ien t le
chant du désastre ; ct des craquem ents lugubres
retentissaient du hau t des m âts au fond de la
cale. A cette attaque bru tale, tum ultueuse, de la
m er s’en jo ig n ait un e autre plus sourde, plus
traîtresse c l plus dangereuse à la fois : des tis­
sures s’élargissaient dans les parois du navire,
des voies d ’eau se déclaraient, la m er envahissait,
rem plissait les étages inférieurs, appesantissait
sa victim e, ct le m om ent approchait où ce qui
n ’aurait pas été brisé par l ’ouragan ct par les
vagues, serait noyé par cette inondation et som­
brerait p o u r toujours. E t les passagers épou­
vantés, l ’cquipage héroïque tentaient des efforts
surhum ains pour gagner la terre que quelques
centaines de m ètres séparaient à peine. Les b ar­
ques de sauvetage coulaient ou se brisaient, les
am arres lancées n ’îirrivaicnt pas: enfin un va et
vient avait pu être établi ct, porté par u n e c c in -
LBS JO IE S DU PUI\G,VTOIUE '

turc de sauvetage, soutenu par la corde, le m al­


heureux p assager,'tiraillé par les flots, abandonné
par ses forces défaillantes, avait accom pli lente--
m ent, douloureusem ent, mais enfin avec succès,'
le voyage du navire à la terre. Q u ’on ju g e de sa
joie quand il arrive ! quand il tom be dans les
bras des courageux sauveteurs de la rive, sur la
poitrine p eut-être de parents, d ’amis accourus à
la nouvelle du danger ; quand, se retournant, il
voiL toujours là le vaisseau en perdition , la mer
en fureur, et q u ’il se d it que c’est bien vrai,
q u ’il a échappé à la m ort, que les flots ont beau
se cabrer, ils ne peuvent plus rien contre lu i.
Sauvé ! q u i dira jam ais ce q ü ’ii y a de félicité
dans ce m ot,
lié bien ! c’est le m ot, c’est le refrain du P u r­
gatoire. S a u v é! On y est sau vé! O u était un
passager de ce m onde : on en a parcouru l ’ Océan,
on y a rencontré des tem pêtes. On y a été assailli
par les vagues, par les entreprises des m auvais
conseils, des exem ples pervers, des sollicitations
im pures ou im pies ; la m aladie ouvrait dans les
flancs de l ’être hum ain des brèches par où la vie
s’en allait et la m ort accom plissait son œuvre
lente et sûre : arriverai t-on au port, serait on
sauvé ou p érirait-on [m isérablem ent dans le
gouffre in fern al : c ’était la question posée si
pleine d ’angoisse jad is, heureusem ent résolue
au jo u rd ’hui. Com m e le naufragé qui, de h
rive, voit plus nettem ent encore la grandeur et
l ’ im m inence du péril auquel il a échappé, l'âm e,
du P u rg ato ire, saisit plus vivem ent l'h o rreu r du
danger, et la fragilité du iil qui l a empêchée
II4 LA PSYCHOLOGIE t>U PURGATOIRE

d ’y tom ber. Ce qui causait ce danger est toujours'


là, la vie, avec ses agitations ct ses incertitudes,
l'E n fer avec scs rages ; mais on est sur la rive,
hors de la vie terrestre, hors d ’aü o in tc de l ’E n ­
fer. Sauvé b o n est sauvé ! Q uel bonheur, quelle
ém otion poignante et douce à la fois.

X Y I I . — Elles, ne sont pas m oins douces, les


ém otions, q u ’après les triom phes du passé, ap­
p orten t les sécurités du.présènt. Nous ne répéte­
rons, pas ici ce que nous avons déjà d it des diffé­
rentes confirm ations qui, au Pu rgatoire, préser­
ven t l ’âme do toute défaillanco ; mais il est
certain que, là, il n ’y a plus rien à craindre. C ’est,
après l ’in certitud e, l ’assurance ; après la faiblesse,
là force, après l'au b e ou les ténèbres, la lum ière.
Q uan d la conscience se replie sur l ’âm e, si elle
explore les régions in tellectuelles, elle y découvre
des clartés nouvelles et totales, On sait en P u rg a ­
to ire, on sait beaucoup et surtout on sait de
science certaine. P lu s , d ’hésitations, plus de
doutes. A vec la netteté des axiom es tout apparaît,
l ’esprit vb it et prononce sans que son regard va­
cille n i que son verbe trem ble. Q u el bonheui
qu an d on com pare cet état in tellectuel à nos
connaissances si courtes, si peu sûres, de cette
vie.
A rch im ède, après s’ètre lo n g u em en t fatigué ^
là recherche du problèm e q u i l’obsède, Payant
enfin résolu, se ’ lève, parcourt la ville, en répé­
tan t son im m o r te l’ Eurêka. I l à tro u v é ! 11 à
trouvé 1 G ela lo 'p io n g o datis lin e q o ie ihdicible)
débordante, tjû’il ne péut 'contenir ét (|u’ij
ir a s J o i e s n u p u r g a t o ir e

cprouvè le besoin de faire partager de to u sses


concitoyens.
Eurêka ! J ’ai trouvé ! c’est un autre refrain des
chants du P u rgato ire. 11 y ayait ici-b as ta n t de
doutes pleins d ’angoisse. O n s’était arrêté de­
van t tan t de m ystères ! On avait posé à la n a ­
ture, au dogme* à la destinée, tan t de questions
sans réponse. Q u ’est-ce que cet être? Q uelles
lois m ènent l'u n ivers physique, le m onde m oral ê
P ou rquoi D ieu a - t - il perm is ceci ou cela? Q ue
sont devenus celu i-ci ou c e lu i-là ? au tan t de
m ystères qui nous agiten t et nous tro ublen t sur
la terre. A u P u rgato ire, tous les m ystères ne sont
pas résolus, il y a encore des om bres que la grande
révélation du Paradis dissipera et dont la foi ac­
cepte les angoisses, mais du m pins la p lu p art des
points d ’in terrogation sont supprim és. On s a it;
on ne sait pas tout, il y a encore des ignorances ;
mais il n ’y a plus d ’erreurs. D o u b le joie, de
'évidence dans ce que l ’on sait, de la certitude
dans ce que l ’on sait et ce que l ’on croit. On se
sent im m uablein en t assis sur le roc de la vérité.
Interrogez le savant et il vous dira que, p o u r lu i,
îl ne connaît pas de joies intellectuelles supé­
rieures à celles que procure cette m arche dans
la lu m ière de-l’évidence sur le sol in ébran lable
de la certitude.

X V III . — A u x sécurités de l ’in telligen ce


vien n en t s’ajouter celles de la volonté. L e libre
arbitre est le grand in stru m en t du bien et du
m al : c'est u n glaive ivd ou ble tranchan t q u i tue
ou qui protège, qui détruit ou qui sauve. Ici-
LA PSYCHOLOGIE DU PUftGATOIHE

bas, la liberté est vacillante, son œ u v re'd e bien


est fort précaire : tantôt elle veut le devoir ct
tantôt elle: le trahit. Q ui n ’a rencontré de ces
pauvres âmes sans caractère qui voudraient se
bien conduire, être chastes, être fortes, m archer
dans la voie de.la vertu ,et qui se laissent entraîner
par le chant de la sirène qui les appelle? Elles
succom bent en m audissant leur faiblesse, roulen t
dans l ’abîm e q u ’elles réprouven t ct, au lieu de
joies m ême factices, ne trouven t dans leurs capi­
tulation s q u ’am ertum e et dégoût, E lles appellent
du secours, supplient q u ’on les défende contre
elles-m êm es, q u ’on donne de la ferm eté à leur
volonté sans consistance. Q uel soupir de déli­
vrance quand enfin elles ont trouvé sur leur
route la m ain qui les relève, la voix robuste qui
les fortifie, l'énergie qui leu r com m unique son
ressort ! E lles sentent le vou loir renaître et
g ray d ir en elles, et cette fermeté- q u ’elles
n ’avaient plus connue depuis de'lo n gs jo u rs leur
apporte le calm e et le bonheur, Elles deviennent
de plus en plus sûres d ’elles : elles peuvent dire :
« je veux » et elles veulen t ; ajouter : « je ferai
ceci » ct elles le font ; et elles sont joyeuses et
hères de cette m aîtrise enfin reconquise sur ellcs-
mèm.cs. Cependant un e telle jo ie n ’est jam ais
sans om bre, car il y a encore des faux pas ; ni
sans crainte, car on p ourrait tom ber, on le sent,
aussi bas, plus bas p eu t-ê tre que jadis.
A u Pu rgatoire, la jo ie est com plète parce que
l’énergie est com plète. .L a . volonté est aguerrie,
elle me faiblira plus jamais., on cil a la conscience
certaine. Q uand les forces conjurées du m onde la
LES JO IE S DU PURGATOIRE

solliciteraient, lu i livreraient le plus furieux des


assauts, clic ne fléchirait pas une seconde, n ’au­
ra it pas le plus petit vertige, la m oindre con­
cession. E lle est devenue une barre de fer. E lle
est sûre d ’elle, et ce n ’est pas une petite consola­
tion cjuc d’aim er D ieu et de pouvoir se dire que,
quoi q u ’il arrive, on lui sera fidèle. On restera
dans la voie de l ’hon neur et du bien.
Les sécurités de la volonté entraîn en t celles
du cœ ur, c a r ie cœ ur et la volonté en P u rgatoire
sont deux noms d’ une m êm e faculté. C elle-ci
veut, et elle s’appelle volonté ; elle veu t parce
q u ’elle aim e et elle prend le nom de cœ ur. A im er
et vouloir sont une m ême chose, p uisqu’on veut
n aturellem en t ce q u ’on aim e et q u ’on aim e ce
que l ’on veut. L a volon té au P u rg ato ire ne
connaît p lus de défaillances, le cœ ur a renoncé
à tous égarem ents, 11 aim e, il aim e de toutes ses
libres, il aim e ce qui est incontestablem ent bon,:
et il sait q u ’il ne peut pas ne pas l ’aim er. Il est
doux d ’aim er. L ’am our cependant n ’a toute sa
douceur que lo rsqu ’il se. sent entièrem ent d ’ac­
cord avec la raison, sur de lui-m êm e et éter­
nellem en t en possession de l ’objet aim é. Les
passions les plus ardentes ne donnent pas de
jouissances com plètes si elles s’entendent blâm er
par la raison ; elles perdent de leu r prix quand
elles savent q u ’elles n ’auron t q u ’un tem ps,
q u ’elles dureront l ’espace d ’un jo u r ou d ’une
année, que bientôt elles se consum eront p a rle u r
propre flam m e ou sentiront s’échapper l ’idole
de leur culte. E n Pu rgatoire, rien de tout cela
n ’est à craindre et l ’am our jo u it de la plus
IlS LÀ PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

grande sécurité, il est au m axim um d ’intensité


et donne la plénitude de ses assurances, il est
pur, il en a conscience, il est attaché à l'im ­
m uable, c’cst-à-dirc à D ieu, son objet ne peut
changer que pour se livrer p lu s entièrem ent.

X IX . — O r, toutes ces sécurités ne sont rien


à côté de celles de la grâce qui les consacrent,
les sanctifient et leur donnent leur caractère
vraim en t surnaturel. En P u rgato ire 011 ne peut
plus pécher. L a grâce s’est em parée de l'âm e, et
ne la quittera pas ; ici-bas, la grâce p eut envahir,
un 'hom m e, com bler ses puissances d ’énergies
surnaturelles, l ’aguerrir tellem ent q u ’il ne pêche
plus et soit, com m e les apôtres, confirm é
en grâce, Il n ’en est pas m oins vrai que cet
hom m e a encore lieu de craindre, et de répéter
avec saint P a u l : Castigo corpus meuin et in servi■
latem redigo, ne forte cum alüs prædicaverim, ipse
reprobus efficiar (I Cor. ix, 27). 11 lur faut,
com m e à l ’apôtre des G entils, m ortifier son, corps
et le réduire en servitude, de p eur q u ’après avoir
clé aux autres une cause de salut, lui-m êm e ne
se dam ne. L a raison eu est q u ’ici-bas l ’âm e, en
se repliant sur clle-m èm e, n ’arrive pas à y dé­
couvrir la présence ni surtout à m esurer l ’in ­
tensité du surn aturel. E lle est sainte, elle
l'ig n o re , elle est pour toujours fixée en sainteté,
e lle ne le sait pas,
. Mais en P u rg ato ire le regard de la conscience
est plus perçant,, l ’esprit, si nous en croyons
B ella rm in , en s’explorant constate les réalités
surnaturelles qui le possèdent, il en calcule la
LES JO IE S 1)0 ï'tm G A ÎO IIU i

puissance ; d ’autre part, il s,ait par la foi q u ’après


la m ort, il n ’y a p lus n i m érite, rii dém érite,
que la destinée de chacun est arrêtée et défini­
tive ; il sait par la science psychologique l ’in failli­
bilité de sa connaissance, Finïïe;xibililé de sa
volonté, l'irréd u ctib ilité de son am our ; toutes
ces choses sont les élém ents dé sa persévérance
en sainteté et toutes ces choses lu i sont connues.
E t quel bonheur p our un e âm e droite et sainte,
de se savoir étern ellem en t sainte ! Q uelle jo ie
pour un cœ ur aim an t d ’être assuré d ’appartenir
toujours à D ieu ct de ne p lu s jam ais en cire s é -’
paré par aucune faute ! 3.
L ’am our, en effet, se jo in t à la foi pour réjouir
l’âm e. La foi assure q u ’on est ' définitivem ent
dans la bonne voie, l ’a m our expérim ente q u ’il
est pour toujours dans la destinée voulue par
D ieu. On est là où D ieu veut ct cela com ble de
joie et fait aim er les souffrances q u ’on endure, y
fait goûter de m ystérieuses et réelles suavités.
Sainte C atherin e de G cnes, au chapitre xiv de
son Traité du Purgatoire, écrit : « Ces âmes sont
si in tim em en t unies à la volonté de D ion, et
tellem en t transform ées en clic, q u ’elles sont
souverainem ent contentes de tout ce qui ém ane
de ses très saintes dispositions,
» Si, par im possible, une de ces âmes à qui il
ne reste plus q u ’un p eu de Pu rgatoire à faire,
était présentée à la claire vision de D ieu, elle
regarderait cela com m e une très grande in ju re ;
et p araître devant D ieu en cet état, serait pour
elle un tourm en t p lus terrible que dix P u rg a ­
toires. E n effet, cette pureté in fin ie et cette sou-
L A l ’S Y C H O l.O G IE D U l’ U ltG A T O m E . 8
î 30 IA l ’ S V C H O IfO G IIS DU l ’ U H G A T O lU E

verni ne ju stice ne p ourraient la supporter ; ce


serait m êm e chose inconvenante de la part de
Dieu ; et ceLle a me, de son cote, voyant que Dieu
ne serait pas pleinem ent satisfait, ne p ourrait se
résoudre à frustrer, les droits de sa justice.
Q uand il ne lu i m anquerait q u ’ un clin d ’œil de
souffrance pour être entièrem ent pure aux yeux
de D ieu, ce serait un tourm ent in tolérable pour
elle cle paraître devant lu i avec ce dernier reste
de rou ille du péché ; ct, pour s’en délivrer, elle
sc précipiterait plutôt dans m ille enfers que de
sc trouver en présence de D ieu , sans être en tiè­
rem ent purifiée, a
C ’est donc une grande jo ie pour l ’àm c que de
se savoir absolum ent dans la place voulue de
D ieu eL conform e a la divine volonté.

XX. — Toutes ces sécurités du Purgatoire


causent, certes, à ces personnes d ’une excessive
délicatesse, un bonheur in exprim able. Q ue dire
des suavités q u e lle s trouvent dans les ascensions
du P u rgato ire. E tre sûr du salut, c ’est une
grande félicité ; c’en est un e plus grande de cons­
tater que l ’on m onte dans la voie du s a lu te t que
l ’on s'approche sans cesse de D ieu, aim é, désiré,,
appelé.
Les auteurs ascétiques enseignent que la vie
eb ré'ien n e parcourt trois étapes successives dans
sa montée vers la perfection. 11 y a une prem ière
.étape qui s’appelle la voie p u rg a tiv e; il y en a
une seconde qui s’appelle la voie illu m in ative et
qui est suivie d ’une troisièm e : la voie u n ilive.
En effet, il est évident que, pour avancer, il
LES JO IE S DU ftJU GA TO U lE I 21

faut com m encer par déblayer la route des obs­


tacles qui l'encom brent, par purger le terrain des
ennem is qui l'in festen t. Ces obstacles ct ces
ennem is sont les occasions de péché, les habitudes
causées par les fautes passées, ces fautes ellcs-
m ém es,les dettes q u ’elles ont fait cou tracter envers
la justice divine. Les ru in er, les supprim er, c’est
l ’oeuvre de tout chrétien au lendem ain d'e sa con­
version, c’est la voie ou la vie purgative.
C e travail term iné ou p lutô t m ené déjà loin,
en com m ence u n autre. Il faut rem placer les
habitudes mauvaises p ar des penchants vertueux ;
les idées fausses du m onde, par les vues droites
de la foi ; il faut construire l ’édifice du devoir.
C ’est l ’œ uvre de,la vie illu m in ativc, où l'o n s’ins­
tru it sur la n ature des diverses vertus, sur leur
obligation, les m oyens de les pratiquer, leu r p rin ­
cipe ct leur idéal qui est Jésus-ChrisL, leu r effet
qui e stia perfection des saints. Ici l ’âme s'échauffe
cl se sanctifie dans l ’étude et la pratique de la
vertu .
E lle arrive ainsi à s’attacher de plus en plus
à Notre Seign eur, à le reproduire parfaitem ent
en elle, à pouvoir dire avec saint P a u l : Vivo jam
non erjo, o'wil vero in me Chrislns. Ce n ’est plus
m oi q u i vis, c’est Jésus-C h rist qui vit en moi.
E n tout elle cherche la volonté de D ieu ct dou­
cem ent, sans effort,am oureu sem ent,s’y conform e,
portée par elle com m e l ’ enfan t sur les bras de sa
m ère. Q uand l ’âme en est arrivée à ce point où
les discours, les recherches' laborieuses o n t dis­
p aru, où droitem en t elle voit, doucem ent s’in ­
clin e, elle est dans la voie u n itivc, dans la p er-
122 LA l’S ÏC IIO L O G lE DU PURGATOIRE

fcclioLi qui est la vie d’union avec Jésus-C h rist


et avec D ieu.
Ces trois voies ne sont pas des routes successives
q u ’on ne parcourt que séparém ent et l ’une après
l ’autre. Elles se m êlent et le trip le travail q u ’elles
exigent se fait si mu lia né mon t. La purification
de l ’àme est déjà un e illu m in atio n com m encée
et on ne peut se détacher du péché que parce
que la foi à au préalable projeté quelques lueurs
dans la conscience, et parce que les beautés de la
vertu sont apparues, ou du m oins soupçonnées.
La vie illu m in ative, à son to u r, continue la p u ri­
fication de l ’âme : plus o'n voit clair dans les né­
cessités et les divines fécondités de la vertu, plus
on aim e'Jésu s-C hrist et, plus aussi l ’on déteste le
poché, l’on désire s’ en préserver et se débarrasser
de scs vieilles sujétions. La vie u n ilive elle-
m êm e augm ente les certitudes et les puretés de
l’âm e, elle est une purification et une illu m in a ­
tion par excellence, com m e en retour la purifica­
tion et l’illum in ation de l ’âm e étaient des germ es
ou des com m encem ents d’un ion à D ieu. T oute
la vie chrétienne nous purifie, nous éclaire, nous
unit, mais dans certaine phase le prem ier travail
dom ine sur les deux autres et réciproquem ent,
et c ’est de la prédom inance d’ un travail sur les
autres que sont nées les dénom inations que nous
venons d’expliquer.

X X I. — T elle est l ’ascension de l ’âme en cette


vie ; telle est, toute proportion gardée, son ascen­
sion en P u rgato ire. L à, elle m onte en pureté,
elle n ionle en clarté, clic m onte en union, et ces
LES JO IE S DU PU EGA TOI HE 1 23

montées lui apportent d e , réelles et indicibles


jouissances.
E lle m onte en pureté. E n effet, si elle est a rri­
vée au P u rgatoire sans failles m ortelles, peut-être
sans fautes vénielles, les ayan t vu rem ettre dans
une dernière absolution reçue avec toutes les dis­
positions req u ises; si elle n'a plus à se m ettre
pour l ’avenir en garde contre la possibilité de
chutes nouvelles, il lu i reste, à défaut de fautes
vénielles, du moins des traces de ses anciens
péchés, des dettes a payer, des peines à purger,
des inclinations m auvaises à .redresser, des plis
pris dans une vie d ’im perfections ou de fautes à
supprim er. T o u t cola sc d étru it à chaque heure
sous l ’action des peines du P u rgato ire, l ’or de
l ’âme sc purifie sans cesse, les scories s’en vont ;
et c’ est u n grand bonheur pour cette âm e de
sentir q u ’elle devient ainsi m oins in dign e de
D ieu ; que les barrières qui la séparent du ciel
tom bent une à une, que les im puretés qui em ­
pêchent la gloire d ’envahir com plètem ent scs
puissances s’évanouissent ct rendent ainsi tou­
jo u rs plus proclic le gran d jo u r d u Paradis*

X X II. — À m esure que la purification se fait,


les peines dim inuent-elles ? Les auteurs hésitent,
sur ce point : les uns affirm ent, avec sainte Cathe­
rine de Gênes (op. cil, c. n ) , que la peine ne di­
m in ue pas, d ’autres pensent q u ’elle décroît sans
cesse ju s q u ’à ce q u ’elle sc dissipe com m e an
m atin une dernière bru m e disperse ses légers
flocons de vapeurs ct laisse rayonner le soleil dans
tout son éclat.
LA PSYCHOLOGIE DU rui\G A TO TH E

Peut-être la solution so tro u v c-t-cllo dans la


distinction entre la peine du dam ct la peine du
feu. La prem ière ne dim in ue pas : Lam e est tou­
jo u rs privée de D ieu, elle le sent approcher len ­
tem ent ct l ’envahir progressivcm çnt, m ais elle
ne le possède pas entièrem ent, elle n ’ a pas encore
cette étreinte prom ise et éternelle q u ’elle appelle
de tous scs vœ ux , et son am our souffre toujours
égalem ent, peut-être plus de la séparation.
Q uan t au feu, il est de m êm e nature, il garde
la môme intensité, m ais le com bustible d im i­
n uan t dans l ’âme, c’est-à-dire les restes du péché,
son action faiblit et paraît devoir être m oins
douloureuse. Cela, en dépit de ce que la sainte dit
ailleurs sem ble découler de ses propres principes.
A u chapitre x, en effet, du traité du Purgatoire
de sainte Catherine de Gênes, nous lisons :
« Je vois encore que ce D ieu d ’am our, ce D ieu
in fin im ent aim ant, lance à l’âme certains rayons
et certains éclairs embrasés qui sont si péné­
trants, q u ’ils anéantiraient non seulem ent le
corps, mais l’âme môme, si c’était possible.
» Ces rayons et ces éclairs, dardés par l ’am our
in fin i de D ieu, produisent deux clfets: ils p uri­
fient. ct ils anéantissent,
» Y o y e z l’or : plus il reste dans le creuset, plus
il se purilio ; et on peut le p urifier de telle sorte
que tout ce q u ’il a d ’im p u r et d ’étranger so
trouve anéanti. L ’am our de D ieu fait dans l ’âme
ce que fait le feu dans les choses m atérielles ;
plus clic reste dans ce divin brasier, p lus elle se
purifie. Ce brasier, la p urifiant toujours davan­
tage, fin it par anéantir en elle tout ce qu'elle â
I.ES JO IE S DU P U nfiA T O IM ï

d'im perfections et de taches, ct la laisse en D ieu


entièrem ent purifiée.
» Lorsque l ’or a passé par le feu ct qu ’il a
acquis le dernier degré de pureté q u ’on puisse
lu i donner, il ne se consum e fdus et ne dim in ue
plus jam ais, quelque grand que puisse être le
feu où on l ’affine, parce q u ’il ne trouve plus
alors aucun m élange de corps im purs et étran­
gers sur lesquels il puisse agir. A insi en est-il
de I âm e qui se purifie dans le feu de l ’am our
divin ; D ieu l ’y retient ju s q u ’à ce que cc feu ait
consum é en clic toute im perfection, et lu i ait
com m uniqué ce degré de perfection q u ’ il lu i
destine de toute é te rn ité... E t quand D ieu , de
degré en degré, a enfin élevé ju s q u ’ à lu i celte
âm e ainsi purifiée, elle demeure désormais im-
passible, parce qu'il n’y a plus rien en elle que. le
fe u puis ;e consumer; et'supposé que dans cet. état
de pureté parfaite, elle fut encore retenue dans le
f e u , ce feu, loin de lui être pénible, serait plutôt
pour elle un fe u de divin amour, et, comme la vie
éternelle, sans ombre de souffrance. «
On peut donc légitim em ent penser que le feu,
n ’atteign an t que les âmes im pures, tes torture
clans la m esure m êm e de leu r im pureté, q u ’il
tourm ente davantage les âmes plus im pures et
q u ’il fait à charpie instant sentir m oins ses to u r­
ment,s à l’ âme q u ’il épure. »
Dès lors celle-ci, tout en étant encore tour­
m entée, jo u it à la façon du convalescent, qui
certes est toujours faible et im puissant, m ais est
heureux de sentir ses douleurs céder, le m a l
quitter grad uellem en t .ses m em bres affaiblis.
ï 26 LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

Com m e le m alade que sa m aladie abandonne


len tem en t, com m e la P atrie que l'invasion a
envahie et.q u i voit les flots ennem is se retirer de
ville en ville, de province en province, le chrétien
au P u rg ato ire se sent soulagé de la dim in ution
de ses indignités, de la disparition progressive de
ses im puretés.

X X i l l . — A e e tte jo ie se jo in t celle de l ’ascen­


sion en lum ière et en un ion. L ’âme voit chaque
jo u r plus, elle sent à chaque instant plus dou­
cem ent D ieu . D ieu l ’envahit a la façon dont il
envahit les m ystiques. E lle sent expérim entale­
m ent sa douce ct m ystérieuse présence, les
scories de l ’im pureté em pêchent le face à face
de l'étern ité, la vision in tu itiv e , com m e ici-bas
fa scorie du corps uni. à l ’esprit empêche celui-
ci de sc voir dans sa n ature et son im m até­
ria lité ; mais de m êm e que, pendant son union
avec le corps, l ’esprit prend conscience de son
existence, sait q u ’il agit,' q u il est la ct affirm e
catégoriquem ent son m oi ; p areillem ent, si
les scories du pcclié en P urgatoire em pêchent
de voir D ie u totalem ent, elles p erm etten t de
sentir son existence ct sa présence. Ce sen ti­
m ent gran d it sans cesse, com m e une douce
illu m in atio n com m e une un ion croissante avec
le G réâlcu r, ju s q u ’à ce que la dernière im ­
pureté ayant disparu, l ’âme sc trouve en p ré ­
sence de D ieu, un ie à lu i dans l ’ôtrcinto éter­
nelle. De m êm e par la m ort l ’esprit de l'h om m e
sc trouve face à face avec les. réalités - im m até­
rielles.
LES JO IE S DU PURGATOIRE 1-37
T o u t cela cst.unc incontestable jouissance pour
1 âm e, c’est pour elle le com m encem ent du P a ­
radis et une com m union extraordinairem ent,
douce aux félicites célestes. Ici encore écoutons
sainte Catherine de Gênes (c. 11) :
« Je ne crois pas q u ’après la félicité des saints
du Paradis, il puisse exister une jo ie com parable
à celle dos âmes du P u rgato ire. U n e incessante
com m unication de D ieu rend de jo u r en jo u r
leu r jo ie plus vive, et cette com m unication de
D ieu devient de plus en plus in tim e, à m esure
q u ’e lle consum e dans ces âmes l ’obstacle q u ’elle
y trouve.
» Cet obstacle n ’est p o in t autre chose que la
rou ille ou les restes du feu. C om m e le jfeu du
P u rgatoire va sans cesse le consum ant, Pâm e
s’ouvre de plus en plus à la com m unication de
D ieu. J ’explique m a pensée par une com parai­
son. Exposez au soleil un cristal couvert d ’un
épais voile ; il ne peut recevoir scs rayons ; la
faute n ’en est point au soleil qui n e . cesse de
b riller, mais au voile qui intercepte ses rayons.
Q ue cette couverture vien ne peu à peu à se con­
sum er, le cristal, successivem ent découvert, re ­
cevra de plus en plus les rayons du soleil ; et
quand l ’obstacle aura entièrem ent disparu, le
cristal sera to u t entier pénétré par le soleil.
» A insi en e st-il des âmes dans le Pu rgatoire :
la rouille du péché est le voile qui intercepte
pour elles les rayons du v|’ai soleil q u i est D ieu.
L e feu ya c o n su m a it de jo u r en jo u r cette rouille,
et à m esure q u 'elle est consum ée, les âmes réflé­
chissent de plus.en plus la lum ière de leur vivant
is 8 LA PSYCHOLOGIE DU PUIiGATOIHE

soleil ; Jour joie augm ente à m esure que la


rouille dim in ue et q u ’elles sont plus exposées aux
divins ravons. A in si, l ’un va toujours en au g­
m entant, e t 'l’autre toujours en dim in uant, ju s ­
q u ’à ce que le temps de l ’épreuve, soit accom pli.
Q u ’on ne croie pas cependant que la peine di­
m in u e ; ce qui dim in ue un iquem en t, c’ est le
temps de sa durée. Mais, dans l ’in tim e de leu r
Volonté, ces âmes ne p ourraient jam ais se ré­
soudre à dire que ces peines soient des peines,
tan t elles sont heureuses de la disposition de
D ie u ,.à laquelle leu r volonté est unie par le lien
de la p ure charité. »

X X I V . — Toutes ces joies sont surnatm -elles-


parce q u ’elles sont alim entées par l ’am our de
D ieu et par la foi en scs promesses éternelles.
Q ue dirons-nous, après les joies que procurent
le souvenir du passé et la considération des sé­
curités ou des ascensions du présent, de celles
qui naissent des espérances de l’ avenir ?
I/àm c a déjà de grands biens. De p lus grands
lu i sont prom is : elle est sûre de les avoir un
jo u r p u isq u ’elle est engagée dans une voie dont
e lle ne pourra sortir et dont l ’aboutissant fatal,
in éluctable, est le bonheur in fin i, éternel, dans la
possession im m édiate de D ieu.
■ Com bien gran d est le bonheur du ciel, nous
ne le dirons pas ici, aya n t traité cette question
dans un autre ouvrage. Mais chacun devine,
quelle satisfaction on éprouve en P u rgatoire de
songer à ce bonh eu r, de savoir de foi cer­
taine q u ’on y va, q u ’on en approche chaque
LES JO IE S DU PURGATOIRE

jo u r . Douce espérance qui rend légères ics


peines du Purgatoire quand on songe que le ciel
en est le prix. Joies si grandes que notre Bossuct
éprouve une certaine difficulté à com prendre
com m ent elles n ’éteignent pas les souffrances
du P u rgato ire et q u ’ il s’é crie : « O D ieu, quel
artifice de la m ain de D ieu, de savoir faire trou­
ver des douleurs extrêm es dans un fond où est
sa paix ei la certitude de le posséder ! Q ui sera
le sage qui entendra cotte m e rv eille? P o u r moi,
je n^cii ai q u ’ un léger soupçon, » Lettres à la
sœur Coriuum de Sainl-Benignc éd. de sYl. I'abbé
Guidaurr?,. Paris, Berche ct T ra fic , , t. IX,
p. 201-302.
CHAPITRE V

LES SOUEERAÏÏGES DU PUUGATOICB


SOMMAIRE DU CHA PITRE V

I. Les souffrances du Purgatoire peuvent se résum er en deux


mots : Dans les flammes ; loin de Dieu, D ans les flam m es
d ’abord. T o u t feu suppose un com bustible.Q uel est-il ? —
I f. Les trois fardeaux emportés par Pâme nu moment d e là
morL : dettes pour les fautes commises ; habitudes mauvaises ;
fautes actuelles. — I I I. C e que deviennen t ces fardeaux
dans l ’âme condamnée au P urgatoire. La m ort supprim e les
habitudes organiques. — IV . La situation psychologique
nouvelle de l ’âme supprim e les fautes actuelles v én ie lles.,
— V . Ce que deviennent les habitudes mauvaises im m até­
rielles. Il veste les dettes pour les fautes disparues, le m itas
p œ n x, — V I. Rature du feu du Purgatoire, — V I L Com­
m ent un feu m atériel p e u t-il tourm enter une âme spiri­
tuelle D octrine dû saint A u gu stin , — V I II . et de saint
Thomas d ’A qu in , — IX . A ction de ce feu. — X . L oin de
D ie u . Le bonheur du Paradis attire l ’âme. — X I . Les
im perfections naturelles et les indignités morales la retien­
nent. D ’où une souffrance, un w a rtèlcm cn l de l ’âme. —
X I I . D octrine de saint F rançois de Sales. — ■XIIT. Les
com m unications m ystiques augm entent la souffrance. — >
X IV . D ouleur née du désir, de posséder D ieu, — X V . du
besoin de le voir. — X V I . Intensité de celte douleur. —
X V I I . Les souffrances du Purgatoire sont effet d ’am our,
objet d’am our et cause d’am our.
CH APITR E V

LUS SOLUTIUN CES DU .P U H G A T ülno

I. — Les souffrances du P u rgatoire peuvent


se résum er en deux mots : L oin de D ieu ! Dans
les flam m es !
Dans les flam m es d ’abord. C ’est peut-être la
m oindre des peines du P u rgato ire, c ’est celle
qui nous frappe le plus.
T o u t feu suppose un com bustible et un com ­
bu ran t : un élém ent consum é et un élém ent qui
consum e.
Le com bustible, en P u rgato ire, ce qui est atta­
qué et d étru it par le feu, ce sont les restes du
péché, les dettes contractées envers Dieu par les
fautes ou m ortelles pardonnées ou vénielles do
cette vie. INous nous en rendrons com pte en re-
m ontîm t à l ’heure de la m ort.
l3 4 LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

II. — À ce'm o m cn t, l ’âme destinée au P u r­


gatoire est en état de grâce, m ais elle a commis
dans son existence terrestre des fautes vénielles,
peut-être des fautes m ortelles. E lle a contracté de
ce chef, des dettes envers D ieu, ce que les. théo­
logiens appellent le reatus pœnæ. C ’est son pre­
m ier fardeau. — Les fautes com m ises, en outre,
lu i ont fait prendre des habitudes, des in cli­
nations à les commeLlre de nouveau plus facile­
m ent, plus entièrem ent, avec plus de plaisir. Ces
plis donnés à l ’âme par la répétition des actes cou­
pables, sont le second-fardeau. — Il y en a sou­
vent un troisièm e : les fautes actuelles, l’attache­
m ent réel,' persistant ct irrégu lier à la créature.
Certainem en t, il ne reste aucun e faute m ortelle :
la persévérance d ’un tel délit substituerait la
peine de l ’E n fer à celle du P u rgato ire. L e troi­
sième fardeau est donc allégé de toutes ces fautes
dont on a supprim é la tache par un am our par­
fait jo in t au désir de la confession, ou par une
absolution régulière et valable. Mais ne reste-t-il
pas des péchés véniels ? S a in t T hom as d it que
l ’on peut bien croire à la rém ission de ces fautes
par les grâces du dernier m om ent, chez eeux qui
m euren t en pleine connaissance. A cette heure
décisive, l'in telligen ce a des vues plus droites, le
cœ ur qui sent lu i échapper to u t ce q u ’il a aim é
se détache des choses de la terre, la volonté plus
proche de Fam dela devient plus saine, la grâce
toujours proportionnée par D ieu aux obligations
et aux nécessités du m om ent, redouble scs éner­
gies, m ultip lie scs- cfficaciiés. 11 sem ble q u ’à ce
m om ent p articulièrem ent grave, Pâm e fait un
LES SOUFFRANCES DU PURGATOIRE 13 5

acte d ’a m our p u r, o ù elle je tte tous ses regrets


pour les fautes com m ises, toutes ses tristesses
d’avoir offensé D ieu , to u t son désir de m ieux
faire si la chose devenait possible ;■et un tel acte
d'am our pur p eut supprim er toutes les fautes
vénielles et détruire ce que les théologiens ap­
p ellent le récitas culpæ, et l ’àme s’envole avec des
dettes pour le passé sans doute, m ais innocente
et pure dans le présent.
Mais tous ne m euren t pas en pleine cons­
cience de la gravité de leu r état. D ’aucuns sont
aveugles, ne pensent pas m o u rir et n ’u tilisen t
pas en vue d’un acte p arfait d’am our les res­
sources que le u r offre la grâce. D ’aucuns encore
m euren t subitem ent ou, ce q u i revien t au m êm e,
dans le som m eil ou dans le coma. Ils se sont
endorm is dans une pensée de légère critiq u e ou
de vengeance m odérée pour le len dem ain , dans
un sen tim en t de vanité pour les succès du jo u r,
que sais-je? Ils sont donc en état actuel de faute
vénielle, non regrettée, non rem ise. La m o rt sur­
vien t, ils s ’en vo n t avec ce fardeau.
L e trip le fardeau d on t nous venons de joarler
est un poids qui charge l ’âm e, appesantit ses
ailes et l ’em pêche de m on ter ju s q u ’au ciel. 11
fau t, avant de prendre le d ern ier essor qui la
plongera en pleine félicité éternelle, q u ’e lle s’en
débarrasse. C om m en t y arrivcra-t-elle ? ■

III. — La m ort elle-m êm e opère une prem ière


délivrance. Nous avons cité les habitudes cau­
sées en nous par la.rép étition des actes m auvais.
De ces habitudes, les unes sont spirituelles, les
LA P S V C H O J.O G 1 F , D U P U R G A T O IR E . 0
136 LA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

autres sont organiques. Les doutes réitérés


concernant les choses de la foi, a {faiblissent la
rig u e u r de l ’intelligence ct lu i donnent l'h ab i­
tude d ’hésiter, de discuter, de raisonner sur les
questions religieuses, c’est une h abitude intellec­
tuelle ou spirituelle.
Les actes répétés d ’orgueil donnent au corps
une attitude hautaine, un m aintien arro g an t; les
actes répétés de gourm andise ou de volupté créent
aux organes des in clination s, des passions arden­
tes, ct confirm ent cette loi des m em bres opposée à
l ’esprit don t parle l ’apôtre saint P a u l (R o m , v m ,
23 ). Il est bien évident que la m o rt séparant l ’ âme
du corps supprim e d u m êm e coup les habitudes
organiques vitales qui exigent l ’union de ces
deux élém ents de la nature hu m ain e. Après la
m ort où est l ’arrogance du regard, où sont les
attitudes altiorcs, les gestes im p ératifs? où, le
feu de la volu pté, la soif ardente de l ’ivrogne ou
du gourm and. L ’âm e est déchargée du poids dp
ces habitudes incom patibles avec sa nouvelle
m anière de vivre.

IV . — A cette suppression opérée du fait


m êm e de la m ort, s’en ajou tent d ’autres causées
par la situation psychologique nouvelle de Pâme.
Nous avons dit la grande différence q u i existe entre
les deux psychologics hum aines : celle de Peu
deçà et celle de l ’a u -d elà. E n deçà, l ’intelligence
vo it im m édiatem en t les principes prem iers, elle
constate les faits p rim o rd iau x. Q u an t aux con­
clusions q u i en découlent, elle doit les chercher
par le travail, clic s’égare souvent en rou le, le 111
LES SOUFFRANCES DU PURGATOIRE 13 ?

q u i relie toutes les vérités entre elles sc rom pt ou


p lu tô t se cache ct on voit un môm e esprit accep­
ter des principes et des conclusions disparates,
L e m ême fait existe pour les décisions de la vo­
lonté : droite en scs intentions fondam entales, elle
dévie souvent dans l’application et, avec le désir
du bien et l ’am our de la lin dernière, accepte des
fautes vénielles.- Il y a ru pture entre les divers
élém ents qui co n stitu e n tia vie de l’èm e. On ad­
m et in tellectuellem ent et l ’on décide librem en t
des choses contradictoires.
Dans l ’au-delà, le fil qui rattache les vérités
prem ières aux vérités dérivées, la lin aux
m oyens, reparaît, il relie Fcnscm ble ct ne per­
m et plus la contradiction. L ’intelligence voit les
conclusions dans leurs principes ct ne se trom pe
p lu s, la volonté veut les m oyens avec la fin c t ho
s’égare plus. T o u t se range’’, tout s'harm onise,
l'e rreu r incom patible avec la lum ière des p rin ­
cipes disparaît, la défaillance de volonté in com ­
p atible avec l ’am our de la fin dernière s’évanouit,
La volonté étant au ten u e et ne pouvant plus en
déchoir, veut irrévocablem ent D ieu . Cet acte de­
vient un p ivot de fer in flexible, au to u r duquel
tout devra rou ler. Les fautes deviendront à l'ave­
n ir im possibles, parce q u ’il fau drait pour les
com m ettre, ou cesser de vouloir D ieu, ou cesser do
voir le rapport des actes particuliers à la lin , ce
qui ne peut être. D onc aussitôt la m ort, le pre­
m ier m ouvem en t de la volonté est d ’unifier tous
scs sentim ents, de les ram ener à la fin dernière,
de les anim er de la charité parfaite. S i elle
est sortie de celte vie avec des attaches actuelles
138 LÀ PSYCHOLOGIE DU PUHGATOIH13

au péché véniel, ces aUaclies devenues incom pa­


tibles avec l ’a m our de la fm dernière dispa­
raissent dès l'entrée dans l ’autre vie et le fardeau
des fautes vénielles est ainsi e n le v é 1.
C cp en d a n lil est enlevé sans m érite pour Pâm e,
parce que, dans l ’a utre m onde, on ne m érite plus.
La raison en est dans le caractère de nécessité
que revêt le renoncem ent de Ja volonté à ses
fautes antérieures. E lle n ’est plus libre de vou­
lo ir ou de ne pas vou loir D ieu c te lle est irrévoca-
b lem en tlix éc dans la fin dernière ; elle n ’est plus
lib re de vou loir ou de ne pas vou loir telle attache
lointaine q u i n ’est pas en harm onie avec la fin
dernière. E lle voit n ettem ent ce m anque d'h ar­
m onie ct le penchant irrésistible qui la porte vers
D ieu l ’enlève à celte attache. A vec la disparition
de la liberté sur ce p o in t disparaît le m érite.

Y . — Q uan d l’âm e entre en P u rg ato ire elle n ’a


donc p lu s ni habitudes organiques m auvaises, ni
fautes vénielles actuelles. A -b-clle encore ces habi­
tudes spirituelles m auvaises, ces plis déposés, les
uns dans l’ intelligence par la répétition des er­
reurs, les autres dans la volonté par les dévia­
tions du lib re arbitre ?
La question peut être agitée. 1.1 y a des aulori- '
tés très graves pour dire que T a c lc parfait
d ’am our q u i est désormais le roi de la volonté
éteint en elle et dans l ’in telligen ce toute habitude
opposée. L a chose est possible. E lle ne nous pa­
raît pas cependant prouvée d ’une m anière assez
.décisive pour enlever à l'op inion opposée toute
probabilité.
LES SOUFFRANCES DU PURGATOIRE 1 S9

Q uoi q u 'il en soit, si les habitudes mauvaises


de l'in telligen ce ou de la volonté persistent, elles
ne peuvent p lus jam ais se traduire par aucun
acte, ct périssent ainsi bientôt, faute d ’a lim en t à
leu r vie, car toute habitude qui cesse de s’exer­
cer est vouée à une m ort rapide.
11 resterait donc, dans le cas où la théorie de
la suppression de toutes les habitudes coupables
ne serait pas vérifiée, que Pâm e entrerait au
P u rgato ire avec les habitudes in te lle ctu e lle s'ct
volontaires m auvaises q u ’elle a contractées en
cette vie. À jou ton s-y les peines dues- aux péchés
disparus, le reatuspœnæ, et nous aurons to u t le
bilan du com bustible que le feu détruira.
En fait, p uisque les habitudes m auvaises dispa­
raissent bien vite faute d ’exercice ct par la puis­
sance des actes opposés, nous n ’avons à traiter
ici que de la destruction du reatus pœnæ par les
flam m es vengeresses.

V I. — Com m ent se fait; la com bustion de ce


com bustible do péché ? E t auparavan t quel est
l ’in strum ent de cette com bustion.
La tradition, du m oins dans Pïtiglise latin e,
est un an im e ù l ’appeler u n feu. Ce feu est-il réel
ou m étaphorique ? On ne p eut souffrir une
peine sensible par une m étaphore. Ce feu est
donc une réalité et u n e réalité ignée. P lu s que
cela, la doctrine la plus sûre est q u ’il y a, dans
ce m oyen provid en tiel de supplice, u n fou m até­
riel. Nous n ’avons pas à dém ontrer ces proposi­
tions dans un ouvrage strictem en t psychologique.
Mais éLant donné que les peines du P u rg a -
J /jO Ï.A P S Y C H O L O G IE DU P U R G A T O IR E !

to irc ont pour cause un feu m atériel, un autre


problèm e se pose. C ’est celui de savoir par quel
procédé ce feu m atériel peut faire souffrir une
âme im m atérielle.

V II . — S a in t A u gu stin s’ était déjà posé la


question au sujet des damnés et ne trouvait rien
d ’ im possible à ce q u ’un esprit p û t être tour­
m enté par un e créature m atérielle.
P o u rq u o i ne dirion s-n ou s pas, é criv a it-il, que
des esprits incorporels p euven t subir le supplice
d’ un feu corporel, sans doute par des m oyens
m erveilleu x, m ais véritables, quand les âmes des
hom m es, incorporelles à coup sur elles aussi, ont
pu être ici-bas enferm ées dans des m em bres
corporels et plus tard à la résurrection pourront
être attachées indissolublem ent à leurs corps ?
Les démons, bien q u ’im m atériels, seront donc
attachés à des feux m atériels pour en être sup­
pliciés. Certes, ces feux auxquels les esprits seront
unis ne puiseront pas la vie dans cette union et
ne seron t pas classés au nom bre des êtres animes
q u i ont corps et âm e. M ais, nous l ’avons dit, les
dém ons seront liés aux feux par des procédés
m erveilleu x et inexplicables, ils recevront de ces
feux leu r supplice, ils ne leu r donneront pas lu
vie. C et autre m ode, suivant lequ el les esprit?
s'un issen t aux corps pour faire des êtres animés
lu i aussi, est tout à fait m erveilleu x, et c ’est celui
qui p ro d u it l ’h o m m e 2.
Cette thèse de l ’évêque d’ Hippone est belle et
rationnelle. On oppose, dit-il, les caractères con­
traires des âmes retenues en P u rgatoire ct du
Ï.ES SOUFFRANCES DU PURGATOIRE I [\ I

prétendu feu m atériel qui les tourm ente ; m ais,


a jo u lo -l-il, si cos choses ont une n ature totale­
m ent différente, elles peuvent cependant être
unies. C o m m en t? c’est un m ystère, m ais m ys­
tère déjà réalisé chez l ’hom m e qui possède un
corps m atériel et une âm e im m atérielle. C e corps
et celte âm e ne sont pas tellem en t incom patibles
q u ’ils ne soient soudés l ’un à l ’autre et si in ti­
m em ent q u ’il en sorte une seule n ature, et môme
une seule substance hu m ain e. Q ui dit que l ’union
substantielle est le seul mode qui puisse réu n ir
un corps et un esprit? N ’y a-t-il pas d ’autres
m oyens de les rapprocher, m oyens moins intim es
qui ne p erm ettraien t pas à la vie de l ’âme
d’atteindre le corps, m ais qui donneraient au
corps le pouvoir d’asservir, de supplicier l ’âm e?
Ces m oyens, pour si m erveilleux q u ’ils soient,
ne paraissent pas im possibles, et dès lors rien
n ’empêche de dire que l ’ âme hu m ain e peut
être un ie à un feu m atériel : un ion in férieure à
celle qui l ’avait rendue le principe vital du
corps hu m ain q u ’elle a quitté, mais un ion
assez forte pour lu i faire sentir l ’action du feu.

V III. — S a in t Thom as 3 précise et com plète


la pensée de saint A u gu stin . Après avoir, lu i égale­
m ent,exclu l ’ union substantielle de l ’âme et du feu
q u i ferait de celu i-ci un être anim é et vivan t, il
exam ine le cas d ’un esprit agissant sur la m atière.
Les anges, les dém ons, les âmes hum aines sé­
parées des corps, peuven t, avec l ’assentim ent de
D ieu, agir sur la m atière. U n ange peut m ouvoir
un yocher, ou agiter l ’eau d’une piscine, le clé-
LA PSYCHOLOGIE OU PURG A TO IRE

mort peut, transporter le C hrist au som m et d ’une


m ontagne, et ainsi que les Bol tandis tes le racon­
tent en p lus d’un endroit, les âmes peuvent
faire vibrer l ’air à la façon de la p arole et y ex­
p rim er des révélations sur l ’au-delà.
Q uand do tels phénom ènes so produisent, on
dit que l ’ange ou le dém on ou l ’âme sc trouven t
là où leur action se m anifeste et que cette action
est précisém ent localisée dans le corps rem ué,
dans le rocher roulé, dans l ’eau agitée, dans le
corps du C h rist transporté, dans l ’air q u i vibre.
Les corps ont donc la propriété de subir l ’im ­
pulsion des êtres im m atériels, m ais en môme
temps de les localiser, de les circonscrire dans
leurs lim ites.
Ils ne les em prisonnent cependant pas. Les
esprits arriven t .dans la m atière, l ’inondent de
leur action, q u i est ainsi incorporée en elle, mais
p euven t aussitôt se retirer d 'elle et s’en séparer
à leu r gré. A in si, au m atin , dans les cimes nei­
geuses la lu m ière traverse les espaces c.t n ’y appa­
raît pas, m ais q u ’elle rencontre sur son passage
un corps lim p ide, u n cristal, u n bloc d é g la c e ,
elle le pénètre, l ’envah it, en prend les pro­
portions ; ce cristal, ce bloc de glace deviennent
com m e des m orceaux de lum ière. Pu is la lu ­
m ière s’in clin an t les quitte et se perd de nouveau
.dans l ’im m ensitc. La lu m ière est donc p artou t
au-dessus de ces m ontagnes, m ais d ’abord n ’appa­
ra ît n ulle part : c ’est com m e l ’action des es­
p rits qui nous envelopperait., m ais ne serait
appliquée à aucun corps. Pu is la lum ière perdue
dans les espaces célestes descend vers la terre,
LES SOUFFRANCES DU PURGATOIRE l/[3

frappe un som m et glacé, aussitôt elle y b rille, elle


p araît avoir les form es, les proportions du pic.
Q u ’un nuage cache le soleil, le pic rentre dans
l ’om bre, il avait reçu la lum ière, il l ’a perdue, il a
é tc im p u is s a n tà la g a r d e r , à l ’em prisonner en lu i.
C ’est l ’état ordin aire des relations entre les es­
prits et les corps : avec l ’indispensable perm ission
de D ieu, ceux-là app liquent aux corps leurs éner­
gies, le rayonn em en t de leu r force : ils le font
quand et com m e ils l ’entendent ; ils n ’en sont pas
captifs et se retiren t librem ent..
Mais, observe l ’A n g e de l ’C cole, D ieu q u i,
dans l ’ordre norm al, [n’a pas vou lu assujettir
l ’esprit séparé à la m atière ct enferm er celui-là
dans la prison de celle-ci, peut, pour satisfaire
les exigences de sa ju stice, donner à la m atière
em pire sur l ’esprit, ct à la propriété q u ’ elle a de
localiser l ’action de celui-ci sur elle, ajou ter le
pouvoir de l'ench aîn em en t. Il peut perm ettre
au rocher roulé par l ’A n ge de s’attacher à celu i-ci
et de le reten ir captif, au feu d ’entourer une
âm e, de la circonscrire dans ses lim ites, et dé
l ’y garder.
Il y a là pour l ’esprit, q u i est n aturellem en t
indépendant et libre, un état contre nature qui
ne peut que le faire étran gem en t souffrir, com m e
la cage est un supplice p o u r le lion enlevé aux
vastes plaines, com m e le filet devient un tour ­
m ent p our le poisson fait p our se jo u er dans les
eaux profondes, com m e, le piège énerve l ’oiseau
dont les ailes vou draien t fendre les airs.

IX . — Cette souffrance n ’est pas identique à


LA. PSYCHOLOGIE DU l'U ïlG A TO HU i !

celle que le feu cause sur un organe q u ’il con­


sume. L e fer rouge, appliqué à une plaie, ronge,
décompose ci, détruit ; appliqué à une branche
de bois, il la réd u it en fum ée : le feu du P u rg a ­
toire n’a pas cette action, il no désagrège pas. Il
b rû le sans détruire, il tourm ente sans consu­
m er ; l ’âme pénétrée par. lu i ne perd rien de sa
substance, ni de sa vitalité.
Est-ce à dire cependant q u ’il ne soit pas un
feu ? C ’est ici q u ’il faut observer avec sainL T h o ­
mas « que la douleur n ’est pas le coup ou la
plaie que l ’on reçoit, m ais la sensation pénible
causée par la plaie ou par le coup, sensation
d ’a u tan t plus vivo que le sens a une plus grande
sensibilité. C ’est p ourquoi ce q u i louche les p ar­
ties les p lus délicates en nous est ce qui cause le
plus de douleur, ct com m e toute la sensibilité
du corps vient de l ’âm e, si quelque chose vient
â atteindre l'âm e elle-m êm e, celle-ci le ressent
très vivem ent. O r, le feu du P u rgato ire brûle
l ’âme et partan t lu i cause une douleur qui sur­
passe toutes les douleurs du corps 4 ».
Im aginez un m em bre jeté dans un brasier ar­
d e n t, m ais q u ’une force vitale surnaturelle régé­
nérerait â m esure que le feu le consum erait, ce
m em bre serait toujours intact, jam ais entamé
par le feu, m ais sans cesse étreint par lu i, il aurait
une douleur perpétuellem en t vive ct lancin an te,
une sensation horrible de la brû lu re, sans en su­
b ir les décom positions. C ’est quelque chose
d ’analogue que souffre l ’âme on P u rgato ire tou­
jo u rs étreinte et jam ais désagrégée.
iVussi les (.héologiens observent-ils tjue le fçq
LES SOU EEIUN CES DU PURGATOIRE l/[5

du P u vga loir c est plus feu que celui de la terre,


et que ce lu i-là surtout m érite le nom de
flam m e. Si un feu est m étaphorique, c’est p lu­
tôt celui de la terre, im age lointaine de celui de
l ’au-delà.
En effet, ce qui frappe surtout dans le feu, est
sa puissance extraordinaire à rom pre l ’harm onie
n aturelle de l ’organism e. Il en résulte chez l ’être
sensible attaqué par son action une d ouleur c u i­
sante dont la cause est précisém ent le conflit entre
l ’organism e et l ’agent extérieur qui attaque di­
rectem ent et brise son .h arm o n ie interne A Si
telle est l’explication du feu, n ’en trouve-t-on pas
excellem m ent la réalité dans ces flam m es m y s­
térieuses qui, au P u rg ato ire, saisissent l ’âm e, la
lien t quand elle devrait être libre, l ’em prisonnent
quand elle devrait avoir des ailes pour voler vers
D ie u ,e t la m aintienn en t ainsi dans un état contre
nature ?

X. — Ce n ’est p o u rla n t pas là le seul,, n i le


m oindre supplice du P u rg ato ire, Ce qui to u r­
m ente surtout l ’âm e, qui est am our, c ’est d ’être
loin de celui q u ’elle aime, loin de D ieu.
E lle en a beaucoup approché ju s q u ’ici. E lle en
est plus près que jam ais : elle lu i appartien t d ’une
façon définitive. E lle le sent tout près, en elle-
m êm e ; elle le vent, elle sait q u ’elle ne pourra
jam ais plus sc séparer de lu i : que non seulem ent
elle no peut plus vou loir la séparation, mais
q u ’elle no p eut môme plus y penser d ’une façon
pratiqu e. L ’union la p lus étroite l ’a donnée à D ieu
çt lui a donné D ieu , et cependant elle souffre d ’une
iT j G la p sy c h o l o g ie du p u r g a t o ir e

douleur intolérable. E lle sait un e union plus


étroite encore que celle-ci, où D ieu lu i apparaîtra
sans voile dans toute sa splendeur, envahira ses
puissances et se livrera éternellem ent et sans in ­
term édiaire à elle. Q uand, ici-bas, je regarde
un objet, quand je repose m a vu e sur une fleur
aux couleurs ravissantes, quand j ’en respire le
parfum ou que j ’en sens le velouté, il s’établit
une com m unication entre cette fleur, mes yeu x,
m on odorat et mon tou cher : cependant la fleur
n ’envabit pas mes organes, elle ne les pénètre
pas, elle ne les ébranles que par une vibration
parïie d’elle ; l ’im age qui se reflète en moi n ’est
pas la fleur, m ais quelque chose q u i lu i res­
sem ble,, qui procède d ’elle, sans être elle-m êm e.
Pareillem en t, en P u rgatoire, l'âm e qui pense,
qui songe à Dieu ou se souvient des choses de la
terre, ne p eut p roduire ces actes que par le
m oyen d ’images qui ne sont pas D ieu, ni les
choses de ce. m onde ; ce sont des tableaux, tou­
jo u rs vrais, m ais très incom plets, où sc reflètent
lès objets de 'la p en sce.'O n les appelle des « es­
pèces intelligibles », et c’est par leur m oyen que
l ’âm e connaît D ieu et s’u n it à L u i.
Ce procédé, si p arfait q u ’il soit, n ’est rien à
côté du procédé d’ union à D ieu qui attend l ’âme
au cièl. Il n ’y a plus là d’espèces in telligibles au
m oyen desquelles les âmes se représenteraient
D ieu. La divinité s’u n it à l ’entendem ent sans
entrem ise d ’espèce n i représentation quelconque ;
elle s’applique elle-m cm e à l ’esprit hu m ain , sc
rendant tellem en t présente à lu i que cette in ­
tim é présence tien t lieu de représentation et
LES SOUFFRANCES DU PURGATOIRE '1 ^ 7

d ’espèce. D ieu est au sein de l ’àme l'im age qui le


reproduit, la parole qui lé c h a n te , la chaleur qui
le com m u nique, l ’élan q u i l ’aim e et l ’embrasse.
« 0 vrai D ieu, qu elle suavité à l ’entendem ent
h u m ain , d’être à jam ais un i à son souverain ob­
je t, recevant non sa représentation, m ais sa pré­
sence, non aucune im age ou espèce, m ais la
propre essence de sa divine vé rité ’et m ajesté. »
(S. François de Sales, Traité de l'amour de Dieu,
1. III, c. x i;.

X I. — L ’âme en P u rgato ire sait tout cela, elle


sait com bien est grand le bonheur du Paradis,
elle m esure la distance q u i l ’en sépare, elle cons­
tate q u ’elle est encore infinie, que c’est sa faute
à elle, ct elle en est cruellem en t éprouvée. Sa
douleur croît avec son am our. Car elle aime
D ieu de plus en plus, de toutes ses fibres : elle
sent des élans invincibles vers cet objet de sa dî-
lection, et chaque élan est brisé par le poids de
ses fautes, masse de plom b qui l ’appesantit et la
retient en bas.
E lle sent en elle-m êm e un autre obstacle à la
possession, ou p lu tô t à l ’am our total de D ieu tel
q u ’elle le désire et tel q u ’il le m érite ; c’est sa
propre im puissance. Si riche que soit un esprit
d ’ hom m e, si ardent que soit un cœ ur créé, ils
sont toujours incapables dé saisir D ieu tel q u ’il
est, de l ’aîm er d’un am our égal à sa bonté, sur­
tout de recevoir la réalité de sa divine présence.
Le fait est tellem en t certain, que pour se livrer
à l ’âm e en Paradis, D ie u doit auparavant donner
à celle-ci, p ar ce q u ’on appelle la lu m ière de
LA l'SYCM OLQClii LU PURGATOIRE

giûix’c, la faculté de le voir, de le posséder im ­


m édiatem ent.
E t cela aussi est une to rtu re pour l ’âm e qui
souffre, au spectacle de sa petitesse, d ’être im ­
puissante à recevoir la divine présence, et, au
spectacle de ses infirm ités, de ne pouvoir aller à
D ie u . L e grand orateur de N otre-D am e de Paris
en parle en term es excellents : « L ’âm e ju ste,
délivrée du corps de m ort, sent que ses liens ne
sont pas encore brisés. L ’élan d’am our q u i l ’en­
traîne â se perdre dans l ’im m ensité divine est
partout rom pu et arrêté par les inflexibles li­
m ites du lieu qui l ’em prisonne,
» Obligée de se replier sur elle-m êm e, elle
s e n t ie vide du souverain bien q u ’elle devrait
posséder. Cê souverain bien est l ’un ique et né­
cessaire objet de scs , am oureux désirs. E lle
s’élance vers lu i, m ais elle ne p eut l'attein d re ;
elle l ’appelle, mais il ne répond pas encore ! Elle
a boute de voir q u ’elle en est. privée par sa
faute, et de com prendre q u ’elle aurait pu s’épar­
gner, par de faciles douleurs, un si grand sup­
plice. E lle m esure avec tristesse tous les degrés
de gloire et tous les trésors de béatitude q u ’elle
a u ra it pu s’assurer si elle eut été plus fidèle et
plus fervente. Mais enfin, quelle que soit sa part,
elle voudrait l ’avoir et Dieu la lui refuse : Spc$
qaee differtur affligit animam, « l ’espoir que l ’on
fa it la n g u ir afflige la m e », dit le proverbe sacré.
P lu s encore, l’am our que l ’on contrarie. J ’en
appelle à vos cœurs, si souvent épris des fragiles
beautés de ce m onde. A vec quelle ardeur ils les
désirent, que de peines ils se donnent pour s’en
LES SOUFFRANCES DU PURGATOIRE

assurer la possession, et quel déchirem ent s’ils


eu sont privés à l ’heure où ils com ptaient en
jo u ir ! 11 y eu a peut-être, parm i vous qui souf­
frent de ces plaies d ’a m our contrarié. Je les
plains et j ’espère q u ’ils seront un jo u r honteux
des ridicules égvatignures de leur passion.
Q u ’est-cc que cela ? en com paraison des bles­
sures profondes et si douloureuses que reçoit
l ’âme ju ste du légitim e, sain t et nécessaire
am our de D ieu qui se dérobe à scs em brasse­
ments ? E lle sait que cette atroce p rivation d ’ un
bien sans lequel elle ne peut vivre, cessera lors­
qu ’elle sera entièrem ent purifiée ; mais quand ?
C ’est le secret de celui qui la ch â tie... .Le plus
pur et le plus vio len t des am ours, contrarié par
l ’absence de la suprêm e beauté, d u très parfait
objet auquel l’ âme a droit, et dont elle voudrait
jo u ir, est le plus cruel de tous les supplices.
» Q uand le souvenir de ceux qui me furent
chers em porte m on âm e m éditative ju s q u ’aux.
rivages de l ’autre m onde, je croîs entendre tom ­
ber des voûtes célestes un cantique de jo ie et cl’ a c ­
tions de grâces'; m ais, en môme tem ps, j ’entends
m onter de je ne sais quel m ystérieux abîm e des
plaintes et des cris lam entables : Peccavimus et
abscondisti faciem tuam a nobis : nous avons pé­
ché, Seign eur, et vous nous avez caché votre face
adorable. V ous nous brisez â cause de nos in i­
quités. C ’est assez, ne soyez plus' irrité, n e vous
souvenez plus de nos offenses. Regardez, nojus
sommes votre peuple : Ecce, respice, populas tuus
omnes nos. O ù est donc, grand D ieu, l ’abondance
de votre compassion et de vos miséricordes ? Ubi
ï5 o LA PSYCHOLO GIE DU PURGATOIRE

est imülitado viscerum luorum el misericordiarum


luar uni ? 0 Père, ô R édem pteur ! retournez-vous
vers vos serviteurs. Regardez, nous sommes
voire peuple : Eccc, respice, populus tuus omnes
nos. » (Monsabré, L ’autre monde, prem ière con­
férence ; c< L e P u rgato ire »).

X II. — C elte douleur, les âmes, parfaites la


connaissent déjà ici-bas, et la p ein ture que saint
François de Sfrles nous en a laissée nous fera
deviner quelle doit être la peine des âmes en P u r ­
gatoire. (Traité de Famoiir de Dieu, 1. V I, c .x in ) .
« Mais, Théotim e, p arlan t de l’am our sacré, il
y a en la pratique d ’icclui une sorte de bles­
sure que D ieu lu i'm ô m e fait quelquefois en
l ’âm e q u ’il veut grandem ent perfectionner. Car
il lu i donne des sentim ents adm irables, et des
attraits non pareils pour sa divine bonté, comme
la pressant et sollicitant de l'a im er, et lors elle
s’élance de force com m e pour voler plus haut
vers son divin objet ; piais dem eurant courte,
parce q u ’elle ne peut pas tant aim er com m e elle
le désire, 6 D ieu ! elle sent une douleur qui n ’a
point d ’égale. E n m êm e temps q u ’elle est attirée
puissam m ent à voler vers son cher bicn-aim é,
elle est aussi retenue puissam m ent, et pic peut
voler, com m e attachée aux basses m isères de
cette vie m ortelle c l de sa propre im puissance,
désire des ailes de colombe pour voler en son repos
et elle n ’en trouve p oin t. La voilà donc ru de­
m ent tourm entée entre la violence de ses élans
et celle de son im puissance. 0 misérable que je
suis ! disait l ’un de ceux, qui ont expérim enté ce
LES SOUFFRANCES DU PU R G A T O IR E 15 1

travail, qui me délivrera du corps de cette morta­


lité ! A lors si vous y prenez, garde, Théo lim e, ce
n ’est pas le désir d ’une chose absente qui blesse
le cœ ur, car l'unie sent que D ieu est présent, il
l ’a déjà menée dans son cellier à vin, il a arboré
sur son cœ ur Y étendard de son amour ; mais
quoique déjà il la voie toute sienne, il la presse
et décoche de temps en temps m ille et m ille
traits de son am our, lu i monLrant par de nou­
veaux m oyens com bien il est plus aim able q u ’il
n ’est aim é ; et elle qui n ’a pas tant de force pour
l ’aim er, que d ’am our p our s'efforcer, voyant ses
efforts si inefficaces, en com paraison du désir
q u ’elle a pour aim er dignem ent celui que nulle
force ne peut assez aim er ; liélas ! elle se sent ou­
trée d ’un tourm en t incom parable : car autan t
d’élans q u ’elle fait pour voler plus haut en son
désirable am our, autan t reçoit-elle de secousses
de douleur ».
Telles sont les souffrances de l ’am our. Elles
sont terribles pour des cœurs purs com m e il y en
a en P u rgato ire. Elles ne sont cependant pas
sans douceur, ainsi que nous l ’avons déjà d it et
ainsi que saint François de Sales nous le redit :
« Ce cœ ur am oureux de son D ieu, désirant in fi­
n im en t d’aim er, voit bien que, néanm oins, il
ne peut ni assez aim er ni assez désirer. O r, ce
désir qui no peut réussir, est com m e un dard
dans le flanc d ’un esprit généreux ; m ais la dou­
leu r q u ’on en reçoit ne laisse pas que d’ètre a i­
m able, d’autan t que quiconque désire bien d’ai­
mer aim e aussi bien à désirer, et s’estim erait le
plus m isérable de l ’ univers, s'il ne désirait corn
la p s y c h o l o g ie bu p u r g a t o ir e , 10
LA l’S ÏC H O L O G lîî DU l'U RGA TO lU E

tinueïlom ent d’aim er ce qui est si souveraine­


m en t aim able. D ésirant aim er, il reçoit de la
d o u leu r, mais aim ant à désirer, il reçoit de la
douceur. »
C ’est tellem ent le propre de l ’am our de faire
souffrir et de catiser des blessures à l'â m e que la
question se pose pour le sain t évêque de savoir
com m ent on p eut tan t aim er en Paradis sans y
souffrir aussi, « V ra i D ieu , Thootim e, que vais-
je dire ? Les bien heureux q u i sont on Paradis,
voyant que D ieu est encore plus aim able q u ’ils,
ne l ’a im ent, pâm eraient et périraien t éternelle­
m ent du désir de l’aim er davantage, si la très
sainte volonté de D ieu n ’im posait à la leur le
repos adm irable dont elle jo u it ; car ils aim ent
si souverainem ent celte souveraine volonté, que
son vouloir arrête le leu r, et le contentem ent di­
vin les contente, acquiesçant d’etre bornés en
leur am our par la volonté même de laqu elle la
bonté est l'o b jet de leu r am our. Q ue si cela
il’était, leur am our serait égalem ent délicieux et
douloureux ; délicieux pour la. possession d’ un si(
gran d bien, douloureux pour l ’extrêm o désir
d ’un plus grand am our. »
C ’est donc com m e une sorte d ’écartèlem enl
. de i ’âm ç q u i se la it en P u rgato ire. D ’u ne part
l ’intelligence m ontre les beautés de D ieu , le
cœ ur aspire à sa bonté et un élan perpétuel se
pro d u it de tout l ’ètre vers D ieu ; d ’autre part," la
conscience dit l ’im puissance de l ’esprit à posséder
D ieu , l ’in dign ité cîu cœ ur à lu i être un i ; et ces
deux forces tira illen t l ’âm e et lu i font subir le
plus rude des châtim ents!
LES S O U m U W C E S DU PUUGATOIUE 153

X 1IL — Q ue dire, sî l’on songe que non seule­


m en t l’âm e, par l ’effort de sa charité et les
appels de sa foi, tend à m onter vers D ieu , mais
encore y est attirée puissam m ent par les grâces
m ystiques et par la sollicitation môme de D ieu ?
Car en P u rgato ire non seulem ent l ’âm e croit en
D ieu , m ais il- est encore perm is d’affirm er q u ’elle
a de D ieu ce sens, ce sentim ent expérim ental qui
caractérise ici-bas les états m ystiques. O r, si
cette connaissance expérim entale de D ieu cause
aux m ystiques d ’intolérables souffrances, que
dire des résultats de la m êm e connaissance dans
les pauvres suppliciés d u P u rgato ire ? La cause
de ces souffrances est dans le besoin cle posséder
Dieu davantage.
Les extraits suivants des auteurs m ystiques
■jdans Pou lain , Des grâces d’oraison, Paris, 1901,
p. i 36 et suivantes), nous feront saisir la nature
des souffrances endurées par les contem platifs de
cette vie, et deviner com m ent p euven t souffrir
d’am our les urnes privées de la vue de D ieu en
P urgatoire. ' ,

X IV . — * « Q uan d l ’âme a connu le contact


divin, il n aît en elle une faim incessante, que
rien ne p eut assouvir. C ’est l ’a m our avide et
béant, l ’aspiration de l’esprit créé vers le bien
ineréé. D ieu in vite l ’âm e, l ’excite à un désir
véhém ent de jo u ir de lu i ; et elle veut y arriver.
D e là une avidité, une faim , un besoin d’obten ir
qui jam ais ne peut être plein em ent satisfait. Les
hommes de celte espèce sont les plus pauvres,
fes p lus dénués q u ’il y a it au m onde. T o u jo u rs
1 54 t'A. P s y c h o l o g i e n tr p u u g a t o ir e

fam éliques efc alteres, qu o iq u ’ils m angent et


boivent de temps en tem ps, car le vase créé ne
peut arriver à englou tir le bien incréé. Le désir
ardent, incessant, reste les bras levés vers D ieu,
mais c'est à peine s’il peut atteindre à de telles
hauteurs. D ieu présente à l ’âme des mets exquis
et variés, connus seulem ent de celui qui en a
l ’expérience ; mais il m anqu e toujours u n der­
nier alim en t, la jouissance qui rassasie. La faim
va sans cesse en augm en tan t, m algré les délices
inim aginables que le contact divin fait couler dans
la bouche de l ’hom m e spirituel. Mais tout cela
est du créé, c’est l'in férie u r à D ieu, Q uand D ieu
accorderait tous les dons des saints, s’il ne se
donnait pas lui-m êm e, jam ais la faim ne serait as­
souvie. Cette faim , cette soif, c’est le contact di­
vin qui l ’a produiLc, qui l ’excitc et l’exaspère ; et
plus le contact a été intense, p lus la faim est ter­
rible. T elle est la vie de l ’am o u r, quand elle
s’élève à ce degré parfait, qui surpasse la raison
et l ’intelligence. La raison ne peut pas plus calm er
cette fièvre que la produire, car cet am our a sa
source dans celui de D ieu m ô m e» . (R uysbroeck,
Ornement des noces, 1. II, c, l v . ) La souffrance des
âmes en P u rg ato ire est donc u n désir intense et
inassouvi d ’avoir Dieu ,u n e faim véhém ente de lu i.

XV. — C ’est encore et surtout le besoin de


uinV Dieu. Nous le constatons, par exem ple, dans
cet extrait de L a vie de la mère Françoise Four-
mer, ursuline d ’Â ngcrs, née au L u d e, A n jo u , en
16 9 a , m orte en 167b (P aris, l 6 8 5 .) « U ne fois,
p arlan t confidentiellem ent à ù n chanoine régu­
LES SOUFFRANCES DU PURGATOIRE 15 5

lier, à qui elle découvrait le fond de son âm e,


après la m o rt du P ère F o u rn ier, son frère, elle
Lui d it que depuis sa profession ju s q u ’à sa der­
nière élection de supérieure, c’est-à-dire l ’espace
de plus de trente ans, D ieu avait a llu m é dans
son âme de si ardents et si violents désirs de
m o u rir, afin de le voir, et de lu i être parfaite­
m ent un ie, que durant tout ce tem ps ce q u ’elle
a souffert l ’espace d ’un qu art d ’heure surpasse
incopiparablem ent les tourm ents des roues, les
feux, les gibets et toutes les douleurs que tous
les hom m es ont jam ais ressenties ; q u 'elle esti­
m ait que toutes les douleurs du corps et de l ’es­
prit ne sont que les om bres de celles q u ’elle a
souffertes ; q u ’elle ne croyait pas que la peine
que les réprouvés souffrent, soit plus grande que
celle q u ’elle endu rait d ’étre privée de D ieu ; que
ics désirs q u e lle avait de le voir, étaient presque
continuels, q u ’elle les ressentait môme q u elq u e­
fois, pendant le som m eil, de sorte que le jo u r et
la n u it elle souffrait un cruel m a rty re ... Mais ce
q ui est rem arquable, c’est q u ’au m ilieu de scs
plus grands tourm en ts, elle était toujours p ai­
sible, se reposant sur l’ordonnance divine, et
elle disait que s’il n ’avait fallu , pour voir D ieu,
que passer d ’une cham bre dans une autre, elle
n ’aurait pas fait u n pas pour cela, ne le vou lan t
voir q u ’au m o m en t q u 'il lu i p lairait ».
U n e au tre personne douée de faveurs signa­
lées de D ie u , nous m on tre l ’im pression produite
sur l ’èm e par ces désirs surnaturels. La m ère
Slarie-Thcrèse D ubouché, fondatrice de l ’Adora­
tion réparatrice, à P aris, disait : « Mon cœ ur,
J5 6 IiA PSYCHOLOGIE DU PURGATOIRE

déjà si fortem ent attiré vers la sainte E ucharistie,


fut dès lors com m e lié au tab ern acle... Mes orai­
sons se passaient à me laisser brûler en silence. »
(Vie, par M gr d’H ulst, c. iv, p . 98.)
L e désir véhém ent de posséder D ieu donne
donc de grandes souffrances, et celles-ci sont
telles que l ’on ne peut les assim iler q u ’à la dou­
leu r causée par le feu et q u ’on p eut les appeler
des brûlures.

X V I. — Q uan t à leu r intensité, sainte T h é ­


rèse nous en donne une idée ; « V ous seriez
saisis d’effroi, si D ie u vous m o n trait la m anière
dont il traite les co n tem p latifs... Je sais que les
tribulations par lesquelles il les fait passer sont
intolérables ; elles sont de telle n ature que si
D ieu ne fortifiait leu r âm e par l'a lim en t des dé­
lices intérieures, ils n ’auraien t pas la force de les
su p p o rter... 11 fau t que N oire S eign eu r leu r
donne, non l ’eau qui rafraîchit, mais le vin qui
enivre, afin q u ’en proie à une sainte ivresse, ils
ne sentent p lus en quelque sorte le u rs souffrances,
et q u ’ils aient la force de les supporter. A in si je
vois peu de contem platifs q u i n e soient très
courageux et très déterm inés à so u ffrir... Ceux
q u i sont dans la vie active s’im a gin en t sans
doute, dès q u ’ils sont tém oins de quelque
faveur accordée aux âmes élevées à la contem pla­
tio n , q u ’il n ’y a dans cet état que douceurs et
délices. E t m oi je dis que peut-être ils ne pour­
raien t supporter p en dant un seul jo u r les souf­
frances qui sont ordinaires chez les contem pla­
tifs. » ( Chemin de la perfection, c, x ix .)
LES SOUFFRANCES DU PURGATOIRE ï57

Los souffrances du P u rgato ire sont aussi in to ­


lérables et plus intolérables m êm e que celles qui „
sont ici décrites par sainte Thérèse.

X V II. — L eur raison d ’être est dans l ’am our


de D ieu. C ’est parce q u ’on aim e D ieu en P u rg a ­
toire que l ’on y souffre et les souffrances y sont
proportionnées au 'degré môme de la charité.
N ’est-ce pas du reste une loi du cœ ur hum ain de
souffrir de l ’absence de l ’être aim é et de souffrir
d ’autant plus que l ’être est p lus aimé PNous
voyons p artir un am i. S ’il est un de ces com pa­
gnons de vie qui est né presque en m êm e temps
que nous, a grandi à nos côtés, â .partagé nos
joies et nos peines, a toujours connu nos plus
secrets desseins, a pén étré le plus in tim e do
notre âm e; nous avons toujours vécu ensem ble
à cœ ur ouvert, n ’ayan t cju’une pensée, q u ’une
vibration. Il part, il est parti. Il sem ble que
nous- ne nous reconnaissons plus, il m anque
-quelque chose de nous, une partie de n otre être,
indispensable, essentielle, la m eilleure p eu t-êlro
nous m anque, et ce -vide nous trouble, nous
plonge dans une profonde tristesse. L a peine eût
été m oin dre si nous n ’avions vu p artir q u ’un do
ces am is que l ’on se fait au hasard de la vie, que
l ’on rencontre un jo u r ; la sym pathie s’établit et
les relations naissent, on passe ensem ble d’heu­
reux instants ; mais, les deux âmes ne s cs o n t pas
fondues en une seule. On sent la séparation,
m ais elle ne p roduit pas dans le cœ ur cette plaie,
ce vide causé p a r le départ de l ’a utre am i.
O r, pour les âmes du P u rgatoire D ieu est
ib B LA PSYCHOLOGIE DU PURG A TO IRE

l ’a m i, par excellence. On a vécu en lu i et pour


lu i, il a pris le cœ ur, a donne le sien, est devenu
la vie de l ’intelligence qui ne songe q u ’à D ieu
et ne croit que lu i et q u ’en lu i, la vie du cœ ur
q ui n ’aspire qu'à lu i, la vie de la volonté qui
ne veut que lu i, le tout de l ’âm e, qui vient de
lu i, m arche soutenue par lu i, va vers lu i. On
l ’aim e, on le sent to u t près, on se sait aim é de
lu i, on vou drait l ’avoir to u t entier, on ne le
p eut, c’est le pire supplice d e , T an tale -pour le
cœ ur.
Cette souffrance vien t donc de l ’am our, elle
en est la fille : et elle en est objet aussi. Nous
l ’avons vu, cette souffrance est douce, on y tien t,
on ne vou drait pas ne pas la su bir, car elle est
voulue par D ieu . E lle est le phis chéri des bour­
reaux.
E lle est m ère d’am our en m êm e tem ps, car
souffrir pour D ieu , souffrir parce q u ’il îe veut,
attache encore, et le cœ ur se dilate, l ’arnour
gran d it et n aît de la souffrance. Il s’opère en
l ’âm e un cercle m ystérieux et p urifiant, entre
l ’am our et la souffrance : l ’am our, par son in ­
tensité, engen drant la souffrance et celle-ci à son
tour par sa fécondité n aturelle enfan tan t l'am o u r :
et ainsi l ’âm e gran dit, et, portée sur les deux
aücs d e là douleur et de la charité, m onte vers le
ciel qui l ’attend, vers le D ieu qui l ’appelle.
CHAPITRE VI

n e 's o u s a eux : d ’ eux a nous

\
SO M M A IRE DU C H A P IT R E V I

t, De nous à eux. E n tre la te rre et le P u rg ato ire , il n ’y a


ni un m u r de séparation totale, ni un alu'mc infranchis­
sable, — I I , H y a circulation et échanges, basés su r la
sim ilitude de n atu re, — II I et su r la com m union des
Saints. — IV . Les échanges en tre les vivants e t les âmes
du P u rg ato ire se font d ’une m anière spéciale, — Y -Y II.
Nous pouvons secourir les âmes du P u rg ato ire p ar nos
satisfactions personnelles V aleur m éritoire et satisfactoire
de nos actes, — Y III-X ÏÏ. Le "second clém ent de circula­
tion est constitué p ar les satisfactions surabondantes du
C h rist et des saints. Le T réso r de l ’Église ; les indulgences ;
le u r application aux m orts. — XIII~X.IV. Le troisième
élém ent do circulation est la prière. L ’action chrétienne
est une prière. — XV. C om m ent les grands Saints o n t
secouru les m orts, — X VI. ■Comment nous devons les
secourir : p ar les bonnes oeuvres, la p riè re , les indulgences,
le saint sacrifice de la messe. — X V II, D 'eux à nous.
Peuvent ils quelque chose p o u r no u s? — X V III. Nouvelle
condifion de le u r êlre. Ils peuvent nous apparaître, in lc r-
vonir pour nous. — X IX , Ils ne .peuvent m é rite r, n i sa­
tisfaire pour nous, — X X , M ais ils peuvent p rie r.
C H A P IT R E V I

DE NOUS A EUX : d ’e UX A NOUS

I. — L a m o rt qui nous les cache, nous les en­


lè v e -t-e lle P E n tre eux et nous élève-t-elle un
m ur im pénétrable qui nous em pêche d ’aller à
eux, et leu r interdise de venir à nous P Nous sa­
vons déjà que n on , puisque nous avons constaté
que de la connaissance iis nous suivent, du
cœ ur ils nous aim en t.
Mais, s ’il n ’y. a pas de m u r, du m oins n ’y a -t-il
pas un fossé infranchissable q u i, to u t en p er­
m ettant à la connaissance et à l ’a m our de voler
au-dessus de son abîm e, rende im possible toute
autre com m unication, en p a rtic u lier: tout
échange pratique et réel de secours ? La chose
n ’ est pas.
E lle serait q u ’il y aurait encore de grandes
consolations portées d’ un côté à l ’autre sur les
1 6a IA P S YC H O LO G IE D U P U R G A T O IR E

ailes du souvenir ou de l ’affection. Ne serait-il


pas doux, en effet, pour nous de savoir q u ’ils
ne nous ont pas oubliés, q u ’ils se souviennent,
q u ’ils s’intéressent à nous et que s’ ils no peuvent
nous apporter aucun secours, du m oins peuvent-
ils nous aim er to u jo u rs? E t quel plus grand
bien fait p eut-on accorder à q u e lq u ’un que de
l ’a im er? Il serait fort agréable égalem ent pour
eux de penser que nous avons gardé leu r sou­
ven ir, que la blessure faite à notre cœ ur par
leu r départ saigne toujours, que notre fidélité
leu r est à jam ais acquise.
Or, il y a plus que cela. L e fossé n ’est pas in ­
franchissable de la terre au Pu rgatoire, ni du
P u rgato ire à la terre, ou p lu tô t le fossé n ’existe
pas. Il y a une circulation incessante qui va de
.nous à eux, d ’eux à nous, des échanges précieux
se font entre les frères des deux cités.

II. — Ces échanges de biens, cette circulation


de vie a sou principe d ’abord dans la sim ilitu de
de nature. Us sont de notre race, enfants d ’A dam
com m e nous, doués cl’une tune com m e la nôtre.
O r, entre enfants d ’une m êm e fam ille, il y a une
n aturelle et nécessaire solidarité. L ’ hon neur des
parents est transm is aux enfants, com m e un héri­
tage : que le fils se distingue par une action d ’éclat,
les rayons de sa glo ire enveloppent le père et la
m ère et font auréole à toute la fam ille. Les crimes
déshonorent p areillem en t plus que leurs auteurs,
et leu r honte fait ro u gir les frères, le père, les en­
fants du crim inel. C ette solidarité s’étend autant
que les liens de fam ille, de patrie ou de race. Les
D E KO U S A EUX : d ’ e u x A NOUS l6 3

exploits d ’une poignée de soldats relèvent l ’hon­


n eur de toute une n alion . Tous les hom m es
ne form ent aux yeux de D ieu q u 'u n e patrie,
q u ’ une fam ille ; il y a donc solidarité entre eux.
O r, qui d it solidarité d it échangé. Des per­
sonnes solidaires sont responsables l ’une pour
l ’autre ; peuvent, par conséquent, payer leurs
dettes m utuellem en t. Dans la sphère de la soli­
darité l ’une peut rem plir les obligations de l ’au­
tre, et la décharger ainsi.
E n vertu de cette solidarité hu m ain e, dans
toute société le riche p eu t payer les dettes du
pauvre. O r, l ’h om m e est âme eu m êm e temps
que corps : il a des dettes d ’âme aussi bicu que
des obligations m atérielles. Si un hom m e peut
éteindre celles-ci à la place d ’un autre hom m e,
pourquoi ne pourrait-il pas, avec ses biens spiri­
tuels, c’est-à-dire avec ses m érites, solder les
dettes d ’âm e de son frère ? « U n hom m e riche peut
payer les dettes des m alheu reux auxquels son
bon cœ ur s ’intéresse, et les délivrer de l ’oppres­
sion et de la captivité ; pourquoi celui qui est
riche de vertus, de bonnes cfeuvres et de m érites,
ne p ourrait-il pas se servir de ces trésors sp iri­
tuels pour secourir des âmes captives qui atten­
dent de lu i leu r délivrance ? 11 ne m e sem ble
pas que D ieu veu ille in terd ire ces fraternelles
com m unications entre les sources m êm es de la
vie hu m ain e, p uisque la p lu s gran de œ uvre de
son am our, la rédem ption, est fondée sur la si­
m ilitu d e de n ature et la réversibilité des m é­
rites » M onsabré, {Retraite.pascale de i 889, i ' ûIns.
tru c lion : « L e souvenir des m orts ».)
iG/j LA PS YC H O LO G IE DÜ PUH GATOIIUi

TU. « — Nous com prendrons m ieux cette loi


et l ’application que nous en pouvons faire, si
nous considérons que nos rapports spirituels ont
été ennoblis et rendus plus intim es p ar la grâce.
L a nature fait de nous un e société fraternelle,
la grâce fait de nous un corps m ystique, si m er­
veilleusem ent constitué et ordonné, q u ’aucune
u n ité sociale ne peut donner un e idée de sa par­
faite unité. (( L e sang du C h rist, d it l ’À pôtre, a
rapproché ceux qui étaient éloignés les uns îles
autres ! — Il a saisi, pénétré, ramassé en un seul
corps tous les hom m es et tous les peuples, afin
q u ’ils puissent participer aux m êmes biens. —
O ui, nous qui sommes beaucoup, nous ne
sommes pourtant q u ’un seul corps : Multi unutn
corpus sunuis. —- Dans ce corps les m em bres
agissent les uns pour les autres ; chaque m em bre
appartient aux autres m em bres, et l ’abondance
des uns supplée à l’indigence des autres. » C om ­
prenez bien ce m ystère de physiologie sacrée.
N ’étant q u ’un seul corps, nous avons tous une
m êm e vie, et, ,dans la com m unication u n iver­
selle de cette m êm e vie, chaque m em bre peut
dire ; J’ai droit à m a part en ce qui est à tous :
Parliceps ego sam omnium. Sans doute, dans, le
corps m ystiqu e a u q u el'n o u s appartenons, ainsi
que dans notre corps n aturel, la vie ne peut pas
so com m u niquer aux m em bres m orts que D ieu a
été obligé de séparer des m em bres vivants, m ais
les m em bres souffrants, qui tien nen t encore au
tronc sacré que la grâce vivifie, peuven t recevoir
de tous les m em bres s.ains de salutaires et fer­
tiles effluves q u i les délivrent de leurs m aux,
D ii NOUS A HUX : D h iU X A NOUS i6 5

y> Nous sommes un seul corps, et dans ce corps


îi y a des m em bres pleins de sève qui font plus
q u ’il ne faut pour en treten ir leu r propre vio et
obtenir leu r plén itu de. ÏNc leu r est-il pas dû
une récom pense, pour la surabondante activité
q u ’ils déploient dans la vie com m une ? E t la
plus douce récom pense q u ’on puisse leur accor­
der, n ’est-ce pas de faire le bien et de donner de
soi ? a (M onsabré, ibidem.)

IV . ■
— Nous ne form ons donc tous q u ’un seul
corps dans lequ el entrent, com m e m em bres vi­
vants, tous ceux qui appartiennent à l ’E glise m i­
litan te, à l’E glise soutirante, ou à l ’É glise triom ­
phante. L a circulation de sève qui va de l ’un à
l ’autre s’appelle la com m union des saints. Sans
doute, elle ne se fait pas toujours,, de la mémo
façon. Dans l’organism e hu m ain , les échanges
de n utrition ne sc font pas avec la m ôm e.in ten ­
sité dans les es, dans les chairs, mais ils se font
p artou t. P areillem en t, la com m union des saints
a des variétés m u ltip le s ,'le s échanges qui s’éta­
blissent entre chrétiens habitan t la terre ne sont
pas tout à fait sem blables à ceux qui vo n t de la
terre au P u rgato ire ou du ciel à la terre, mais
ils existent ' quand m êm e. 11 y a com m e un
vaste systèm e d’artères qui établit la canalisation
spirituelle entre là terre, le P urgatoire et le Ciel,
et qui perm et aux parties trop riches de déverser
le trop plein de leurs m érites sur les portions
appauvries et défaillantes 1.
11 ne suffit pas de prouver le fait de la circu­
lation surnaturelle qui va de la terre au P u rg a -
1 66 LA PSYC H O LO G IE DU PU R G A T O IR E

loire cl- réciproquem ent revient d u P u rgato ire à


PEcdisc ; il faut encore éclairer cette circulation.
INous avons dit que, en vertu de la com m union
des saints, il y a des échanges de Liens entre
les fidèles d ’ici-bas et ceux qui se p urifien t
dans les flam m es et que ces échanges ne sont
pas to u t à fait les m êm es que ceux qui existent
entre deux m em bres de l ’E glise m ilitan te ; en­
core fau t-il m ontrer leu r m ode spécial.

V . — i l y a surtout trois voies et com m e trois


grandes artères par lesquelles nous pouvons faire
afllucr nos secours dans le P u rgatoire et y (appor­
ter le rafraîchissem ent, précurseur de la lum ière
et de la paix du Paradis.
L a prem ière artère apporte aux âmes du P u r ­
gatoire nos satisfactions personnelles. T oute ac­
tio n surnaturelle est à triple effet : elle engendre
des m érites, donne une satisfaction, fait entendre
une p rière. C ’est ce qu e les théologiens veulent
exprim er quand ils disent que tout acte surna­
tu rel a un e vertu .m éritoire, un e vertu satisfac-
lo ire et une vertu im pélratoive. D e la vertu im -
pétratoire, ou prière, enveloppée dans toute opé­
ration chrétienne, nous parlerons p lus lo in .
Reste la vertu m éritoire et la satisfaction.

V I . — V oyez un arbre en pleine vie, un poirier


p ar exem ple. Il tire du sol les élém ents nécessaires
à son alim entation et à son évolution organique ;
il élabore la sève ; celle-ci circu le à travers les
veines de i ’ai'brc. 11 se p ro d u it u n double phé­
nom ène : u n phénom ène de n u tritio n d ’abord :
DE NOUS A EUX I d ’eU X A NOUS 167

le poirier prend dans ïa sève ce q u i est u tile h


la réparation des parties usées par le travail or­
ganique, en m ême tem ps, il fortifie, développe
ses organes, en crée de nouveaux. Ce travail est
tout personnel, si on peut parler ainsi, et profite
à l ’arbre seul. L e poirier ne peut, par cette n u tri­
tion, reconstituer ou construire son voisin ; l ’a li­
m entation et l ’accroissement sont des faits exclu­
sivem ent intim es et propres à chaque plan te.
R egardez cependant sous la chevelure de ce
poirier vigoureux. Des bourgeons se sont ouverts,
des fleurs se sont épanouies, le germ é qu'elles con­
tenaient a grossi, est dcvêiiu un fru it appétis­
sant. L e poirier au ra it pu, si la fleur n ’éla it pas
fécondée, garder la sève pour lu i ; Une fois la fleur
fécondée, là sève s’ est portée en elle, y a construit
le fru it que vous adm irez, que vous allez cu eillir
et dont vous pourrez vous n ou rrir. L ’arbre a
travaillé ici pour a u t r u i; il a donné quelque
chose de lu i-m ê m e ; et tandis que, par l ’assim ila­
tion, il produisait des résultats d’accroissem ent
où de conservation inaliénables, par l ’élaboration
de ses fruits il a travaillé pour le dehors.

V U . — H é bien ! l ’action surnaturelle, est


com parable à l’activité de cet arbre, E lle m érite, et
son m érite estin aliénable. C ’est un em ploi person-'
n cl de la sève q u i est la grâce : on ne petit utiliser
a grâce dans une opération hum ain e, qu elle
qu’elle soit, sans que, par le fait m êm e, il se pro­
duise com m e une n u tritio n et un accroissem ent de
l ’âme q u i m u ltip lie sa vie divine et lu i donne les
droits à l ’a lim en tation de cette vie plus intense et
■ T.A P S Y C H O L O G I E O U P U R G A T O I R E . H
LA l ’ S ÏC lIO L O G lE DU PU HG A T O ii'.E

à sou co u ro n n em en t dans la gloire du ciel. Le


.m érite est su rto u t l ’ellét d e là ch a rité : il nuit
de l ’am our d ’où procède tout acte surnaturel.
E n m êm e temps et conjointem ent au m érite,
éclot la satisfaction. C ’est un p ouvoir de répara­
tion pour les peines dues au péché. La satisfac­
tion ja illit de l ’clîort q u ’exige toute opération.
l Jlus cet effort est douloureu x et enveloppé de
sacrifice, p lus il a de valeur satisfactoire. Com m e
la sève destinée au fru it et qui tantôt reste dans
Varhre et tan tôt se transform e en la poire qui se
détache, ainsi la satisfaction p eu t profiter à
Pâme qui agit et tantôt p eut être aliénée et com ­
m un iquée à une autre âm e. C ’est l ’élém ent
aliénable, c ’est le don. Q uan d je fais bien, j ’ac­
quiers m érite et je donne satisfaction à D ieu : le
m érite m ’est essentiellem ent personnel, étant
l ’évolution vitale et pour ainsi dire organique de
la grâce en m oi ; je ne p uis, avec la m eilleure
volonté du m onde, le faire passer à un de mes
frères. Mais la satisfaction n ’a pas le m êm e ca­
ractère d’im m anence. Com m e une valeur d’or
ou d ’argen t, je puis 1’einployer à payer les dettes
de mes péchés, m ais je puis aussi l ’offrir à D ieu
pour solder le s dettes d ’un pauvre pécheur.
V o ilà le prem ier élém ent de circulation entre
la terre et le P u rg ato ire. Chacune de nos actions
porte son fru it satisfactoire, nous pouvons l ’of­
frir aux âm es du Pu rgatoire, et dim in uer d ’au­
tan t la quantité d’expiations qui restent à leu r
passif.

VI.IL — L e second élém ent de circulation,


D E NOUS A EUX : D ’EUX A NOUS iC q

c’est encore la satisfaction. Seulem en t ce n ’est


plus la m ienne propre, c ’est celle qui est con­
ten ue dans le trésor de l'É g lise.
T o u t le m onde con naît le trésor de l ’Église.
C ’est la plus riche caisse qui soit au m onde et la
plus inépuisable. N otre Seign eu r s’étant fait
hom m e a, depuis l ’instant de sa conception ju s ­
q u ’à celui de sa m ort, accom pli une série in in ­
terrom pue d’actions surém inem m ent surnatu­
relles. Ces actions étaient satisfactoires. C h acune
d ’elles avait une valeur de réparation infinie.
La dernière fut offerte à D ieu pour le rachat du
genre h u m ain . Ce rachat opéré n ’épuisc pas
toute la richesse de cette satisfaction suprêm e.
R estait un surplus, restaient les satisfactions af­
férentes à toutes les actions qui avaient précédé
et form aient la chaîne de la vie de celui de qui
il a été dit que toute son existence fut croix et
m artyre.
Toutes ces satisfactions allaient-elles ctre in u ­
tilisées et s’envoler en fu m é e? N o n , D ieu en fit
une accum u lation, une som m e, u n trésor, vraie
foi’tune su rn atu relle du genre h u m ain . E t parce
que ces satisfactions avaient été fournies par le
C h rist p en dant son séjour sur la terre et pen­
dant sa vie terrestre, le trésor fu t confié à l ’Eglise
de la terre, à l ’É glise m ilitan te. E lle eu t la
double m ission de l ’en richir encore et de le d is­
tribuer en m êm e tem ps.

ÏX . — E lle l ’enrichit par des apports qu o ti­


diens. M arie d'abord y apporta le plus m er­
veilleu x concours, m enant une vie de sainteté
I 70 LA l ’ S tC IIO L O G IE DU PU R G A T O IR E

intense, dont tous les actes étaient très saints et


par suite très satisfacto ires, elle ne com m it ja ­
m ais la plus petite faute, ne co n n u t pas la plus
petite im perfection.. E lle n ’entam a donc jam ais
le capital de satisfaction p ro d u it par toute sa vie
de vertus et de douleurs. Ce capital fu t rejoindre
celui form é par les satisfactions surabondantes
du C h rist dans le trésor de l ’Eglise. P areille­
m ent, des saints com m e les apôtres, les m artyrs,
les vierges, tous ceux que la piété vénère et que
l ’Eglise a m is sur ses autels, s’ils eurent des dé­
faillances, des chutes parfois, leurs vertus héroï­
ques dépassèrent certainem ent en richesses sa-
tisfactoires les expiations nécessaires à leurs
fautes. Ce trop plein appartient encore au tré­
sor de l ’E glise. A tous les siècles, l ’E glise eut
des saints pareils qui alim en tèren t son trésor :
elle en a encore m aintenant et le flot de satis­
factions ne cesse de couler riche et pressé.
I! y a un e différence cependant entre les sa­
tisfactions du C h rist et celles des saints ; les
eaux n ’en sont pas tellem en t unies q u ’il ne soit
possible de les distinguer, com m e dans la mer
certains courants se rem arquen t à leur lim pidité
p lus grande ou à leu r coloration plus tendre et
p lu s azurée. Ces satisfactions du C h rist tirent
leu r valeur d ’ellcs-m èm cs et de la divinité de
Jésus ; les satisfactions des saints ne valent que
par celles du C h rist qui ont perm is à ces
hom m es do vivre surn atureücm cn t, de m ériter
et de satisfaire.

X. — Les apports des saints au trésor de


DU NOUS A EUX : D E U X A NOUS l'JÎ
l’Eglise m ontrent plus clairem ent encore pour­
quoi c ’est l ’Eglise m ilitante qui en a la posses­
sion et la gestion, On ne m érite q u ’ici-bas, A u
ciel, les actes surnaturels n ’ont plus aucune va­
leur m éritoire : l ’arbre qui a atteint son plein
développem ent ne pousse plus. Ils n ’ont pas da­
vantage de valeur satisfacloire : étant faits en
pleine félicité, ils m anquent de l ’élém ent d’effort
ou de douleur qui produit la satisfaction. — : A u
P u rgatoire, on ne m érite pas non plus, la vie
surnaturelle est arrêtée en son développem ent
et com m e figée. On satisfait, m ais les satisfac­
tions sont inaliénables, im m édiatem ent absorbées
par les expiations ducs à D ieu par celui qui
souffre. Celui-ci ne satisfait donc et ne peut sa­
tisfaire que p o u r lu i-m è m e . A l ’heure où, ayant
satisfait com plètem ent, il pourrait donner de
son trop p lein , la gloire le saisit et lu i rend les
oeuvres satisfactoires im possibles.
L e ciel et le P u rg ato ire ne donnent donc pas
le m oindre trib u t au trésor de l'E g lise : celui-ci
n ’est rem pli que par les lutteurs de la terre, par
les enfants de l ’E glise m ilitan te. 11 est ju ste dès
ïors que ce soit cette E glise qui tienne cette
caisse surnaturelle.

X L — E lle y p uise donc. E lle y puise large­


m ent. Y ayan t puisé, elle distribue généreuse­
m ent ses richesses. Celics-ci p renn en t alors le
nom d ’ïnclulgcnecs. A qui l ’E glise distribuera-
t-elle les biens pris par clic dans son trésor?
E vid em m en t pas aux élus du ciel q u i n ’en
auraient que f a ir e .1
LA l’ SY C IlO L O G ÏE DU P U R G A T O IR E

É vid em m ent aussi et d ’abord aux chrétiens do


la terre qui en o n t un réel besoin. D u reste, elle
a ju rid ictio n sur eux, ils sont scs fils, elle leur
appliquera donc les satisfactions du C h rist et des
saints : elle les leu r appliquera avec autorité et
certitude. E lle leu r enlèvera les peines q u ’ils
doivent encore et cela, com m e disent les théolo­
giens, par une absolution, per modum absolutionis,
q ui les délie de l ’obligation, totale ou partielle de
subir les peines m éritées par-leurs fautes. Q uand
elle absout ainsi le pécheur de ses dettes pénales,
quelle est l ’équation m ath ém atique des peines
remises ? N ul ne le sait. Car l ’É glise, en p arti­
culier dans les indulgences partielles, ne d é te r­
m ine pas ellc-m em e m athém atiquem en t la va­
leu r des satisfactions q u 'elle applique ; et, d’autre
part, le profit tiré par chacun dépend de l ’état
d ’attache, égalem ent im possible à déterm iner,
q u ’il garde à ses fautes. 11 m anque donc des
élém ents d’appréciation ; néanm oins, si le quan­
tum est indéterm iné, le fait de la rem ise est cer­
tain. A insi l ’absolution sacram entelle produit
certainem ent la remise des fautes m ortelles et
vénielles, mais parm i celle-ci laisse subsister
celles dont le repentir est n u l. L ’absolution est
sûre et in faillib le, m ais, par rapport aux fautes
légères, quand est-elle p lén ière, quand et dans
q u elle m esure est-elle p artielle? C ’est le secret de
l ’om niscience divine seule.

X II. — L ’É glise n ’a -t-elle le pouvoir d ’appli­


quer les richesses de son trésor q u ’aux seuls en ­
fants q u ’elle possède sur la terre ? O ui, s’il s’agit
D E NOUS A EUX : D 'E U X A NOUS

d ’une absolution et remise d irecte.d e peines,


faite en vertu de sa ju rid ictio n , L ’É glise n’ a de
ju rid ictio n que sur la terre et son pouvoir im ­
m édiat de lier et de délier ne dépasse pas les li­
mites de cette vie.
Mais quand elle ne p eu t absoudre, elle peut
offrir à D ieu scs richesses avec prière de les appli­
quer aux âmes du P u rgato ire. Celles-ci sont sous
la ju rid ictio n de D ieu e t D ieu peut accepter des
m ains de l ’E glise les satisfactions q u ’eüe tire de
son trésor et q u 'elle lu i offre p er modwn solu­
tionis pour ceux q u ’elle a portés autrefois dans
son sein et q u ’elle à perdus.
C ’est ce que l ’on appelle les indulgences appli­
cables aux âmes du P u rgato ire. On ne les appelle
pas des indulgences appliquées, m ais des in dul­
gences applicables aux âmes du P u rg ato ire, parce
q u ’ici l ’incertitude est plus grande. L ’É glise ne
procède plus par voie d 'au to rité et de ju rid ictio n
directe, m ais par voie de prière et de suffrage.
E lle offre à D ieu des som m es pour payer les
dettes de ceux du P u rgato ire. Sans doute ■le
Christ, q u ia m is au cœ ur de son Epouse ce sen­
tim en t délicat, ne p eut le laisser in u tile et rester
sourd aux prières de l’É glise. Il l ’entend donc
et habituellem en t l ’exauce. Mais l ’exàuce-t-il
toujours ? dans quelle m esure le fa it-il ? A u tan t
de problèm es que n ul ne p eu t résoudre.
11 n ’en est pas moins vrai que les indulgences
existent, q u e lle s sont mises à notre disposition,
q u ’elles sont grosses des satisfactions du C h rist
et des saints, et que si elles passent par le bon
vouloir de D ieu , elles n ’en arriven t pas m oins, la
17 k LA P S Y C H O L O G IE DU PU R G A T O IR E

p lup art du temps, à destination. Ces satisfactions


du C h rist sont le second élém ent de circulation
de la terre au Pu rgatoire et l ’un des bien lails
les p lus efficaces et les plus précieux que nous
puissions accorder à nos frères de l ’au -d elà.

X IÏI. — 11 y a une troisièm e et dernière


artère qui porte au P u rgatoire nos bienfaits.
C ’est la prière. Tous ici-bas peuven t p rier. T ous,
m êm e les pécheurs, ont toujours la grâce suffi­
sante p o u r prier. Tous jJcuvcnt donc se tourner
vers D ieu et lui dem ander d ’avoir p itié des âmes
du P u rgato ire et d'adoucir la rigu eu r de leurs
souffrances ou d ’en abréger la durée. E t com ­
m ent D ieu n ’enlcndrait-il pas de telles suppli­
cations. C ’est un père, une m ère qui p rient pour
leu r enfant. C ’est une épouse qui prie pour le
com pagnon de sa vie, une fille qui prie pour sa
m ère, u n fils pour son père. D ieu qui a créé les
liens du sang, qui a m is au cœ ur des parents
l ’am our de leurs enfants, au cœ ur de l ’épouse l.v
tendresse pour son m ari, qui a prescrit aux fils
d ’b onorcr-et de respecter leurs pères, ne sau rait
être sourd à une voix q u ’il a form ée, dont il a
vo u lu les vibrations et prescrit les appels. E t
quand il *en ten d la clam eu r de la terre qui
s’élève vers lu i et cric m iséricorde pour le P u r ­
gatoire, son cœ ur s’o uvre et il en sort des flots
de pardon, et des grâces de délivrance.
D ’autres fois c’est un com plice qui se tourne
vers D ieu . C elte âme qui est retenue en P u rg a ­
toire pour telle ou telle faute com m ise en co m -
in un, c’est lu i tjui J’a sollicitée, entraînée. Il a l’
DE NOUS A E UX ; d 'e UX A NOUS Ï^G

conduite au m al, l ’a entreten ue dans ses habi­


tudes de fautes légères, dans ses défauts. E t tan ­
dis que lu i sur la terre a eu le temps de se rc-
’ p en tir, de se corriger et p eu t-être d ’expier tota­
lem en t et de m ériter le ciel im m édiatem ent
après sa m ort, elle, q u ’il a séduite, ravie trop tôt,
est au m ilieu des flam m es. Sans doute, son châ­
tim en t est légitim e, car D ieu, qui est l ’infinie
justice, ne p u n it les iautes d ’entraînem ent que
dans la m esure où elles ont été libres et voulues :
néanm oins ne p eu t-o n pas dire q u ’il y a une
efficacité p articulière pour les prières des vivants
qui intercèdent en laveu r des com pagnons de
leurs péchés ? P rion s donc pour ceux que nous
avons aim és, prions pour ceux que nous avons
entraînés au m al.

X IV . — Prions avec des prières ; prions avec


des actions chrétiennes. C ar il n ’y a pas que
l ’oraison qui prie. T o u te action est une prière.
C'est ce que les théologiens entendent quand ils
affirm ent q u ’avec la vertu m éritoire et la vertu
satisfactoirc, toute action surnaturelle a une
vertu im p étralo irc. L a prière est l ’expression
d ’un désir qui fléchit D ieu et en obtient des fa­
veurs. O r, toute action est une preuve de notre
bonne volonté, elle est le fru it do notre désir de
servir D ieu et d ’avancer su rn alu rellcm cn t. Elle
a égalem ent le don, plus peut-être que la parole,
de fléchir la divine ju stice et d ’obtenir de la m i­
séricorde de Dieu des faveurs. Q uand D ieu voit
une vie pure, ne sc sen t-il pas tout spontané­
m ent porté à com bler do faveurs son enfan t, à
I 76 LA PSYC H O LO G IE DU P U R G A T O IR E

p révenir m êm e ses désirs et à lu i prodiguer ses


grâces ?
Il ne serait pas môme tém éraire de dire que
la prière est im pétratoire, m oins parce q u ’elle
parle que parce q u ’elle agit, m oins parce q u ’elle
est oraison' que parce q u ’elle est action. Car ce
q u i fait q u ’ une prière est plus puissante q u ’ une
autre, c ’est l ’a m our qui l ’accom pagne, c’e st-à -
dire la m êm e charité par la qu elle valent nos
actions
Prion s donc par nos bonnes actions, prions
par des'bonnes œuvres et secourons les âmes de
nos frères qui souffrent là-bas, par tous les
m oyens m is en notre pouvoir.

X V , — Q ue de voix nous appellent au-delà de


la tom be, et réclam ent notre assistance ! V o ix do
l ’am our, voix' de la reconnaissance, voix de
la compassion, voix de la religion , voix de la
justice s’unissent dans un m ôm e avertisse­
m ent : Souvenez-vous des captifs de la justice
divine : Mementote vinctorum. « C ’est m erveille
de voir avec quel héroïsm e les saints ont r é ­
pondu à cet a vertissem en t: les u n s.p lein s de
zèle et d ’ardeur pour la gloire de D ieu et
pieusem ent empressés de peupler le ciel d ’éternels
adorateurs ; les autres connaissant toutes les
douceurs de l'u n io n divine, et pénétrés d ’une ten­
dresse et d’une compassion im m enses pour les
pauvres âmes que tourm en te la faim du bien su­
prêm e, dont elles ressentent m ieux que les pins
parfaits de ce m onde la cruelle privation : ceux-
ci m u ltip lian t les veilles, les jeû nes, les prières,
DE NOUS A EUX : u ’ eU X A NOUS I 77

les flagellations sanglantes, Tous les supplices de


la cliair, pour payer à D ieu la dette d ’expiation
q u ’il exige, et éteindre les flam m es vengeresses
de sa justice ; ceu x-là dem andant à ressentir en
leu r âme toutes les tortures du P u rgato ire, et
consentant aux plus épouvantables délaisse­
m ents, pour obtenir que D ieu se donne à ceux
qui ont faim de le voir et de le posséder ; pres­
que tous faisant l ’abandon de leurs m érites aux
infortunés débiteurs de l ’autre m onde, et créant
dans l ’Église une généreuse ém ulation du vœu
héroïque qui m et tous les jo u rs entre, les mains
de )a m iséricorde divine un capital énorme
d’œ uvres expiatoires dont elle se sert pour payer
la ju stice. » (M onsabré, Retraite pascale de '1899.
p rem ière instruction).

X V I, — E t le grand orateur ajoute que de si


belles m arques d 'am our ne nous sont pas de­
m andées, m ais ce qui est en notre pouvoir et ce
q u i est exigé de notre charité, c’est de nous ser­
vir des m oyens d’assistance que D ieu et l ’Eglise,
ont m is à la disposition de tous les chrétiens : les
lionnes œ uvres, la prière, les indulgences, le
saint sacrifice de la messe,
a T o u te Oeuvre qui a pour principe la charité,
disent les théologiens avec saint T hom as, peu!
être u tile aux âmes du P u rgato ire ; car ces
âmes, bien que n ’appartenant plus à notre
m on de, nous sont unies par des liens que la
m o rt n ’a pu briser, c l nous pouvons., à chaque
in stant, nous m ettre en rapport avec elles par la
direction de nos iqten tion s. Lors m êm e que nos
I 78 h\ PSYC H O LO G IE DU P U R G A T O IR E

bonnes œuvres ont pour bu t im m édiat de secou­


r ir les vivants, D ieu peut en extraire, au prolit
des pauvres de l ’autre m onde, les intentions
tend l'es et délicates qui leur donnent du prix à
ses y e u x et sont le lien m êm e de la charité. Que
dis-je? Nous pouvons faire de n o tre vie une con­
tinu elle aum ône, en offrant à D ieu , pour ceux
que nous aim ons, tout ce q u i, dans 110s travaux,
nos privations, nos in firm ités, nos m aladies, nos
revers, nos chagrins, peut avoir un caractère
expiatoire,
)) L ’occasion des bonnes œ uvres nous m anque-
t-elle ? Ou som m es-nous empêchés d ’en faire ?
Nous avons la ressource de la prière qui peut,
chaque jo u r et à chaque instant du jo u r, aller
frapper aux portes bienfaisantes par où s’épan­
chent les m iséricordes de D ieu sur les vivants et
sur les m orts. Nous savons bien dem ander à
D ieu de nous délivrer des m aux de cette vie ;
oublions-nous quelquefois pour les chers absents
qui ne peuvent obtenir que par nos suffrages
d ’être délivrés des m aux de l ’autre vie.
» A vons-nous peu de confiance dans la valeur
de nos bonnes œuvres et de nos prières ? R enfor­
çons-les par des em prunts faits au gran d trésor
dans lequ el l’Église capitalise, avec les mérites
du Sauveur, les m érites de tous les saints. S ’il y
avait, par m alheur, un prisonnier dans notre fa­
m ille, nous ne nous contenterions pas d ’im plorer
pour lu i par le touchant spectacle de notre d o u ­
leu r, m ais nous ferions agir, pour obtenir sa
grâce et sa liberté, les plus liantes et les plus
puissantes influences. Y o ilà l'in d u lg en ce! Appii-;
DE NOUS A E U X : Ij ’ e ü X A NOUS Ï7 9

quée aux âmes du P u rgato ire, elle n ’est rien


autre chose que l ’intercession des plus m éritants,
des grands seigneurs, du roi m êm e de la société
chrétienne, renforçant les démarches de notre
am our auprès de la m iséricorde divine.
» E n fin , il nous reste l’œ uvre par excellence,
l'aum ôn e inépuisable, la prière souveraine, dans
le sacrifice auguste où le E ils de D ieu nous
donne sa vie et fait prier son sang, (l’est pour
nous tous q u ’il s ’im m ole sur l ’autel ; m ais il
sem ble que, dans cette œ uvre de- m ort, il soit
plus pressé de se m ettre en rapport avec les
m orts q u ’avec les vivants. Après q u ’il eut poussé
le dernier cri qui chassa son âme de son corps et
e n tr’ou vrit la terre, la prem ière chose q u ’il lit
fut de descendre chez les m orts afin de les con­
soler et de leur annoncer la délivrance. L ’E glise
a com pris son dessein, et pour s’y conform er,
aussitôt que l ’im m olation eucharistique est ac­
com plie, elle s’empresse de lu i recom m ander les
âmes de ceux qui nous ont précédés dans le
som m eil du tom beau. Ce n ’est q u ’après avoir
évoqué leur cher souvenir q u ’elle frappe sa poi­
trin e et nous invite à dire : « Pensez à nous,
pauvres pécheurs : Nobis qàoque peccatoribus. »
>> C ’est par tous ces m oyens que nous pouvons
nous rendre D ieu propice, et l’obliger à de m isé­
ricordieux relâchem ents de scs rigueurs à l ’égard
des âmes que sa justice p urifie : Talibus hoslùs
vromevetur Deas. » (M onsabré, ibid.)

X Y H . — Les artères qui relien t la terre au


P u rg a to ire -n e sont pas tellem en t construites
l8 0 LA PSYC H O LO G IE OU P U R G A T O IR E

q u ’elles ne laissent passage qu'aux flots envoyés


par notre com patissante cliarité à ceux qui souf­
frent là-bas. Il y a circulation dans les deux
sens : et il descend du P u rgato ire sur nous plus
d’un bienfait.
O n sc demandera p eu t-être : Mais que peu­
vent donc ceux du P u rgato ire pour nous?
D ans l’ordre n aturel, d ira-t-o n , ils ne peu­
ven t rien : ils sont enferm és dans les flam m es, et
paralysés par elles, sont im puissants à nous se­
courir on à in terven ir de quelque façon que ce
soit ici-bas. Dans l’ordre surnaturel, ils ont la
m êm e stérilité pour nous, étant incapables de
tout m érite.
11 est certain, en effet, q u ’en Pu rgatoire les
chrétiens sont dans un état in férieu r Ru point
de vue de la puissance ; ils n ’ont plus certaines
facilités q u ’ils possédaient sur la terre ; ils ne
com m unient pas encore aux prérogatives du Pa­
radis. Cependant ce serait, pensons-nous, une
erreur de leu r denier to u t pouvoir sur nous,
toute action en notre faveur.

X V III. — D ’abord, au point de vue n aturel,


leur être a des conditions de vie nouvelles : dé­
pouillés des corps, ils sont appelés à ylvre sous
la forme d’une âme séparée, isolée de son com ­
pagnon terrestre. O r, précisém ent- cela leu r
donne certaine sim ilitu de avec les anges. Q u'on
sc rappelle ce que nous avons dit du pouvoir
n aturel des élus, né en eux du fait seul de la sé­
paration des corps. Les élus du P u rgato ire sur
ce point ont les mômes puissances que ceux du
DU XOUS A EUX : J/E U X A NOUS IS i

Paradis. Evidem m ent, il faut le concours et


l ’autorisation divine, les âmes du P u rgato ire ne
pourront in terven ir, apparaître m êm e ici-bas
q u ’avec la perm ission do D ieu. M ais, il n ’en est
pas m oins vrai que, par nature, elles dom inent
la création m atérielle et radicalem ent peuvent
agir sur elle.
Leurs apparitions ne sont pas rares. « Dieu les
perm et pour le soulagem ent des âmes qui
viennent exciter notre compassion, et aussi
pour nous faire entendre à nous-m êm es combien
sont terribles les rigueurs de sa ju s tic e ... L ors­
q u ’elles apparaissent ainsi, les âmes du Purgatoire
se présentent tantôt sous les traits q u ’elles
avaient de leu r vivant ou â leu r m ort, avec un
visage triste, des regards su p p lia n ts..., tantôt
com m e une clarté, une om bre, une ligure fan­
tastique quelconque accom pagnée d ’un signe ou
d’une parole qui les fait reconnaître. D ’autres
fois, elles accusent leu r présence par des gém isse­
m ents, des sanglots, des so u p irs... ou par des
coups, des frappem ents à la porte, des bruits de
chaînes, des bruits de voix. Ces traits sont trop
m ultipliés p our q u ’on puisse les révoquer en
doute, a (R ibet, L a mystique divine, t. II, c. x).
11 im porte cependant de rem arquer avec saint
T hom as a que ces apparitions, bien q u ’elles
puissent être et soient parfois dues aux âmes du
Pu rgatoire, peuvent pourtant être aussi causées
p arles dém ons abusant de notre crédulité ou par
de bons anges, venant de la part de D ieu et â
Pin su de nos m orts, réclam er des prières pour
Ceux f'î.
i8 a la p s y c h o l o g ie du p u r g a t o ir e

8 i les âmes du P u rgatoire peuvent apparaître,


elles peuvent agir sans apparaître : le prem ier
pouvoir entraîne le second ; et il ne faut pas
blâm er la dévotion privée de personnes qui
recourent aux âmes du P u rgato ire et, en retour
de prières offertes pour elles, réclam ent leur in­
tervention dans les affaires d ’ici-bas.
Nous accordons cependant que de telles in te r­
ventions doivent être p lutôt rares, les élus du
ciel étant, avec les anges, tout indiqués pour
nous apporter les faveurs divines,

X IX . — Q uan t aux bienfaits surnaturels que


nous procureraient les habitants du P u rgato ire,
ii im porte de distinguer. Nous avons déjà vu
que nous-m êm es ne pouvons pas nous dépouiller
de toutes nos richesses surnaturelles en faveur
de nos frères et q u ’en p articulier, le m érite de
nos bonnes actions est. in aliénable, m êm e pour
ceux qui ont fait le vœu héroïque. P areillem en t,
les âmes du P u rgatoire ne p euven t aliéner tous
leurs biens. Elles ne m ériten t plus : pOur elles
l ’œ uvre de la grâce est term inée : aü c ic lf elle
évoluera en gloire avec le concours de D ieu ; en
attendant, c’est, l'a rrêt, c ’est le piétinem ent sur
place. E lles peuvent m u ltip lier les actes de cha­
rité, protester sans cesse de leu r am our pour
D ieu , ces actes laissent le surnaturel au m êm e
■niveau, n ’en dim in uen t n i n ’en augm entent la
som m e. L e com pte de chacun est arrêté, aucun
accroissem ent n ’est possible, la vie organ ique de
la grâce est arrêtée dans son évolution. Donc,
auoune valeur m éritoire des actes surnaturels en
Î>E NOUS A EUX : d ' e u x A NOUS l8 3

P u rg a to ire ; il n ’y a là aucun élém ent transm is-


sible.
Mais en P u rgatoire, on satisfait ; on est m êm e
livré à peu près exclusive nient au labeur cîc
la satisfaction., seulem ent les satisfactions p ro­
fitent à Pâm e seule qui les fourn it. ,0n ne
peut pas d ir e . à D ie u : je viens de souffrir
beaucoup pondant une heure, pendant -une
journée : je pourrais vous offrir ces satisfactions
pour payer mes dettes, je préfère m ’oublier
et vous les offrir pour solder la dette de mon
père ou de ma m ère; de m on époux, de m on em
fan t. Ces renonciations ne sont possibles q u ’ici-
bas. E n P u rgatoire, les souffrances sont sous­
traites à notre choix et à notre liberté d ’applica­
tion, D ieu les prend à m esure en expiation per­
sonnelle des fautes de celui qui les endure, ou
plutôt* im m édiatem ent; elles [brûlent, .détruisent
les restes des fautes. E lles sont inaliénables^ e’est
encore u n secours que les âmes du P u rgatoire
ne peuvent nous apporter.

XX. ■ — Q ue leu r re ste-t-il donc P La prière.


E lles prient, elles prient pour elles sans
d o u t e 4. E lles p rient pour nous a u ssiü. Nous
avons vu que les flam m es n ’ont pas consum é leur
tintelligence, ni leur cœ ur, q u ’elles n ’ont paralysé
ni leur souvenir, ni leu r connaissance, ni leu r
am our. Ces âmes se souviennent de nos faiblesses,
connaissent nos besoins, nous aim ent m ieux que
jam ais. Elles ne sont donc pas indifférentes à nos
nécessités. En outre, elles sont dans l ’état de
charité p ure, elles sont unies à D ieu par les bons
L A P S Y C H O L O G IE DU P U R G A T O I R E . 12
l8 " 4 LA p s y c h o l o g i e du p u r g a t o ir e -

de l ’am our le plus intense et le plus réciproque.


Elles sont donc autorisées à parler à D ieu autant
et p lus que nous ; elles sont en com m union avec
lu i. E lles lu i parlent, soyons-en assurés, elles
le p rient, elles le supplient pour nous ; et c’est
une jo ie pour elles, au m ilieu de leurs supplices,
de sentir que D ieu se penche à leu r voix, et
q u ’elles nous sontsecourables.
L eu r reconnaissance s’exerce ainsi et quand
elles ont obtenu u n allègem en t par nos satisfac­
tions, les indulgences que nous leu r avons appli­
quées, ou les prières que nous avons faites pour
elles, avoc quel em pressem ent ne se tournent-elles
pas vers D ieu pour lu i dem ander de payer leu r
dette et de nous com bler de ses grâces. ,
E t, heureux de voir ces échanges d’am our
entre tous scs enfants, D ieu écoute les prières du
P u rg ato ire et nous couvre de ses bienfaits.
DOCUM ENTS

Nous reproduisons ici les p rin cipaux docu­


m ents ecclésiastiques relatifs à la doctrine du
P u rgato ire, L eur lecture m ontrera ce q u ’il faut
tenir sur ce p o in t sous peine de cesser d ’être ca­
tholique, O n y verra aussi, de môm e que dans
les notes ajoutées à chaque chapitre, que nous
avions des bases solides aux développem ents que
nous avons donnés dans notre livre, et que nous
sommes loin de ne développer, relativem ent au
P u rgato ire, que des hypothèses.

P rofessio fid e i pvæscripta W aldensibas ad Ecclesiam


reducibus ab Innocentio III,

Eleem osynas, sacrificium câetcraquc bene*


ficia fidelibus posse prodesse defunctis credi­
m us. '
i8 6 LA P S Y C H O L O G IE DU PU IIG A T Q IR E

Confessio fid ei Michaelis Paleologi, ipsi a C lé­


mente I V , a. '1267 proposita et ab ipso in con­
cilio œcumenieo Lugdunensi II, 127U, Grego-
rio X oblata.

Hæc est fides catholica, et banc i 11 supra -


dictis articulis tenet et praedicat sacrosancta
Rom ana Ecclesia. Sed propter diversos errores, a
quibusdam ex ignorarftia, cL ab aliis ex m alitia
introductos, dicit et p ræ dicalcos, qui post baptis­
m u m in peccata la b u n tu r, non rebaptizandos,
sed per veram poenitentiam 'suorum consequi
veniam peccatorum . Quod si vere pocnitentes in
caritate decesserint, antequam dignis pœ nitentiæ
fructibus de com m issis satisfecerint et omissis :
eorum anim as poenis p urgatoriis, seu catharte-
1'iis, sicut nobis frater Joannes explanavit, post
m ortem purgari : et ad pœnas hujusm odi rele­
vandas prodesse eis fidelium vivoru m suffragia,
Missarum scilicet suffragia, orationes, eleem osy­
nas, et alia pietatis officia, quæ a fidelibus pro
aliis fidelibus fieri co n su everu n t secundum
- Ecclesiæ in s titu ta ,....

Concilii Florentini decreta.

Item (diffinim us), si vere p œ nitentes in


D ei caritate decesserint, antequam dignis pceni-
te n li.se fructibus de. com m issis satisfecerint et
om issis, eorum - animas poenis p urgatoriis post
m ortem p urgari : et u t a poenis h u ju sm od i re le-
D O CUM ENTS 187
ventur, prodesse cis fidelium vivorum suffragia,
M issarum scilicet sacrificia, orationes et eleem o­
synas, et alia pietatis officia, quse a fidelibus pro
aliis fidelibus fieri consueverunt secundum Eccle­
sia? in s titu ta .....
Idem textus invertitur in Professione fidei
Grœcis præscripta a G regorio X III per C on stitu­
tionem « Sanctissim us D om in us noster », et in
Professione fidei O rientalibus praescripta ab U r ­
bano V III et Benedicto X IV per C on stitution em
« N uper ad nos ».

Errores h i Martini Luther i damnati a Leone. X


per bullam « Exurge Domine » 16 M aiiifrZO.

I V , .— Imperfecta, charitas m orituri fert sec.itm


necessario m agn um tim orem , qui se solo salis est
facere poenam p urgatorii/ ct im pedit in tro itu m
regn i.
X X X V II. •— P u rgato riu m non potest probari
ex sacra Scriptura, qua? sit,in canone.
X X X V III. — Animas in Pu rgato rio non sunt
secura? de earum salute, saltem om nes ; nec pro­
batum est ullis a u t rationibus a u t Scripturis,
.ipsas èssc extra statum m erendi aut augenda?
caritatis.
X X X IX . — Anim se in P u rgatorio peccant
sind interm issione, qu am d iu quæ run t requiem ,
ct h orren t pœnas; .
X L . — Anima? ex P u rgato rio liberata? suffra­
giis viven tiu m m in us beantur* quam si per se
satisfecissent.
i SB LA PSYCH OLOGIE'- DU P U R G A T O IR E

Decreta Concilii Trident ini.

Sessione V ï, can. X X X . — Si quis post accep­


tam justificationis gratiam , cqiü bet peccatori
pœ nitenti ita culpam rem itti, et reatum æternæ
pœnæ deleri dixerit, u t nullus rem aneat reatus
pœriæ tem poralis exsolvcndæ ; vel in hoc sæculo,
vel in futuro in P u rgato rio , antequ am ad regna
coelorum aditus patere possit ; anathem a sit.
Sessione X X II, cap. I I ... {Sacrificium missæ)
non solum pro fidelium vivorum peccatis, poenis,
satisfactionibus, et aliis necessitatibus, sed et pro
defunctis in C hristo nondum ad plenum purgatis,
rite, ju x ta A postolorum tradition em , offertur,
cf. can, III.
Sessione X X V , decretum de P u rgato rio . —
C u m catholica Ecclesia, S p iritu Sancto edocta,
cx sacris litteris et antiqua P atru m traditione, in
sacris conciliis,, et novissim e in hac oecumcnica
synodo docuerit P u rg ato riu m esse, anim asquo
ibi detentas, fidelium suffragiis, potissim um ,
vero acccptabili A ltaris 'sacrificio ju v a ri ; praeci­
p it sancta synodus episcopis u t sanam de Pur-.,
gatorio doctrinam , a sanctis P atribu s et sacris
conciliis traditam , a C h risti fidelibus, credi
teneri, doceri, ct ubique praedicari diligenter
studeant. A p u d ru d em ' vero plebem difficiliores
ac subtiliores quaestiones^ quaeque ad aedificatio-
nem non faciu nt, et ex quibus p lerum que n ulla
fit pietatis accessio, a popularibus concionibus
seclu d an tu r... Incerta item , vel quae specie falsi
laborant, evulgari ac tractari non p erm ittan t. Ea
DOCUMENTS >8 9

vero quæ ad curiositatem quam dam aut super­


stitionem spectant, vel turpe lu cru m sapiunt,
tanquam scandala ct fidelium offendicula p ro h i­
beant, C u rent autem episcopi ut fidelium vivo­
ru m suffragia, M issarum scilicet sacrificia, ora­
tiones, eleemosynae, aliaque pietatis opera, quæ
a fidelibus pro aliis fidelibus defunctis fieri con­
sueverunt, secundum Ecclesiæ in stituta, pie et
devote fiant : et quæ pro illis ex testatorum fun­
dationibus vel alia ratione debentur, non perfunc­
torie, sed a sacerdotibus, et Ecclesiæ m inistris et
aliis qui hoc præ starc ten en tur, diligenter ct
accurate persolvantur.

P r ofessio fidei Tridentinse a Pio I V per Constitu­


tionem « Injunctum nobis a i 8 Nov. 1564 press­
er ip ta.

Profiteor paxdter in missa offerri Deo


verum , proprium et propitia tori um sacrificium
pro vivis et d e f u n c t is ..................................................
. . . . . Constanter teneo P u rgato riu m esse nni-
m a sq u eib i detentas fidelium suffragiis ju v a r i.,,.

Propositio damnata ab Alexandro V II


die 18 Martii 1666.

A n n u u m legatum pro anim a relictum non du­


rat plus quam p er decem annos.
NOTES

N O ÏIÏS DU C H A P IT R E P R E M IE R

î, « Q uilibet honio, e t est singularis quæ dam persona, et


est pars tofius gencris hum ani, Un de e t duplex ei judicium
debetur, urtum singulare, quod de eo fiet post m orte ni,
quando recipiet ju x ta ea quee in corporo gessit, quam vis non
to taliter, quia non quoad corpus, sed quoad anim am tan­
tum : aliud ju d iciu m d ebet esse de eo, secundum quo d est
pars totius Imm ani generis, sicut aliquis ju d ic a ri d icitu r se­
cundum hum anam ju stitia m , otiam quando ju d iciu m datur
de com m unitate, cujus ipse est pars. Undo et tunc, quande'
fiet Universale ju d iciu m totius hum ani generis p er universa­
lem separationem bonorum a m atis, otiam q u ilib et p er con­
sequens ju d ic a b itu r, Ncc tam en Deus ju d icab it bis in id ipsum,
quia non duas poenas pro uno peccato inferet, sed poena qiue
ÿpitc ju d iciu m com plete' inflicta non fuerat, in ultim o judicio
com plebitur, postquam im pii cru ciab u n tu r quoad corpus et
anim am sim ul; » S . T hom as, Summa iheol., suppi, q . rxxxvm,
&, i , ad primum.
*
2 , « Tem pus m eren d i et dem erendi iri m orte finitur ; ci’go
tunc est accoir<inodatissimum tem pus, u t unusquisque do
propriis acIibus ju d ic e tu r, qiiia n ih il est, cUr am plius diffo-
r c ja LA PSYC H O LO G IE DU PU R G A T O IR E

ratu r. C u r cnîm tanto tempore affligantur ju sti non solum


diu sperantes, sed etiam in ccrli do salute sua existantes,
ma xii ne quum ea afflictio niliii cis ad salutem prodesse possit ?
C u r ellam fere toto illo tempore erun t aequales ju s ti et pec­
catores in statu illo form idinis et dubitationis pleno ? »
Suarcz, in ni, p. disp. i,n scct. 2,

3. Dans u n traité strictem en t psychologique, nous no pou­


vons donner tonte la doctrine théologique du P u rg ato ire,
Nous supposons la vérité de ce dogme dém ontrée e t nous
nous attachons au problèm e spécial des opérations ou états
de l ’âme q u ’il soulève. C ependant il ne sera pas inutile de
reproduire ici les lignes où saint François de Sales (Contro­
verses', sect. II de la IV ' partie, discours L X X IV , dans
O/suurûs complètes de saint François de Sales, P aris, itJôo,
t. IV , p. i a/i) résum e avec au tan t de précision que do
clarté les preuves théologiques de l ’existence du P u rg ato ire ■
« La doctrine du P u rg ato ire n ’est pas une opinion receuë à
la volée, ny nouvelle parm y les chrcstions, il y a long­
temps que l’Eglise a soutenu cette créance, envers tous et
contre tous les hérétiques : il semble que le p rem ier qui l ’a
com battue, a it esté A m 'us, et depuis lu y les a m a n s , ainsi
quo sainct Epiphane le tém oigne en l ’hérésie 76 ; sainct
A ugustin, en l ’hérésie 53, et Socrate, lib. 11, cap, X X X V , II y
a environ deux cents ans que p a ru re n t certaines gens qui
s ’appelloient les apostoliques, e t q u i n io ien t le P u rg ato ire ;
il y a cinq cents ans que les petrobusiem écartoient cet a r­
ticle de leur créance, comme l ’cscrît sainct B ernard, se r­
m on 65 et 66, in cant. et en l ’épistre a /u ; e t P ie rre de
G hm y, epistre 1 e t s, e t ailleu rs, cite cette mémo opinion
des petrobusiens, qu i fut suivie p ar les Vaudois, environ l ’an
1170, comme l’a observé Guidoz en sa Somme. Q uelques
grecs fu ren t soupçonnes de cette e rre u r, en quoy néan­
moins ils sè ju stifièren t au Concile de Flo ren ce et encore
en le u r apologie, présentée au-.Concile do Basic ; enfin;,
Luther, Zuingle, Calvin, et ceux de le u r p a rty o n t du to u t
nié et tronqué de le u r réform e la v érité du P u rg ato ire , car
quoy que L u th er in disputatione Upsicà, d it q u ’il croyoit très-
ferm em ent, et sçavoit très assurém ent q u ’il y avoit un P u r­
gatoire, si est-ce que p a r après il s’en est dédit au livre « De
abrogandi! missâ privatâ », C ertes, c ’est l'o rd in a ire do
toutes les factions de noslre asgo, de se m ocquer du P u r-
N O TE S

gatoire, et de m épriser les prières qui se font p o u r les tré ­


passez ; mais l'E g lise catholique s’est opposée vivem ent à
tous ces ennem is, chacun en son temps. Elle a l’E scritu re
saînete en m ains, de laquelle nos devanciers on t tiré p lu ­
sieurs belles preuves, car elles nous ap p ren n en t q u e les a u ­
mônes, les prières et au tres saînetes actions peuvent soulager
les défunts ; d ’où s’ensuit q u ’il y a un P u rg ato ire , estant
vray que les âmes des damnez ne p eu v en t recevoir aucun
secours en leurs peines, et que les sauvez d ’au tre p art, estant
bienheureux, nous ne pouvons em ployer du noslrc aucune
chose pour ceux qu i sont glorieux au c ie l.: reste que cela
soit pour ceux qu i sont en un troisièm e, b eu ,, que nous
appelons P u rg ato ire ; les E scritu res nous a p p ren n en t encore
q u ’en l'au tre monde, quelques défunts ne sont, pas en tière­
m ent délivrez dc3 peines qu i sont deués à leurs péchez, .co
qui no se pouvant faire ny en enfer, n y en Paradis, .il
s'en su it q u ’il y a un P u rg ato ire : de plus elles nous ap p ren ­
n ent encore, que plusieurs Ames, avant que d ’a rriv e r en
Paradis, doivent passer p ar un lieu de peine, qu i ne p cu l-
estre que le P u rg ato ire ; davantage elles p ro u v en t que les
Ames de quelques uns sont tirées d ’un lieu, d ’où elles vont
re n d re honneur et révérence à N otre S eigneur : ce qui
m arque, nécessairem ent le P u rg ato ire, puisque cela ne se
peut dire do ces pauvres m isérables qu i sont en E n fer ;
en tin l ’Esc ri tu rc nous fo u rn it plusieurs autres passages d ’où
l ’on tire des conséquences, toutes néant moin s bien A propos ;
e t en cecy l’on doit d 'a u ta n t plus déférer à nos docteurs,
que les mesmes argum ens, q u ’ils allèguent m aintenant, ont
esté apportez à ce mesme sujet par nos ancions pèfcs et d e ­
vanciers qui, p o u r de (fendre la vérité de l ’article .jtu P u r­
g atoire, ne sont p o in t allés forger de nouvelles inïct'prétâ­
tions ; co q u i m ontre assez la candeur avec laquelle nous
chem inons et allons en besogne, là où nos accusateurs A
crédit tire n t des conséquences de l ’E scritu rc, qu i n ’ont
jam ais esté pensées cy -d cv an t, et qu i sont mises to u t de
nouveau en œ u v re, po u r seulem ent com battre l ’au th o ritc de
l ’Eglise. »
A, Suarez, cependant pense que N. S. n e descend pas du
ciel pour ju g e r les Ames, e t que celles-ci en tendent leur
sentence, sans se trouver en la présence réelle de l'hum anité
du C hrist. « D icendum est neque anim am judicandam d e -
ig A LA P S Y C H O L O G IE DU P U R G A T O IR E

fer ri in coelum, nequc C h ristu m descend cre ad judicandam


iilam : sed in in stan ii m ortis in tellcctu aliter elevari ad au­
diendam sententiam judicis E t hoc est adduci ad trib u n al
ejus, absque alia locali mu talione. E t verisim ile est in eo
instanti cognoscere sese ju d ic a ri, et salvari vel d am n ari im ­
perio et efficientia non solum Dei, sed eliam hominis
C hrist j. » In I I I partem q. L IX , a. G, disp, L U . Cf, tract.
de Verbo IncarnatOj p I I , c. i, a, ni. - ■'
5. « Diio tem pora observanda su n t in quibus unicuique
necesse est in conspectu Dei ventre, et singularum Cogita­
tionum , actionum , verborum denique om nium , rationem
re d d è re , dem um quo ju d icis praesentem subire sententiam .
Prim um est, quum unusquisque no stru m m ig rav erit e vita :
nam statim âd Dei trib u n al sistitu r, ibique de om nibus ju S -
tîssîm à quæ slio h a b etu r, q uaccum qU eaut cgcrlt, au t dixerit,-
a u t cogitaverit unquam : atqdo hoc p riv atu m ju d iciu m vo­
catur A lterum vero, quum urio dio atque uno in loco omnes
simul homines ad trib u n al ju d icis stabunt, u t om nibus om­
nium sæculoi'um hom inibus inspectantibus c t audientibus,
singuli qiiid de ipsis decretum ct ju d ic a tu m fuerit, cogno­
scant. » Calechismus Concilii Tridcntini, p . i , a , vir, rt°’ 3
ct A.
6. « S icut in corporibus est g ravitas vel levitas, qua fe­
r u n tu r ad suum locum , qu i est finis m otus ipsorum , ita
etiam est iri anim abus m eritu m vel d em eritum , quibus p er­
veniunt anima; ad prrcm ium vol a d poenam, quo; su n t fines
actionum ipsarum . Undo sicut corpus p er gravitatem vel
levitatem statiiry fertu r in locinn suum , nisi p ro h ib eatu r, ita
anim ae,.soluto vinculo carnis, p er quod in statu viæ d etine­
b an tu r, statim pranuium con seq u u n tu r vel poenam, nisi ali­
quid im pediat, sicut in terd u m .im p ed it consecutionem præ m ii
veniale peccatum , quod p riu s p u rg a ri oportet, ex quo s e ­
q u itu r quod pran u iu m differatur. E t' quia locus d ep u tatu r
anim abus secundum con g ru en tiam praemii vol pœnîc, statim
u t anim a absolvitur a eorpore, vel in in fern u m im m erg itu r,
vel ad ccelos evolat, nisi im p ed iatu r aliquo reatu , quo opor­
teat evolutionem differri, u t p riu s anim a p u rg e tu r. » S. T h o ­
m as, Suppî. q. Lttx, a. à.
N O TES I 95

N O TE S DU C H A P IT R E I I

1. « Q uantum ad q u a rtu m quod anima; illao pro p ter nimios


dolores im ped ian tu r a cognitione gui s.lalus, et proinde p u ten t
SO esse in inferno, et in quadam turbatione fit desperatione, u t
L uthcrus (licit, falsissimum est. N.am prim o, anim a divitis
in inferno, JLucæ xvr, non im pediebatur a CQgnitione sçi sta­
tus, q.uanlo m inus ergo iiiipedientur anim a;, quee su n t in
P urgatorio.
» Secundo quod in hoc m undo im pediantur hom ines a
recto judicio ex intentione dolorum , p ro y cn it ex Jæsiono
orgapi corporei, a t ibi est p u ra m ens spiritualis e t in c o rru p ­
tibilis.
» T ertio qùia Ecclesia in canone m isso d ic ît: « M cmenlo,
Dom ino, fam ulorum fam ular unique tuarum quai nos p r o ­
cesserunt cum signo fidei, ct d o rm iu n t in somno paeis ».
Ubi Ecclesia o ra t pro animalius P u r g a to r ii; nam subdit ;
« Ipsis Domine, ct om nibus in .Christo quiescentibus locum
refrigerii, lucis et pacis u t indulgeas deprecam ur. » A t eerte
(pue dorm ire d icu n tu r in somno pacis, non su n t anxio ncc
desperant, sed potius h ab en t admixtam cum sum m is crucia­
tibus incredibilem consolationem p ro p te r certam spem salu -
iis.
» Q uarto, quin si c red eren t se dam natas, non p eteren t
suffragia vivorum , ncc d iceren t se brcyi liberandas si pro eis
o re tu r, u t patet apud G regorium , 1. IV . Dialogorum, c. xr,
e t exemplis allatis in prim a quaistionc. » B ellarm in, de P ur­
gatorio, 1, II , c, iv.

3, « Nos non videm us haliitum ci 1ari tatis infusum quo


justi(icam ur, sed ex conjecturis fallibilibus colligim us cum
in nobis esse, a t animai sep arato sicut se ipsas perspicue in ­
tu e n tu r, ncc enim p en d en t ibi a phantasm atihus, ita etiam
vident om nia q u o i 11 se liabent, ac proinde vident an h a ­
b e an t verum habitum charitatis an non. » B ellarm in, d«
Purgatorio, 1.
ï 96 LA F S Y C H O L O & 1E 1)U P U R G A T O IR E

3. (A liqui p er ignem) « d ic u n t tran sire sanctos sine ulla


læsionc, ita u t transeant p er P u rg ato riu m m aterialiter, non
fo m a litc r. Ita v id en tu r loqui L actantius, A m brosius ct Ilu -
portus. '
» Lactantius enim sic ait : « Sed et justos cum ju d icav erit
» Deus, etiam igne'eos exam inabit : tu m quorum peccata vel
« p o n d e re vel num ero p ræ v n lu c rin t,p erstrin g e n tu r igni atque
» uoinburentur : quos autem plena ju stitia et m atu ritas v irtu tis
» decoxerit, ignem illu m non sentient, h a b e n t enim aliquid in
» sc Dei, quod vim flamma; repoliat. »
» Sic etiam A m brosius in Psalm 36 ubi dixerat omnes
transituros p er ignem , su b ju n g it quosdam m an su ro s-in illo
igne perpetuo ,‘['quosdam urendos non tamen exurendos, qui­
busdam id est sanctis instar- roris fu tu ru m , u t quondam
tribus pueris in Babylonis fornace.
» Conformis est huic sententia; visio B. F u rsæ i, quam
describit Beda libro Ï I I Historiæ, c. xix. Ille enim v id it in
via ad eceluin maximos ignes, p er quos necessario transeundum
erat, sed v id it sim ul cos qu i n ib il h ab eren t com bustibilc, id
est n ullum culpa; a u t pœ næ reatu m , illaesos tran sire ; alios
vero magis m in u sv e jex u ri,‘p ro u t plus minusvc m ateriæ com-
bus libi lis afferebant. Sane hanc sententiam , quæ docet omnes
transituros per ignem , licet non omnes læ dendi sin t ah igne,
ncc auderem p ro vera asserere, nec u t erro rem im probare. »
B cllarm in, de Purgatorio, 1. I I , c. 1. — Il fa u t distinguer,
dans ce que rapporte ici B ctlarm in, deux affirm ations : la
prem ière, que les âmes des élus peuvent im p u n ém en t passer
à travers les flammes du P u rg ato ire. N ’ayant rie n à consu­
m er, elles n ’éprouvent aucune action n i d ouleur de la p a rt
du feu. La seconde, c ’est que toutes les âmes doivent, en
q u itta n t la te rre , su b ir l ’épreuve du feu, celles qui en su­
bissent l ’action y re sten t ju s q u ’à ce q u e le u r purification
soit finie, celles qu i n ’y ressen ten t rien apparaissent ainsi
comme com plètem ent pures ct sont aussitôt appelées au
Paradis. La prem ière affirm ation n e soulève, de la p a rt de
B ellarm in, aucune objection. La seconde, sans lui p a ra ître
fausse, ne lui semble cependant pas p résen ter assez de preuves
p o u r appeler u n assentim ent total.
à . « A nim a post m ortem trib u s modis m te llig it : uno
. m odo p e r species quas recip it a robus dum erat in corpore ;
alio modo p e r species in ipsa sua separatione a corporc s ib î,
N O TÉ S *97
divinitus in fusus ; tertio modo videndo substantias separatas ;
c t iu eis species re ru m intuendo. Sed hoc ultim um non
subjacet ejus a rb itrio , sed magis arb itrio su b stan ti» separatae,
quae suam inlelligenliam a p erit loquendo et claudit ta te n ­
do. » S. Thom as, qq. disp. de Veritate, q. xix, a. i , ad
tinctu.

N O T E S DU C H A P IT R E III

i / Cf. S. Thom as, de Veritate, q s.xiv, a. 8.


a. P a r ce que saint T hom as d it de l’obstination des dé­
m ons, on com prendra ce que nous affirmons ici du caraelèro
irrévocable de l ’état des âmes en P u rg ato ire. « Respondeo
dicendum quod O rigenis (P eria rd t., 1, I, e vi) posilio fuit,,
quod omnis voluntas creaturre p ro p te r libertatem , a rb itrii
potest llecti et in bonum ct in m alum , excepta anim a C hristi
propter unionem V erbi. Sed hacc positio to llit veritatem
beatitudinis a sanctis angelis et h o m in ib u s; quia stabilitas
sem piterna est de ratione veræ beatitudinis, unde et vita
æ terna no m in atu r. R ep u g n at etiam auctoritati Scripturae
sacrux qvuc daemones e t liom incs malos in supplicium aeter­
num m ittendos, bonos autem in vitam aeternam transferendos
pronuntiat. Unde haec positio est tan qu a in erronea rep u tan ­
da ; ct tenendum est firm iter secundum fidem catholicam
quod et voluntas bonorum an g elo ru m confirm ata est in bono,
et voluntas dannonum obstinata in malo. Causam autem h u ­
ju s obstinationis debes accipere, n o n ex g rav itate culpa;, sed
e x conditione natur x vel status. « IIoc enim est hom inibus
» mors, quod angelis casus », u t D amascenus dicit {de Jide
orthod., 1. II , c. ivj. M anifestum est autem quod omni?
m ortalia peccata hom inum , sive sin t m agna, sive sin t parva,
ante i/.ortcm su n t rem issibilia ; post m ortem vero irrem issi­
bilia, ct perpetuo m anentia. A d in q u iren d u m ergo causam
hujus obstinationis, considerandum ' est quod vis appetiti va
u j8 LA i'S ÏC IIlh b O G IE DU P U R G A T O IR E

in om nibus p ro p o rtio n s(u r qpprehensiva;, s qua m ovetur,


sicut mobile a m otore A ppetitus enim sensi ti vus est boni
p articularis, voluntas vero boni universalis, sicut etiam sen­
sus apprehensi vus est sin g u larium , intellectus vero u n iv e r­
salium , D iffert autem apprehensio angeli ab apprehensione
hom inis in hoc, quod angelus ap p reh en d it im m obiliter p e r in ­
tellectum , sicut et nos im m obiliter apprehendim us prim a p rin ­
cipia, quorum est intellectus ; homo vero p er rationem appre­
hendit mobilitei1, discurrendo de uno in aliud, habens viam
procedendi ad u tru m q u e oppositorum . Unde et voluntas h o ­
m inis adhaeret alicui m obilitor, quasi potens etiam ab co
discedere et contrario ad ln ererc; voluntas autem angeli adhæ-
rc t fixe et im m obiliter. E t ideo, si consideretur ante adluc-
sionem, potest libere adhtcrcrc c t h uic e t opposito; in his
scilicet quae non n a tu ra lite r v u lt. Sed postquam iam adhæsit,
im m obiliter adhaeret. E t ideo consuevit diei quod « lib eru m
» arb itriu m hom inis flexibile est ad oppositum , ct ante clcclio-
» nem et post ; liborum autem a rb itriu m angeli est ile sibilo
)) ad u tru tn q u e oppositum ante cl.cctioncm, sed non post »,
Sic ig itu r ct boni angeli semel ad hæ rentes ju stitiie su n t in
illa confirm ati ; m ali vero 2tcccant.cs su n t is m sio obstinati.
De obstinatione vero dam natorum infra dicetur, » — Summa
llieol., I p., q. m v , a rt, a. Le saint docteur n ’eu t pas le
temps de traiter la question de l ’obstination des damnés
étant m ort avant, d ’avoir term ine la Somme ijicologiqae. I l eu
a dît eejiendant quelques mots in I V Sententiarum, voir
Sappl., q. xcym , a rt. a. Q uoiqu’il en soit, comme l'âm e
participe, dans l ’autro vie, aux conditions de vio des A nges,
il faut lui ap|)liquer ce qu i est enseigné ici de l ’imm obilité
des déterm inations bonnes ou mauvaises des esprits jm rs.
S ain t Thom as ]c fait entendre d u reste quand il rem arque
que l ’obstination des damnés est d u e à la condition de leur
nalare, ce q u i convient aux démons, ou à la conditîpn de
leur état, cc q u i convient aux âmes hum aines.
3. Office de sainte Thérèse, ad M atu tin u m , lect. VI,
NO TES »99

N O T E S DU C H A P IT R E IV

1. « E ru i non est actus potentiae pervenientis ad finom


sic ut exequcntis, sed polenliæ im perantis exécution cm . Dictum
est enim quod est appetilivæ potentiæ In rebus autem cogni­
tione carentibus in v e n itu r quidem potentia p ertingens ad
finem per m odum cxequcnlis, sicut grave tendit deorsum , et
leve sursum ; sed potentia ad quam p e rtin e t finis p er m o­
dum im perantis, non in v e n itu r in eis, sed in aliqua superiori
n a tu ra quae sic m ovet totam n atu ram p e r im perium , sicut
in habentibus cognitionem appetitus m ovet alias potentias ad
suos actus. Unde m anifestum est quod in his quae cognitione
carent, quam vis p ertin g an t ad finem, non in v e n itu r fruitio
finis, sed solum i71 iis quao cognitionem habent. » — S, T ho­
mas, Summa theol. , I—II, q. xi, avt. 2
2 . « F ru itio et fructus ad idem p erlin ere v id en tu r, et imum
ex altero d eriv ari ; q u id autem a quo, n ih il ad propositum
refert, nisi quod hoc probabile v id e tu r, quod id quod magis
m anifestum , p riu s etiam fu e rit nom inatum . S u n t autem no­
bis prim o m anifesta quao su n t sensibilia magis ; unde a sen­
sibilibus fructibus nom eu fruitionis derivatum v idetur. F ru ­
ctus autem sensibilis est id quod ultim um ex arb o re expeetalm ;
e t cum quadam suavitate p e rc ip itu r. TJndc fruitio pertin ere
videtur ad am orem vel delectationem , quam aliquis h abet de
ultim o expectato, quod est finis. F in is antom et bonum est
objectum appeti fi vas potentiæ . U nde m anifestum est quod
fruitio est actus appetitivæ potentiæ . » — S. T hom as ,
■Summa Ikeol., Ï-II, q, xi, a rt. t.
3. « Nos non videm us habitum charitatis infusum quo
justificam ur, sed cx conjecturis fallibilibus colligim us cum
in nobis esse, at anim æ separatæ sicut seipsas perspicue in ­
tu e n tu r, ncc enim p en d en t ibi a phantasm ati bus, ita etiam
v id e n t om nia quæ in se habent, ac proinde v id en t an liabeant
verum habitum ch aritatis, an n o n ; præ terea sciunt anim as
esse immobiles tam in bono quam in malo, ergo etiamsi non
viderent habitum suum infusum ch aritatis, tamen scirent
I A 1‘ SYCllOLOGIE DU 1’ URGATOIKK, 13
200 LA PSYC H O LO G IE DU P U R G A T O IR E

nunquam so D cum blasplm m aturas, ncc odio h ab itu ras, ac


proinde nunquam in infernum m ittendas. D enique ex fide
noverunt anim as im piorum mox a m o rte corporis d e tru d i in
infernum , nec differri u lteriu s eorum supplicium , id enim
omnes catholici c re d u n t cx capite iG Lucie, ergo animae quæ
se vident extra in fern u m , cred u n t firm iter se in eum n u n ­
quam m ittendas. » Bellarmirr, de Purgatorio, 1. II , c. iv.

NOTES DU CHAPITRE V

i. « Peccatum re m itti nihil aliud est quam peccatum non


im p u ta ri... Im p u tatu r autem peccatum alicui, in qu an tu m
p e r ipsum im p ed itu r homo a consecutione ultim i finis, qui
est bcatiludo aeterna, a quo im peditur homo por peccatum
et ratione culpae et ratione reatus pceme. Ratione quidem
culpie, quia, cum bcatiludo aeterna sit. perfectum . bonum
hom inis, non com patitur sccum aliquam bonitatis m inora­
tionem . *Ex hoc autem ipso quod aliquis actum peccati com­
m isit, in c u rrit quam dam boni m inorationem , in quantum
scilicet factus est vituperabilis et indecentiam quam dam
liabees ad tan tu m bonum . Ex hoc vero, quod reus est
pœ næ , etiam im peditur a beatitudine perfecta, quæ omnem
dolorem et pœ nam ex clu d it... In peccato veniali p atitu r
homo minoritfioncm et im pedim entum p er quam dam in­
decentiam actus, quasi im pedim ento existente in ipso actu,
quo pergendum e ra t in finem, salvo tam en principio in cli­
n an to .., E x parte etiam reatus pceme m e re tu r p e r peccatum
veniale pcenam corrigentem . A liter ergo re m ittitu r peccatum
veniale c t a lite r m ortale. Nam quan tu m ad culpam , ad hoc
quod peccatum m ortale non im p u te tu r, oportet quod tollatur
im pedim entum quo d e ra t ex co rru p tio n e p rin cip ii, p er novam
caritatis et gratiæ infusionem . Hoc autem non re q u iritu r in
peccato veniali quia caritas m anebat, sed oportet quod tolla­
tu r im pedim entum p e r aliquem fortem im pulsum repugnan-
N O TES 201

tcm im pedim en to ... Sic ergo veniale q u an tu m ad culpam


re m ittitu r (scu potius m eretu r remissionem) p er fervorem
caritatis (i, c. p er actum bonum oppositum p rio ri actu i m o-
ra iite r inalo), m ortale vero p er grati® infusionem . E t hoc
quidem quom odo u tru m q u e possit rem itti in hac v ita, satis
manifeste apparet. Sed in (utura vita peccatum m ortale
nunquam potest rem itti. Sed de peccato veniali quidam
dixerunt, quod in habentibus caritatem sem per d im ittitu r in
hae vita quantum ad c u lp am ; sed post hanc vitam dim itti­
tu r quantum ad poenam p er poeme scilicet solutionem . Sed
hoc quidem satis probabile videtur in his qu i cum usu ratio ­
nis ex. hac vita recedunt. Non enim est probabile quod ali­
quis in caritate existons et cognoscens sibi m ortem im m inere,
non m oveatur m otu caritatis et in Deum et contra omnia
peccata qua; fecit etiam venialia, ct hoc sufficit ad rem issio­
nem venialium qu an tu m ad culpam e t fortassis etiam quan­
tum ad pcennm, si sit intensa dilectio Sed quandoque con­
ting it, quod aliqui in ipsis actibus peccatorum venialium vel
in proposito venialiter peccandi occupantur somno vel aliqua
passione aufcrenle usum rationis ct praeveniuntur m o rte a n ­
tequam possint habere [usum rationis Q uibus m anifestum
est, quod in hac vita peccata venialia non d im ittu n tu r, ct
tamen proptcrca non im p e d iu n tu r perpetuo a vita aeterna,
ad quam nullo modo p erv en iu n t nisi omnino im m unes ab
om ni culpa effecti ; et ideo oportet d icere, quod venialia re ­
m ittu n tu r iis post hanc vitam ,Jctiam q u an tu m ad culpam , eo
modo quo re m ittu n tu r in liac vita, scilicet p er actum carita­
tis in D eum repugnantem venialibus in hac vita commissis.
Q uia tam en |p o st hanc vitam non est status m erendi, ille
(T ilectionis m otus to llit quidem im pedim entum venialis
culpa;,[[non tam en m e re tu r absolutionem vel dim inutionem
pccnæ sicut in hac vita. » S . Thom as, de Malo, q. vn,
a rt. n .
3. « C u r non dicam us, quam vis m iris tam eid v erism o d is,
etiam spiritus incorporeos posse pœ na corporalis ignis affligi,
si spiritus hom inum etiam ipsi profecto incorporei, e t nunc
p o tu e ru n t includi corporeis m em bris, et tunc p o te ru n t cor­
porum suorum vinculis in so lu b iliter a llig ari. À dhæ rcbunt
ig itu r spiritu s dannones, licet incorporei, corporeis ignibus
cruciandi, non u t ignes ipsi, quibus ad h æ reb u n t, eorum j u n ­
c tu ra in sp ire n tu r, et anim alia fiant, quœ constent sp iritu ct
202 LA P S Y C H O L O G IE DU P U R G A T O IR E

corpore, sed u t dixi, m iris et ineffabilibus modis adhærcndo,


accipientes ex ignibus pœ nam , non dantes ignibus vitam .
Quia et iste alius m odus, quo corporibus a d h æ ren t spiritus
ct anim alia fiunt, omnino m irus est, et hoc ipse homo est. »
S. A ugustinus, de Civitate D ei, 1. X X I, c, x,
3, « S piritu s corpori u n itu r du p liciter, uno modo u t forma
materiae, u t ex eis fiat unum sim pliciter ;... sic autem sp iri­
tus hom inis vel daemonis ig n i corporeo non u n itu r : alio
modo sicut movens m obili, vel sicut locatum loco, co modo,
quo incorporalia sunt in loco, et secundum lioe spiritus in­
corporei creati loco d efin iu n tu r, ita in loco exis tentes, quod
non in alio. Quamvis autem res corporea ex sua n a tu ra ha­
beat, quod spiritum incorporeum loco definiat, non tamen
ex sua n a tu ra habet, quod sp iritu m incorporeum loco defini­
tum teneat, u t ita aliigotur ilii loco, quod ad alia div ertere
non possit, cum sp iritu s n o n ita sit in loco n a tu ra lite r, u t
loco subdatur. Sed hoc su p eradd itu r ig n i corporeo in q u a n ­
tum in strum en tu m est divina; justitiae vindicantis, quod sio
detinet sp iritu m ; ct ita efficitur ei poenalis, retardans cum
ab exacutione propriae voluntatis, n e scilicet possit operari
ubi vu lt, et secundum quod v u lt... Itaque ignis, in qu an ­
tum est instrum entum divinae justitiae, habet u t ipsum quo­
dammodo retin eat alligatum , ct in hoc veraciter ignis isto
est spiritui nocivus, ct sic anim a ignem u t sibi nocivum
videns ab igne cru c ia tu r. » S . Thom as, Su p p i., q. i.xx,
a rt. 3.
Ii. « Cum dolor non sit laesio, sed laesionis sensus : tanto
aliquis magis dolet de aliquo bosivo, q uanto magis est sensi -
tivum ; unde læsiones quæ fiunt in locis maximo sensibilibi*,
su n t m axim um dolorem causantes. Iit quia totus sensus cor­
poris est ab a n im a ; ideo si in ipsam anim am aliquod læ si-
vum agat, do necessitate oportet quod maxime affligatur. »
S. Thom as, in I V Sent., d. xxi, q . i, a rt. i , sol. 3.
5. « Id quod in igno praecipue anim advertitur est ejus vis
sum ma destruendi naturalem organism i harm oniam , et pro­
ducendi in ente sentiente illum dolorem acutum , qui pras­
ci sc exoritur ex conllictu Organi sui cum agente externo, quo
directe ejus harm onia intim e laeditur T a lis igitu r vis m erito
gradu quodam nobiliori et magis proprie igni infernali adseri-
h itu r. » Jungm ann, de Nonissimis, n° 3 i, in nota, ffatisbonne,
ïS ^ i , p. 3/i. Cf. Passaglia, de igne Inferno, n° a i , sqq.
H OTES 203

NOTES DU CHAPITRE VI

i, « Opus unius potcst esse satisfaelorium pro alîo, ad qu cm


per intentionem facientis re fe rtu r. C hristus autem pro E c c le ­
sia sua sanguinem suutn fu d it, et m ulta alia fecit ct susti­
n u it, quorum aestimatio est infiniti valoris, p ro p te r dignita­
tem persona;; undo d icitu r Sapienliæ vu, i A, quod infinitus
est in ilia thesaurus hominibus. S im iliter etiam et omnes alii
sancti intentionem h ab u eru n t in his qnæ passi su n t et fece­
ru n t p ro p te r D eum , u t hoc esset ad u tilitatem non solum
sui, sed etiam totius Ecclesias. Totus ergo iste thesaurus est
in dispensatione illius q u i prœ est generali Ecclesiae ; un d e
P etro D om inus claves reg n i coelorum com m isit, M atth. xvn.
Q uando ergo utilitas vel necessitas ipsius Eccîesiæ hoc expos­
cit, potest ille qui praecst Ecclcsice, de infinitate thesauri
com m unicare alicui qu i p er caritatem fit m em brum Eccle­
siae, de præ dicto thesauro qu an tu m sibi visum fuerit oppor­
tu n u m , vel «squo ad totalem remissionem poenarum, vel
usque ad aliquam certam q u an titatem ; ita scilicet quod passio
C hristi et aliorum sanctorum ei im p u tetu r ac si ipse passus
esset quantu m sufficeret ad remissionem sui peccati, sicut
contingit cum unus pro alio satisfacit, » S. Thom as, Quodli­
bet. u, a rt. i 6, Cfr. in Î V S en t., dist. xx, q, i , a rt. 3,
sol i.
3. . « O ratio duobus modis ju v a t defunctorum animas,
d it B allarm in (de Purgatorio, 1, II, c. xvi), uno modo u t
opus quoddam pccnalc c t laboriosum ,... alîo modo u t est
im petratoria, quod est ipsi orationi p ro p riu m , quo modo
etiam beatorum orationes p ro su n t nobis ct anim abus P u rg a­
torii, licet satisfactoria; non sint. »
On voit ici le parallélism e ct l ’harm onie qui réside entro
tous les éléments do la vie sp irituelle. Nous avons d it que
tout acte su rn atu rel est u n e p rière, donc to u t acte sa fis fac­
to ire est uno p riè re ; parallèlem ent, toute p rière ici-bas en_
2 0 ft la p sy c h o l o g ie du p u k g a t o ih e

vcloppo une satisfaction; qu i satisfait, p r ie ; qu i prie, satis­


fait. On p o u rrait d ire do même ; qu i m érite, p rie , et qui
p rie , m érite : to u t m érite est u n e p rière, toute prière a un
m érite.

3. « H oc quod m o rtu i viventibus a p p aren t qualitercum que,


vel contingit p e r specialem Dei dispensationem, u t animae
m ortuorum rebus viventium in te rs in t; e t est in te r divina
m iracula com putandum ; vel hujusm odi apparitiones fiunt
per operationes angelorum honorum vet m alorum , etiam
ignorantibus m o rtu is; sicut etiam vivi ignorantes aliis viven-.
tib u s a pparen t in somniis, u t A ugustinus dicit (l. de cura
pro mariais agenda, o. x.) U nde et de Sam nclc dici potest,
quod ipse ap p aru it per revelationem divinam , secundum hoc
quod d ic itu r (E cci., xi.vi, s 3), quod dormivit cl notum fecit
regi Jinem vitee sius ; vel ilia apparitio fu it p ro cu rata p er dae­
mones » S. Thom as, Summa theol., I p ., q. lxxxix, art. 8,
ad secundum .

4 « C ur non p o te ru n t illae animai h u m iliter a Deo petere,


u t quam citissime inde lib e re n tu r ju x ta ordinem suce divinae
providentiæ , sive hoc sit im m ediate condonando sibi aliquam
partem pcemo p ro p te r Gliris tum , sive (quod facilius est) exci­
tando fideles justos, qu i pro eis satisfaciant et suffragia vel
indulgentias ois applicent... E t hinc consequenter oran t pro
bono gloriic obtinendo; nam licet certo sciant, post expia­
tionem premo superessc siî>i æ ternum præ m ium , nihilom inus
recte faciunt desiderando illu d , et desiderium suum Deo
explicando. E t prw tcrea, si fortasse ibi in d ig en t aliquo leva­
m ine vol consola lion e, u t faoiiius possint illam Dei absentiam
sustinere, non video cu r non possint hoc accidcntarium bo­
num petere, vel ex honesto a 1rectu na Luno, vel ex a moro
D ei, u t facilius et suavius possint illum exercere. Hoc enim
lotum illi statui non repugnat. » Suavcz, de Oratione, 1. II,
c. xi.

5, « Ilhe animae su n t carae Deo, et quam vis ah illo p ro


tu nc affligantur, non tamen u t ah inim ico, sed u t a ju stô
judice et parente optim o, qu i eas beatas officere‘cupit, et
ideo illas p u rg at, quam poenam ipsas, maxima voluntate sus­
c ip iu n t, et p a tiu n tu r ut filii, non u t servi. E rgo non repu­
n gat ilji sfatui, u t a Deo aliquid p etan t j)i'o fyatribus e t
NO TES ao5

amicis benefactoribus siris. C onfirm atur, quia nos vialorcs


quam vis credam us esso magis reos poenarum, quam sin t a n i­
mas p u rgatorii, nihilom inus pro aliis recte oram us. Ergo
reatus poenas, qui d u ra t in illis anim abus, non re d d it illas
indignas vel im proportionatas ad orandum pro aliis. » S u a -
~ox, ibid.
P R IN C IP A U X A U T E U R S A C O N S U L T E R

E U S T R A T tl sanctissim ae Dei m agnae Ecclesiae Gonstan-


tinopolitanac p resbyteri, P e stalu animarum post.mortem, apud
M ignc, C ursus theologiae com pletus, t X V III.
S. T H O M A S, In I V S en t., dist. X X I e t X LV c t passim,
C A LV IN , De Institutione chrisiiana, c'. v, § 6.
A L P H . R IC C I, Purgatorium animabus purgandis praepara
tam, P aris, i5op.
C A JE T A N , opusc. contra L utheranos, D e indulgentiis, an
omnes anim ae in p u rg ato rio sin t certae de sua saluto ; —
Da thesauro indulgentiarum, L yon, i5 3 o .
ÏS ID O R U S D E IS O L A N IS, 0 . P ., Disputationes catho­
licae quinque, de igne in fern i, de igne p u rg ato rio , do m erilo
anim arum p u rg ato rii et cognitione propriae heatitudinis fu­
turae, etc., Pavie, io a a .
L A M B E R T U S C A M P E S T E R , Apologia in M Lutkerum,
P a ris, i5 a 3 .
J , ECK.IUS, De Purgatorio, Rome, i5 a 3 .
G aspard SG H A T SG IÎR , De missa, cj usque p artib u s, in te r­
mixta m ateria de satisfactione e t p u rg ato rio , T u b ingue,
ifia ë .
C H R IS T IA N U S STERCIC, De bonis operibus et igne pur­
gatorii, A n v e r;, i533.
V IN C E N T . G 1AGHARI, De Purgatorio et suffragiis, V e­
nise, 1069.
P R IN C IP A U X A U T E U R S A C O N S U L T E R 207

I1. BLOM EV EN N A , Assertio purgatorii, Cologne, 153 A-


A M B ll. C A T I! A RI NUS, De veritate purgatorii, Lyon,
i5/ia,
JO A N . T À Y E R N E R IU S , De Purgatorio animarums Paris,
i5 5 i.
JO A N . VERRA TU S, Opp. omnia, t. V I, Venise, i55S, de
du p] ici purgatorio in hoc sæculo et futuro,
C A N ISIU S , Cateehismus.
G IL B E R T . G E N E E R A R D , Chorographias libri IV .
NIC. SA N D E R U S, de visibili monarchia licclesix 1. V III,

SU A R EZ , in III partem S. Theol, cd. Vives, Paris,


rSGG, t. X X II, p . 65 -5 3 .
L E S S IU S , De justitia et jure, 1. I I , c. xxxvu, dub. v,
n° a3, Louvain, 1606.
LAYM AN, Theologia moralis, t. II , 1. IV , tr. I, c. 1, Pa­
ris, iG aa.
L, A L B A T IU S , De Ecclesiae occidentalis atque orientalis in
dogmate de purgatorio perpetua consensione, Rome, 1G55, et
apud M igne, Theologiae cursus com pletus, t. X V III.
J . G A LL EM A R T , Sacrosanctum concilium Tridenlinum,
Cologne, 166/4.
S. FR A N Ç O IS DE SA L E S, Controverses, dise. L X X II et
suiv. Paris i85o, t. IV.
B ELLA R M IN , de Purgatorie, P rag u e , 1721.
ST A P L E T O N , Promptuarium.
D e la R E G U E R A , Praxis theologicce mysticœ, 1. IV , q
n i, dist. 1, R om e, 17/10- 17/16.
L IB E R IU S A JE S U , De Purgatorio, M ilan, 17/ia.
C O L L E T , De Purgatorio, apud M ignc, Theologiae cursus
com pletus, t. X V III.
R, P . Etienne B IN E T , De l'élai heureux et malheureux des
dmes du Purgatoire, ouvrage corrigé p ar h / P . P ierre Jcn -
nesseaux, Paris, i8G3.
JUNGM ANN, De novissimis, R atîshonnc, 1871.
Le Purgatoire, traité du P . M Ü N EO RD , et traité do
S. C A T H E R IN E D E G EN E S, ed. P. BO UIX , P aris, i883.
LA M EN N A IS, La divine Comédie, In tro d u ctio n , Paris,
)883.
M ON SA BRÉ, L'autre monde, C arêm e et re tra ite pascale
do ï 88f).
* 2o 8 i,a p s y c h o l o g i e du p u r g a to ir e

Ü ER.IN G ER, A i î indulgences, tr .* P P . A B T et F E Y E R S -


T E IN , P an s, 1893.'
L O U V E T , Le Purgatoire d'après les révélations des saints,
Paris, 1893.'
B O U lll) E A U , Le problème de la mort, P aris, 189 3
T E P E , Institutiones theologicos, t. IV , de novissim is, P a ­
ris, 1S9G.
C H R , P E S C I I, Praelectiones dogmaticos, t. IX., de novissi­
mis, Eribourg-en-Brisgau, 1899.
E . J A R R Y , De la dévotion aux âmes du Purgatoire, dans
Revue théologiguc française, oc t. 1899,
E L I E M E R IG , L'aulèe vie, P aris, ig o o .
C H O L L E T , La psychologie des élus, Paris, 1900.
F r, É L I E D U M O N T-C A R M E L , La preuve biblique du
Purgatoire, dans la Science catholique, t5 févr. 190 1.
K L E E , Histoire des dogmes, tr. M abirc, pp. kg 3, /176.
F R IT S C IIE L , Zeitschrifl fu r lulhcr. Théologie, Jaiirgang
a8, p. 9A7 ss.
T Ô U Z A R D , Le développement d elà doctrine d e l'immortalité,
dans la Revue biblique, t. V U , p. a ï G.
G. CHAUVIN, Le piinyefoiVe, s'il existe et ce qu'il est,
Paris, 19 0 1.
O SW A L D , Eschatologie.
K A T S G H T H A L E R , Eschatologie.
T A B L E D E S M A T IÈ R E S

SO M M A IR E DU C H A P IT R E P R E M IE R

Pages,
A va n t - propos . . • IX

I, D evant les hommes et elevant D ieu. Les deux jugem ents,


— II, Le ju g em en t p a rtic u lie r a lieu aussitôt la m ort. —
I I I. O ù a - t- i l lieu ? — IV , La procédure du ju g em en t.
— V. La com parution. L a m e toujours sous le reg ard de
D ieu, C om m ent D ieu lu i ap p araît, — VI. L ’instru ctio n
du procès. Dieu sait to u t, puisque toutes nos fautes sont
des flagrants délits. Mais l ’âme a besoin d ’être convaincue.
— V II-V 1II. E lle se convainc elle-même. Les habitudes
et les actes on t déposé en elle des traces, — IX . Le télé-
graphone, — X . P a r la conscience, l ’âm e, a p rè s la m ort,
Yoit tous les restes de ses actes et voit ainsi, comme en un
tableau, to u te sa vie. — X I. Elle revoit aussi, en un a u tre
tableau, les enseignem ents q u ’elle a reçus. La comparaison
des deux tableaux est sa justification ou sa condam nation.
— X II. De la présence de l ’ange gardien ou du démon au
ju g e m e n t de l ’âme, — X III. La sentence. Dieu l ’écrit
dans Tinte!Agence. L ’âme l ’exccutc p a r la p ro p re évolution
de son état, — X IV . La volonté accepte spontaném ent la
condam nation au P u rg a to ire . . , %
210 TABLE DES M A TIÈ R E S

SO M M A IRE DU C H A P IT R E I I

I. A u P urgato ire, s’ouvre une vie nouvelle q u i se résum e en


ces trois actes : cro ire ou savoir, aim er ou vouloir, expier
ou souffrir, — II. La vie fie l ’esprit. Le P u rg ato ire n ’est
pas une prison aux horizons bornés. C’est un é ta t d a m e
p lu tô t q u ’un lieu corporel. — III. La souffrance y sup­
prim e-t-elle la pensée? — IV . Opposition en tre la dou­
leu r ct la pensée, — V. E lle n ’est pas absolue : il y a
des pensées q u i fout souffrir, dos souffrances qui font
penser. — V I, E n P u rg ato ire , la peine est fille de la
d o uleur e t la d o u leu r fille de la peine. — V IL La peine
en P urg ato ire, On se souvient, parce q u ’on a conscience,
parce q u ’on aim e, parce qu 'o n souffre, — V III. On voit
a u to u r de soi les âmes e t les flammes. — IX . A u-dessus
de soi,les élus. — X . Au-dessous, les dam nés. — X L S u r
la fe rre, les parents et les am is, — X tl- X Ï I I . La science
en P u rg ato ire . Le m onde des réalités ct celui des idées.
En P urg ato ire on connaît aussi ce d ern ier monde, on
l ’explore scientifiquem ent, mais sans raisonnem ent et avec
u ne perfection et une étendue plus grandes. — X IV . E n
Purg ato ire, on se parle. — XV. E n P u rg ato ire, on croit,
Eoi plus intense, moins étendue — X V I. Connaissances
m ystiques. *— X V II. La Théologie du P u rg ato ire , 3 i

SO M M A IRE DU C H A P IT R E I I I

I. Union de la tète et du cœ ur, de la volonté et de l ’intelli­


gence. La philosophie nous m ontre que to u t ê tre est
source d ’activité ; — II, Q ue toute pensée provoque un
sentim ent d ’a ttra it ou do répulsion. Tém oignage do la
tliéologio. — III. Si l’on v e u t en P u rg ato ire , on veut
au tre m e n t q u ’ici-bas. Le « term e » et la « voie ». — IV.
Situation irrévocable causée p a r la m ort. — V. C ’est que,
TABLE DES M A TIÈ R E S 211
comme les anges, Pâme est confirmée en lu m iè re ; — V I,
Confirmée on énergie do décision ; — V 1I-V IIÏ. Dispensée
de s’occuper des moyens q u i m ènent à la fin dern ière ; —
IX . Confirmée en grâce. — X -X I. Q ue re ste-t-il de la
liberté ? On ne peut plus com m ettre n i pcché m ortel, ni
péché vénîol, n i im perfection. E n quoi est-on lib re ? —
X II, La liberté est améliorée. — X III. L ’am our en P u r­
gatoire. A m our et souffrance. — X IV . L ’am our n atu rel :
les amitiés du P u rg ato ire, — X V . La charité su rn atu relle
en P u r g a t o i r e ............................................................. . , . 6 9

SO M M A IR E DU C H A P IT R E IV

I. La joie est elle conciliable avec la d ouleur ? Réponse de


saint A ugustin et réponse de la raison. — II. N ature de
la joie. La psychologie de la joie, — I I I, D éploiem ent de
l’aclivilc vitale dans la construction de l'ê tre corporel et
de ses organ es; — IV. Dans la mise en œ uvre et le dé­
veloppem ent des facultés ; — V, D ans la prise de possession
chaque jo u r croissante des objets m ultiples de ces facultés.
— V I. La jouissance est dans la paisible et consciente pos­
session d ’un avantage acquis ou in n é, d ’un b u t poursuivi
c t atteint. — V U . Le bonlieur do l ’hom m e ; le bonheur
de Dieu. — V III. A u P u rg ato ire , il y a les joies natu­
relles de l ’intelligence q u i voit plus facilem ent et qui voit
plus. — IX -X Ce q u ’on voit au P u rg ato ire . — X I-X 1I-
X lll. Joies n atu relles de l ’am our. La raison psycholo­
gique et l’expérience d ém o n tren t la réalité de ces joies.
D ouceur d’aim er e t d ’ê tre aimé. — X IV . O r, au P u rg a ­
toire, 011 aime ct l ’on est aimé. — X V -X V I. Joies su rn a­
turelles du P u rg ato ire. Joies des souvenirs jo in ts à la
pensée dp l ’E n fer. — X V II. Joies tirées des sécurités du
présent : sécurités de l'intelligence ; — X V III. Do la vo­
lonté ct du cœ u r ; — X IX . Do la grâce, — X X . Joies
puisées clans les ascensions de l amc, A scension de la voie
purgative, de la voie illum inative, de la voie uniltve, ic i-
bas, — X X I-X X II, O r, au P u rg ato ire , l’âme m onte en
212 TABLE DES M A T IÈ R E S

p ureté. — X X III, Elle m onte en clarté cl en union. —


X X IV Joies des espérances (le l ’a v e n i r ..............................87

SO M M A IRE DU C H A P IT R E V

1 Les souffrances d u P u rg ato ire peuvent se résu m er en


deux mots : Dans les flammes ; loin de D ieu. Dmis
les flammes d ’abord. T o u t feu suppose un combustible.
Qtiel est-il P 1— IL Les trois fardeaux em portés par
l ’âme au m om ent de la m o rt ; dettes p o u r les fautes
commises ; habitudes mauvaises ; fautes actuelles. —
IV. Ce (pie deviennent ces fardeaux dans l'âm e condamnée
au P urgato ire. La m o rt supprim e les habitudes o r­
ganiques. — IV, La situation psychologique n o u ­
velle de l ’âme supprim e les fautes actuelles vénielles, —
V. Ce que dev ien n en t les habitudes mauvaises i 111ma té-
ricll es. Il reste les dettes p o u r les fautes disparues, le
rcalus pcenx. — VI. N ature du feu du P u rg ato ire. —
V II. C om m ent un feu m atériel p eut-il to u rm en ter une
âme sp iritu e lle ? D octrine de saint A u g u stin ; — V III. E t
de saint Thom as d ’A quin. — IX . Action de ce feu, —
X . Loin de Diea Le bon h eu r du Paradis a ttire Pâme. —
X I. Les im perfections n aturelles c t les indignités m orales
la retiennent. D ’où une souffrance, un écârtèlcm ent de
l’âm e. — X II. D octrine de saint François de Sales, —
X III. Les com m unications m ystiques augm entent la souf­
france. — X IV. D ouleur née du désir de posséder Dieu ;
— XV. D u besoin de le voir. — X V I. In ten sité de cette
douleur. — X V II. Les souffrances du t P u rg ato ire sont
effet d ’ am o u r, objet d ’am our e t cause d ’am o u r. . . r 33

SO M M A IR E DU C H A P IT R E VI

I. De nous « eux. E n tre la te rre ct le Purgatoivo, il n ’y a


ni un m u r de séparation totale, ni un abim e infranchis­
sable. — II . Il y a circulation ct échange, basés su r la
sim ilitude de n a tu re ; — II I. E l su r la com m union des
TA D L E D E S M A TIÈ R E S 2l3

Saints. — IV . Les échanges entre les vivants et les âmes


du P u rg ato ire se font d ’une m anière spéciale, — V -V II.
Nous pouvons secourir les âmes du P u rg ato ire p ar nos
satisfactions personnelles. V aleur m éritoire et saLisfactoire
do nos actes. — V I1I-X II. Le second élém ent de circu la­
tion est constitué po u r les satisfactions surabondantes du
C hrist et des saints. Le Trésor de l'É g lise ; les in d u l­
gences ; leu r application aux. m o rts. — X III-X .IV . Le
troisième élém ent de circulation est la p rière. L ’action
chrétienne est une p rière. —. XV. C om m ent les grands
Saints ont secouru les m orts. — X V I. C om m ent nous de­
vons les secourir : p a r les bonnes œ uvres, la p riè re , les
indulgences, le saint sacrifice de la messe. — X V IL
D ’eux « nous. Peuvent-ils quelque chose pour nous ? —
X V III, Nouvelle condition de le u r être. Ils peuvent nous
apparaître, in terv en ir p o u r nous. — X IX . Ils ne peuvent
m ériter, ni satisfaire pour nous. — X X , Mais ils peuvent
fie r ............................................ ifii

Vous aimerez peut-être aussi