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CARDIOLOGIE 23/09/2020 10h-12h

Clément KOHLER
Camille MERY

Endocardite infectieuse
Cas clinique : Peintre de 35 ans se plaint d'asthénie, amaigrissement et fièvre oscillante depuis 10 j :
- Pas d'ATCD (ni cardiovasculaires ni médicaux)
- Examen physique : Température 38.2°C et souffle systolique de pointe 2/6 avec irradiation
dans l'aisselle.
Quel diagnostic ? Quelle définition ?
→ Endocardite infectieuse subaigüe (Endocardite d'Osler) : s'installe progressivement, la fièvre
traîne, etc.
A l'inverse de l'endocardite aigue : tableau brutal avec fièvre et un souffle très mal toléré.

Définition : Colonisation de l'appareil valvulaire et de l'endocarde par des micro organismes


(bactériens, germes atypiques ou par des levures).

Complication : végétation plus ou moins mobile, lésion péri-valvulaire destructrice, fistules …

I. Epidémiologie

Maladie pas très fréquente mais grave.


- 3-10/100000 personnes/année
- Incidence augmente avec l'âge
- Mortalité élevée inchangée 20%-30% depuis plusieurs années

Il y a des terrains favorables : Personne âgées, les patients avec des prothèses, les immunodéprimés,
toxicomanes, PM ou DAI, ATCD d’EI…

Les EI sont préférentiellement situés à gauche (aortique plus fréquent que mitral). Les endocardites
pulmonaires sont exceptionnelles.
Localisation G>D, Aortique > Mitral et Tricuspide >> Pulmonaire.

II. Physiopathologie

Physiopathologie et lésions anatomopathologiques :


- Végétations : amas fibrino-cruoriques riches en germes sur la valve, visibles à l'échographie
cardiaque.
o Fixées = sessiles (reposent sur la valve)
o Pédiculées : avec un pied → Elles sont + mobiles et risquent d'emboliser.
- Lésions destructrices valvulaires et périvalvulaires : donnent des abcès (septaux par exemple)
ou des fistules entre les cavités cardiaques dus à la proximité des différentes cavités
cardiaques (OG-VG-OD, Ao-OG etc).
- Si embole dans les valves gauches : vers la circulation systémique alors que pour la valve
tricuspide cela se dirige vers le système pulmonaire
- Les embolies surviennent au début de l’endocardite (+ le temps passe – de chance de faire
une endocardite)

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Les lésions valvulaires sont toujours graves et nécessitent une opération la plupart du temps.

Sur une suspicion d'endocardite (fièvre + AEG + souffles) on va rechercher des signes extra
cardiaques (de l’endocardite infectieuse gauche) :
- Signes cutanés (peu fréquents mais à rechercher systématiquement) :
o Le faux panaris d'Osler, nodosité qui sont fugaces, douloureux et violacés. A
rechercher à l’interrogatoire.
o Erythème palmo plantaire de Janeway.
o Purpura pétéchial.
o Taches de Roth (fond œil).
- Splénomégalie (non spécifique)
- Arthralgie / Lombalgie/ Spondylodiscite : évoque une atteinte articulaire.

III. Diagnostic

Examens complémentaires : 2 principaux


- Hémocultures (aérobies/anaérobies) : On doit en faire 3 paires répétées et signaler que l’on
cherche une endocardite (on les garde plus longtemps), la culture pouvant être très longue.

- Echographie trans-thoraciques +/- trans oesophagienne :


o Recherche de végétations : évaluer sa taille, sa localisation, sa mobilité, elles peuvent
éventuellement être opérées.
Selon leur mobilité, les végétations peuvent emboliser : surtout au début de
l'endocardite (<15 premiers jours).
Les endocardites à staphylocoque sont les plus à risque d'accidents emboliques.
o Recherche de lésion des valves et de l'appareil péri-valvulaire : rupture de cordage,
abcès, abcès septal, fistule
o Evaluation de la fuite liée à l'endocardite : Insuffisance mitrale (ou autre), et leur
retentissement sur les cavités cardiaques.

Si doute subsistant : PETscan (à distance de la chirurgie), scanner cardiaque (lésions périvalvulaires +


+), scintigraphie aux leucocytes marqués. Ce ne sont pas des examens de premières intentions.

Critères de DUKE 2015 (cf référentiel) dans le cas clinique du peintre :


Hémocultures positive à streptocoques bovis.
ETT et ETO :
- Végétations de 9mm pédiculée sur la petite valve mitrale
- Fuite mitrale modérée
- FeVG 55%

Ici 2 critères majeurs et 1 mineur donc le diagnostic est certain.

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Bilan (juste après le diagnostic) :


- Porte d'entrée +++ (en fonction du germe) :
→ Ici porte d'entrée digestive car streptocoque bovis : recherche d'un cancer colique. Il
faudra traiter les deux en même temps.
→ Streptocoque viridans/sanguis : porte d'entrée stomato/ORL, on retrouve souvent des
foyers dentaires multiples.
→ Staphylocoque : rechercher une porte d'entrée cutanée.

- Emboles périphériques (ces localisations sont à rechercher pour une endocardite gauche) :
→ Ici spléniques et rénales via un scanner.
→ Scanner ou IRM cérébral.
→ Doppler artériel des MI.
Embole rénal donne un tableau aigu

- Syndrome inflammatoire : non diagnostique mais marqueur de l'évolution.


→NFS
→CRP surveiller l’efficacité du ttt
→ Bilan immunologique (que pour l'endocardite gauche) : compléments, complexes immuns
circulants, facteur rhumatoïde
- ECG : Il doit être quotidien car l'endocardite peut engendrer des troubles conductifs atrio-
ventriculaires (BAV1 ou 2) dû à un abcès septal.
- Bilan rénal + ECBU + Protéinurie : Les médicaments sont néphrotoxiques, les sujets sont
souvent âgés et il existe des complications rénales de l'endocardite.

Suite du cas :
72h après la mise en route d'une antibiothérapie adaptée le patient se plaint d'une dyspnée
aggravée. Quelle complication évoquez vous et quel est votre CAT ?
Quelles autres complications connaissez vous dans l'endocardite subaigue d'Osler ?

→ Insuffisance cardiaque gauche :


- Crépitants bilatéraux
- Galop (rythme à 3 temps)
- Tachycardie
Pourquoi ? Les lésions destructrices s'aggravent, la fuite mitrale augmente, le patient passe en ICG.

Conduite à tenir :
- On refait une échographie pour confirmer.
- On traite l'insuffisance cardiaque (diurétique) : oxygénothérapie etc.
- Chirurgie

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IV. Complications

Complications de l'endocardite subaigue d'Osler :

- Cardiaques :
o Insuffisance cardiaque (hémodynamique)
o Abcès septal : BAV 1° 2° ou 3°
o Abcès avec Fistules locales entre cavités : Souffles
o Péricardite banale

- Neurologique
o AVC ischémique
o AVC hémorragique CI +++ aux anticoagulants
o abcès cérébral
o anévrysme mycotique (fièvre persistante)

- Emboliques artérielle dans l’endocardite gauche :


o Cérébrales graves : hémiplégie massive, ayant peu de chance de régresser.
o Splénique : embolie splénique visible au scanner avec peu de conséquences.
o Rénales : douleur abdominale
o Embolie artérielle périphérique (MI>MS) : douleur +++, ischémie aigue grave,
urgence chirurgicale.
o Mitral embolise plus qu’aortique
o Végétations mobiles <10mm ++

- Rénale :
o Glomérulonéphrite immunologique : auto immune
o Insuffisance rénale par néphrotoxicité des médicaments +++ : Aminosides etc.
o Infarctus rénal : douleur abdo

En cas de fièvre persistante :


- Abcès septal ou périvalvulaire
- Anévrysme mycotique (MI etc) ou embolie périphérique
- Résistance aux ATB
- Persistance de la porte d'entrée
- Fièvres aux ATB : diagnostic d'élimination → La fièvre disparaît avec l'arrêt des ATB.

V. Autres formes cliniques d'endocardite

Elles sont particulières aux :


Terrain :
- Chez le patient immunodéprimé, toxicomane IV (endocardite droite à staphylocoque car
piqure veineuse, à bas bruit), prolapsus de la valve mitrale, bicuspidie aortique

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Mode de révélation :
- Aigue mal tolérée (staphylocoque) : Insuffisance cardiaque aigue, OAP, choc cardiogénique.
Les lésions sont très importantes, la fuite est massive et le ventricule n'a pas eu le temps de
s'adapter. Le traitement est facilement chirurgical.
- Embolie ou AVC fébrile
- Spondylodiscite : localisation articulaire assez fréquente.

Germes :
- Staphylocoques le plus fréquent (récent)
o Aureus : PaceMaker, valve
o Epidermidis : lésions cutanées (pédicure)
- Streptocoques
o Viridans, sanguis : dent, sphère ORL
o Bovis (D) digestif (cancer)

Si les hémocultures reviennent négatives (10%):


Penser à une bactérie HACCEK, à Coxiella Burnetii (agent de la fièvre Q, identifiée par sérologie), à
listeria monocytogenes ou à fungi (extrêmement rares, survenant surtout chez l'immunodéprimé) ou
encore une fièvre décapitée par ATB.

Les cardiopathies plus à risque d’endocardite  :


- Patient porteur de prothèse
- Cardiopathies congénital cyanogène, ces cardiopathies sont opérés très tôt donc les patients
sont bien portant, il faut le rechercher à l’interrogatoire parce qu’ils ont plus de risque d’EI.

Endocardites infectieuses sur prothèses:


 Les endocardites infectieuses sur prothèses précoces (survenant moins d'un an après
l'intervention) sont dues à un staphylococcus aureus et résultent toujours d'une
contamination per-opératoire.
 Les endocardites infectieuses sur prothèses tardives (plus d'un an après la pose de prothèse)
sont considérées comme des endocardites sur valves natives et sont à staphylococcus
epidermidis ou à streptococcus, elles n'ont donc pas de lien avec l'intervention.
 Le diagnostic en terme d’imagerie est difficile pour une EI sur valve est le pronostic est
mauvais

Endocardite sur cœur droit :


Tricuspide +++, pas de syndrome immunologique (donc pas de signes cutanés), embolie pulmonaire
scanner thoracique (on recherche les embolies pulmonaires).
FDR : Toxicomanie, PM et DAI

L'imagerie échographique en cas de valve prothétique est peu concluante, l'examen sera alors mené
par scanner ou PET-scan en cas de doute, à la recherche de lésions ou de végétations.

Endocardite sur sonde de Pacemaker ou défibrillateur cardiaque

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VI. Traitement

Le traitement est assuré par une équipe pluridisciplinaire ; avec le cardiologue au centre bien sûr,
suivi du chirurgien, d'un anesthésiste et d'un infectiologue.
L'identification et la prise en charge de la porte d'entrée sont primordiaux, et des conseils d'hygiène
de vie doivent être prodigués.

1) Traitement médical:

Il se base sur une antibiothérapie bactéricide (donc à fortes doses), prolongée et en intraveineuse.

Les anticoagulants sont contre-indiqués car ils augmentent le risque de rupture d'anévrysme
mycotique et donc d'hématome cérébral ou d'hémorragie méningée.
ATTENTION : Ils doivent cependant être administrés si le patient a une prothèse valvulaire (afin
d'éviter une thrombose sur prothèse) ou si le patient est en fibrillation atriale, les bénéfices d'une
anticoagulothérapie étant dans ces cas-là plus importants que les risques liés à une rupture
d'anévrysme mycotique.

Endocardites infectieuses à streptocoques :


Elles sont traitées par 2 protocoles différents au choix :
− Pénicilline G (15-20 millions d’unités par jour) durant 4 semaines, le plus souvent utilisé
− Pénicilline G + aminoside (Gentamicine) durant 2 semaines.
Attention! Les aminosides sont néphrotoxiques, ainsi ils ne seront jamais administrés durant plus de
2 semaines et sont étroitement surveillés par dosage sanguin des concentrations antibiotiques. Une
surveillance des fonctions rénales est également mise en place et orientera le dosage antibiotique.

Endocardites infectieuses à staphylocoques :


Elles se traitent par cloxacilline seule pendant 4 à 6 semaines.

D'autres germes sont responsables d'endocardite infectieuse et seront vus en D3 en cours de


maladie infectieuse.

2) Traitement chirurgical (l’ATB doit quand même être poursuivie par la suite)
Tendance a opéré assez tôt ce n’est plus un geste exceptionnel
Il est possible mais seulement lorsqu'il existe différentes indications :
- Hémodynamiques : insuffisance cardiaque ou lésions valvulaires s'aggravant ne pouvant pas
être contrôlées par les médicaments.
- Endocardite infectieuse résistante aux antibiotiques
- Lésions péri-valvulaires telles que les abcès septaux, qui donnent des BAV complets car les
ATB sont inefficaces
- Embolique : Végétations dépassant les 30 mm donc risque d'embolie majeur ; Végétations
dépassant les 10 mm associés à un accident embolique ou fuite sévère.

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3) Prophylactie:
Qui? Pourquoi? Et Comment?

Qui ? Chez tout patient ayant une prothèse valvulaire, des ATCD d'endocardite infectieuse, ou une
cardiopathie congénitale cyanogène non opérée ou récemment opérée avec shunt résiduel.
Pourquoi ? La prophylaxie est exclusivement réservée avant les gestes stomatologiques impliquant
une effraction de la muqueuse buccale ou gingivale.
Comment ? Par amoxicilline per os 2 grammes, 2h avant la réalisation du geste. (Clindamycine 600mg
per os)

4) Surveillance:
Elle est d’abord clinique, quotidienne et recherche des signes d'insuffisance cardiaque (apparition
d'un souffle) et la palpation des pouls périphériques (recherche d'ischémie sub-aigue), un examen
neurologique rapide (absence d'hémiplégie) afin de s'assurer de la non-survenue d'un accident
embolique.

La fièvre doit disparaître en 7j sous traitement antibiotique bien mené, et les hémocultures seront
répétées 1 fois par semaine jusqu'à ce qu’elles soient stériles auquel cas on n'en refera pas, à moins
que la fièvre réapparaisse. Les dosages sanguins de la concentration en antibiotique et la surveillance
de la fonction rénale ont déjà été abordés et ne doivent pas être oubliés.

L'ECG évidemment (ETT puis ETO), 1 fois par semaine ou dès qu'un élément nouveau est repéré (un
souffle, un BAV).

VII. EI droite

Très rares, elles surviennent principalement sur les sondes endocardiaques de pacemaker ou du à un
DAI et sont des endocardites infectieuses atteignant exclusivement le cœur droit et donc la valve
tricuspide, de ce fait elles embolisent uniquement dans les poumons !
La recherche d'emboles spléniques ou cérébraux par scanner est inutile, les seuls examens
d'imagerie nécessaires étant ceux de scanner thoracique ou de scintigraphie pulmonaire.

Son diagnostic est difficile : le tableau clinique est celui d'une fièvre oscillante durant plusieurs mois.
Le diagnostic se fait à l'aide d'hémocultures mettant en évidence des staphylocoques, mais durant les
pics fébriles uniquement.
Il peut exister un souffle tricuspide systolique (au niveau sternal) d'insuffisance aiguë et une
splénomégalie, cependant tous les signes périphériques d'origine immunologique tels que les signes
cutanés ne seront pas retrouvés en cas d'endocardite infectieuse droite, car il n'existe pas de
syndrome immunologique.

Facteurs favorisants : SIC préalable, hématome, durée de l’intervention, reprise de la chirurgie,


terrain immunodéprimé.

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Le contexte peut aider au diagnostic, les endocardites infectieuses droites survenant


préférentiellement chez:
- les sujets diabétiques,
- les sujets dont la pose du pacemaker s'est compliquée d'un hématome,
- les sujets ayant eu une sonde d’entraînement temporaire en urgence en attendant la pose de
pacemaker,
- ou les sujets dont la cicatrisation a été compliquée après la pose du pacemaker.

A l’examen physique :
 souffle d’IT ;
 inspecter la loge du PM ;
 splénomégalie 

Une endocardite infectieuse sur sonde de pacemaker est possible même en l'absence de souffle.

Le diagnostic est posé à l'aide des hémocultures et de l'échographie !


L'échographie est difficile car gênée par les végétations sur le matériel. Si elle n'est pas concluante,
on effectuera une ETO qui est beaucoup plus contributive.

Le bilan recherche des emboles pulmonaires par scanner thoracique ou scintigraphie, un bilan
inflammatoire est également réalisé (CRP, NFS) ainsi qu'un bilan rénal (néphrotoxicité des
antibiotiques, pacemakers chez patients souvent âgés) et sanguin.
Pas de bilan immunologique, pas de bilan cérébral!
L'ECG n'a aucun intérêt car le pacemaker va tout masquer.

Le traitement:
Il se fait par extraction du matériel puis antibiothérapie, et réimplantation du pacemaker en position
controlatérale après 10 jours.
Si le patient est en BAV complet, une stimulation temporaire est mise en place.

Cette chirurgie est à haut risque de perforation du ventricule ou de la paroi. Car de la fibrose se
forme autour de la sonde du PM.

Le TTT repose sur une antibiothérapie prolongée de 6 semaines.


Le germe en cause est souvent le staphylocoque, traité par vancomycine dont la dose dépendra de la
fonction rénale du patient et sera ajustée en fonction de sa concentration sanguine résiduelle, et
éventuellement un aminoside associé selon l'avis de l'infectiologue.

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