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Histoire et engagement

Les historiens ont oscillé entre une pluralité de rôles possibles, savant, professeur,
héraut de la cause nationale, passeur de mémoires ou expert : a chaque mise en œuvre
sociale distincte correspond une conception de l’écriture de l’histoire.
Gabriel Monod : « c’est ainsi que l’histoire, sans se proposer d’autre but et d’autre fin
que le profit qu’on tire de la vérité, travaille d’une manière secrète et sure à la
grandeur de la patrie en même temps qu’au progrès du genre humain » CAD la
construction du recit veridique et objectif de la constitution des nations ne peut pas être
sur la fond antithétique avec l’universalité de la vérité.
Ernest Lavisse : instituteur national : aucune contradiction entre ce que nous appelons
aujourd’hui le « roman nationale » et la recherche de la vérité
Affaire Dreyfus fait exploser le consensus savant : méthode critique autorise Charles
de Lasteyrie, professeur à l’école des Chartes, à confirmer l’attribution à Dreyfus du
bordereau quand ses collègues établissent le contraire.

I- La question de l’objectivité

 L’objectivité est-elle possible ?


Max Weber, en Allemagne, propose de distinguer rigoureusement « ce qui est de
l’ordre de l’argumentation scientifique d’une part, ce qui est de l’ordre de
l’engagement, politique d’autre part ». Adopter une neutralité axiologique.
Acquis aujourd’hui que l’historien ne peut dépeindre les sociétés comme elles ont été.
Documentation conservée et lacunaire + les changements de focal, l’usage nouveau de
sources connues ou la découverte de nouveaux documents conduisent à réviser des
conclusions antérieures.
Michel de Certeau, l’écriture de l’histoire en 1975 : le discours historique doit toujours
être ramené à des lieux, aux institutions qui le produisent et le rendent possible, mais
qui, dans le même geste, le circonscrivent et y inscrivent une marque indélébile.
Paul Veyne : « la limite de l’objectivité historique (…) correspond à la variété des
expériences », l’expérience de l’historien servant ici à combler les lacunes et les
manques des documents, à faire le lien entre les éléments donnés.
En même temps, historien ne renonce pas à l’impartialité.
On oppose souvent la mémoire à l’histoire. La mémoire serait ainsi la présence du
passé, sous différentes modalités, dans les sociétés, les groupes sociaux ou les
individus, façonnée par les subjectivités et les enjeux propres à chacun de ses porteurs.
En regard, l’histoire serait alors le déroulement des évènements tels que rapporté par
les historiens selon des critères scientifiques.
Noiriel : « Si ces mémoires charrient des vérités souvent plus denses et plus intenses
(car plus proches du vecu), que celles de l’historien, elles sont aussi, bien souvent, des
mémoires sélectives, partielles et partiales ». Mais cette distinction n’est pas sans poser
problème tant l’historien est lui-même inséré dans des enjeux de mémoire, qu’il soit
partie prenante de leur définition ou bien pris a témoin par les porteurs des identités en
jeu.
Joan Scott dans Théorie Critique de l’histoire, 2009, s’interroge sur l’activité de
l’historien-ne qui est interprétation, mise en ordre et sélection des informations mais
qui engage aussi sa personnalité, ses choix politiques loin de l’objectivité.

 Le rapport au présent
Febvre et Bloch veulent rompre ac la façon dont les méthodiques subordonnaient
l’histoire à la politique opérant une « déification du présent à l’aide du passé
« (Febvre). Ils ont une position pragmatique selon les contextes : ils refusent de
confondre histoire et politique et séparent la connaissance de l’action pour assurer une
autonomique scientifique à l’histoire MS ils défendent l’histoire pour l’action pour la
préserver du dogmatisme scientiste et maintenir une ouverture de l’histoire sur la vie.

II- Fonction sociale de l’historien


Noiriel explique : « au sein de notre communauté professionnelle, il existe un petit
nombre d’individus qui accordent une importance particulière à la fonction civique de
leur métier. Ce sont généralement des historiens qui ont été politiquement engagés
dans leur jeunesse et qui continuent, en tant que citoyens, a participer activement au
débat public. Cet intérêt pour la politique les a incités à travailler sur des sujets en
rapport avec leur passion militante. Pour ces historiens, la fonction sociale de l’histoire
va au-dela d’une simple transmission du savoir par des moyens pédagogiques. Ils
espèrent que les connaissances qu’ils ont produites permettront d’aider les citoyens et
les gouvernants a mieux remplir leur rôle. C’est pourquoi ils interviennent
fréquemment dans les débats d’actualité au nom de leurs compétences scientifiques.
Deux façons de concevoir ce type d’engagement :
- Logique d’expertise : le savoir est alors mobilisé pour répondre directement aux
questions qui préoccupent les gouvernants, les élus dans le but d’élaborer la
meilleure politique possible. La seconde posture se réclame de la pensée
critique : l’historien intervient dans le débat public pour contester la façon dont
les intellectuels médiatiques, els journalistes et les hommes politiques posent
les « problèmes » de sté. Il mobilise les connaissances savantes qu’il a
élaborées, souvent au prix d’un long travail, pour tenter de faire entendre
d’autres voix que celles des élites et de la France d’en haut, en posant autrement
les questions qui sont au cœur de l’actualité

 Négationnisme
S'affichent, à la fin des années 1970, sur la scène médiatique, des thèses qui mettent en
cause une réalité particulière du passé, la « solution finale » de la question juive
pendant la Seconde Guerre Mondiale. En 1978, Louis Darquier, ancien Commissaire
aux questions juives du régime de Vichy, interrogé par le magazine L'Express, parle d'
« invention juive » puis l'universitaire lyonnais Robert Faurisson, dans un quotidien,
qualifie le génocide et les chambres à gaz de « mensonges ». Saisie, la justice refuse
de prendre position sur le fond, arguant que « les tribunaux n'ont ni qualité, ni
compétence pour juger l'histoire ». La réaction des historiens à la mise en cause de la
réalité du passé est rapide : à l'initiative, entre autres, de Pierre VidalNaquet, une
pétition réplique en 1979: « Le meurtre de masse a eu lieu. Tel est le point de départ
obligé de toute enquête historique à ce sujet. Cette vérité, il nous appartenait de la
rappeler simplement : il n'y a pas, il ne peut pas y avoir de débat sur l'existence des
chambres à gaz. »

 La question des lois mémorielles :


« Liberté pour l’histoire »
- « L’histoire n’est pas une religion » ; « L’histoire n’est pas la morale » ;
« l’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité » ; « l’histoire n’est pas la
mémoire (l’histoire tient compte de la mémoire, elle ne s’y réduit pas) » ;
« l’histoire n’est pas un objet juridique »
« c’est en violation de ces principes que des articles de lois successives ont restreint la
liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce
qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posés des limites. Nous demandons
l’abrogation de ces dispositions législatives indignes d’un régime démocratique. »
Manifeste « liberté pour l’histoire », 12 décembre 2005, né du choc provoqué dans la
corporation historienne de France par le procès intenté à Olivier Pétré-Grenouilleau
par un collectif antillais pour avoir contrevenu à la lettre de la loi Taubira qui
caractérise comme un « génocide » la traite négrière, se situe dans une extériorité au
social qui tout en même temps confère aux historiens un droit de regard sur la société.
Le collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais, représenté par Maître Gilbert
Collard, a déposé plainte devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, en septembre
2005, contre Olivier Pétré-Grenouilleau, professeur à l’Université de Bretagne Sud
(Lorient), spécialiste reconnu des traites négrières. Ce collectif, qui revendique plus de
10 000 membres et 30 000 sympathisants, milite contre les « discriminations qui
touchent les Français originaires d’Outre-mer ». Il mène en particulier différentes
actions « pour le respect de la mémoire de l’esclavage ».
Le point de départ de la mobilisation du collectif remonte au mois de juin 2005,
d’après les informations collectées sur leur site. Le samedi 11 juin 2005, Olivier Pétré-
Grenouilleau se voit remettre le prix du Sénat du Livre d’histoire pour son livre paru
en septembre 2004, aux éditions Gallimard, dans la collection « Bibliothèque des
histoires », Les Traites négrières. Essai d’histoire globale. Le jury de ce prix, présidé
par René Rémond, est composé des membres suivants : Hélène Ahrweiler, Jean-Pierre
Azéma, Philippe-Jean Catinchi, Marc Ferro, Jean Garrigues, Jean-Noël Jeanneney,
Alain Méar, Claude Mossé, Jean-Pierre Rioux, Maurice Sartre, Laurent Theis, Pierre
Vidal-Naquet, Annette Wieviorka.
Le dimanche 12 juin 2005, paraît dans le Journal du Dimanche, une interview du
professeur Pétré-Grenouilleau. L’auteur évoque les thèmes de son livre et aborde
d’autres questions. Il déclare notamment : « On sait que l’Afrique noire a été victime
et acteur de la traite. Les historiens, quelles que soient leurs convictions politiques,
sont d’accord là dessus. » Alors que le journaliste évoque « l’antisémitisme véhiculé
par Dieudonné », Olivier Pétré-Grenouilleau répond : « Cette accusation contre les
juifs est née dans la communauté noire américaine des années 1970. Elle rebondit
aujourd’hui en France. Cela dépasse le cas Dieudonné. C’est aussi le problème de la
loi Taubira qui considère la traite des Noirs par les Européens comme un ‘crime contre
l’humanité’, incluant de ce fait une comparaison avec la Shoah. Les traites négrières
ne sont pas des génocides. La traite n’avait pas pour but d’exterminer un peuple.
L’esclave était un bien qui avait une valeur marchande qu’on voulait faire travailler le
plus possible. Le génocide juif et la traite négrière sont des processus différents. Il n’y
a pas d’échelle de Richter des souffrances. » Olivier Pétré-Grenouilleau affirme
également que se dire descendant d’esclave « renvoie à un choix identitaire, pas à la
réalité [...] c’est choisir parmi ses ancêtres. »
Ces propos provoquent la colère de Claude Ribbe, responsable de la commission
culture du collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais. Il dénonce les propos tenus
par Olivier Pétré-Grenouilleau dans une lettre datée du lundi 13 juin 2005.
Cependant, un très large consensus s’établit dans la communauté historienne autour de
la nécessité de soutenir Olivier Pétré-Grenouilleau, professeur reconnu en France et à
l’étranger Le débat scientifique est nécessaire mais les historiens rejettent les
invectives et l’inquiétant et absurde procès fait à la recherche historique.
+ Loi du 23 février 2005 qui entendait imposer l’enseignement des aspects positifs de
la colonisation dans le cadre des cours d’histoire du secondaire exprime clairement la
question de la façon dont se saisit la société de la production historiographique.

III-L’engagement

=>Bloch et la résistance
Bloch engagé dans la résistance comme délégué du mouvement Franc-Tireur au
directoire régional des Mouvements unis de résistance à Lyon : arrêté par la Gestapo et
exécuté le 16 juin 1944. Pour Olivier Dumoulin, l’engagement dans la résistance
marque pour Bloch « un basculement décisif » et la fin du « double langage » de la
science et de l’action, la fin de la tension entre distanciation scientifique et engagement
citoyen.
Dans le compte rendu que fait Febvre de l’Apologie pour l’histoire ou metier
d’historien de Bloch écrit entre 41 et 43, Il aborde la question de la fonction sociale de
l’histoire qui consiste a organiser le passé en fonction du présent ; question inquiétante
selon Febvre et qui risque de remettre en cause l’objectivité de l’histoire.

 Courant d’intellectuels chrétiens


René Rémond (La droite en France), expérience catholique capitale : il rejette toutes
les traditionnelles critiques contre l’histoire très contemporaine, sur le nécessaire recul
temporel afin d’entreprendre un travail d’historien. Son plaidoyer s’inscrit dans une
réflexion de fond sur l’implication subjective de l’historien par rapport à son objet
d’étude.
+ François et Renée Bedarida ont milité activement a Témoignage Chrétien :
conscience aigue de la responsabilité historienne, conscience produite par cet
engagement est source de valeurs. C’est de ce courant que vient une reflexion sur une
histoire politique et une histoire du présent délaissés par l’historiographie dominante.
Présentification de l’histoire : le mouvement s’est emparé du temps présent jusqu’à
modifier le rapport moderne au passé : « nous ne pouvons isoler, sinon par une
distinction formelle, d’un coté un objet, le passé, de l’autre un sujet, l’historien… »
 Pierre Vidal-Naquet,
Antiquisant, spécialiste de la Grèce antique. Raisons politiques guident ce choix de
travail car son aspiration démocratique le conduit à la naissance de la Cité. Il interveint
sur des terrains d’histoire contemporaine chaque fois que la verité, la mémoire étaient
en cause. Il met au service de l’éclairage du présent ses compétences d’historien de
l’antiquité.
Sur la guerre d’Algérie :
L’Affaire Audin (1958), face à la raison d’Etat (1962), la Torture dans la republique
(1972), les crimes de l’armée française (1975).
Il continue de s’engager contre les bombardements au Vietnam + traverses le
mouvement de 1968 en phase avec la contestation étudiante.
L’affaire Audin vise à dénoncer le mensonge d’Etat à propos de Maurice Audin,
mathématicien et militant communiste, arrêté à Alger, puis disparu, son corps n’ayant
jamais été retrouvé. La version officielle avance l’idée d’une évasion de
l’universitaire. Vidal-Naquet n’agit pas seulement en intello mais il sera historien de
ce dossier, au sein du Comité Audin animé notamment par le mathématicien laurent
Schwartz et l’historienne madeleine Reberioux. Entrée de l’historien dans l’espace
public, devient militant d’une cause. Il réunit les pièces, documents et témoignages
nécessaire à sa démonstration
 Suspendu de ses fonctions d’enseignant chercheur sur décision ministérielle en
1960.
Il lutte aussi contre les négationnistes et publie Les assassins de la mémoire.

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