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∗
E.R.U.D.I.T.E., University Paris XII Val de Marne, 61 Avenue Général de Gaulle,
94010, Créteil Cedex, France. Email : mihaela costisor@yahoo.f r
1
2
Introduction
La plupart des travaux sur les crises bancaires ont expliqué les épisodes
de faiblesse dans le système financier par des problèmes de solvabilité, le
risque de liquidité étant dans quelque sorte oublié ou souvent confondu avec
l’insolvabilité. Le risque de liquidité et de solvabilité sont des risques inhérents
à l’activité bancaire, ils peuvent interagir et se renforcer mutuellement en
aggravant les difficultés dans le système bancaire. Par ailleurs, il est important
de bien distinguer l’illiquidité de l’insolvabilité, de connaı̂tre la nature de ces
risques afin de pouvoir prendre des mesures appropriées pour prévenir les
faillites bancaires.
Le papier se propose de mettre en évidence que le risque de liquidité
est « réel » et qu’il peut menacer la stabilité du système bancaire. Au sens
large, « le risque de liquidité, dans le contexte des faillites de banques est
le risque de retraits massifs des dépôts bancaires ou d’insuffisance d’actifs
liquides pour que les banques puissent couvrir ces retraits »1 .
La contribution la plus importante à la théorie du risque de liquidité
appartient sans doute à Diamond et Dybvig (1983) [8]2 qu’ils montrent que
la ruée bancaire est un pur risque de passif provenant uniquement du com-
portement déstabilisant des déposants. Plus récemment, de nouveaux défis
se sont profilés à l’horizon, la maı̂trise du risque de liquidité dans le système
de paiement constituant la préoccupation des spécialistes.
Le risque d’illiquidité touche principalement le système bancaire des pays
émergents dont les marchés monétaires sont encore embryonnaires. Pour au-
tant, les plus grandes économies n’ont pas été épargnées, comme les Etats-
Unis, par exemple. La situation créée après les attentats du 11 septembre
2001 était comparable avec celle durant le « National Banking Era » (1863-
1913) caractérisée par cinq crises bancaires3 , les plus sévères étant en 1873,
1
GONZALEZ-HERMISILLO Brenda [1999] [13], « Crises bancaires : se doter d’indica-
teurs d’alerte avancée »,Finances et Développement, juin, pages 36-39
2
DIAMOND Douglas D., DYBVIG Philip F. [1983], « Bank Runs, Deposit Insurance,
and Liquidity », The Journal of Political Economy, Vol. 91, June 1983, pages 401-419
3
La crise bancaire est définie par les spécialistes comme une situation dans laquelle
un nombre important de banques sont confrontées, plus ou moins simultanément, aux
demandes de leurs déposants sollicitant la conversion des dépôts en cash. CHAMP Bruce
[2003] [4], « Open and Operating : providing Liquidity to Avoid a Crises », Economic
Commentary, Federal Reserve Bank of Cleveland, issue Feb 15
3
les revenus générés par les investissements à long terme et par les crédits
remboursés par les entrepreneurs. Au cas où ces ressources sont insuffisantes,
la banque essaie d’attirer de nouveaux dépôts en tant que source additionnelle
de liquidité et/ou de vendre ses actifs à court terme. Une autre solution
envisageable serait d’emprunter sur le marché interbancaire ou à la Banque
Centrale à un taux d’intérêt pénalisant. La liquidation des actifs à long terme
est évidemment la dernière et la plus coûteuse source de liquidité.
Les problèmes commencent lorsque la banque ne peut plus respecter
ses engagements vis-à-vis des déposants ou d’autres banques. Est-ce cela un
signe d’illiquidité ? Ou bien d’insolvabilité ? Il est essentiel de connaı̂tre la
nature des problèmes de liquidité et de solvabilité sachant que les remèdes
sont totalement différents. Une banque peut faire faillite sans que la panique
se produise (pur risque de solvabilité), et des paniques peuvent ou non dé-
clencher la fermeture des banques (pur risque de liquidité).
Une banque est insolvable quand la valeur des actifs est inférieure à celle
des passifs. La dépréciation de l’actif du bilan s’explique principalement par
la baisse de la valeur des actifs illiquides au cas où ceux-ci sont évalués au
prix de marché et/ou par la détérioration du portefeuille de crédit. Dans ce
contexte, le capital n’est pas suffisant pour couvrir les pertes et la banque
n’est plus capable de satisfaire ses obligations envers les déposants et les
autres créanciers. La situation d’insolvabilité réclame l’application du droit de
la faillite qui répartit les actifs entre les créanciers (déposants, autres banques,
actionnaires) à moins, que la banque ne soit recapitalisée par absorption, ou
sauvée par les autorités publiques.
En admettant qu’à un moment donné une banque est solvable, mais inca-
pable de transformer suffisamment d’actifs en cash pour honorer les retraits,
elle est alors illiquide. C’est la notion qu’on va la retrouver souvent dans
ce papier. Normalement, la banque n’a besoin que d’une petite proportion
d’actifs liquides pour satisfaire les chocs de liquidité subis par les agents. La
banque doit alors optimiser son stock de réserves (en monnaie banque cen-
trale) en cherchant à la fois à les minimiser car elles ne sont par rémunérées
et à les garder à un niveau suffisant pour faire face aux retraits aléatoires.
Ce système appelé à réserves fractionnaires peut provoquer des problèmes
d’illiquidité au cas où un grand nombre de déposants veulent retirer. Quand
les demandes de retrait excèdent les actifs à court terme, il y a un vrai souci
de liquidité car la banque doit emprunter à la Banque Centrale ou sur le
marché interbancaire ou même vendre ses actifs à long terme, afin qu’elle
puisse surmonter la crise de liquidité.
La question naturelle qui se pose est de savoir si les deux scénarios
peuvent interagir et se renforcer réciproquement menaçant la solidité d’une
banque et/ou du système bancaire. En premier lieu, au niveau d’une banque,
6
dité via une transformation des échéances. Une telle coalition appelée banque,
situation qui correspond au second scénario, satisfait les chocs de liquidité
des agents en limitant la diminution de leur bien-être. La banque mutualise
ce risque par le biais d’une prime de liquidité que les déposants sont prêts à
payer pour pouvoir consommer quand ils ont besoin.
La banque collecte les dotations initiales des agents en leur offrant en
contrepartie un contrat de dépôt (r1 , r2 ) spécifiant le nombre d’unités à reti-
rer en T = 1 et T = 2. Afin de déterminer les termes du contrat de dépôt,
on considère le bilan d’une banque mutuelle, dont le profit est nul, qui agit
exclusivement dans l’intérêt de ses déposants. Dans un contexte où le nombre
d’agents impatients est une information publique, le problème de maximisa-
tion de l’utilité de consommation consiste en la résolution du programme
présenté dans le Tableau 1 9 .
où L représente les actifs à court terme, (1 − L)R le rendement des actifs
à long terme, c11 la consommation de l’agent de type 1 en T = 1 et c22 la
consommation de l’agent de type 2 en T = 2.
On remarque qu’en plus des contraintes de ressources (2) qui indiquent
que les retraits en T = 1 sont satisfaits par les actifs à court terme et que
les retraits en T=2 sont satisfaits par les actifs à long terme, la banque fait
également face à une contrainte d’incitation (3) garantissant qu’aucun agent
de type 2 n’a intérêt à se faire passer pour un agent de type 1.
A l’équilibre u0 (c1∗ 0 2∗ 1∗ 2∗
1 ) = Ru (c2 ) et c1 = L/t et c2 = (1 − L)R/(1 − t).
Puisque le coefficient d’aversion relative au risque est supérieur à l’unité, les
consommations optimales doivent vérifier les relations suivantes : c1∗ 1 > 1 et
9
Les tableaux 1 et 2 ont été établis par l’auteur de ce papier à partir des formules du
modèle
10
c2∗ 1∗
2 . On déduit d’ici que le contrat optimal est le couple (r1 = c1 > 1 et
r2 = c2∗
2 < R).
c1∗ 2∗ 2∗ 1∗ 1∗ 2∗ 2∗ 1∗
1 = 1 c2 = R c1 = c2 = 0 c1 > 1 c2 < R c1 = c2 = 0
Les faits stylisés plus haut nous incitent à retenir que, par rapport à une
banque liquide qui offre le même niveau de la consommation que l’autarcie,
une banque qui n’est pas contrainte à être liquide améliore le bien-être social
des déposants en les assurant contre le risque d’être de type 1 (Tableau 2.).
Pour illustrer cela, on s’appui sur les graphiques établis par Marini (2003) [17]
10
. Sur la Figure 1, l’ensemble des contrats de dépôt qu’une banque liquide
peut émettre est représenté par la surface hachurée non comprise la droite
d’assurance totale. Le contrat offert par la banque se trouve dans le point
A(1, R) où l’utilité de consommation est E(U ) = tU (1) + (1 − t)ρU (R).
Cependant, il est important de remarquer que cet équilibre n’est pas Pareto-
optimal car le bien-être des individus qui retirent en T = 1 ne peut pas être
amélioré, leur utilité de consommation étant préétablie à une unité. D’autre
part, les déposants sont prêts à payer une prime de liquidité afin de s’assurer
contre le risque de devoir consommer tôt et de bénéficier d’une allocation
supérieure à la dotation initiale.
Sur la Figure 2, l’ensemble des contrats émis par une banque illiquide est
représenté par la surface hachurée, non comprise la droite d’assurance totale.
Les contrats situés sur le segment AC, non compris le point C, mettent en
évidence l’exposition de la banque au risque d’illiquidité. Le contrat optimal
se trouve en effet dans le point B où r1 = c1∗ 2∗
1 > 1 et r2 = c2 < R et
u0 (c1∗ 0 2∗
1 ) = Ru (c2 ). On remarque que le point B se trouve plus proche du
point C, où la consommation devient indépendante du type de l’agent que
du point A qui correspond à l’autarcie, ce qui signifie que le contrat de dépôt
permet d’atteindre un optimum de Pareto, car il n’est pas possible d’améliorer
le bien-être d’un déposant sans détériorer celui d’un autre agent.
A travers cette section, nous nous proposons également d’analyser les
équilibres qui caractérisent ce modèle afin de pouvoir expliquer pourquoi les
10
MARINI François [2003], « Monnaie, banque et capital », Revue d’économie politique,
Nř 1 (janvier février 2003), pages 110 et 111
11
optimales calculées ex ante par la banque. Mais, que se passe-t-il quand une
proportion d’agents patients reçoit en T = 1 un signal informatif indiquant un
faible rendement des actifs bancaires à maturité ? Ces agents, appelés agents
patients informés, utilisent le signal pour réviser leurs attentes. En effet, ils
retirent quand l’utilité de consommation obtenue en se faisant passer pour
des agents impatients excède l’utilité obtenue en attendant jusqu’à T = 2, :
c12 > c22 (R̃). Cette probabilité joue donc un rôle crucial car elle représente le
seuil au-delà duquel les agents informés préfèrent retirer en T = 1, plutôt
qu’en T = 2. Elle est aussi importante pour la banque parce que c’est le
point où le bon équilibre peut basculer vers le mauvais équilibre. Jacklin et
Bhattacharya (1998) montrent que, plus le risque augmente (l’écart entre Rh
et Rl se creuse), plus la probabilité que les agents patients informés retirent
en T = 1 augmente.
La principale limite du modèle réside dans le fait que le système bancaire
est parfaitement homogène, composé d’une seule banque représentative. Cela
veut dire que, au cas où les déposants perçoivent des mauvaises nouvelles sur
la rentabilité des actifs bancaires, il n’y aura pas de baisse du volume des
dépôts dans le système s’il n’existe pas des réserves alternatives de valeur.
Il est à noter que l’assurance de dépôt permet d’éviter les ruées bancaires,
non parce qu’elle rend le retrait de chaque déposant indépendamment des
retraits agrégés, mais parce qu’elle décourage les déposants de surveiller la
qualité de la technologie dans laquelle la banque a investi.
confusion. Effectivement, une part des agents patients appelés les informés
reçoit en T = 1 un signal sur le rendement futur des actifs bancaires. Les
autres agents, les non informés, observent seulement la longueur de la file
d’attente. Ils ne sont pas aptes à différencier les agents qui retirent parce
qu’ils ont reçu une mauvaise information de ceux qui ont expérimenté des
vrais chocs de liquidité.
En ce qui concerne le cadre d’analyse, il faut préciser que, par rapport
au Diamond et Dybvig (1983), les auteurs introduisent trois aléas : sur la
probabilité d’être agent impatient, sur la probabilité que les agents patients
reçoivent un signal et sur la probabilité que le rendement des actifs bancaires
soit bas. Le volume total de retraits est une information publique. En bref,
en T = 1, chaque individu apprend en privé son type (impatient, patient
informé ou non informé). Les agents patients informés maintiennent leurs
investissements si et seulement si le signal indique un rendement élevé des
actifs bancaires. Par rapport au modèle de référence, la contrainte de service
séquentiel n’est pas appliquée, c’est-à-dire les actifs à court terme sont par-
tagés entre ceux qui retirent en T = 1, et les actifs à long terme entre ceux
qui retirent en T = 2.
Comment les agents de type 2 non informés réagissent-ils ? Avant de
prendre une décision ils observent le niveau de retraits agrégés car ils estiment
qu’il est corrélé au signal reçu par les agents informés ou aux chocs de liquidité
subis par les agents de type 1. Ceci explique l’effet de confusion qui représente
l’idée centrale autour de laquelle ce modèle est construit. La ressemblance
entre ce modèle et celui de Diamond et Dybvig (1983) est frappante dans
le sens où le comportement déstabilisateur des agents non informés peut
entraı̂ner des ruées bancaires et finalement, la faillite d’une banque.
La panique bancaire est un équilibre de Nash à anticipations rationnelles.
Quand les retraits globaux sont élevés, chaque agent non informé pense que
le rendement des actifs sera faible et s’inquiète de la solvabilité de sa banque.
Afin de se protéger contre les éventuelles pertes, il décide de retirer. Au
contraire, lorsque les retraits agrégés sont réduits, les agents non informés
anticipent un rendement élevé des actifs, donc il n’y aura pas de ruées. Il en
résulte que la nature du signal reçu par les agents informés sur la qualité des
actifs n’exerce aucune influence sur les décisions prises par les non informés.
La solution proposée par Chari et Jagannathan (1988) pour calmer la
panique est la suspension de la convertibilité des dépôts en cash susceptible
d’améliorer l’utilité collective, mais qui n’est pas certainement un optimum
car, certains agents de type 1 ayant effectivement subi des chocs de liquidité
ne pourront pas financer une consommation qui leur est pourtant nécessaire.
17
fient à cette information et par conséquent, ils décident de se ruer vers leur
banque. Dans ce contexte, même en l’absence d’une mauvaise information,
les déposants informés décident également de liquider leurs dépôts. Il s’ensuit
donc qu’une seule faillite peut déclencher une panique bancaire contagieuse
dans tout le système bancaire.
public qui servent à financer des actifs non risqués, à court et à long terme.
Elle offre en contrepartie un contrat de dépôt (c1 , c2 ) mentionnant un montant
fixe pour chaque période. Les actifs à court terme (L) sont représentés par
la technologie de stockage qui ne rapporte rien, et les actifs à long terme
(1 − L), partiellement illiquides, représentés par la technologie de production
qui rapporte R > 1 si l’investissement arrive à maturité ou 0 < r < 1 s’il est
liquidé prématurément.
L’originalité du modèle de Allen et Gale (2000) consiste dans le fait
que l’économie est divisée ex ante en quatre régions (banques) identiques
(A, B, C, D), chacune étant composée d’une banque représentative qui véri-
fie les éléments ci-dessus. Les hypothèses, selon lesquelles chaque région subit
des chocs aléatoires de liquidité et la demande de liquidité reste constante
au niveau du système bancaire pour chaque état de la nature, sont essen-
tielles pour mettre en évidence le rôle des dépôts interbancaires en tant que
mécanisme d’assurance contre les chocs de liquidité.
tue un élément rassurant à la fois pour les banques et pour les déposants. Pour
la banque, l’existence de ce marché a l’avantage d’éviter la liquidation des
actifs à long terme quand la demande de liquidité surpasse les actifs liquides.
Car, il est connu que, la liquidation prématurée des investissements entraı̂ne
inévitablement la baisse de la valeur des actifs bancaires, donc l’insolvabilité
de la banque. D’ailleurs, les auteurs proposent une charte d’utilisation des res-
sources bancaires afin de mieux satisfaire les retraits des agents impatients :
d’abord épuiser les actifs liquides, ensuite liquider les dépôts interbancaires
et, à la fin, vendre les actifs à long terme (qui est la solution la plus coûteuse).
Quant aux déposants, tant qu’il y a assez de liquidités dans le système, il n’y
a pas de raison de paniquer, de se ruer vers sa banque.
La question qui se pose dès lors, est de savoir comment le mécanisme
de dépôts interbancaires fonctionne-t-il ? Pour mettre en évidence cela, nous
nous proposons d’analyser le bilan de quatre banques (A, B, C, D) en fonction
de la structure du marché. Supposons que le nombre d’agents impatients en
T = 1 est élevé pour A et C et faible pour B et D. En T = 2, c’est l’inverse.
Compte tenu de la nature des liaisons interrégionales, le marché interbancaire
se divise en deux catégories : le marché complet et le marché incomplet.
Puisque les régions sont toutes identiques, leurs dépôts sont parfaitement
substituables.
En premier lieu, sur un marché interbancaire complet (Figure 3.), une
banque est connectée à toutes les autres banques, les liaisons sont donc réci-
proques. Au contraire, sur le marché incomplet, chaque région est connectée
de façon unilatérale à un nombre réduit de régions, par exemple à celles
adjacentes (Figure 4.).
Dans ce qui suit, regardons les bilans des banques pour chaque état de
la nature et la façon dont l’égalité « Actif=Passif » est vérifiée pour chaque
période. En premier lieu, nous allons analyser le cas du marché interban-
26
caire complet, les bilans étant synthétisés dans le Tableau 529 et présentés de
manière détaillé dans les Tableaux 6 et 7.
Banque Banque
(demande élevée de liquidité en T=1) (demande faible de liquidité en T=1)
T =2 Actifs à long Retraits de ses propres Actifs à long Retraits de ses propres
terme déposants patients terme déposants patients
Retraits des banques Créances sur les Retraits des banques
où la demande est autres banques où la demande est
élevée en T = 2 élevée en T = 2
sens qu’elles subissent également une crise de liquidité, qui se transforme en-
suite en insolvabilité. L’explication est liée à la nature unilatérale des liaisons
interbancaires. Les banques dans les régions adjacentes non touchées par la
crise de liquidité poursuivent leurs propres intérêts et refusent de liquider une
partie des actifs à long terme jusqu’à ce qu’elles soient elles-mêmes exposées
à la contagion.
Prenons un exemple pour illustrer ce point. On suppose que, exception-
nellement et non anticipé, la demande globale de liquidité excède les actifs
liquides. En effet, en T = 1, la banque A est confrontée à une demande de
liquidité, plus élevée que prévu (ωH + S > ωH ), où S représente le choc sup-
plémentaire de liquidité. Dans ce cas, les liquidités seront insuffisantes pour
satisfaire les retraits des déposants impatients, soit ( L < (ωH + S) c1 ). La
seule solution, dont dispose la banque A, est de liquider une partie de ses
actifs à long terme. Vu le coût élevé, les banques cherchent à éviter le plus
possible de liquider prématurément leurs investissements. Ceci explique l’hos-
tilité affichée par la banque adjacente B, en surplus de liquidités en T = 1,
qui se protège contre les éventuelles ruées de ses déposants, en refusant de
fournir de la liquidité à la banque A en déficit. On se rappelle que les inves-
tissements sont partiellement illiquides et rapportent un rendement bas s’ils
sont liquidés avant d’arriver à maturité. Puisque la valeur des actifs à long
31
manière isolée et, dans le second cas, les banques sont interconnectées via les
lignes de crédit intra-journalier, donc elles agissent conjointement.
Le système brut présente l’avantage de régler chaque transaction en
temps réel dans un contexte où les agents patients doivent retirer et transférer
eux-mêmes le bien sur l’autre ı̂le, pour pouvoir le consommer en T = 2. L’in-
convénient majeur est que les banques doivent toujours avoir des importantes
réserves de liquidités, et par conséquent, limiter les investissements.
En revanche, dans le système de paiement net, c’est la banque qui trans-
fère les dépôts des agents à l’autre banque et il n’y pas besoin de liquider les
actifs bancaires à long terme. De plus, les banques sont tenues par un contrat
de se prêter réciproquement des lignes de crédit pendant la journée, lignes qui
représentent des créances sur les actifs de l’autre banque. Il en découle que,
par rapport au système brut, au niveau d’une banque, le fonctionnement du
système net repose sur la compensation des créances à encaisser, correspon-
dant aux retraits des agents patients arrivés de l’autre banque, et les dettes à
payer, correspondant aux retraits de ses agents patients dans l’autre banque.
La liquidité intervient en fin de journée quand les banques règlent seulement
le solde net après la consolidation et la compensation des opérations.
On se demande désormais quelle est la corrélation entre le rendement des
actifs bancaires et les préférences de consommation des déposants à travers
l’espace. En d’autres termes, dans quelle mesure la nature des actifs bancaires
(risquée ou non risquée) contribue à la prise de décisions par les déposants.
Dans le système de paiement brut, les agents patients stratégiques ont la
possibilité de choisir entre attendre la réalisation du rendement des investis-
sements et retirer. Par contre, les agents non stratégiques ne dispose que d’un
seul choix, qui est de retirer et transférer eux-mêmes le bien sur l’autre ı̂le.
Dans le système net, les agents patients ont les mêmes stratégies, auxquelles
s’ajoute la possibilité que la banque fasse elle-même le transfert des biens
directement sur l’autre ı̂le.
En premier lieu, dans un contexte où le rendement est certain, donc les
actifs bancaires ne sont pas risqués, le cadre d’analyse se rapproche visible-
ment de la configuration à équilibres multiples de Diamond et Dybvig (1983).
Il y a un bon équilibre et un mauvais équilibre.
Illustrons le bon équilibre. Du coté du système de paiement brut (Ta-
bleau 11.), le bon équilibre correspond au scénario où les agents impatients et
patients non stratégiques retirent en T = 1 et les agents patients stratégiques
attendent le moment où les investissements arrivent à maturité (T = 2). Du
coté du système net (Tableau 12.), le bon équilibre suppose qu’en T = 1,
les agents impatients retirent et qu’en T = 2, la banque transfère le bien
des agents patients non stratégiques sur l’autre ı̂le et les agents stratégiques
attentent la réalisation du rendement des actifs bancaires.
36
Tab. 11 – Le bilan d’une banque dont les actifs ne sont pas risqués. Le cas
du système de paiement brut
Rendement certain
Bilan banque système de paiement brut
Actifs Passifs
T=1 L tc1
(1 − t)(1 − λ)ĉ2
T=2 (1 − L)R (1 − t)λc2
L + (1 − L)R tc1 + (1 − t)[(1 − λ)ĉ2 + λc2 ]
Tab. 12 – Le bilan d’une banque dont les actifs ne sont pas risqués. Le cas
du système de paiement net
Rendement certain
Bilan banque système de paiement net
Actifs Passifs
T=1 L tc1
T=2 (1 − L)R (1 − t)c2
L + (1 − L)R tc1 + (1 − t)c2
L(t) [1−L(t)]R
⇒ c1 = t
c2 = 1−t
free rider des agents patients de la banque où le signal est bas peut faire
basculer le bon équilibre vers l’équilibre de panique dans la banque où le
rendement est élevé. Supposons que la banque A reçoit un signal haut (ren-
dement élevé des actifs) et l’autre banque B un signal bas (rendement faible
des actifs). La stratégie adoptée par les agents patients de l’ı̂le où le signal
est bas est de transférer leur bien à l’autre banque pour bénéficier d’une ré-
munération plus élevée ((1 − t)cA ). L’effet de domino se traduit ici par une
diminution du niveau de l’allocation de consommation offerte par la banque
solvable. Ce niveau (cA ) est supérieur au niveau de la consommation dans
l’autre banque (cB ), mais toutefois inférieur à l’allocation obtenue en autarcie
37
. Cette baisse du bien-être provient effectivement du problème du passager
clandestin. Les déposants de la banque solvable s’inquiètent de la possibilité
que leur banque puisse honorer ses engagements contractuels, une fois les
agents patients arrivés de l’autre banque. Cet élément, entraı̂ne des ruées
d’abord dans la banque solvable, et ensuite dans l’autre banque.
Au cas où les deux banques reçoivent des signaux bas, il n’y a pas de
contagion et les banques ne sont pas liquidées car chaque déposant patient,
ignorant le signal de l’autre ı̂le, préfère toujours l’utilité de consommation
offerte par l’autre ı̂le.
Deuxièmement, la contagion des ruées des déposants peut aussi bien
se produire dans un contexte où le problème de free rider est ignoré, en
considérant que la banque ayant un rendement élevé est confrontée à des ruées
spéculatives à la Diamond et Dybvig de la part de ses déposants, situation
qui déclenche ultérieurement des ruées dans l’autre banque, où le signal est
bas.
Pour conclure cette section sur le risque de liquidité dans le système de
paiement, selon Freixas et Parigi (1998), le système de paiement brut doit
être privilégié lorsque la probabilité, que le rendement des actifs soit bas, est
élevée et, le nombre de déposants qui veulent retirer pour pouvoir consommer
ailleurs est faible. Le principal inconvénient est qu’il suppose une utilisation
excessive de la monnaie banque centrale, ce qui oblige la banque à avoir des
réserves importantes de liquidités pour faire face aux retraits. Par contre, si
la probabilité de faillite de la banque est faible et, le nombre de transactions
est élevé en raison de la mobilité des déposants, les banques préfèrent adopter
le système de paiement net. Du fait des lignes de crédit intra journalier, les
banques ont la possibilité d’investir moins dans les actifs à court terme et
plus dans la technologie à long terme et de satisfaire les demandes de retrait
sans devoir liquider les investissements. La mutualisation du risque de devoir
consommer ailleurs, en permettant aux déposants de transférer leurs biens à
37 (1−tc1 )[(2−λ)RH +RL ] (1−tc1 )[(1−λ)RH +2RL ]
cA = (1−t)(3−λ) ; cB = (1−t)(3−λ)
Tab. 13 – Le bilan de deux banques en T=2. L’une est solvable et l’autre est insolvable.
Bilan banque A (rendement haut) Bilan banque B (rendement bas)
Actifs Passifs Actifs Passifs
(1 − tc1 )RH (1 − t)λcA (ST ) (1 − tc1 )RL (1 − t)cB
(1 − t)cB (1 − t)(1 − λ)cA (CT ) (1 − t)(1 − λ)cA (1 − t)(1 − λ)cB (CT )
(1 − t)cA
(1 − tc1 )RH + (1 − t)cB 2(1 − t)cA (1 − tc1 )RL + (1 − t)(1 − λ)cA (1 − t)(2 − λ)cB
Où
(1 − t)λcA (ST ) - retraits des agents patients stratégiques de la banque A
(1 − t)cA - retraits des agents patients appartenant à la banque B, retirant dans A
(1 − t)(1 − λ)cA (CT ) - dettes envers la banque B, représentant des retraits
faits dans la banque B par les agents non stratégiques appartenant à la banque A
(1 − t)cB - créances sur la banque B, représentant les retraits faits dans
la banque A par les agents de type 2 appartenant à la banque B
(1 − t)(1 − λ)cB (CT ) - retraits faits dans la banque B par
les agents non stratégiques appartenant à la banque A
(1 − t)cB - dettes envers la banque A, représentant des retraits de ses
propres agents non stratégiques
40
41
CONCLUSION
Le présent papier s’est proposé d’apporter un éclairage sur l’importance
réelle du risque de liquidité et sur la nécessité de bien évaluer et gérer ce
risque, afin d’éviter que les banques, se trouvant temporairement dans l’im-
possibilité de respecter leurs engagements, ne deviennent insolvables.
Nous avons recensé les principales approches du risque de liquidité dans
le cadre d’une architecture bancaire construite progressivement en partant
d’une banque individuelle et en aboutissant petit à petit à un système ban-
caire.
Nous nous sommes appuyés sur la nature du risque d’illiquidité et de sol-
vabilité et les problèmes qui peuvent survenir suite à leur interaction. Comme
nous l’avons vu, la liquidité peut constituer un problème pour une banque,
lorsqu’elle subit les ruées de ses déposants. Ces ruées peuvent être de type
« sunspot » où le hasard est associé au comportement mimétique des dépo-
sants ou de type informationnel où la performance de la technologie d’in-
vestissement est à la base des decisions. Nous avons également accordé une
attention particulière aux conséquences du risque de liquidité au niveau de
la contagion sur le marché interbancaire et dans le système de paiement. A
cet égard le mécanisme de dépôts interbancaire est un instrument efficace
d’assurance de liquidité entre les banques. Mais, il présente l’inconvénient de
propager une crise qui touche initialement une banque dans tout le système.
Concernant le risque de liquidité dans le système de paiement, nous avons ob-
servé que, dans le système brut le risque de contagion de la crise de liquidité
à d’autres banques est totalement absent. Par contre, dans le système net,
les banques sont reliées entre elles, via les lignes de crédit, qui favorisent la
propagation des risques de liquidité et solvabilité et de plus, amplifient leurs
effets. A défaut d’intervention de la part des autorités monétaires par une
injection de liquidité dans les banques illiquides, le système bancaire, dans
son ensemble, risque de devenir insolvable.
Ce papier se propose également d’ouvrir de nouvelles perspectives d’ana-
lyse du risque de liquidité notamment sur le marché interbancaire. Actuelle-
ment, dans la littérature se dessinent deux tendances différentes concernant le
risque de liquidité et ses conséquences au niveau de la contagion. La première
concerne l’analyse du risque de liquidité et de contagion dans un contexte où
les actifs bancaires à long terme sont évalués au prix de marché. La seconde se
concentre sur la gestion quotidienne de la liquidité en fonction de fluctuations
des retraits des déposants et des investissements dans des actifs illiquides. Je
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me propose dans un travail ultérieur de poser les bases d’un modèle de conta-
gion sur le marché interbancaire qui utilise les apports des deux tendances,
c’est-à-dire, où les ratios de liquidité sont calculés compte tenu des flux de
cash-flows et des actifs à long terme évalués au prix de marché.
RÉFÉRENCES 43
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