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SARGON A-T-IL DÉTRUIT LA VILLE DE MARI ?

Jean-Marie Durand

Presses Universitaires de France | « Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale »

2012/1 Vol. 106 | pages 117 à 132


ISSN 0373-6032
ISBN 9782130593768
DOI 10.3917/assy.106.0117
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-d-assyriologie-2012-1-page-117.htm
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[RA 106-2012] 117

SARGON A-T-IL DÉTRUIT LA VILLE DE MARI ?*

PAR
Jean-Marie DURAND

L'embrasement de Mari que les archéologues constatent après le milieu du IIIe millénaire av. n. è. a mis
fin à une glorieuse histoire que nous ne connaissons pourtant que médiatement, exclusivement jusqu’ici
par les archives royales d’Ébla, les autres États mésopotamiens, ceux du Centre et du Sud, ne nous
parlant pour ainsi dire pas de la grande ville du Moyen-Euphrate1. Les textes dits « pré-sargoniques »
retrouvés jusqu'ici sur le tell Hariri ne sont que des enregistrements administratifs peu loquaces et,
surtout, dont la datation n'est pas explicitement assurée2. Sa chute a pourtant dû certainement représenter
un événement de grande importance, sur lequel nous n’avons encore nulle information précise : il reste
toujours, ainsi, à découvrir quel a été l’auteur de sa conquête. La recherche moderne en a crédité des
monarques d’Agadé, Sargon voire Narâm-Sîn, son petit-fils. L’année portée sur un texte mésopotamien
qui mentionne la prise de Mari reste un libellé isolé ; l’auteur de la défaite subie par Mari n’y est pas
nommé et l'événement n’est attribué que pour des raisons indirectes, quoique sérieuses puisque la base en
est archivistique, à Sargon.
Le problème est, d’ailleurs, exactement le même en ce qui concerne l’autre ville la plus glorieuse
de la Syrie au IIIe millénaire : la ruine d’Ébla, qui a également dû faire sur les contemporains une
impression majeure, n’a pas plus laissé de traces dans la documentation cunéiforme3 et elle a été aussi

* Merci à Michaël Guichard qui a relu cet article en cours d'élaboration ainsi qu'à Grégory Chambon avec
qui j’ai pu discuter au moment de son séjour à la Freie Universität Berlin, puis à plusieurs reprises, des implications
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historiques de l’article de JCS 55, ainsi qu’à M. Bonecchi et J. Pasquali qui ont aimablement répondu à mes

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questions sur certains points techniques d’érudition éblaïte. D. Charpin en a assuré une dernière relecture pour
laquelle je le remercie vivement. Cet article avait fait l’objet d’une contribution au Colloque de l’ARCANE à
Bruxelles en décembre 2008, sans que l’exposé retienne beaucoup l'attention des assistants. Des photos numériques
du document avaient été transmises ultérieurement à certains des participants, ainsi qu’à Benjamin Foster avec qui
j’ai pu échanger une stimulante correspondance dont je lui suis très reconnaissant. J’ai eu l'avantage d’exposer les
premiers résultats de ces recherches à Paolo Matthiae et à Vanna Biga sur le site même de Tell Mardikh, de discuter
avec eux des implications de ce texte et de recevoir l'avis de collègues attentifs et particulièrement informés. La
responsabilité des vues exposées ici et leur expression n’incombent naturellement qu’à moi.
J'ai maintenu dans cet article l'appellation traditionnelle de « palais royal de Mari », quoique je me range
tout à fait à l'avis de D. Charpin d'y voir désormais le temple majeur de la ville. Le vrai « palais du chef de la ville »
se trouve ailleurs, là où sont toujours à découvrir les archives du IIIe millénaire et de l'époque des deux dynasties
shakkanakku et où se trouvaient peut-être les tombeaux royaux sous la soi-disant « salle du trône ».
1. Le fait néanmoins que Mari ait été mise au même niveau que l'Élam dans l'énumération des conquêtes de
Sargon montre le rang important qui lui était attribué.
2. Voir cependant, en dernier lieu, les remarques de D. Charpin, éditeur des textes pré-sargoniques de Mari,
« Mari et Ébla : des synchronismes confirmés », NABU 2005/01 et cf. ci-dessous, p. 127.
3. L'événement n'intéresse certes en rien le contenu d'un texte administratif, mais on pourrait espérer en
trouver mention dans un libellé de date, dont la logique est tout autre. On remarquera néanmoins que la prise de Mari
amorrite ne date pas obligatoirement les textes administratifs ou juridiques de l'an 33 de Hammu-rabi de Babylone ;
les scribes ont souvent préféré tenir compte d'un événement local, plus proche, à savoir le creusement d'un canal.
Sans doute en a-t-il été de même au IIIe millénaire : les contemporains n'ont peut-être pas été aussi sensibles qu'on
l'imagine aujourd'hui à des événements, somme toute, très lointains et peut-être mal appréciés dans leur importance
géo-politique.

Revue d’Assyriologie, volume CVI (2012), p. 117-132

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attribuée par la tradition ultérieure tant à Sargon qu’à Narâm-Sîn. Ébla est mentionnée par Sargon au
nombre de ses conquêtes dans ce qui nous est resté de ses inscriptions.
Le fait nouveau est que, suite aux recherches de Vanna Biga et d’Alfonso Archi 4, cet événement
majeur pour le discours historique actuel se voit aujourd’hui imputé à Mari. Ces auteurs ont établi en
effet l’existence d’une ultime guerre, que l’on devrait bien caractériser de fratricide, entre deux villes que
l’on voit en relations, amicales ou hostiles aussi, pendant plusieurs siècles, mais sans que jamais rien
d’irrémédiable pourtant ne se produise, l’avantage de l’une ou de l’autre n’aboutissant jamais qu’à un
profit d’ordre économique. Ébla, gagnant en assurance après une longue suite de victoires5, aurait ainsi
profité d’un affaiblissement de sa rivale pour l’attaquer6 avec une aide extérieure considérable7 pour ce
qui devait être une solution finale8. Les attaquants, même en s’y mettant à tous, n’avaient manifestement
pas les moyens militaires de l’emporter définitivement sur Mari9. Cette dernière s’en serait vengée en
menant trois ans après une offensive décisive à l’encontre d’Ébla10.

4. JCS 55, 2003, p. 1-44, « A Victory over Mari and the Fall of Ebla ». Cet article fondamental a été repris en
d’autres lieux par chacun de ces auteurs. Les conclusions auxquelles ils aboutissent font partie désormais du
consensus de la recherche sur le IIIe millénaire proche-oriental. Une lecture attentive montre néanmoins une
indéniable auto-persuasion du discours au fil de l'article. On opposera ainsi, JCS 55, p. 17b « …we find the delivery
of cloth for two girls of Mari (probably spoils of war) destined to serve the princess Kešdut… » à ibid. p. 27a : « Two
girls from Mari, chosen from among the prisoners, are destined for the princess's service… ».
5. Ibid, p. 12b-13a « In the first ten years Ibbi-zikir consolidated Ebla’s power over northern Syria, leading
numerous military campaigns.… An uninterrupted series of victories made Ebla confident of its own power. Twenty-
five years of sworn peace, maintained through the regular exchange of envoys and ceremonials gifts, had not
eliminated its rivalry with Mari. »
6. Ibid, p. 13a : « Mari had also been under pressure for years from the East by the threat represented by
Kiš… » Ce sont avant tout Haddu, Nagar et Kiš qui auraient aidé Ébla, mais même Aššur est impliqué dans l’affaire ;
cf. ibid, p. 18b et n. 54.
7. Ibid, p. 13a : « This event was preceded by careful diplomatic preparations while the army was being
equipped ». Ibid, p. 29a : « By forging an alliance with Nagar and Kiš in anticipation of the confrontation with Mari,
Ebla for a brief spell created a political system that embraced both northern Syria and the region of the Middle
Euphrates as well as northern Babylonia, a fact that is not reflected in any preserved Mesopotamian sources » (et
pour cause).
8. « A lethal war between the two cities », ibid, p. 15. On remarquera que la reconstitution des événements de
la guerre opérée dans JCS 55 ne se comprend bien que si les alliés sont passés par le Nord. Quoique l’article de JCS
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ne souligne pas ce point, il est inévitable de le supposer quand l’on constate les lieux où les conjurés se retrouvent :
ainsi, ibid., p. 16, « During the march on Tuttul Ibbi-zikir met with messengers from Kiš, including NIrišum, brother
of the king of Kiš », etc. Il est peu vraisemblable que Mari ait laissé passer sans les combattre des troupes hostiles qui
devaient rejoindre des armées d’Ébla qui arrivaient du nord.
9. Ibid., p. 16b : « Apparently minister Ibbi-zikir and his counselors were not confident about advancing
further [Terqa] and laying siege to Mari. »
Certains problèmes (pourtant majeurs) ne sont jamais abordés par ceux qui s'occupent du IIIe millénaire,
car si c'est là une époque prestigieuse pour la Recherche, elle reste en fait documentée par des textes qui sont plus
sollicités qu'explicites. D'où viendrait, ainsi, cette puissance prêtée universellement à Mari ? À lire les spécialistes
d'Ébla, le royaume de Mari est pourtant plutôt limité par le domaine de Nagar qui lui barrait alors la Haute-Djéziré
(cf. JCS 55, p. 11a : « Mari had to confront Nagar so as to prevent this city's influence from extending over the entire
area of the southern Ḫabur as far as the Euphrates ») et il ne semble guère dépasser Tuttul à son amont (JCS 55,
p. 10a : « The border between Ebla's and Mari's spheres of influence ran between Emar and Tuttul »). Les falaises
qui bordent le cours de l'Euphrate ne lui laissaient donc pas beaucoup de territoire et l'économie de ce dernier semble
se limiter au domaine agricole. En outre, c'est Mari qui serait le lien entre la Mésopotamie détentrice de la culture et
l'Ouest. En fait, au IIIe comme au IIe millénaires, les contacts Est-Ouest semblent se faire plutôt par la grande plaine
du Nord que par l'étroite et incommode vallée de l'Euphrate (contra, JCS 55, p. 13a : « Two routes linked northern
Syria with the eastern regions and the great centers of Babylonia. The northern route was controlled by Ebla as far as
the region of Nagar, while the southern one, which ran along the Euphrates down to Babylonia, required one to pass
through Mari » ; cette seconde route demande à être prouvée ; le contrôle de la première par Ébla également). Dans la
grande lettre d'Enna-Dagan ( = Hinna-Dagan), devenue ARET XIII 4, on ne constate que des victoires dans la vallée
de l'Euphrate jusqu'à Carkémish, mais rien à l'aval de Mari, ni sur le Balih, ou le Habur. Cela est-il dû uniquement
au fait que le roi de Mari ne passe en revue que ce qui pourrait impressionner Ébla, ou cela indique-t-il de façon
spécifique les lieux où s'exerce l'activité de Mari? Si l'on compare, en tout cas, ce que l'on ne fait que soupçonner
pour le milieu du IIIe millénaire avec ce que l'on constate de façon très précise au début du IIe millénaire pour le

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Dans le présent article, l'existence d'événements guerriers entre Ébla et Mari, fondement même
de l'article de JCS 55, n'est pas en soi remise en question, compte tenu du fait que les progrès de
l'éblaitologie semblent avoir établi pour certains idéogrammes un sens différent de ce que l'on pourrait
attendre d'expressions sumériennes normales. Cependant, les traducteurs de tels documents suppléent
tant au texte cunéiforme qu'on peut y voir, sinon un facteur d'erreur, au moins un soupçon d'insécurité.
C'est l'axiome latin timor hostium « la crainte qu'on a des ennemis » ou « celle qu'ils éprouvent ». Il est
(très) possible, d'autre part, que des recherches ultérieures (ou des techniques nouvelles d'investigation)
permettront d'établir de nouvelles séquences historiques et la constatation que plusieurs événements à
distribuer sur plusieurs années ont été considérés comme des étapes d'un seul et même fait.
Cela étant dit, indépendamment de la présentation de la nouvelle hypothèse de JCS 55, on doit
tenir compte de certains points importants.
(a) La prise de Mari par Sargon apparaît de plus en plus comme un consensus de la recherche.
Cela vient de ce que « l’année de la défaite11 (hul-a) de Mari » qui est mentionnée par un seul document
doit appartenir à l’époque de Sargon, du fait de sa situation archivale12 ; Sargon lui-même, d’ailleurs,
dans une inscription s’en attribue l’exploit.
(b) À cela s’oppose l’affirmation répétée du fouilleur de Mari que c’est à Narâm-Sîn qu’il faut
plutôt attribuer la destruction de Mari13, alors que le fouilleur d'Ébla pense plutôt à Sargon. De ces deux
affirmations qui viennent de gens qui ont une longue accoutumance à leurs chantiers, on gardera au
moins le souvenir qu'ils ne jugent pas les deux événements totalement rapprochés dans le temps, un fait
qu'il faudrait faire concorder avec l'évidence épigraphique.
(c) Il faut tenir compte en outre de ce qu'il n'y a pas, selon le fouilleur, d'indice d'un abandon
prolongé de Mari, donc que, pour lui, l'époque sargonique a succédé à Mari assez vite à l'époque pré-
sargonique, sinon immédiatement : Išgi-Mari serait ainsi le dernier roi indépendant de Mari et Narâm-Sîn
celui qui aurait pris Mari.
D'autres questions méritent d'être posées : une première, assez peu envisagée par des chercheurs
surtout préoccupés de chronologie mésopotamienne, résulte donc de la façon dont on envisage la chute de
Mari : comment rattacher la lignée des shakkanakku à cet événement ? Si Sargon en est l’auteur, les
shakkanakku doivent avoir été installés par lui ; dans le cas contraire, il faudrait y voir le fait de Narâm-
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royaume amorrite des Bords-de-l'Euphrate ainsi que pour le puissant royaume d'Alep qui lui est contemporain, à une
époque où les territoires controlés par Mari semblent bien plus considérables, on ne comprend pas sur quoi repose la
soi-disant primauté de Mari à l'époque du floruit d'Ébla, à moins de faire intervenir un supposé commerce
international qui a beaucoup d'aspects de deus ex machina.
10. Ibid. p. 35a : « The most likely scenario is, therefore, the following. Mari quickly recovered from its
defeat, despite the alliances Ebla had forged with Nagar and Kiš. Three years later, Mari managed to carry out a
successful attack on Ebla and the utter destruction wrought on the city was aimed at eliminating once and for all this
great rival. » En fait, Mari reste la seule possibilité une fois éliminés Nagar (« the regional state east of the Euphrates,
was never strong enough to confrount Ebla ») et Ibal (« [who] has never had much luck ») et toute autre puissance
(« Aucun centre en Syrie du Nord ne pouvait espérer vaincre Ébla »). À ce compte-là, aurait-on pensé que les Hittites
pouvaient mettre fin à la glorieuse première dynastie de Babylone ? On aurait plutôt soupçonné Aššur, l'Élam ou des
pillards venus du Sud de la Mésopotamie.
11. Cette expression est souvent traduite « a été détruit(e) » ; c'est un argument pour expliquer les grandes
destructions constatées lors des fouilles des niveaux de Mari correspondant à l'époque sargonique, mais il ne semble
pas que le verbe hul note obligatoirement une « destruction » dans un libellé de date en sumérien.
12. Cf. JCS 55, p. 34a ; « A year name, which we can now attribute with certainty to Sargon, says that Mari
was destroyed or defeated : mu ma-ríki ḫul-a … It should also be added that no document from the time of Naram-Sin
mentions any conquest of Mari. The inscription that narrates the expedition of this king against Armanu and Ebla
takes it for granted that Mari was already in his possession. The brutal destruction of Mari was the work of someone
who wanted to annihilate his ennemy entirely, and not someone aiming to draw the city into his own political sphere.
Such behaviour fits Sargon perfectly. Naram-Sin’s policy, instead, was the opposite, favouring reconstruction of the
centers under his control… »
13. J. Margueron, Mari, métropole de l'Euphrate, 2004, p. 310-311.

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Sîn. Un point essentiel à envisager est donc désormais de savoir si, à Mari, il faudrait ou non supposer un
hiatus entre l'époque contemporaine d'Ébla et l'occupation d'Agadé.
Une autre question me semble, d'autre part, ne pas devoir être esquivée : la question de la
destruction d'Ébla par Mari n'est en fait qu'une hypothèse (« The most likely scenario is, therefore, … »
écrivent les auteurs de l'article de JCS), ce qui se trouve être devenu un fait chez ceux qui s'occupent de
la chronologie de cette période. J'avoue ne pas comprendre pourquoi les troupes d'Ébla victorieuses
s'arrêtent dans leur marche triomphante à Terqa sans pousser jusqu'à Mari14, ni surtout comment on peut
imaginer que trois ans après sa défaite cette dernière ait été capable de pousser jusqu'à Ébla, de la
détruire, pour être, elle-même, détruite par les forces de Sargon.
En fait l'historien moderne n'envisage que ce qui est à sa disposition car s'il imagine, il sort du
cadre de ce qu'il peut légitimer scientifiquement, mais beaucoup de choses qui dépassent ce dont il
dispose ont pu entrer en jeu. Ainsi, Ébla a pu s'épuiser dans l'expédition contre Mari ce qui a pu donner
l'occasion d'intervenir à un tiers larron tandis que sa rivale également affaiblie passait sous le joug d'un
autre protagoniste. La multiplicité de tous ces scenarii possibles (on n'en ajoutera pas gratuitement)
montre en tout cas qu'il n'y a pas qu'une seule solution à envisager désormais pour la disparition de ces
deux centres majeurs à partir de la reconstruction de cette guerre entre les deux grandes puissances
syriennes, d'autant plus que l'expédition est reconstruite médiatement à partir de textes administratifs qui
risquent d'être un jour agencés (voire compris) différemment15.

1. L’ÉTAT DE LA QUESTION

Deux choses semblent être désormais raisonnablement sûres :


(a) puisque Hidâr16 est mentionné à Ébla et pas Išgi-Mari, il faut penser qu’Ébla a succombé au
moins pendant le règne de Hidâr, quelle qu’en soit la cause (ou l’auteur) ;
(b) Išgi-Mari est postérieur à la chute d’Ébla ; cela explique que ce roi ne soit pas mentionné
dans les archives d’Ébla.
Sargon dit avoir conquis Ébla et Mari17, et il n'est pas prudent de mettre en cause ce que l'on
trouve dans une inscription explicite.
Le sort de la grande ville de Syrie nord-occidentale n’a pas pu ne pas affecter la grande ville du
Moyen-Euphrate, laquelle pourtant semble lui survivre pendant au moins un règne et demi.
La proposition Archi-Biga, en attribuant à Mari la destruction d’Ébla change complètement les
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données du problème : on ne peut plus penser que Sargon, après avoir triomphé de Mari, a poussé plus au
Nord car il aurait étendu ses conquêtes sur un territoire désormais ruiné, celui de son ancienne alliée,
Ébla.
Le nouveau scénario n’explique donc pas toute l’histoire : Ébla semble entrer, jusqu’à la IIIe
dynastie d’Ur, dans une phase d’éclipse plus ou moins totale, laquelle tient sans doute surtout à
l'ignorance de ce qui s'y fait. À Mari, au contraire, l’histoire se poursuit avec l’instauration de la dynastie
des shakkanakku, dont nous ne savons absolument rien des faits et gestes et que nous ignorerions
d'ailleurs totalement si nous n'avions pas une liste qui nous les énumère. La ville sur laquelle ils ont
régné a été très prospère, à en juger d’après les observations des fouilleurs. Le silence des sources
mésopotamiennes la concernant (tout comme Ébla d'ailleurs) n'en est que plus frappant. Il faut supposer
que cette grande Mari šakkanakku a été plus intéressée par avoir des rapports avec le Nord et l'Ouest
qu'avec le monde akkado-sumérien.

14. Cf. JCS 55, p. 16b.


15. Ainsi JCS 55, p. 43, la n. 107 envisage-t-elle la difficulté de comprendre que le roi de Mari aurait été fait
prisonnier.
16. Je maintiens, jusqu’à preuve du contraire, la lecture traditonnelle Hidâr ; plusieurs chercheurs parlent
désormais de Ṭâb-Da'ar.
17. Cf. RIME 2, p. 12: 86-93: « Mari et l'Élam se tinrent devant Sargon, seigneur du Pays » = ibid.,
p. 15 : 92-99. Pour Ébla, cf. ci-dessous.

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En tout cas, une question importante se pose à quelqu’un qui voit les événements « depuis
Mari » : comment relier la liste des shakkanakku, et tout particulièrement le premier d’entre eux,
« Ididiš », aux derniers rois présargoniques de Mari ?
Une réponse se trouverait dans ce que dit Archi, JCS 55, p. 34b : « J.-M. Durand gave Ididiš an
early chronological position since he reconstructed the list of the shakkanakku on the basis not only of the
synchronism Apil-kîn - Ur-Namma, but also on that between Puzur-Eštar and the kings of Ur III. »
En fait, pace A. Archi et celui dont il reprend les arguments, J. Margueron, le synchronisme
d’Apil-kîn (tablette A) avec Ur-Namma scelle la discussion pour les plus anciens shakkanakku. Ou bien
on l'accepte, ou bien on le refuse, mais c'est là que se situe un point crucial pour la chronologie, à savoir
de quand dater l'instauration du premier shakkanakku. Dès lors, il est loisible de constater que, compte
tenu de ce que l'on dit des durées de règne des empereurs d'Agadé et des années attribuées aux
shakkanakku par la liste, la date de sa nomination excède la prise du pouvoir par Narâm-Sîn18.
La situation de Puzur-Eštar, en revanche, dans la succession des shakkanakku est d’une sorte
différente et n’a aucune importance pour la datation des plus anciens d’entre eux, alors que sa date
dépend de celle accordée à ses successeurs. Je suis effectivement tout à fait sensible aux critiques
adressées à l'égard de ma première reconstruction historique par les historiens de l’art qui considèrent
que les empreintes de sceaux de certains skakkanakku indiquent plutôt le début du IIe millénaire19 ; c’est
en fonction d’elles que la place de Puzur-Eštar (tablette B) doit désormais être fixée. J’en ai d’ailleurs
tenu compte dans une nouvelle synthèse sur les shakkanakku proposée s. n. dans le Real Lexicon20 en
postulant que les séquences des tablettes (A) et (B) ne représentaient pas une seule et même liste, mais
constituaient en fait deux exemplaires dont le propos était d’énumérer ce qui m’apparaît désormais
comme deux dynasties distinctes que j’appellerais « les shakkanakku akkadiens » et les « shakkanakku
amorrites », ces derniers étant sans doute apparentés aux princes d’Isin. Les deux tablettes (A) et (B)
n’appartiennent d'ailleurs pas au même moment, à en juger par leur situation archéologique ou leur
paléographie21.
À la différence de mon article de 1985, c'est donc entre les deux listes (A) et (B), qu'il faut
supposer un hiatus dont la durée, jusqu'à la découverte d'une nouvelle source, reste difficile à préciser.
La seconde liste, (B), représente en fait les dynastes de Mari antérieurs à l'arrivée des Bédouins mâr
sim'al. Lorsqu’en 1985, il y a maintenant un quart de siècle, faut-il dire, j’ai publié immédiatement après
leur découverte les deux listes que j’avais identifiées, il ne serait venu à l’esprit de personne, ni de moi-
même, ni non plus des archéologues de Mari que j’avais d'ailleurs consultés à ce propos, de les
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considérer comme des documents à séparer. Les shakkanakku étaient enfin redécouverts. Y introduire
une telle division était prématuré et aurait paru non motivé. La dynastie bédouine était, d'autre part, à
l'époque une réalité que l'on commençait à deviner mais qui était encore bien difficile à apprécier.
Il fallait donc laisser du temps au temps, comme on dit.

2. LA SITUATION DU SHAKKANAKKU « IDIDIŠ »

Deux textes nouveaux permettent désormais de postuler que le premier des shakkanakku,
« Ididiš », est en fait à comprendre comme une forme (récente) de « Idida » (ancien) et qu'il s’agit d'un
contemporain de Sargon d’Agadé.

18. JCS 55, p. 35b-36a : « There is, therefore, no reason to place Ididiš in the period preceding Naram-Sin.
He could have been the founder of the local dynasty recognised by Naram-Sin…»
19. Cf. A. Otto, « Šakkanakku B. Archäologisch », RlA 11, 2008, p. 563-565.
20. Cf. « Šakkanakku B. Archäologisch », RlA 11, 2008, p. 560-563, ainsi que la présentation de cette
documentation dans l'introduction de FM XIII, Textes de Mari antérieurs à la « babylonisation » (en cours de
publication).
21. Cf. l’introduction de FM XIII.

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a) Un sceau publié par D. Beyer et une relecture


« Ididiš » m’a, tout de suite, paru constituer un NP impossible à situer linguistiquement ; il pourrait
désormais être analysé Ididi + IŠ, quelle que soit l’explication à donner à ce IŠ ; peut-être s'agit-il
simplement d'un titre (« kuš₇ »?; cf. ci-dessous), qui a été compris par le rédacteur de la liste comme
faisant partie du NP. Le « kuš₇ » (ou la prononciation qu'on voudra donner à IŠ) représente le kizûm qui
entretenait un rapport étroit avec le héros, analogue à son rakbum (cocher) dans d'autres textes ; la place
importante de ce kizûm est montrée par plusieurs exemples dont les plus explicites restent ceux où on le
voit aider au Ier millénaire des rois comme Nabû-bêl-šumâti et Ummanigaš d'Elam à se suicider. Peut-
être la fonction première de cet Ididi était-elle d'être le kizûm de Sargon.
Ce serait donc son kizûm que Sargon aurait installé comme chef de Mari après sa conquête. Au
II millénaire, on sait que Yahdun-Lîm a installé comme haziannum22 à Talhayum son échanson, Yakûn-
e

Mêr23.
J’ai donc proposé dans NABU 2008/1824 que le sceau publié par D. Beyer dans Akh Purattim 125
soit à lire i-dì-da, non i-dì-ašₓ-tár! comme dans la publication de D. Beyer. Ce sceau cylindre dont
l'iconographie correspond à celle d'Išgi-Mari, remontant donc à une haute époque, celle du prince qui est
tenu pour avoir été le dernier roi présargonique de Mari, présenterait un libellé à lire en remontant, non en
descendant. Le sceau appartiendrait en fait à son fils, un shakkanakku de Mari appelé Šu-BU-gán, ce que
la liste retrouvée pour les shakkanakku les plus anciens orthographie « Šû-Dagan », soit le deuxième
shakkanakku, fils d'Ididi. Assurément cette écriture « BU-gán » pour Dagan est sans parallèle mais il est
possible que « Dagan » soit l'interprétation moderniste d'une graphie ancienne ou que l'on ait affaire à
une graphie BUgán où BU symbolisait le dieu Dagan26.

b) Un récit de combats autour de Mari


Cette proposition permet en outre d'interpréter un texte inédit dont nous avions jusqu'ici réservé
la publication, D. Charpin et moi-même, quoiqu’il ait été trouvé dans les fouilles de 1987, parce qu’il
nous paraissait être un texte littéraire archaïque, non situable et difficile à comprendre ; en tout cas,
n’appartenant certainement pas aux textes de Mari contemporains d’Ébla dont D. Charpin assurait alors
l’édition.

TH.87-107
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i ì-dì-da / ⸢urdu2⸣
[š]ar-ru-gi
2 [’a₄ ma-r]íki
[ù ter]-qáki
[……]
(…)
[NP ( ?)] ⸢lú⸣
2’ [ma-rí]ki

22. Pour le hazzianum, non pas un « maire », mais le représentant du suzerain auprès d’un roi vassal, voir la
contribution de L. Marti, « Le ḫazannu à Mari et sur le Moyen-Euphrate », City Administration in the Ancient Near
east, 53e RAI de Moscou, 2010, III, p. 153-170.
23. Cf. ARMT XIII 143 (= LAPO 16 303) : 6-7, corrigé par NABU 1987/12.
24. Y était annoncé un article à paraître dans les Actes d'une table ronde tenue en décembre 2007, mais
l'essentiel a été repris dans la présentation historique de FM XIII, dévolu aux documents antérieurs à la
babylonisation (shakkanakku).
25. Ibid. p. 233, fig. 19 et 21-23.
26. Je préfère cette explication – qui nécessite à vrai dire d'attendre un nouvel exemple prouvant que BU =
Dagan – à la supposition d'un nouveau shakkanakku que la liste ne mentionnerait pas.

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2012] SARGON A-T-IL DÉTRUIT LA VILLE DE MARI ? 123

[ì ma-r]íki
[la ú]-ṣí?
ii ù la i-kì-/ir
2 u4 ma-tu-um
šu é ìl ha-labx(LAM)
4 a-⸢na⸣ lú
m[a]-ríki
6 [ti-]-iṣ-ba?-ú
[…………]-x
(…)
[šar-ru]-ì-lí
2’ ’a₄ lú?
ù ’a₄ ma-ríki
4’ ù ’a₄ šu é / ìl ha-labx(LAM)
Tr. i-tar°-ma
Rev. iii ù sa-ap-⸢li⸣
ma-ríki
i-lí-ik-ma
2 I ṣíl-nu-nu ugula nu-banda₃
I a-ha-ar-ši ugula nu-banda₃
4 [I] ù-ma-an gal kal[am]
[…]
(...)
[o ]-x-iš
2’ šar-ru-ì-lí
i-up-su-nu
4’ ma-ríki
la i-da
iv (Anépigraphe.)

Ididaa), serviteur de Sargon, marcha contre Mari et Terqa.


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(…)
[Hidâr ( ?)b)], « homme » de [Mari], de Mari ne sortit pas et ne combattit pasc) ; alorsd), le pays,
ceux de la Maison du dieu d’Alepe) pour « l'homme » de Mari livrèrent combatf).
(…)
Šarru-ilî, aux nobles, au (peuple de) Mari et aux (gens) de la Maison du dieu d’Alepg), revint et
alla en aval de Mari.
Ṣilla-Nunu, le chef nu.bandah) et Aharši, le chef nu.bandai), Umânj), le « grand du pays », …
(…)
Šarru-ilî s’opposa à euxk) comme à des… , sans que Mari le sût.

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[RA 106
JEAN-MARIE DURAND
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2012] SARGON A-T-IL DÉTRUIT LA VILLE DE MARI ? 125

a) Pour Idida, cf. ci-dessus ; une lecture i-dì-da/-⸢ar⸣ qui entraînerait une lecture i-dì-dar sur le
sceau de Mari aurait pour elle que l’on attend dans le premier cartouche de TH.87-107 un texte complet
et que le dernier signe, s’il représente un titre, devrait, en bonne logique prendre un cartouche complet,
ou être au début de la l. suivante. Cette lecture a cependant contre elle le fait que TH.87-107 comporte un
signe AR et que ce dernier ne correspond nullement à ce que présente la tablette sur sa l. 1. Ce qui reste
du signe est excellent pour un IR₁₁.
Ce signe ir₁₁ (urdu2) permute, en revanche, avec le IŠ de la liste shakkanakku .
Pour ce qui est d’Ididi, je remercie B. Foster qui m’a transmis les remarques suivantes qui vont
plus loin que les miennes, concernant la place d’un Ididi dans les archives akkadiennes :
7-xii 2008 : Could Ididiš/Idida be related to the more common, but fairly rare, Sargonic name
Ititi ? Landsberger noted that the name type is widespread in sargonic period but not later, see Or 51
[1982], 302, for literature) - he was right but Ititi is quite restricted. It does not occur at Susa, the Himrin
Valley, or Adab, but there are a few cases at Kish and Gasur and the one case in Manistusu Obelisk. The
one case at Lagash is clearly Akkadian as it occurs with a very Akkadian name Kašid-Ilaba (ITT II
2926). Ititi at Gasur in one case is a man from Hamazi ; once at Tuttub (18 :23), and in MAD 5 9 ii 20
(Kish, with reference to Gutium) ; the Ititi of MAD 5 iv 17 is surely the same man as MAD 5 36 i 9.
More interesting, perhaps, Ititi occurs in two school( ?) texts, MAD 5 38 [restoration] and, I would think
ITT II 2926, so, although rare, it was used in school exercises (the most suggestive and interesting aspect
of this inquiry, as it suggests that this was a famous name and could get corrupted in dictation as it was
rare, like Zizi of the song). If he was a famous akkadian, he could well have been a general of Sargon and
the father of the man in the Manistusu Obelisk, as I wrote about before, and maybe military governor of
Mari.
15-xii 2008 : More on Ititi. It is tempting to associate him with the highly placed person listed in
the Manistusu Obelisk A xv 9, father of a certain Nabium, haling from a mysterious place Damigi in
Dannirishtim… In Fs. Cagni, I wrote an article in which I argued that the 49 Akkadians in the Obelisk
were second-generation worthies, including members of the royal family, high military officers, and other
dignitaries of the second akkadian generation (though there is one chap who loyally took the name
Sharrukin-ili). That would place the Ititi who is the father of Nabium there as a highly-placed
contemporary of Sargon.
b) On pourrait restaurer ici le nom du roi de Mari, au moment de l’attaque de Sargon, d’après la
reconstruction de V. Biga et A. Archi, JCS 55, 2003, p. 8 : « Documents… demonstrate that HI-da’ar was
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the Mari king who suffered defeat at the hands of Ebla, and then lived to witness the final destruction of
the city… HI-da’ar is already present in documents from the time of Nizi. »
Il est possible, néanmoins, qu’il s’agisse d’une autre personnalité, car nous ne savons pas qui
était effectivement sur le trône de Mari lorsque les forces akkadiennes sont arrivées sous les murs de la
ville.
c) J’avais d’abord pensé à egêrum « tendre un traquenard à l’ennemi », cf. à la forme
fréquentative (I/3) la lettre de Mari, I 5 ; mais GI a aussi une valeur /kì/ et le verbe nakârum (i) convient
mieux.
d) Faut-il comprendre u₄ = ûmam, ou ûmi-šu « alors » ou comme la forme ûm, « le jour où » ?
J’avais pensé d’abord à erin₂, mais une expression comme ṣâbum mâtum est sans doute plus de la langue
de Mari amorrite que d’expression ancienne.
e) La « maison du dieu d’Alep » est mentionnée une fois dans un texte édité par D. Charpin,
MARI 5 (cf. ibid. p. 99, s. n. dil-ha-lam) 6 i : 4 0,0.1.5 qa dabin, aš-tár, in 3 u₄, é dil ha-LAM ; on retrouve
la divinité ibid., 20 i : 6. où le théonyme est isolé, mais mentionné après dlugal ter₁₄-qá. Le premier texte
est daté de l’an 6 et le second de l’an 4.
f) J’ai restauré ici un pluriel en ti-, selon les normes du dialecte shakkanakku.
g) Le syntagme šu é ìl ha-labₓ est isolé à ii 3, il n’est donc pas possible de lire ni-šu en ii 4’ (à
Ébla na-se₁₁) et de corriger les NI de ii 2’, 3’ en ni-<šu>. Aussi est-il proposé de lire NI ’a₄ et de
l’interpréter comme une forme par sandhi de ana. Un tel emploi de ’a₄ est courant dans la langue d’Ébla
(cf. M. Krebernik, ZA 72, 1982, p. 198, /aₓ/), quoique notre texte semble écrire aussi ana, ce qui peut être

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126 JEAN-MARIE DURAND [RA 106

une marque de modernisme. Pour Mari présargonique, on se réfèrera à ’a₄-na, be-lí-šu à la fin de
l’inscription de « Tagge » (FAOS 8, p. 19). On trouve aussi, selon une indication de M. Guichard, cette
alternance dans l'Épopée de Zimrî-Lîm.
h) nu-banda₃ est un titre donné apparemment au Kronprinz de Mari à l’époque des shakkanakku
récents (cf. dans D. Beyer, MARI 4, p. 177 sq. le fait que (H)itlal-Erra, un shakkanakku de Mari soit sur le
sceau de ses serviteurs, désigné comme nu-banda₃) ; les 2 ugula nu-banda₃ mentionnés ici étaient donc de
très hauts personnages et de plus, apparemment, de rang supérieur au gal-kalam « le grand du pays ». Or,
on connaît par les textes d’Ébla un Aham-arši, fils de Hidar, dont le NP semble cependant celui d’un
puîné. Ṣilla-Nunu pouvait donc être le fils aîné de Hidar.
Pour gal-kalam, cf. Behrens & Steible FAOS 6, p. 126. Le gal kalam (lu aussi gal ukù) est traduit
par « général » ; si laputtûm au sens de « officier » est bien connu, le titre « ugula nu-banda, as a genitive,
occurs in sargonic administrative documents, such as Pomponio et al, Roma, 1-48 rev of ITT I 1449 ii 8 »
(Ref. B. Foster).
À Mari présargonique, on ne connaît semble-t-il que a-na-da-rím ugula kalam, MP 2 : 2 ; cf.
FAOS 8, p. 31a, avec la traduction « Landvogt ».
i) Peut-être faut-il retrouver là le NP ummānum enregistré dans MAD 3, p. 45.
j) Tout comme à l’époque d’Akkad, après le verbe on emploie ici -sunu, pas -šunûti ;
k) L’expression verbale i’’UB est ici certainement un verbe actif puisqu’il est suivi d’un
accusatif ; un parallèle serait la forme ut-ta-’i-pu de LKA 64 627 où la forme II (emphatique ?) semble
être au parfait (CAD y verrait une forme de da’âpu). Si ce rapprochement est possible, il faudrait poser un
na’âp/bu B « abattre » autre que le seul na’âpu A « dessécher » qu’enregistre le CAD N/1, p. 7a. Le texte
de LKA 64 signifierait ut-ta-’i-pu kal malikī = « affrontèrent tous les princes». Dans i’’up le N- serait
assimilé à l’aleph médian : cf. peut-être l’arabe na‘afa III « intercepter à quelqu’un le passage en arrivant
d’un autre côté et en cherchant ainsi à le devancer », d’où « susciter des obstacles à quelqu’un »,
Kazimirsky, DAF p. 1295. Les emplois militaires de ce verbe conviendraient bien en l’occurrence, mais
dériveraient d’un sens de base qui serait « profiter d’une dénivellation (naf‘u) contre un ennemi ».
Ce texte se présente manifestement non pas comme un texte historique, composition officielle,
ni comme un modèle d’inscription, mais comme un exercice scolaire, voire une production de la
scribature mariote. Je n'ai pas les moyens pour l'heure de dire s’il s’agit d’une pièce unique ou d'un
extrait d’une œuvre de plus grande envergure. On est frappé par des emplois archaïsants (’a4) à côté de
modernismes (ana) ; par le recours à des emplois idéogrammatiques (gal kalam) ou encore
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morphologiques (-šunu, postverbal) archaïques et inusités à l’époque récente. L’expression « Il-Halab »,
surtout écrite au moyen du signe LAM avec la valeur /labx/, semble, en tout cas, un héritage direct de
l’époque présargonique. L’expression verbale i-UB-ma, de même, peut renvoyer à un verbe tombé en
désuétude à une époque plus récente. L’écriture est nettement plus archaïsante que celle d’un texte
shakkanakku récent, mais certainement pas celle de l'époque contemporaine d'Ébla, quoique la forme
ronde de la tablette ne corresponde pas à celles des autres textes littéraires « pré-babylonisation » de
Mari28 et fasse penser aux tablettes d'exercice. On remarque néanmoins que l'écriture n'est pas disposée
de la même façon que sur une tablette dite shakkanakku normale, laquelle continue à enregistrer les
signes dans un cartouche, disposition qui remonte à celle des tablettes présargoniques d'Ébla. Tout
indique une composition assez récente à partir d'un original bien plus ancien.
Ce texte a néanmoins de façon indéniable une saveur historique. Il devrait sans doute être
considéré au même titre qu’un texte comme « la révolte contre Narâm-Sîn », retrouvé également à
Mari29. Sans doute appartient-il, lui-aussi30, à un corpus qui avait affaire à la geste des rois défunts et que,

27. L. 6 : ul-me-e murub₄-šú man ba-a-a-ri ut-ta-'i-pu kàl ma-li-ki = «Ses armes belliqueuses, à lui le roi
chasseur, affrontèrent l’ensemble des princes». Le texte ne semble, cependant, pas bien assuré.
28. Un texte de la sorte semble constituer une série d'incantations écrites en graphies nettement shakkanakku.
29. Cf. son édition par D. Charpin, FM 3, p. 9 sq.
30. Cf. J.-M. Durand et M. Guichard, FM 3, p. 43.

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2012] SARGON A-T-IL DÉTRUIT LA VILLE DE MARI ? 127

faute de mieux, nous considérons comme des légendes des rois d’Agadé. Il est possible que nous ayons là
un fragment de ce qui constituait le « corpus du kispum », recueillant les textes récités, ou mimés, au
moment du culte aux Ancêtres défunts et, à partir desquels, éventuellement, les listes dynastiques des
shakkanakku ont pu être rédigées.

3. NOUVELLES PROPOSITIONS POUR LA FIN DE L’HISTOIRE DE MARI

Le texte le plus explicite pour la prise de Mari par Sargon se trouve dans RIME 2, p. 28 : 17 sq.
= ibid. p. 30-31 : l. 6'-21'. « Sargon, le roi, à Tuttul, s'est prosterné en prières devant Dagan. Il [= le dieu]
lui a donné le pays d'amont, (et) Mari, Yarmuti, Ébla, jusqu'à la forêt des Cèdres avec le Mont blanc ».
Dans ce texte, le royaume d'Ébla est donc borné par la forêt des Cêdres du Liban ( « the Silver
Mountains31 ») mais le mâtum elîtum semble désigner la région de Tuttul à Emar (ou Carkémish?),
certainement pas l'ensemble géographique constitué par Mari + Yarmuti + Ébla. Mari est à l'accusatif,
comme Yarmutium (cf. ibid. p. 30 : 17': ià-ar-mu-ti-a-am) ; ces deux toponymes dépendent donc de i-dì-
súm₆ (= mu-na-sum). Mari aurait donc été la première prise importante après Tuttul. De fait, entré à
Tuttul, Sargon était de facto en guerre avec Mari qui possédait cette cité. Ce n'est qu'une fois maître de
Mari que le compte d'Ébla et de son royaume aurait été réglé. Ce que je propose (cf. l'introduction
historique à FM XIII) c'est que, vainqueur de Mari, Sargon lui a imposé une tutelle 32 qui s'est
caractérisée par l'installation de shakkanakku aux côtés de ses rois dont le premier fut Išgi-Mari et le
dernier, apparemment, le mythique Migir-Dagan. Cela explique que l'on ait trouvé des sceaux de rois de
Mari apparemment inconnus à Ébla : ils ont dû être ceux qui ont exercé le pouvoir en concomittance avec
les shakkanakku akkadiens.
D. Charpin a attiré l'attention sur deux séries de textes pré-sargoniques de Mari dont il a assuré
l'édition. Il dissocie les textes trouvés dans le « palais » de Mari qui représenteraient les 10 années d'Išgi-
Mari, immédiatement antérieur à la destruction de la ville, et ceux, d'une bien plus grande ampleur,
retrouvés au Chantier B et qui seraient à attribuer à Hidâr. Cette proposition de datation me paraît tout à
fait devoir être retenue, à ceci près que le Chantier B pourrait représenter le niveau mariote qui a été
détruit lors de la fin du règne de Hidâr, laquelle a dû être très troublée, alors que, comme on peut s'y
attendre, la zone plus centrale du « palais » a continué à être occupé pendant les dix ans d'Išqi-Mari, qui

31. Il s'agit d'une expression toute faite qui se retrouve dans des textes sumériens avec le sens de «montagne
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brillante » (cf. OBO 239, v. 42, 54, 85, obligeamment indiqué par M. Guichard). C'est ce qui peut expliquer que dans
RGTC 1, p. 140, D. O. Edzard a douté d'ailleurs que ce fût un vrai nom géographique. Dans les textes littéraires
sumérien il s'agit d'une « montagne brillante » à laquelle on compare une structure construite par des hommes. Ces
« montagnes d'argent » sont généralement considérées comme le Taurus, mais je voudrais rappeler que le Liban a de
tout temps été dénommé « le Mont Blanc » (racine LBN = « être blanc »). La désignation a été la même pour le mont
anatolien Argée qui a un nom identique en hittite. L'expression ferait allusion à l'aspect brillant du sommet enneigé.
Maintenant que l'on sait où se trouve Ébla et ce que représentait son royaume, le Liban est sans doute un meilleur
candidat que le Taurus.
32. Cette explication est tout à fait analogue à ce que propose J. Margueron, Mari, métropole de l'Euphrate,
2004, p. 311 : « d'une façon ou d'une autre, Mari se soumet et est épargnée… On peut raisonnablement supposer
que, si le roi s'est soumis, il a été laissé en place après avoir fait allégeance et payé tribut…» Nous sommes arrivés à
la même conclusion par des chemins tout à fait différents. Cependant, nous différons du fait que je suppose que
Hidâr, dernier roi indépendant de Mari, d'une façon ou d'une autre, a été évincé au profit de gens comme Išgi-Mari
qui a eu à côté de lui des shakkanakku, et que Sargon est passé par le Nord pour attaquer Tuttul et marcher ensuite
sur Mari. Rien ne dit d'ailleurs qu'Išgi-Mari soit le fils de Hidar.
La question de savoir qui a bien pu être assez cruel pour faire flamber Mari amène, tant que l'auteur s'en
tient à de simples suppositions, à des affirmations contrastées. Ainsi A. Archi dit-il (JCS 55, p. 34a) : « The brutal
destruction of Mari was the work of someone who wanted to annihilate his enemy entirely, and not someone aiming
to draw the city into his own political sphere. Such behavior fits Sargon perfectly. Naram-Sin's policy, instead, was
the opposite, favouring reconstruction of the centers under his control…, tying local authorities to himself, etc. »
alors que J. Margueron proclame l'exact contraire : Mari…, p. 310b: « …pour passer le verrou de Mari [i.-e. Sargon ;
il arrive en fait par le Nord], il lui suffisait d'exercer une sorte de protectorat et il a très bien pu se contenter
d'imposer un tribut, comme cela se faisait alors…, et un droit de passage pour ses troupes. Naram-Sin, au contraire,
dont on connaît la réputation de dureté [sic], a pu dans son opération de reprise en main avoir décidé de sévir contre
Mari si cette ville avait pris position contre Agadé… ». On aimerait connaître aussi bien la psychologie de ces rois.

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128 JEAN-MARIE DURAND [RA 106

appartiennent peut-être à sa dernière période, celle d'avant la grande rébellion contre Narâm-Sîn. Rien
n'indique par ailleurs qu'Išqi-Mari succède directement, ni sans problème à Hidâr33. Que ses textes aient
été retrouvés dans la zone de destruction pré-sargonique n'est pas en soi étonnant s'il a été un de ces rois
de Mari sous la tutelle des deux premiers shakkanakku. Rien, d'ailleurs, n'indique qu'il a succédé
directement à Hidâr et qu'il n'y ait pas eu un laps de temps (non appréciable) entre eux deux.

a) Deux informations essentielles se dégagent de ce texte


— la première tient, bien sûr, à la mention d’un rapport direct entre Idida et Sargon : si Idida et
Ididi(š) doivent bien être ramenés à la même personne, le titre de šagin (shakkanakku) que portait le
second fait bien référence au fait qu’il tenait son pouvoir au nom de Sargon34.
— la seconde tient à la mention des « gens de la maison de Il-Halab » qui, apparemment sont du
côté des Mariotes ; l’information est bien plus insolite. On connaît la présence à Mari de ces gens du
« Dieu d’Alep » depuis la publication par D. Charpin des textes archaïques de Mari ; la réalité ne semble
pourtant pas se retrouver dans les textes d’Ébla. Si l’on était à une époque plus récente, la chose serait
moins étonnante, car Bêl mâtim représente à Mari Addu d’Alep35 et c’est là le prodrome de l’appellation
ultérieure du dieu Addu qui devient Ba’al, le « Maître », l'épithète occultant le nom.
Cependant à cette haute époque, la division en États souverains, complémentaires mais distincts,
permet moins de comprendre ce que « le dieu d’Alep » fait à Mari.
Cette « maison du dieu d’Alep » rappelle de très près la désignation de la puissance politique
d’Ešnunna comme la « maison de Tišpak »36 et cela conduirait à identifier la « maison du dieu d’Alep »
avec des forces d’Ébla, maintenant que l’on sait qu’Alep était sous la domination politique d’Ébla, à
condition, cependant, que par « Alep » on comprenne désormais la métropole religieuse du royaume
d’Ébla37.

33. Le fait que l'iconographie de son sceau puisse évoquer la prise d'Ébla est une belle idée, mais totalement
gratuite. Cf. JCS 55, p. 35 : « The two seals of Išgi-Mari, which celebrate in three registers and great detail a great
victory achieved by (sic) this king, employ an iconography shared, in certain elements by the Royal Standard of Ur
and the stela of Eannatum. This could refer to the victory over Ebla. »
34. Il y aurait des shakkanakku à Mari dès l'époque des rois selon JCS 55, p. 34b, n. 34, grâce à un sceau du
šakkanakku « Idin-Dagan » sur une bulle avec le sceau d'Ikûn-Išar. Pour cet objet, on consultera désormais D. Beyer,
Akh Purattim I, p. 253-256, où la situation est plus compliquée: « Idin-Dagan » est en fait devenu Iddin-Eštar (celui
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que je propose de lire Idida) et Ikun-Išar n'est plus en fait qu'I-ku-[…]. On pourra donc mettre en réserve ces propos
de D. Beyer: « On constate ici l'apparition du titre qui a donné son nom à la période des Shakkanakku. Il peut paraître
anachronique, il est cependant attesté dès le protodynastique dans les listes lexicales vers le haut de la hiérarchie, par
exemple dans ED Lu E (MSL XII 17), etc. Il représenterait donc à Mari, dès avant Akkad [sic!], une haute fonction,
de jure ou de facto [?] transmissible dans la même famille [?]. Dans le contexte chronologique dans lequel nous
sommes, il convient de considérer que ce sceau, retrouvé dans le même contexte stratigraphique que les sceaux
d'Ishqi-Mari, appartenait à un très haut fonctionnaire de la cour de Mari d'avant la conquête akkadienne…etc. »
Cela est la preuve qu'il ne faut pas citer un document, sur confidences et avant sa publication définitive.
35. Cf. J.-M. Durand OLA 162/1, p. 673.
36. Pour ce fait, cf. p. ex. ARMT XXVI 37 : 6.
37. Par « dieu d’Alep », il s’agit évidemment d’une figure d’Addu. Or un texte comme ARET XIII 19 montre
un pacte international être juré « devant le dieu KU-ra et le dieu Addu (Hadda) » : obv. 11-rev. i 11 : wa nam-ku5
GIŠ-surₓ, gaba dKU-ra, wa, gaba, d’à-da, an-gál = « e il giuramento del patto sta davanti a KUra e davanti a Hadda »
(p. 193). Les deux divinités sont bien distinguées : dKUra et Addu. La figure divine principale d’Ébla est d’ailleurs,
de façon bien connue, le dieu dKU.ra devant qui les gens viennent prêter serment. Ce dieu reste toujours énigmatique,
mais il paraît étrange qu’il disparaisse sans laisser de traces après la chute d’Ébla, alors qu’un dieu comme Itûr-Mêr
qui n’avait certainement pas le même statut international, ni national, survit toujours dans les serments du royaume
de Hana qui a succédé à celui de Mari. Il est possible que les troupes d’Ébla qui stationnent à Mari comme garantes
de l’ordre viennent, non pas du centre politique, mais d’un centre religieux majeur. De la même façon, on voit le
grand sanctuaire de Dagan de Terqa être gardé à l’époque amorrite par des forces internationales, celles de Haššum,
sous le règne de Samsî-Addu, puis sous Zimrî-Lîm par des troupes élamites. Ces dernières semblent avoir été
garantes que le temple pouvait être accessible même à des gens qui étaient en guerre contre le roi de Mari. Ici,
cependant, les « gens de la maison du dieu d’Alep » ne devaient pas avoir constitué des troupes neutres.

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b) Ébla contre ou pour Mari ?


La série de textes réunis par Alfonso Archi et Vanna Biga montrerait un affrontement entre Ébla et Mari
au moment où la puissance de l’Ébla du IIIe millénaire va disparaître. À en croire ces documents, ce serait
une conjuration de tous les royaumes réunis contre Mari. La chronologie qu’ils ont établie porte avant
tout sur le déroulement de la campagne, sans en expliciter ses raisons. À titre de supposition, je
proposerais que le texte d’Ébla, TM.74.G.101 que ces deux auteurs n’ont fait que citer, JCS 55, p. 25,
sans l’intégrer dans leur présentation, soit en fait le premier de la série qu’ils ont étudiée38 : on y trouve la
mention, non traduite, d’un nom d’année DIŠ mu šu-ra lugal ma-ríki.
L’expression sumérienne šu-ra (main + frapper) est utilisée par les textes administratifs avec les
sens de « contrôlé39 », et ailleurs de « frappé », sens entre lesquels un dénominateur commun devrait
cependant être trouvé, mais elle est aussi connue par la liste bilingue d’Ébla comme signifiant wa-’à-um
(MEE IV, p. 256, n° 506), équivalence qui a peu retenu l'attention. Ce verbe devrait avoir cependant un
rapport avec le wu’’um que AHw, p. 1498, enregistre avec le sens de « falsch kenzeichnen » ; CAD U &
W, p. 411, s. v. wu'û « to act fraudulently » ; on posera donc que, par rapport à cette forme D, wa'â'um
signifie « être faux ». On le trouve dans RA 63, p. 49 50 (l'Édit d'Ammi-ṣaduqa = SD 11) = ta-i-tam ú-
wa-i et dans SD 5, p. 30 40 : aššum kanîk-šu ṭuppa-šu ú-wa-ú, où il signifie manifestement « changer
frauduleusement »40. Si l’on suppose que c’est de ce nom d’année que part en réalité tout le dossier, on
obtient le fait que s’est répandue la nouvelle que le roi de Mari avait été « manipulé », c'est-à-dire que
« ce n'était plus le bon », ce qu'on peut comprendre comme le fait que le roi légitime avait été déposé,
soit parce que des gens s'étaient emparés du pouvoir frauduleusement (comme après un coup de main
réussi), soit, encore, pour des raisons de subversion interne. Dès lors, l’ensemble des rois contemporains,
sans doute liés chacun par des accords au roi de Mari41, ont pu décider d’intervenir. Ce que l’on prend
pour une coalition internationale contre Mari pourrait donc n’être en fait qu’un effort général pour
remettre le vrai roi de Mari en place. Les troupes d’Ébla auraient bien marché sur Mari mais non dans un
but de conquête : ce serait, mutatis mutandis, une coalition identique à celle qui unifia les efforts
militaires de l’Europe du XVIIIe siècle pour remettre Louis XVI sur son trône42.

Faut-il envisager que par « dKU.ra et d’à-da » ARET XIII désigne le dieu d’Ébla et le dieu de la ville
d’Alep ou que dKU.ra représente le véritable nom du dieu de l’Orage d’Alep ? Cf. F. Pomponio et P. Xella, AOAT
245, p. 52, où il apparaît que « deux textes mentionnent le sacrifice de deux ovins à Ada offert par le roi “dans le
temple de Kura” ». M. Bonechi (cf. MARI 8, p. 521) a proposé que ce dieu KU.ra soit à lire /šux-ra/.
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38. Dans une note récente (NABU 2012/24), J. Pasquali répond par avance à cette question en supposant que
šu-ra signifie ici « blesser » comme dans d'autres exemples qu'il a étudiés, comprenant donc « l'année où le roi de
Mari a été blessé ». Cela permettrait de garder la place attribuée par les éditeurs de JCS 55, p. 25b-26a au libellé de
l'année qui reçoit dans JCS 55 la traduction : « the year of the attack of (i.e. against ?) the king of Mari », mais šu-ra
= « blesser » ne convient pas aux emplois administratifs de l'expression, ni à la glose.
39. Sens « controllare » dans Pomponio, ARET XV 2 ; dans ARET XIII, p. 300, P. Fronzaroli traduit
1) « colpire, combattere » 2) « controllare (un prodotto) » et, ibid. p. 301, à propos de šu šu-ra comprend « colpire
con le mani » en référence à la glose ma-ha-zi i-da = maḫāṣ yid-ay(n). Les idéogrammes šu (main) et ra (frapper) se
prêtent effectivement à ce sens.
40. Une façon de rendre ce sens serait peut-être de recourir au français (actuel) « manipuler ».
41. Il y a l'attestation de tels serments entre Mari et Ébla, portés sur une tablette avec encadrement précieux
et exposés dans le temple de KU.ra ; on peut en supposer l'équivalent à Mari.
42. Plusieurs faits sont étonnants dans le dossier qu’ont réuni A. Archi et V. Biga. Ainsi, p. 3, n. 15 (cf. ibid.,
p. 7, s. n° 13), p. 28b) est-il cité ARET VIII 533 viii 13-21 (« two years before the destruction of the city») qui
mentionne un « retour d’Ébla à Mari » de la reine ba-ba₄, épouse de Hidâr (pa₄-ba₄ dam hi-da-ar ma-ri₂ki lu₂ gi₄ mi-
nu ib-laki si-in ma-ri₂ki) ; cette dernière est ibid. envisagée comme se trouvant à Beydar ; cf. p. 7, s. n° 15; ibid.
p. 28b-29a, citant ARET IX 102, mentionne à Ébla 'Ašihu, fils de Hidar ; dans ce dernier texte, on a de plus
l'impression que Hidâr lui-même se trouverait à Ébla. Tous ces faits, surtout le premier, jugé comme « an exceptional
event », pourraient indiquer des retours à Mari de personnes royales depuis des territoires contrôlés par Ébla où elles
s'étaient mises à l’abri. À lire les occurrences de Hidâr dans les textes d'Ébla on a, en effet, plutôt l'impression que
les rapports étaient bons entre lui et Ébla.
Surtout, je ne comprends pas bien dans l'exposé de JCS 55 une série d’événements du royaume du Moyen-
Euphrate mentionnés par des documents éblaïtiques, comme une « guerre entre Mari et Tuttul », ibid., p. 11a, où

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Ce qui semble un dénouement heureux (et inattendu !), le fait que les armées d’Ébla,
victorieuses à Terqa, ne poussent pas jusqu’à Mari et que tout se termine dans des fêtes, pourrait signifier
que les efforts de la coalition ont réussi et la présence ultérieure des troupes éblaïtes à Mari s’expliquerait
comme une garantie donnée au roi de Mari que la situation avait été normalisée.
C’est dans ce contexte qu’un coup de main de Sargon pourrait se comprendre43. La situation
intérieure du royaume de Mari a pu être affaiblie par plusieurs rébellions et des gens (d’Agadé ou
d'ailleurs) s’y installer assez facilement.
Le fait que Sargon installe en définitive, et dans des circonstances qu'on ne peut encore éclaircir,
un simple pouvoir militaire, aux bords de l’Euphrate, et non une nouvelle dynastie, montre qu’un pouvoir
royal y a été maintenu, mais désormais sous tutelle. Il est dès lors possible qu'un des rois de Mari vassaux
ait été Išgi-Mari, peut-être sans lien de parenté avec Hidâr, la réalité du pouvoir appartenant désormais
aux généraux d’Agadé. Cela expliquerait qu'un sceau mentionnant Idida se trouve sur des bulles à côté de
noms de rois de Mari inconnus à Ébla, comme l’a remarqué D. Beyer44. Si son activité a duré 60 ans il a
dû être lui-même le contemporain de plus d’un roi local.
En revanche, pour le nouveau pouvoir installé sur les rives de l’Euphrate, le seul État à
représenter désormais une menace était Ébla. La détruire a dû être une de ses premières mesures. C’est
sans doute Idida/i qui, à la tête d’un commando, a poussé jusqu’à Ébla et l’a détruite de fond en comble,
attitude que l’on comprend de gens nouveaux qui n’étaient pas liés à la grande ville par d’antiques
accords et une longue histoire commune. La prise par des Agadéens de la ville d'Ébla a dû être
normalement créditée à Sargon lui-même au nom de qui Ididi a dû conduire son expédition.
L'écroulement du royaume a dû se produire assez vite puisque la percée eut lieu jusqu'à la forêt de cèdres
(du Liban) qui en marqua la limite.
L'Ébla du IIIe millénaire a donc dû disparaître, alors que Mari commençait une longue survie qui
devait l’amener jusqu’au moment où des bandes amorrites venues du Nord, sous la conduite de Yagîd-
Lîm, puis de Yahdun-Lîm, mettent fin à la lignée des šakkanakku de l’Euphrate et prennent le titre
mésopotamien de « rois ». Si le sort des deux villes n'a pas été le même, c'est en bonne partie parce

Mari aurait été vaincue (avec l'aide d'Ébla?), ou une « guerre entre Mari et Terqa » selon ibid., TM.75.G.1222, cité
p. 9 comme du règne de Nizi, texte qui néanmoins mentionne Hidâr (avant son règne) et est donc de son époque. Ces
conflits entre Mari et celles qui devaient être des villes majeures de son territoire, Tuttul et Terqa, font se demander
(s'ils sont vrais) quelle pouvait être la cohésion du royaume. Toutes ces rébellions, car il est difficile de les
comprendre autrement, pourraient être l'indice d’une désintégration progressive du royaume, voire les prodromes
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d’une révolte qui finit par chasser de son trône le prince de Mari, dont la famille fut contrainte de trouver refuge à
l’extérieur, en l’occurrence sur des territoires qui relevaient d’Ébla, comme la famille royale française a essayé après
1789 de se réfugier à Coblence ?
43. Beaucoup de la reconstitution du film des événements dont parlent les textes d’Ébla dépend du fait que
« Sargon » et « l’homme de Kish » dont parlent les textes d’Ébla sont une seule et même personne. Agadé n’est
cependant pas Kish et n'est sans doute pas aussi proche d’elle qu’on l’a souvent dit (pour des récits très postérieurs).
« L’homme de Kish » de l’époque d’Ébla peut être distinct de Sargon et participer à la coalition éblaïte, de la même
façon qu’à l’époque de Mari, Babylone et Ešnunna, les deux parties du pays d’Akkad, sont complètement autonomes
et ne mènent pas la même politique. D'autres schémas sont encore possibles : quand on lit JCS 55 p. 32-33, ce qui est
dit du « père du roi de Kiš », on pense immédiatement à un schéma d'installation du pouvoir analogue à ceux qu'ont
pratiqués Kudur-Mabug ou Il'a-kabkabu, le père installant ses enfants à la royauté mais s'en gardant pour lui-même.
Cela est une structure de bédouins, non de citadins. Il est possible que l’on ne se fasse pas une image réelle du
pouvoir de Sargon en le supposant fondateur d’un « empire », ou en se représentant ses conquêtes comme organisées
en un « État territorial ». Ses « conquêtes », pour spectaculaires qu’elles aient été, comme l’exhibition d’un Lugal-
zagesi vaincu à Nippur ou le fait de laver ses armes dans la mer, peuvent n’avoir été en fait que des « coups de
main » réussis, comme a dû l’être l’opération contre Mari, l’organisation étatique agadéenne n’étant véritablement le
fait que de ses successeurs, avant tout de Narâm-Sîn. Dès lors, on peut concevoir l’existence d’un pouvoir à Kish
distinct de ce qui se passait à Agadé. Toutes les conquêtes de Sargon ont pu avoir surtout comme effet l’installation
d’hommes à lui, voir de contribules, à des commandements locaux, ce qui a amené à l’instauration d’une aristocratie
militaire à la place des anciennes noblesses locales. L’installation des shakkanakku à Mari, reconnaissant au moins
par leur titre la suprématie d’Agadé mais autonomes de fait, pourrait être un exemple de la façon dont les gens
d’Agadé se sont installés petit à petit par tout le Proche-Orient, jusqu’à être réunis dans un grand ensemble par les
successeurs de Sargon, ce qui n'a pas manqué de susciter alors de grandes rébellions.
44. Cf. sa contribution de Akh Purattim I, p. 256.

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qu’Ébla était, au contraire de Mari, beaucoup trop loin d’Agadé pour faire partie de son horizon
politique : elle devait être vaincue, mais de façon à ne plus représenter désormais une menace.
S’il fallait donc désigner celui qui s’est chargé d’une telle entreprise, Idida/i, premier des
shakkanakku de Mari, peut tout à fait désormais en être soupçonné.

4. UNE DESTRUCTION À L’ÉPOQUE DE NARÂM-SÎN

Si Sargon s'est installé à Mari tout en maintenant une légalité régionale, qui donc a bien pu
cependant détruire la grande cité et être tenu pour responsable des grandes destructions constatées sur
place par les fouilleurs? Selon FM XIII, où j’ai repris le dossier historique des shakkanakku, les deux
listes royales qui leur sont attribuées ne concernent pas, en fait, une seule, mais une double lignée, la
première se terminant au milieu de la IIIe dynastie d’Ur.
Au sein de la première dynastie šakkanakku, les deux premiers dirigeants sont nettement
distingués des autres dont on ne dit pas qu’ils ont avec eux des liens familiaux. En fait, la cinquième
année de Šû-Dagan doit coïncider avec la grande rébellion qui a ébranlé le pouvoir de Narâm-Sîn
d’Agadé. Les Mariotes, peut-être sous la conduite d’un roi appelé Migir-Dagan (« Favori de Dagan »),
puisque tel est le nom que la chronique a retenu pour le meneur qui peut avoir été le dernier des « rois de
Mari en tutelle », ont dû essayer de secouer leur joug et ce sont les luttes entre les deux partis au sein de
la cité qui ont entraîné sa totale destruction, alors qu’apparemment la garnison agadéenne gardait le
pouvoir. La constatation que fait le fouilleur qu’il n’y a pas eu de grand hiatus, malgré les destructions
sévères de la ville, ainsi que son affirmation que l’événement date de Narâm-Sîn seraient ainsi
confirmées par la reconstruction textuelle. On comprend pourquoi les shakkanakku qui suivent Šû-Dagan
ont donné l’impression d’être des « constructeurs »45; ils n’ont, en fait, fait que reconstruire une ville
détruite par des combats de rues.
Si l’on veut proposer une estimation en chronologie absolue, ce n’est plus la place d’« Ididiš »,
mais désormais celle d’Išmah-Dagan, le troisième šakkanakku, qui doit être calculée à partir d’Apil-kîn,
ce qui amène pour ce šakkanakku à une situation vers 2199/2154, en fonction des dates d’Ur-Namma. La
grande rébellion contre Narâm-Sîn doit dès lors être antérieure à cette date. La date de l’installation de
Idida à Mari doit désormais représenter 65 + x (la période de destruction) + 2199/2154, soit
2264+x/2219+x, avec la possibilité que x = 0.
Comme entre Sargon et Narâm-Sîn prennent place Rîmuš et Maništušu, quel que soit l'ordre de
ces deux monarques, il semble que la soumission de Mari et la destruction d’Ébla aient été les toutes
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dernières réalisations du long règne (ou « période d’activité », plutôt) de Sargon d’Agadé.

CONCLUSION

Le problème d’une chronologie plus fine est, dès lors, du ressort des études sur Agadé et de la
chronologie de ses empereurs. Pour l’heure, il m’est agréable de présenter au glorieux fouilleur d’Ébla
une reconstruction historique qui montre la fraternité jusqu’au bout des royaumes d’Ébla et de Mari, la
première ne cédant qu’aux coups de ceux qui s’étaient indûment installés sur les bords de l’Euphrate.

45. Selon le mot de P. Butterlin.

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RÉSUMÉ

Publication d'un inédit de Mari parlant d'Idida, serviteur de Sargon. Le texte qui mélange formes archaïques et
modernes est sans doute un texte scolaire qui donne un extrait d'un texte plus long, lequel entrait peut-être (comme la
Grande Révolte contre Narâm-Sîn) dans un cycle qui concernait les monarques agadéens et dont nous n'avons plus
que des fragments épars. L'idée est que Mari, prise par Sargon, a vu des shakkanakku contrôler l'activité de rois
maintenus localement, même si on ne sait pas les liens de parenté qui les unissaient aux rois contemporains d'Ébla.
La destruction d'Ébla a dû être le fait du premier des shakkanakku, Idida, que la Liste dynastique connaît sous le nom
d'Ididiš, réinterpérté ici Ididi IŠ. Une révolte, peut-être nationaliste, sous Narâm-Sîn (dont la tradition littéraire nous
a gardé l'écho) a dû entraîner des combats de rues qui ont causé l'incendie d'une partie de la ville, dégats
immédiatement observables par l'archéologue.

ABSTRACT

Publication of a new Mari text speaking of Idida, Sargon's servant. This text which mixes up archaic and recent
forms looks like a school text which gives us an extract from a longer composition which could be a part of a cycle
about Agadean monarchs, as was the Great Rebellion against Narâm-Sîn. Nowadays we have but fragments of such
a cycle. The main idea is that, after the taking of Mari by Sargon, shakkanakku controled its kings kept in office,
though we don't know the links between them and the contemporary of Ebla kings. Ebla destruction was due to the
first of the shakkanakku, Idida, whom the dynastic list knows as Ididiš, reinterpretated here as Ididi IŠ. A revolt, may
be a nationalistic one, under Narâm-Sîn's reign (the echo of which we may still find in litterary traditions) could lead
to street fights which brought about the fire of a part of the town, which damage is directly observable by
archeologists.

IPOA, Collège de France


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