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L'histoire

Introduction:
L’histoire, au sens de celle que l’on raconte aux enfants pour qu’ils s’endorment par exemple
est majoritaire fictive. Elle s’oppose à la légende (la légende du roi Arthur) qui s’inspire
théoriquement de la réalité et au mythe, qui a souvent une portée explicative (le mythe de
Prométhée). L’histoire, au sens de la discipline visant à décrire le passé, serait alors
davantage reliée au grec historia signifiant « enquête ». L’Histoire en ce sens et
contrairement aux autres récits décrits plus haut semble alors plus objective en ce qu’elle se
base sur des sources et est censée raconter ce qu’il s’est réellement passé.
Cependant, n’est-elle pas toujours construite par un historien, qui doit nécessairement
mettre en avant certains événements plutôt que d’autres ? Ainsi, n’est-elle pas toujours en
ce sens subjective et donc fictive ?
D’autre part, l’Histoire signifie également l’ensemble des événements dont l’Homme a été le
sujet et qui est précisément l’objet de l’histoire comme discipline. Au vu des réussites et des
échecs qui se succèdent (la naissance et la chute de l’empire Romain par exemple), on
pourrait être tenté d’y voir une suite chaotique d’événements. Toutefois, ne peut-on pas
constater, si l’on regarde l’Histoire de bout en bout, un progrès de l’humanité ? L’histoire
peut sembler alors, en fonction des événements que l’on considère, avoir un sens.
Ainsi, l’Histoire peut-elle être objectivement décrite et a-t-elle un sens ?

I. Objectivité et subjectivité de l’histoire


A) Le travail de l’historien et son but
Pour raconter un événement de la manière la plus objective possible ( objectif = qui est
propre à l'objet, et donc vrai pour tous, par opposition à subjectif, qui est relatif au sujet)
, suffit-il de se renseigner auprès d'un témoin ou de se fier à ce que l'on a soi-même vu ?
Cela est plus complexe, explique Thucydide, dans La Guerre du Péloponnèse. Pourquoi ?
1) « Il se trouvait dans chaque cas que les témoins d'un même événement en donnaient des
relations discordantes, variant selon les sympathies qu'ils éprouvaient pour l'un ou pour
l'autre camp ou selon leur mémoire. »
Pensez à un événement arrivé au lycée, une dispute par exemple. Tous les témoins de la
dispute racontent-ils la même chose ? En fonction de leur propres affinités avec les
protagonistes de la dispute, ils donneront une version différente des faits. L'ami du
protagoniste A racontera comment il s'est courageusement défendu face aux provocations
de B. L'ami de B racontera comment il est resté de marbre face à l'agressivité de A. Dans un
cas c'est B qui est à l'origine de la dispute, dans l'autre, c'est A. L'historien lui-même, celui
qui souhaite raconter cette dispute, n'est-il pas également influencé par ses affinités, sans-
même forcément s'en rendre compte ?
Ainsi, pour prendre un autre exemple, le paysan témoin des événements à Paris en Juillet
1789 racontera comment le peuple s'est courageusement défait du joug de la noblesse et du
clergé. Le noble racontera comment des hordes de sauvages ont menacé l'intégrité de l’État.
Dans un cas, c'est la noblesse et le clergé, en tant qu’oppresseurs, qui sont à l'origine des
événements. Dans l'autre, c'est « le peuple » qui s'est révolté.
Comment connaître alors, avec le plus de certitude possible, l’enchaînement brut des faits ?
2) « J'ai procédé chaque fois à des vérifications aussi scrupuleuses que possible » nous dit
Thucydide.
Il s'agit ainsi de A) choisir ses sources (qui a un regard neutre sur les événements?) B) croiser
les sources (consulter le plus de sources possibles).
Ce type de vérification permettrait alors d'obtenir un récit historique, plus sûr que le
mythe ou la légende et pouvant prétendre ainsi à une forme d'objectivité. Cette
connaissance de la chaîne causale des événements permettrait alors, ajoute Thucydide, de
« voir clair dans les événement […] que la nature nous réserve pour l'avenir ». Nous
pourrions alors, grâce à ce récit historique objectif, prévoir les événements à venir.

B) Les limites de l’histoire


Pourtant, ce que l'historien nous raconte, même si ses informations sont vérifiées, est-ce
exactement ce qu'il s'est passé ?
« Il s’en faut bien que les faits décrits dans l’histoire soient la peinture exacte des mêmes
faits tels qu’ils sont arrivés » explique Rousseau dans l’Émile, Livre IV.
Pourquoi ?
1) L'historien ne peut que difficilement dépasser ses préjugés (quelle idée se fait-il déjà
de l’événement en question) et ses intérêts (que vaut-il le mieux pour lui de montrer?).
D'autant plus si l'historien est lui-même un protagoniste des événements en question. Ainsi,
César dans La Guerre des Gaules raconte certaines de ses victoires contre différents peuples
Gaulois et la manière dont il a pu stabiliser le climat politique des territoires en question. Ce
qu'il décrit (la bravoure des combattants qu'il a vaincu, la justice avec laquelle il arbitre les
conflits entre tribus etc..) constitue un éloge de ses propres actes et on se doute bien qu'il
n'aurait pas écrit volontairement quelque chose qui puisse lui nuire.
2) Un même événement peut être raconté différemment selon qu'on étende ou
resserre certaines circonstances. La dispute entre deux lycéens est différemment perçue
selon qu'on décrive en détails ce qu'a fait l'un (en expliquant toutes les provocations qu'il a
fait à l'autre) pour raconter brièvement ensuite ce qu'a fait l'autre. Le fait de porter plus
longtemps l'attention sur un détail précis de l’événement influence alors la perception
générale de ce dernier. Deux historiens ne raconteront donc pas le même événement en
fonction de l'étendue qu'ils choisiront de donner à telle ou telle circonstance.
3) Certains détails imperceptibles ont pu jouer un rôle dans l’enchaînement des
événements sans qu'il soit humainement possible de le savoir. « Combien de fois un arbre de
plus ou de moins, un rocher à droite ou à gauche, un tourbillon de poussière élevé par le
vent ont décidé de l’événement d’un combat sans que personne s’en soit aperçu ! » précise
Rousseau. L’assassinat le l'Archiduc François-Ferdinand est considéré comme une des causes
de la Première Guerre mondiale. Mais qui sait si un mauvais café par exemple, n'a pas
contribué également à pousser l'Empereur d'Autriche à déclarer la guerre à la Serbie ? Ce fut
une décision difficile à prendre, l'Empereur hésitait certainement. Ainsi, un simple détail,
comme le café qu'il but ce jour, a bien pu déterminer son humeur et faire pencher la
balance. Un meilleur café aurait alors pu la faire pencher dans l'autre sens et changer
totalement le cours des années à suivre. Dans ce cas, la chaîne causale donnée par
l'historien, censée permettre d'anticiper le futur est incertaine et perd donc son utilité.
Ainsi, le récit historique ne peut être dit parfaitement objectif. Pour les raisons évoquées
plus haut (parti pris de l'auteur, choix de l'étendue et des circonstances, impossibilité de
connaître les véritables causes), deux historiens ne raconteront pas exactement la même
chose. La perception générale de l'événement en question peut en être alors grandement
affectée.

C) L’histoire, entre objectivité et subjectivité


Peut-on alors dire que le récit historique est aussi fictif que la le mythe ou le conte ?
Il ne s'agira effectivement pas pour l'histoire de prétendre « au même type
d'objectivité que les sciences physiques ou biologiques », mais à sa propre forme
d'objectivité (Ricoeur, Histoire et Vérité).
1) L'histoire doit être objective en ce qu'elle est méthodiquement élaborée, en se
basant sur les vérifications dont nous avons parlé plus tôt. En ce sens, l'historien
n' « invente » pas l'histoire.
2) Elle garde sa propre forme de subjectivité, qui est une bonne subjectivité, propre à
la discipline (Ricoeur, Histoire et Vérité). C'est une subjectivité impliquée par
l'histoire, dans le choix de l'étendue et de certaines circonstances notamment (et non
pas dans les intérêts de l'historien, comme dans le cas de César).
Ainsi, l'histoire n'est pas objective au sens des sciences physiques ou biologiques,
car elle conserve une part de subjectivité. Cependant, il s'agit d'une subjectivité
impliquée par la construction de l'histoire, qui permet à l'historien d'atteindre sa
propre forme d'objectivité (une objectivité qui suppose une part de bonne
subjectivité donc).
II. Le sens de l’histoire
A) L’histoire n’est que répétition
L'histoire a donc sa propre forme d'objectivité. Si on regarde alors l'Histoire dans
son ensemble, que nous enseigne-t-elle ?
« La devise générale de l’histoire devrait être : Eadem, sed aliter [les mêmes
choses, mais d’une autre manière]. Celui qui a lu Hérodote a étudié assez
l’histoire pour en faire la philosophie ; car il y trouve déjà tout ce qui constitue
l’histoire postérieure du monde : agitations, actions, souffrances et destinée de la
race humaine, telles qu’elles ressortent des qualités en question et du sort de
toute vie sur terre. »
Schopenhauer, Le monde comme Volonté et comme Représentation, Chapitre
XXXVIII. De l’histoire.
Derrière tout événement, il y a des êtres qui désirent (sans désir, pas de raison
d'agir, et donc pas d'histoire). Ces désirs poussent à agir, à transformer le monde.
Puis, ces hommes meurent, laissent place à d'autres hommes avec d'autres désirs.
Ainsi, quels que soient les événements sur lesquels nous portons le regard (la
découverte de l'Amérique, La prise de la Bastille, la guerre 14-18) il ne s'agit au
fond que de la même chose : des hommes poussés par leurs désirs, qui, une fois
assouvis laisseront la place à d'autres. L'histoire n'est alors que le spectacle de la
volonté qui sous-tend le monde, la force aveugle qui veut sans raison et dont
l'homme, en tant qu'être conscient est la manifestation la plus aboutie.
Ainsi, même si les événements semblent différents du point de vue de la forme,
le fond reste le même, une volonté aveugle qui sous-tend le monde. Il n'y a en
ce sens par réellement d'Histoire, car rien ne change véritablement.

B) L'histoire tend vers les progrès


Cependant, même si le fond de l'histoire reste le même, la forme ne témoigne-t-
elle pas d'un certain progrès ? La Déclaration universelle des droits de l'homme
adoptée par l'ONU en 1948 par exemple et qui reconnaît l'égalité en droit et en
dignité de tous les êtres humains quels qu'ils soient, n'est-elle pas un progrès
certain qui est le fruit d'un long processus de développement civilisationnel ?
L'Histoire progresse nécessairement, et ce par la nature même de l'homme.
Souvenez-vous, Kant, dans Idée d'une histoire universelle d'un point de vue
cosmopolitque décrit une caractéristique essentielle de l'homme : son insociable
sociabilité. L'homme ne peut vivre sans ses congénères et pourtant, il ne les
supporte pas, voulant toujours avoir le dessus. Cette caractéristique pousse alors
naturellement les individus à entrer en compétition.

« Ainsi tous les talents sont peu à peu développés, le goût formé, et même, par le
progrès des Lumières, commence à s’établir un mode de pensée qui peut, avec le
temps, transformer notre grossière disposition naturelle au discernement moral en
principes pratiques déterminés, et ainsi transformer cet
accord pathologiquement extorqué pour l’établissement d’une société en un
tout moral. »

Kant, Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosomopolitique,


Proposition IV.
Ce désir de dépasser les autres et donc de comprendre, découvrir et inventer plus
que les autres permet le développement des sciences, des techniques, des arts et
finalement, avec le développement général des sociétés qui en découlent, de la
moral et du droit.
Il était donc nécessaire et naturel que l'homme, par son insociable
sociabilité, progresse vers des sociétés de plus en plus justes.
L'Histoire a donc, par la nature même de l'homme, un sens.
(La suite de l'Histoire nous pousse tout de même à nous demander si
l'insociabilité de l'homme, souvent plus forte pour les étrangers [qu'il s'agisse de
religion, d'ethnie, de culture], ne peut pas devenir si forte qu'elle face reculer
l'Histoire… Certains exemples du XXème semblent aller dans le sens de cette
analyse.)

C) L'Histoire n'est pas l'histoire de l'homme

Toutefois, voir l'Histoire comme la succession vaine des désirs des hommes ou même
la succession de leur progrès vers la moralité, c'est supposer que l'Histoire est
l'histoire des hommes.
« C'est leur bien propre que peuples et individus cherchent et obtiennent dans leur
agissante vitalité, mais en même temps ils sont les moyens et les instruments d'une
chose plus élevée, plus vaste qu'ils ignorent et accomplissent inconsciemment. »
Hegel, La raison dans l'histoire
Les hommes à travers leurs désirs personnels (comme lorsque César cherche à
asseoir son autorité en écrivant La Guerre des Gaules) réalisent quelques chose qui
les dépasse (contribuer à créer un empire sans précédant pour César par exemple).
Ainsi, les agissement des hommes ne seraient que le moyen par lequel la Raison
(synonyme de Dieu ici) prend conscience d'elle-même en s'accomplissant dans le
monde à travers des étapes successives que sont les grands événements de l'Histoire.
« Une fin ultime domine les peuples ; la Raison est présente dans l'histoire universelle
– non la raison subjective et particulière, mais la Raison divine, absolue [...] »
Hegel, La raison dans l'histoire
En commençant [avec les hommes, car l'Histoire de l'Esprit commence avant celle des
hommes] par la société où un seul est libre (La Perse antique), puis par la Grèce (avec
Athènes) où quelques-uns sont libres pour finir par les régimes démocratiques ou
chaque individu est l'égal de l'autre et ou règne l'universalité de la loi (la loi
s'applique à tous), la Raison (ou l'Esprit dirait aussi Hegel) prend conscience de ce
qu'elle est en s'accomplissant chez les divers peuples de l'histoire. La pleine
conscience de soi de la Raison ou de L'Esprit, signerait ainsi la fin de l'Histoire.
L'histoire des hommes ne serait ainsi qu'une petite partie et qu'un moyen pour une
Histoire universelle nécessaire, celle de l'Esprit.

Conclusion :
Rire la conclusion du cours en 15/20 lignes.

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