Vous êtes sur la page 1sur 15

UNIVERSITÉ PARIS II PANTHÉON-ASSAS – CENTRE MELUN

Année universitaire 2021-2022

Licence en droit – 2e année

DROIT ADMINISTRATIF I
Cours de Madame Meryem DEFFAIRI
Maître de conférences en droit public

Fiche de TD n°5 :
LE SERVICE PUBLIC
NOTION

Documents reproduits :

Document n°1 : Extrait n°1 de la Communication sur le service public dans la jurisprudence du
Conseil d’Etat français, Service (s) public (s) en Méditerranée, Colloque d’Athènes 19 et 20
octobre 2017, par Bernard Stirn, président de la section du contentieux.

Document n°2 : CE, 6 février 1903, Terrier, n°07496.

Document n°3 : Conclusions de Jean Romieu sur l’arrêt Terrier du CE du 6 février 1903,
extraits.

Document n°4 : TC, 22 janvier 1921, Bac d’Eloka, n°00706.

Document n°5 : CE, 28 juin 1963, Narcy, n°48434.

Document n°6 : CE, 22 février 2007, APREI, n°264541.

Document n°7 : CE, Ass., 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques,
n°26549.

Document n°8 : TC, 6 juillet 2020, n°C4191

Document n°9 : CE, 3 mars 2010 Département de la Corrèze, n°306911.

1
Document n°1 :

Dans la construction du droit administratif français, le service public a occupé une place
centrale. La notion a connu une histoire à la fois riche et mouvementée, directement liée aux
évolutions de la société. Elle pourrait paraître aujourd’hui dépassée au regard tant des
caractéristiques économiques et sociales actuelles que des perspectives européennes. En vérité
il n’en est rien : le service public, fort de son histoire, est au coeur des grands débats
d’aujourd’hui.
1/ Le service public, la force de l’histoire.
Sans doute n’est-il pas besoin de retracer longuement ici l’histoire du service public dans le
droit français. Rappelons les principales étapes : à l’origine pierre angulaire du droit
administratif, le service public a traversé ensuite une crise avant de connaître une véritable
renaissance.
A/ Le service public, pierre angulaire du droit administratif.
De 1870 à 1914, le contentieux administratif connaît un « âge d’or ». Le Conseil d’Etat construit
ses fondations. Eclairé par les conclusions de commissaires du gouvernement comme
Laferrière, Pichat, Teisiser, Romieu, Léon Blum, il donne au service public une place centrale
dans le nouvel édifice. Souvenons-nous des conclusions de Romieu sur l’arrêt Terrier du 6
février 1903 : « tout ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement des services publics
constitue une opération administrative, qui est, par sa nature, du domaine de la juridiction
administrative ». Dans ces premiers temps du droit administratif, une complète identité
s’affirme entre service public, personne publique et droit public.
La jurisprudence est en harmonie avec la doctrine, en particulier l’Ecole de Bordeaux, animée
par Léon Duguit, qui définit l’Etat comme « une coopération de services publics organisés et
contrôlés par des gouvernants ». A la faculté de droit de Paris, Gaston Jèze s’inscrit dans cette
filiation.
Mais déjà le feu perce sous la cendre. A l’Ecole du service public s’oppose l’Ecole de Toulouse,
menée par Maurice Hauriou, qui met au centre de ses réflexions la puissance publique, et non
le service public. Surtout la triple identité reposait sur un champ étroit du service public. Par
son arrêt Astruc du 7 avril 1916, le Conseil d’Etat refuse la qualité de service public au théâtre
des Champs-Elysées, alors géré par la vile de Paris. Maurice Hauriou l’en félicite au travers
d’un commentaire qui paraît d’un autre âge mais qui est révélateur d’une époque : « Le théâtre
représente l’inconvénient majeur d’exalter l’imagination, d’habituer les esprits à une vie factice
et fictive et d’exalter les passions de l’amour, qui sont aussi dangereuses que celles du jeu et de
l’intempérance ». Aussi se réjouit-t-il que le Conseil d’Etat « condamne la conception qui
consisterait à ériger en service public, comme à l’époque de la décadence romaine, les jeux du
cirque ».
Avec les transformations de la société qui suivent la première guerre mondiale, une acception
aussi étroite du service public ne pouvait déboucher que sur une crise.
B/ La crise du service public.
Dès le 22 janvier 1921, le Tribunal des Conflits dégage, dans sa décision société commerciale
de l’Ouest africain la notion, appelée à un grand avenir, de service public industriel et
commercial, géré pour l’essentiel dans les conditions du droit privé.
Puis le Conseil d’Etat juge, dans les arrêts Etablissements Vézia du 20 décembre 1935 et Caisse
primaire aide et protection du 13 mai 1938, qu’une personne privée peut gérer un service public
et relever alors du droit administratif.
Le temps de la parfaite unité est loin. Des services publics gérés par des personnes publiques
peuvent être régis par le droit privé. A l’inverse des personnes privées qui sont chargées d’un
service public se trouvent sous un régime de droit public. Le service public a comme explosé.
Il va renaître.

2
C/ La renaissance du service public.
De 1954 à 1956, le Conseil d’Etat et le Tribunal des Conflits donnent une nouvelle place au
service public par une série d’arrêts, dont plusieurs sont rendus aux conclusions du président
Marceau Long, qui était demeuré, rappelons-le ici, très attaché à ses origines méridionales et
méditerranéennes, à Aix-en-Provence, et qui nous a quittés l’an passé.
Certes le service public n’est plus à lui seul la clé de voûte, la notion explicative de tout le droit
administratif. Mais il contribue à la définition de notions clefs de ce droit, l’agent public (CE,
4 juin 1954, Affortit et Vingtain), les travaux publics (TC, 28 mars 1955, Effimieff), les contrats
administratifs (CE, 20 avril 1956, époux Bertin et ministre de l’agriculture contre consorts
Grimouard), le domaine public (CE, 19 octobre 1956, société Le Béton). Ecoutons les
conclusions du président Long sur l’arrêt Bertin : « Nous ne pouvons pas laisser l’administration
confier à un simple particulier l’exécution d’une mission de service public et se dépouiller, en
même temps, des droits et prérogatives que lui assure le régime de droit public. Dès lors nous
devons nous demander si, lorsque l’objet d’un contrat est l’exécution même du service public,
cet objet ne suffit pas à le rendre administratif, même s’il ne contient pas de clauses exorbitantes
du droit commun ».
Voyant le service public renaître de ses cendres, le président Roger Latournerie a pu le qualifier
de « Lazare juridique ». La jurisprudence a ensuite précisé son étendue et les critères de sa
définition.
Un large domaine est ouvert au service public. Ont ainsi le caractère d’un service public un
théâtre municipal, même de simple distraction (CE, 12 juin 1959, syndicat des exploitants de
cinématographe de l’Oranie), l’exploitation d’un casino par une commune (CE, 25 mars 1966,
ville de Royan), l’organisation des compétitions par les fédérations sportives (CE, 22 novembre
1974, Fédération des industries françaises d’article de sport). L’extension n’est toutefois pas
sans limites. Alors que la Loterie nationale était un service public (CE, 17 décembre 1948,
Angrand), tel n’est pas le cas de la Française des Jeux (CE, 27 octobre 1999, Rolin).
Un service public se définit comme une activité d’intérêt général menée sous le contrôle de
l’administration avec des prérogatives de puissance publique. Le critère des prérogatives est
toutefois appliqué avec souplesse. Une personne privée qui assure une mission sociale d’intérêt
général sous le contrôle de l’administration est chargée d’une mission de service public, même
en l’absence de prérogatives de puissance publique, lorsque « eu égard à l’intérêt général de
son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux
obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui
lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle
mission » (CE, 22 février 2007, association du personnel relevant des établissements pour
inadaptés). 3

Nul doute que le service public, ainsi redéfini, se trouve au cœur des grands débats
d’aujourd’hui.

Document n°2 : CE, 6 février 1903, Terrier, Rec. 94 :

Conseil d'Etat statuant au contentieux


N° 07496
Publié au recueil Lebon

M. Soulié, rapporteur
M. Romieu, commissaire du gouvernement

3
lecture du vendredi 6 février 1903
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le sieur Adrien X..., demeurant
à Villevieux Jura , ladite requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du
Conseil d'Etat les 7 septembre et 16 novembre 1901 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil
annuler un arrêté en date du 17 juillet 1901 par lequel le Conseil de Préfecture du département
de Saône-et-Loire s'est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande tendant à obtenir du
département le paiement d'un certain nombre des primes allouées par le Conseil Général pour
la destruction des vipères ; Vu la loi du 22 juillet 1889 ; Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Sur la compétence : Considérant que le sieur X... défère au Conseil d'Etat une note rédigée en
chambre du conseil par laquelle le secrétaire-greffier lui fait connaître que la requête adressée
par lui au conseil de préfecture du département de Saône-et-Loire à l'effet d'obtenir du
département le paiement d'un certain nombre de primes allouées pour la destruction des
animaux nuisibles aurait été soumise à ce conseil qui se serait déclaré incompétent ;
Considérant que la note dont s'agit ne constitue pas une décision de justice et ne peut à ce titre
être déférée au Conseil d'Etat ;
Mais considérant que, dans son pourvoi, le requérant a pris, en vue de l'incompétence du conseil
de préfecture, des conclusions directes devant le Conseil d'Etat pour être statué sur le bien-
fondé de sa réclamation ;
Considérant qu'étant donné les termes dans lesquels a été prise la délibération du conseil général
allouant des primes pour la destruction des animaux nuisibles et a été voté le crédit inscrit à cet
effet au budget départemental de l'exercice 1900, le sieur X... peut être fondé à réclamer
l'allocation d'une somme à ce titre ; que du refus du préfet d'admettre la réclamation dont il l'a
saisi il est né entre les parties un litige dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître et dont
ce conseil est valablement saisi par les conclusions subsidiaires du requérant ;
Au fond : Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas d'apprécier dès à présent le bien-
fondé de la réclamation du sieur X... et qu'il y a lieu, dès lors, de le renvoyer devant le préfet
pour être procédé à la liquidation de la somme à laquelle il peut avoir droit ;
DECIDE : Article 1er : Le sieur X... est renvoyé devant le Préfet du département de Saône-et-
Loire pour être procédé à la liquidation de la somme à laquelle il peut avoir droit. Article 2 : Le
surplus des conclusions de la requête susvisée du sieur X... est rejeté. Article 3 : Expédition de
la présente décision sera transmise au Ministre de l'Intérieur.

Document n°3 : J. ROMIEU, Conlusions sur l’arrêt Terrier du CE du 6 février 1903.

Le conseil général de Saône-et-Loire s’est préoccupé d’assurer la destruction des vipères dans
le département : il a, en 1900, voté à cet effet un crédit de 200 francs et décidé d’allouer une
prime de 0 fr. 25 à quiconque aurait tué une vipère, sur production du certificat du maire de la
commune où elle aurait été tuée. Le nombre des vipères tuées a dépassé de beaucoup les
prévisions : le préfet a payé à quatre chasseurs de vipères une somme de 1,766 francs, tant sur
le crédit de 200 francs que sur le crédit pour dépenses imprévues, et refusé de rien payer au-
delà. Les quatre chasseurs de vipères, parmi lesquels un sieur Terrier, réclamaient le paiement
de 2,473 vipères. Le préfet a saisi le conseil général de la question, il lui a proposé pour l’avenir
de laisser moitié de la prime, portée à 0 fr. 30, à la charge des communes dont les maires seraient
intéressés à ne pas délivrer de certificat à la légère, et pour le passé de refuser le paiement des
primes réclamées. Le sieur Terrier après s’être adressé, évidemment à tort, au conseil de

4
préfecture, saisit aujourd’hui directement le Conseil d’Etat d’une demande tendant à faire
condamner le département à lui payer la somme qu’il prétend lui être due en vertu du contrat
qu’il soutient résulter de l’offre faite par le département. Le pourvoi soulève une très
intéressante question de compétence ; est-ce à l’autorité judiciaire ou à la juridiction adminis-
trative qu’il appartient de statuer sur l’action intentée par le chasseur de vipères contre le
département ?

Dans le sens de la compétence judiciaire, on peut invoquer la théorie d’après laquelle les
contrats des communes et des départements seraient en l’absence de textes spéciaux, des
contrats de droit commun dont la connaissance appartiendrait aux tribunaux ordinaires, et l’on
peut se prévaloir de deux arrêts récents, l’un du Conseil d’Etat du 1er juin 1900, p. 383 et l’autre
du Tribunal des conflits du 16 nov. 1901 (p. 809), relatifs à la même affaire : il s’agissait d’un
litige survenu entre une dame Moreau, sage-femme, et une commune au sujet d’une subvention
de 600 francs qui lui avait été promise par le conseil municipal pour la déterminer à venir
s’installer dans la commune et à y exercer sa profession. La compétence judiciaire a été
reconnue pour interpréter le contrat allégué entre la commune et la dame Moreau.

Nous vous proposerons, Messieurs, dans l’affaire actuelle, d’admettre la compétence


administrative. L’argument tiré des deux arrêts Moreau ne nous touche pas beaucoup : d’abord,
parce que, dans cette affaire on se fondait sur l’existence d’un contrat individuel qui aurait été
passé entre la sage-femme acceptant de venir exercer dans la commune et le conseil municipal
lui promettant à cet effet le paiement d’une somme déterminée, tandis que, dans l’espèce
actuelle, l’inscription par le conseil général d’un crédit au budget pour la destruction des vipères
n’a pas le même caractère; ensuite et surtout parce que la théorie du contentieux des services
publics communaux est depuis une quinzaine d’années en pleine évolution, que la compétence
administrative s’élargit de jour en jour par l’action lente mais incessante de la jurisprudence et
que le Conseil d’Etat restera fidèle aux tendances manifestées dans un grand nombre de ses
arrêts les plus récents en accueillant aujourd’hui une solution qui aurait pu, il y a peu de temps
encore, ne pas se présenter avec un degré suffisant de maturité.

Quel est donc l’état actuel de la jurisprudence en ce qui concerne le contentieux départemental
et communal ?

I. On a pendant un certain temps interprété le principe de séparation des pouvoirs en ce sens


que les actes de puissance publique seuls avaient par leur nature un caractère administratif et
que les actes de gestion étaient régis par le droit commun, c’est-à-dire du ressort des tribunaux
ordinaires, s’il n’en était autrement ordonné par un texte spécial. Les actions dirigées contre
l’Etat et fondées sur un acte de gestion soit au point de vue d’obligations contractuelles soit en
réparation de dommages, n’avaient dès lors pas un caractère administratif par elles-mêmes,
mais uniquement parce qu’elles aboutissaient à mettre une somme à la charge du Trésor, et que
des textes de la période révolutionnaire, notamment la loi du 26 sept. 1793, posent le principe
de la liquidation administrative des dettes de l’Etat. La compétence administrative pour tout ce
qui concerne les actes de gestion, existait donc bien en fait pour l’Etat, mais était fondée
uniquement sur un texte de droit financier, et non sur le principe de la séparation des pouvoirs.
Il en résultait que pour les communes et les départements, le texte de droit financier qui vise
exclusivement les dettes de l’Etat faisant défaut, toutes les actions relatives aux actes de gestion
devaient, à défaut d’un texte législatif spécial, être portées devant l’autorité judiciaire.

En ce qui concerne l’Etat, les arrêts eux-mêmes qui visaient la loi du 26 sept. 1793, s’étaient
souvent appuyés, en outre, sur le principe de la séparation des pouvoirs (conflit 6 déc. 1855, p.

5
705, Rothschild) ; les considérants de ces arrêts établissent même avec une vigueur saisissante
cette vérité que la marche des services publics ne peut être réglée d’après les principes qui
régissent les rapports de particulier à particulier. En 1873, l’on alla plus loin : le Tribunal des
conflits, dans l’affaire Blanco (8 févr. 1873), p. 61 s’inspirant d’un arrêt du 6 août 1861, p. 672,
Dekheister et répondant aux vues exposées avec beaucoup d’autorité par M. le commissaire du
gouvernement David, fonda uniquement la compétence administrative, dans les actions en
responsabilité contre l’Etat, sur le principe de la séparation des pouvoirs ainsi que sur la loi du
24 mai 1872, d’après laquelle le Conseil d’Etat statue souverainement sur les recours « en
matière contentieuse administrative » ; c’était l’abandon définitif des anciens textes relatifs à
la liquidation des dettes de l’Etat, considérés comme inutiles. Or, si l’on admet ce principe
comme base juridique unique de la compétence administrative pour les rapports entre le service
public et les tiers, dans l’ordre quasi-délictuel, on doit l’admettre également, a fortiori, pour les
rapports contractuels qui naissent de l’organisation ou du fonctionnement du service public.
Dès lors, les textes qui proclament la compétence administrative dans les diverses matières qui
constituent la sphère d’action des services publics, et en particulier les lois qui chargent
l’autorité administrative de prononcer sur les créances de l’Etat, ne doivent pas être considérés
comme créant une compétence exceptionnelle, mais bien au contraire comme faisant purement
et simplement application du principe de la séparation des pouvoirs et comme reconnaissant un
contentieux qui est administratif, non par le fait de la loi, mais par sa nature propre.

II. Si telle est la base de la compétence administrative en ce qui concerne les services publics
de l’Etat, on ne voit pas pourquoi elle ne subsisterait pas pour les services publics des
départements, des communes, des établissements publics qui ont au même degré le caractère
administratif. Qu’il s’agisse des intérêts nationaux ou des intérêts locaux, du moment où l’on
est en présence de besoins collectifs auxquels les personnes publiques sont tenues de pourvoir,
la gestion de ces intérêts ne saurait être considérée comme gouvernée nécessairement par les
principes du droit civil qui régissent les intérêts privés : elle a, au contraire, par elle-même un
caractère public, elle constitue une branche de l’administration publique en général, et, à ce
titre, doit appartenir au contentieux administratif.

Votre jurisprudence tend de plus en plus, par les solutions qu’elle adopte, vers ces conclusions
: elle a ainsi successivement admis la compétence du Conseil d’Etat, comme juge de droit
commun du contentieux administratif, dans une série de litiges intéressant les communes, les
départements, les établissements publics — soit dans les rapports de ces personnes publiques
entre elles, soit dans leurs rapports avec des tiers — soit à l’occasion d’actions nées de contrats,
soit à l’occasion de dommages causés par des actes de gestion.

Dans un arrêt du 31 janv. 1902, p. 56 (Grosson c. Commune de Firminy), vous avez reconnu
implicitement votre compétence pour statuer sur une demande d’indemnité dirigée contre une
commune pour le dommage causé à un tiers par la faute de son maire.

Depuis l’affaire Cadot (13 déc. 1889, p. 1148) vous statuez sur toutes les contestations qui
peuvent s’élever entre les communes et leurs agents. On a, il est vrai, essayé de donner à cette
compétence un caractère exceptionnel, en alléguant que le contrat des fonctionnaires de toute
catégorie est un contrat qui comporte un élément de puissance publique. Cela serait exact si
l’on employait le mot de « puissance publique » dans le sens où on le prenait autrefois (voir
conclusions de M. David dans l’affaire Blanco, Trib. confl., 8 févr. 1873, p. 61) et où l’autorité
judiciaire le prend encore souvent (Cour de cassation, Ch. civ., 12 juin 1901, l’Etat c. Dessauet),
c’est-à-dire dans tous les cas où l’administration intervient autrement que comme personne
privée. Mais vous avez l’habitude, depuis un certain temps déjà, de réserver les mots de «

6
puissance publique » pour les actes d’autorité et de commandement : il nous paraît, avec cette
acception, bien difficile de faire intervenir l’idée de puissance publique dans les rapports
contractuels qui peuvent exister entre une commune et un employé de bureau de la mairie.
Aussi, pour éviter toute confusion reposant sur une question de terminologie, paraît-il préférable
de considérer simplement que les contrats des communes avec leurs agents sont des contrats
administratifs par leur nature, parce qu’ils sont la condition essentielle de la marche des
services publics communaux.

C’est par le même raisonnement que vous vous êtes reconnus compétents pour statuer sur les
litiges — entre les communes et les consistoires au sujet de la répartition entre eux des dépenses
du culte (C. d’Et., 3 févr. 1893, p. 91, Consistoire de l’église réformée de Paris) — entre deux
départements pour la ventilation des dépenses d’internement des aliénés (C. d’Et., 30 nov. 1894,
p. 632, département de la Seine).

La doctrine qui se dégage de l’ensemble de ces décisions nous paraîtrait pouvoir se formuler
ainsi : « Tout ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement des services publics
proprement dits, généraux ou locaux, — soit que l’administration agisse par voie de contrat,
soit qu’elle procède par voie d’autorité — constitue une opération administrative, qui est, par
sa nature, du domaine de la juridiction administrative, au point de vue des litiges de toute sorte
auxquels elle peut donner lieu », ou encore, sous une autre forme,

Toutes les actions entre les personnes publiques et les tiers ou entre ces personnes publiques
elles-mêmes et fondées sur l’exécution, l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un service
public, sont de la compétence administrative et relèvent, à défaut d’un texte spécial, du Conseil
d’Etat, juge de droit commun du contentieux de l’administration publique générale ou locale.
L’on arriverait ainsi à assimiler le contentieux départemental et communal au contentieux
d’Etat et à unifier, par une interprétation plus large du principe de la séparation des pouvoirs,
les règles de compétence pour la gestion des intérêts collectifs par les personnes publiques de
toute nature : vos décisions sur les rapports des communes avec leurs agents et sur les litiges
intercommunaux ou interdépartementaux ne formeraient plus, dès lors, qu’un cas particulier —
le plus important d’ailleurs — de ce contentieux administratif local.

Il demeure entendu qu’il faut réserver, pour les départements et les communes, comme pour
l’Etat, les circonstances où l’Administration doit être réputée agir dans les mêmes conditions
qu’un simple particulier et se trouve soumise aux mêmes règles comme aux mêmes juridictions.
Cette distinction entre ce qu’on a proposé d’appeler la gestion publique et la gestion privée peut
se faire, soit à raison de la nature du service qui est en cause, soit à raison de l’acte qu’il s’agit
d’apprécier. Le service peut, en effet, tout en intéressant une personne publique, ne concerner
que la gestion de son domaine privé : on considère, dans ce cas, que la personne publique agit
comme une personne privée, comme un propriétaire ordinaire, dans les conditions du droit
commun (Trib. des conflits, 30 mai 1884, p. 436, Linas ;29 nov. 1884, p. 855, Jacquinot ; 21
mass 1891, p. 252, Cahen d’Anvers ; 24 nov. 1894, p. 631, Loiseleur ; Cass. civ., 12 juin 1901-
précité). D’autre part, il peut se faire que l’Administration, tout en agissant non comme
personne privée, mais comme personne publique, dans l’intérêt d’un service public proprement
dit, n’invoque pas le bénéfice de sa situation de personne publique et se place volontairement
dans les conditions du public — soit en passant un de ces contrats de droit commun d’un type
nettement déterminé par le Code civil (location d’un immeuble, par exemple, pour y installer
les bureaux d’une administration) qui ne suppose pas lui-même l’application d’aucune règle
spéciale au fonctionnement des services publics — soit en effectuant une de ces opérations
courantes que les particuliers font journellement, qui supposent des rapports contractuels de

7
droit commun et pour lesquelles l’administration est réputée entendre agir comme un simple
particulier (commande verbale chez un fournisseur, salaire à un journalier, expéditions par
chemin de fer aux tarifs du public, etc.) (C. d’Et., 13 juill. 1883, p. 658, Compagnie P.-L.-M. c.
-ministre du Commerce). Il appartient à la jurisprudence de déterminer pour les personnes
publiques locales, comme elle le fait pour l’Etat, dans quels cas on se trouve en présence d’un
service public fonctionnant avec ses règles propres et sans caractère administratif, ou au
contraire en face d’actes qui, tout en intéressant la communauté, empruntent la forme de la
gestion privée et entendent se maintenir exclusivement sur le terrain des rapports de particulier
à particulier, dans les conditions du droit privé.

Avec cette réserve, nous ne pensons pas que l’autorité judiciaire fasse le moindre obstacle à
l’extension de la compétence administrative à tout ce qui intéresse l’administration proprement
dite des personnes locales. A l’audience de rentrée de la Cour de cassation, le 16 oct. 1902, M.
le procureur général Baudouin, examinant l’œuvre doctrinale de M. Laferrière et l’évolution
accomplie, sous son influence, par la jurisprudence du Conseil d’Etat dans la matière qui nous
occupe, s’exprimait en ces termes : « Et prenons-y garde, Messieurs, ce n’est point là une thèse
d’école ne présentant qu’un intérêt purement théorique ! C’est, en réalité, la jurisprudence le
prouve tous les jours davantage, la création de tout un contentieux de droit commun,
comprenant toutes les affaires des communes et des départements, autres que celles qu’un texte
spécial attribue à une juridiction particulière ou qui comportent des questions de propriété ou
des contrats de droit civil, réservées à la juridiction de l’autorité judiciaire… La doctrine
nouvelle, qui donne pour juge ordinaire à tous ces litiges le Conseil d’Etat, comble une lacune
considérable de notre droit public. M. Laferrière se félicitait infiniment de cette partie de son
œuvre, destinée à prendre de jour en jour une portée plus grande encore, et, lorsqu’il disait, avec
quelque orgueil, qu’il avait ainsi crée le contentieux administratif, communal et départemental,
j’estime qu’il n’exagérait rien ». La vie des personnes publiques a ses règles propres qui ne
peuvent pas être toutes empruntées à la vie des personnes privées : si les principes généraux du
droit sont les mêmes, les applications diffèrent. Il y a certainement plus d’analogie entre les
contrats de l’Etat et ceux des communes qu’entre les contrats des communes et ceux des
particuliers, — et l’on conçoit que l’autorité judiciaire ne soit pas jalouse d’un contentieux où
l’intervention des corps électifs et des agents de l’administration mettent constamment en cause
le principe de la séparation des pouvoirs et rendent l’action des tribunaux civils souvent
malaisée et quelquefois même impuissante.

III. Dans l’affaire qui vous est actuellement soumise, il nous paraît que nous nous trouvons bien
en présence d’une opération administrative et non d’un contrat de droit civil.

La destruction des animaux nuisibles dans le département, quand elle est entreprise par un
conseil général, est faite dans l’intérêt de la collectivité des habitants , et semble bien avoir le
caractère d’un véritable service public. En dehors de la destruction des loups, qui est régie par
la loi du 3 août 1882, et qui donne lieu à des primes payées par l’Etat, il n’existe actuellement
aucune législation en vigueur sur la matière. Mais la loi des 28 septembre – 6 oct. 1791 portait
que « les corps administratifs encouragent par des récompenses les « habitants à détruire les
animaux malfaisants » ; la loi départementale du 10 mai 1838 contenait un art. 12, n°18, qui
classait dans les dépenses obligatoires des départements « les primes fixées par les règlements
d’administration publique « pour la destruction des animaux nuisibles », et le tableau B n°3,
annexé aux décrets du 25 mars 1852 et du 13 avr. 1861, appelait les préfets à statuer sur ces
primes. Les règlements prévus n’ont pas été faits, et la disposition elle-même de la loi de 1838
n’a pas été reproduite dans la loi du 10 août 1871 : l’intervention des conseils généraux,
lorsqu’elle a lieu, est donc purement facultative et volontaire. Il n’en est pas moins vrai que le

8
vote, par le conseil général, d’un crédit pour primes à allouer en vue de la destruction des vipères
ne saurait être considéré comme établissant entre les départements et les chasseurs de vipères
des rapports de droit privé. Il y a là un véritable service public, une opération d’intérêt général
qui a pu, à un moment donné, être considérée comme obligatoire pour les corps locaux, et qui,
dès lors, a, au plus haut degré, le caractère administratif : c’est un service public, pour lequel le
conseil général aurait pu créer des agents spéciaux, tandis qu’il a préféré procéder par voie de
primes offertes aux particuliers; le but, le sens, les modalités des accords intervenus entre le
département et les citoyens qu’il a appelés à concourir à ce service d’utilité collective ne
peuvent être appréciés que par l’autorité administrative.

Vous devez donc, Messieurs, retenir la connaissance du litige pendant entre les chasseurs de
vipères et le département, parce qu’il s’agit d’un litige qui est, par sa nature, administratif, et
relève, comme tel, à défaut d’un texte spécial, du juge de droit commun du contentieux
administratif, qui est le Conseil d’Etat, aux termes de la loi du 24 mai 1872. Mais, comme l’état
de l’instruction ne permet pas de statuer au fond immédiatement, vous devez renvoyer le sieur
Terrier devant le préfet pour y être procédé à la liquidation des primes auxquelles il peut avoir
droit : si une contestation se produit au sujet de cette liquidation, vous aurez alors à l‘examiner
au fond.

Document n°4 : TC, 22 janvier 1921, Bac d’Eloka, n°00706.

Tribunal des conflits


N° 00706
Publié au recueil Lebon
M. Pichat, rapporteur
M. Matter, commissaire du gouvernement
lecture du samedi 22 janvier 1921
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'arrêté, en date du 13 octobre 1920, par lequel le lieutenant-gouverneur de la colonie de la
Côte-d'Ivoire a élevé le conflit d'attributions dans l'instance pendante, devant le juge des référés
du tribunal civil de Grand-Bassam, entre la Société commerciale de l'Ouest africain et la colonie
de la Côte-d'Ivoire ; Vu l'ordonnance du 7 septembre 1840, le décret du 10 mars 1893, le décret
du 18 octobre 1904 ; Vu les décrets des 5 août et 7 septembre 1881 ; Vu les lois des 16-24 août
1790 et 16 fructidor an III ; Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 et la loi du 24 mai 1872 ;
Sur la régularité de l'arrêté de conflit : Considérant que si le lieutenant-gouverneur de la Côte-
d'Ivoire a, par un télégramme du 2 octobre 1920, sans observer les formalités prévues par
l'ordonnance du 1er juin 1828, déclaré élever le conflit, il a pris, le 13 octobre 1920, un arrêté
satisfaisant aux prescriptions de l'article 9 de ladite ordonnance ; que cet arrêté a été déposé au
greffe dans le délai légal ; qu'ainsi le tribunal des conflits est régulièrement saisi ;
Sur la compétence : Considérant que par exploit du 30 septembre 1920, la Société commerciale
de l'Ouest africain, se fondant sur le préjudice qui lui aurait été causé par un accident survenu
au bac d'Eloka, a assigné la colonie de la Côte-d'Ivoire devant le président du tribunal civil de
Grand-Bassam, en audience des référés, à fin de nomination d'un expert pour examiner ce bac
;
Considérant, d'une part, que le bac d'Eloka ne constitue pas un ouvrage public ; d'autre part,
qu'en effectuant, moyennant rémunération, les opérations de passage des piétons et des voitures
d'une rive à l'autre de la lagune, la colonie de la Côte-d'Ivoire exploite un service de transport
dans les mêmes conditions qu'un industriel ordinaire ; que, par suite, en l'absence d'un texte

9
spécial attribuant compétence à la juridiction administrative, il n'appartient qu'à l'autorité
judiciaire de connaître des conséquences dommageables de l'accident invoqué, que celui-ci ait
eu pour cause, suivant les prétentions de la Société de l'Ouest africain, une faute commise dans
l'exploitation ou un mauvais entretien du bac. Que, - si donc c'est à tort qu'au vu du déclinatoire
adressé par le lieutenant-gouverneur, le président du tribunal ne s'est pas borné à statuer sur le
déclinatoire, mais a, par la même ordonnance désigné un expert contrairement aux articles 7 et
8 de l'ordonnance du 1er juin 1828, - c'est à bon droit qu'il a retenu la connaissance du litige ;
DECIDE : Article 1er : L'arrêté de conflit ci-dessus visé, pris par le lieutenant-gouverneur de
la Côte-d'Ivoire, le 13 octobre 1920, ensemble le télégramme susvisé du lieutenant-gouverneur
n° 36 GP, du 2 octobre 1920, sont annulés.

Document n°5 : CE, 28 juin 1963, Narcy, n°43834, Rec. 401.


CONSEIL D'ÉTAT, statuant au contentieux 28 juin 1963 – Section, n° 43834
M. Groux, rap.
M. Kahn, c. du g.
Requête du sieur Narcy, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision du ministre des
Finances des Affaires économiques et du plan en date du 18 décembre 1957, notifiée le 28 décembre
suivant par le service de la solde eu commissariat de la marine à Paris, rejetant sa réclamation contre
l'application faite à la solde de réserve de la réglementation sur les cumuls et, en tant que de besoin,
de la décision de rejet implicite du secrétaire d'Etat aux Forces armées (Marine) de sa réclamation
du 8 août 1957 dirigée contre une précédente décision dudit secrétaire d'Etat du 26 juin 1957;
Vu la loi du 22 juillet 1948 ; le décret du 11 juillet 1955; l'article 51 de la loi du 23 février 1963;
la loi du 7 juin 1956; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953; la loi du
15 mars 1963;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des Finances
et des Affaires économiques :

CONSIDÉRANT qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 juillet 1955, alors en vigueur, «la
réglementation sur les cumuls d'emplois, de rémunération d'activités, de pensions et de
rémunérations, s'applique aux personnels civils, aux personnels militaires, aux ouvriers et agents
des collectivités et organismes suivants... 4° organismes même privés assurant la gestion d'un
service public ou constituant le complément d'un service public, sous réserve que leur
fonctionnement soit au moins assuré, pour moitié, par des subventions des collectivités visées au 1°
ci-dessus ou par la perception de cotisations obligatoires»;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que, depuis sa création, le fonctionnement du Centre technique
des industries de la fonderie a toujours été assuré pour plus de moitié par des cotisations obligatoires
et que notamment le pourcentage desdites cotisations dans les ressources du Centre s'est élevé en
1957 et 1958 à 95 et 97 % ;
Cons. qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 22 juillet 1948, les ministres compétents sont autorisés
à créer dans toute branche d'activité où l'intérêt général le commande, des établissements d'utilité
publique dits centres techniques industriels, ayant pour objet, aux termes de l'article 2 de la loi, «de
promouvoir le progrès des techniques, de participer à l'amélioration du rendement et à la garantie
de la qualité de l'industrie»; qu'en vue de les mettre à même d'exécuter la mission d'intérêt général
qui leur est ainsi confiée et d'assurer à l'administration un droit de regard sur les modalités
d'accomplissement de cette mission, le législateur a conféré aux centres techniques industriels
certaines prérogatives de puissance publique et les a soumis à divers contrôles de l'autorité de
tutelle; qu'en particulier il ressort des termes mêmes de l'article 1er de la loi précitée qu'il ne peut
être créé dans chaque branche d'activité qu'un seul centre technique industriel; que chaque centre
est investi du droit de percevoir sur les membres de la profession des cotisations obligatoires; que
les ministres chargés de la tutelle des centres techniques industriels pourvoient à la nomination des
membres de leur conseil d'administration et contrôlent leur activité par l'intermédiaire d'un
commissaire du gouvernement doté d'un droit de veto suspensif;

10
Cons. qu'en édictant l'ensemble de ces dispositions et nonobstant la circonstance qu'il a décidé
d'associer étroitement les organisations syndicales les plus représentatives des patrons, des cadres
et des ouvriers à la création et au fonctionnement des centres techniques industriels, le législateur a
entendu, sans leur enlever pour autant le caractère d'organismes privés, charger lesdits centres de la
gestion d'un véritable service public;
Cons. qu'il résulte de tout ce qui précède que, par application des prescriptions ci-dessus reproduites
de l'article 1er, 4e alinéa du décret du 11 juillet 1955, alors en vigueur, le personnel des centres
techniques industriels est soumis à la réglementation des cumuls; qu'il suit de là que ladite
réglementation a été appliquée à bon droit à la solde de réserve d'officier général de l'armée de mer
du sieur Narcy, à raison de l'emploi occupé par celui-ci au Centre technique des industries de la
Fonderie, lequel est entièrement régi par les dispositions de la loi précitée du 22 juillet 1948; que,
dès lors, la requête susvisée ne peut être accueillie;...
(Rejet avec dépens ).

Document n°6 : CE Sect. 22 février 2007, Association du personnel relevant des


établissements pour inadaptés (APREI), Rec./ 92.
Vu la requête sommaire et les observations complémentaires, enregistrées les 13 février et 2
novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées pour
l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES ETABLISSEMENTS POUR
INADAPTES (A.P.R.E.I.), dont le siège est 2 A, boulevard 1848 à Narbonne (11100),
représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT
DES ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille,
faisant droit à l'appel formé par l'Association familiale départementale d'aide aux infirmes
mentaux de l'Aude (A.F.D.A.I.M.), a d'une part annulé le jugement du magistrat délégué par le
président du tribunal administratif de Montpellier en date du 27 janvier 1999 en tant que ce
jugement a annulé le refus de l'A.F.D.A.I.M. de communiquer à l'A.P.R.E.I. les états du
personnel du centre d'aide par le travail La Clape, d'autre part a rejeté la demande présentée par
l'A.F.D.A.I.M. comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
2°) statuant au fond, d'annuler le refus de communication qui lui a été opposé par l'A.F.D.A.I.M.
;
3°) de mettre le versement à la SCP BOULLEZ de la somme de 2 000 euros à la charge de
l'A.F.D.A.I.M. au titre de l'article L. 761-1 du code de juridiction administrative ; (…)
Considérant que l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES ETABLISSEMENTS
POUR INADAPTES (A.P.R.E.I.) a demandé communication des états du personnel d'un centre
d'aide par le travail géré par l'Association familiale départementale d'aide aux infirmes mentaux
de l'Aude (A.F.D.A.I.M.) ; que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif
de Montpellier a, par un jugement du 27 janvier 1999, annulé le refus de communication opposé
par l'A.F.D.A.I.M et enjoint à cette dernière de communiquer les documents demandés dans un
délai de deux mois à compter de la notification de son jugement ; que l'A.P.R.E.I. demande la
cassation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 décembre 2003 en tant
que la cour a d'une part annulé le jugement du 27 janvier 1999 en tant que ce jugement est relatif
au refus de communication opposé par l'A.F.D.A.I.M., d'autre part rejeté sa demande comme
portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures

11
d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre
administratif, social et fiscal, dans sa rédaction alors en vigueur : « sous réserve des dispositions
de l'article 6 les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui
en font la demande, qu'ils émanent des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales,
des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion
d'un service public » ;
Considérant qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu
reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui
assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette
fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public ; que,
même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée,
dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à
l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son
fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier
que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui
confier une telle mission ;
Considérant qu'aux termes de l'article 167 du code de la famille et de l'aide sociale alors en
vigueur : « les centres d'aide par le travail, comportant ou non un foyer d'hébergement, offrent
aux adolescents et adultes handicapés, qui ne peuvent, momentanément ou durablement,
travailler ni dans les entreprises ordinaires ni dans un atelier protégé ou pour le compte d'un
centre de distribution de travail à domicile ni exercer une activité professionnelle indépendante,
des possibilités d'activités diverses à caractère professionnel, un soutien médico-social et
éducatif et un milieu de vie favorisant leur épanouissement personnel et leur intégration
sociale./ … » ; que les centres d'aide par le travail sont au nombre des institutions sociales et
médico-sociales dont la création, la transformation ou l'extension sont subordonnées, par la loi
du 30 juin 1975 alors en vigueur, à une autorisation délivrée, selon le cas, par le président du
conseil général ou par le représentant de l'Etat ; que ces autorisations sont accordées en fonction
des « besoins quantitatifs et qualitatifs de la population » tels qu'ils sont appréciés par la
collectivité publique compétente ; que les centres d'aide par le travail sont tenus d'accueillir les
adultes handicapés qui leur sont adressés par la commission technique d'orientation et de
reclassement professionnel créée dans chaque département ;
Considérant que, si l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constitue
une mission d'intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975,
éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission
assurée par les organismes privés gestionnaires de centres d'aide par le travail revête le caractère
d'une mission de service public ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis
d'erreur de droit en estimant que l'A.P.R.E.I. n'est pas chargée de la gestion d'un service public
; qu'ainsi l'A.P.R.E.I. n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est
suffisamment motivé ; que ses conclusions tendant à la prescription d'une mesure d'exécution
et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent
être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE:
Article 1er : La requête de l'A.P.R.E.I. est rejetée. (…)

12
Document n°7 : CE, Ass., 16 novembre 1956, Union syndicale des industries
aéronautiques, n°26549.

(…)
REQUÊTE de l'Union Syndicale des Industries Aéronautiques, tendant à l'annulation pour
excès de pouvoir d'un décret en date du 11mai1953 portant suppression de la Caisse de
compensation de l'industrie aéronautique;
Vu la loi du 17août1948 ; la loi du 31 mars 1931, article 105 ; le décret du 24 mai 1938 ;
l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Sur la régularité du décret attaqué
CONSIDÉRANT qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de l'exa men de la minute même
du décret n°53-404 du 11mai 1953 attaqué, vérifiée au siège de la présidence du Conseil des
Ministres par un membre de la première sous-section de la section du contentieux, que ledit
décret a été pris sur le rapport de tous les Ministres intéressés dont il porte les signatures ; qu'il
a été aussi revêtu de la signature du secrétaire d'Etat à l'Air ; qu'ainsi le moyen invoqué manque
en
Fait ;
Sur la légalité du décret attaqué
Cons. qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 17août 1948 «les matières relevant de la
compétence du pouvoir réglementaire en vertu de l'article 6 sont les suivantes : ... organisation,
suppression, transformation, fusion, règles de fonctionnement et contrôle de l'ensemble des
services de l'Etat ou des services fonctionnant sous son contrôle ou dont les dépenses sont
supportées en majeure partie par lui et des établissements publics de l'Etat...»; qu'il s'ensuit qu'à
la différence des établissements publics de l'Etat à caractère industriel ou commercial, pour
lesquels ni l'article 2 ni l'article 7, alinéa 5, ni aucune autre disposition de la loi du 17août 1948
ne confèrent un tel pouvoir au gouvernement, les établissements publics de l'État ne présentant
pas un caractère industriel ou commercial peuvent être légalement supprimés par un décret pris
dans les conditions prévues à l'article 6 de la loi susmentionnée :
Cons. que la Caisse de Compensation pour la décentralisation de l'industrie aéronautique,
instituée par l'article 105 de la loi du 31mars1931 et dont le domaine d'activité avait été étendu
par le décret du 24 mai 1938, avait essentiellement pour objet de subventionner des opérations
d'intérêt général ; qu'elle tirait la plus grande partie de ses ressources d'une retenue de nature
parafiscale, précomptée sur toutes les factures afférentes à des marchés passés par le Ministre
de l'Air ou pour son compte, en vue de la livraison de matériels volants ou des fournitures
nécessaires auxdits matériels; que ses modalités de fonctionnement présentaient un caractère
purement administratif ; que, dans ces conditions, ladite caisse ne constituait pas un
établissement public à caractère industriel ou commercial; que, dès lors, elle était au nombre
des établissements publics qui sont visés par la disposition susrappelée de l'article 7 de la loi du
17 août1948 et qui, par suite, peuvent être supprimés par un décret pris dans les conditions
prévues à l'article 6 de ladite loi;
Cons. qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'en prenant le décret du 11 mai 1953 portant
suppression de la caisse susmentionnée le gouvernement ait usé des pouvoirs qu'il tient de la
loi du 17 août 1948 pour une fin autre que celle en vue de laquelle ils lui ont été conférés : que
l'opportunité de la mesure prise par le gouvernement dans la limite des pouvoirs qui lui ont été
dévolus par la loi ne saurait être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir ; ...
Rejet

13
Document n°8 : TC, 6 juillet 2020, n°C4191

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

(…)

Considérant ce qui suit :

1. L'association Philharmonie de Paris, aux droits de laquelle vient l'établissement public de la


Cité de la musique-Philharmonie de Paris qui lui a succédé en 2015, a signé, le 25 janvier 2011,
avec un groupement d'entreprises constitué par les sociétés Bouygues Bâtiment Île-de-France,
Belgo-Metal et Kyotec Group, un marché de travaux pour la construction, la maintenance et
l'entretien d'un équipement musical dénommé la Philharmonie sur le site du parc de la Villette
à Paris. Par un acte spécial en date du 19 février 2015, l'association Philharmonie de Paris a
accepté l'intervention de la société Huet Location en tant que sous-traitante de la société Belgo-
Metal pour la " pose de tôles pare fumée + cheminements pompier + garde-corps ". Par le même
acte, la société Belgo-Metal a délégué au maître d'ouvrage, l'association Philharmonie de Paris,
le paiement à la société Huet Location des sommes dues au titre de la sous-traitance. La société
Huet Location, estimant que seuls 20 000 euros lui avaient été payés sur les 150 000 euros
prévus à l'acte du 19 février 2015, a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner
la Philharmonie de Paris à lui verser une somme de 130 000 euros, augmentée des intérêts au
taux légal. Par un jugement du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa
demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Par arrêt du 5
mars 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête en annulation de ce
jugement. La société Huet Location a formé un pourvoi contre cet arrêt. Par une décision du 28
février 2020, le Conseil d'État a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret
du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence.

2. Si l'association Philharmonie de Paris, créée à l'initiative de l'État et de la ville de Paris pour


assurer la maîtrise d'ouvrage de la construction d'un équipement culturel et son exploitation, a
exercé une mission de service public, elle était une association régie par la loi du 1er juillet
1901 dont aucune de ces personnes publiques ne contrôlait, seule ou conjointement avec l'autre,
l'organisation et le fonctionnement ni ne lui procurait l'essentiel de ses ressources ; par ailleurs,
elle n'a pas agi au nom et pour le compte de ces dernières mais en son nom et pour son propre
compte.

3. Le marché signé entre l'association Philharmonie de Paris et le groupement d'entreprises est


dès lors un contrat de droit privé et la demande en paiement formé par le sous-traitant à
l'encontre du maître d'ouvrage qui l'a accepté relève de la compétence de la juridiction
judiciaire.

DECIDE:

--------------

14
Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la société
Huet Location à l'association Philharmonie de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Huet Location, à l'établissement public
Cité de la musique - Philharmonie de Paris, venant aux droits et obligations de l'association
Philharmonie de Paris, à la ministre de la transition écologique et au ministre de la culture.

Document n°9 : CE, 3 mars 2010 Département de la Corrèze, n°306911.


Voir également CE Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats du Barreau de Paris, n°275531
(…)
Considérant que les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la
réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de
prérogatives de puissance publique ; qu'en outre, si elles entendent, indépendamment de ces
missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que
dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence ;
qu'à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite
de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter
notamment de la carence de l'initiative privée ; qu'une fois admise dans son principe, une telle
intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation
particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs
agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci ;

Sur la création du service public local de téléassistance aux personnes âgées et handicapées :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le service de téléassistance aux personnes
âgées et handicapées créé par le DEPARTEMENT DE LA CORREZE, dans le cadre de son
action en matière d'aide sociale, a pour objet de permettre à toutes les personnes âgées ou
dépendantes du département, indépendamment de leurs ressources, de pouvoir bénéficier d'une
téléassistance pour faciliter leur maintien à domicile ; que ce service consiste, d'une part, à
mettre à disposition de l'usager un matériel de transmission relié à une centrale de réception des
appels, fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, chargée
d'identifier le problème rencontré par l'usager et d'apporter une réponse par la mise en oeuvre
immédiate d'une intervention adaptée à son besoin, grâce à un réseau de solidarité composé de
personnes choisies par l'usager, à un service médical, social ou spécialisé et aux dispositifs
locaux existants, tels que les instances de coordination gérontologique, les plates-formes de
service, le service de soins infirmiers à domicile pour personnes âgées, d'autre part, à intervenir
au besoin au domicile de l'usager dans les vingt-quatre heures suivant l'appel de l'usager ou
moins, selon l'urgence ; que le délégataire, tenu d'organiser localement le service, doit
envisager, en fonction de la montée en charge du dispositif, l'installation d'une agence locale
dans le département ; que, pour le financement de ce service, le DEPARTEMENT DE LA
CORREZE intervient en réduction du coût réel de la prestation pour les usagers ; qu'ainsi, même
si des sociétés privées offrent des prestations de téléassistance, la création de ce service, ouvert
à toutes les personnes âgées ou dépendantes du département, indépendamment de leurs
ressources, satisfait aux besoins de la population et répond à un intérêt public local ; que, par
suite, cette création n'a pas porté une atteinte illégale au principe de liberté du commerce et de
l'industrie ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 23 juin 2000 qui
a crée ce service, et sur le fondement de laquelle la procédure de délégation litigieuse a été
engagée, doit être écarté ;

15

Vous aimerez peut-être aussi