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Expertise Judiciaire et Arbitrage

Sommaire :

Partie I : l'expertise judiciaire


Introduction………………………………….…………………………….……1
Thème 1 : le statut de l'expert judiciaire…………………….…….6
Thème 2 : la commission de l'expert judiciaire………………..19
Thème 3 : le déroulement de l'expertise…………………………28
Thème 4 : expertises judiciaires spéciales……………………….33
Partie II : l'arbitrage
L’arbitrage………………………………………………………………..……48
Titre 1 : le recours à l'arbitrage………………………………………54
Chapitre I : la convention d’arbitrage……………………….56
Chapitre II : le tribunal arbitral…………………………………62
Titre 2 : le déroulement de l'arbitrage………………….………68
Chapitre I : l'instance devant le tribunal arbitral………68

Cours Mme. Basma Arfaoui (IHEC-Carthage)


Introduction

Distinction entre expert judiciaire et autre missions similaires

La mission de l'expert judiciaire ne doit pas être confondue avec d'autres


missions qui peuvent être ordonnées par le juge. On vise en particulier la
mission du liquidateur (a), la mission de l'administrateur judiciaire (b), la
mission du mandataire de justice (c).

a- Le liquidateur

L'expert judiciaire ne doit pas être confondu avec le liquidateur. Alors que le
premier relève de la loi n°93-61du 23 juin 1993, relative aux experts judiciaires
et sa mission consiste à dresser un rapport pour donner un avis purement
technique, le second relève de la loi n°97-71 du 11 novembre 1997, relative aux
liquidateurs, mandataires de justice, syndics et administrateurs judiciaires.

Pour être inscrit sur la liste des liquidateurs, l'article 4 de cette loi exige que le
candidat ait la nationalité tunisienne et dispose d'une aptitude physique et
mentale. Il doit également jouir de ses droits civils et politiques et n'avoir été ni
déclaré en état de faillite, ni poursuivi préalablement pour un délit intentionnel.
En outre, Il doit avoir accompli le premier cycle supérieur en matière de
sciences juridiques ou économiques ou de gestion, et cela dans l'une des facultés
ou dans de hautes écoles d'études commerciales, ainsi qu'une expérience
effective de cinq ans au moins.

Le liquidateur peut être désigné à l'amiable par les parties concernées ou par
une décision du juge.

En matière de sociétés, la mission du liquidateur consiste à faire un ensemble


d'opérations destinées à recouvrer les créances de la sociétés, payer les
créanciers, restituer ou rembourser aux associés leurs apports et partager
éventuellement le boni de liquidation entre les différents associés.

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Le liquidateur d'une société peut être nommé conformément aux statuts de la
société et cas de silence des statuts, par une décision prise en assemblée
générale. Lorsqu'il s'agit de la dissolution est judiciaire, c'est le tribunal qui
procède à la nomination du liquidateur et lui détermine la rémunération qu'il
percevra en contre partie de sa mission. Au cours de cette mission, c'est le
liquidateur qui représente la société.

En principe ce liquidateur est choisi parmi les personnes inscrits sur la liste des
liquidateurs judiciaires. Cette liste n'est pas la même que celle des experts
judiciaires. Mais il faut reconnaître que dans la pratique, les juges ont parfois
tendance à créer la confusion entre les listes, en ce sens qu'ils confient très
souvent une mission de liquidation à un expert judiciaire.

Le liquidateur désigné devient le représentant légal de la société dissoute. Il


dispose des pouvoirs les plus étendus pour réaliser l'actif, payer les créanciers,
représenter la société auprès des tribunaux et répartir le solde disponible entre
les sociétés. Il n'a pas à conclure de nouveaux engagements. Il peut par contre
conclure de nouveaux contrats pour achever les contrats en cours.

Les pouvoirs du liquidateur sont limités par trois interdictions:

d'abord, il lui est strictement interdit de compromettre ou de consentir des


sûretés.

Ensuite, il lui est interdit de se porter acquéreur de tout ou partie de l'actif de la


société dissoute.

Enfin, le liquidateur ne peut procéder à la cession globale de l'actif que sur


autorisation de l'assemblée générale des associés délibérant dans les mêmes
conditions qu'une assemblée générale extraordinaire, ou par une décision du
juge (en cas de dissolution judiciaire).

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La clôture des opérations de la liquidation implique la convocation des associés
à une assemblée générale. Au cours de cette assemblée, les associés vont statuer
sur l'approbation des comptes définitifs et donner quitus au liquidateur pour sa
gestion.

b- L'administrateur judiciaire

A l'instar du liquidateur, la fonction d'administrateur judiciaire est réglementée


par la loi n°97-71 du 11 novembre 1997, relative aux liquidateurs, mandataires
de justice, syndics et administrateurs judiciaires. L'administrateur judiciaire est
inscrit sur la liste des administrateurs et des syndics. L'inscription sur cette liste
se fait par un arrêté du Ministre de la justice. Il s'agit d'une liste annuelle
déterminée par le Ministre sur avis d'une commission chargée d'examiner les
demandes d'inscription.

Pour être inscrit sur la liste des administrateurs judiciaires, le candidat doit
remplir, outre les conditions d'inscriptions sur la liste des liquidateurs, d'autres
conditions supplémentaires. En effet, il doit être titulaire d'une licence ou
maîtrise en sciences juridiques ou économiques ou de gestion ou d'un diplôme
équivalent et dispose d'une expérience effective dans le domaine de la gestion
ou dans l'administration des entreprises de dix ans au moins.

L'administrateur judiciaire exerce sa fonction dans le cadre d'une procédure


collective ouverte à l'encontre d'un débiteur en état de cessation de paiement 1.
La matière était régie par la loi n°34 du 17 avril 1995 relative au redressement
des entreprises en difficultés économiques. Cette loi a été abrogée par la loi n°36
du 29 avril 2016 relative aux procédures collectives.

Dans la pratique, l'élaboration du plan de redressement peut être confiée par le


juge à un expert judiciaire en l'occurrence un expert comptable inscrit sur la liste
des experts judiciaires. C'est en partant de cette pratique jurisprudentielle que le

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rapprochement entre les deux missions a été établie et ce, bien que les deux
statuts ne relèvent pas de la même loi comme nous l'avons indiqué au par avant.

L'administrateur judiciaire est soumis aux mêmes obligations qui pèsent sur un
auxiliaire de justice. Ainsi, il est tenu de respecter le secret professionnel. Il lui
est strictement interdit de se porter acquéreur d'un droit né de l'exercice de sa
mission ou même de se livrer à une activité identique à celle de cette entreprise
et ce, durant trois ans à partir de la fin de sa mission.

Un développement a été consacré à la mission de l'administrateur judiciaire dans


la deuxième partie du présent cours.

c- La mission du mandataire de justice

Le mandataire de justice est également soumis à la loi n°97-71 du 11 novembre


1997, relative aux liquidateurs, mandataires de justice, syndics et
administrateurs judiciaires. Les conditions d'inscription sur la liste des
mandataires de justice sont les mêmes que celles exigées pour s'inscrire sur la
liste des liquidateurs.

Le mandataire de justice intervient dans le cadre d'une opération de séquestre.


Sa désignation se fait par le président du tribunal. Il accomplit sa mission sous le
contrôle d'un juge commissaire.

Par application de l'article 16 de la loi de 1997, le mandataire de justice "prend


le plus grand soin de la chose commune mise à sa disposition dans le cadre de sa
mission et l'administre en vue de lui en assurer le plus grand profit ainsi qu'aux
associés". Il doit tenir un registre côté et paraphé par le juge commissaire
contenant toutes les opérations et actes d'administration relatifs au séquestre
depuis la date de sa prise en charge jusqu'à la fin de sa mission (ou tout procédé
informatique équivalent). Le registre en question doit être présenté au juge
commissaire mensuellement et à chaque fois que ce dernier le demande.

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L'administrateur est tenu également de présenter au juge commissaire un rapport
tous les trois mois sur le déroulement de sa mission.

En outre, le mandataire de justice doit ouvrir un compte financier spécial au


séquestre et qui doit être indépendant du son compte personnel.

A la fin de sa mission, il doit consigner les sommes restantes se rapportant à


l'opération de séquestre auprès de la caisse de dépôt et de consignation et dresse
un rapport final dans lequel il fixe la situation définitive du séquestre.

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Thème n°1

Le statut de l'expert judiciaire

Section I- La liste des experts judiciaires

La loi de 1993 est venue créer un régime administratif d'inscription sur la liste des
experts judiciaires. L'établissement de cette liste n'a pas pour effet d'organiser les
experts judiciaires en une profession ou un ordre professionnel.

§1- les conditions d'inscription

Dans sa version initiale, la loi n° 93- 61 du 23 juin 1993 prévoyait des conditions
générales qui doivent êtres remplies cumulativement par chaque candidat à
l'inscription sur la liste des experts judiciaires. Mais, la réforme introduite en vertu de
la loi n°2010-33 du 21 juin 2010 prévoit que la liste des experts judiciaires contient
deux tableaux et envisage pour chaque tableau des conditions d'inscription à part
entière. Elle fait également la distinction entre les experts personnes physiques et les
experts personnes morales.

L'article 3 nouveau de la loi du 21 juin 2010 prévoit que la liste des experts comporte
désormais un tableau "A" et un tableau "B":

- le tableau "A" comporte les experts qui sont habilités à exercer leurs missions au
niveau national et qui peuvent être désignés par les différentes instances judiciaires
de la République.

-et le tableau "B" illustre les experts habilités à exercer leurs missions au niveau
régional. Ils ne peuvent être désignés que par les instances judiciaires du ressort de la
Cour d'appel du lieu de leur activité.

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A- Les conditions d'inscription sur le tableau "A"

Le candidat qui postule pour l'inscription sur le tableau "A" des experts judiciaires
doit justifier d'une inscription préalable au tableau "B" (I). Ce passage obligatoire par
le tableau "B" trouve exception pour les experts judiciaires personnes morales (II).

I- L'exigence d'une inscription préalable au tableau "B"

Pour s'inscrire au tableau "A", le postulant doit remplir les conditions suivantes 2:

-être titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur dans la spécialité requise ;

-avoir été inscrit au tableau "B";

-avoir exercé l'expertise judiciaire durant au moins cinq ans consécutifs.

II- L'exception à l'exigence d'une inscription préalable au tableau "B"

Par dérogation à la règle de passage obligatoire par le tableau "B", l'alinéa 2 de


l'article 4 bis de la loi de 2010 prévoit que les personnes morales peuvent s'inscrire
directement sur le tableau "A" lorsqu'elles remplissent les deux conditions suivantes:

-avoir exercé d'une manière effective, durant au moins dix ans, une activité dans la
spécialité requise.

-faire preuve durant cette période minimale de 10 ans d'une expérience convenable.

B - Les conditions d'inscription sur le tableau "B"

Ces conditions sont prévues par l'article 4 nouveau de la loi de 2010. Cet article
prévoit des conditions relatives aux experts judiciaires personnes physiques (I) et
d'autres pour les experts judiciaires personnes morales (II).

I- Les conditions requises pour l'inscription d'une personne physique

2
art. 4 bis.

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Conformément à l'article 4 nouveau, l'inscription sur le tableau "B" de la liste des
experts judiciaires (personnes physiques) est subordonnée au respect de ces
conditions cumulativement:

-La nationalité: le postulant doit être de nationalité tunisienne;

- La capacité : le candidat doit être apte physiquement et mentalement à accomplir


toute mission à lui confier.

- La moralité: le postulant doit jouir de ses droits civils et politiques et n'avoir été
déclaré ni en faillite, ni condamné par une décision définitive pour crime ou délit
intentionnel ou par une décision disciplinaire pour atteinte à l'honneur;

- La qualification : le candidat doit être titulaire d'un diplôme délivré par un


établissement supérieur dans la discipline requise. Celui qui ne remplit pas cette
condition peut être inscrit, à titre exceptionnel, s'il prouve sa compétence d'exercer
les travaux d'expertise et qu'un manque en experts diplômé dans la spécialité requise
soit établi,

- L'expérience: pour s'inscrire sur la liste, il faut avoir exercé une profession ou une
activité dans la spécialité objet de la demande d'inscription pendant cinq ans au
moins pour le titulaire d'un diplôme et de dix ans pour les autres;

- Absence de causes d'incompatibilité: le postulant ne doit exercer aucune activité


incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions d'expertise
judiciaire,

- La résidence: le candidat doit être résident en Tunisie,

II- Les conditions requises pour l'inscription d'une personne morale

Il est requis pour l'inscription d'une personne morale dans la liste des experts 3:

3
art. 4 nouveau.

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-que les dirigeants de la personne morale doivent remplir les conditions exigées pour
les experts personnes physiques indiquées auparavant.

-avoir exercé une activité dans la spécialité objet de la demande d'inscription,


pendant cinq ans au moins,

son activité ne doit pas être incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice
de missions d'expertise judiciaire,

disposer de moyens techniques et humains nécessaires à l'accomplissement des


missions qui lui sont confiées;

avoir son siège social ou celui de l'une de ses succursale lié à sa spécialité, dans le
ressort du tribunal où elle a fait sa demande d'inscription.

La personne morale ne peut être inscrite sur la liste des experts judiciaires si elle
prend l'exécution des missions d'expertise judiciaire comme objet social principal ou
accessoire4.

§2- La procédure d'inscription

L'ouverture des candidatures à l'inscription sur la liste des experts judiciaires est fixée
par un arrêté du Ministre de la justice. L'arrêté détermine les spécialités requises
pour les besoins des tribunaux et fixe les pièces à fournir ainsi que les délais à ne pas
dépasser pour le dépôt des demandes.

Les demandes d'inscription sont déposées:

-soit auprès de la commission régionale au niveau de chaque cour d'appel pour les
candidats qui veulent s'inscrire sur le tableau "B" de la liste des experts judiciaires.

-soit auprès de la commission nationale au prés de la cour de cassation pour les


candidats à l'inscription au tableau "A" de la liste des experts judiciaires.

4
art. 4 nouveau in fine.

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La procédure de l'inscription comporte deux étapes: l'instruction de la demande (A)
et la décision d'inscription (B).

A- L'instruction de la demande

Chaque commission régionale ou nationale soit-elle se charge d'examiner les


demandes qui lui sont présentées et de donner son avis. Lequel avis sera transmis au
Ministre de la justice.

La commission chargée de l'examen des demandes d'inscription au niveau de la cour


d'appel est composée de du premier président de la cour d'appel (en qualité de
président), des présidents des tribunaux de première instance relevant du ressort de
la cour d'appel, du substitut du procureur de la cour d'appel, d'un représentant du
ministère concernée par la spécialité objet de la demande d'inscription et d'un expert
en la spécialité objet de la demande d'inscription choisi par le président de la
commission parmi les experts en exercice dans le ressort de la cour d'appel (tous en
qualité de membres).

La commission chargée de l'examen des demandes d'inscription au niveau de la cour


de cassation est composée du premier président de la cour de cassation (en qualité
de président), du premier président de la cour d'appel de Tunis, de l'avocat général
des affaires civiles auprès de la direction des services judiciaires, du président du
tribunal de première instance de Tunis, du président le plus ancien d'un tribunal de
première instance hors Tunis, d'un avocat général auprès de la cour de cassation,
d'un représentant du ministère concerné par la spécialité objet de la demande
d'inscription et d'un expert inscrit au tableau "A", choisi par le président de la
commission.

B- La décision d'inscription

Une fois l'avis transmis par les commissions chargées d'examiner les demandes
d'inscription au Ministre de la justice. Ce dernier fixe par arrêté la liste des experts
judiciaires inscrits à la circonscription de chaque tribunal de première instance. Cette

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liste est adressée aux tribunaux et mise à la disposition du public au greffe de chaque
tribunal.

L'inscription sur la liste des experts judiciaires est faite pour une durée de cinq ans
renouvelable sauf s'il ya lieu une réinscription. En effet, l'expert judiciaire peut
demander sa réinscription sur la liste des experts judiciaires, un an avant le terme de
l'inscription en cours (art. 27 nouveau).

Les décisions d'inscription ou de refus d'inscription ainsi que les décisions de


réinscription ou de refus de réinscription sont notifiées aux intéressés par écrit.

L'expert ne peut être inscrit que dans une seule spécialité et au ressort d'un seul
tribunal de première instance. Toutefois, plusieurs experts peuvent être inscrits dans
une même discipline.

L'expert inscrit pour la première fois doit ainsi que le dirigeant de la personne morale,
avant d'être chargé des missions d'expertise, prêter serment devant la cour d'appel
du lieu de son activité (art. 7 nouveau). De même, l'expert judiciaire ainsi que le
représentant de la personne morale inscrite sur la liste des experts judiciaires doit
assister aux sessions de formation organisées dans le but d'approfondir ses
connaissances.

L'expert judiciaire peut demander au Ministre de la justice de le décharger


définitivement ou temporairement pour raison de santé, d'ordre familial ou autres, et
ce, pour une période ne dépassant pas une année (art. 29).

L'empêchement d'exercer une mission d'expertise en cas de décès ou pour tout autre
cause (incapacité physique )est notifié au Ministre de la justice par le premier
président de la cour d'appel dont relève l'expert (art. 28 nouveau). Ce dernier se
charge également de désigner un autre expert, dans la même spécialité, pour
procéder à la liquidation des dossiers de l'expert devenu en état de cessation de
fonction (art. 30).

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Section II- Le régime juridique des responsabilités de l'expert judiciaire

Dans le cadre de l'accomplissement de sa mission d'expertise, l'expert judiciaire peut


engager sa responsabilité. La responsabilité juridique de l'expert judiciaire comprend
trois volets: une responsabilité civile (§1), une responsabilité pénale (§2) et une
responsabilité d'ordre disciplinaire (§3).

§1- la responsabilité civile

L'article 13 de la loi de 1993 stipule que "si l'expert commet à l'occasion de


l'accomplissement de sa mission une faute causant un préjudice à l'une des parties, il
en répondra conformément aux règles de droit commun, sans préjudice des
sanctions disciplinaires qu'il peut encourir". Cet article se prononce sur la nature
juridique de la responsabilité civile de l'expert (A) et sur les conditions de sa mise en
oeuvre (B).

A- La nature juridique de la responsabilité civile de l'expert judiciaire

Le statut des expert judiciaire tel qu'il résulte des dispositions de la loi de 1993 nous
permet de déduire que les experts judiciaires sont des auxiliaires de justice qui ne
sont pas regroupés dans un ordre. Et même si les experts sont missionnés par le juge
étatique et ils agissent pour le compte des juridictions étatiques, ils ne sont pas pour
autant considéré comme agents de l'Etat d'autant plus le paiement des frais et
honoraires d'expertise sont à la charge des parties. De ce fait, si l'expert, dans le
cadre de l'accomplissement d'une mission qui lui a été confiée par le juge, une faute
préjudiciable, il assume une responsabilité personnelle et l'Etat ne peut être appelé à
réparer le dommage causé du fait de cet expert.

Par ailleurs, il est admis que bien que les honoraires de l'expert sont mis à la charge
des parties, celles-ci ne sont pas en relation contractuelle avec l'expert et par
conséquent la responsabilité civile de l'expert judiciaire n'est pas une responsabilité

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contractuelle5 mais une responsabilité de nature délictuelle ou quasi-délictuelle dont
le fondement est soit l'article 82 ou bien l'article 83 du code des obligations et des
contrats.

B- Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile de l'expert

La mise en œuvre de la responsabilité civile est subordonnée à la réunion de trois


conditions: une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le
dommage causé.

Toute faute préjudiciable est susceptible d'engager la responsabilité civile de l'expert.


Toute négligence ou imprudence peut être une source de responsabilité civile du
moment que cette imprudence ou négligence ont aboutit à un préjudice. L'aspect
volontaire ou involontaire dans la commission de la faute n'est qu'un critère pour
déterminer le fondement légal à retenir (art. 82 ou 83 coc).

Le préjudice peut être différent selon que la faute de l'expert a été découverte avant
ou après le jugement. S'il a été découvert avant, bien souvent c'est la nullité du
rapport de l'expert qui sera demandée et non pas une action en responsabilité qui
sera engagée. Si le préjudice est découvert après le jugement, et que le jugement a
tenu compte du rapport d'expertise manifestant la faute de l'expert, c'est la
responsabilité de l'expert qui est généralement invoquée par la partie lésée. Et dans
cadre, il est admis que "le juge n'étant pas lié par l'expertise, les fautes d'analyse ou
d'appréciation de l'expert ne peuvent être causes de dommages que dans la mesure
où elles sont reconduites par le juge".

En dehors du cas des fautes préjudiciables contenues dans le rapport d'expertise et


qui ont servi de fondement pour le jugement rendu, la responsabilité civile de
l'expert peut également être retenue s'il est reproché à l'expert d'avoir par sa
carence retardé la solution du litige, ou s'il a violé le principe du contradictoire. Dans
ce type de faute, il ne s'agit plus de rechercher le lien de causalité à travers une

5
Et ce contrairement à l'expert non judiciaire, choisi par les parties en dehors de toute intervention du juge.

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appréciation du travail du juge mais, d'établir le rapport de causalité directe entre la
faute de l'expert et le dommage causé à la partie lésée.

§2- La responsabilité pénale

Dans le cadre de l'accomplissement de sa mission d'expertise, l'expert judiciaire peut


engager sa responsabilité pénale. Cette responsabilité trouve son fondement dans
l'existence d'un texte de loi qui incrimine un acte qualifié d'infraction. A ce titre, le
code pénal réprime l'expert judiciaire qui viole le secret professionnel, ou qui ou
également.

A- La violation du secret professionnel

Le respect du secret professionnel est un devoir qui pèse sur l'expert en vertu duquel
il doit s'abstenir de divulguer les secrets qui a pu avoir connaissance lors de ses
missions en dehors des conditions établies pas la loi et hors la limite fonctionnelle qui
lui est strictement définie.

Cette interdiction est prévue par l'article 8 de la loi de 1993 qui dispose que "l'expert
judiciaire doit garder les secrets dont il a pris connaissance en vertu de ses missions".
De même, l'article 254 du code pénal punit d'un emprisonnement de six mois et
d'une amende de 500 francs, les médecins, (...) et toutes autres dépositaires, par état
ou par profession, de secrets qu'on leur confie, qui hors le cas de la loi les oblige ou
les autorise à se porter dénonciateur auront révélé ces secrets".

B- La corruption

En vertu de l'article 11 de la loi de 1993, l'expert judiciaire est assimilé lors de


l'accomplissement de sa mission au fonctionnaire "conformément aux dispositions de
l'article 82 du code pénal, et lui sont applicable les articles 83 à 94 du dit code".

La corruption est définit comme étant un comportement pénalement répréhensible


par le quel une personne (le corrompu), sollicite, agrée ou accepte un don, une offre
ou une promesse, des présents ou des avantages quelconque en vue d'accomplir, de

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retarder ou d'omettre d'accomplir un acte entrant d'une façon directe ou indirecte
dans le cadre de ses fonctions. Les fonctions du corrompu peuvent être privées ou
publiques. Mais le caractère public va entrainer une peine plus lourde que celle
prévue pour la corruption privé.

L'expert judiciaire engage sa responsabilité pénale pour corruption et encoure la


peine d'emprisonnement de dix ans et une amende dont la valeur est la double de ce
qu'il a reçu, s'il accepte des dons ou des promesses de dons, des présents ou
n'importe quel avantage pour :

-donner son avis dans un sens autre que celui qui doit le faire.

-accomplir un acte qui dépasse sa mission.

-ou s'abstenir de faire un acte qui fait partie de sa mission.

C- Le faux

Un faux en écriture est altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un


préjudice à autrui et exprimée à travers un écrit ayant par principe pour effet
d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques.

Par application à l'alinéa 2 de l'article 11 de la loi de 1993, l'expert judiciaire qui


commet sciemment un faux sera puni conformément aux dispositions de l'article 172
du code pénal. Tout document constitué par l'expert est un acte public. Et toute
fraude de la part de l'expert dans ce cadre peut être qualifiée de faux ce qui le
rendrai passible d'un emprisonnement à vie et d'une amende de milles dinars (article
172 du code pénal).

§3- La responsabilité disciplinaire

Conformément à l'article 18 de la loi de 1993, tout manquement par un expert


judiciaire à ses devoirs et à l'honneur de la profession donne lieu à une sanction

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disciplinaire. Ces sanctions sont applicables à l'expert judicaires indépendamment
des condamnations pénales ou sanctions civiles, voire même

disciplinaires prononcés par des organismes professionnels.

A- Les sanctions disciplinaires

Les sanctions disciplinaires exposées par la loi de 1993 de deux types. Elles sont
classés en fonction de leur gravité. Ainsi on trouve des sanction de premier degré et
des sanction de second degré.

Pour ce qui est des sanctions de premier degré, on trouve l'avertissement et le


blâme.

S'agissant des sanctions de second degré, elles comportent la suspension d'accomplir


des missions d'expertise pour une durée maximale de trois ans et la radiation
définitive de la liste. Ces sanctions sont réservées aux fautes grave telles que: le refus
de mission sans motifs légitimes, le refus de se présenter devant le tribunal, l'octroi
de délégation à un tiers l'accomplissement de la mission, le dépassement des délais
pour la présentation du rapport d'expertise, la non restitution des documents à lui
remis après l'exécution de la mission.

Cette liste de sanction n'est pas une liste limitative. En effet, la jurisprudence voit
dans la violation du principe de contradictoire ou d'indélicatesse une violation d'un
devoir professionnel susceptible de donner lieu à une sanction disciplinaire de second
degré.

B- La procédure disciplinaire

Les sanctions de premier degré sont prononcées par le premier président de la cour
d'appel au vue d'un rapport du président du tribunal de première instance du lieu
d'exercice de l'expert judiciaire en question ou sur plainte d'une personne ayant
intérêt, et ce après avoir demandé à l'expert judiciaire mis en cause, de présenter ses
observations par écrit dans un délai d'une semaine.

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Les sanctions du second degré sont prononcées par le Ministre de la justice après avis
du conseil de discipline. L'article 21 de la loi de 1993 détermine la composition et le
mode de fonctionnement du conseil de discipline. Le conseil de discipline est institué
au niveau de chaque cour d'appel. Il est composé :

-du premier président de la cour d'appel (président),

-d'un conseiller à la cour d'appel désigné par le premier président (membre


rapporteur)

-du président du tribunal de première instance dans le ressort duquel est désigné
l'expert judiciaire déféré (membre)

-de deux représentants des experts en fonction dans le ressort de la cour d'appel
compétente, désignés par le Ministre de la justice pour une période d'une année
renouvelable (membres).

L'expert exerce ses droits de défense. Il est convoqué par le président du conseil de
discipline par lettre recommandée avec accusé de réception quinze jours avant la
date de l'audience. Il a le droit d'obtenir communication de son dossier et de
présenter toutes conclusions écrites trois jours avant la réunion du conseil de
discipline. L'expert peut se présenter lui-même ou se faire assister par l'entremise
d'un avocat ou d'un expert délégué ou de toute autre personne de son choix.

Le conseil de discipline émet un avis motivé (art. 25 de la loi 1993). Le président du


conseil transmet le procès verbal de la réunion du conseil, signé par les membres, au
Ministre de la justice qui prend par arrêté, la sanction disciplinaire appropriée. Cette
sanction est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception
dans un délai de quinze jours.

Conformément à l'article 26 de la loi de 1993, en cas de faute grave commise par un


expert judiciaire, soit par manquement aux devoirs de la profession, soit par
commission d'une infraction de droit commun, il est procédé immédiatement à la

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cessation de toute mission d'expertise à lui confiée, et ce par ordonnance du premier
président de la cour d'appel. Ce dernier doit en informer le Ministre de la justice par
un rapport motivé. Le Ministre prend à cet effet la décision requise. (ex. de faute
grave: la corruption, le non accomplissement personnel de la mission).

La loi de 1993 n'a pas déterminé les voies de recours possibles à l'encontre des
sanctions disciplinaires. Seront alors appliquées les règles de droit commun. Les
sanctions de second degré sont déférées devant le juge administratif 6. Ce dernier
peut apprécier si la sanction prononcée est proportionnelle à la faute commise. Il
reste de voir si le juge administratif se reconnaît compétent pour des recours contres
les sanctions de premier degré 7.

6
dans la mesure où c'est le Ministre de la justice qui les prononce.
7
puisqu'elles sont prononcées par le juge judiciaire.

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Thème n°2

LA COMMISSION DE L'EXPERT JUDICIAIRE

Le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour décider de commettre un expert


judiciaire. Cette décision aboutit à la seconde étape de la procédure qui est relative
au déroulement de l'expertise. Une étape qui débouche sur l'établissement d'un
rapport d'expertise dans les délais requis.

Section I- Le pouvoir du juge à commettre un expert judiciaire

La décision de commettre un expert judiciaire relève du pouvoir d'appréciation


souverain du juge. Ceci résulte de la lettre de l'article 101 C.P.C.C qui prévoit que "s'il
est nécessaire de procéder à une expertise, (....), le juge y recourra". Cet article ne se
prononce pas sur les cas où la nomination d'un expert judiciaire est nécessaire. Cette
nécessité se manifeste sans aucun doute dans le besoin du juge d'être éclairé sur une
question d'ordre technique qui requiert des investigation complexes. Ceci est valable
aussi bien pour les juridictions de l'ordre judiciaire que pour les juridictions de l'ordre
administratif.

§1- Le juge compétent pour commettre un expert judiciaire

L'expert judiciaire intervient aussi bien devant les juridictions civiles que pénales.

Puisque la désignation d'un expert judiciaire est une question de fait, il est important
de signaler que cette décision ne relève pas de la compétence de la Cour de cassation
(A). En outre, préconiser que la commission d'un expert judiciaire a pour objectif
l'analyse d'une question technique inhérente au fond du litige nous conduit à se
poser la question de savoir si le juge des référés est compétent pour prendre une
telle décision ? (B)

19
Par ailleurs, il est important de savoir si la désignation d'un expert judiciaire doit être
faite dans le cadre d'un procès en cours ou bien elle peut avoir lieu en dehors d'une
affaire en instance. une interrogation qui nous conduit à analyser la désignation de
l'expert judiciaire par voie d'ordonnance sur requête (C)

A- La désignation d'un expert judiciaire est une question de fait

Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire par laquelle le


requérant attaque une décision rendue en dernier ressort par les juges du fond. Il
s'agit principalement : des arrêts rendus par la Cour d'appel, et des jugements
rendus par le Tribunal de première instance en sa qualité de juridiction d'appel.

Etant une juridiction de droit, la Cour de cassation ne peut se prononcer sur une
question de fait. Elle se limite à contrôler la motivation proposée par les juges du
fond et à vérifier si la loi a été bien appliquée aux faits sans pour autant juger l'affaire
quant au fond. De surcroît, elle ne peut pas réexaminer les faits qui ressortent de
l'affaire objet du pourvoi pour donner sa propre appréciation. Ces faits sont
souverainement appréciés par les juges du fond et la Cour de cassation doit les
considérer "comme définitivement établis par la décision attaquée".

Force est de constater que la désignation d'un expert judiciaire ne peut avoir lieu par
la Cour de cassation. en effet, le recours à l'expertise intervient dans le cadre de
l'examen des faits attachés à une affaire pendante. Or, cet examen est exclusivement
réservé aux juges du fond. Certes, il arrive que le pourvoi en cassation invoque une
question attachée à l'expertise judiciaire mais ceci se fait dans le cadre d'une
mauvaise application de la loi par les juges du fond tel que ceci figure dans les cas
d'ouverture à cassation indiqués par l'article 175 CPCC.

B- La commission d'un expert judiciaire est une question de fond

On désigne par juridiction du fond, le tribunal qui examine profondément une


question de fait, origine du litige dont il est saisi, et détermine par la suite la règle de

20
droit la plus appropriée à appliquer. Il s'agit, des juridictions du premier degré et des
juridictions du second degré.

Les juridictions du premier degré sont constituées par des juridictions de droit
commun8 et des juridictions d'exception9.

Les juridictions du second degré sont des juridictions qui sont compétentes pour
réexaminer en appel une affaire qui a été jugé par des juges du premier degré. Il
s'agit de du tribunal de première instance10 et la Cour d'appel11.

N'importe qu'elle juridiction de fond est compétente pour désigner un expert


judiciaire pendant un procès en cours. Cette désignation relève du pouvoir souverain
du juge. La liberté du juge s'exerce par rapport à la mesure d'instruction à prendre, le
technicien à qui sera confiée la mission d'expertise, le nombre des experts désignés
pour une même affaire, ainsi que le fait d'accepter une contre expertise. Il arrive que
le juge se trouve face à des matières où l'expertise est de droit. C'est le cas de la
filiation ou des litiges relatifs aux droits d'enregistrement ou de l'impôt sur le revenu
au titre se la plus value immobilière12. De même, le pouvoir souverain du juge lui
permet de revenir sur sa décision de commettre un expert si des raisons objectives le
justifient et ce après motivation.

Néanmoins, si la commission d'un expert judiciaire par les juridictions de fond ne


suscite aucun doute quant à leur compétence et leur pouvoir discrétionnaire en la
matière, qu'en est il du juge des référés?

8
La juridiction de droit commun est une juridiction qui dispose d'une compétence générale lui permettant de
statuer sur tous les litiges à l'exception de ceux qui lui ont été retirés par une loi spéciale aux juridictions
particulières. il s'agit du tribunal de première instance.
9
Les juridictions d'exception sont des juridictions qui ont une vocation spéciale leur permettant de statuer sur
des litiges déterminés expressément par la loi. il s'agit du tribunal cantonal, du conseil de prud'hommes et du
tribunal immobilier.
10
le tribunal de première instance est appelé à jouer le rôle d'une juridiction d'appel lorsque l'appel est
formulé à l'encontre de jugements rendus par le juge cantonal en premier ressort.
11
La Cour d'appel est compétente pour examiner les demandes d'appel interjetées contre les décisions
rendues en premier ressort par le tribunal de première instance ou par le conseil de prud'hommes.
12
par application de l'article 62 du Code de droits et procédures fiscaux, le tribunal ordonne d'office une
expertise pour évaluer la valeur vénale des immeubles, des droits immobiliers et de fonds de commerce cédés.

21
La saisine du juge des référés est présidée par une urgence nécessitant l'intervention
de l'autorité juridictionnelle afin de sauvegarder des droits ou des intérêts en péril.
Cette saisine est subordonnée à une condition primordiale qui limite la compétence
du juge des référés: le juge statue "sans préjudice au principal".

De ce fait, la commission d'un expert judiciaire par le juge des référés est possible
tant que cette mesure d'instruction ordonnée n'est pas de nature à préjudicier au
principal. L'expertise est ordonnée en référé dès lors que le demandeur justifie d'un
intérêt légitime et que la mesure d'instruction en question est nécessaire à la
protection des droits de la partie qui l'a sollicitée.

C- La désignation d'un expert en cours ou en dehors d'un procès

Généralement, la commission d'un expert judiciaire se fait dans le cadre d'un procès
en cours. Cette désignation peut être faite à tout moment du procès. Qu'il s'agisse
des audiences préparatoires ou de l'audience de plaidoirie.

Cependant, il arrive que la décision de commettre un expert judiciaire est prise en


dehors de tout procès (ex. la désignation d'un commissaire aux apports pour évaluer
les apports en nature dans les SA) ou pour préparer un procès éventuel. C'est le cas
lorsqu'une telle décision intervient dans le cadre d'une ordonnance sur requête.

L'article 213 CPCC accorde au président du tribunal de première instance et au juge


cantonal le pouvoir de délivrer des ordonnances sur requête s'il ya péril en la
demeure et ce afin de "prescrire toutes mesures propres à sauvegarder les droits et
intérêts qu'il n'est pas permis de laisser sans protection 13". Ces ordonnances n'ont
pas besoin d'être motivés. elle doivent être rendues immédiatement, et au plus tard,
dans les vingt-quatre heures suivant la date de la requête.

§ II - la décision de commission de l'expert

A- Nombre d'experts commis

13
art. 214 CPCC.

22
Lorsque le juge l'estime nécessaire, il procède à la nomination d'un ou de plusieurs
experts. En principe et par souci d'économie, un seul expert est commis. Mais, le juge
peut se trouver dans l'obligation d'opter pour la pluralité d'experts. En effet, il arrive
qu'une affaire nécessite la commission de plusieurs experts spécialisés dans des
domaines différents ou bien si l'Etat ou une collectivité publique est partie au
procès14. Dans ce dernier cas l'article 102 CPCC, prévoit que "l'expertise ne peut se
faire que par trois experts, à moins que les parties ne consentent qu'il y soit procédé
un seul".

Néanmoins, cette règle n'est pas d'ordre public et sa violation ne peut être soulevée
pour la première fois devant la Cour de cassation. Et on trouve des dérogations
prévues par des textes spéciaux à la règle de la multiplicité des experts. C'est le cas de
l'article 18 de la loi du 11 août 1976 relative à l'expropriation pour cause d'utilité
publique qui prévoit que le juge des référés désigne un expert unique pour
déterminer le montant de l'indemnité provisoire d'expropriation. Le juge des référés
ne peut déroger à cette règle et désigner plusieurs experts à la fois que si deux
conditions sont vérifiées: d'une part, les experts doivent être de spécialité différente
et d'autre part, l'immeuble exproprié doit comporter des installations commerciales
ou industrielles.

L'expert est choisi par le juge à la lumière de la liste officielle d'experts judiciaire.
Mais n'ayant qu'une valeur indicative, le juge peut choisir un expert en dehors de
listes15 et sa liberté n'a de limite que le respect de l'exigence d'une spécialisation chez
l'expert.

B- Contenu de la décision

La décision désignant le ou les experts doit indiquer:

14
Selon la Cour de cassation, les entreprises publiques sont soumises à la solution de droit commun du
moment qu'elles sont régies par des règles de droit privé: Cass. civ., 8 juin 1999, Bull. I. 53.
15
Cass. civ., 25 nov. 1982, Bull. 1982. IV 65.

23
1/la mission avec toute précision et exactitude ainsi que les diverses opérations à
accomplir;

2/le montant de la provision à avancer à l'expert sur les frais de l'expertise et la


désignation de la partie qui en est tenue;

3/ le délai imparti pour le dépôt du rapport d'expertise au greffe 16.

En pratique, la décision commettant l'expert expose les circonstances qui rendent


nécessaire l'expertise.

Dés la désignation de l'expert, le greffier l'invite, par lettre recommandée, à prendre


connaissance des pièces de la procédure qu'il ne peut se faire remettre qu'avec
l'autorisation du juge. Le greffier lui remet également copie de la décision le
désignant17.

L'expert peut, dans les cinq jours qui suivent la réception de la mission qui lui a été
confiée, demander à être déchargé notamment s'il justifie ceci par un motif légitime.
Dans ce cas, le président du tribunal ou son délégué décide de son remplacement 18.

La décision ordonnant l'expertise indique le montant de la provision à avancer à


l'expert sur les frais de l'expertise et la partie qui en est tenue. Normalement, il s'agit
de la partie à qui incombe la charge de la preuve (généralement le demandeur) mais
le juge peut désigner comme débiteur de l'avance le défendeur.

Le juge fixe librement le montant de l'avance. Normalement, il doit se rapprocher de


la rémunération définitive prévisible pour permettre aux parties de se faire une idée
précise du coût et que l'expert ait une garantie d'être payé une fois l'expertise est
achevée. Mais en pratique, les juges fixent une somme modique qui est inférieure au
coût définitif de l'expertise ce qui peut être à l'origine d'un agacement du côté des
parties et du côté de l'expert commis.

16
Art. 103 CPCC.
17
Art.105 CPCC.
18
Art. 106 CPCC.

24
Par ailleurs, l'ordonnance de nomination fixe le délai de paiement de la provision 19.
Rien n'empêche son fractionnement si son montant est élevé. le juge peut proroger
le délai de paiement. A défaut de paiement de la partie désignée ou par toute autre
partie de la provision dans le délai imparti, l'expert n'est pas tenu d'accomplir sa
mission. Le défaut de paiement de l'avance entraîne la caducité de la décision
commettant l'expert. Il peut être dérogé à cette sanction en cas de motif légitime (cas
de force majeur20).

Section 2 - Voies de recours à l'encontre de la décision de commission d'un expert


et remplacement de l'expert

Ni les décisions ordonnant l'expertise, ni celles relatives au montant de la provision


ne sont susceptibles d'appel indépendamment du jugement de fond. Cependant,
L'ordonnance de référé qui ordonne une expertise sur le fondement des articles 201
du Code de procédure civile et commerciale peut faire l'objet d'un appel.

Si après l'exercice d'un recours, le jugement est annulé, la nullité s'étendra au rapport
d'expertise qui en est l'exécution.

Par ailleurs, le remplacement de l'expert se fait soit à la demande l'expert lui même
soit à la demande des parties.

La première hypothèse est prévue par l'article 106 CPCC qui prévoit que "expert, peut
dans les cinq jours qui suivent la réception de la mission qui lui a été confiée,
demander à en être déchargé". Dans ce cas, le président du tribunal ou son délégué
décide de son remplacement21.

La seconde hypothèse se présente lorsque l'expert ne remplit pas sa mission dans le


délai imparti ou bien lorsque la demande de sa récusation a été admise.

19
art. 104 CPCC.
20
Art. 104 CPCC.
21
Art. 106 CPCC.

25
Il est admis que le remplacement n'est possible qu'au cas où l'expert ne remplit pas
sa mission dans le délai ( sauf s'il justifie d'un empêchement ) 22. Dans ce cas l'expert
sera condamné à payer des dommages-intérêts et à restituer les frais frustratoires.

En dehors de ce cas, le remplacement de l'expert à la demande des parties peut avoir


lieu à la suite de sa récusation. Les motifs de récusation sont les mêmes que ceux de
reproche des témoins prévus à l'article 96 CPCC:

-Pour des raisons d'inimitié manifeste;

-S'il a un intérêt personnel à expertiser;

-S'il a reçu des cadeaux, en cours d'instance, de la partie qui a sollicité l'expertise;

-S'il est, au moment de l'expertise, créancier ou débiteur de l'une des parties;

-S'il est mandataire ou tuteur de la partie qui demande l'expertise;

-Pour des rasions de parenté, en ligne directe ascendante ou descendante à l'infini, et


en ligne collatérale, jusqu'au 6 ème degré;

-S'il est condamné pour infraction portant atteinte à l'honneur.

La récusation doit avoir lieu dans un délai ne dépassant pas cinq jours à compter de la
date où la partie a eu connaissance de la nomination23.

La récusation de l'expert est inopérante si le motif de récusation est le fait de la


partie qui l'invoque, et ce postérieurement à sa nomination. Toutefois, la récusation
est admise si les motifs se sont produits à l'expiration du délai de 5 jours et sont
étrangers à la partie qui les invoque ou si cette partie démontre qu'elle n'en a eu
connaissance qu'après l'expiration de ce délai 24.

22
Art. 107 CPCC.
23
Art. 108 CPCC.
24
Art. 109 CPCC.

26
Il est indispensable de faire la distinction entre la récusation de l'expert et la
contestation relative à sa qualification professionnelle. Celle-ci peut être invoquée à
tout moment.

L'expert remplacé doit restituer les frais frustratoires et ce sur une simple
ordonnance du président du tribunal. L'ordonnance est susceptible d'opposition
comme en matière d'apposition à taxation des frais et honoraires 25.

25
v. infra (les honoraires de l'expert judiciaire).

27
Thème n°3 - Le déroulement de l'expertise

L'étude du déroulement de l'expertise implique l'analyse respectif des obligations de


l'expert judiciaire lors l'accomplissement de sa mission (section 1), du rapport
d'expertise (section 2), de la valeur de l'expertise et mission supplémentaire
(section3) et la rémunération de l'expert (section 4).

section1- les obligations de l'expert commis

L'expertise doit se dérouler en respect des droits de la défense (§1). Elle est assurée
personnellement par l'expert commis (§2). Les parties sont tenues à un devoir de
collaboration (§3). Et l'expert est tenu de se limiter à la mission (§4) et aux délais
impartis pour sa réalisation (§5).

§1- Le respect du contradictoire

L'expert doit veiller à convoquer les parties aux réunions par lettre recommandée
avec accusé de réception. Cette obligation s'explique par le fait que la pertinence de
l'avis exprimé par l'expert dépend de la participation aux opérations d'expertise.
L'expert ne peut se contenter de recueillir des renseignements émanant d'une seule
partie. Il doit mentionner dans son avis la suite qu'il a donné aux déclarations des
parties.

L'absence des deux parties ou de l'une d'entre elles n'est pas de nature à faire
obstacle à la poursuite des travaux d'expertise si elles sont régulièrement
convoquées. Mais une procédure judiciaire irrégulière à son déclenchement peut être
régularisée si l'adversaire se présente aux travaux d'expertise. La partie non
convoquée peut soulever la nullité devant le juge de fond. Elle ne peut contester la
validité de l'expertise pour la première fois devant la cour de cassation.

Les parties doivent avoir accès à tous les documents ayant servi à l'élaboration du
rapport d'expertise et ce avant le dépôt du rapport.

28
La présence des parties n'est pas nécessaire lorsque l'expert procède à des simples
constatations matérielles ou à des investigations purement scientifiques.

§2- L'exécution personnelle de la mission

L'expert doit accomplir la mission qui lui est confiée personnellement. Il ne peut en
donner délégation à un tiers, même s'il est expert. Il peut arriver que certaines
investigations ne relèvent pas de la compétence technique de l'expert commis (par
exemple recourir à un laboratoire d'analyse). Le code de procédure civile et
commerciale ne précise pas si l'expert peut y recourir sans en référer au juge. Mais la
prudence est recommandée dans ce cas.

§3- Le devoir de collaboration des parties

Les parties sont tenues à un devoir de collaboration en vertu du quel elles doivent
remettre à l'expert les documents qu'il estime nécessaire à l'accomplissement de sa
mission.

§4- Le respect des limites de sa mission

L'expert doit se limiter à la mission qui lui est confiée. Il ne peut de son chef étendre
sa mission. L'expert n'a pas pouvoir de concilier les parties. Il se peut que pendant
l'expertise les parties se concilient. Dés lors, l'expert doit constater que sa mission est
devenue sans objet.

§5- Le respect du délai de l'expertise

Le tribunal fixe le délai d'exécution de l'expertise. L'expert peut demander au juge de


proroger le délai d'achèvement des travaux d'expertise. Pendant le déroulement de
l'expertise, le dossier n'est pas retiré du rôle du tribunal. L'affaire est ajournée
d'audience à audience jusqu'à achèvement des travaux d'expertise.

29
Section 2- Le rapport d'expertise

A l'issue de ses investigations et observations l'expert dresse un rapport écrit et


détaillé (Art. 110 CPCC). Il mentionne particulièrement la présence ou l'absence des
parties, tout en reproduisant leurs déclarations, dûment signées par elles. Il indique
avec précision son point de vue technique en le motivant.

Se l'expertise a été faite par plusieurs experts, chacun d'entre eux doit dresser un
rapport comportant son avis. Mais, tous les experts commis peuvent se mettre
d'accord pour en rédiger un seul comportant l'avis motivé de chacun d'eux.

Le rapport ainsi que tous les documents remis à l'occasion de la mission sont
déposés par l'expert au greffe. Et il en informe les parties par lettre recommandée
dans un délai de 24 heures.

L'expert mentionne au bas de son rapport les frais exposés et ses honoraires et le
remet au président du tribunal ou son délégué pour taxe. Une fois l'ordonnance de
taxation est rendue, l'expert demande paiement. Il peut différer le dépôt du rapport
d'expertise au greffe tant qu'il n'a pas été intégralement réglé des ses frais et
honoraires dûment taxés.

Section 3- Valeur de l'expertise et mission supplémentaire

L'article 112 CPCC énonce que l'avis de l'expert ne lie pas le tribunal. Il faut préciser
que le tribunal ne peut adopter le rapport d'expertise que s'il est fondé sur des
éléments certains. Ainsi, le juge peut évaluer l'avis rendu par l'expert, généralement à
la lumière des observations des parties. S'il est convaincu de leur pertinence, il peut
s'écarter de l'avis de l'expert, mais dans ce cas, il doit motiver sa décision.

En cas de contradiction des expertises le tribunal doit ordonner une autre expertise
ou faire valoir l'une d'entre elles en motivant sa décision. Le tribunal peut fonder sa
décision sur l'avis de la majorité des experts.

30
Si le juge n'est pas suffisamment éclairé par le rapport d'expertise, il peut entendre
l'expert en présence des parties ou les défenseurs de celles-ci. Le juge peut demander
à l'expert de préciser ou expliquer ses conclusions soit par écrit soit à l'audience. Il
peut aussi étendre sa mission ou confier une mission particulière à un autre expert.
De même, le juge peut opter pur une contre expertise.

section 4- Les droits de l'expert judiciaire

L'expert a le droit de se défendre lorsqu'il fait l'objet d'une sanction disciplinaire (v.
responsabilité disciplinaire). Il a également le droit à une rémunération qui
correspond au travail qu'il a accompli (§1). Et il dispose à ce titre d'un droit de
rétention comme garantie de paiement de cette rémunération (§2).

§1- La rémunération de l'expert judiciaire

Le président du tribunal ou son délégué taxe la mission d'expertise. Le juge fixe


souverainement la rémunération globale de l'expert. L'ordonnance de taxation des
frais de l'expertise et des honoraires de l'expert est susceptible d'opposition dans un
délai de 8 jours à partir de sa signification. Il est statué sur l'opposition par une
ordonnance motivée non susceptible d'appel et ce dans un délai maximum de 8
jours. L'opposition ne suspend pas le paiement des frais et honoraires taxés.

§2- Le droit de rétention

Conformément à l'alinéa 2 de l'article 14 de la loi de 1993, l'expert judiciaire peut en


cas de non paiement de ses honoraires, exercer le droit de rétention sur les
documents et autres qui lui sont remis dans le cadre de son travail.,

Le droit de rétention peut s'exercer sur des documents ayant une valeur intrinsèque,
tels les récépissés de connaissement maritime, les titres au porteur...

L'expert ne peut procéder à l'exercice de ce droit de rétention qu'après ordonnance


sur requête du président du tribunal dont il relève. En effet, le contrôle du juge est
utile pour empêcher un abus de droit ou l'atteinte à des droits des tiers. Ainsi, le juge

31
peut empêcher qu'un droit de rétention puisse être exercer sur un document médical
(radiographie) afin de respecter la vie privé de l'individu. De même, l'ordre public
politique pourrait faire obstacle à la rétention d'une carte d'identité ou d'un
passeport.

32
Thème n° 4

EXPERTISES JUDICIAIRES SPECIALES

Section I- L'évaluation de l'apport en nature

Pour éviter le risque de la surévaluation des apports en nature qui est


préjudiciable pour les créanciers sociaux, le Code des sociétés commerciales
exige l'intervention d'un expert pour procéder à l'évaluation des apports en
nature sous sa responsabilité. On parle du commissaire aux apports.

La désignation du commissaire aux apports par le juge est obligatoire pour les
sociétés par actions. Et ce abstraction faite de la valeur de l'apport1. Cette
désignation se fait par ordonnance sur requête rendue par le président du
tribunal de première instance du lieu du siège social. Le commissaire est choisi
parmi les experts judiciaires en fonction de la nature du bien apporté. Si les
apports sont de nature différente, il sera procédé à la désignation de plusieurs
commissaires aux apports.

Dans les sociétés à responsabilité limité, l'obligation de recourir à l'évaluation


par un commissaire aux apports ne survient que lorsque la valeur de l'apport
en nature est supérieur à 3000D. Dans ce cas , cette désignation est décidée à
l'unanimité des associés ou à défaut par ordonnance sur requête rendue par le
président du tribunal de première instance du lieu du siège social, à la
demande de l'un des associés2.

Le code des sociétés commerciales prévoit certaines causes d'incompatibilité.


Ainsi, ne peuvent être désignés commissaires aux apports:

1
art. 173 et 391 C.S.C.
2
art. 100 et 151 C. S. C.
1

33
-Les personnes qui ont fait l'apport en nature objet de l'évaluation et les
fondateurs;

-Les ascendants, descendants, collatéraux et alliés jusqu'au deuxième degré


inclusivement des apporteurs ou fondateurs. L'incompatibilité est étendue au
conjoint de ces personnes;

-Les personnes recevant, sous une forme quelconque, un salaire ou une


rémunération à raison de fonction autres que celles de commissaire, des
apporteurs, des fondateurs, d'une autre société souscrivant dix pourcent du
capital de la société, lors de sa constitution, des gérants ou de la société elle-
même, ou de toute entreprise détenant dix pourcent du capital de la société ou
qui détiendrai le dixième du capital lors de l'augmentation de capital.
L'incompatibilité est étendue au conjoint de ces personnes;

-Les personnes à qui l'exercice de la fonction d'administrateur est interdit ou


qui en sont déchues.

En cas de survenance d'une cause d'incompatibilité, le commissaire aux apports


doit en informer les fondateurs (au plus tard quinze jours) et il doit cesser
immédiatement sa mission. Il sera procédé à son remplacement par la même
procédure que la nomination initiale (ordonnance sur requête) 3.

Les délibérations prises par l'assemblée générale constitutive malgré


l'existence d'une cause d'incompatibilité sont nulles 4. Ceci est dû au caractère
d'ordre public de ces causes d'incompatibilité. A cette sanction, s'ajoute une
amende de 1000 à 10.000D à la charge du commissaire aux apports qui a passé
outre sa situation d'incompatibilité.

3
art. 173 C. S.C.
4
art. 174 in fine C. S. C.
2

34
Le commissaire aux apports désigné a pour mission d'évaluer la valeur des
apports en nature et d'établir un rapport à cet effet. Ce rapport doit donner
une description détaillée de chaque apport ainsi que sa valeur et l'intérêt qu'il
présente à la société 5. Le commissaire aux apports engage sa responsabilité en
cas de surévaluation de l'apport 6. De même, une peine d'emprisonnement d'un
an à cinq ans et d'une amende de 1.000 à 10.000 D est prévue pour ceux qui
auront, à l'aide de manœuvres frauduleuses, fait attribuer à un apport en
nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle 7.

Le commissaire aux apports doit déposer son rapport final au siège de la


société afin de permettre aux souscripteurs d'en obtenir communication et ce
quinze jours au moins avant la date de l'assemblée générale constitutive 8.
Cette assemblée ne peut réduire la valeur estimée par le commissaire aux
apports qu'à l'unanimité des souscripteurs.

Par ailleurs, le commissaire aux apports indique la nature des faveurs de


natures pécuniaires à accorder à certains actionnaires 9. On parle d'avantages
particuliers10. Après avoir vérifié ces avantages, le commissaire aux apports
établit un rapport où il décrit la consistance de l'avantage à octroyer. Il peut
s'agir d'un avantage tiré sur les bénéfices (quote-part supérieure des bénéfices,
un versement prioritaire, un report du droit aux dividendes de l'année suivante
lorsqu'un exercice donné ne dégage pas un bénéfice distribuable) ou sur l'actif
social ( ex: un remboursement du capital apporté par priorité aux autres
actionnaires).

5
art. 173 al. 2 C. S. C.
6
art. 173 al. 2 C. S. C. V. S. DOYEN, "Etendue de la mission du commissaire aux apports", G. P., 1982. II. Doct.
486.
7
art. 186 C. S. C.
8
art. 173 al. 3 C. S. C.
9
art. 173 al 2 C. S. C.
10
le terme particulier implique la désignation de la ou des personnes qui peuvent bénéficier de ces avantages
3

35
Section II- L'évaluation des droits sociaux

Le problème relatif à la valeur des droits sociaux se présente généralement


dans le cadre d'une procédure d'agrément de cession.

Pour les SARL, cette procédure d'agrément est suivie pour les cas de cession de
parts sociales à un tiers étranger à la société 11. En cas de désaccord sur le prix
de cession des parts sociales dans une SARL, un expert judiciaire est désigné
par les parties ou par ordonnance sur requête rendue par le président du
tribunal de première instance du lieu du siège social, à la demande de la partie
la plus diligente12. Dans le but de réduire l'arbitraire de l'expert" 13, les parties
peuvent fixer à l'expert des critères pour déterminer le prix de la cession.

Dans les SA, lorsque les statuts contiennent une clause d'agrément qui limite la
libre cessibilité de l'action en soumettant la cession de l'action à une
autorisation de la société (le conseil d'administration ou le directoire) 14. En cas
de conflit sur le prix de cession, un expert judiciaire est désigné à cet effet.
Cette désignation se fait par le juge des référés du lieu du siège social 15.

Seront appelés à la procédure, la société, le cédant, le cessionnaire et le tiers


acquéreur proposé par la société. Les parties peuvent fixer une méthode
d'évaluation qui sera suivie par l'expert désigné.

L'expert désigné établit son rapport dans les délais fixés par le juge. Il peut
demander un délai supplémentaire pour achever sa mission. L'ordonnance qui

11
art. 109 C.S.C al.1.
12
art. 109 C.S.C.
13
MELLOULI (S.) et FRIKHA (S.), Les sociétés commerciales, 2013. P155.
14
ces clauses d'agrément ne sont pas valables dans les sociétés anonymes faisant appel public à l'épargne. art.
321 C.S.C. De même, ces clauses ne jouent que dans le cas de cession d'actions à un tiers. et elles ne produisent
aucun effet lorsque la cession est faite à un conjoint de l'actionnaire, un ascendant, ou un descendant ou
lorsque cette cession s'opère par voie de succession.
15
JACOMET (TH.), "l'expertise sur le prix de rachat en cas de refus d(agrément", JCP. E. 1998. P.790.
4

36
fait droit à cette demande de prorogation implique une prorogation du délai
d'agrément.

Il est admis que si l'expert commet une erreur grossière qui consiste dans le fait
de ne pas suivre la méthode d'évaluation définie par les parties, le juge peut ne
pas suivre les conclusions de l'expert.

Le prix fixé par l'expert judiciaire peut s'avérer insatisfaisant pour le cédant.
Dans ce cas, et par application de l'article 579 COC 16, le cédant peut renoncer à
la cession. Lorsque l'insatisfaction est du côté du cessionnaire proposé par la
société, celui-ci garde la liberté pour ne pas acheter. Par conséquent, le cédant
poursuivra la vente initialement prévue avec le cessionnaire qui s'est vu refuser
l'agrément.

Section III- L'expertise de fusion

La fusion est une opération qui opère une transmission universelle de


patrimoine. Elle est définie comme étant "la réunion de deux ou plusieurs
sociétés pour former une seule société. La fusion peut résulter soit de
l'absorption par une société des autres sociétés, soit de la création d'une
société nouvelle à partir de celles-ci17". La fusion est décidée par l'assemblée
générale extraordinaire de chaque société sur rapport établi par l'expert à la
fusion.

L'article 417 du code des sociétés commerciales confie à un expert spécialisé la


mission d'apprécier et de contrôler le projet de fusion (le projet de fusion est
un écrit préparé par un expert comptable. Ce projet contient une évaluation

16
cet article dispose qu'"on ne peut en rapporter la détermination du prix à un tiers".
17
art. 411 al. 1 C. S. C.

37
financière de l'actif et du passif d'après les états financiers et une évaluation
économique de l'entreprise).

L'expert à la fusion est désigné par ordonnance sur requête par le président du
tribunal de première instance dans lequel se trouve le siège social de l'une des
sociétés concernées par la fusion. Il est choisi parmi la liste des experts
judiciaires.

L'expert désigné est chargé d'analyser les documents qui lui sont communiqués
par la société concernée par la fusion. Et à la lumière de ces documents, il doit
établir un rapport sur les modalités de la fusion. Il doit également se prononcer
sur le caractère équitable de la parité d'échange, le caractère réel de la valeur
attribuée au patrimoine transmis, les méthodes suivies pour la détermination
du rapport d'échange et les difficultés particulières d'évaluation 18.

L'expert exerce un contrôle sur le projet de fusion. En effet, la fusion entraîne


pour les associés un échange de titre dont l'expert doit s'assurer de son
caractère équitable. Et il doit également s'assurer de la valeur du patrimoine
transmis à la société réceptrice.

Lorsqu'il s'agit d'une fusion par absorption 19, l'expert désigné est appelé à jouer
le rôle d'un commissaire aux apports pour évaluer les apports en nature objet
de l'absorption (sauf si la société absorbée n'a comme actif que des comptes
bancaires). Mais s'il s'agit d'une fusion par création d'une société nouvelle,
l'expert spécialisé ne peut jouer le rôle d'un commissaire aux apports car dans

18
art. 417 al.2 C. S. C.
19
Conformément à l'article 424 C. S .C, lorsque la société absorbante détient la totalité des actions de la société
absorbée, il n'est pas nécessaire d'établir un rapport d'expert spécialisé.
6

38
cette hypothèse la procédure de nomination d'un commissaire aux apports par
ordonnance sur requête doit être suivie 20.

Section IV- L'expertise de gestion

L'expertise de gestion, qui est une mesure initialement prévue pour la SARL, a
été étendue par l'article 15 de la loi n°2007-69 du 27 décembre 200721, relative
à l'initiative économique, à la société anonyme.

Cette mesure est destinée à pallier à toute défaillance de l'information des


associés minoritaires22. Elle permet d'obtenir des renseignements
complémentaires sur la réalité, la nature et la portée d'une opération de
gestion suspecte23.

Dans les SARL, seule une (ou plusieurs) opération de gestion accomplie par le
gérant peut faire l'objet d'une demande d'expertise (à exclure de l'objet de la
demande les délibérations des assemblées générales des associés). Le
demandeur doit préciser l'opération de gestion en cause. La demande est
présentée par les associés qui détiennent au moins le dixième du capital au
juge des référés24.

Le rapport d'expertise est communiqué au demandeur, au gérant et, le cas


échéant, au commissaire aux comptes. De même, il est annexé au rapport à
présenter à l'assemblée générale ordinaire et communiqué à tous les associés
avec les autres documents sociaux25.

20
art. 418 in fine.C. S. C.
21
en introduisant un article 290 bis du code des sociétés commerciales.
22
F. PASQUALINI, "Brèves remarques sur l'expertise de gestion", J. C. P. éd. E. 1999. n°30.
23
Y. GYON, "Les nouveaux aspects de l'expertise de gestion", JCP 1985. I. 14593.
24
art. 139 C. S. C.
25
art. 139 C. S. C.
7

39
Dans les SA, l'article 290 du code des sociétés commerciales, un ou plusieurs
actionnaires détenant au moins dix pour cent du capital social peuvent,
individuellement ou conjointement, demander au juge des référés la
désignation d'un expert ou d'un collège d'experts qui aura pour mission de
présenter un rapport sur une ou plusieurs opération de gestion accomplie par
les organes chargés de la gestion sociale. Il peut s'agir d'acte accomplit par le
conseil d'administration ou par le directeur général (pour les SA qui optent
pour modèle classique d'administration) ou par le directoire (pour les SA qui
optent pour le modèle moderne d'administration). La demande doit spécifier
l'opération de gestion à contrôler.

La recevabilité de la requête présentée au juge dépend de la qualité du


demandeur et de son intérêt. Ainsi, si l'information des associés minoritaires
est disponible ou si l'opération de gestion en question n'est pas suspecte, la
demande est rejetée systématiquement.

Le même sort est également réservé à la demande formulée en termes


généraux qui ne désignant pas une ou plusieurs opérations de gestion bien
déterminées.

Le rapport d'expertise est largement diffusé. En effet, l'article 290 du code des
sociétés commerciales indique que le rapport d'expertise est communiqué au
demandeur, au ministère public et au conseil du marché financier si la société
fait appel public à l'épargne ainsi qu'aux organes de gestion et de contrôle. Il
est également mis à la disposition des actionnaires en vue de la prochaine
assemblée générale ordinaire ou extraordinaire.

40
Section VI - expertise et procédures collectives

La loi n°36 du 29 avril 2016 relative aux procédures collectives 26 est une loi qui
tente d'optimiser les chances de redressement des entreprises en difficultés
économiques. Cette optimisation se manifeste à travers plusieurs facettes
parmi les quels on note l'apport des experts dans le sauvetage des entreprises
en difficultés et ce dans le cadre du règlement amiable (section 1) ou
règlement judiciaire (Section 2).

S. Section 1- L'expertise de diagnostic et la conciliation dans le règlement


amiable

La procédure de règlement amiable est réservée aux entreprises qui n'ont pas
atteint le stade de cessation de paiement 27. Elle est destinée à favoriser les
ententes entre les créanciers et le débiteur. La demande d'ouverture de la
procédure de règlement amiable est déposée au prés du président du tribunal
de première instance du lieu de l'entreprise débitrice 28. En acceptant la
demande, le président du tribunal désigne un conciliateur (ou confie la
conciliation à la commission de suivi des entreprises économique si le débiteur
l'accepte).

La conciliation est une procédure de prévention des difficultés de l'entreprise


en ce sens qu'elle a pour but d'évaluer la situation exacte de l'entreprise en
difficulté et de préparer avec le débiteur un plan qui renforce les chances de
surmonter les difficultés financières et ce avec l'accord des créanciers. En effet,
le conciliateur essaye de favoriser le fonctionnement de l'entreprise et de
rechercher la conclusion d'un accord avec les créanciers. Il propose aux parties

26
Cette loi a abrogé le livre 4 du code de commerce. JORT n°38 du 10 mai 2016 page 1724 et s.
27
Art. 422 du C. com.
28
Art. 417 et 423 du C. com.
9

41
une solution à leur différend. Une proposition qui s'inspire à la fois, de l'équité
et de l'état de droit.

Dans tous les cas, le président du tribunal détermine la mission du conciliateur


mandaté, et fixe le montant de ses honoraires qui seront à la charge du
débiteur29. D'un point de vue général, la mission du conciliateur consiste dans
la mise en place d'un terrain d'entente entre le débiteur et ses créanciers et ce
dans un délai qui ne dépasse pas trois mois prorogeable une seule fois (d'un
mois) sur décision du président du tribunal 30.

La désignation d'un conciliateur ne dessaisit pas le juge qui peut prendre à tout
moment d'autres mesures, notamment la suspension des poursuites
individuelles et d'exécution visant le recouvrement d'une créance antérieure à
la date d'ouverture du règlement amiable 31.

Avant l'entrée en vigueur de la loi de 2016, et sous l'empire de l'ancienne loi


relative au redressement des entreprises en difficultés économiques, le
président du tribunal pouvait charger un expert en diagnostic de s'enquérir sur
la véritable situation de l'entreprise. Les experts spécialisées en diagnostic de
situation des entreprises en difficultés économiques sont des experts
judiciaires. Avec la nouvelle réforme du code de commerce introduite par la loi
du 29 avril 2016, le législateur n'a fait aucune indication sur la possibilité de
désigner un expert en diagnostic. L'article 426 du code énonce que le président
du tribunal peut demander des informations sur la situation de l'entreprise
auprès de toute administration ou établissement financier ainsi qu'auprès de la
commission de suivi des entreprises économiques et ce afin d'avoir une étude

29
Lorsque le juge confie la mission de conciliation à la commission de suivi des entreprises économiques, la
conciliation est gratuite.
30
Art. 425 C. com.
31
Art. 427 du C. com.
10

42
de diagnostic sur l'entreprise en question. Ces informations seront par la suite
transmises par le président du tribunal au conciliateur.

Le conciliateur est choisi en raison de ses compétences, qu'il soit inscrit ou non
sur une liste32. Le conciliateur est tenu d'établir un rapport mensuel qui sera
transmit au président du tribunal. Le rapport dresse à la fois les observations et
les travaux accomplis.

La conciliation peut aboutir à la conclusion d'un accord entre le débiteur et ses


créanciers33. Cet accord est soumis au principe de la liberté contractuelle.
L'accord amiable signé par les parties doit être soumis à l'homologation du
juge.

Lorsque le conciliateur n'arrive pas à trouver un terrain d'entente entre les


parties dans les délais requis, ou lorsque l'entreprise cesse ses paiements, le
conciliateur (ou le débiteur, ou le créancier) informe immédiatement le
président du tribunal qui met fin à la mission du conciliateur ainsi qu'à la
procédure du règlement amiable. Le président peut ordonner l'ouverture d'une
procédure de règlement judiciaire s'il s'avère que l'entreprise est en état de
cessation de paiement34.

S. Section 2- L'expertise dans le règlement judiciaire

Le règlement judiciaire est une procédure ouverte aux entreprises ayant cessé
leurs paiements 35 c'est à dire les entreprises qui ne peuvent pas faire face à
leur passif exigible au moyen de leur actif disponible 36. La procédure de

32
La liste des conciliateur est fixée par le Ministre de la justice. Rien n'interdit au juge de choisir un conciliateur
parmi les experts judiciaires.
33
Art. 428 du C. com.
34
Art. 432 du C. com.
35
Art. 434 du C. com.
36
E. LE CORBE-BROLY, Droit des entreprises en difficultés, Dalloz, 2001, p. 36.
11

43
règlement judiciaire est entamée par l'ouverture d'une période d'observation
dans laquelle les créanciers sont astreints à la suspension de leur droit de
poursuite individuelle et d'exécution 37. La période d'observation38 est destinée
à permettre l'élaboration d'un plan de redressement 39. Un administrateur
judiciaire est désigné à ce titre par le président du tribunal.

L'administrateur judiciaire est inscrit sur la liste des administrateurs judiciaires


et des syndics40 mais rien n'empêche le président de le choisir parmi la liste des
experts judiciaires. Avant la réforme de 2016, le juge pouvait faire appel à des
experts de diagnostic qui ont pour mission de dresser un bilan général sur la
situation de l'entreprise afin de mieux détecter les causes de la défaillance et
trouver le meilleur moyen pour la redresser. Toutefois, la nouvelle loi ne fait
aucune allusion aux experts de diagnostic. Elle se limite à mettre en évidence le
rôle de l'administrateur judiciaire.

L'administrateur judiciaire désigné ne doit avoir aucun lien d'intérêt


économique, financier ou familial avec le débiteur. Cette disposition cherche à
garantir un minimum d'indépendance et de neutralité de l'administrateur
judiciaire41.

L'administrateur judiciaire est tenu de dresser une liste des biens de


l'entreprise ainsi qu'une liste des créanciers. Dans les deux mois qui suivent sa
nomination, l'administrateur judiciaire doit établir un rapport, à l'attention du
président, et dans lequel il défini une étude économique, comptable et sociale

37
A. BRAHMI, Le droit de redressement des entreprises en difficultés, 2002, p. 101.
38
Il s'agit d'une période de neuf mois prorogeable une seule fois de trois mois (Art. 439 C. com).
39
Art. 449 C. com.
40
v. Introduction.
41
Art. 440 du C.com.
12

44
qui permet de préciser la situation de l'entreprise et de déterminer les causes
de sa défaillance42.

Pendant la période d'observation, l'administrateur judiciaire est tenu


d'élaborer le projet de plan de redressement lorsqu'il existe des chances de
redressement. En plus de la préparation du plan de redressement,
l'administrateur judiciaire peut être chargé par le président de la gestion
partielle ou totale de l'entreprise 43.

Le projet de plan que doit présenter l'administrateur au juge commissaire doit


comporte en principe trois volets:

D'abord, un volet économique qui consiste à déterminer les perspectives de


redressement en fonction des possibilités et des modalités d'activités, de l'état
du marché et de ses moyens de financement disponibles. Ce volet économique
doit permettre au tribunal de déterminer la viabilité de l'entreprise, au regard
des divers paramètres de gestion. Le plan pourra ainsi prévoir la continuation
de l'entreprise, la suppression d'une branche d'activité ou encore une cession
partielle de l'entreprise.

Ensuite, le plan doit comporte un volet financier qui dresse les modalités de
règlement du passif et les garanties éventuelles que le chef de l'entreprise doit
souscrire pour en assurer l'exécution. Ainsi, si le projet de plan envisagé tend à
la continuation, il conviendra de préciser les remises consenties par les
créanciers, les délais qu'ils ont acceptés et ceux qu'il est envisagé de solliciter
du tribunal pour les créanciers ayant refusé les propositions de règlement

42
E. LE CORBE-BROLY, Droit des entreprises en difficultés, Dalloz, 2001, p. 199.
43
Art. 443 du C. com.
13

45
proposées. Si par contre, le projet tend à la cession, il indique le montant du
prix de cession proposé par les diverses offres de reprise présentées 44.

Enfin, le projet de plan contient un volet social qui expose les perspectives de
l'emploi au sein de l'entreprise ainsi que les conditions sociales envisagées pour
la poursuite d'activité45.

L'administrateur judiciaire soumet le projet de plan à l'avis du juge commissaire


dès qu'il en achève l'élaboration. Le juge commissaire élabore un rapport dans
lequel il donne son avis sur l'opportunité du redressement, qu'il communique
au président du tribunal. Il peut également, le cas échéant, proposer la mise en
faillite de l'entreprise 46.

Le tribunal statue en chambre du conseil sur le plan de redressement. Sa


décision consiste soit dans le rejet de la demande ou l'admission du plan
envisageant la poursuite de l'activité de l'entreprise, sa location, sa location
gérance ou sa cession à un tiers 47.

44
Art. 452 al. 1 et 2 du C. com.
45
Art. 452 al. 3 du C. com.
46
Art. 452 al. 4.
47
Art. 453 du C. com.
14

46
15

47
L’arbitrage

L’arbitrage est un procédé privé de règlement de certaines catégories de


contestations (litiges) par un tribunal arbitral auquel les parties confient la
mission de les juger en vertu d’une convention d’arbitrage.

Avantage de l’arbitrage : rapidité de la procédure, recours à des juges


professionnels,

Conditions de l’arbitrage

A- L’existence d’une volonté claire de soumettre le litige à l’arbitrage :


l’existence d’une convention d’arbitrage

La convention d’arbitrage est un accord conclu entre les parties en vertu


duquel celles-ci s’engagent à confier la mission de régler le litige né ou qui
pourrait éventuellement naître entre elles à un tribunal arbitral.

La convention peut prendre la forme soit d’un compromis soit d’une clause
compromissoire. Dans les deux cas, l’engagement doit être formulé par écrit. La
clause compromissoire est une clause insérée dans un contrat principal qui
manifeste la volonté des contractants à soumettre le différend, qui pourrait
naître entre eux , à l’arbitrage (le litige n’est pas encore né).

Par contre, le compromis est un acte juridique, postérieur à la conclusion du


contrat principal, qui manifeste la volonté des parties de soumettre le litige,
déjà né, à l’arbitrage.

Par ailleurs, la convention d’arbitrage, doit, à peine de nullité, indiquer l’objet


du litige et les noms des arbitres désignés.

B- capacité à compromettre : les parties à une convention d’arbitrage


doivent avoir la capacité de disposer de leur droit (capacité d’exercice).
PB de l'Etat.

C- L’arbitrabilité du litige

Les parties n’ont pas le droit de soumettre les litiges suivants à l’arbitrage :

*Les matières touchant à l’ordre public ;

48
* Les contestations relatives à la nationalité ;

*Les contestations concernant l’Etat, les EPA et les collectivités locales, à


l’exception des contestations découlant des rapports internationaux, d’ordre
économique, commercial ou financier ;

*Les contestations relatives au statut personnel à l’exception des contestations


d’ordre pécuniaire en découlant.

D- Effets de la convention d'arbitrage

la clause compromissoire, tout comme le compromis, a pour effet de rendre les


tribunaux étatiques incompétentes pour connaître entre les parties des
différends nés de leur contrat.

II- Conditions relatives au tribunal arbitral

L’arbitrage peut être ad-hoc ou institutionnel.

En cas d’arbitrage ad-hoc, le tribunal arbitral est composé de personnes qui


sont désignées par les parties elle-même. Le tribunal doit être composé d’un
nombre impair d’arbitre. En cas d’arbitrage institutionnel, c’est l’institution
d’arbitrage choisie qui se chargera de la désignation des arbitres.

L’arbitre doit être une personne physique, majeur, compétent et il doit jouir de
tous ses droits civils. Il doit être indépendant et impartial vis-à vis des parties.

Le dispositions du code de l'arbitrage qui réglemente l'arbitrage interne sont


muettes sur la nationalité de l'arbitre et ce contrairement à la solution explicite
et libérale adoptée par les dispositions de ce code pour ce qui est de l'arbitrage
international. Dans la pratique, il est admis que en l'absence de toute
interdiction légale expresse, un arbitre peut siéger en matière d'arbitrage
interne tout en ayant une nationalité étrangère.

Le juge ou l'agent public peut être arbitre à la double condition de ne pas faillir
à ses fonctions principales et d'obtenir, préalablement à toute mission
2

49
d'arbitrage, une autorisation de l'autorité compétente. L'agent public doit, en
outre, veiller à ce que la mission n'affecte pas les intérêts de l'administration".

En outre, l’arbitre désigné doit accepter la mission par écrit.

La composition du tribunal arbitral peut être remise en question par


l'avènement d'un certain nombre d'incidents. il s'agit de : du décès ou
l'empêchement ou le refus de l'arbitre ou de l'un des arbitres (art. 20 c.arb), la
révocation (art. 21 c.arb), la récusation (art. 22 c. arb).

*Le décès, l'empêchement, le refus ainsi que le désistement de l'arbitre ou de


l'un des arbitres a pour conséquence la dissolution du tribunal arbitral (art. 20).
Le tribunal est également dissout à l'expiration du délai d'arbitrage. Toutefois,
les parties peuvent1 décider de poursuivre la procédure

*La révocation des arbitres est décidée par le tribunal de première instance
dans le ressort du quel se trouve le lieu de l'arbitrage et ce à défaut d'accord
unanime entre les parties. La révocation de l'arbitre peut avoir lieu soit en cas
d'impossibilité de droit ou de fait de remplir la mission soit par ce que l'arbitre
n'entame pas la procédure d'arbitrage dans le délai de 30 jours à partir de la
saisine des parties.

*la récusation peut intervenir pour deux types de motifs: soit par ce que
l'arbitre ne possède pas les qualifications convenues entre les parties ou bien
parce qu'il existe des causes non révélées de nature à soulever des doutes
légitimes sur l'indépendance ou l'impartialité de l'arbitre. Les causes visées
englobent les motifs de récusation des magistrats (qui sont énumérés par

1
Alors que dans l'arbitrage international l'article 60 prévoit que le sauvegarde du tribunal arbitral dans le cas
du décès ou l'empêchement ou désistement de l'arbitre est obligatoire, en ce sens que l'arbitre décédé ou qui
s'est désisté sera remplacé. Dans l'arbitrage interne, la décision de poursuivre la procédure arbitrale dans le cas
du décès, désistement ou empêchement d'un arbitre reste facultative et dépend de la volonté des parties.
3

50
l'article 248 du cpcc2) ainsi que toutes autres circonstances de nature à limiter
l'indépendance de l'arbitre.

Pour que l'une des causes de récusation soit prise en considération encore
faut-il qu'elle ait occultée par l'arbitre lors de sa déclaration précédant sa
nomination. En effet, l'article 22 du code de l'arbitrage limite le droit de
récusation aux causes dont le demandeur n'a eu connaissance qu'après la
nomination de l'arbitre.

La requête en récusation est portée devant le tribunal de première instance


dans le ressort duquel se trouve le lieu de l'arbitrage. Cette requête a pour
effet de suspendre la procédure d'arbitrage jusqu'à ce qu'il soit définitivement
statué sur la demande en récusation (art.25).

III- le déroulement de l'arbitrage

-L'instance arbitrale met en oeuvre les étapes suivantes:

-L'accès à la voie arbitrale et la constitution du tribunal arbitral

-La saisine du tribunal

-Le délai pour le commencement des travaux ( au plus tard 30 jours à compter
de la saisine du tribunal. passé ce délai sans avoir entamé la procédure, les
arbitres encourent la révocation).

2
il s'agit des affaires où l'arbitre est lui même partie ou co-intéressé, ou co-obligé de l'une des parties ou
exposé à un recours en garantie; les affaires de la femme de l'arbitre même après la dissolution du mariage; les
affaires où les parents ou alliés de l'arbitres à l'infini en ligne directe, et en ligne collatérale, de leurs parents
jusqu'au sixième degré, ou alliés jusqu'au quatrième degré; les affaires où l'arbitre a agi comme représentant
de l'une des parties; les affaires où l'arbitre a été entendu comme témoin ou dont il a connu juge ou comme
arbitre à propos desquelles il a précédemment exprimé une opinion; si l'arbitre est créancier ou débiteur de
l'une des parties, si l'une des parties est employeur à gage de l'arbitre; si l'arbitre a procès entre lui et l'une des
parties.
4

51
-La durée de l'arbitrage ( liberté des parties pour fixer le délai. A défaut de
précision, la sentence doit être rendue dans un délai ne dépassant pas 6 mois.
avec possibilité pour les arbitres de proroger ce délai légal )

-Les investigations du tribunal (audition des témoins, expertise..)

-L'échange des conclusions des parties (le principe du contradictoire)

-Les mesures provisoires (en cas d'urgence).

-La clôture de la procédure et la mise en délibéré.

-Le tribunal arbitral valablement constitué est compétent pour statuer sur sa
propre compétence et sur le fond du litige.

-Les arbitres doivent appliquer le droit, à moins que les parties ne leur
confèrent, dans la convention d’arbitrage, la qualité d’amiable compositeur.
Dans cette hypothèse, les arbitres ne sont pas tenus d’appliquer le droit mais
de statuer en équité.

-Le tribunal arbitral procède à toutes les investigations par audition des
témoins, commission d’experts ou par tout autre acte pour découvrir la vérité.

La sentence arbitrale

-Le tribunal arbitral, après délibération, rend sa sentence à la majorité des voix.
Cette sentence a la même valeur qu’un jugement rendu par la justice étatique.
Ainsi, et si elle n’est pas exécutée spontanément par la partie succombante (qui
n'a pas obtenu gain de cause), elle peut faire l’objet d’une exécution forcée par
le biais de la procédure d'exequatur requise auprès les juridictions judiciaires.

-La sentence arbitrale peut faire l’objet d’un certain nombre de voies de
recours :

*l’appel devant la Cour d’appel si les parties ont prévu cette possibilité dans la
convention d’arbitrage. Mais il faut noter que l’appel n’est possible à l’encontre

52
des sentences arbitrales rendues par les arbitres ayant la qualité d’amiable
compositeurs ;

*d’un recours en annulation (ex : en cas d’absence ou de nullité de la


convention d’arbitrage, si la sentence n’a pas respecté une règle d’ordre public,
si le tribunal arbitral est irrégulièrement composé). Mais les sentences
arbitrales susceptibles d’appel ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en
annulation ;

*d’un recours en tierce opposition devant la Cour d’appel dans le ressort de la


quelle la sentence est rendue ;

NB : les sentences arbitrales ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en


cassation.

53
TITRE I- LE RECOURS A L'ARBITRAGE

Le recours à l'arbitrage présente un certain nombre d'avantages qui sont liés à


la liberté des parties à organiser la procédure et à choisir le droit applicable
ainsi qu'à la rapidité de la résolution des litiges. A ceci s'ajoute la possibilité
d'être jugé par des personnes experts et des professionnels dont la
compétence technique est très lié aux questions litigieuses.

-Liberté des parties à organiser la procédure: les parties ont le choix entre le
recours à l'arbitrage ad-hoc ou à l'arbitrage institutionnel.

L'arbitrage ad hoc est un arbitrage effectué par un ou plusieurs arbitres


librement choisis par les parties. Dans ce cas, le tribunal arbitral se charge de
fixer la procédure d'arbitrage à suivre sauf si les parties en conviennent
autrement c'est à dire fixent elles-mêmes cette procédure ou bien choisissent
un règlement d'arbitrage déterminé ou un droit procédural donné.

L'arbitrage est institutionnel lorsqu'il est confié à un organisme d'arbitrage


qu'il soit spécialisé ou de compétence générale. Il peut s'agir d'organisme privé
ou d'organisme émanant de l'Etat (ex la chambre de commerce). Dans le cas
d'un arbitrage institutionnel, c'est l'institution d'arbitrage qui organise
l'arbitrage conformément à son règlement, sauf accord contraire des parties.

-Liberté de déterminer les règles applicables: les parties ont la liberté pour
choisir entre l'application des règles de droit ou les règles d'équité.

-La rapidité de la résolution des litiges : contrairement à la justice étatique qui


se caractérise par sa lenteur, le recours à l'arbitrage permet d'avoir un gain
précieux de temps (cette rapidité est favorisée par la limitation du délai du
7

54
procès arbitral, la réduction des voies de recours et la disponibilité des arbitres
pour l'affaire) .

-La possibilité de faire appel à des experts pour juger l'affaire notamment
lorsque le problème est plutôt d'ordre technique.

Toutes ces avantages ont contribué au développement de l'arbitrage comme


mode de règlement de litiges notamment dans le monde des affaires.

De nature essentiellement contractuelle, le recours à l'arbitrage dépend d'une


pièce maitresse qui est la convention d'arbitrage (Chapitre I). Cette convention
représente le support juridique pour permettre au tribunal arbitral de statuer
sur le litige dont il est saisi (chapitre II).

55
CHAPITRE I

LA CONVENTION D'ARBITRAGE

La convention d'arbitrage est un accord conclu en vertu duquel les parties


contractantes décident de soustraire le litige, qui est déjà né entre elles ou à
naitre, aux juridictions étatiques et décident de le soumettre à l'arbitrage.

Section I- Formes de convention d'arbitrage

La convention d'arbitrage peut avoir deux formes: un compromis ou une


clause compromissoire.

§1 - La clause compromissoire:

La clause compromissoire matérialise l'accord des parties de soumettre le litige


à naitre à un tribunal arbitral. La convention qui a la forme d'arbitrage d'une
clause compromissoire est conclu avant la naissance de tout litige.
Généralement, la clause compromissoire est stipulée dans le contrat principale.
Mais rien n'empêche à ce qu'elle soit introduite dans un acte séparé de la
convention principale.

Les parties y indiquent le ou les arbitres ou les modalités de leur désignation


ainsi que le droit applicable et généralement la référence à un règlement
d'arbitrage. La convention peut également fixer une procédure arbitrale propre
ou bien elle confie la tâche de fixer la procédure d'arbitrage au tribunal arbitral.

Le compromis: Dans ce cas, la convention d'arbitrage est conclue après la


naissance du litige. Les parties, même en désaccord sur l'exécution ou

56
l'interprétation du contrat principal, jugent qu'il dans leur intérêt de soumettre
leur différend à l'arbitrage.

Le compromis doit indiquer le nom ou les noms du ou des arbitres d'une


manière expresse ou suffisamment précise pour qu'il ne reste aucun doute sur
leur individualité.

De même, l'objet du litige doit être suffisamment déterminé pour permettre au


tribunal, saisi éventuellement en appel ou à l'occasion d'un recours en
annulation, d'exercer son contrôle.

La nullité résultant de l'inobservation des règles de désignation des arbitres et


de l'objet du litige n'est pas d'ordre public. Par conséquent, elle doit être
soulevée par l'une des parties, le juge ne peut pas l'invoquer d'office. Aussi, la
partie qui s'en prévaut doit l'invoquer avant toute discussion au fond devant
l'instance arbitrale.

Conformément à l'article 4 alinéa 2 du code de l'arbitrage, le compromis


d'arbitrage peut être conclu même en cours d'une instance déjà engagée
devant une juridiction étatique.

Section 2- Conditions de validité de la convention d'arbitrage

Ces conditions sont inhérentes au respect des conditions de droit commun


relatives à la formation des contrats (§2)et à l'arbitrabilité du litige (§3). Mais
avant de traiter ces conditions, ils faut dans un premier temps s'arrêter sur la
forme écrite de la convention. S'agit- il d'une condition de preuve ou d'une
condition de validité (§1). Une fois toutes ces questions seront soulevées, il
convient d'analyser les effets produits par une convention d'arbitrage (§4).

10

57
§1 - La forme écrite: une condition de validité ou moyen de preuve.

Conformément à l'article 6 du code de l'arbitrage, la convention d'arbitrage


doit avoir la forme écrite. Il peut s'agir d'un acte authentique, d'acte sous seing
privé, soit un procès verbal d'audience.

La convention d'arbitrage est réputée établie par écrit, lorsqu'elle est


consignée dans un document signé par les parties ou dans un échange de
lettres, de communications télex, de télégramme ou de tout autre moyen de
communications qui en atteste l'existence.

L'écrit exigé par l'article 6 ne constitue pas une condition de validité de la


convention d'arbitrage. Il n'est exigé que comme moyen de preuve. Ceci se
vérifie nettement à travers le code de l'arbitrage qui n'a pas prévu la nullité
comme une sanction applicable en cas d'absence d'écrit 3. Les parties peuvent
opter pour plusieurs formes d'écrit: acte authentique, d'acte sous seing privé,
soit un procès verbal d'audience. Et la convention peut être prouvée par un
simple échange d'écrits entre les parties, notamment par lettres, fax, télex....

La preuve de la convention d'arbitrage peut également être établie non


seulement par l'échange d'écrits, mais également par le comportement des
parties. En effet, selon l'article 6 du code de l'arbitrage, "la convention
d'arbitrage est réputée établie par écrit.... ou encore dans l'échange des
conclusions en demande et des conclusions en défense, dans lesquelles
l'existence d'une convention d'arbitrage est alléguée par une partie et n'est pas
contestée par l'autre".

Par ailleurs, la preuve de l'existence d'une convention d'arbitrage peut résulter


par référence à un écrit. En effet, l'alinéa 2 de l'article 6 du code de l'arbitrage
3
v. MECHRI (F.), Traité de procédure civile, Ed. Latrach, 2012, p. 246.
11

58
dispose que ".... la référence dans un contrat, à un document contenant une
clause compromissoire, vaut convention d'arbitrage, à condition que ledit
contrat soit établi par écrit, et que la référence soit telle qu'elle fasse de la
clause une partie du contrat". De ce fait, il suffit qu'il y a un écrit qui sert de
référence et que cette référence soit claire pour que la preuve de l'existence
d'une convention d'arbitrage soit faite.

§2- Le respect des conditions de formation des contrats

Outre la forme écrite de la convention d'arbitrage, la validité de cette


convention repose sur l'observation des conditions énoncées par l'article 2 du
code des obligations et des contrats.

Pour ce qui est de la capacité des deux parties, l'article 8 du code de l'arbitrage
indique que ne peuvent compromettre que les personnes capables de disposer
de leurs droits. Ce qui implique l'exclusion des mineurs, les interdits, les faillis.
Et en raison du caractère particulier de l'objet des conventions arbitrales et leur
gravité, on estime que, pour les mandataires, il faut que l'aptitude au
compromis soit expressément énoncée dans leurs pouvoirs.

Il est à indiquer que l'Etat, les établissements publics à caractère administratif


et les collectivités locales ne peuvent compromettre que pour les contestations
découlant de contrats internationaux, d'ordre économique, commercial ou
financier.

Il en résulte donc que les entreprises tunisienne ne peuvent trancher les litiges
résultant de leurs relation avec l'Etat, les établissements publics à caractère
administratif et les collectivités locales par l'arbitrage. Néanmoins, cette
interdiction ne s'applique pas aux entreprises et établissements publics à
caractère industriel et commercial (ex. STEG).
12

59
§3- L'arbitrabilité du litige

L'article 16 du code de l'arbitrage énonce le principe de la liberté de recourir à


l'arbitrage sauf interdiction expresse. Ainsi, toutes les contestations relatives
aux relations d'affaires peuvent être tranchés par l'arbitrage, tel est le cas par
exemple d'un litige survenant entre la société et l'un de ses associés dirigeant
ou non dirigeant ou d'un litige entre associés en raison de la société.

Le législateur étend le domaine de l'arbitrage même aux contestations nées de


rapports extra-contracuels (exemple réparation des dommages occasionnés
par les accidents de circulation).

De son côté, l'article 7 du code de l'arbitrage interdit le recours à l'arbitrage


dans les domaines suivants:

* dans les matières touchant à l'ordre public. C'est le cas de la faillite. Ainsi, la
convention d'arbitrage devient inopérante dès la déclaration en faillite. de ce
fait, l'instance arbitrale est interrompue et les parties doivent recourir aux
tribunaux étatiques qui deviennent exclusivement compétents. De même, on
admet également l'exclusion des matières touchant à la validité des brevets
d'invention ou des marques, la nullité des sociétés, le droit de la concurrence.

* dans les contestations relatives à la nationalité;

*dans les contestations relatives au statut personnel (tel que la filiation,


mariage, minorité), à l'exception des contestations d'ordre pécuniaires en
découlant;

* dans les matières où on ne peut transiger. Il s'agit des matières régies par les
articles 1461 à 1464 du coc (tel que l'administration des habous, le droit aux
aliments...).
13

60
* dans les contestations concernant l'Etat, les établissements publics à
caractère administratif et les collectivités locales, à l'exception des
contestations découlant des rapports internationaux, d'ordre économique,
commercial ou financier, régis par les dispositions relatives à l'arbitrage
international.

4- Effets de la convention d'arbitrage

La clause compromissoire, tout comme le compromis, a pour effet de rendre


les tribunaux étatiques incompétentes pour connaître entre les parties des
différends nés de leur contrat.

En cas de décès, le compromis ou la clause compromissoire sont transmis aux


héritiers.

En cas de cession de créance, le transfert de celle-ci implique le transfert de la


convention d'arbitrage à la seule condition que la convention d'arbitrage soit
antérieure à la signification de la cession de la créance.

La liquidation amiable d'une personne morale n'a aucun effet sur l'existence de
la convention d'arbitrage qui continue à produire ses effets juridiques.

14

61
CHAPITRE II

Le tribunal arbitral

Section 1- les arbitres

Il ressort de la lecture de l'article 10 du code de l'arbitrage que l'arbitre doit


être une personne physique, majeur, compétent et jouir de tous ses droits
civils. Il doit être indépendant et impartial vis à vis des parties. Si la convention
d'arbitrage a désigné une personne morale, la mission de cette dernière se
limite à désigner le tribunal arbitral.

Le dispositions du code de l'arbitrage qui réglemente l'arbitrage interne sont


muettes sur la nationalité de l'arbitre et ce contrairement à la solution explicite
et libérale adoptée par les dispositions de ce code pour ce qui est de l'arbitrage
international. Dans la pratique, il est admis que en l'absence de toute
interdiction légale expresse, un arbitre peut siéger en matière d'arbitrage
interne tout en ayant une nationalité étrangère.

Le juge ou l'agent public peut être arbitre à la double condition de ne pas faillir
à ses fonctions principales et d'obtenir, préalablement à toute mission
d'arbitrage, une autorisation de l'autorité compétente. L'agent public doit, en
outre, veiller à ce que la mission n'affecte pas les intérêts de l'administration".

Cet article suscite les remarques suivantes:

a- l'indépendance de l'arbitre ne doit pas être confondue avec l'impartialité. en


effet, il est préconisé que "l'indépendance est une question de fait,
l'impartialité une disposition de l'esprit. L'indépendance peut s'apprécier
objectivement; l'impartialité ne se constate qu'à l'usage. Et rien ne s'oppose à

15

62
ce que soit impartial l'arbitre qui ne serait pas indépendant. Néanmoins,
l'indépendance constitue une présomption d'impartialité 4".

par respect de cette obligation d'indépendance et d'impartialité, l'arbitre


désigné est tenu de signaler toutes les causes de nature à soulever des doutes
légitimes sur son impartialité ou sur son indépendance. A partir de la date de sa
nomination, et durant toute la procédure arbitrale, il doit signaler sans tarder
de telles causes aux parties.

b- le texte parle de juge ou d'agent public.

Le terme agent public est une notion plus générale que le fonctionnaire public.

Le juge est un agent public mais le législateur a expressément utilisé le terme "
juge" pour éviter toute source de difficulté notamment que le juge étatique est
appelé à intervenir dans la phase de l'exequatur ou à l'occasion des voies de
recours exercées à l'encontre de la sentence. En plus certaines législations
interdisent aux magistrats d'être désignés en tant qu'arbitre (ex. décret libanais
de 1961).

c- les magistrats à l'instar des autres agents publics sont autorisés à exercer la
fonction d'arbitre à une double condition:

-obtenir, préalablement à toute mission d'arbitrage, une autorisation de


l'autorité compétente. Néanmoins, le défaut d'obtention de ladite autorisation
reste sans incidence sur la validité de l'arbitrage. Dans ce cas, le juge, engage sa
responsabilité disciplinaire.

-ne pas faillir à ses fonctions principales.

4
Robert (J.), L'arbitrage, droit interne; droit international privé Dalooz 1993, p. 112.
16

63
Par ailleurs, et en ce qui concerne la nationalité de l'arbitre, il est admis qu'un
étranger peut valablement être chargé d'une mission d'arbitrage interne.

2- La constitution du tribunal arbitral

a- Le nombre des arbitres

Le tribunal arbitral peut être constitué d'un arbitre unique ou de plusieurs


arbitres. En cas de pluralité d'arbitres, l'article 18 du code de l'arbitrage exige
que le nombre soit impair. Si le nombre des arbitres désignés est pair, la
composition du tribunal arbitral doit être complétée par la nomination d'un
arbitre, en qualité de président (ce choix se fait par accord des parties ou par
les arbitres désignés et à défaut par le président du tribunal de première
instance dans le ressort du quel se trouve le lieu de l'arbitrage . Et en cas de
désignation d'un règlement d'arbitrage déterminé, la procédure de nomination
du tribunal arbitral sera celle prévue par ce règlement).

b- La nécessité de l'acceptation par le ou les arbitres de leur mission

La constitution du tribunal arbitral est subordonnée à l'acceptation de l'arbitre


désigné la mission qui lui a été confiée. Au termes de l'article 11 du code de
l'arb. l'acceptation de la mission par l'arbitre est établie:

*soit par écrit

*soit par la signature du compromis

*soit par l'accomplissement d'un acte qui indique le commencement de


l'arbitrage.

17

64
L'acceptation de la mission par l'arbitre emporte conclusion d'un contrat
appelé contrat d'investiture. Lorsque le compromis ou la clause
compromissoire désigne nommément un ou plusieurs arbitres, le refus de l'un
d'entre

eux rend sans effet la convention d'arbitrage à moins que les parties ne se
mettent d'accord pour remplacer l'arbitre qui décline la mission. L'arbitre ne
peut plus déporter sans cause valable après qu'il ait accepté sa mission sous
peine de dommages et intérêts (art. 11 al.2 c.arb).

c- La remise en question de la composition du tribunal arbitral

La composition du tribunal arbitral peut être remise en question par


l'avènement d'un certain nombre d'incidents. il s'agit de : du décès ou
l'empêchement ou le refus de l'arbitre ou de l'un des arbitres (art. 20 c.arb), la
révocation (art. 21 c.arb), la récusation (art. 22 c. arb).

*Le décès, l'empêchement, le refus ainsi que le désistement de l'arbitre ou de


l'un des arbitres a pour conséquence la dissolution du tribunal arbitral (art. 20).
Le tribunal est également dissout à l'expiration du délai d'arbitrage. Toutefois,
les parties peuvent5 décider de poursuivre la procédure

*La révocation des arbitres est décidée par le tribunal de première instance
dans le ressort du quel se trouve le lieu de l'arbitrage et ce à défaut d'accord
unanime entre les parties. La révocation de l'arbitre peut avoir lieu soit en cas
d'impossibilité de droit ou de fait de remplir la mission soit par ce que l'arbitre

5
Alors que dans l'arbitrage international l'article 60 prévoit que le sauvegarde du tribunal arbitral dans le cas
du décès ou l'empêchement ou désistement de l'arbitre est obligatoire, en ce sens que l'arbitre décédé ou qui
s'est désisté sera remplacé. Dans l'arbitrage interne, la décision de poursuivre la procédure arbitrale dans le cas
du décès, désistement ou empêchement d'un arbitre reste facultative et dépend de la volonté des parties.
18

65
n'entame pas la procédure d'arbitrage dans le délai de 30 jours à partir de la
saisine des parties.

*la récusation peut intervenir pour deux types de motifs: soit par ce que
l'arbitre ne possède pas les qualifications convenues entre les parties ou bien
parce qu'il existe des causes non révélées de nature à soulever des doutes
légitimes sur l'indépendance ou l'impartialité de l'arbitre. Les causes visées
englobent les motifs de récusation des magistrats (qui sont énumérés par
l'article 248 du cpcc6) ainsi que toutes autres circonstances de nature à limiter
l'indépendance de l'arbitre.

Pour que l'une des causes de récusation soit prise en considération encore
faut-il qu'elle ait occultée par l'arbitre lors de sa déclaration précédant sa
nomination. En effet, l'article 22 du code de l'arbitrage limite le droit de
récusation aux causes dont le demandeur n'a eu connaissance qu'après la
nomination de l'arbitre.

La requête en récusation est portée devant le tribunal de première instance


dans le ressort duquel se trouve le lieu de l'arbitrage. Cette requête a pour
effet de suspendre la procédure d'arbitrage jusqu'à ce qu'il soit définitivement
statué sur la demande en récusation (art.25).

Aux termes de l'article 12 du code de l'arbitrage, "sont irrecevables les


demandes de révocation ou de récusation de l'arbitre formées après la clôture
des plaidoiries". Cet article manifeste clairement la volonté du législateur de
6
il s'agit des affaires où l'arbitre est lui même partie ou co-intéressé, ou co-obligé de l'une des parties ou
exposé à un recours en garantie; les affaires de la femme de l'arbitre même après la dissolution du mariage; les
affaires où les parents ou alliés de l'arbitres à l'infini en ligne directe, et en ligne collatérale, de leurs parents
jusqu'au sixième degré, ou alliés jusqu'au quatrième degré; les affaires où l'arbitre a agi comme représentant
de l'une des parties; les affaires où l'arbitre a été entendu comme témoin ou dont il a connu juge ou comme
arbitre à propos desquelles il a précédemment exprimé une opinion; si l'arbitre est créancier ou débiteur de
l'une des parties, si l'une des parties est employeur à gage de l'arbitre; si l'arbitre a procès entre lui et l'une des
parties.
19

66
limiter la possibilité de soulever les incidents susceptibles de remettre en
question le tribunal arbitral.

20

67
TITRE II

LE DEROULEMENT DE L'ARBITRAGE

CHAPITRE I

L'instance devant le tribunal arbitral

1- Lieu de l'arbitrage

Le code de l'arbitrage ne traite directement pas du lieu de l'arbitrage interne.


Néanmoins, il exige que la sentence arbitrale soit rendue sur le territoire
tunisien (art.32). Mais ceci n'empêche pas que des mesures d'instructions
puissent avoir lieu à l'étranger.

De même, les parties peuvent choisir une institution d'arbitrage étrangère qui
se chargera de l'organisation de la procédure arbitrale. Et rien n'interdit à ce
que les arbitres soient de nationalité étrangère.

Plus précisément, c'est la convention d'arbitrage qui fixe le lieu de l'arbitrage


(Tunis, Sousse...). Et l'absence de toute indication expresse de ce lieu, on
applique le principe général énoncé dans le code de procédure civile et
commercial dans son article 46 et en vertu duquel le lieu de l'arbitrage serait
celui du domicile du défendeur.

2- la langue de l'arbitrage

21

68
La question est régie par le principe de la liberté des parties. Celles-ci peuvent
convenir de la langue arbitrale. A défaut d'accord, les arbitres décident de cette
langue à travers des indices tels que la langue utilisée pour rédiger le contrat
litigieux, les correspondances, la convention d'arbitrage....

Quant à la sentence arbitrale, le législateur se limite à exiger qu'elle soit rendue


sur le territoire tunisien. De ce fait, et contrairement aux jugements rendus par
les tribunaux étatiques, la langue arabe n'est pas une langue légalement
imposée. Cependant, une sentence rédigée en langue étrangère nécessite,
lorsque l'exequatur est demandée ou lorsqu'une voie de recours est exercée à
son encontre, qu'elle soit accompagnée d'une traduction faite par un
interprète assermentée.

3- La compétence du tribunal arbitral et la procédure arbitrale

a- Le tribunal arbitral valablement constitué est compétent pour statuer sur sa


propre compétence et sur le fond du litige.

b- le principe de la liberté de l'organisation de la procédure arbitrale

cette liberté est consacrée par l'article 13 du code de l'arbitrage. Mais les
arbitres sont tenus de respecter les principes fondamentaux de la procédure
civile est commerciale (le principe du contradictoire, le droit de la défense, la
neutralité).

c- le déroulement de l'arbitrage????

-L'instance arbitrale met en oeuvre les étapes suivantes:

-L'accès à la voie arbitrale et la constitution du tribunal arbitral

-La saisine du tribunal

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-Le délai pour le commencement des travaux ( au plus tard 30 jours à compter
de la saisine du tribunal. passé ce délai sans avoir entamé la procédure, les
arbitres encourent la révocation).

-La durée de l'arbitrage ( liberté des parties pour fixer le délai. A défaut de
précision, la sentence doit être rendue dans un délai ne dépassant pas 6 mois.
avec possibilité pour les arbitres de proroger ce délai légal )

-Les investigations du tribunal (audition des témoins, expertise..)

-L'échange des conclusions des parties (le principe du contradictoire)

-Les mesures provisoires (en cas d'urgence).

-La clôture de la procédure et la mise en délibéré.

4- Le droit applicable

l'arbitrage peut être effectué soit par application des règles de droit ou des
règles d'équité. Dans ce dernier cas on parle d'arbitrage en amiable
composition.

les parties peuvent convenir de choisir même dans le cadre d'un arbitrage
interne, l'application du droit tunisien ou d'un droit étranger du pays de leur
choix.

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