• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9370 MERCREDI 29 JUIN 2011 WWW.LIBERATION.

FR

La ministre de l’Economie
a été nommée hier à la tête
du Fonds monétaire international,
pour succéder à DSK.

FMI
Lagarde
prend la suite PAGES 2­4

L’angoisse du prof Suicides

CINÉMA à la fin de l’année
«TRANSFORMERS 3» COLLÈGE Septembre 2010.
LANCE LA David S., 25 ans, prof d’histoi-
re-géo débutant, est jeté sans
SAISON DES filet dans l’arène d’un collège.
BLOCKBUSTERS Comme 8000 autres nouveaux
enseignants du secondaire, il
n’a pas eu de véritable prépa-
ration professionnelle. Pour
chez France
Télécom: la
quième D de 16 à 17 heures. […]
J’écris le titre de la dernière par- police doute
tie du cours quand, soudain, un
élève se lève et m’apporte un pa-
Les procès-
quet. C’est une boîte de choco- verbaux, que
lats et une carte signée par toute «Libération» s’est
la classe: “Merci pour cette belle procurés, semblent
année.” […] Je suis ému et dés-
LUIS GRAÑENA

Libération, il accepte de tenir tabilisé. A la fin du cours, je re-

minimiser le
ET TOUTE L’ACTUALITÉ harcèlement
DU CINÉMA, un journal de bord. Nous en ferme la porte […] passablement
HUIT PAGES CENTRALES publions aujourd’hui l’épilo- ébranlé.» moral.
gue. «Dernier jour. J’ai la cin- PAGES 22­23 PAGE 14

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,
Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.
 EVENEMENT
2 • LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

REPÈRES

FMI
187 pays sont membres de
cette institution créée en 1944
et dont la mission première
est de «promouvoir la coopé­
ration monétaire internatio­
nale, de garantir la stabilité
financière». Elle a aussi pour
fonction de gérer les crises
monétaires et financières.

ILS ONT DIRIGÉ

LE FMI
Dominique Strauss­Kahn
(France), Rodrigo Rato
(Espagne), Anne Krueger
(Etats­Unis ­ par intérim),
Horst Köhler (Allemagne),
Stanley Fischer (Etats­Unis),
Michel Camdessus (France),
Jacques de Larosière
(France), Johan Witteveen
(Pays­Bas), Pierre­Paul
Schweitzer (France).

19 mai
C’est la date de la démission
de Dominique Strauss­Kahn
de son poste de directeur
général du FMI. Dans sa lettre
de démission, DSK écrit: «[…]
C’est avec une immense
tristesse que je me sens
contraint de présenter au
Conseil d’administration ma
démission du poste de Direc­
teur général du FMI.»
«Si j’ai un message
à faire passer sur
la Grèce, c’est un
appel à l’opposition
politique grecque pour
qu’elle rejoigne dans
une entente nationale
Christine
Lagarde, au siège
du FMI, à
Washington,
le 23juin.
PHOTO GETTY
IMAGES. AFP
Par VITTORIO DE FILIPPIS
La Française a été nommée, hier, et CÉLIA SAMPOL (à Washington)
à la tête de l’institution financière
C
hristine Lagarde peut dès à présent
préparer ses valises. La ministre
mondiale à la suite de la démission française de l’Economie a en effet
été choisie, hier, pour occuper le
de DSK et dans un contexte poste de directrice générale du Fonds moné-
taire international laissé vacant depuis le
de crise mondiale. 19 mai par Dominique Strauss-Kahn. Réunis
au douzième étage du bâtiment du FMI, sur
la prestigieuse Pennsylvania Avenue à deux
pas de la Maison Blanche, les 24 membres du
conseil d’administration se sont décidés plus

FMI, Lagarde
le parti actuellement vite que prévu. Ils avaient en principe jus-
qu’au 30 juin pour trancher entre Christine
au pouvoir.» Lagarde et Agustín Carstens, président de la
Christine Lagarde hier soir Banque centrale du Mexique. Mais la candi-
date française avait dès hier recueilli suffi-
samment de voix pour l’emporter.
«Excepté son

reprend
COULEUVRES. C’est donc contre toute at-
engagement pendant tente, au lendemain de l’arrestation de DSK,
la crise, elle n’a pas la France qui décroche le poste de directeur
eu d’impact général du FMI pour la cinquième fois de
l’histoire. Les Français semblaient pourtant
intellectuel majeur, ne plus avoir la cote de ce côté-ci de l’Atlan-
contrairement par tique. A coup sûr, Nicolas Sarkozy va y voir
exemple à un Balladur un succès de sa diplomatie, dont il espère ti-

le flambeau
ou un Strauss-Kahn rer quelques dividendes. A peine Lagarde
était nommée à la tête du FMI, l’Elysée a sa-
avant elle.» lué «une victoire pour la France». «La prési-
Christian Saint­Etienne dence française se réjouit qu’une femme accède
professeur à Paris Dauphine à cette importante responsabilité internatio-
 LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011
L’ESSENTIEL
LE CONTEXTE
Christine Lagarde, 55 ans, a été
désignée hier pour cinq ans directrice
générale du FMI, en remplacement de
Dominique Strauss­Kahn.
L’ENJEU
Sa désignation, qui ne faisait plus de
doute depuis le soutien hier des Etats­
Unis, est une victoire pour Nicolas
Sarkozy, le choix d’une personnalité
européenne étant contestée par de
nombreux pays émergents.
nale», ajoute le communiqué. Mais sur TF1,
hier soir, Christine Lagarde a surtout eu des
mots chaleureux pour François Fillon, qui l’a
toujours soutenue, y compris dans les mo-
ments difficiles de ses débuts au gouverne-
ment (lire ci-contre). «J’ai avalé beaucoup de
couleuvres», a-t-elle même reconnu. Elle a
par ailleurs ajouté qu’elle souhaitait pouvoir
s’entretenir avec Dominique Strauss-Kahn,
qui a «été un directeur général admiré» et qui
a fait «un bon travail».
Les choses se sont précipitées lorsque les
Etats-Unis ont annoncé tôt dans la matinée
qu’ils soutenaient Lagarde. En tant que pre-
mier actionnaire du Fonds, ils compta-
• 3
Après des débuts en politique calamiteux, ÉDITORIAL
Par VINCENT GIRET
la ministre s’est imposée à partir de 2008.
Une libérale contrariée, Puissance
révélée par la crise L’histoire retiendra qu’en
l’espace de vingt-quatre
heures, deux femmes ont
lle est la preuve vivante que le yoga a Ses premiers pas en politique sont calami- pris tout l’espace
E du bon. Car il lui en a fallu, des séan- teux. A peine nommée au Commerce exté-
ces de respiration ventrale, pour sur- rieur, elle critique le droit social français,
monter les quolibets et les rumeurs assas- qu’elle juge «compliqué, lourd» et qui
qu’occupait Dominique
Strauss-Kahn il y a
quelques semaines encore.
sines des premiers temps du sarkozysme, «constitue un frein à l’embauche». Ce Ce mardi 28 juin, Martine
puis les nuits blanches à tenter de sauver jour-là, c’est l’avocate libérale et améri- Aubry s’est lancée dans la
le monde, et surtout l’Europe, de l’apoca- caine qui parle. Rappelée à l’ordre par Vil- course présidentielle
lypse financière. Indubitablement, cette lepin, elle entame un laborieux chemin de tandis que Christine
femme-là a un bon karma. Ou peut-être croix pour apprendre les us et coutumes de Lagarde ravissait la
un talent: celui d’être toujours au bon en- la politique française. Même sacrée minis- direction générale du
droit au bon moment. Sauf si la patronne tre de l’Economie (une première pour une Fonds monétaire
du FMI devait se faire rattraper par la femme), elle enchaîne les bourdes. Deux international. Fermez le
queue de comète de l’affaire Tapie (lire perles désormais historiques : en pleine ban. Qui aurait misé un
page suivante). hausse des prix du carburant, en novem- euro sur les chances de la
Sa vie bascule en juin 2005 quand Domini- bre 2007, elle recommande de «prendre son France de hisser une
que de Villepin l’appelle à son bureau de vélo»; et à l’été 2008, elle répète en boucle nouvelle fois l’un des siens
Chicago où elle dirige Baker & McKenzie, que «le plus dur de la crise est derrière à la tête de la plus
un des plus grands cabinets d’affaires amé- nous». De ses années d’entraînement à la puissante organisation
ricains. Il lui propose de rejoindre son gou- natation synchronisée, elle a gardé une de- internationale, après le
vernement au poste de ministre déléguée vise : «Serre les dents et souris.» scandale DSK ? Il faut
au Commerce extérieur. Lagarde lui de- Nous sommes à la rentrée 2008 et il ne fait saluer l’habileté du camp
mande si elle peut réfléchir. Ré- français dans ce tour de
ponse de Villepin : «Vous avez tout «Vous avez tout votre temps mais force diplomatique et en
votre temps mais vous me donnez une retenir la leçon politique :
réponse avant la fin de ce coup de
vous me donnez une réponse avant quand l’Europe parle
fil.» Le lendemain, elle prend un la fin de ce coup de fil.» d’une seule voix, elle se
avion pour Paris. Dominique de Villepin à Christine Lagarde en donne toutes les chances
Pour être honnête, celui qui l’a dé- juin 2005, lui proposant d’entrer au gouvernement de faire prévaloir ses
couvert le premier, c’est Jean- intérêts. Y compris dans
Pierre Raffarin. En 2004, alors Premier mi- plus guère de doutes que Christine Lagarde les batailles
nistre, il croise cette avocate brillante lors va être débarquée. Sarkozy ne la supporte internationales les plus
d’une réunion des Français de l’étranger. plus et ses porte-flingue la déstabilisent sophistiquées. Les grands
Il en parle à Chirac qui la fait appeler par dans la presse. A l’Elysée, seule Pégard, sa pays émergents en ont fait
son secrétaire général, Frédéric Salat-Ba- vieille copine, essaie de sauver ce qui reste l’amère expérience :
roux. Le coup de fil ne donnera rien. Mais, à sauver. La faillite de Lehman Brothers et incapables d’afficher la
dit un proche, «l’idée qu’elle a envie de ser- le cataclysme financier mondial vont moindre unité et de
vir son pays va faire son chemin». Sans changer la donne. Quand elle débarque en s’accorder rapidement sur
compter qu’en disant «oui» à Villepin, elle octobre 2008 à son premier G20 Finances, une candidature, ils ont
rejoint ses deux fils à Paris. Depuis six ans à Washington, une nouvelle rumeur an- ruiné leurs chances, en
qu’elle était aux Etats-Unis, ils n’avaient nonce sa sortie du gouvernement. Et, de- dépit de leur rôle dans la
jamais vécu avec elle. Christine Lagarde est puis Colombey-les-Deux-Eglises, Sarkozy, stabilisation de la crise
alors inconnue du grand public mais aussi pour la première fois, lui rend un hommage financière et de leurs
de la classe politique française. appuyé. En pleine crise, il a besoin de son nouvelles responsabilités
Natation synchronisée. Elle est née Lal- anglais impeccable et de sa connaissance dans la mondialisation. A
louette le 1er janvier 1956 à Paris (IXe), de du système américain. Il compte sur elle n’en pas douter, ils
parents universitaires. Prof de latin, sa pour séduire les Américains, notamment méditeront eux aussi
mère sera même la professeur au Havre de Henry Paulson, le secrétaire au Trésor et l’épisode cuisant de ce
Catherine Pégard, actuelle conseillère cul- ex-responsable de Goldman Sachs, qu’elle mois de juin. La
turelle de Nicolas Sarkozy (ce qui aura sa connaît bien. D’un coup, la grande dudu- nomination de Christine
petite importance plus tard). Elève stu- che à collier de perles devient, dans la Lagarde vient ainsi
dieuse, à l’éducation irréprochable, catho- tourmente, la carte maîtresse de Sarkozy. utilement rappeler la
lique pratiquante (elle l’est toujours), elle Décalage. De fait, elle effectue depuis un puissance de la zone euro.
est aussi sportive. A 15 ans, elle obtient la sans-faute. C’est là le paradoxe de Lagarde. La ministre des Finances
médaille de bronze de natation synchroni- Elle, la libérale convaincue, se transforme n’a pas gagné parce qu’elle
sée aux championnats de France. Deux ans en avocate de la régulation. C’est peu dire est française, mais bien
plus tard, elle perd son père et, grâce à une qu’elle est en décalage avec les diatribes du parce qu’elle a incarné
bourse, part étudier aux Etats-Unis. Elle chef de l’Etat contre les excès de la finance l’union monétaire
revient à Paris pour y passer l’ENA, qu’elle mondialisée. Peu importe, elle devient européenne. Même
loupe à deux reprises. Elle sera avocate. même première ministrable quand Sarkozy violemment secoué par
En 1981, inscrite au barreau de Paris, elle envisage de remplacer Fillon. Elle qui dé- une crise de la dette, l’euro
rejoint le cabinet parisien de Baker & Mc- nonçait cette manie politicienne d’«avoir participe au tout premier
Kenzie dont elle va gravir tous les échelons. à annoncer des choses différentes toutes les plan à la stabilité, certes
Vingt-quatre ans durant. En 2002, alors semaines» n’a jamais été très à son aise difficile, de la planète
qu’elle a pris la tête de ce cabinet qui avec la carrière politique. D’ailleurs son financière. Il était bon que
compte 4600 collaborateurs dans 35 pays, parachutage à Paris dans le XIIe, aux muni- cela soit réaffirmé. A Paris
le Wall Street Journal Europe la classe cipales de 2008, a été un cuisant échec. Le comme à Washington.
5e femme d’affaires européenne. Elle a déjà FMI tombe donc à point nommé. Sauf
fait de Davos, le forum mondial où politi- peut-être pour son compagnon, Xavier
que et business se mêlent chaque année Giocanti, entrepreneur à Marseille. Qui se
sous la neige, un de ses terrains de jeu et de vantait dans la presse de s’occuper du
chasse favoris. C’est là qu’elle se constitue «plaisir intérieur brut» de la ministre…
un carnet d’adresses incroyablement riche GRÉGOIRE BISEAU
et surtout très mondialisé. et ALEXANDRA SCHWARTZBROD
4 • EVENEMENT LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

bilisent 17 % des voix au conseil d’ad- La ministre des Finances est sous la menace d’une mise en examen
ministration. Les sept membres représentant
l’Union européenne constituent, eux, 32% par la Cour de justice de la République, qui pourrait être décidée le 8 juillet.
des voix. La ministre française avait donc en

Affaire Tapie et GDF-Suez,

début de matinée 49% des votes en sa faveur.
Si l’on ajoute les Bric (Brésil, Russie, Inde,
Chine) qui, les uns après les autres, ont an-
noncé leur soutien à Lagarde, la décision ne
pouvait plus attendre. L’opération séduction
menée par la ministre dans la plupart des
pays émergents aura donc porté ses fruits.
Mieux que son adversaire mexicain, elle
semble les avoir convaincus de ses capacités
à représenter leurs intérêts au sein du FMI.
Selon les rumeurs à Washington, le poste de
numéro deux du Fonds, qui sera bientôt li-
béré par l’Américain John Lipsky, pourrait
revenir à un pays émergent afin de rééquili-
brer la balance.
MAUVAISES LANGUES. Le FMI a donc pour la
première fois élu à sa tête une femme, alors
que l’institution multinationale reste domi-
née par les hommes (le conseil d’administra-
tion ne compte qu’une seule femme). Les
mauvaises langues affirment que Lagarde a
joué cette carte durant sa campagne. D’autres
préfèrent croire qu’elle avait les qualités re-
quises pour le poste, notamment une très
bonne expérience des Etats-Unis après avoir
dirigé le prestigieux cabinet d’avocats Baker
& McKenzie. Elle devra s’attaquer d’entrée
de jeu à de lourds dossiers. Car l’époque
d’une institution internationale moribonde
est révolue. La crise est passée par là. Et le
Fonds est sollicité comme jamais.
En avril 2008, à l’occasion des assemblées de
printemps du FMI et de la Banque mondiale,
DSK répétait: «IMF is back!». «Le FMI est un
ami des faibles, qui contribue à la paix mondiale
en défendant la stabilité monétaire», récite
l’ancien ministre socialiste, d’est en ouest et
du sud au nord. Dans un premier temps, le
FMI exhorte les Etats qui en ont les moyens
de mettre le paquet en consacrant une partie
de leur PIB dans la réanimation de la de-
mande. Adieu donc les budgets en équilibre.
Oubliée même la primauté du privé, puisque
le Fonds se fera (comme aux Etats-Unis) un
défenseur des nationalisations, comme dans
le secteur bancaire. Mais voilà, 2008 n’est
pas 2011. Terminée l’époque de la relance par
des casseroles sur le feu
L
e sacre de Christine La-
garde pourrait être gâ-
ché par la Cour de jus-
tice de la République
(instance habilitée à juger les
ministres ou ex-ministres pour
des faits commis dans l’exercice
de leurs fonctions). Deux dos-
siers mijotent dans les coursives
de la Cour de cassation (qui hé-
berge la CJR), pouvant aboutir
à sa mise en examen dans les
semaines ou les mois prochains.
Crâne. Le premier concerne la
désormais célèbre affaire Tapie.
Pour avoir assumée crânement
la procédure d’arbitrage (l’ac-
ceptation initiale de son prin-
cipe puis la non-contestation de
sa sentence), Lagarde se re-
trouve en première ligne à de-
voir justifier les 400 millions de
dommages et intérêts accordés
en 2008 à Bernard Tapie pour
solde de tout compte de ses dé-
mêlés avec le Crédit lyonnais -
même si, après compensation
bancaire et fiscale, il ne lui res-
terait que 200 millions en net.
Affaire la plus médiatique mais
aussi la plus urgente: la com-
mission des requêtes de la CJR
doit décider le 8 juillet de
François Baroin, mais aussi Valérie Pécresse ou Bruno Le Maire
pourraient récupérer dès aujourd’hui le ministère de l’Economie.
l’ouverture ou pas d’une procé- devant revenir à l’homme d’af- tre milliards… «Quarante fois
dure pénale. Son avocat général, faires: 30 millions à peine… plus cher», s’indigne le député
Jean-Louis Nadal, milite en ce Alchimie. Le deuxième dossier socialiste François Brottes.
sens, mais ce plus haut procu- mijotant au sein de la CJR est Une explication de cette cu-
reur de France, classé à gauche, moins avancé, l’avocat général rieuse alchimie est fournie par
part en retraite cette semaine et ayant simplement accepté Jean-Marie Kuhn, à l’origine de
pourrait être remplacé par Jean- d’instruire la plainte déposée la saisine de la CJR pour «abus
Claude Marin, actuel procureur par un petit actionnaire. Mais il de pouvoir». Depuis cinq ans, il
de Paris et classé à droite. est tout aussi curieux. Il y est piste les faveurs de la CDC au
Si la CJR décide d’ouvrir for- question de GDF-Suez et du sa- profit d’Albert Frère, homme
mellement le processus, la mise cré coup de pouce que vient d’affaires franco-belge bien en
en examen de Lagarde sera d’accorder la Caisse des Dépôts, cour à l’Elysée et premier ac-
automatique, ne serait-ce que bras armé de l’Etat français, à tionnaire privé de GDF-Suez.
pour lui donner accès au dos- ce géant de l’énergie désormais En 2006, la Caisse rachetait à
sier avant interrogatoire. Chris- privatisé. Au printemps der- Frère la chaîne Quick pour
nier, la CDC 800 millions d’euros: outre le
Lagarde doit justifier les achetait 25% prix amical, on voyait mal ce
du réseau de que l’Etat français venait faire
400 millions de dommages et distribution de dans les fast-foods. Rebelote en
intérêts accordés en 2008 à Tapie gaz de GDF- 2011 ? C’est la conviction de
pour solde de tout compte de ses Suez, une filiale Kuhn qui y voit un «nouvel
démêlés avec le Crédit lyonnais. nommée GRT- achat à prix d’or d’actifs inutiles,
Gaz. Le prix prétexte pour offrir un milliard à
tine Lagarde sera alors en pre- payé, un milliard d’euros, avait GDF-Suez.» Toujours bravache,
mière ligne d’un dossier aussitôt fait tiquer le groupe PS prenant sur elle ce qui relève du
pourtant sous haute sur- à l’Assemblée. En 2001, lors Château, Lagarde a défendu le
veillance de l’Elysée, où Ber- d’une première réforme de deal devant l’Assemblée
nard Tapie a ses entrées. Mais la GDF, accélérant son autonomie, comme une «stratégie de l’Etat
patronne du FMI traîne comme l’Etat lui avait concédé le réseau qui consiste à renforcer de grands
un boulet cette estimation, plus de transport de gaz pour acteurs.» Quitte à donner un
que sommaire, faite en 2009 120 millions d’euros. Dix ans chèque en blanc à Albert Frère?
devant une mission d’enquête plus tard, l’Etat, via la CDC, re- La CJR tranchera.
parlementaire, du solde final met au pot sur une base de qua- RENAUD LECADRE

Remaniement, le minimum vital

la dépense publique. Place à la rigueur.
Avec comme dossier prioritaire : la Grèce.
Malgré un plan de soutien de 110 milliards
d’euros, le pays ne parvient toujours pas à
s’en sortir. Hier soir, Christine Lagarde en a
appelé à l’union nationale. «Si j’ai un message
à faire passer ce soir concernant la Grèce, c’est
un appel à l’opposition politique grecque pour
qu’elle rejoigne dans une entente nationale le
parti qui est actuellement au pouvoir. Il y va
vraiment du destin d’un pays», a-t-elle dé-
claré sur TF1. Les cures d’austérité passent
de plus en plus mal dans les populations dont
le mécontentement semble proportionnel
aux exigences des bailleurs de fonds. Même
s’il est question pour le Fonds de consentir
à Athènes un nouveau plan d’aide de 30 à
60 milliards d’euros conjointement avec
l’Union européenne.
Un peu partout en Europe, le FMI, et donc
Christine Lagarde, devrait sonner la retraite
de l’Etat. Avec à la clé un risque de taille.
L’enclenchement d’une spirale de récession
là où tout est déjà extrêmement fragile. La
nouvelle directrice du Fonds devra aussi ser-
vir de pivot pour organiser une aide finan-
cière à la Tunisie et à l’Egypte. Pas compliqué
pour une institution requinquée sur le plan
financier par ses actionnaires. A ceci près que
d’autres pays du monde arabe en pleine révo-
lution démocratique pourraient prochaine-
ment, à leur tour, frapper aux portes du
Fonds pour solliciter une aide. •
icolas Sarkozy doit pro-
N céder, après le Conseil
des ministres, ce matin,
à ce qui sera sans doute le der-
nier remaniement de son quin-
quennat. En fait, il s’agit plutôt
d’un nouvel ajustement imposé
par les circonstances, comme il
a en a effectué une bonne dou-
zaine depuis 2007. Il s’agit
aujourd’hui de remplacer
Christine Lagarde à Bercy,
comme il fallait remplacer Mi-
chèle Alliot-Marie aux Affaires
étrangères en février.
Quelques minutes après l’élec-
tion de Christine Lagarde à la
tête du FMI, Nicolas Sarkozy et
François Fillon ont eu hier soir
un entretien à l’Elysée. La
question du remplacement de la
ministre de l’Economie devrait
donc être tranchée dès la fin du
Conseil des ministres de ce ma-
tin. Parmi les successeurs po-
tentiels, François Baroin parais-
sait hier mieux coté que ses
collègues Valérie Pécresse et
Bruno Le Maire. Le ministre du
Budget et porte-parole du gou-
vernement a d’ailleurs été reçu
pendant une vingtaine de mi-
nutes à Matignon en début
d’après-midi. Pour Fillon, la
solution Baroin a notamment
l’avantage de ne pas trop bous-
culer la stabilité gouvernemen-
tale. Le Premier ministre n’a ja-
mais caché que la valse des
ministres et les remaniements
pour convenances personnelles
lui paraissaient incompatibles
avec le fonctionnement d’une
République moderne.
Même s’il ne s’est pas interdit
de faire un usage très politicien
des nominations ministérielles
(Michel Mercier en 2009 pour
affaiblir Bayrou, Georges Tron
en 2010 pour isoler Dominique
de Villepin et peut-être, ce ma-
tin, Marc-Philippe Daubresse
pour gêner Jean-Louis Borloo),
Nicolas Sarkozy aura finale-
ment plutôt donné raison à son
Premier ministre.
Objet d’infinies spéculations
sur les entrants et les sortants,
la plupart des «aménagements»
décidés par le chef de l’Etat ont
été très limités.
En mars 2008, après les élec-
tions municipales, les nomina-
tions d’Yves Jégo, Alain Joyan-
det et Nadine Morano devaient
démontrer que les sarkozystes
n’étaient pas oubliés. En dé-
cembre 2008, la promotion de
Bruno Le Maire était un premier
signe d’ouverture aux chiraco-
villepinistes. En janvier 2009,
le départ de Xavier Bertrand à
la direction de l’UMP a provo-
qué un jeu de chaises musicales
dont Eric Besson, ministre de
l’Immigration, sera l’un des
principaux bénéficiaires.
En juin 2009, après les euro-
péennes, Sarkozy a parié sur
Xavier Darcos au ministère du
Travail. Il en a profité pour faire
monter la jeune génération dans
la hiérarchie gouvernementale
– Chatel à l’Education natio-
nale, Le Maire à l’Agriculture–,
et confier à son ami Hortefeux
le poste de ministre de l’Inté-
rieur dont il rêvait depuis long-
temps. En mars 2010, après les
désastreuses élections régiona-
les, les conditions étaient réu-
nies pour le profond boulever-
sement.
A mi-mandat, l’heure du rem-
placement de Fillon allait enfin
sonner, avait maintes fois an-
noncé l’entourage de Nicolas
Sarkozy. Il n’en fut rien. Le
Président a choisi de renforcer
les chiraquiens avec la nomina-
tion de François Baroin au Bud-
get, tout en confiant à Eric
Woerth, nouveau ministre du
Travail, le soin de conduire la
réforme des retraites.
Après quoi, promis, devait in-
tervenir le Big One, le grand re-
maniement tant de fois re-
poussé. On sait ce qu’il en
advint : le 14 novembre, Nicolas
Sarkozy a fait le choix de la
«professionnalisation», en
maintenant François Fillon, en
appelant Alain Juppé et en lais-
sant partir Jean-Louis Borloo.
ALAIN AUFFRAY
 MONDE
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 • 5

Conférence d’activistes,
à Athènes, le 27 juin.
PHOTO J.P. KSIAZEK. AFP

en fait un signe de bonne volonté

d’Ankara à l’égard d’Israël. Les
deux anciens alliés tentent en effet
de rétablir leurs relations, mises à
rude épreuve par l’assaut sanglant
de l’an dernier. La Turquie craint
par ailleurs les critiques de la com-
mission de l’ONU, qui devrait re-
mettre sous peu ses conclusions sur
les violences lors de l’arraisonne-
ment du Mavi Marmara. Selon des
fuites publiées dans la presse israé-
lienne, le rapport critique le soutien
du gouvernement turc aux organi-
sateurs de la flottille et ses liens
avec l’IHH.
Le gouvernement israélien s’est
également lancé dans une offensive
médiatique, après avoir largement
perdu la guerre des images qui avait
fait rage en juin dernier suite à l’ar-
raisonnement du Mavi Marmara.
Contrairement à l’an passé, des
photographes de l’armée israé-
lienne seront prêts à retransmettre
des images en temps réel depuis les
bâtiments militaires chargés de
l’interception.

«HONNEUR». Alors que l’arrivée

La«flottilledelaliberté» des bateaux se précise, Israël multi-

plie les déclarations visant à calmer
le jeu. Son cabinet de sécurité, qui
regroupe les principaux ministres,

surledépart,Israëlsurlepont
a ainsi affirmé lundi que ses forces
armées auront pour consigne
«d’éviter autant que possible l’af-
frontement avec ceux qui sont à bord
des bateaux». L’Etat hébreu a aussi
décidé d’autoriser les activistes à
Pressions diplomatiques, plan com, préparation militaire: l’Etat hébreu use décharger leur cargaison à Ashdod,
de tous les procédés pour tenter de décourager le convoi propalestinien. en Israël, ou El-Arish, en Egypte, et
s’est engagé à transférer la totalité
de la cargaison à Gaza après ins-
Par DELPHINE MATTHIEUSSENT accusé Israël de faire pression sur Alors qu’un millier de militants cela s’inscrivait dans une bataille po- pection.
Correspondante à Jérusalem Athènes. Une accusation dont ne se propalestiniens devaient initiale- litique contre Israël», estime Mark Mais en maintenant l’option mi-
défend pas l’Etat hébreu, qui a ment participer au convoi, ils ne Heller, directeur de recherche à litaire d’une interception en pleine

L
a grève générale en Grèce multiplié les efforts diplomatiques sont plus qu’environ 350, en prove- l’Institut pour les études de sécurité mer si les organisateurs de la
(lire en page 15) n’est pas la pour éviter un nouveau fiasco après nance de 22 pays, à attendre sur nationale, dépendant de l’univer- flottille s’obstinent à accoster à
seule à empêcher le départ le tollé international provoqué l’an une dizaine de bateaux de mettre le sité de Tel-Aviv. Gaza, l’Etat hébreu prend fatale-
vers Gaza des na- dernier par l’assaut meur- cap sur Gaza. Ils ont embarqué Les responsables israéliens se sont ment le risque de dérapages vio-
vires de la deuxième «flot- ANALYSE trier des commandos de 3 000 tonnes d’aide humanitaire, surtout réjouis de la défection du lents. Tsahal multiplie d’ailleurs
tille de la liberté», dont marine contre une pre- contre 10 000 l’an dernier. Plu- Mavi Marmara, affrété par l’organi- depuis plusieurs semaines les
plusieurs sont bloqués dans des mière flottille. sieurs pays, dont la France, la sation turque IHH, une association entraînements pour faire face à
ports grecs. Les organisateurs du Grèce, le Canada et les Etats-Unis, caritative proche de l’AKP, le parti cette éventualité. «Un an après le
convoi maritime, qui s’apprête «BATAILLE». Le but : réduire au ont déconseillé toute participation islamo-conservateur au pouvoir en fiasco de la première flottille, Israël
pour la deuxième année consé- minimum l’ampleur du convoi, à leurs ressortissants. Deux bateaux Turquie. C’est à bord de ce ferry montre qu’il s’en tient, envers et con-
cutive à tenter de briser le blocus dont les organisateurs avaient français participent à l’expédition. qu’avaient éclaté des violences l’an tre tout, à l’option militaire. Comme
israélien de la bande de Gaza, ont prévu qu’il approcherait des côtes «Les efforts israéliens ont été en par- dernier, durant lesquelles neuf pas- si c’était le moyen de sauver son hon-
annoncé lundi que l’hélice et l’ar- gazaouies en fin de semaine. «Nos tie couronnés de succès. Pas complè- sagers –huit Turcs et un América- neur», estimait récemment l’édito-
bre de transmission d’un paquebot diplomates ont mené des centaines de tement, car l’idéal pour Israël aurait no-Turc – avaient été tués. rialiste du quotidien Haaretz. Et
gréco-suédois avaient été sabotés. discussions, et en fin de compte, le été une annulation pure et simple de Le Mavi Marmara devait de nouveau d’ajouter : «Israël n’est pas prêt à
Peu avant, ils avaient dénoncé les nombre de navires et de passagers est cette flottille. Mais plusieurs pays servir de navire amiral à la flottille abandonner une démonstration de
«procédures administratives» impo- moindre que prévu», s’est félicité européens ont apparemment compris cette année. L’IHH a prétexté des force, contribuant ainsi, de façon
sées par les autorités grecques pour hier Avigdor Lieberman, le chef de qu’il ne s’agissait pas simplement «problèmes techniques», mais l’ab- certaine, à gonfler l’importance de
tenter de retarder leur départ. Et la diplomatie israélienne. d’une initiative humanitaire et que sence de participation du navire est cette flottille.» •

•
3000
REPÈRES Le 31 mai de l’an dernier,
le ferry Mavi Marmara avait été SUR LIBÉ.FR
Athènes TURQUIE arraisonné par les commandos
des Forces de défense israélien­ A lire et à écouter le blog
GRÈCE SYRIE nes (FDI). Neuf passagers, dont tonnes d’aide humanitaire ont «Destination Gaza» de notre
GAZA huit Turcs et un Américano­Turc, été embarquées à bord de la envoyé spécial Quentin Girard,
ISRAËL IRAK avaient été tués lors de l’assaut. flottille vers Gaza. 10000 tonnes en direct de l’un des deux
LIBYE
El-Arish Ashdod Cette année, le bateau ne parti­ avaient été transportées l’an bateaux français de la flottille.
ÉGYPTE cipe pas à la flottille vers Gaza. passé.
6 • MONDEXPRESSO LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

DÉCRYPTAGE
COUP DE SANG DES PARTISANS BRITANNIQUES DE LA RÉPUBLIQUE

E Pendant l’austérité, la monarchie dépense

Par MARC SEMO

Turquie: les députés

de l’opposition refusent
de prêter serment
a séance inaugurale du
Certains éditorialistes pro-
Le prince Charles a coûté près de 18%
de plus aux contribuables britanni-
ques l’an dernier qu’en 2009, ont an-
noncé ses services comptables hier.
Cette information a immédiatement
suscité la colère des antimonarchistes,
qui ont rappelé qu’en parallèle, une
nuent-ils à payer pour ce train de vie
somptueux à un moment où les services
publics subissent des coupes budgétai-
res?» s’est notamment indigné Gra-
ham Smith, porte-parole de l’associa-
tion Republic.
La hausse des subsides publics accor-
(+ 56%). Charles et son épouse, Ca-
milla, ont en effet parcouru près de
55000km dans le monde en 2010. Si
les revenus du prince, notamment
ceux tirés de son duché de Cor-
nouailles (sud-ouest), ont progressé
de 4%, ses impôts auraient en revan-

L Parlement turc, élu 0le

du 12 juin, a été boy-
cottée par la principale force
de l’opposition de gauche et
par les députés kurdes. Do-
ches de l’AKP assurent que
le Premier ministre est
tombé «dans un piège judi-
véritable cure d’austérité a été impo-
sée par le gouvernement à la popula-
tion. «Pourquoi les contribuables conti-
dés au fils de la reine Elizabeth II se-
rait en grande partie due à l’envolée
de ses frais de voyages officiels
che bondi de plus de 25% par rapport
à l’année précédente, toujours selon
les services officiels de sa majesté.
ciaire». L’indépendance de
la justice turque est pourtant

minée pour la troisième fois
consécutive par l’AKP, le
parti issu du mouvement is-
lamiste de Recep Tayyip Er-
dogan (50% des voix), cette
LesSénégalais
très théorique. «L’AKP s’est
piégé lui-même en ne menant
pas jusqu’au bout la réforme
du code pénal ou de la loi an-
titerroriste», souligne Ahmet

comptentlesheurts
législature s’annonce sous de Insel, universitaire et chro-
mauvais auspices. niqueur au quotidien Radi-
kal, rappelant que «la ques-
Pourquoi ce boycott ? tion des libertés individuelles
Les 135 députés du CHP est l’enjeu politique central
(Parti républicain du peuple) des prochaines années».
ont emboîté le pas des Avant même ce nouveau
AFRIQUE L’armée a été déployée à Dakar après les émeutes de lundi
35 députés kurdes du BDP triomphe électoral, Erdogan menées par des jeunes qui demandent le départ du président Wade.
(Parti pour la paix et la dé- était de plus en plus critiqué
mocratie), qui avaient pris pour son autoritarisme gement, conjugué à l’ab-
cette décision pour protester croissant et beaucoup s’in- sence d’investissements suf-
contre l’invalidation pour quiétaient d’une «poutini- fisants, serait à l’origine de
«propagande terroriste» de sation» du régime, alors ces délestages qui empoison-
l’élection d’Hatip Dicle, une qu’il souhaite l’instauration nent le quotidien des Séné-
des figures de proue empri- d’une république présiden- galais au point de les obsé-
sonnée du mouvement tielle. der. Les plus aisés ont acquis
kurde. Le refus de plusieurs des générateurs.
tribunaux, contre la juris- Que va faire «Explosion». Est-on à la
prudence habituelle, de re- le Parlement ? veille d’un soulèvement gé-
mettre en liberté six autres Le grand défi pour le néralisé au Sénégal ? Ma-
nouveaux élus kurdes a en- nouveau Parlement est l’éla- rianne, une habitante de Da-
core accru la rage du BDP. Le boration d’une constitution kar, en est persuadée: «Cela
même problème s’est posé afin de remplacer celle im- ne va pas s’arrêter ! On est en
pour deux députés du CHP, le posée après le coup d’Etat état de survie, on n’en peut
journaliste Mustafa Balbay et militaire de 1890. L’AKP a plus !» La semaine dernière,
l’universitaire Mehmet Ha- raté de peu la majorité réfé- plusieurs bureaux du parti au
beral, emprisonnés pour leur rendaire (330 sièges sur 650) pouvoir, le PDS, ont été sac-
rôle présumé dans un com- qui lui aurait permis d’élabo- cagés. Tous les regards se
plot visant à déstabiliser le rer seul un projet à soumet- tournent désormais vers la
pouvoir de l’AKP. «Tant que tre à référendum. Au soir de Cour constitutionnelle qui
nos camarades députés seront sa victoire, Erdogan annon- doit dire si le vieux président,
empêchés de prêter serment, çait: «Nous allons agir dans le Dans la banlieue de Dakar hier, après les émeutes de lundi. PHOTO SEYLLOU. AFP élu en 2000 et réélu en 2007,
nous, élus du CHP, ne prête- consensus.» C’est ce que peut se représenter au scru-
rons pas serments non plus», souhaitent les Européens tin prévu en février 2012.
a martelé Kemal Kilicdaro- comme les organisations de 75 km MAURITANIE rue pour protester contre un de plus en plus fréquents et Théoriquement, la Constitu-
glu, président du parti jadis la société civile turque. Mais projet de réforme électorale de plus en plus longs. tion ne permet que deux
fondé par Mustapha Kemal, cela commence mal, à moins conçu pour permettre la réé- «On ne peut avoir aucun loi- mandats. «Si elle l’autorise à
en annonçant cette décision d’un geste fort de Recep Dakar lection du chef de l’Etat, âgé sir, on doit s’éclairer à la bou- concourir, cela sera l’explo-
sans précédent. Tayyip Erdogan pour déblo- SÉNÉGAL de 85 ans, et favoriser le pas- gie et on ne peut pas faire la sion !» ajoute Marianne.
Que révèle cette crise ? quer la situation. • MALI sage de témoin à son fils, Ka- cuisine, témoigne un univer- Le mouvement de contesta-
rim Wade. Le régime a dû re- sitaire installé à Dakar, qui a tion est né spontanément
culer face à la détermination tenu à garder l’anonymat (1). dans les rangs de la jeunesse,
GUINÉEB
L’HISTOIRE GUINÉE des manifestants. Il y a aussi le problème de la prenant au dépourvu des
«Bougie». Cette fois, il ris- conservation des aliments. On partis d’opposition jugés
L’ARMÉE MEXICAINE DÉMANTÈLE es vannes de la contes- que d’avoir du mal à éteindre doit jeter tout ce qui ne peut se trop timides et critiqués pour
UN LABO DE DROGUE SOUTERRAIN
Le sous­sol mexicain regorge de richesses plus ou moins
L tation sont ouvertes au
Sénégal, où la situation
apparaît hautement imprévi-
cette nouvelle va-
g u e d e Lundi soir, le siège de
contestation, liée
la compagnie nationale
leur incapacité à s’unir afin
de présenter une alternative
crédible au pouvoir en place.
naturelles. Lundi, le ministère de la Défense a annoncé sible. Hier, au lendemain de à des problèmes Fer de lance de la protes-
que des militaires avaient découvert, lors d’une patrouille scènes de guérilla urbaine à de vie quoti- d’électricité a été attaqué tation, les rappeurs du col-
dans l’Etat de Sinaloa (nord­ouest), un laboratoire souter­ Dakar, mais aussi en pro- dienne. Lundi pour protester contre lectif Y’en a marre ont de-
rain de drogues synthétiques. Le bâtiment est creusé sur vince, l’armée a été déployée soir, des foules de les coupures de courant. puis été rejoints par des
10 mètres de profondeur et est large de 12 mètres. Il com­ aux abords de plusieurs mi- jeunes s’en sont chanteurs célèbres, tels
prend un étage aménagé comme une habitation et un nistères, tandis que des blin- pris violemment aux bureaux garder qu’au frais. C’est dra- Youssou N’Dour et Didier
deuxième étage organisé «comme une cave avec deux piè­ dés ont fait leur apparition de la compagnie nationale matique pour des familles en- Awadi. «Il n’y a pas d’électri-
ces», comprenant le matériel nécessaire à la fabrication de autour de la présidence. d’électricité, la Senelec. Dix tières qui doivent jeter, alors cité dans les prises, mais il y a
la drogue. Après avoir sécurisé les lieux, l’armée a mis la Comme un symbole d’une de ses agences ont été détrui- que le coût de la vie est déjà de l’électricité dans l’air !»
main sur 260 kilos de méthamphétamines, 180 litres de coupure irrémédiable entre tes à Dakar et dans ses fau- très élevé dans le pays.» lançait hier soir Marianne,
méthamphétamines liquides et 450 kilos de soude causti­ le président Abdoulaye Wade bourgs, ainsi qu’à Keur Mas- Dans certains cas, les coupu- alors que le courant était à
que. Le ministère de la Défense n’a pas précisé comment il et son peuple. sar, Mbour et Thiès, à l’est de res peuvent durer quarante- nouveau interrompu.
avait été mis au courant de l’existence de ces installations, Jeudi, les jeunes étaient des- la capitale. Le ras-le-bol est huit heures. Toute l’activité THOMAS HOFNUNG
ni si les soldats avaient procédé à des interpellations. cendus massivement dans la général face aux délestages en pâtit. Un mauvais mana- (1)Lire son interview sur Libe.fr
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011
14
C’est le nombre de missi­
les balistiques à courte et
moyenne portées tirés
par l’Iran, hier, lors d’un de
ses traditionnels exercices
de «défense» destinés à
montrer sa force. Ces
manœuvres sont égale­
ment destinées à dissuader
Israël et les Etats­Unis de
s’en prendre militairement
à la République islamique.
«Envions-nous
les peuples de
Tunisie et d’Egypte?
Oui, nous envions
leur transition
rapide et pacifique.
Les Birmans sont
aussi excités par
ces événements que
les autres peuples.»
Aung San Suu Kyi
opposante birmane
et Prix Nobel de la paix
LES GENS
LE GOUVERNEUR
DE LA BANQUE
CENTRALE
AFGHANE EN FUITE
Nouveau doute sur la pro­
bité du gouvernement Kar­
zaï: Abdul Qadir Fitrat, le
gouverneur de la Banque
centrale afghane, s’est réfu­
gié aux Etats­Unis. Cette
fuite est un rebondisse­
ment dans l’affaire des
détournements massifs
d’argent de la Kabul Bank,
un établissement détenu
en partie par des proches
du pouvoir. «Ma vie était en
danger, notamment depuis
que j’ai parlé au Parlement
et donné le nom de certai­
nes personnes qui sont res­
ponsables de la crise de la
Kabul Bank», a déclaré le
gouverneur. Cette banque
privée, la première du pays,
était au bord de la faillite
lorsqu’elle a été placée
sous le contrôle de la Ban­
que centrale fin 2010, ses
dirigeants étant soupçon­
nés de détournements de
fonds, de l’ordre de
780 millions d’euros. Parmi
ses propriétaires, un frère
du Président, et un frère du
vice­président, Mohammad
Qasim Fahim. PHOTO AFP
MONDEXPRESSO • 7
Lecoûtdesang YÉMEN Les trois humanitai-
res français enlevés il y a un
mois ont été «localisés» et
sont «en vie». C’est ce
desélèveschiliens
qu’ont affirmé, hier, les
autorités yéménites.
TUNISIE Une trentaine de
personnes ont été interpel-
AMÉRIQUE DU SUD Des milliers d’écoliers et d’étudiants lées, hier, à Tunis, lors d’une
manifestation de salafistes
manifestent pour réclamer la gratuité de l’éducation. venus réclamer la libération
de leurs camarades arrêtés
epuis plus d’un mois, prix d’une maison. Harry aussi mauvais, ajoute Marcel après le saccage d’un cinéma
D les manifestations se
multiplient au Chili.
Les étudiants et les élèves du
Palacios, 22 ans, a trouvé la
solution. «D’ici un mois, ex-
plique cet étudiant en musi-
Claude. Car l’augmentation
du coût est allée de pair avec
une dégradation de la qualité.» PAKISTAN Trois ministres ont
qui présentait un film sur la
laïcité dans le pays.
secondaire réclament une que, je pars étudier au Brésil. Le ministre de l’Education, démissionné, hier, après que ÉGYPTE Un tribunal du Caire
éducation publique, gratuite, Là-bas, l’éducation est gra- Joaquín Lavín, a présenté leur mouvement eut annoncé a ordonné, hier, la dissolu-
de qualité. «L’éducation chi- tuite.» Si le Chili est le pays une série de propositions aux la veille rejoindre l’opposi- tion des conseils municipaux
lienne n’est pas à vendre, elle qui a le revenu par habitant le élèves du secondaire. Sans tion au gouvernement fédéral élus du temps du président
est à défendre.» C’est un des plus élevé d’Amérique latine, réussir à les démobiliser. du président, Asif Ali Zardari, Hosni Moubarak, renversé
slogans scandé dans de il est le seul à avoir un ensei- De notre correspondante dénonçant sa gestion «dicta- en février, a-t-on appris de
nombreuses manifestations gnement aussi privatisé. «Et à Santiago CLAIRE MARTIN toriale» du pays. PHOTO AFP source judiciaire.
d’élèves. La semaine der-
nière, un défilé a réuni
80 000 personnes. Du ja-
mais-vu depuis la fin de la
UTILE OU
dictature d’Augusto Pino-
chet, en 1990. Il faut dire que
les jeunes qui protestent sont
nés après et qu’ils n’ont pas
PROFITABLE,
peur de faire valoir leurs
droits.
Par ailleurs, plus d’une cen-
taine d’universités sont en
POURQUOI CHOISIR?
grève, et 500 collèges et ly-
cées sont occupés par les élè-
ves. «L’éducation ne doit plus
être synonyme de profit, souli-
gne Matias Arancibia, 16 ans,
© Castro M./URBA IMAGES et Monty Rakusen/Getty images - Architecte : AS. Architecture-Studio, © ADAGP, Paris 2011
qui marche dans son uni-
forme bleu de lycéen. L’édu-
cation est un droit, pas un pri-
vilège.» Le Chili est un des
pays où l’éducation est la
plus chère du monde, alors
que dans les années 60 elle
était gratuite. Sous la dicta-
ture (1973-1990), Pinochet a
ouvert les portes au privé et
l’Etat a drastiquement baissé
son enveloppe budgétaire.
«Ceux qui financent l’éduca-
tion aujourd’hui, explique
Marcel Claude, économiste à
l’université de Santiago, ce
sont en grande partie les fa-
milles. Dans le primaire et le
secondaire, elles paient en
moyenne 30% du coût de
l’éducation de leurs enfants. A
l’université, elles paient 85%
de ce coût! L’Etat est pratique-
ment absent du système, même
dans les universités publiques,
qui coûtent presque autant que
les privées.»
Quand il parvient à finir ses
études, un étudiant est géné-
ralement endetté jusqu’au Pourquoi choisir quand on peut être les deux ? Dans son Projet de Groupe, le Crédit Agricole a choisi un modèle
cou. «Mon université coûte qui associe performance et valeurs. Un modèle qui réunit nos 160 000 salariés, nos 32 000 administrateurs
220 euros par mois, ce qui cor- et tous les métiers de la banque au service de chaque client, de chaque territoire. 1er bancassureur et 1ère banque
respond au salaire minimum du logement des Français, nous sommes leader dans le financement de l’habitat. Nous répondons ainsi à l’un des
que gagne mon père, souligne grands défis de la société.
Tamara Carrasco, 20 ans, qui 1er financeur de l’économie française, nous sommes tous fiers de cette place.
suit des études d’infirmière. Mais surtout, elle nous engage.
J’ai dû prendre un crédit ban-
caire, ça veut dire que je finirai
par payer mes études trois fois Retrouvez le Crédit Agricole sur :
leur coût.» En moyenne, les credit-agricole.com
étudiants chiliens doivent credit-agricole.fr
rembourser, à leur arrivée creditagricole.info
sur le marché de l’emploi,
30000 euros. L’équivalent du
 FRANCE
8 • LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

Aubryvise
l’Elyséeen
primaireligne
La première secrétaire du PS a officialisé sa
candidature à la présidentielle, hier à Lille.
Par LAURE BRETTON son premier adjoint à Lille – qu’elle fait un
Envoyée spéciale à Lille peu paravent. Personne ne doute du sérieux
Photo AIMÉE THIRION de l’ex-ministre, mais on ne sait toujours pas
qui elle est. On retrouve sa patte dans les in-

L
ever de rideau présidentiel. Lille, terstices, quand elle veut «mettre la culture en
11 h 27 hier. Martine Aubry écarte avant pour nous faire grandir et nous réunir»
une tenture noire, dans la gare Saint- et, surtout, quand elle parle de sa famille.
Sauveur, l’un de ses lieux culturels L’ombre de Jacques Delors plane sur la gare
préférés au cœur de «sa» ville. Trois petits Saint-Sauveur. Elle rend hommage à celui qui
pas serrés et la voilà sur une tribune présida la Commission européenne
plus élyséenne que nature : fond bleu RÉCIT avant de renoncer à briguer l’Elysée.
pâle – «c’est le bleu Martine, à chaque L’ancien ministre de Mitterrand lui a
fois qu’elle a été candidate, c’était cette cou- transmis «la morale, le sens de la justice et le
leur», confie un de ses proches –, pupitre goût des autres». Et puis, la seule fois où elle
blanc où se cachent trois verres d’eau et, sort de son texte, c’est pour assurer qu’elle
dressés en arrière-plan, deux drapeaux, fran- porte l’idée européenne «presque dans [ses]
çais et européen, dont un factotum a remis gènes». On oublie le non de son père en 1994,
les plis en place jusqu’à la dernière minute. en route pour 2012. Elle veut être «une prési-
«Mes chers compatriotes», se lance Martine dente qui préside» et surtout, elle veut ras-
Aubry, un peu émue après trente secondes sembler. C’est, selon ses proches, son grand
d’applaudissements qui lui parviennent du atout dans la primaire : elle fait la jonction
fond de la salle, où se massent des «forces vi- entre gauche et droite du PS, elle dirige à Lille
ves» de Lille, habitants, collaborateurs, artis- avec des élus du Modem, elle a de bonnes re-
tes, associatifs, venus assister à l’envol prési- lations avec les autres dirigeants de la gau-
dentiel de leur maire. Celle qui est encore che… Rassembleuse encore quand elle prend
première secrétaire du PS attaque
d’emblée Nicolas Sarkozy, sans ja- Oublié ce «nous» dont elle truffait
mais le nommer : «Derrière l’appa-
rence de l’énergie, trop souvent con-
ses discours de première secrétaire
fondue avec l’agitation, ce pouvoir a abonnée au jeu collectif. Désormais
surtout une réalité : une politique in- c’est «je», Martine, qui parle à
juste, exclusivement menée au profit «vous», les Français.
des privilégiés.» «Il est temps, il est
grand temps que cela change vraiment», dit- «l’engagement de la victoire en 2012». Autre-
elle, la voix plus posée. Elle ne lit plus son ment dit, si elle perd la primaire, elle œuvrera
texte, elle regarde au loin. «Je veux rendre à pour le succès de tout autre prétendant socia-
la France sa force, sa sérénité, son unité. Je veux liste. Elle lance «vive la République, vive la
redonner à chacun le goût de l’avenir et l’envie France», plonge dans un bain de foule, salue
d’un destin en commun. Aussi, j’ai décidé de longuement Pierre Mauroy, dont elle a pris
proposer ma candidature à l’élection présiden- la succession à Lille, embrasse furtivement
tielle.» Elle l’a dit. Déterminée, sérieuse, mais son époux et file au soleil, dans la cohue.
souriante, Martine Aubry enjambe la pri- A Paris, Benoît Hamon a branché i-Télé dans
maire. Elle est déjà dans l’étape d’après. son bureau de porte-parole. Avec lui, les se-
crétaires nationaux David Assouline, Razzy
PARAVENT. Resserrée, ciselée, la déclaration Hammadi et Pouria Amirshahi, également
de treize minutes n’échappe pas à la langue acquis à la cause Aubry, écoutent en silence. parler de «logement intergénérationnel» à de campagne. Avec lui, les deux autres hom-
de bois du parfait candidat. Elle promet une Elle est candidate. «Ouf… soupire Hamon, Rennes. Le lien entre les Français, toujours. mes de l’ombre d’Aubry – son directeur de
«vision claire, une action cohérente et un lan- tout sourire, ça me fait bizarre de l’entendre, cabinet, Jean-Marc Germain, et son attaché
gage de vérité». Dans les mots au moins, le ça fait tellement longtemps [qu’il l’attendait].» «CHEMISES». A Lille, «trop émue», l’amie de presse, François Rousseaux– doivent s’ac-
lien personnel entre Aubry et les Français Fin du discours, Hamon tape sur la table : Marylise Lebranchu cache son trouble en commoder de la lumière médiatique. Mais les
commence à se nouer. Oublié ce «nous» dont «Allez c’est parti!» Premier meeting de sou- prêtant main-forte au service d’ordre pour airs de conspirateurs perdurent. Les mee-
elle truffait ses discours de première secré- tien ce soir dans les Yvelines puis conseil po- (tenter de) canaliser les caméras qui bour- tings, l’équipe de campagne, la future direc-
taire abonnée au jeu collectif. Désormais c’est litique demain matin au siège du PS. A l’issue donnent autour de la candidate. «Il faudra tion collégiale du PS, le sort réservé au cabi-
«je», Martine, qui parle à «vous», les Fran- duquel Martine Aubry doit faire une déclara- trois chemises par jour», prédit en connais- net Aubry ? «Aujourd’hui, vous êtes au
çais. Mais la déclaration est tellement solen- tion pour se mettre, comme promis, en congé seur François Lamy, conseiller de la première restaurant, temporise Lamy. Pour la cuisine
nelle –«solide», précise Pierre de Saintignon, de ses responsabilités au PS. Avant d’aller secrétaire en passe de devenir son directeur et l’arrière-cuisine, attendez demain !» •
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 FRANCE • 9

Après le dépouillement des premiers bulletins, REPÈRES

l’ex-juge est en tête de la primaire écologiste.
Eva Joly, 66 ans, a la double natio­
nalité française et norvégienne.
EE-LV: Joly tient De 1990 à 2002, elle est juge d’ins­
truction au pôle financier du tribu­
nal de grande instance de Paris.

la corde face à Hulot D’abord tentée par le Modem de

François Bayrou, elle rejoint
Europe Ecologie en 2008. L’année

AFP
suivante, elle est élue eurodéputée.
est pas Eva dans le mur, c’est entouraient leur candidat pour éviter le

«C’ Eva gagner !» se réjouissait

hier un ami d’Eva Joly. Au
même moment, les proches de Nicolas
Hulot, donné favori de la primaire éco-
logiste, évoquaient «un scénario noir»
pour leur champion. A mesure que le
dépouillement des 10 000 votes par
courrier des militants et sympathisants
d’Europe Ecologie - les Verts (EE-LV)
progressait, l’ex-juge de l’affaire Elf
consolidait son avance. Et nettement.
«C’est une énorme surprise», réagissait
le député François de Rugy. Certes, il
faudra attendre le résultat du
coup de blues. Tandis qu’Eva Joly se di-
sait «surprise comme tout le monde».
«Mais elle n’a jamais considéré que c’était
perdu», raconte un de ses amis. L’ex-
magistrate se montrait sous un jour très
politique et loin de l’ébullition électo-
rale d’EE-LV en twittant, à 20 h 17 :
«Christine Lagarde nommée au FMI…
C’est l’illustration que l’impunité est un
mode de gouvernance !»
MATTHIEU ÉCOIFFIER
LA PRIMAIRE SOCIALISTE
w Depuis hier et jusqu’au 13 juillet: dépôt des candidatures
officielles à la primaire.
w Du 25 au 27 août: université d’été du Parti socialiste à
La Rochelle.
w 9 octobre: premier tour de la primaire.
w 16 octobre: éventuel deuxième tour.
w 5 ou 6 novembre: convention d’investiture du ou de la can­
didat(e) du PS à l’Elysée.

June,TwentyFirst
dépouillement des 15000 votes électro-
niques, cet après-midi à 17 heures. Mais
sur les 2000 premiers votes papier, Joly
était créditée de 55% des voix contre
35% à l’ex-animateur d’Ushuaïa. «Sur
4 000 bulletins, on est à 52%, avec une

/
FNMF - Organisme régi par le Code de la mutualité - RNM 304 426 240
avance de 15 à 20 points sur Hulot. A l’is-
sue du dépouillement du courrier, Eva de-
vrait être autour de 50%», estimait, en
fin d’après midi, Yannick Jadot, son
porte-parole. Qui précisait que le dé-
pouillement électronique ne «pouvait
pas inverser la tendance, mais faire passer
Joly sous la barre des 50%, en rééquili-
brant le score au profit de Hulot». En
clair, soit Eva Joly remporte aujourd’hui
la primaire au premier tour. Soit il y
aura un second tour, début juillet, pour
lequel elle partira favorite.
Elle peut en effet escompter de
meilleurs reports de voix des deux
autres «petits candidats» : Stéphane
Lhomme, qui a fait de la primaire une
croisade anti-Hulot, «le candidat des “ Répéter que
sondages et de TF1», et l’Alsacien Henri
Stoll. «Les électeurs de Lhomme se repor- la dépendance coûte
teront massivement sur Joly. Et ceux de
Stoll de façon plus aléatoire», jugeait hier
trop cher à la société
Jean-Vincent Placé, conseiller spécial
de Cécile Duflot. Qui jouait lui aussi la
finira par coûter
montre pour ménager les équipes: «Les
15 000 personnes qui ont voté par Inter-
cher à la société.”
net, je ne les connais pas. Moi, j’ai voté
papier et Cécile aussi.» Jean-Paul Besset,
plume de Hulot, ne cachait pas sa dé-
ception: «C’est le jeu, mais l’écart sur les
premiers bulletins me stupéfie. Cela indi-
que une tendance. C’est peut-être un vote
de rejet de Hulot: on vote Joly pour ne pas
avoir Hulot et tout ce qu’il incarne.»
Un vote Joly par défaut? «Il y a un choix
entre une forme de repli doctrinaire ou une
dynamique d’ouverture», assurait Hulot
à Libération à la fin de la campagne. Ex-
pliquant s’être «enrichi» et avoir «brisé
les préjugés et les mensonges» lors de ses
rencontres avec les militants dans une
Martine Aubry douzaine de villes. Chez Joly, on prenait
à la gare Saint­ garde hier de ne pas humilier l’adver-
Sauveur de Lille, saire. «Ce n’est pas un vote de rejet de Ni-
Nous sommes tous dépendants
hier. colas. Il a su s’expliquer. Les sondages ne les uns des autres.
les ayant par départagés, Eva a porté une La dépendance des personnes âgées est un sujet
écologie plus proche de celle d’EE-LV et trop sérieux pour revenir aux vieilles tentations
plus en phase avec la crise actuelle», ana- du «chacun pour soi». La dépendance
lysait Jadot. Verdict de Jean-Vincent c’est «tous ensemble» qu’on doit y faire face.
Placé : «Hulot a été bon, mais il est parti
trop tard en campagne.»
Hier soir, les proches de l’ex-animateur
10 • FRANCE LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

AEvry,faceàl’incuried’unbailleur
social,lemairesaisitlajustice
Dans le quartier des Pyramides, les habitants de deux résidences HLM affrontent seuls dégradations
et trafics. L’édile de la ville, Manuel Valls, accuse le gestionnaire de laisser pourrir la situation.
ParTONINO SERAFINI

D
ans la nuit du 6 au 7 juin,
la voiture de Yolande La-
place a été incendiée. Des
inconnus ont arraché la
porte de son box et mis le feu à son
véhicule, stationné dans le sous-sol
de la résidence HLM Mallarmé,
dans le quartier des Pyramides à
Evry (Essonne). «Il était deux heures
du matin. Les fumées ont gagné les
cages d’escalier», racontent les ha-
bitants. Réveil en panique. Plu-
sieurs locataires ont dû évacuer
leurs loge-
REPORTAGE ments et ont
fini la nuit à
l’hôtel. Intoxiqué par les fumées,
un homme a passé plusieurs heures
à l’hôpital. L’enquête a été confiée
à la PJ de Versailles.
Il s’agit clairement d’un acte d’inti-
midation. D’un nouvel avertisse-
ment à l’encontre de Yolande La-
place, qui a déjà fait l’objet d’autres
menaces. Cette femme est respon-
sable de l’amicale des locataires des
groupes d’immeubles Mallarmé et
Louis-Aragon appartenant à la so-
ciété de HLM Antin Résidences.
Elle se bat pour améliorer le quoti-
dien des habitants confrontés à des
problèmes récurrents de propreté
des parties communes et des espa-
ces extérieurs, d’étanchéité de cer- Photos prises par des locataires des résidences HLM du quartier des Pyramides, à Evry. PHOTOS DR
tains logements et surtout de sécu-
rité. Les sous-sols et les halls de quement à une obligation de prudence Liabeuf, se dit «surpris» et «cho- à Aragon, prédomine un sentiment Le toit du bâtiment n’est plus étan-
certains bâtiments sont devenus ou de sécurité». Et aussi pour «abs- qué» par la plainte. Pour lui, les ré-d’abandon, voire de maltraitance. che. De nombreux locataires subis-
des zones de non-droit où ont lieu tention volontaire de prendre les me- sidences Mallarmé et Aragon ont «Cela fait dix ans que j’habite ici. sent ces désordres. «On l’a signalé
des trafics. Lassés, les habitants se sures propres à empêcher un crime ou subi «un déplacement des trafics». C’est devenu immonde», lâche une à l’agence locale d’Antin Résidences,
sont tournés vers leurs élus pour un délit». Il reproche au bailleur de «Avant, cela se passait à la Cara- habitante au bas d’un immeuble. raconte la dame du troisième. Ils
qu’ils interviennent auprès du «laisser filer» la situation et de faire Une autre locataire, nous répondaient “oui oui, on s’en
bailleur afin de sécuriser le site. preuve d’«irresponsabilité à l’égard «Cela fait dix ans que j’habite ici. qui paye «plus de occupe”. Et après, plus rien. Il a fallu
des habitants, dont certains subissent 800 euros par mois de envoyer une lettre recommandée pour
GROSSE ARTILLERIE. «Au cours des des menaces».
C’est devenu immonde.» loyer et charges pour un qu’ils viennent voir.» Les habitants
derniers mois, nous avons organisé Cette plainte est rarissime, voire Une locataire F4», dit qu’en «vingt de cet appartement ont refait à
une dizaine de réunions avec les res- unique. Généralement, mairies et ans, jamais le bailleur leurs frais le parquet, les peintures,
ponsables d’Antin Résidences, en bailleurs sociaux travaillent la main velle», un immeuble du quartier n’a fait de travaux. C’est nous qui et la décoration. «Mon mari est du
présence du directeur de cabinet du dans la main. Les élus ont besoin démoli dans le cadre d’une opéra- avons changé l’évier de la cuisine, les métier», poursuit-elle. Mais ils se
préfet et du commissaire, raconte des HLM pour loger des familles tion de renouvellement urbain. Le carrelages, le WC». sentent déconsidérés par un
Manuel Valls, député-maire (PS) modestes, les jeunes actifs, ou les dirigeant de la société de HLM ré- bailleur qui ne répond pas quand la
d’Evry. Mais les engagements pris personnes en difficulté. Et les HLM fute aussi l’idée d’un laisser-aller. EAU DE PLUIE. Dans le même im- pluie s’infiltre. «On est écœurés. On
lors de ces réunions par le bailleur du soutien des maires pour cons- «On dépense en entretien deux fois meuble, on monte au troisième et se barre», ajoute la locataire. Pour
n’étaient pas tenus.» Fin mai, l’élu truire, réhabiliter, assurer la tran- plus dans ces deux résidences dernier étage. Une dame avec une expliquer l’état lamentable des im-
a sorti la grosse artillerie : il a dé- quillité dans les immeubles. qu’ailleurs, à cause du vandalisme et petite fille dans les bras ouvre et meubles, Antin Résidences met
posé une plainte au pénal contre Mais à Evry, la relation élus-HLM des dégradations.» nous conduit illico dans son séjour. tout sur le compte du vandalisme.
Antin Résidences pour «mise en s’est envenimée. Le directeur gé- Mais sur le terrain, les locataires Elle nous montre le plafond fissuré Mais les infiltrations d’eau sont la
danger de la vie d’autrui par man- néral d’Antin Résidences, Jean-Luc contestent ses dires. A Mallarmé et par lequel s’infiltre l’eau de pluie. preuve de son incurie. •

DES CHAMPS AU BÉTON

2500 MANUEL VALLS


REPÈRES YVELINES 
Dans les années 50, Evry était un Le maire (PS) d’Evry, élu en 2001
Évry village à 25km de Paris. En 1965, et réélu en 2008 avec 70,28%
le gouvernement décide d’y créer des voix, est député de l’Essonne
ESSONNE SEINE- une ville nouvelle. Préfecture de C’est le nombre de logements depuis 2002. Candidat à la pri­
ET-
MARNE
l’Essonne, pôle économique et dans le quartier des Pyramides à maire pour la présidentielle de
universitaire, Evry compte Evry, qui date des années 70 et 2012, il est classé à la droite du PS
15 km LOIRET aujourd’hui 52800 habitants. est classé Zone urbaine sensible. pour ses positions sur la sécurité.

Appel pour la défense
du droit à la formation
professionnelle
dans la fonction publique
territoriale
Le parlement, lors de l’adoption de la loi de finances rectificative 2011 risque, avec le soutien du
gouvernement, d’approuver un amendement sénatorial mettant gravement en cause le droit à la
formation professionnelle dans la fonction publique territoriale (FPT).
Il prévoit que le taux de la cotisation au Centre National de la Fonction Publique Territoriale
(CNFPT) assise sur une partie de la masse salariale de l’ensemble des collectivités territoriales et
fixé à 1 % depuis 1987, soit réduit à 0,9 %, dès 2012.
Cette forte baisse serait injustifiée. Elle porterait atteinte au droit à la formation professionnelle
garanti aux fonctionnaires territoriaux. Elle remettrait en cause les efforts entrepris pour améliorer
la qualité du service public territorial.
L’existence d’un établissement public national et dé-
concentré, unique et paritaire, présent sur tout le terri-
toire métropolitain et ultramarin garantit un accès éga-
litaire de toutes les collectivités quels que soient leur
taille, leur situation géographique ou leurs moyens
financiers. Le CNFPT représente, à maints égards, une
chance pour la fonction publique territoriale en raison
de la mutualisation de ses ressources, de la qualité de
son offre de formation et de ses coûts de revient recon-
nus comme étant modérés.
Dans son rapport public annuel 2011, la Cour des
comptes, sur la base d’un examen rétrospectif des an-
nées 2004 à 2008, avait constaté un excédent – excep-
tionnel et conjoncturel – explicable par l’augmentation
rapide des effectifs territoriaux liée aux transferts de
compétences de 2004 et par les bouleversements ré-
sultant de la réforme de la formation professionnelle
adoptée en 2007.
Une mesure
injustifiée
Or, la situation constatée au titre de 2008 n’est plus
celle de 2011 et sera encore moins celle des années sui-
vantes.
En effet, en 2009 et 2010, l’activité du CNFPT a consi-
dérablement progressé : + 23 % en deux ans.
Aujourd’hui, ses recettes se stabilisent : + 1,5 % en 2011
au lieu de 5,8 % en moyenne entre 2003 et 2009. Le
fonds de roulement a été ramené à seulement 1,5 mois
de fonctionnement, ce qui est conforme aux standards
de bonne gestion.
C’est pourquoi, en 2011, les dépenses de l’établissement
public seront égales à ses recettes. La situation a donc
été rééquilibrée en moins de deux ans.
Pour les années à venir, la croissance annuelle des re-
cettes du CNFPT évoluera autour de + 1 %, du fait des
évolutions démographiques à venir.
Réduire le taux de cotisation au titre de la formation
professionnelle de la FPT n’est donc pas justifié.
François DELUGA, président du Centre National
de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT)
Claudy LEBRETON, président de l’Assemblée des
Départements de France (ADF)
Alain ROUSSET, président de l’Association des
Régions de France (ARF)
Daniel DELAVEAU, président de l’Assemblée des
Communautés de France (ADCF)
Martin MALVY, président de l’Association des
petites villes de France (APVF)
(publicité)
Une mesure qui
porte fortement
atteinte au droit à
la formation et à la
qualité des services
publics locaux
La fonction publique territoriale repose, aujourd’hui,
sur un droit à la formation et des dispositifs qui per-
mettent à ses 1,8 million d’agents de construire de véri-
tables parcours d’évolution statutaire et de développe-
ment de compétences.
Les actions de formation organisées par le CNFPT
contribuent fortement à moderniser les services pu-
blics locaux placés sous la responsabilité des 55 000
employeurs territoriaux. Les 2,7 millions de journées
de formations stagiaires organisées en 2011 apparais-
sent d’autant plus nécessaires que nous traversons une
période de profonde réforme territoriale et de crise
persistante des finances publiques qui génèrent d’in-
tenses besoins de formation.
La qualité des services publics locaux reconnue par
toutes les enquêtes d’opinion tient pour une part à la
qualité du dispositif de formation propre à la FPT.
Pourquoi dès lors abaisser le taux de cotisation au
CNFPT lorsque l’on sait que le montant des dépenses
obligatoires de formation pour la fonction publique
territoriale est déjà très inférieur à celui de tout autre
secteur professionnel ?
C’est pourquoi, nous appelons solennellement les parlementaires
et le gouvernement à ne pas réduire davantage le taux de la cotisation versée par les
employeurs territoriaux au CNFPT pour la formation professionnelle de leurs agents.
Claude DILAIN, président de l’Association des
maires Ville et Banlieue de France
Baptiste TALBOT, secrétaire général de la
Fédération des Services Publics CGT (FSP-CGT)
Marie-Odile ESCH, secrétaire générale de la
Fédération INTERCO-CFDT
Didier ROSEZ, secrétaire général de la branche
Services Publics de la Fédération Santé-Services
Publics CGT-FO
En effet :
g  ans le secteur privé (entreprises de plus de 20 sa-
d
lariés), l’obligation de financement de la formation
professionnelle s’établit à 1,6 % du montant des sa-
laires ;
g  ans la fonction publique hospitalière, les établisse-
d
ments doivent consacrer au financement des actions
de formation 2,1 % minimum des rémunérations ins-
crites à leur budget ;
g l ’État ne s’impose aucune règle, mais le poids des
dépenses de formation professionnelle au profit de
ses salariés est estimé à plus de 3 %.
Une mesure qui
remet en cause les
efforts entrepris
pour dynamiser le
droit à la formation
Le CNFPT a pour objectif le développement du droit à
la formation.
Les défis à relever sont identifiés : conforter les for-
mations statutaires et réglementaires ; réduire les iné-
galités d’accès à la formation ; favoriser la promotion
professionnelle ; contribuer à améliorer la qualité de la
gestion publique locale ; faire vivre les valeurs du ser-
vice public local ; développer de nouveaux champs de
coopération ; promouvoir le développement durable
dans la formation et la gestion.
Ces intentions se concrétisent comme en témoignent
les évolutions qualitatives et la très forte croissance
d’activité des deux dernières années, le développement
des formations pour les fonctionnaires des zones ru-
rales, l’amélioration de l’accès à la formation des agents
de la filière technique, etc.
Dans une fonction publique constituée aux trois quarts
d’agents de catégorie C, la formation tout au long de
la vie a un double rôle d’ascenseur social (prépara-
tion aux concours) et de promotion individuelle (lutte
contre l’illettrisme).
Réduire la formation des fonctionnaires territoriaux
c’est aussi mettre en cause la deuxième chance donnée
aux fonctionnaires les plus modestes.
Si le taux de cotisation était abaissé de 10 %, le CNFPT
perdrait 32 millions d’euros de ressources par an. Il se-
rait, en conséquence, obligé de supprimer 20 % de son
activité soit 40 000 journées de formation (ce qui re-
présente 500 000 à 600 000 journées/formations/sta-
giaires). Ceci serait durement ressenti par les agents et
leurs employeurs.
Certes, les collectivités les plus importantes auraient
peut-être les moyens de compenser cette perte en ache-
tant plus cher des stages payants.
Il n’en demeure pas moins que, en ce cas, le droit à la
formation serait remis en cause pour le plus grand
nombre. Les communes rurales et les villes de banlieue
seront prioritairement frappées, mettant ainsi en cause
un aménagement du territoire équilibré et solidaire.
Antoine BREINING, président de la Fédération
Autonome de la Fonction Publique Territoriale
(FA-FPT)
Catherine GUERIN, secrétaire générale de
l’UNSA-Territoriaux
Gilles DEBIAIS, président de la Fédération
nationale des agents des collectivités locales
(FNACT-CFTC)
12 • FRANCEXPRESSO LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

LES GENS

AXELLE LEMAIRE VISE

LE PALAIS BOURBON
SarkozyetFillon,deuxoies
DEPUIS LONDRES
Un an avant les législatives, Axelle Lemaire, secrétaire de
la section du PS au Royaume­Uni, vient de lancer sa cam­
pagne pour la 3e circonscription des Français de l’étran­
blanchesencampagne
ger. Créée en 2009, celle­ci couvre dix pays d’Europe du POULAILLER Le chef de l’Etat et le Premier ministre visitaient hier
Nord, dont le Royaume­Uni, l’Irlande, les pays baltes et une ferme de la Sarthe. Tout rapport avec 2012 est purement fortuit.
scandinaves. Pour la première fois, les Français de
l’étranger, estimés à environ 2,2 millions, seront représen­ a consigne est ferme : journalistes, c’est forcément Sarthe, le bastion de Fran-

L
20 km ORNE
NE
tés en 2012 à l’Assemblée par 11 députés. Depuis 1982, ils «Le Président va des- plus de soucis. «Le but, c’est çois Fillon. Pour la première

MAYENNE
élisent 12 sénateurs. En 2007, Nicolas Sarkozy était arrivé cendre tout seul dans le de ne pas s’écarter du thème. fois, Nicolas Sarkozy et son SARTHE
largement en tête chez les Français de l’étranger. Mais au champ, j’ai bien dit tout seul, Aujourd’hui, le Président veut Premier ministre sont de
Royaume­Uni, qui regroupe 80% des électeurs de la donc pas de journalistes !» parler d’agriculture.» Et donc sortie commune pour parler Le Mans
3e circonscription, avec environ 400000 Français, l’écart L’équipe d’organisation des pas de Martine Aubry, en sécurité alimentaire. Et ac- LOIR-
Sablé- ET-
avec Ségolène Royal n’avait été que de 142 voix. Ce qui déplacements du chef de train de se déclarer à la pri- cessoirement brouiller la sur-Sarthe CHER
fait dire à Axelle Lemaire que cette circonscription est l’Etat est un peu tendue. Per- maire socialiste (lire page 8). candidature de la première MAINE- INDRE-
sans doute l’une des seules qui soit «tout à fait gagna­ sonne n’avait prévu autant Nous sommes dans un éle- secrétaire. Il est 11 heures. ET-LOIRE ET-LOIRE
ble» pour le PS. S.D.­S. (à Londres) PHOTO DR de journalistes. Et trop de vage de poulets, à Sablé-sur- Un convoi de 12 voitures dé-
pose le chef de l’Etat et son Destination, un buffet ins-
chef de gouvernement. tallé dans la cour de la ferme,
Coquille. On les positionne pour une dégustation de ci-
à l’entrée du poulailler, juste dre. Un journaliste s’aven-

Vendredi 1er juillet devant les photographes.

L’éleveur tourne la manivelle
et les 4000 poulets sortent de
leur hangar. L’air légèrement
paniqué de voir tant de
monde. Le Président : «Les
cours sont comment en ce mo-
ment ?» On file en direction
d’une couveuse échouée en
plein champ. Quatre pous-
sins sont nés ce matin.
Sarkozy: «Ils mettent combien
de temps à casser leur co-
quille ?» L’éleveur : «Deux à
six heures.» Le Président, ca-
ressant un poussin :
«Qu’est-ce que c’est doux !»
Puis se penchant sur la cou-
veuse : «Parfois il y en a cer-
tains qui empêchent les autres
de sortir [de leur coquille,
ndlr]?» Deuxième arrêt, de-
vant un enclos. L’éleveur :
«Ce sont des pintades d’Afri-
que.» Puis devant les quatre
oies, le Président interroge :
«Elles viennent de France ?»
Descente vers le pré. Sarkozy
et Fillon devisant sur un
paysage d’affiche électorale.
Il ne manque que le clocher.
Que se disent-ils? Parlent-ils
du prochain remaniement ?
De la candidature de Martine
SERGE BLOCH
ture: «Martine Aubry vient de
se déclarer, une réaction,
monsieur le Président ?»
Sarkozy : «Non. Mais Fillon
peut vous proposer du pou-
let…» Fillon, devant le plat
de poulet rôti : «Quand vous
aurez la bouche pleine, vous ne
poserez pas de question !»
Quelques minutes plus tard,
un œuf coque à la main, le
Premier ministre se lâche :
«Je disais tout à l’heure au
président de la République que
mes parcours de jogging sont
juste à côté dans les bois.» Ah,
c’était donc cela leur sujet de
conversation…
Table. Une heure plus tard,
lors de la table ronde organi-
sée dans le gymnase de Sa-
blé-sur-Sarthe, Sarkozy dé-
crypte le sens caché de sa
visite : «Vous pourriez vous
dire que c’est curieux que les
deux têtes de l’exécutif soient
réunies ensemble pour partici-
per à une table ronde sur l’in-
dustrie agroalimentaire. On
pourrait se dire, “vous n’êtes
pas dans l’actualité”. Mais je
pense au contraire qu’on est
dans la vraie actualité des
Français.» Il est à peine midi.

Aubry ? Sarkozy pointe son Et les poulets viennent de re-

doigt à plusieurs reprises sur trouver leur regard idiot ha-
Fillon, sur le mode : «Je bituel.
compte sur toi.» On n’en Envoyé spécial à Sablé-sur-
saura pas plus. Sarthe GRÉGOIRE BISEAU

LIBÉRATION DONNE
CONFIDENTIEL
POUR SA CAMPAGNE, MARINE LE PEN
CHOISIT LE VIIIE ARRONDISSEMENT

CARTE BLANCHE AUX Marine Le Pen peaufine son dispositif de campagne. La

présidente du Front national a choisi ses futurs locaux de
campagne, bien éloignés du siège du parti à Nanterre

GÉOGRAPHES
(Hauts­de­Seine). Ils seront situés dans le VIIIe arrondis­
sement de Paris. La candidate à la présidentielle a déjà
retenu celui qui dirigera sa campagne: il s’agit de Nicolas
Crochet, un ancien du FN, aujourd’hui commissaire aux
comptes. Le reste de l’équipe devrait être nommé au
cours de l’été. L’entrée en lice de la candidate se fera offi­
ciellement en novembre, lors d’une grande convention
présidentielle à Paris.
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 FRANCEXPRESSO • 13

DÉCRYPTAGE
RETOUR SUR LES HUIT MILITANTS ÉCOLOGISTES JUGÉS À POITIERS

A Fauchages anti-OGM: José Bové relaxé

Par PATRICIA TOURANCHEAU

Le dernier procès à l’encontre de fau-
cheurs anti-OGM, depuis le début de
leurs actions en 1997, s’est soldé hier
à Poitiers par la relaxe de José Bové et
de sept autres personnes pour raison
de procédure. «C’est une très belle
conclusion pour ces quinze années de
combat, a réagi le député européen. Et
c’est ma première relaxe, pour le dernier
procès.» Pour Bové, «l’heure n’est plus
à faucher des champs»: «Une première
manche a été remportée avec l’arrêt des
cultures OGM dans une majeure partie
des pays européens. Aujourd’hui […], on
essaie de mettre en place des barrages
réglementaires au niveau européen.»
Les huit faucheurs étaient poursuivis
pour avoir arraché deux parcelles ex-
périmentales de maïs OGM Mon-
santo, le 15 août 2008, à Civaux et
Valdivienne (Vienne). «Quand on a
fauché ce champ, le Conseil d’Etat que
nous avions saisi n’avait pas encore sta-
tué, explique Bové. Et ce n’est qu’en
octobre 2008 qu’il a déclaré ce champ
illégal», en raison du moratoire sur les
OGM. «Ce procès n’avait plus de sens.»
Mais cette «victoire» ne tient qu’à un
problème de procédure et un nouveau
procès est possible.
Meurtre de la policière de
Villiers: Redoine Faïd arrêté
e braqueur fugitif Re-
L doine Faïd a été arrêté
hier du côté de Lille,
dans l’enquête sur le meurtre
de la policière municipale
Aurélie Fouquet, tuée à Vil-
liers-sur-Marne le 20 mai
2010, lors d’une fusillade
Quel fut son rôle supposé
à Villiers­sur­Marne ?
La brigade de répression du
banditisme (BRB) à Paris «ne
dispose pas d’indices de sa
présence à bord du Trafic» qui
emmenait des bandits munis
d’armes de guerre vers l’at-

RigoberteM’Bahbute L’HISTOIRE
L’ASSEMBLÉE DIT
OUI AUX JURÉS
avec un commando.

Qui est Redoine Faïd ?

Fils d’un ouvrier algérien,
taque d’un fourgon sortant
de la Banque de France de
Créteil (Val-de-Marne) et qui
ont tiré sur la policière. Mais

contrelapréfecture
POPULAIRES
L’Assemblée nationale a
adopté hier le projet de loi
sur l’entrée de jurés popu­
SANS­PAPIERS Parce qu’elle a deux enfants au Cameroun, laires en correctionnelle et
la refonte de la justice des
la footballeuse a reçu une obligation à quitter le territoire. mineurs. Le texte, présenté
en urgence (une lecture
ne obligation à quit- par chambre) et voté par le
âgé de 39 ans, ce gaillard
d’1,83 m passe pour une
«petite frappe» des cités de
Creil (Oise), «montée dans le
grand banditisme». Cet élève
de terminale du lycée Jean-
Rostand à Chantilly a plongé
en 1999 sans décrocher son
bac. Surnommé «Doc»
comme Steve McQueen dans
ils ont trouvé sur place l’ADN
de son «copain d’enfance» de
Creil, Olivier Tracoulat, gra-
vement blessé au visage et
flairent que «Faïd ne devait
pas se trouver loin des lieux de
l’attaque programmée du con-
voi de fonds». Il a échappé le
11 janvier au coup de filet qui
a abouti à sept mises en

U ter le territoire alors

qu’elle espérait être
régularisée: la préfecture du
Sénat en mai, devrait être
définitivement adopté d’ici
au 14 juillet. Il y aura, à titre
Guet-apens, il se dit «autodi-
dacte» du braquage et s’est
inspiré de Heat, le film de
examen.

Comment a­t­il été pisté?

Pas-de-Calais vient de briser
les espoirs de Rigoberte
M’Bah, footballeuse came-
rounaise, vice-championne
d’Afrique, qui joue depuis
trois ans en France, sans pa-
piers, sans statut, sans sa-
laire. Au motif qu’elle a deux
enfants au Cameroun, «ce
qu’elle a caché, sciemment ou
par omission, estime la pré-
fecture, pour qui on ne peut
pas demander un titre de sé-
jour quand on présente de tels
éléments erronés».
«Carrière». Me Emma-
nuelle Lequien, l’avocate de
la footballeuse, ironise : «Il
y a des dizaines de footballeurs
régularisés à qui on n’a jamais
demandé s’ils avaient des
enfants dans leur pays d’ori-
gine. Ce que dit la préfecture,
c’est qu’une mère ne peut pas
privilégier sa carrière profes-
sionnelle par rapport à sa vie
familiale.»
Surtout, elle estime l’argu-
ment hors sujet, alors qu’«il
y a eu utilisation de son ta-
lent», ce qui vaut dépôt de
plainte à l’encontre du foot-
ball club féminin (FCF)
d’Hénin-Beaumont, pour
«exploitation d’un état de vul-
nérabilité afin d’obtenir un
service pour un prix déri-
soire». Le président du FCF,
Bernard Dumortier, ne dé-
colère pas: «Le football fémi-
nin est un sport amateur, les
gens ne sont pas payés pour
jouer.» Pourtant, une de ses
joueuses, avant-centre en
équipe de France, est sous
contrat fédéral, un contrat de
travail réservé aux semi-
professionnels.
Rigoberte M’Bah est arrivée
à Brive (Corrèze) en 2008
Rigoberte M’Bah, en février, à Lille. PHOTO FRANÇOIS LO PRESTI.AFP
avec un visa court séjour,
dans un club de troisième di-
vision, alors que le rabatteur
lui avait fait miroiter le haut
niveau. Elle part un an après
pour Hénin-Beaumont, en
Ligue 1. «Je devais avoir
500 euros par mois, un con-
trat, un logement et une régu-
larisation», se souvient Rigo-
berte M’Bah. Promesses que
dément le club. Elle touche
50 euros par semaine, «à ti-
tre humanitaire», loge à
droite et à gauche et a man-
qué d’être expulsée en fé-
vrier. Mais le tribunal admi-
nistratif avait cassé l’arrêt de
reconduite à la frontière et la
expérimental, jusqu’en 2014 Michaël Mann (1995), pour La police judiciaire de Lille,
et dans certaines cours l’attaque ratée d’un fourgon qui couvre Creil, suivait
d’appel, des tribunaux cor­ blindé à Villepinte en 1997. «deux voyous de 30 et 35 ans
rectionnels ouverts à des Blessé par la police, «Doc» a qui préparaient un coup» lors-
«citoyens assesseurs», qui cavalé longtemps puis a été qu’ils ont vu «fleurir» hier à
pourront participer au rattrapé. Il a été condamné à 14h30 à la terrasse d’un café
jugement des délits punis vingt ans pour ce vol à main de Villeneuve-d’Ascq un
d’une peine égale ou supé­ armée et d’autres hold-up. Il «lascar». Ils ont reconnu
rieure à cinq ans d’empri­ en a fait dix puis a été libéré Redoine Faïd malgré «sa
sonnement. Les délits en 2009. «Repenti» soi-di- barbe et sa casquette» et «ont
financiers sont exclus du sant, il a publié, fin 2010, le eu le réflexe d’interpeller ce fu-
périmètre de la réforme. livre Braqueur, avec Jérôme gitif et ses deux associés qui
L’Assemblée a aussi décidé Pierrat, puis a figuré dans le n’étaient pas armés», selon
de réduire le nombre de documentaire de ce journa- un commissaire : «Il a com-
jurés des cours d’assises liste sur les «caïds» des cités mis l’erreur de revenir au con-
de 9 à 6 en première ins­ diffusé sur Canal+. tact de mecs de sa région.» •
tance et de 12 à 9 en appel.
Le second volet du texte,
sur la justice des mineurs, MONACO La malédiction va- affirme le palais: tout baigne
comprend notamment la t-elle s’abattre à nouveau sur on the rocks. A suivre.
création d’un tribunal cor­ la famille du Rocher ? Char-
rectionnel pour les récidi­ lene la sirène a-t-elle tenté BETTENCOURT La procé-
vistes de plus de 16 ans, de s’enfuir pour échapper au dure issue des enregistre-
pour des délits passibles mariage vendredi avec son ments chez la milliardaire a
de plus de trois ans de prince Albert, comme le pré- été validée hier par la cour
prison. tend Lexpress.fr? Archi faux, d’appel de Bordeaux.
préfecture lui avait accordé
un titre de séjour temporaire,
avec droit de travailler.
Attente. Rigoberte M’Bah se
trouve un boulot d’éduca-
trice sportive, continue à ali-
gner ses matchs et croit à la
sortie du tunnel. «Elle a
passé des essais dans plusieurs
clubs, mais ils étaient en at-
tente de sa situation adminis-
trative», affirme Armand
Nwatsock, membre de son
comité de soutien. Me Le-
quien va déposer un recours
contre la décision de la pré-
fecture cette semaine.
De notre correspondante à Lille
STÉPHANIE MAURICE
 ECONOMIE
14 • LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

SuicidesàFranceTélécom,
l’instructions’entientauminimum
L’enquête en cours fait l’impasse sur les pressions générées par les méthodes de management.
Par CATHERINE MAUSSION que, adressée au directeur interrégional
de la police judiciaire, que Libération

L’
instruction judiciaire sur les
suicides chez France Télécom
– 68 recensés à ce jour de-
puis 2008–, prend-elle le bon
chemin? A lire les procès-verbaux que
Libération s’est procurés, les enquê-
teurs, peu au fait des formes que peut
prendre le harcèlement moral, tirent
des conclusions limitatives de leurs
auditions, au risque de
passer à côté du sujet:
ANALYSE ils semblent enclins à
réduire le harcèlement
au comportement agressif d’un respon-
sable hiérarchique direct sur son subor-
donné. Or, cette forme de violence a été
peu dénoncée chez l’opérateur.
Comme l’ont soulevé les experts qui
sont intervenus chez France Télécom
dès l’automne 2009 pour ausculter les
salariés, la souffrance au travail peut
naître d’une organisation pathogène
mise en place par le haut management.
Et elle est de nature à mettre en cause
la responsabilité pénale de France Télé-
com pour harcèlement moral. Une pre-
mière en France.
MÉDICAMENTS. Reprenons les faits. Le
8 avril 2010, le parquet de Paris ouvre
une information judiciaire contre X
pour harcèlement moral. A cette date,
40 suicides ont été recensés par l’Ob-
servatoire du stress et des mobilités for-
cées, créé dès 2007 par les syndicats
SUD-PTT et CFE-CGC. La décision du
parquet fait suite au rapport que lui a
remis trois mois plus tôt l’inspectrice du
travail Sylvie Cathala et à la plainte dé-
posée par SUD. Deux juges d’instruc-
tion du pôle de santé publique sont
nommés. Sur la trentaine de commis-
sions rogatoires lancées dans toute la
France, une vingtaine sont remontées
au parquet.
Parmi les cas examinés, celui de R.P.,
qui s’est suicidé avec une arme à feu le
17 mai 2008, à 57 ans. Dans les extraits
du procès-verbal de l’audition de sa
sœur (lire ci-contre, en illustration), il est
relaté: «Aux environs de Noël 2007, mon
père me disait qu’il trouvait R. bizarre. Il
nous a dit qu’il était hypernerveux, qu’il
prenait des médicaments à cause de ça
[…]. Il nous a raconté que ça n’allait pas
au travail […], qu’on les avait menacés de
Extraits du les virer s’ils n’acceptaient pas les chan-
procès­verbal gements, ce genre de choses. Lui qui tra-
de l’audition vaillait dans la technique, il m’a dit “tu te
de la sœur d’une rends compte, moi je vais devoir travailler
des victimes. dans le commercial”. Il avait peur de ne
pas y arriver. Il était stressé, il ne dormait
plus, mon père a dit que ça devenait dan-
gereux et en février 2008, il lui a proposé
de venir vivre avec nous. Mon père avait
remarqué que R. avait peur en allant au
travail […]. Il avait toujours mal au ventre.
Il prenait des médicaments pour dormir et
malgré cela il ne dormait que deux heures
[…]. C’est le travail qui l’a tué. C’était de-
venu une obsession pour lui.» Jusqu’à ce
Noël 2007, tout allait bien pour lui,
poursuit sa sœur, lors de son audition:
«Il était consciencieux, sa hiérarchie ne
s’était jamais plainte. Et d’un seul coup,
on lui dit qu’il ne peut plus être en brigade
[petite équipe qui travaille en horaires
décalés, ndlr], on lui fait comprendre qu’il
va déménager d’endroit pour aller à
XXXX et que s’il n’est pas content, il n’a
plus qu’à partir. Il n’a pas supporté.»
Dix-huit auditions ont lieu concernant
ce cas et autant de procès-verbaux sont
rédigés. Il en résulte une note synthéti-
s’est également procurée.
Cette note insiste sur les témoignages
concordants du frère de la victime et de
ses camarades de travail. Le frère relate
ainsi que «depuis plusieurs mois, chaque
employé était convoqué régulièrement pour
un entretien individuel lors duquel il lui
était demandé de penser à son départ, no-
tamment en prenant un poste dans une
autre administration». Quatre des an-
ciens collègues de R. P. témoignent que
«pendant plusieurs mois, voire quelques
années, en plus d’un entretien mensuel,
lors duquel il leur était demandé de prépa-
rer leur départ, ils recevaient quotidienne-
ment des mails leur proposant divers pos-
tes dans d’autres administrations. Ils
n’appréciaient pas ces incitations qu’ils
considéraient comme un harcèlement».
Pour tout expert du sujet, la description
de cette pression extrême mise sur les
individus peut relever du harcèlement
moral. Mais ce n’est pas l’avis du lieute-
nant de police, auteur de la note, dont
la conclusion est lapidaire : «Au vu des
auditions et même si le management
n’était pas exempt de tout reproche avec
cette volonté de supprimer 22000 emplois
en trois ans, et la façon d’y arriver mal vé-
cue par beaucoup d’employés, il paraît
toutefois difficile de lier sa dépression et
son suicide à du harcèlement moral, R. P.
n’ayant pas fait l’objet d’un traitement
particulier ayant conduit à une dégrada-
tion de ses conditions de travail.»
INFLEXIONS. Les avocats des parties ci-
viles (SUD-PTT, CFE-CGC, CFDT, CGT,
FO et des familles de victimes), inquiets
de la tonalité des procès-verbaux qui re-
montent depuis plusieurs semaines,
examinent quelles inflexions il convient
de donner à la procédure, cette instruc-
tion pouvant s’étaler sur plusieurs an-
nées. Certains, dont Me Teissonnière,
souhaitent que le motif de l’information
judiciaire soit élargi, et que la qualifica-
tion de mise en danger d’autrui soit re-
tenue. Les avocats des parties civiles
vont demander également que des «ex-
perts», sur le sujet du harcèlement,
comme Christian Dejours, soient enten-
dus. Commentaire d’un avocat: «C’est
comme si on se contentait d’inculper celui
qui roule à 250km/h sur une départemen-
tale pour un simple excès de vitesse…» •

REPÈRES SIX ANNÉES DE MALAISE

2005: Didier Lombard devient
PDG. Il lance le plan «Next» pré­
voyant 22000 départs.
Septembre 2009: médiatisation
des suicides (33 fin septembre).
Automne 2009: un audit est
lancé auprès des salariés.
Février 2010: Stéphane Richard
remplace Didier Lombard.
Avril 2010: le parquet de Paris
ouvre une information judiciaire
contre X pour harcèlement moral
et lance des commissions rogatoi­
res sur les cas de suicide.
62
C’est le nombre de suicides recensés
chez France Télécom depuis 2008, par
l’Observatoire du stress et des mobilités
forcées. Trente­huit tentatives ont égale­
ment été comptabilisées.
«Je suis plus que jamais engagé
et déterminé pour rebâtir
une entreprise avec un véritable
lien social.»
Stéphane Richard PDG de France Télécom,
après l’immolation par le feu d’un cadre,
à Mérignac (Gironde) en avril
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011
+1,46 % / 3 851,89 PTS
ACCOR
CREDIT AGRICOLE
LVMH
DÉCRYPTAGE
Par LUC PEILLON
Le chômage repart
à la hausse
atatras. A peine quatre
P mois de baisse et déjà
le chômage repart à la
hausse. En mai, la France
métropolitaine a compté
2686800 demandeurs d’em-
ploi en catégorie A, un chif-
fre en progression de 0,7%
par rapport à avril, soit
17 700 chômeurs en plus.
Toutes catégories confon-
dues (A, B et C), c’est-à-dire
avec ceux ayant exercé une
activité réduite, le nombre de
demandeurs d’emplois
s’établit à 4 078 500
(4341400 avec les DOM), en
augmentation de 1% sur un
mois et de 3,8% sur un an.
Ce bond efface­t­il
la récente baisse ?
Cette hausse est un vrai coup
dur pour le gouvernement,
qui ne cessait ces derniers
temps de vanter la diminu-
tion du chômage depuis qua-
tre mois. Pour la seule caté-
gorie A, cette augmentation
annule un tiers de la baisse
enregistrée entre le pic de
décembre (2722500 deman-
deurs d’emplois) et le mois
de mai. Mais l’indicateur le
plus pertinent, qui regroupe
l’ensemble des trois catégo-
ries (A, B et C) et qui corres-
pond aux demandeurs d’em-
plois obligés d’effectuer des
actes positifs de recherche
d’emplois, est encore plus
cruel. Le chiffre de mai cor-
respond ainsi à un record de-
3 534 379 363€ +42,23%
VEOLIA ENVIRON.
FRANCE TELECOM
12 156,52 +0,94 %
2 718,68 +1,13 %
5 766,88 +0,78 %
9 648,98 +0,74 %
puis au moins quatorze ans
(la refonte des modes de cal-
culs ne permettant pas de
remonter plus avant).
Qui est le plus touché ?
Les chiffres de mai font état
d’une remontée du chômage
des jeunes, avec +1,3% pour
les moins de 25 ans en caté-
gorie A, alors que leur situa-
tion s’améliorait nettement
depuis un an (-6,6% sur
douze mois). Le chômage des
seniors est également orienté
à la hausse (+0,9%), notam-
ment pour les femmes de
plus de 50 ans (+1%). Quant
aux motifs d’entrée à Pôle
Emploi, pour l’ensemble des
catégories A, B et C, les li-
cenciements économiques
sont en baisse (-7%), alors
que les fins de missions inté-
rim augmentent de 7,5%. En
forte hausse également, les
premières inscriptions, qui
bondissent en mai de 15,7%.
Quelle est la réaction
du gouvernement ?
Assez discret hier, le minis-
tre du Travail, Xavier Ber-
trand, s’est tout de même
fendu d’un communiqué en
fin de journée, expliquant
qu’«après quatre mois consé-
cutifs de recul du chômage, [il]
prend acte de cette augmenta-
tion, qui ne remet cependant
pas en cause le mouvement de
baisse enregistré depuis le dé-
but de l’année». •
Grecsrageurs
etplanderigueur
FINANCES Les députés s’apprêtent à voter de nouvelles
mesures d’austérité conditionnant l’aide européenne.
La grève générale, d’une durée deux jours, a commencé hier. PHOTO ANGELOS TZORTZINIS. AFP
ndispensable et inévitable
I pour les uns, inefficace et
dangereux pour les
autres : le plan plurian-
nuel 2012-2015, sur lequel
sont appelés à se prononcer
les députés grecs, suscite une
levée de boucliers sociale et
politique. Nouvelles mesures
d’austérité, privatisations
d’entreprises publiques pour
50 milliards d’euros et possi-
bilité de licenciements de
fonctionnaires : un cocktail
négocié avec les bailleurs de
fonds du pays (Union euro-
péenne, Banque centrale
européenne et Fonds moné-
taire international) et dont
l’adoption est jugée indis-
pensable par la troïka pour le
déblocage de la cinquième
tranche du prêt de 110 mil-
liards d’euros consenti l’an
dernier. Mais surtout pour
un nouveau plan d’aide des-
tiné à assurer le financement
du pays à partir de 2012.
Grève générale. La Grèce
est en effet incapable de faire
appel aux marchés en raison
d’une dette colossale de
350 milliards d’euros. Ce
plan provoque donc l’hosti-
lité d’une population déjà
largement mise à contribu-
tion. Ce front du refus s’ex-
prime par le mouvement des
Indignés qui campe depuis le
25 mai devant le Parlement.
Des manifestations qui se
terminent par des affronte-
ments avec la police, comme
hier encore. Et par des arrêts
de travail qui affectent divers
secteurs de l’économie.
Hier, c’est une grève géné-
rale de deux jours qui a com-
mencé à l’appel des syndi-
cats en signe de refus du plan
d’austérité. A ce méconten-
tement populaire vient
s’ajouter la grogne d’une
grande partie des députés
socialistes qui a contraint le
Premier ministre, Georges
Papandréou, à remanier son
gouvernement. C’est son an-
cien rival Evangélos Véni-
zélos, propulsé «tsar» des fi-
nances grecques qui est ainsi
chargé de faire passer une
pilule qu’il reconnaît «amère
et injuste».
Au dernier décompte, mal-
gré l’opposition des Indignés
– qui projettent d’encercler
à nouveau le Parlement
ECONOMIEXPRESSO
aujourd’hui –, de la gauche
et des syndicats, la loi-cadre
devrait être adoptée par une
majorité de députés socialis-
tes. Davantage par «devoir
patriotique» que par convic-
tion. Avec le concours de
quelques représentants de la
droite en désaccord avec la
ligne officielle de la Nouvelle
Démocratie, dont le chef An-
tonis Samaras est resté sourd
aux pressions de ses amis
politiques européens en fa-
veur d’un consensus.
Banqueroute. Des Euro-
péens qui soulignaient, hier
encore, qu’il n’y avait pas de
plan B : à savoir pas d’autres
solutions que ce second plan
d’austérité pour éviter la
banqueroute. Son adoption
permettrait en tout cas à
l’Eurogroupe, qui se réunit
dimanche, d’examiner les
modalités d’un nouveau plan
d’aide. Sur les bases peut-
être des propositions fran-
çaises qui allégeraient le pro-
blème de la dette et qui ont
été bien accueillies par le
gouvernement grec.
Correspondance à Athènes
DIMITRIS SIDIROPOULOS
• 15
8,5%
de trains de plus, c’est que
prévoit la SNCF pour
les week­ends cet été, afin
de faire face à la hausse
«nette» de la demande
des voyageurs. Selon
la SNCF, suite aux événe­
ments géopolitiques,
les Français voyagent moins
à l’étranger. Le prix élevé
de l’essence joue aussi en
faveur du rail.
L’HISTOIRE
«OWNI» PREND DE
L’ALTITUDE GRÂCE
À L’ENTREMISE
DE BHL
Du cash pour Owni. Né il y
a deux ans, dans le sillage
de Rue89 et Mediapart, le
site d’info en ligne dédié
au «data­journalisme» et
aux cultures numériques
boucle sa deuxième levée
de fonds: 500000 euros
au total, après en avoir
réuni 370000 en octobre
dernier. Xavier Niel (Iliad­
Free) et Marc Simoncini
(Meetic) ont déjà remis au
pot à hauteur de leur pre­
mière mise: soit respecti­
vement 100000 et
20000 euros. Mais Nicolas
Voisin, le jeune boss
d’Owni, a fait rentrer de
nouveaux noms qui buz­
zent dans le tour de table
de 22Mars (société éditrice
du site) : Bernard­Henri
Lévy et le PDG de Renta­
biliweb, Jean­Baptiste Des­
croix­Vernier, ont misé
20000 euros chacun.
BHL, qui a apparemment
apprécié la couverture des
révolutions tunisiennes et
libyennes par Owni.fr, a
aussi fait jouer son carnet
d’adresses pour réunir de
la «love money». Le tour de
table devrait être bouclé
cet été. La «Soucoupe», qui
a notamment développé
une application pour Wiki­
leaks, va utiliser ce carbu­
rant pour financer ses
nouveaux projets internet:
une «radio augmentée» et
la toute nouvelle filiale cali­
fornienne, Owni Inc, basée
à Palo Alto. J­C.F
 CLEOPATRA WONG INTERNATIONAL PTE LTD
LA NUIT FILIPINO FEVER

SÉRIES Z,
SAVEUR
MANILLE
pages VI­VII

•
CINEMA LIBÉRATION
MERCREDI 29 JUIN 2011

MACHINES
À SOUS
CAMION Toujours plus débridé
dans l’art pyrotechnique,
PARAMOUNT PICTURES

«Transformers 3» est le gros

jouet rutilant qui lance le
début des hostilités estivales.
II • CINÉMA À L'AFFICHE LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

Dans un tonnerre mécanique, l’Amérique se découvre victime d’une invasion de blattes géantes et pistonnées. PHOTOS PARAMOUNT PICTURES

TRANSFORMERS 3: LA FACE CACHÉE
DE LA LUNE (3D) de MICHAEL BAY
avec Shia LaBeouf, Rosie Huntington­Whiteley, John
Turturro, Josh Duhamel… 2h35.
Il aura fallu trois films à Michael Bay pour commencer
à exprimer quelque chose d’intéressant et de person-
nel avec ses robots. Elève lent et appliqué, le cinéaste
n’aura conclu qu’au troisième rendez-vous avec les
grosses bestioles transformistes qui l’occupent depuis
le premier Transformers, en 2007, puis la Revanche,
en 2009. Nul ne doit s’imaginer cependant que la Face
cachée de la Lune, sous-titre de cet opus 3, touche de
près ou de loin au chef-d’œuvre, ni même puisse pré-
tendre au statut parfois confortable de grande ma-
chine hollywoodienne malade et à ce titre attachante,
comme on a pu l’éprouver avec Speed Racer ou le ré-
cent Tron. Mais il y a indéniablement un progrès ac-
au bord du pantouflage dans la Revanche (Shia LaBeouf
– lire ci-contre –, John Turturro, Josh Duhamel), se
voyant peut-être électrisés ici par le renfort de John
Malkovich ou, surtout, de Frances McDormand en di-
rectrice sadique des services secrets.
Atomique. Reste le cas épineux de la substitution de
Megan Fox par Rosie Huntington-Whiteley dans le
rôle de girlfriend et de femme-trophée. La très forte
imprégnation érotique de la première sur la psyché
post-ado contemporaine rend difficile la comparaison
avec la seconde, nouvelle venue britannique dont la
beauté rappelle plutôt un style Angelina Jolie. Mais
pour le reste, c’est-à-dire la fonction du personnage,
le tour de passe-passe est indolore. C’est là toute la
cruauté des rôles de poupée atomique: leur interchan-
geabilité. Les belles femmes, dans les blockbusters de
Pour la première fois, Michael Bay donne
conds rôles de créatures transformistes. A l’occasion
de quelques scènes, particulièrement avec de très
amusants vautours de ferraille, on devine même la
perspective iconoclaste à la Small Soldiers qu’aurait
donné à ce film un réalisateur déchaîné comme Joe
Dante.
Crime calorique. Dans le même ordre d’idées, il sera
toujours oiseux de chercher à déterminer la position
et l’influence exactes de l’hyperactif coproducteur
Steven Spielberg dans ce projet. Si l’on s’en tient à
Hollywood et à l’ouverture de sa juteuse saison esti-
vale, c’est peut-être à Cars 2 que ce Transformers 3
mériterait d’être aussi comparé. La production frap-
pée du prestigieux blason Disney-Pixar sortira
le 27 juillet. C’est un «vrai» film d’animation là où
Transformers relève d’un cinéma électronique mimant
encore la prise de vues réelles, même
si plus personne n’y croit sérieuse-

compli par Bay au fil de sa trilogie machinale: sur ce
podium également la troisième marche est, à ce jour,
la plus haute.
Chômage. Cela tient à des raisons en partie mécani-
ques. Beaucoup d’huile a été injectée dans le scénario,
par exemple, dont les articulations paraissent moins
grossières et plaquées que dans les deux premiers vo-
lets. Il n’est pas plus léger, au fond, que ses prédéces-
seurs, mais mieux fondu dans une Amérique quasi
contemporaine, plus sûr de sa propre candeur comme
de sa propre ironie : le héros, Sam, ne peut plus pré-
tendre à une parfaite juvénilité, traîne au chômage et
fait des sarcasmes sur sa propension à sauver le monde
– mais le sauvera encore une fois.
La maîtrise technique de son sujet finit aussi par don-
ner un avantage à Michael Bay dans la pure manipula-
tion des objets, décors, créatures et engins de guerre
futuristes, dont le spectacle et la pyrotechnie fondent
tout de même la promesse majeure de ce genre de pro-
duit. C’est comme si cette autorité enfin conquise per-
mettait à Bay d’atteindre le degré minimal de synergie
avec son sujet. Cet épisode prend également de la con-
sistance grâce à son effort de casting. Les habitués,
le sentiment de s’amuser lui aussi, notamment ment. L’un provient de l’industrie du
jouet, l’autre voudrait en lever une à sa
avec les seconds rôles de créatures suite (Cars 2 est déjà le roi du produit
transformistes. licencié 2011, selon Variety). Cars est un
film en images de synthèse dites «3D»,
cette trempe, sont elles aussi des jouets, qui n’ont pas et Transformers 3 développe un relief avec lunettes qui
plus d’espoir que les Transformers d’atteindre un vé- compte parmi les plus inventifs et convaincants que
ritable statut de personnage. l’on ait vu depuis Avatar. Bien sûr, les standards et les
Car le plus intéressant dans cette affaire, c’est bien les qualités d’une production Pixar sont hors d’atteinte
Transformers eux-mêmes. C’est-à-dire à la fois ces de Michael Bay (Armageddon, Pearl Harbor, Bad
créatures polymorphes qui n’accéderont jamais à un Boys II, que du lourd viriloïde), mais ces films sont
état du vivant ou de l’humanité, mais aussi l’idée, le comme des projets miroirs dont les gestes seraient in-
concept, la mythologie sur laquelle elles se dressent, versés, les mondes antagonistes et le public commun,
le pays d’enfance et de marketing d’où elles nous pro- motivations comprises.
viennent. Comme il existe des films-objets ou des Au final, Transformers 3 est trop long (2 h 35) et par
films-jeux, Transformers 3 est un film-jouet. Inspirés conséquent écœurant comme un McFlurry, ce crime
à l’origine par les automates Diaclone nés au Japon calorique où des particules de bonbons de marque
vers 1980, puis reformulés par l’américain Hasbro qui sont projetées dans une crème glacée. Délicieux, mais
en fit des robots se transformant en véhicules, lesquels intenable. C’est la même recette pour Transformers,
devinrent à leur tour les héros d’une série animée puis qui donne ce sentiment d’une pulvérisation désor-
de comic books, les Transformers occupent depuis un donnée et tourbillonnante de matières premières va-
vaste territoire de l’imaginaire des garçons globalisés. leureuses et enfantines, engluées dans la mélasse d’un
Et pour la première fois, Michael Bay donne le senti- monde guerrier et adulte.
ment de s’amuser lui aussi, notamment avec les se- OLIVIER SÉGURET
 À L’AFFICHE CINÉMA
Shia Labeouf s’accroche pour ne pas être remplacé par un acteur plus jeune.
Archi rentable, le frêle Californien de 25 ans
veut s’essayer aux rôles plus «sombres».
L’EFFET LABEOUF
E
n 2010, le magazine économique Forbes
classait, pour la deuxième année
consécutive, Shia LaBeouf au sommet
des acteurs les plus rentables d’Hollywood.
Pour chaque dollar misé sur sa jolie fri-
mousse, il en rapporte 81 de plus. Cela induit
que jusqu’à présent il a plutôt été moins
gourmand que d’autres confrères surpayés
pour des films qui n’ont pas fait recette au
box-office. Or LaBeouf, devenu le protégé de
Steven Spielberg, enchaîne les blockbusters
à succès depuis Paranoiak, Transformers
(2007), suivi par sa prestation au côté d’Har-
rison Ford dans Indiana Jones et le royaume du
crâne de cristal ou de Michael Douglas dans
Wall Street 2.
Shia LaBeouf n’est pas un pseudo, choisi un
soir de cuite à la tequila. C’est son vrai nom.
Il est né en juin 1986 à Los Angeles, quartier
d’Echo Park, d’un père cajun, Jeffrey La-
Beouf, ex-clown à San Francisco, vétéran du
Vietnam tombé dans la dope, et d’une mère
juive, d’abord ballerine puis vendeuse de bi-
jou. Les parents divorcent et le petit Shia est
embauché dès l’âge de 13 ans sur une série de
Disney Channel, Even Stevens (il tourne près
de 70 épisodes). Profilé pour être le héros
post-ado de l’Amérique blanche, sans aspé-
rité comme pouvait l’être avant lui le jeune
Tom Cruise, l’acteur sent qu’il lui faut gagner
en épaisseur s’il ne veut pas être lessivé par
le système, qui le remplacera demain par un
autre gamin moins coûteux, plus malléable.
• III
Car LaBeouf n’a pas sa langue dans sa poche,
il n’a pas hésité à se dire déçu de l’épisode 4
d’Indiana Jones et à parler à une journaliste
du Los Angeles Times des tensions sur le pla-
teau avec son «ami» Michael Bay. L’article
raconte comment l’acteur, dans une scène
d’émotion, a branché son iPod et diffusé dans
les haut-parleurs une chanson de Feist que
Bay a remplacé par les roulements d’orches-
tre de la BO de The Dark Knight. L’acteur a
tenu bon en affirmant qu’il ne pouvait pas se
concentrer au milieu de ce raffut, Bay a quitté
le plateau et c’est le chef op qui a tourné la
scène. Comme Megan Fox a été viré du cas-
ting parce qu’elle avait eu la mauvaise idée
LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, LA COMMUNAUTE DE L’ANEAU, LES DEUX TOURS, LE RETOUR DU ROI, et les personnages,
évènements, objets et lieux y afférents, sont des marques déposées de The Saul Zaentz Company d/b/a/ Middle-earth
Enterprises (SZC) sous licence concédée à New Line Productions, Inc. © 2011 New Line Productions, Inc. Tous droits réservés.
de comparer Bay à Hitler, on peut supposer
que la star masculine ne tient pas à continuer
l’aventure.
Il a tourné avec John Hillcoat (la Route) un
film sur les bootleggers dans l’Amérique de
la Dépression, un scénario écrit par Nick
Cave d’après le roman de Matt Bondurant,
The Wettest Country in the World, son premier
vrai rôle négatif, un type féroce, aîné d’une
fratrie criminelle. Face à des acteurs à l’intel-
ligence redoutable comme Jesse Eisenberg
(Social Network) ou James Franco (qui est à
la fois dans la superproduction sur la Planète
des singes : les origines et dans un biopic sur
un poète pédé), LaBeouf doit inventer sa
place et sortir de l’usine à fabriquer et broyer
les acteurs.
DIDIER PÉRON
PUB-LSDA-LIBERATION demi.indd 1 22/06/11 11:21:32
IV • CINÉMA À L'AFFICHE LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

D’AUTRES BOBINES
FILMS
A ce degré d’hommage à
M. Hulot, l’auteur de BD
AIDAN
GILLEN
Pascal Rabaté et son NI
À VENDRE, NI À LOUER
laissaient dubitatifs. Or,
ce film muet qui passe
en revue les archétypes Par BAYON
des vacanciers moder­
nes fait preuve d’une Dans la bande à salaud plein écran, bienvenue au rosbif
férocité parfois salutaire. pourri Barry Weiss, dit Blitz, comme le film de flics an-
WHEN YOU’RE glais de ce nom. Aidan Gillen, au civil, flicopathe du jour
STRANGE, de Tom selon le prétexte, est un spécimen représentatif d’ordure
DiCillo, emmène Johnny carabinée.
Depp à la recherche du Bouffi et torché comme une serpillière au sortir d’une les-
champignon qui fait rire. siveuse entartrée de poudre (blanche), malfaisant par
DELHI BELLY, de Abhi­ principe et manie, cet archétype de blaireau punk junkie
nay Deo, est une comé­ Melanie Peres, «friandise de 27 ans». PHOTO DR bièreux, sale gueule grêlée à nez et dents tordus, bouche
die policière indienne et bavant l’ordure comme il en sort de celle des mauvaises
LA PRIMA COSA BELLA,

L’AMOUR TRAITRE
sœurs de contes, c’est l’archifélon archibritish en promo.
de Paolo Virzi, fait un Croisement à vue de Johnny Rotten (moins beau) et Sid
saut dans l’Italie des Vicious (moins cireux) et un peu tout ce que le rock peut
années 70, quand il était produire de plus ordinairement fétide, bourré et lunatique,
mal vu d’être une jolie ce gendre idéal à la lippe amère évoque d’ailleurs Ray
femme frivole. Emir Kus­ AMORAL «Naomi» ou la dérive criminelle d’un Liotta ou Gary Oldman, voire, d’un rien, Borloo l’ex-mi-
turica partage la vedette
de NICOSTRATOS,
professeur israélien jaloux de sa jeune épouse. nistre.
«Il a dû être pas mal, mais il s’est gâché», comme l’observe
d’Olivier Horlait, avec un la covedette Paddy Considine, Nash dans l’histoire. Profilé
pélican. Olivier Baroux, du contexte politique envi- Naomi, une jeune et belle flic d’élite pédé zen, en alter-ego contrasté de Jason Sta-
avec LES TUCHE, NAOMI, UNE JEUNE ET ronnant pour privilégier un épouse appartient à la pre- tham, ici déplorablement caricatural (beauf homophobe
exploite l’idée très BELLE ÉPOUSE d’EITAN axe social abordé tantôt avec mière catégorie, tout en justicier tueur), au fait, le type Nash est proche du Blitz.
neuve de prolos qui ZUR avec Yossi Pollak, Melanie âpreté (Mon trésor, Zion et ayant la particularité de dou- Chez ces deux Anglais pur jus, un même cheveu foncé
gagnent au Loto pour Peres, Orna Porat… 1h42. son frère), tantôt avec une bler l’étude de caractère chiffonné, teint livide et cockney brouillé idem. Dans le
révéler que les riches ne pointe de fantaisie (A cinq d’une intrigue policière qui contexte cinéphilique délicat (image floue terne et mal
sont pas des gens très Régulièrement, le cinéma is- heures de Paris). Titré d’une ménage ses effets. cadrée, pellicule russe sale – ne réservant qu’un instant
tolérants. raélien parvient à s’extirper façon spécieusement naïve, Sur une base peu originale, le sauvable, de peep-show smart de grosses putes noires
Avignon_AuxArts_2011 2:Avignon_2011_noms 28/06/11 16:01 Page1
propos – adapté par Edna dandinées cul à cul, entre deux vifs «crossages» de Grant
Mazya de son propre ro- Statham –, dialogue, psychologie, morale et script fafs,
man – développe une rela- niveau Dirty Harry-Justicier dans la ville), Nash eût pu être

Avignon tion à trois, entre un brillant

professeur plus très éloigné
de la retraite, sa fort jeune
épouse («une friandise de
27 ans», ironise la mère du
Blitz et Blitz Nash.
En attendant, Weiss l’ennemi public keuficide est en état
de coma fumier dépassé. Il tue par hobby, avec ou sans
lunettes et capuche, à coups de marteau ou de feu en
pleine tête et pleine rue, ricaneur torve vomissant sa bile

Aux arts mari) et un amant bohème,

peintre installé au bord de la
mer. D’un tempérament mé-
sur une de ses victimes, en saint chrême, avant de suivre
un jeu TV en rotant. Immonde avec délectation, il se repaît
de chips, de biture et d’hypocrisie; c’est une entité pure-

citoyens ! fiant, le premier ne tarde pas

à découvrir que ses craintes
sont fondées, ce qui l’amène
à croiser le chemin du troi-
ment dépravée.
A part cela, on ne l’a jamais tant vu: 43 ans torse nu (à tout
propos, glabre, berk), prématurément flappi mais encore
poupon, le rosâtre Aidan Gillen, en rotation depuis 1995,
sième. a traversé six nanars à la Shangai Kid 2 dans l’indifférence
A dix moix Drame de la jalousie, Naomi générale, et «hallebardé» dans autant de dramatiques TV
de l’élection se veut donc, selon le réali- sans effet. Son premier rôle, aux avant-postes de Queer
présidentielle, sateur Eitan Zur, «un thriller as Folk, l’avait certes signalé, en 1999 ; puis The Wire…
la culture psychologique autour d’une En fait, le mec est vraiment mauvais. Y compris dans son
reste-t-elle un enjeu relation ambiguë basée sur des grand numéro du mauvais en promo, très loin des as du
politique majeur? non-dits, des secrets, des sus- genre (Tim Roth sublime dans Rob Roy, Willem Dafoe dans
picions et des silences». Ja- Police fédérale Los Angeles, Kevin Spacey dans Seven…).
Dans le cadre mais ennuyeux et, pour tout Encore que ledit genre (salopards) ait son chic cabot. Dont
du festival d’Avignon, dire, assez curieux, malai- la nullité la plus bidon même fait aussi partie. Tête de lard,
«Libération» met face sant et, in fine, puissamment tête d’affiche. •
à face artistes amoral (la pirouette conclu-
et responsables sive en laissera plus d’un
politiques. pantois), le long métrage
autopsie une débâcle intime
RENDEZ-vous vendredi 15 juillet en veillant à ne pas porter
pour une journée de débats l’estocade pour, au con-
à l’université d’avignon traire, observer le fruit du
parjure pourrir de l’inté-
entrée libre et gratuite
dans la limite des rieur.
places disponibles A défaut de maestria – la
mise en scène ne fera pas
Martine Aubry, Aurélie Filippetti, François Hollande, Christophe Honoré, Jean-Luc Mélenchon, Mathilde date –, le dispositif est sou-
Monnier, Stanislas Nordey, François Le Pillouër, Olivier Poivre d’Arvor, Manuel Valls, Michel Vauzelle, tenu par une interprétation
Jean-Pierre Vincent. irréprochable, à commencer
par celle de Yossi Pollak en
personnage cartésien qui,
amoureux bafoué, voit la
terre se dérober sous ses
pieds.
GILLES RENAULT Blitz (Aidan Gillen) coursé par Jason Statham (Brant). DR
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011
AUX FRAIS DE LA PRINCESSE
POUPÉE Dans «My Little Princess», Eva Ionesco se réapproprie son passé de fille objet, exhibée par sa mère.
MY LITTLE PRINCESS
d’EVA IONESCO
avec Isabelle Huppert, Anamaria
Vartolomei, Jethro Cave… 1h45.
My Little Princess n’est pas un pre-
mier film comme les autres. Il est
suffisamment mystérieux, hanté et
littéralement empoisonné pour
qu’on puisse voir avant tout en lui
une fiction portant très haut une
histoire dérangée, un peu à la Dario
Argento, un conte avec sa sorcière
et sa proie, ses maléfices et ses jeux
qui tournent mal, et dans laquelle
l’ambiguïté exerce la plus intègre
terreur. Mais il se trouve que ce
conte a aussi été le quotidien d’une
enfant dans le Paris du mitan des
années 70. Et que cette enfant, elle
aussi s’appelait Eva Ionesco. Elle
posait, maquillée en princesse et à
peine habillée pour les photos éro-
tiques que prenait sa mère, Irina Io-
nesco. Et pourtant affirme la réali-
satrice de My Little Princess, «la
matière biographique n’est pas spé-
cialement ce qui m’intéresse le plus au
monde. J’avais juste envie de raconter
ça». Est-ce parce qu’il est regardé
comme une fiction que ce film ar-
rive à tenir une gymnastique a
priori impossible : tout dire, mais
sans accabler totalement. Aller jus-
qu’à montrer et démonter l’insou-
tenable manipulation tout en fai-
sant part, aussi, de ce qu’il y avait
du parfum vénéneux d’une époque
dans cette aventure à deux, où la
mère, née d’un inceste, ne peut
s’empêcher d’ôter à son tour l’en-
fance de sa fille ; laquelle, appre-
nant à se sentir regardée, consent
à devenir cette petite poupée gla-
moureuse et fardée: un scandale de
dix ans.
Froideur. «On me dit: “Mais quand
même les photos étaient très belles…”
Mais les premières photos n’avaient
rien d’artistique. C’était moi petite
fille, les jambes écartées, point. Cette
manipulation était liée au miroir, à
l’envie de ma mère de s’emparer et de
trahir cette enfance pour se venger de
la sienne.» Elle dit ça sans colère.
Les mots d’Eva Ionesco sont
comme les images de son film, ils
sont choisis avec précaution, pres-
qu’avec froideur. Mais surtout ils
ne laissent jamais le soin à qui que
ce soit de pouvoir les récupérer.
Des images volent quelque chose de
vous que vos images reprennent. Et
peut-être est-ce là que se trouve la
première nécessité du film: surtout
pas de faire de My Little Princess le
lieu d’un lavage de linge sale en pu-
blic, ou, pire, de la bonne chair à
débats, mais filmer ce qui a été
À L'AFFICHE CINÉMA • V
Anamaria Vartolomei,
princesse piégée.
PHOTO PRODUCTIONS
BAGHEERA
vécu comme pour reprendre le quer de place pour pouvoir entrer trop souvent – mais pas moi –, les
droit dessus. dans le champ, mais sans photos à caractère pédophiles, avec
C’est d’ailleurs troublant de voir qu’aucune ne prenne le pas sur du bondage, des phallus, de la nudité
comment le film se cherche dans l’autre. Et c’est l’incroyable du crue, sans décorum, sans projection
son premier quart d’heure et com- film, tout est là, en même temps, artistique. Et puis il y a eu les films
ment il s’élève soudainement dès sur la même ligne: la manipulation, réalisés par d’autres, mais qu’elle me
l’instant où entre en jeu la photo- la folie, la confusion, le besoin faisait tourner au même âge: la Ma-
graphie, dès la seconde où recom- d’être aimé, le dégoût, le raffine- ladolescenza ou Spermula. La
mence ce rituel qu’étaient deve- ment esthète, les vapeurs d’opium, censure les sortait dans des versions
nues leurs séances. Mais à ceci près le glamour triste, la bravade avant- coupées, mais il y a des scènes de
que trente-cinq ans après, c’est Eva gardiste, le flirt pédophile, le goût masturbation, par exemple sur Sper-
qui dirige, et non sa mère. Et si la marqué pour la différence. mula, qui ont été tournées, et j’avais
photographie est sanctuarisée, ri- Devant ces séances qui ont été vé- aux alentours de dix ans. On est loin,
tualisée, elle est surtout désenvoû- cues en deçà de toute morale, et là, du projet artistique sous influence
tée, au sens fort du terme : «Ma qu’elle remet à son tour en scène en préraphaélite. On est dans le scandale
dehors de tout point sexuel, dans une mécanique.»
«Ma mère était une sorcière. J’ai de vue moral, on a Photo vaporeuse. La musique de
envie de lui dire que Bertrand Burgalat, qui offre à Eva
dû, pour ce film, penser ma mère le secret même de Ionesco un des plus beau score en-
comme un serial killer.» ce film, sa force, sa tendu depuis longtemps, plongeant
beauté, son équivo- le film dans une douleur inquiète,
Eva Ionesco que, c’est qu’il est trufaldienne, les costumes de Ca-
mère était une sorcière. J’ai dû, pour tout à la fois du côté de l’art et de therine Baba, les dialogues de
arriver à écrire ce film, penser ma l’enfance. Il ne faut pas compter l’écrivain Marc Cholodencko (qui
mère comme un serial killer. On peut sur Eva Ionesco pour faire l’apolo- travaille régulièrement avec Phi-
voir toute l’histoire comme un conte gie des photos de sa mère, mais il lippe Garrel), la photo vaporeuse de
dans lequel une petite fille se débat ne faut pas non plus attendre d’elle Jeanne Lapoirie réinventent, autour
avec la magie noire. Et comme réali- qu’elle les enferme dans la seule ré- d’Isabelle Huppert (qui arrive à
satrice, j’ai dû inverser les miroirs. pulsion. «Il y a un curseur entre l’af- jouer la mère sans la juger) et de la
J’ai refait le trajet, j’ai recommencé le faire Dutroux et Lewis Caroll. On petite Anamaria Vartolomei (in-
rituel pour inverser le rituel.» Un passe quand même dans des eaux croyable), un monde qui s’est placé
dispositif qu’elle filme de loin dangereuses ; l’enfance n’est pas en hors du monde. Et cela sans vouloir
comme si toutes les composantes paix, l’enfance est en danger. Il y a entendre que l’artifice ne protège
troublantes et équivoques qui en- les photos très mode, où je suis en pe- pas de la violence.
traient en jeu ne devaient pas man- tite princesse, et il y a eu, on l’oublie PHILIPPE AZOURY
VI • CINÉMA ZOOM LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

PHILIPPINES: NANARDS LAQUÉS

Nuit Filipino Fever samedi au Forum des images, avec le docu hommage «Machete
ACTION
Maidens Unleashed». Nonne vengeresse, femmes ficelées et nain karatéka au programme.
COURTESY OF BAS FILMS

S
ur l’un des murs du salon de taille res-
pectable du penthouse de Quentin Ta-
rantino à Los Angeles, un artiste a peint
pour lui l’image de Cleopatra Wong déguisée
en nonne et flinguant tout ce qui bouge à la
mitraillette. Assurant à des journalistes à
l’époque de Kill Bill qu’il s’était inspiré de
They Call Her… Cleopatra Wong de Bobby
A. Suarez, un obscur film d’action de 1978
issu des zones humides du cinéma bis asiati-
que, le cinéaste américain a mis du baume au
cœur à l’ex-vedette Marrie Lee qui interpré-
tait le rôle-titre, reconvertie depuis le temps
de sa gloire éphémère dans la vente de pro-
duits de santé biologique à Singapour. Marrie
Lee sera présente samedi soir au Forum des
Images à la nuit Filipino Fever qu’organise le
festival Paris Cinéma pour la projection de
cette première aventure de Cleopatra Wong,
son chef-d’œuvre kitch où elle joue la dyna-
mique miss Wong, un agent secret, star du
disco, kung-fu fighteuse en justaucorps ca-
nari en lutte contre un gang de faux-mon-
nayeurs ayant asservi un couvent. Le film
avait eu un succès international, en tout cas
suffisant pour que d’autres épisodes soient
tournés dans la foulée à toute vitesse et avec
des budgets dérisoires – notamment Dyna-
mite Boy, où elle incarne la tante d’un horri-
pilant gamin bionique doté de superpouvoirs.
Marrie Lee fait partie de ce gotha aboli des
stars du cinéma d’action des années 70 qui
fit florès aux Philippines et que célèbre le do-
cumentaire australien Machete Maidens Un-
leashed de Mark Hartley, à travers de nom-
breuses interviews et extraits de films.
Pendant une dizaine d’années, Manille et les
jungles alentour sont devenues l’arrière base
de producteurs américains et européens qui
ont trouvé là des équipes de techniciens
aguerris, des cascadeurs pas syndiqués, des
figurants à la tonne et des décors à l’exotisme
parfait pour y planter toutes sortes de scéna-
rios extrêmes. Parmi eux, Roger Corman, le
réalisateur et producteur devenu une légende
pour avoir notamment mis le pied à l’étrier
à Scorsese, Coppola, Dante ou Bogdanovitch.
Toujours en quête d’économie d’échelles
pour sa petite boutique des séries B (ou Z)
potentiellement cultes, Corman sent le filon
philippin et via sa nouvelle boîte New World
Pictures, s’associe à des locaux tels Ci-
rio H. Santiago pour la production exécutive Extrait du documentaire Machete Maidens Unleashed. PHOTO DR Weng­Weng, nain star des parodies trash de James Bond, ici dans For your Height
 LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 ZOOM CINÉMA • VII

Marrie Lee de nombreux sommets de la sous-culture

en Cleopatra pour drive-in. Quelques titres pour fixer les
Wong, qui a esprits: Beast of Blood, Beast of the Yellow Ni-
inspiré Kill Bill ght, The Big Doll House, The Hot Box, Woman
de Tarantino. in Cages, Black Mama, White Mama ou Sa-
PHOTO CLEOPATRA vage !…
WRONG INTNL. Cafards et cobras. Films d’horreurs avec
PTE.LTD créatures verdâtres violant de pauvres fem-
mes ficelées à des croix, thrillers tropicaux
bourrés d’explosions potentiellement muti-
lantes pour les cascadeurs et acteurs qui ne
bénéficiaient pas vraiment du même régime
de protection qu’à Hollywood, nanars éroti-
ques prenant la température lascive d’un
pays au climat de sauna vapeur perpétuel, la
Filipino Exploitation est un continent esthé-
tique à la dérive. L’idée dominante consiste
à donner les rôles féminins à de jeunes Amé-
ricaines émancipées (elles ne restent jamais
très longtemps habillées) et les rôles mascu-
lins à des Philippins énervés. Courses de ca-
fards de la taille d’un poney, attaques de co-
bras, rats déboulant dans le champ de la
caméra, forment l’ordinaire du confort roots
de ces équipes qui doivent mettre en boîte «En banlieue nous sommes différents. On n’est pas dans le même monde», dit un acteur. PHOTO MILLERAND
des kilomètres de pellicule en un minimum

«RUE DES CITÉS», AU

de temps. L’argent et les moyens logistiques,
en réalité, ne manquent jamais puisque le
couple au pouvoir à partir de 1972, Ferdinand
et Imelda Marcos, ont su très tôt privilégier

BAN DE LA SOCIÉTÉ
l’industrie cinématographique, générant de
l’emploi, des liens privilégiés avec le show-
biz américain et du spectacle pour abrutir les
masses.
L’armée peut ainsi mater dans le sang les re-
bellions de maquisards dans une zone du pays SAYNÈTE Le film «Rue des cités» a été présenté aux
et venir avec ses hélicoptères tirer à blanc sur
des opposants d’opérettes. Les scénarios de
habitants d’Aubervilliers, où il a été tourné. Reportage.
guérilla contre l’ordre injuste des prisons ou

Only. PHOTO MONDO MACABRO
la corruption des dirigeants se multiplient
ainsi sous la haute protection d’un état fascis-
toïde. Imelda, le Papillon d’acier, s’intéressait
de près au cinéma au point de lancer une
sorte de Cannes local avec édification d’un
Palais dédié au 7e art qui s’effondra en cours
de chantier sur les ouvriers. Une partie d’en-
tre eux ne fut jamais retrouvée et on coula les
corps sous une chape de béton frais. Tout
l’ambiguïté politique de cette joint-venture
americano-philippine sous la houlette de
Corman et que commentent rigolards des
gens plutôt gauchistes comme Joe Dante ou
John Landis, apparaît vraiment comme un
épisode très atypique d’une ère pas encore
officiellement globalisée, mais déjà bien rou-
blarde et qui culmine avec le tournage méga-
lomane d’Apocalypse Now.
Agent 00. Parmi les nombreuses figures un
peu sidérantes de cet intermonde esthétique,
on trouve le dénommé Weng-Weng, un nain
portant une coupe au bol à la Gilbert Monta-
gné, qui devint une star à travers des paro-
dies de James Bond, notamment For your
Height Only où il est l’agent 00 en costume
blanc, équipé de gadgets aberrants. Un arti-
cle du site Trash Vidéo affirmait que Weng-
Weng avait chanté une version de My Way
avec Imelda Marcos, ce qui semble une allé-
gation inutilement blessante pour un homme
qui avait l’air d’avoir beaucoup d’humour et
qui est mort jeune. «Il avait un petit cœur, un
cœur de poulet», assène brutalement un des
cinéastes interviewés dans Machete Maidens
Unleashed. Les curieux pourront taper Weng-
Weng sur Youtube et découvrir des extraits
où on le voit détruire à coup de pied l’entre-
jambe de ses ennemis ou être propulsé dans
les airs avec une fusée fixée dans le dos. Un
pur trip décadent.
DIDIER PÉRON
La Nuit Filipino Fever, samedi­dimanche au
Forum des images. A partir de 20h30: «Machete
Maidens Unleashed», documentaire de Mark
Hartley, en présence de Marrie Lee.
Rens.: 0144766300.
Q
uand la banlieue se re-
garde, il y a ce quelque
chose d’insaisissable qui
tient peut-être dans cette tirade
de l’un des personnages du film:
«Rue des cités raconte la vie de
gens différents. Car, oui, en ban-
lieue, nous sommes différents.
Même si on vit en France, on voit
bien que la banlieue et Paris, ce
n’est pas le même monde.» Mer-
credi soir dernier, dans un théâ-
tre d’Aubervilliers, bondé pour
cause d’avant-première, on rit
avec les habitants de choses qui
semblent pourtant infiniment
violentes. On trouve de la légè-
reté là où la plupart des gens
percevraient de la détresse. On
s’amuse d’une répartie où l’on
devrait déceler une misère de
mots.
Brutalité. Il y a ceux d’Auber-
villiers pour qui le film dit des
choses. Et puis il y a les specta-
teurs venus d’ailleurs, pour qui
le film dit autre chose. «Faut-il
venir d’un milieu pour le com-
prendre ?» On en débattrait des
heures, mais laissons plutôt les
habitants d’Aubervilliers seuls
juges de ce Rue des cités, un titre
inspiré du nom d’une artère de
la ville. «Ce qui est admirable
avec Rue des Cités, c’est que la
brutalité de la vie en banlieue y est
sans cesse suggérée mais jamais
montrée», s’enthousiasme Sou-
maya, venue de Clichy-sous-
Bois. Le couple de réalisateurs
Carine May et Hakim Zouhani,
originaires d’Aubervilliers, a fait
le choix d’évacuer les thèmes,
pourtant récurrent dans les
quartiers, des relations entre les
jeunes et la police. «C’est bien
vu, révèle Omar, professeur de
sport à Saint-Ouen. Les jeunes
ne se retrouvent pas forcément
dans des œuvres comme la Haine
[de Mathieu Kassovitz, ndlr] ou
Ma 6-T va crack-er [de Jean-
François Richet]. Dans ces films,
il y a une mise en scène de la vio-
lence en banlieue qui, si elle ex-
prime une certaine réalité, traduit
surtout de façon inconsciente la
fascination que peuvent éprouver
ces territoires aux yeux des réali-
sateurs. Rue des cités se place
plus volontiers sous l’angle du té-
moignage sociologique. Il n’est
pas question d’y faire de la politi-
que à l’emporte-pièce.» A la fa-
çon d’un Coffee and Cigarettes,
de Jim Jarmusch, plusieurs say-
nètes s’y enchaînent, aiguisant,
sous un noir et blanc dont on
aurait aimé qu’il ne soit pas seu-
lement justifié par un «esthé-
tisme qui nous plaît», un regard
social acerbe. Ainsi, on suit, une
journée, Adilse et Mimid, la
vingtaine, en quête de boulot,
de meufs, d’occupation et
d’eux-mêmes.
Transgénérationnel. Surtout,
Rue des cités intéresse, car il ne
tombe pas dans ce mal trop mé-
diatique qui veut que la banlieue
ne se résume qu’à une terre des
15-25 ans. C’est un film transgé-
nérationnel. On y voit des ma-
mans débonnaires et anxieuses
du chômage de leurs fils, des
papys taciturnes, malades, des
coiffeurs blédards sans le sou. La
somme de leurs modestes mais
convaincantes apparitions (la
plupart des comédiens ne sont
pas professionnels) questionne
en creux la société. Pourquoi
cette stigmatisation du langage?
Pourquoi cette désertion médi-
cale et psychiatrique? Pourquoi
cette ségrégation territoriale ?
Gâteau. Et puis, il y a cette
scène, éblouissante car elle n’est
que ce qu’elle est. Un plan sé-
quence fixe de plusieurs minutes
pendant lequel, un homme avec
la trogne de celui qui s’est trop
souvent levé à l’heure où les
tours sont encore éteintes, ra-
conte un anniversaire. Il entre
dans une pâtisserie. Repère un
joli fraisier. Demande à la bou-
langère de le lui emballer. Elle
s’applique, torsade le ruban. Il
lui demande de rajouter deux
pains. Elle se tourne, il prend le
gâteau, s’enfuit, et crie:«Désolé,
madame, mais je ne peux pas faire
autrement, je n’ai pas d’argent.»
Quelques jours plus tard, il re-
vient s’acquitter de sa dette à la
grande surprise de la boulan-
gère : «Vous êtes revenu. Je ne
pensais pas. Vous êtes honnête,
c’est bien.» Apparemment anec-
dotique, cette scène incarne tout
un propos. Hakim Zouhani évo-
que une sorte de syncrétisme
entre «une misère qui pousse par-
fois au contournement des règles
et l’humour salvateur qui s’en dé-
gage, pour ne pas dire un certain
ridicule. En banlieue, théâtre de la
pudeur et de la réputation, c’est
compliqué à mettre en scène.
Pourtant, rire de sa condition,
c’est être lucide sur celle-ci».
Le film a été projeté au dernier
Festival de Cannes par l’Acid
(Association du cinéma indé-
pendant pour sa diffusion), mais
attend toujours un distributeur.
WILLY LE DEVIN
CINEMA
Quel spectateur êtes­vous? Un invité nous répond du tac au tac.

SÉANCE TENANTE
MAYLIS DE KERANGAL
Prix Medicis 2010 avec son roman
Naissance d’un pont (Ed. Verticales),
Maylis de Kerangal a participé
au projet Sacha Lenoir, livre
collectif, cinq préparatifs à un
film sur un même personnage
(Ed. Capricci). PHOTO GONZALO
FUENTES.REUTERS

«JE VEUX COURIR

DANS LA PRAIRIE
DE MALICK AVEC FESTIVAL LA ROCHELLE EN PANORAMIQUE

COLIN FARRELL» Quatorze écrans, cinq séances quotidiennes pendant

w La première image ?
L’aube se lève sur le quartier de
l’EUR dans la banlieue de Rome.
Pas un chat dans les rues, le grand
silence. Une femme marche seule.
Elle porte une robe noire à enco-
lure bateau et des escarpins. Elle
vient de rompre avec son amant
au terme d’une nuit lente et com-
pliquée. C’est Monica Vitti dans
l’Eclipse d’Antonioni. Débarrassée
de tout ce qui pèse.
w Le film (ou la séquence) qui a
traumatisé votre enfance ?
Blanche Neige est épargnée. Le
dix jours, 250 films montrés (dont 200 longs), le festi­
val de La Rochelle est à la fois relax et intense. Pour
et au scénariste Jean­Claude Carrière (en leurs pré­
sences), retraversée de la filmo mal connue –hormis
les titres épiques– de David Lean, focus sur le Tcha­
cette 39e édition, Prune Engler, la déléguée générale, dien Mahamat­Saleh Haroun (revoir son Daratt, sai­
core l’Aile ou la cuisse quand son adopte son principe de la non­spécialisation, c’est­à­ son sèche, chef­d’œuvre)… La Rochelle montre aussi
visage se couvre de boutons… dire une programmation mêlant anciens et moder­ cinq films du Québécois Denis Côté (dont Curling,
ploc ! ploc ! Il a été gavé dans un nes, muets et parlants, films pour adultes et produc­ en avant­première), inconnu de nos services. PHOTO DR
restaurant immonde où le cuistot tions pour enfants. Rétrospective Buster Keaton (Ma 39e festival de La Rochelle, du 1er au 10 juillet.
écrase ses clopes dans la pâte à Vache et moi, photo) , hommage à Bertrand Bonello Rens.: 0546515400
tarte.
w La bande originale qui vous trotte
dans la tête? LES CHOIX DE «LIBÉ»
Celle de l’Effrontée de Claude
Miller –Sara Perche ti Amo. J’adore
ce film, qui est, pour moi, indisso-
ciable de la chanson.
w Le cinéaste absolu à vos yeux?
Michael Cimino. Pour Voyage au
bout de l’enfer, qui est un peu le
DR

DR

DR

chasseur trahit la méchante reine film absolu à mes yeux.

à cagoule de patineuse de vitesse
et manteau bleu à haut col : il
baisse son poignard et crie à la pe-
tite : «Va-t-en, va-t-en, et surtout
ne reviens jamais!» La princesse ne
se le fait pas dire deux fois, fuit
dans la forêt obscure, où tout gé-
mit, hurle et grince. Blanche Neige
a tellement peur qu’elle finit par
tomber dans les pommes. J’ai fa-
cilement peur au cinéma.
w Une scène fétiche qui vous hante?
La dernière scène de Tropical
Malady d’Apichatpong Weera-
sethakul : quand le tigre [la réin-
carnation du paysan, ndlr] s’adresse
au jeune soldat qui l’a chassé toute
la nuit dans la jungle. L’animal est
calme et puissant, allongé dans un
arbre, ses yeux jaunes brillent. Il
interpelle le chasseur dans la clai-
rière : «Hey you !» – face à face
d’une douceur dingue.
w Le film que vous avez le plus vu?
Les Demoiselles de Rochefort de
Jacques Demy – je l’ai en DVD.
Une injection de vitamine C, la
joie de chanter, de danser, d’ap-
procher l’amour; l’angoisse de se
manquer, de se croiser sans se voir
et de se perdre pour toujours, et
l’idée que soudain c’est mainte-
nant ou jamais.
w Qui vous fait rire?
Louis de Funès. Dans le Corniaud,
les Aventures de Rabbi Jacob ou en-
w Le monstre de cinéma dont vous
vous sentez le plus proche?
Il s’agit d’une femme agitée, bor-
derline, qui du coup peut se mon-
trer monstrueuse : c’est Béatrice
Hunsdorfer [Joanne Woodward], la
mère de Ruth et Matilda dans le
film de Paul Newman, De l’in-
fluence des rayons gamma sur le
comportement des marguerites.
w Une réplique que vous connaissez
par cœur?
«Be with me my beloved love that
my smile may not fade» –quand la
vieille aveugle apporte au jeune
type le repas qu’elle lui a cuisiné,
à la fin de Be with Me d’Eric Khoo.
Et «A lot is my favourite number!»
– ce que Mariel Hemingway ré-
pond à Woody Allen quand il lui
demande son chiffre préféré dans
Manhattan.
w Un décor dans lequel vous auriez
aimé vivre?
La prairie du Nouveau Monde de
Terrence Malick, et courir dans les
hautes herbes qui bougent… Avec
Colin Farrell.
w La dernière image?
Michaël/Laure donne son prénom
à la fin de Tomboy, une des plus
belles fins ouvertes que j’ai vues
au cinéma, une fin puissante et
limpide qui dit que ça ne fait que
commencer.
Recueilli par DIDIER PÉRON
PATER LA DERNIÈRE PISTE
d’Alain Cavalier. 1h45 de Kelly Reichardt. 1h44.
C’est une fantaisie expérimentale, un Il faut imaginer le Convoi des braves
film hors cadre par un cinéaste habi­ de John Ford mixé avec le Gerry de
tué à égarer son monde. Alain Cava­ Gus Van Sant pour avoir une idée de
lier, s’est vu, pour rire, président de la la forte impression que produit la
République et a décidé que le char­ Dernière Piste de Kelly Reichardt, du
penté et sympathique Vincent Lin­ western slowcore sur une colonisa­
don ferait un excellent Premier minis­ tion­perdition déshydratée dans les
tre. Le jeu de rôle, enfantin, permet espaces brûlants de l’Oregon en
mine de rien déshabiller le pouvoir, 1845. L’histoire de Meek, le guide
le filmant en l’état, ce qui, par effet ignare qui largue ses clients dans le
d’inversion généralisé, rend de nou­ désert, a existé et cette relecture des
veau ce jeu politicien désirable, intri­ grands épisodes migratoires et pion­
gant, humain. Toute chose qui désor­ niers au prisme du minimalisme arte
mais nous manque. povera est à ne pas rater.
BOX­OFFICE (SOURCE «ECRAN TOTAL»)
Film Semaine Ecrans Entrées
KUNG FU PANDA 2 (3D) 2 725 356 878
L’ELEVE DUCOBU 1 471 268 351
OMAR M’A TUER 1 247 172 029
X­MEN : LE COMMENCEMENT 4 603 133 688
VERY BAD TRIP 2 5 475 123 742
Cars 2, Bad Teacher, Green Lantern, jus ricain. En France, nous sommes
Super 8, M. Popper et ses pingouins, plus ouverts. Il suffit de regarder ce
X­Men: le commencement, Very Bad petit tableau: des blockbusters, cer­
Trip 2, Pirates des Caraïbes 42… le tes, mais aussi une comédie avec Elie
sommet du box­office de la semaine Seimoun et un film de Roschdy Zem
aux Etats­Unis donne une idée du sur un fait divers retentissant, l’affaire
bourrage de crâne à coup de masto­ Omar Raddad. Mieux, si l’on fouille
dontes uniquement estampillé pur bien, en dessous du tableau, on dé­
MAFROUZA d’Emmanuelle
Demoris. 12 heures en cinq volets.
Mafrouza, quartier déshérité de la
ville d’Alexandrie en Egypte, s’est
édifié sur une antique nécropole gal­
lo­romaine. Quand la cinéaste vient
y poser sa caméra, c’est un terrain
inondable, un endroit de poussière
et de boue dans lequel le voyou Has­
san règne en prince pasolinien. Lui et
le couple Badel et Ghada, ou encore
l’épicier­cheik ennemi juré des Frères
musulmans, les enfants rieurs for­
ment la galerie de personnage de
cette fresque documentaire hallu­
ciné. Chef­d’œuvre !
Evolution Cumul
­55 % 1 222 813
– 268 351
– 172 029
­33 % 1 841 361
­31 % 2 212 242
couvre que Pater d’Alain Cavalier,
distribué sur 40 copies, fait le plein
avec 28 465 spectateurs, soit la
meilleure moyenne de la semaine
(710 de ratio salle/entrées). Marc­An­
dré Grondin se plante en beauté
avec Mike : 4 696 entrées. Ben alors
les filles ? On roupille ?
16 • ECONOMIE LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

Parmalat:Lactalisboitdupetit-lait
Le groupe français a pris les rênes de l’italien après une longue lutte politico-industrielle.
Par ÉRIC JOZSEF quelques années, retrouvé un potentiel in- En urgence, le ministre italien de l’Econo- d’une OPA. Le début de la réunion entre Sil-
Correspondant à Rome dustriel et apuré ses comptes. Au point de mie, Giulio Tremonti, tente de bloquer le vio Berlusconi et Nicolas Sarkozy est tendu.
revenir en Bourse et susciter les convoitises. raid de Lactalis. Il fait notamment passer un «Vous ne nous avez pas avertis», commente,

L
es produits Parmalat changent texte, fin mars, permettant à la Caisse des irrité, le président du Conseil reprochant,
d’emballage. Au terme d’une of- CONTRE­OFFENSIVE. C’est ainsi que le dépôts italienne (CDP) de «prendre des par- selon un diplomate, à son interlocuteur
fensive éclair de quelques semai- 17 mars, Lactalis annonce qu’il détient 11% ticipations dans des sociétés d’intérêt national français une attitude cavalière. «Vous non
nes, le groupe français Lactalis a de la nouvelle structure. Moins d’une se- en termes de stratégie sectorielle, de niveau de plus vous ne nous avez pas avertis avant d’an-
pris, hier, les rênes du groupe laitier italien maine plus tard, le groupe français, qui fa- l’emploi, de volume de chiffre d’affaires». noncer à la veille du sommet votre décision
malgré les tentatives de blocage du brique les produits Président, Bridel Puis, il sollicite des banques et invite les d’intervenir militairement en Libye», réplique
gouvernement de Silvio Berlusconi. RÉCIT ou Lactel, dévoile qu’il a convaincu groupes agroalimentaires italiens à organi- le chef de l’Etat français, alors que son en-
Sur le papier, la famille Besnier n’a trois fonds d’investissement de lui ser la contre-offensive. Pour gagner du tourage assure ne pas avoir été au courant
pas encore entièrement avalé son concur- céder 15,3% supplémentaires. Le yaourt est temps, Giulio Tremonti va même jusqu’à en amont de l’initiative de Lactalis. «Ils
rent transalpin puisqu’elle ne possède que amer pour le gouvernement Berlusconi qui, autoriser, sous certaines conditions, la pro- auraient voulu nous chier dans les bottes, ils
29% de son capital. L’OPA sur le solde, lan- alors même qu’il fait de la défense de l’ita- rogation de cent quatre-vingts jours du ne s’y seraient pas pris autrement», va même
cée fin avril, ne prendra fin que le 8 juillet. lianité l’une de ses priorités, doit déjà digé- terme pour la tenue des assemblées généra- jusqu’à commenter dans les couloirs un
Mais les jeux sont faits: à l’issue de l’assem- rer le rachat du joaillier Bulgari par le géant les des sociétés. Parmalat en profite pour membre de la délégation italienne. Au cours
blée des actionnaires, qui s’est tenue hier français du luxe LVMH et assiste aux renvoyer la sienne à fin juin. Mais Lactalis de la conférence de presse, Silvio Berlusconi
à Parme, l’industriel français, principal ac- manœuvres de l’assureur hexagonal Grou- ne reste pas bras ballants. ne peut s’empêcher de s’interroger: «Il est
tionnaire de Parmalat depuis fin mars, a pama sur FonSai. La presse transalpine A l’aube du 26 avril, quelques heures avant singulier que l’OPA ait été lancée ce matin, le
obtenu neuf des onze sièges du conseil parle alors «d’un encerclement» et «des le sommet bilatéral franco-italien de Rome, jour de notre rencontre», tout en excluant
d’administration. En clair, le pouvoir. Une Français qui nous dévorent». l’entreprise lavalloise annonce le dépôt néanmoins «de la manière la plus sûre que
opération qui propulse Lactalis au sommet l’exécutif français ait été au courant».
de l’industrie laitière mondiale (avec un
chiffre d’affaires cumulé de 14 milliards MANETTES. Surtout, il donne, à con-
d’euros). trecœur, son feu vert à l’opération ne la ju-
Menée dans la discrétion et presque dans le geant «pas hostile». Giulio Tremonti cher-
secret, caractéristique de la famille Besnier, che bien une ultime alternative à l’offre de
l’opération a été dès le départ perçue Lactalis. Mais les groupes italiens se défi-
comme inamicale par les autorités italien- lent. Même les banques contactées renon-
nes. Une sorte d’affront à l’industrie natio- cent à surenchérir sur les 2,6 euros par titre
nale, à la culture alimentaire de la péninsule proposés par le français. «Au moins, nous
et surtout à son cœur productif. Car Parma- aurons obligé Lactalis à payer le prix», se
lat a longtemps été l’une des fiertés du console-t-on aujourd’hui à Rome. La presse
«made in Italy». Depuis Collecchio, au italienne reproche néanmoins à Enrico
cœur de l’Emilie-Romagne, la famille Tanzi Bondi, qui a annoncé son départ hier, de ne
avait créé un géant mondial du jus de fruit, pas avoir été capable d’empêcher, à travers
du lait et des yaourts avec d’innombrables une stratégie d’expansion internationale,
filiales, et une vitrine footballistique, le le rachat de l’entreprise par un groupe
Parma Calcio de «Gigi» Buffon et Lilian étranger. De son côté, Lactalis rappelle que
Thuram. Jusqu’au krach de 2003 révélant le succès de l’OPA réclame de détenir 55%
un endettement de plus de 14 milliards des parts. Mais, désormais installée aux
d’euros, vingt ans de faux bilans et, au pas- manettes de Parmalat, la famille Besnier,
sage, près de 100 000 petits épargnants avare de son cash, se contenterait volon-
floués. tiers d’une participation plus faible. Pour
Reprise en main par le sauveur d’entrepri- elle, la campagne d’Italie est sans doute
ses Enrico Bondi, Parmalat a cependant, en déjà terminée. •

L’OPA de Lactalis
prendra fin
officiellement
le 8 juillet. PHOTO
TONY CENICOLA. THE
NEW YORK TIMES. REA

REPÈRES Parmalat, fleuron italien

Le groupe compte 14000 salariés dans
16 pays, en Italie mais aussi au Canada, en
Amérique du Sud, en Australie et Afrique
du Sud. Il a enregistré en 2010 un chiffre
2,6
euros par action, c’est l’offre proposée
«Parmalat ne tombera
pas aux mains des
Français, elle restera ici.»

d’affaires de 4,3 milliards d’euros (+8,5%) par Lactalis pour son OPA sur Parmalat. Umberto Bossi ministre
et un bénéfice net de 282 millions. En mars, Lactalis avait déboursé des Réformes et fondateur du parti
Le chiffre d’affaires du groupe Lactalis­ 2,8 euros par titre pour acheter 15,3% du populiste de la Ligue du Nord,
Parmalat avoisinera les 14 milliards. capital de l’entreprise italienne. le 26 mars
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 ANNONCES • 17

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18 • LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

Stade français­Toulouse,
en mars 2010 au Stade de
France. PHOTO JEAN­MARIE
HERVIO. DPPI

LeStadefrançaischanged’ère
Au bord de la faillite, le club de rugby parisien a été repris par l’homme d’affaires Thomas Savare.
Par GILLES RENAULT à Paris un club ayant participé en dans une très vaste réorganisation et réalisent 14,5% du chiffre d’af- Veyrat, le patron sur le départ du
et CHRISTOPHE ALIX 1892 à la première finale du cham- de son groupe. Il est actuellement faires. Un recentrage qui aurait tout groupe de négoce Louis-Dreyfus,
pionnat de France. En friche, le en négociation pour céder 60% de d’un retour aux sources puisque ce Richard Pool-Jones, l’ancien joueur

D
ans les mille et une péri- Stade français ne met pourtant que sa division cartes à puce (cartes groupe qui emploie près de du club parisien, et Michel Glize,
péties autour de la survie cinq ans à retrouver des couleurs SIM, cartes bancaires…), mais aussi 7 000 employés dans le monde et déjà actionnaire et administrateur
du Stade français, une (plein de couleurs) sous la houlette l’intégralité de son activité identité pèse un milliard d’euros de chiffre en charge de la formation. Ce pool
énième pirouette –et pas de l’ancien attaché de presse de (cartes d’identité, passeports, per- d’affaires était à l’origine une im- apporterait au total 9,5 millions
la moindre– est survenue lundi, en Dalida et homme fort d’NRJ. Senti- mis de conduire…). Cet ensemble primerie de billets, avant sa reprise d’euros, permettant d’apurer le dé-
fin de journée à Marcoussis. Con- mental, têtu, roué, Guazzini s’in- serait valorisé 1 milliard d’euros en 1984 par Jean-Pierre Savare, le ficit, soit 7,2 millions, et de bâtir le
voqués par le conseil vestit corps et bien environ. Si l’opération se réalisait, père de l’actuel dirigeant, fondu de projet de budget pour la saison
supérieur de la Direc- DÉCRYPTAGE dans le rugby en le groupe pourrait alors se recentrer rugby, comme son fils. A côté du 2011-2012.
tion nationale d’aide jouant volontiers sur la sur l’activité fiduciaire (impression PDG d’Oberthur, on trouve une
et de contrôle de gestion (DNACG) fibre affective. Insensible aux de billets), dont les revenus ont poignée d’investisseurs pour re- DU RUGBY CASSOULET
afin de présenter un projet assurant railleries, il fait entrer l’ovalie dans progressé de plus d’un tiers en 2010 prendre le Stade français : Jacques AU RUGBY CAPITALISÉ ?
l’avenir financier du club, Max la sphère du spectacle, imagine des L’intronisation de Thomas Savare
Guazzini, son président et Bernard maillots invraisemblables, un ca- au Stade français ne fait que renfor-
Laporte, futur ex-administrateur lendrier gay friendly, des shows dé- REPÈRES cer une tendance lourde dans le
façon Sancho Pança, allaient, pen- mesurés (grotesques, diront les dé- rugby pro: l’immixtion d’investis-

979
sait-on, poser leur tête sur le billot. tracteurs) au Stade de France. Sous «C’est un investissement seurs fortunés qui, attirés par la
Après que le Stade français a été sa présidence, le club remporte bonne image de la discipline, se
marabouté par un vrai-faux repre- cinq titres nationaux, avant que le
privé, un investissement lancent dans l’aventure sportive,
neur canadien, la Facem, dirigée vent ne tourne, à partir de 2008- passion. Je suis un non sans espérer, bien sûr, un re-
par un pasteur escroc (Libération du 2009. Toujours en première ligne, supporteur. Ce n’était tour sur investissement. Jacky Lo-
24 juin), la situation semblait dé- Guazzini se voit dorénavant propo- pas possible que le Stade En millions d’euros, c’est le renzetti au Racing Métro 92 et
sespérée. Or, en guise de reddition ser un poste de président d’hon-
français disparaisse.» chiffre d’affaires 2010 Mourad Boudjellal à Toulon ont
synonyme de plongée en Pro D2, neur, qu’il pourrait trouver bien d’Oberthur Technologies, boosté la tendance ces cinq derniè-
voire Fédérale 1, un sacré lapin est étriqué. Pour Laporte en revanche, Thomas Savare nouveau la société désormais aux res années. Le premier a fait for-
sorti du chapeau en la personne de c’est… la porte –comme à Bayonne président du club manettes du Stade français. tune dans l’immobilier (Foncia) et
Thomas Savare, directeur général et Bègles-Bordeaux, l’homme pro- aussi misé sur le vignoble ; le se-
d’Oberthur Technologies. Classé videntiel a fait pschitt ! cond, magnat de la bande dessinée,
dans le Top 50 des plus grosses for- Un nouveau revers pour Ber­ La composition du Top 14 vient de confirmer son souhait de
tunes nationales, l’homme provi- POURQUOI LES SAVARE METTENT­ nard Laporte. Ecarté du Stade 2011­2012: SU Agen, Aviron s’engager corps et âme avec le RCT
dentiel permet au club parisien de ILS DES RONDS DANS L’OVALE ? français, l’ex­entraîneur du XV Bayonnais, Biarritz Olympique, (Toulon). A Bayonne, l’équipe aux
rester dans le circuit… Fils du fondateur d’Oberthur Tech- de France avait déjà échoué à Bordeaux­Bègles, CA Brive, dents longues de la saison à venir,
nologies, le spécialiste français des reprendre Bordeaux­Bègles en Castres Olympique, ASM c’est le très médiatique lunetier
MAX GUAZZINI VA­T­IL cartes à puce, cet ingénieur de 2002 avec un mystérieux Clermont, Lyon OU, Montpel­ Alain Afflelou, déçu du foot (Bor-
DISPARAÎTRE DU PAYSAGE ? 42 ans passé par l’Ecole centrale de homme d’affaires mauricien. lier HR, Stade français Paris, deaux) qui est devenu l’actionnaire
Quand Max Guazzini entre dans la Paris –et qui vient de reprendre ré- L’hiver dernier, il avait tenté de Perpignan, Racing Metro 92, principal évinçant Francis Salago-
farandole, au début des années 90, cemment les rênes de la société fa- s’incruster à l’Aviron bayonnais RC Toulon, Stade toulousain. ïty au terme de maints soubresauts
personne ne se souvient qu’il existe miliale – est par ailleurs engagé qu’il a finalement quitté. Première journée le 28 août. en coulisses. •
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 SPORTS • 19

L’HISTOIRE
UNE EX­DOPÉE
S’INCRUSTE
À LAUSANNE
La Française Hind Dehiba,
demi­fondeuse suspendue
de 2007 à 2009 après un
contrôle positif à l’EPO, a
été autorisée à participer à
la réunion d’athlétisme de
Lausanne, jeudi, par un tri­
bunal suisse. Un coup dur
pour l’organisateur de la
7e étape de la Ligue de dia­
mant qui ne voulait pas
l’engager en tant qu’ex­do­
pée. «Si Hind Dehiba en
fait la demande, j’ai l’obli­
gation de la laisser courir
jeudi», a expliqué l’organi­
sateur Jacky Delapierre.
WIMBLEDON MARION BARTOLI CHUTE EN QUART Une fois sa peine purgée,
Après l’exploit, la désillusion. Marion Bartoli s’est inclinée hier en quart de finale du tour­ l’athlète d’origine maro­
noi de Wimbledon, face à une invitée des organisateurs, la jeune allemande Sabine caine s’était vu refuser
Lisicki, en trois sets (6­4, 6­7, 6­1). Au moins deux sets de trop pour Bartoli. Classée à l’accès aux grandes réu­
la 62e place mondiale, Lisicki est en fait une fantastique serveuse qui sort de plusieurs nions internationales en
mois de galères physiques et qui a montré hier à Londres un jeu plus proche de son réel Europe en vertu d’une
niveau. La Française, elle, a payé les efforts fournis la veille pour éliminer Serena Williams. recommandation d’Euro­
Selon la numéro 1 française, le mental était là, mais plus le physique. «Après le deuxième meetings, qui regroupe les
set, je pensais que le match était pour moi, mais mon corps n’a plus suivi.» PHOTO AFP organisateurs d’une cin­
quantaine de meetings qui
avaient pris l’engagement
8
C’est le nombre de joueurs exclus pour indiscipline
de l’équipe de football du Mexique, qui participe à
partir de vendredi à la Copa America en Argentine.
Selon la fédération mexicaine, ils ont été suspendus six
mois et sanctionnés d’une amende de 4170 dollars
(2906 euros), à la suite d’incidents survenus dans un
hôtel de Quito, en Equateur.
«Pour moi, il est indispensable qu’il y ait
un lien entre les gens qui sont au bord
de la route et les coureurs présents.»
Christian Prudhomme directeur du Tour de France, se
justifiant d’avoir réservé à des équipes françaises les quatre
invitations dont il disposait
FOOT (1) Dimitri Payet s’est cident de la route survenu à
engagé pour quatre ans avec Noël dans la cité nordiste.
Lille. L’ancien Stéphanois,
qui voulait rejoindre le PSG, BASKET Les Bleues ren-
a finalement été attiré par la contrent ce soir la Lituanie
Ligue des champions. Le en quart de finale de
transfert du joueur réunion- l’Euro 2011. En cas de vic-
nais serait de 10 millions toire, les Françaises, tenantes
d’euros. du titre, feraient un grand
pas vers la qualification pour
FOOT (2) Emerson, le défen- les JO de 2012, l’équipe vic-

Guyancourtbienencour moral de ne pas accueillir

des athlètes ayant été sus­
pendus pour dopage lourd.
Le cas Dehiba pourrait
seur brésilien de Lille, a
été condamné à cinq mois
de prison avec sursis et à
10000 euros d’amende pour
torieuse de l’Euro étant assu-
rée d’aller à Londres. Les
quatre nations suivantes de-
vront obligatoirement dispu-

auprèsdelaRyderCup faire jurisprudence. un délit de fuite après un ac- ter le tournoi pré-olympique.

GOLF Pour la Fédération française, l’Open de France Une face info Une face journal
est l’occasion de promouvoir son parcours pour 2018. continue numérique

VAL-D’OISE nari, et un paquet de Fran- château de Versailles, de

e
Sein çais : Bourdy, Havret, Jac- nuits au Trianon Palace (inté-
YVELINES  quelin, Wattel et d’autres. gralement réservé pour
Versailles  Ensuite il y aura l’herbe, les l’événement) et des virées
 genêts et les greens impecca- parisiennes qui ne seront pas
Guyancourt
ONN
N
ESSONNE bles du golf national, ce par- que culturelles. Comme la fé-
EURE
cours que la fédération a dération est loin d’être naïve,
EURE- conçu comme un «stade de elle s’est aussi attachée à bien
ET-LOIR 15 km golf» pour y accueillir de remplir la rubrique «Oppor-
grandes compétitions et tunités commerciales» (sic) du
a vedette du 95e Open leurs publics. Mais la Ryder dossier de candidature.

L de France ne sera pas

Rory McIlroy, puisque
le Nord-Irlandais a finale-
ment préféré se reposer
quelque temps sur les lau-
riers cueillis à l’US Open il y
a deux semaines. Non, la ve-
dette ce sera le parcours : le
Golf national de Guyancourt
(Yvelines), qui vient d’être
choisi pour être l’arène de la
Ryder Cup 2018, n’est pas
mécontent de dérouler sous
les caméras la jolie verdure
que foulera l’élite mondiale
dans sept ans.
Séduire. Reprenons. Le
jeune Rory (22 ans) sera ab-
sent malgré ses promesses,
mais il y aura quand même
du beau monde entre demain
et dimanche : l’Allemand
Martin Kaymer, l’Américain
Bubba Watson, le tenant du
titre espagnol Miguel Angel
Jiménez, les frangins italiens
Edoardo et Francesco Moli-
Cup, cette confrontation bi-
sannuelle entre les Etats-
Unis et l’Europe, il y avait
vraiment peu de chances de
l’y voir un jour. C’est que le
golf professionnel français ne
brille pas par ses performan-
ces, et que, pour un parcours
public, vouloir accueillir une
compétition «prestigieuse»
qui ne fréquente habituelle-
ment que des resorts de luxe
semblait une ambition dé-
mesurée. La fédération fran-
çaise, qui portait la candida-
ture, a pourtant su
convaincre les responsables
du Tour européen. Victoire
d’une candidature purement
sportive, payée par les licen-
ciés (à raison de 3 euros par
an pendant dix ans) ? Pas
seulement. Les organisateurs
de la Ryder Cup se sont aussi
laissés séduire par la pers-
pective d’un dîner de gala
dans la galerie des glaces du
Label. En gros, la question
du Tour européen était : si
vous emportez la Ryder Cup,
qu’est-ce que ça me rap-
porte ? What’s in it for me?
Via ses filiales European Tour
Courses et European Tour
Destinations, l’organisation
professionnelle gagne pas
mal d’argent en délivrant LA NOUVELLE APPLICATION
son label officiel à de nou-
veaux parcours et à des opé-
LIBÉRATION POUR iPAD
rations immobilières autour EST DISPONIBLE
des golfs. Comme le parcours
de Guyancourt existait déjà
et qu’il ne se prêtait guère à
la construction de villas de
luxe, la fédération a promis
de faciliter les démarches du
Tour en vue de l’ouverture
d’un resort avec deux par-
cours dans les Landes. Des Téléchargez-la
appuis locaux seraient ga-
rantis. Trois ou quatre sites
gratuitement sur iTunes
seraient à l’étude. Ainsi va le Plus d’information sur
sport de haut niveau.
ÉDOUARD LAUNET www.liberation.fr/ipad
 REBONDS
20 • LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

En attendant Gaïa, ou comment

l’homme a changé la Terre
C
Par BRUNO onscients des effets de l’action hu- Shelley, le Dr Victor Frankenstein s’accusait d’un péché Devant ce faisceau de paradoxes, on comprend que
LATOUR maine sur l’ensemble de la bios- –celui d’avoir été un apprenti sorcier–, pour en dissi- beaucoup préfèrent nier les avertissements et douter
Sciences­Po Paris phère, il paraît que les géologues se muler un autre, infiniment plus grave, celui d’avoir fui des sciences mêmes qui nous ont révélé le nom de no-
préparent à nommer «anthropo- horrifié devant sa créature laquelle n’est devenue un tre période. Cet «anthropocène» ils le trouvent mar-
cène» l’actuelle période de l’histoire monstre que parce que son auteur l’avait abandonnée. qué par un anthropomorphisme de mauvais aloi. Ils
de la Terre. Reconnaissons d’abord Au lieu de s’écrier, «Victor, arrêtez d’innover, de voudraient que la nature continue comme avant à ser-
la beauté de ce paradoxe : au mo- croire, de croître et de créer», il me semblerait plus fé- vir de décor au théâtre des seules passions humaines.
ment même où l’on se désespère de la fin des humani- cond de lui dire enfin: «Dr Frankenstein, retournez C’est pourquoi ils accusent volontiers les Cassandres
tés et des faiblesses de l’humanisme, au moment dans votre laboratoire et donnez enfin un visage à votre de tenir des discours «catastrophistes» ou même
même où l’on croit pouvoir parler d’une époque «pos- ébauche d’avorton.» Mais comment saurons-nous ren- «apocalyptiques». On leur donnerait volontiers rai-
thumaine», ce sont les blouses blanches qui recon- trer dans les laboratoires pour reprendre à nouveaux son puisque les apocalypses annoncées ne survien-
naissent aux pauvres humains un rôle tellement im- frais chaque détail de notre existence matérielle ? nent jamais, pas plus celle de saint Jean que de l’hiver
portant dans la machinerie terrestre –comme si nous Ce paradoxe-là n’est pas le moindre: une révolution nucléaire. C’est que les annonces de fin du monde ne
étions tous collectivement devenus la plus grande des des détails qui exige de combiner l’innovation la plus visent pas la seule dissolution matérielle mais plutôt
forces géologiques. Nous serions plus forts et plus in- échevelée avec les précautions les plus attentives au sort la révélation et surtout la conversion. On ne doit pas
fluents que les volcans? Aussi puissants que la tecto- des milliards de commensaux dont nous dépendons et les prendre tout à fait littéralement. Quand Dürer des-
nique des plaques ? Cela paraît invraisemblable. Et qui dépendent de nous. sine les planches de sa géniale Apocalypse, il est con-
pourtant, aux yeux des géologues, l’humanité est de- Et dans cet apprentissage impossible il faut entrer vite, vaincu à la fois que le monde va disparaître en 1500
venue cette espèce d’Atlas sur les épaules duquel repo- car on assure que Gaïa ne nous laissera pas beaucoup et qu’il va gagner beaucoup d’argent en les impri-
sent désormais l’assiette et l’assise de la planète. de temps. Certains affirment même qu’elle nous ferait mant… Mais on aurait tort de croire qu’il en est encore
Avec ce rôle indéfiniment étendu de l’humain, l’hu- la guerre. Les guerres nous connaissons, mais com- ainsi des discours qui annoncent l’irruption de Gaïa
manisme est peut-être de retour, mais il faut recon- ment croire qu’on peut gagner celle-là ? Si nous ga- dans notre vie –ou plutôt l’irruption de notre vie dans
naître qu’il a une drôle de tête puisqu’il mêle la morale gnons contre elle, nous perdons et si nous perdons ses boucles de rétroaction. Après tout, les géologues
à la géologie et qu’il confond dans le même terme les nous perdons encore! Drôle de guerre vraiment. C’est ne sont pas connus pour leur goût des métaphores,
sciences dites «sociales» et celles dites «naturelles». que la ligne de front dessine une relation à la fois plus si bien que la fin de la nature indifférente et extérieure
Comme un anneau de Moebius, cette Terre qui sem- menaçante et plus inventive, plus exigeante aussi, pourrait être infiniment plus littérale que celle de
blait nous contenir, nous la contenons à notre tour par pour laquelle nous n’avons ni les bonnes passions, Dieu. Contrairement à Godot, Gaïa risque, hélas, de
l’étendue même de nos actions. «Gaïa» est le nom que ni les bonnes intelligences. ne pas décevoir notre attente…
certains savants donnent
Les humains semblent avoir à ce ruban ou plutôt à ce
nœud coulant qui nous L'ŒIL DE WILLEM
changé la vie de presque tous étranglera avant que nous
les organismes dont ils ont croisé ne l’étranglions.
le chemin. Et pas seulement des Mais le paradoxe est aussi
baleines ou des ours polaires. politique. Vous vous sou-
venez de ce slogan des so-
cialistes, il y a trenteans: «Changer la vie»? Nous sa-
vons maintenant qu’il n’a pas été qu’une périlleuse
utopie. Les humains modernisés semblent être parve-
nus à «changer la vie» de presque tous les organismes
dont ils ont croisé le chemin –volontairement ou non.
Et pas seulement celle des baleines ou des ours polai-
res. Il faut qu’un vivant soit vraiment bien dissimulé,
plutôt coriace ou très menu pour avoir échappé à leur
activisme. Qu’on ne se plaigne pas de l’échec des ac-
tions révolutionnaires: leur réussite a été telle au con-
traire qu’il faut maintenant une autre révolution pour
réparer les effets de la première. Quel sera le slogan
de ces nouvelles actions qu’il faut bien appeler contre
ou mieux alter-révolutionnaires? «Changer la façon
de changer la vie» ? Une chose est sûre, il n’y a pas
encore de politique qui soit adaptée aux tâches de
l’anthropocène.
Qu’il faille modifier notre trajectoire, tout le monde
commence à en être d’accord. Sauf ceux qui vou-
draient continuer comme avant, du temps de la mo-
dernisation –mais ceux-là vivent sur une autre Terre
quatre à cinq fois plus grande que la nôtre, la seule
pourtant que nous ayons en partage. D’autres nous
demandent de décroître, en tout cas de nous faire plus
petits, plus discrets, ce qui reviendrait à plier notre
taille de géant pour devenir une sorte d’Atlas modeste
et frugal. Ce qui revient à nous demander d’abandon-
ner nos ambitions, nos espoirs de conquête, notre
goût pour l’artifice et l’innovation, sans oublier cette
volonté qui fut si belle de nous émanciper enfin de
toutes nos chaînes. Qui nous dira comment continuer
à nous libérer tout en prenant sur nos épaules l’écra-
sant fardeau de cet Atlas tectonique ?
On se souvient peut-être que, dans le roman de Mary
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 REBONDS • 21

Vous M. le futur président,

avez dit déménagez à Saint-Denis!
fédéralisme? Par NICOLAS BOUZOU
et BERNARD MARIS Économistes
grâce à l’installation de vos services, des
courtisans, des lobbyistes divers. Votre nou-
velle maison sera construite HQE, haute qua-

Q
uel pourrait être le premier acte, lité environnementale, peut-être même sera-
Par BERNARD
GUETTA Alors… hautement symbolique du futur
ou de la future présidente de la
République? Partir à Saint-Denis,
en banlieue, dans le «9-3».
t-elle autosuffisante en énergie. Vos voitures
électriques encadrées de motos électriques
iront rapidement à Roissy.
2) Une partie de l’Elysée serait transformée
Oui, mais comment faire? Il ne se passe nance aux pays en crise. Non seulement Quittant le VIIIe arrondissement, vous révé- en logements pour étudiants, voire en loge-
pratiquement plus de jour sans qu’une ces mesures de restriction budgétaire et lez la simplicité qui habite votre cœur: vous ments sociaux. Le coût de la construction de
voix ne s’élève en Europe, à droite, à de privatisation sont aussi contestables n’êtes pas intéressé par les ors de la Républi- votre nouvelle maison serait amorti par cette
gauche, au centre et ailleurs, pour dire qu’impopulaires mais elles ont été dic- que, les sabres des gardes républicains ou les reconversion. Sans doute faudrait-il conser-
qu’il faut des politiques communes à tées de l’étranger. peintures du salon Murat; richesses et hon- ver le parc de 1,5 hectare pour le bonheur des
l’Union européenne, qu’elle ne peut On ne saurait mieux faire pour rendre neurs sont peu de chose à côté de votre désir passants et des lecteurs. On n’irait plus flâner
plus rester au milieu du gué sans risquer l’Union haïssable et la tuer en voulant d’être proche du peuple, économe et mo- au Luxembourg mais à l’Elysée.
un délitement et que la crise grecque ne la sauver alors même que les Européens deste en ces périodes difficiles. Vous rendrez 3) Enfin, votre acte symbolique aurait un ef-
le démontre que trop. Certains vont ont besoin d’elle pour mutualiser leurs le palais de l’Elysée aux badauds du monde fet immédiat sur les dépenses publiques et
jusqu’à oser le mot de «fédéralisme», investissements, se réindustrialiser et entier, comme Versailles leur fut rendu. votre popularité : tous vos ministres iraient
d’autres pas, mais c’est bien l’idée faire face au dumping des pays émer- Outre son inappréciable caractère symbo- vers la simplicité, le coût du fonctionnement
fédérale qui revient en force, remise à gents. Il ne s’agit plus d’assurer la paix lique au pays de la monarchie républicaine de l’Etat serait réduit, on verrait des prési-
flot par la simple logique. mais de ne pas se laisser dépasser par (la proximité de la basilique de Saint-Denis dents de région louer la sobriété, et vos con-
Pas plus qu’un Etat-nation doté d’une d’autres continents, non plus de rem- conservant nos rois apaisera votre nostalgie citoyens, qui sont souvent des gens simples,
monnaie nationale ne pourrait avoir plir un objectif atteint mais de survivre et un simple décret suffira pour vous faire in- seraient emplis d’admiration pour tant de
autant de politiques que de régions, ou de couler ensemble. Le fédéralisme humer auprès d’eux), le déménagement aura simplicité qu’ils associeraient à de la compé-
l’Union ne peut avoir autant de poli- n’est pas qu’une évidence. Si l’idée de bonnes conséquences économiques. tence et à du souci du bien public. Vous serez
tiques que de pays membres. Ses fédérale revient en force, c’est qu’elle 1) Les prix de l’immobilier entre Paris et la évidemment réélu. Et nous vous en félicitons
27 Etats ne peuvent plus se passer de relève de l’urgence mais comment lui banlieue seront immédiatement rééquilibrés par avance, comme de cette bonne décision.
politiques sociale, industrielle et fiscale donner corps ?
communes, d’une politique économi- Ce n’est pas en se lançant dans une
que commune, car la monnaie unique énième révision des traités qu’on y par-
et la libre circulation des marchandises viendra. De nouveaux débats théori-
et des capitaux dans
l’espace européen ne DIPLOMATIQUES
ques ne feraient qu’ag-
graver les choses car les
PASSEZ L’ÉTÉ AVEC LIBÉ
peuvent pas s’accom- mêmes mots renvoient
moder de dumpings fiscal et social au à trop de perceptions différentes mais
Libération vous accompagne tout l’été
sein de l’Union et de trop grands écarts la dynamique fédérale peut être relan- sur votre lieu de vacances ou chez vous.
d’endettement et de productivité entre cée de deux manières, nullement con-
pays partageant la même devise. traires aux traités actuels. La première
Un enfant le comprendrait. Face aux serait que, dès les prochaines élections
crises grecque, irlandaise et portugaise européennes, les grands courants poli-
et aux dangers de contagion qu’elles tiques paneuropéens présentent des lis-
3 mois pour 49 €
comportent, l’enfant, qu’est l’Union, tes et des programmes communs pour
finit par le comprendre mais c’est là l’Europe, qu’ils annoncent que leur tête Réductio
n
55
que vient à se poser la question de la de liste deviendra président de la Com-
démocratie. mission s’ils obtiennent la majorité et %
Devant la menace d’incendie, dans que l’Europe élise ainsi un Premier mi-
l’urgence, les gouvernements euro- nistre et un gouvernement à même de
péens ont su s’asseoir sur les traités faire jeu égal avec la représentation des
Photos : 123RF - DR

pour créer un Fonds de solidarité finan- Etats qu’est le Conseil européen.

cière et épauler des pays que le krach de Ce gouvernement aurait ainsi une légi- 2 mois pour 39 €
Wall Street avait ébranlés ou qui timité européenne, celle d’une majorité 1 mois pour 26 €
s’étaient dramatiquement écartés des parlementaire et d’un mandat paneuro-
3 semaines pour 18 €
critères de convergence. S’ils ne péens. Comme dans toute fédération,
l’avaient pas fait, l’Union serait en train il y aurait un exécutif procédant du suf-
de couler sous nos yeux mais, la grande frage universel et une chambre des
majorité des gouvernements européens Etats chargée de défendre leurs intérêts
étant aujourd’hui à droite, ce sauvetage propres. Le tournant fédéral serait alors
Cet été, je m’abonne
À découper et renvoyer sous enveloppe affranchie à Libération, service abonnement, 11 rue Béranger, 75003 Paris
s’est accompagné de prescriptions obli- pris et l’autre voie à suivre, sans atten-
gatoires dont la pertinence est extrême- dre, est celle que proposent les gauches C’est l’été, je m’abonne à Libération chez moi ou en vacances :
ment discutable et, pire encore, cette allemande et française.
■ 3 mois 49 € ■ 2 mois 39 € ■ 1 mois 26 € ■ 3 semaines 18 €
austérité n’a pas été imposée par un Ensemble, elles se sont engagées, la se-
au lieu de 110 € (-55%) au lieu de 73 € (-46%) au lieu de 36,40 € (-28%) au lieu de 25 € (-28%)
gouvernement commun de l’Union, maine dernière, à promouvoir de
procédant d’une majorité élue. concert une taxation des transactions Nom Prénom
Dans la mesure où ce gouvernement financières, l’émission d’emprunts Adresse
n’existe pas et où les institutions com- européens et l’harmonisation des poli- Code postal Ville
munautaires elles-mêmes sont totale- tiques fiscales et sociales des Etats
Téléphone E-mail @
ment éclipsées depuis plusieurs années membres. S’ils gagnent en 2012 et 2013,
par les gouvernements nationaux qui socialistes français et sociaux-démo- Ci-joint mon règlement : ■ Chèque à l’ordre de Libération Signature obligatoire :
ont comme jamais repris en main les crates allemands mèneront une poli- ■ Carte bancaire N°
commandes de l’Union, ce sont les diri- tique européenne commune avalisée Expire le Cryptogramme Date
mois année les 3 derniers chiffres au dos de votre carte bancaire
geants français et allemands, le prési- par leurs électeurs. Compte tenu du AETE11
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 VOUS
22 • LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011

«J’ai décidé de
travailler jusqu’au
dernier moment.»
PHOTO MARC ABEL.
PICTURETANK

«Ne pas
revivre la
même rentrée
que cette
année»
VACANCES David S.,
25 ans, enseignant
stagiaire, achève
dans «Libération»
la chronique de sa
première année,
sans formation,
au collège.

S
eptembre 2010. David S., 25 ans, prof
d’histoire-géo débutant, est jeté sans
filet dans l’arène d’un collège. Comme
8 000 autres nouveaux enseignants du
secondaire, il n’a pas eu de véritable formation
professionnelle. Pour Libération, il accepte de
tenir un journal de bord. Nous en publions
aujourd’hui l’épilogue.

Mercredi 8 juin
La fin de l’année approche à grands pas et les
tâches restantes s’accumulent. J’ai été inspecté
au début du mois dernier. Les jours précédant
ce moment fatidique ont été particulièrement
désagréables. Mais l’inspection s’est très bien
passée. Les élèves (de ma meilleure classe) ont
vraiment été supers. Dès le début de l’entre-
tien, l’inspecteur a précisé que je n’avais pas
de souci à me faire pour ma titularisation. J’ai
donc abordé le dernier temps de l’année plus
détendu. Cependant, c’est une période un peu
traître. Les beaux jours arrivant, les élèves ont
tendance à se détendre eux aussi. D’une part,
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011
je ne veux pas prendre le risque d’un grand
n’importe quoi, d’autre part, je veux finir les
programmes. Pour maintenir les quatrièmes
sous pression, j’ai prévu des évaluations jus-
qu’au dernier moment. Je croule par consé-
quent sous les paquets de copies. Les élèves ont
fait des progrès et écrivent beaucoup plus.
C’est une véritable source de satisfaction, mais
je ne passe pas moins de trois heures par pa-
quet de quatrième. Ajoutons à cela les moyen-
nes et les bulletins à remplir, cette fin de tri-
mestre sera à l’image du reste de l’année :
sportive.
Jeudi 9 juin
Conseil de classe des quatrièmes C. J’ai pris pas
mal d’assurance au cours de l’année devant les
élèves et auprès de mes collègues. Même dans
la difficulté, je pense avoir trouvé ma place de
prof dans ce collège. J’arrive donc plutôt con-
fiant. Le principal entame le cas par cas en
commençant par le début de la liste alphabéti-
que. J’interviens quand cela me semble néces-
saire, quand soudain le prof principal de la
classe propose un redoublement pour un élève.
Un débat s’engage sur le bien-fondé et l’utilité
du redoublement en général et pour cet élève
en particulier. Je me sens tout à fait incapable
de donner mon point de vue. Le prof principal
pose sur moi un regard interrogateur. Je m’en
sors en posant une fausse question. Je ne sais
absolument pas si un redoublement peut être
profitable à tel ou tel élève. Je me fais alors
moins prolixe pour le reste du conseil.
Samedi 11 juin
«Laura a trouvé le poste de ses rêves.» Voilà un
moyen bien plus efficace qu’un café serré pour
se réveiller tôt un samedi matin. Le spot de
campagne de recrutement de l’Education na-
tionale me fait bondir. Le ministère supprime
plus de 15000 postes tout en faisant croire qu’il
en propose 17000. Postes pour lesquels la for-
mation sera franchement à revoir au vu de la
galère des enseignants stagiaires cette année.
Mardi 14 juin
La plupart de mes quatrièmes ont eu leur con-
seil de classe. L’ambiance est plus décontrac-
tée, et la tentation de défier les adultes plus
grande : «Monsieur, on ne va pas travailler, le
conseil est passé.» Je pense avoir compris com-
ment préparer un cours, même si ce n’est pas
encore parfait. Je vais essayer de diversifier
mes cours pour la fin de l’année pour les ren-
dre peut-être moins pesants. La préparation
d’un bon cours, intéressant et efficace, n’est
pas encore assurée. Autre tentative de leur part
pour ne pas bosser : «Vous êtes là l’année pro-
chaine ?» Cette question n’est pas nouvelle.
Elle est même récurrente depuis la mi-mai. J’ai
souvent répondu qu’ils verraient bien en sep-
tembre, mais ils n’étaient pas dupes et reve-
naient irrémédiablement à la charge. Objectif:
savoir si le prof reste pour se permettre quel-
ques écarts en cas de départ. J’ai trouvé une
parade. Je réponds que j’aurai bien deux troi-
sièmes l’année prochaine, dont une où je serai
professeur principal. L’effet est radical, les élè-
ves suivent le cours presque normalement.
Jeudi 16 juin
Nouvelle journée de forte tension. J’ai depuis
la fin mai un projet d’affectation : un collège
en ZEP à La Courneuve. Je suis plutôt content
parce qu’il s’agit d’un poste fixe. Mais ce projet
reste provisoire tant que les commissions pari-
taires ne se sont pas réunies. Crispé, j’attends
le résultat depuis hier. Il a été plusieurs fois re-
poussé. Le verdict tombe à 23h45, j’ai le poste.
Je suis avec quelques amis et ma copine. Je lève
VOUS • 23
mon verre, franchement soulagé. La hantise quelque chose de spécial. J’ai donc décidé
d’être TZR [titulaire sur zone de remplacement, d’apporter un paquet de bonbons pour finir le CARNET
ndlr] l’année prochaine est ainsi évacuée. Je cours dans la bonne humeur. J’écris le titre de
vais devoir tout reconstruire, mais je n’aurai la dernière partie du cours quand, soudain, un Décès
pas à le faire tous les ans. élève se lève et m’apporte un paquet. C’est une
boîte de chocolats et une carte signée par toute
Marc GARANGER
la classe : «Merci pour cette belle année.» Je les
Vendredi 17 juin remercie en bégayant, non pas d’énervement
et les familles
GARANGER et LEPAGNOL
Je pense que je vais avoir un de mes premiers pour une fois, mais je suis ému et déstabilisé. ont la douleur de vous faire
week-ends tranquilles de l’année. Je fais mon A la fin du cours, je referme la porte pour la part du décès de
planning. Je dois préparer la semaine de cours dernière fois passablement ébranlé. Pour l’ins-
pour les cinquièmes, faire des corrections et tant, seuls les souvenirs de bons moments re- Catherine
remplir les bulletins. Je mets quelques films sur font surface.
la justice au menu pour les quatrièmes. Si je
GARANGER,
parviens à tout boucler aujourd’hui, je n’aurai née LEPAGNOL
pas à toucher un bouquin jusqu’à lundi. Vendredi 24 juin cinéaste
Je ne m’étais pas réveillé à 10h30 depuis bien
survenu dans sa
longtemps. Cette sensation tient presque du
Samedi 18 juin décalage horaire. C’est encore un peu tôt pour
soixante-troisième année
le 26 juin 2011 à Lamblore
Bon, j’ai un peu traîné hier, mais promis, di- faire un bilan, mais je peux déjà jeter un regard elle s'est envolée avec les
manche, je ne fais rien. en arrière. Même si tout se termine bien et que petits-oiseaux
les derniers retours des élèves, des collègues qu'elle aimait tant !
et de l’inspecteur sont positifs, l’année a été Bénédiction à l'Église de
Lundi 20 juin riche, intense et surtout épuisante. Je pense Lamblore 28340,
le jeudi 30 juin 2011 à 14h30
J’attaque la dernière semaine. Il faut vraiment que j’ai dû, comme l’ensemble des stagiaires,
que je reste concentré. Je suis fatigué et j’ai en- aller chercher au fond de moi pour trouver les suivie de l'enterrement
vie de relâcher la pression, mais les incidents ressources permettant de finir l’année. C’est au cimetière.
marcgaranger@wanadoo.fr
se sont multipliés dans le collège ces derniers vrai que je me sens plus sûr de moi, mais tout
temps et je ne veux pas qu’il m’en arrive un. ça s’est fait au prix d’efforts extrêmes et de pé-
Je prépare les derniers conseils de classe des riodes de stress presque inhumaines. Il y a de Anne, sa compagne,
cinquièmes. Je remplis les bulletins avec plus nombreux acquis mais aussi beaucoup de cho- Marie-Claude, sa sœur,
Sa famille, Ses amis,
de sérénité. Je connais bien mes élèves mainte- ses à consolider et une formation à poursuivre.
ont la profonde tristesse
nant, et mes appréciations me semblent perti- Cette réforme n’est pas la bonne formule pour de faire part du décès de
nentes. Fini le remplissage pour le remplissage, entrer dans le métier. Etre placé en situation
je ponctue mes «Excellent trimestre» ou «Assez d’urgence permanente ne peut rien apporter
bon trimestre» par des commentaires plus ap- de bon aux élèves. J’ai rarement eu le temps de
Louis-Marc PILLET
Photographe
profondis sur chaque élève. penser correctement mes cours et les moments
de frustration ont été nombreux. Certes, nous le 22 juin 2011, à l'issue
avons appris à nager après avoir été jetés dans d'une maladie qu'il a
Mercredi 22 juin le grand bain, mais dans cette situation, cer- combattue avec tant de
Dernier jour avec mes quatrièmes. Je leur sou- tains se noient ou coulent profondément avant courage et d'élégance.
haite de bonnes vacances. Le climat dans la de remonter à la surface. Les dégâts psycholo- La cérémonie religieuse aura
classe est très calme. Les élèves de la qua- giques et sociaux ont été importants par mo- lieu le jeudi 30 juin 2011, à
trième A me répondent poliment. Comme ils ments. Une formation plus poussée et un ac- 10 h, à l'Auditoire de Calvin,
sont persuadés de me retrouver l’année pro- compagnement plus fort auraient pu éviter les place de la Taconnerie, 1204
Genève, suivie à 14h30 de
chaine, je leur annonce que finalement, je ris- moments de doute et de solitude. La solidarité
l'enterrement au cimetière
que de ne plus être au collège. Mais là où je suis entre collègues, et surtout entre stagiaires, a de Messery, Haute-Savoie.
certainement pu éviter de cra- Nous remercions
«Je croule sous les copies. […] Ajoutons à quer complètement, pour moi y chaleureusement la
cela les moyennes et les bulletins à remplir, compris. L’existence de syndi- doctoresse
cats et d’une organisation de France Laurencet et l'équipe
cette fin de trimestre sera à l’image du reste stagiaires comme «Stagiaire de l'unité 40 de l'Hôpital
de l’année: sportive.» impossible» a été salvatrice. de Bellerive de
C’était rassurant de savoir que l'accompagnement et des
David S. professeur d’histoire­géo soins apportés
ce comité s’est démené pour
le plus surpris, c’est avec la quatrième C. Ils obtenir des audiences au rectorat, au minis- à Louis-Marc.
En lieu et place de fleurs,
m’en ont fait voir de toutes les couleurs. J’ai tère, voire à l’Assemblée, et qu’il était possible
un don peut être adressé en sa
réussi à reprendre la main sur le dernier de se battre pour changer les choses. Le bilan
mémoire à la Ligue genevoise
trimestre, mais je ne pensais pas que ce serait de l’année comporte aussi quelque chose d’ir- contre le cancer (Banque
eux qui témoigneraient les marques de sym- rémédiablement négatif. Nous n’avons rien pu Lombard Odier Darier
pathie les plus sincères à la fin de l’année. obtenir pour modifier la formation des ensei- Hentsch
«Bonnes vacances, monsieur, et j’espère vous gnants, malgré nos efforts. Il est quasiment as- & Cie, 11 rue de la Corraterie,
avoir l’année prochaine.» Je rentre chez moi as- suré que nos successeurs, les futurs lauréats au Case postale 5215, 1211
sez troublé. concours, vont se retrouver dans la situation Genève 11 Code BIC : 8760,
que nous avons vécue. Leur formation conduite code SWIFT : LOCYCHGG
en même temps que le concours est plus compte n° 510361.00 IBAN:
Jeudi 23 juin qu’embryonnaire. Leur donner des classes à CH10 0876 0000 0510 3610 0)
.
Je suis arrivé tôt ce matin pour ma dernière plein temps, c’est poursuivre dans la folie.
Cet avis tient lieu
journée de cours. Les heures s’enchaînent et
de faire-part.
je dis au revoir à mes deux premières classes de
cinquième. J’ai décidé de travailler jusqu’au Lundi 27 juin Anne Turretttini,
dernier moment. J’ai la cinquième D de Station Stalingrad, ligne 7. Je suis déphasé. Je 10, place du Bourg-de-Four,
16 heures à 17 heures. Tout s’est très bien passé reviens de La Courneuve après une demi-jour- 1204 Genève.
avec cette classe cette année. Ils n’ont jamais née de visite dans mon prochain établisse- Marie-Claude Pillet,
manifesté la moindre hostilité ni la moindre ment. Le premier contact est loin d’être néga- 20, rue
remise en question, même quand mes cours tif, et l’équipe pédagogique semble Albert Thomas, 75010 Paris.
étaient difficiles à cerner. J’ai un souvenir de dynamique. Mais je me pose des questions.
flottement lors d’un cours sur le développe- Est-ce que je suis assez formé pour enseigner La reproduction
ment durable. Ils m’ont regardé avec des yeux dans un environnement totalement différent de nos petites annonces
est interdite
ronds pendant plusieurs minutes en train de avec des élèves bien plus difficiles? Tout sem-
m’empêtrer dans des explications fumeuses ble à reconstruire et je ne veux pas revivre la Le Carnet
sans jamais bavarder ni se déconcentrer. C’est même rentrée que cette année. Donc reprise Christiane Nouygues
aussi la classe qui a été parfaite le jour de mon du boulot à la mi-août, avec au programme : 0140105245
inspection. J’ai vraiment l’impression que nous préparation de cours en avance (un luxe !) et carnet-libe@amaurymedias.fr
avons construit une relation, ou du moins lecture d’ouvrages pédagogiques. •
 CULTURE
24 • MERCREDI 29 JUIN 2011
Le Cabinet des curiosités
de Mark Dion, au Musée
océanographique.
M. MAGLIANI B. PIOVAN. NMNM
Par ALEXIS JAKUBOWICZ
Envoyé spécial à Monaco
E
n 1884, le prince Albert Ier
de Monaco gonfle les voiles
de son Hirondelle jusqu’en
mer du Nord et en Baltique.
Cinq ans plus tard, il révèle aux cu-
rieux de l’exposition universelle de
Paris le fruit de ses découvertes :
des espèces marines demeurées in-
connues. Les collections du Musée
océanographique du Rocher pro-
viennent pour la plupart des vingt-
huit campagnes scientifiques orga-
nisées par ce prince voyageur. L’ar-
tiste américain Mark Dion a pêché
dans les réserves l’inspiration d’un
projet abyssal étendu entre le Mu-
seum et le Nouveau Musée national
de Monaco.
CHASSE AU TRÉSOR. Oceanomania
fait suite aux spectaculaires venues
de Damien Hirst et Huang Yong
Ping dans la Principauté. En 2010,
le Britannique et le Chinois étaient
les figures de proue d’une proacti-
vité culturelle souhaitée par l’ac-
tuel souverain, Albert II. Avec Mark
Dion, Monaco met à l’honneur un
artiste d’envergure internationale,
enseignant à l’université Columbia
de New York et célébré de la Tate au
MoMa. Né en 1961, Dion est origi-
naire de New Bedford, dans le Mas-
sachusetts. De la «cité des balei-
nes», où Melville a lui-même
harponné du cachalot, avant de
EXPOS Avec «Oceanomania», le plasticien américain
confronte ses œuvres aux collections du Rocher.
Mark Dion fait
écho à Monaco
publier Moby Dick en 1851, l’artiste
a gardé le goût de l’iode.
S’il manipule l’archivage comme
on le faisait dans les années 60 (Ro-
bert Moris, par exemple), son
conceptualisme, imprégné d’une
grande culture scientifique et natu-
raliste, le rapproche d’avantage des
peintres Walton Ford et Miquel Bar-
celó. Au Musée océanographique de
Monaco, l’artiste synthétise ces in-
fluences dans une chasse au trésor.
«C’est après avoir parcouru le bâti-
ment dans tous les sens, des coulisses
du neuvième sous-sol, en passant par
l’aquarium, jusqu’aux combles rare-
ment visitées, que Mark Dion a ima-
giné son Cabinet géant», explique
le conservateur Patrick Piguet. Dix
mètres de hauteur, dix-huit de
large soit 180 m2 pour organiser
dans la salle centrale du premier
étage une chambre des merveilles.
La pièce fonctionne sur un plan or-
thogonal : en abscisse (ligne hori-
zontale), l’artiste a classé les objets
du musée en fonction de leur quo-
tient naturel et culturel. Tout à gau-
che, dans des vitrines de
conservation centenaires, des spé-
cimens fossilisés. A droite, le sca-
phandre de Klingert, la Machine de
Georges Claude ou les skis de Gun-
nar Isachsen, témoins des efforts
développés par la science pour
connaître les fonds marins. En or-
donnée (ligne verticale), Mark Dion
a classé les objets selon leur taille :
en haut de la bibliothèque, des
poissons géants louchent sur le bas
de l’échelle comme ils le feraient,
vivants, sur du plancton.
Dans les autres salles du musée,
l’artiste a mêlé ses propres œuvres
aux collections d’ostéologie : un
héron momifié dans du goudron
(The Tar Museum – Heron, 2006),
un esturgeon sur un lit de bimbelo-
terie (The Sturgeon, 2010) ou un
ours polaire trimballant sur son dos
un palmier (Iceberg and Palm Trees,
2007). C’est que l’exposition s’ap-
puie sur la campagne de recense-
ment de la vie marine achevée
en 2010 et sur l’explosion de la pla-
teforme pétrolière de BP la même
année, dans le golfe du Mexique.
S’il y a du militantisme chez Dion,
il ne brouille jamais la valeur du
projet artistique. Pour s’en
convaincre, il n’y a qu’à voir la
suite d’Oceanomania au Nouveau
Musée national de Monaco.
A la Villa Paloma, l’Américain s’est
entouré d’une vingtaine d’artistes
qui ont tous peint, sculpté ou con-
ceptualisé la vie marine et ses fan-
tasmes. Sur la terrasse surplombant
la baie, Peter Coffin installe une vi-
gie, pirate scintillant, manchot,
cul-de-jatte et aveugle.
PIEUVRE. A l’intérieur, Mark Dion
expose avec la complicité de Marie-
Claude Beaud, la directrice, des ar-
tistes peu montrés en France : une
superbe pieuvre orange sur un tré-
pied de Katharina Fritsch, un aqua-
rium de David Casini caché derrière
une cheminée en marbre, un film
de Klara Hobza se préparant à
plonger dans le Rhin, le Main et le
Danube pour gagner la mer Noire
depuis la mer du Nord. Avec ces
jeunes pousses, Monet et Lucio
Fontana, un totem de Rose-Marie
Trockel en l’honneur de Cousteau,
un film de 1933 sur l’hippocampe
signé Jean Painlevé et l’improbable
série du mal-aimé Bernard Buffet
dédiée à l’œuvre de Jules Verne,
Vingt-Mille Lieues sous les mers.
«L’une de mes plus grandes craintes
était de confronter des jeunes artistes
presque inconnus en Europe à
d’autres confirmés.» Que Mark Dion
soit tranquille, il a rassemblé sans
limitation de forme ou de généra-
tion une belle délégation d’artistes
doués pour l’apnée. •
MARK DION OCEANOMANIA
Musée océanographique de Monaco et
Villa Paloma. Jusqu’au 30 septembre.
Rens.: www.nmnm.mc, www.oceano.org.
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 CULTURE • 25

L’HISTOIRE L’Unesco a choisi l’agropastoralisme

TANGUY ET
LAVERDURE
À ADOPTER
Cinquante ans, vingt­six
albums illustrés et autant
d’épisodes palpitants de la
série télévisée dérivée
(les Chevaliers du ciel)
après son décollage en flè­
che du pont de Pilote
(l’Ecole des aigles, dessi­
née par Albert Uderzo), la
série mythique de l’Alexan­
dre Dumas de la bande
dessinée, feu Jean­Michel
Charlier, Tanguy et Laver­
dure, pendant tricolore au
légendaire Buck Danny
Le catalogue de la vente organisée par la famille du chauffeur à Drouot. PHOTO F. GUILLOT. AFP américain du même, fait
l’objet d’un concours aussi
curieux que prestigieux.
AFFAIRE Un employé décédé de l’artiste intéresse aussi la Soit «Tanguy et Laverdure
cherchent dessinateur
justice dans l’enquête sur le vol présumé des 271 œuvres. (trice)». Avis aux amateurs.
Sous la haute autorité croi­
sée de la famille du roman­
Picasso: de l’électricien cier avocat (dessinateur,
rédac chef, globe­trotter,
journaliste d’investigation,
Ajournée en 2007 et 2009, la candidature des Causses et des
Cévennes a enfin été retenue, et le territoire inscrit au patri-
moine mondial de l’Unesco. L’Aveyron, le Gard, l’Hérault et
la Lozère portent «le rôle universel de l’agropastoralisme d’un
paysage culturel évolutif et vivant».
Mort d’un ami de Spirou
Les éditions Dupuis ont annoncé mardi dans un communiqué
que Thierry Martens, rédacteur en chef belge du Journal de
Spirou de 1968 à 1978, historien de la bande dessinée, roman-
cier et scénariste (sous le pseudonyme d’Yves Varende), est
décédé lundi à l’âge de 69 ans. On lui doit notamment une
Histoire de la bande dessinée en France et en Belgique (1980).
Lady Gaga soupçonnée
de malversation
Un recours en nom collectif a été lancé contre Lady Gaga par
un réseau juridique du Michigan (Etats-Unis). La star
n’aurait pas reversé l’intégralité des sommes liées à la vente
de bracelets, destinée à soutenir les victimes du séisme japo-
nais du 11 mars. La chanteuse est accusée d’avoir gonflé le
coût de ces bracelets, vendus 5 dollars l’unité (3,5 euros), et
d’avoir empoché les frais et taxes liés à leur transport.
«Peut-être John Lasseter sait-il que les
spectateurs américains aiment la vitesse,

au chauffeur essayiste) et du festival BD

de Chambéry en Savoie,
35e édition, un jury de spé­
cialistes sélectionnera,
les histoires d’espionnage et les blagues
référentielles […]. Ou que les enfants de
12 ans n’en ont rien à foutre des critiques.»
n moins d’un an, l’en- tenant à Pierre Le Guennec. tains dessins sont parus dans du 14 au 16 octobre pro­ Lu sur Comic Riffs blog du Washington Post, pour

E quête sur le vol pré-

sumé de 271 œuvres de
Picasso, redécouvertes chez
En fait, ils étaient apparen-
tés : Nounours, qui vivait
apparemment grand train,
un catalogue publié par un
marchand italien sous le titre
«Picasso la collection
chains, un lauréat parmi
les candidats ayant postulé
à la succession de Jijé,
la défense du dernier Pixar, Cars 2, descendu par la presse

son ancien électricien, Pierre
Le Guennec, a pris une nou-
velle tournure en s’orientant
vers un trésor non moins
considérable, amassé par ce-
lui qui fut le chauffeur de
l’artiste, Maurice Bresnu,
surnommé «Nounours».
Dans la foulée de l’audition à
Grasse (Alpes-Maritimes) de
Claudia Andrieu, juriste de la
Picasso Administration, qui
représente la famille du
peintre, un réquisitoire
supplétif a été délivré le
9 mai par le parquet. Une
semaine plus tôt, les époux
Le Guennec avaient été mis
en examen pour recel de
biens volés.
Tentaculaire. «Nous pen-
sons que ces gens nous racon-
tent des histoires sur la façon
dont ils sont entrés en posses-
sion des œuvres. Il y a des
incohérences dans leurs
déclarations et certains élé-
ments nous paraissent
invraisemblables», a fait
savoir le parquet. Après le
Monde, le Parisien a livré de
nouveaux éléments sur cette
enquête devenue tenta-
culaire. Une première alerte
avait été donnée en dé-
cembre, quand une vente à
Drouot, provenant de la
famille du chauffeur, avait
été interrompue, certaines
pièces étant saisies par
l’Office central de lutte con-
tre le trafic des biens cultu-
rels (OCBC). Dans ce lot sont
apparues des œuvres appar-
était marié à Jacqueline secrète». Patrice Serres ou Coutelis.
Le Guennec, la cousine de Certificats. Mais ces élé- L’heureux élu graphiste se
Pierre. Décédée après son ments donnent aussi des bis- verra proposer un contrat
époux en 2008, sans enfant, cuits à la défense : pourquoi d’édition pour illustrer une
elle avait fait de l’électricien
la succession n’a-t-elle pas histoire inédite de Jean­
à la retraite l’un de ses réagi plus tôt, alors même Claude Laidin, dans
héritiers. que Maya Picasso, la fille du la droite ligne très stricte
Même famille ou même peintre, avait délivré des de la saga des personnages
bande? Car le couple Bresnu certificats d’authenticité ? pilotes d’élite et de l’auteur
aurait écoulé par dizaines Un des éléments à charge est à l’imagination pharami­
le témoignage neuse, lui­même aviateur
«Nous pensons que ces gens d’un employé à entre autres vertus huma­
nous racontent des histoires tout faire des nistes.
Bresnu, qui vi- Renseignements sur le
sur la façon dont ils sont entrés vait chez eux. règlement complet de cet
en possession des œuvres.» Entendu toute appel à candidatures sous
Le parquet une journée forme de concours:
par l’OCBC, chambery.bd@wanadoo.fr
des œuvres du peintre. Il n’y Domingo a assuré que le B.
a rien d’étonnant à ce que le couple ne se cachait pas
chauffeur, qui a été plusieurs d’avoir «tout volé». Mais
années un familier, ait reçu dans le même temps, il se MÉMENTO
des dessins du maître. Pi- plaint de n’avoir pas été payé
casso pouvait être généreux, par eux pour son travail. Ap- George Benson Figure jazzy
mais il ne distribuait pas à paremment, devenue veuve, soul FM des années 80 Olympia,
tort et à travers son œuvre, Jacqueline Bresnu n’était 28, bd des Capucines, 75009. Ce
dont il avait une haute cons- guère appréciée à Sérignac, soir, 20 heures.
cience. Il prenait toujours le village du Lot où elle
soin de dater et signer ses s’était retirée et où l’on parle WU Lyf Le groupe le plus
dessins dès qu’ils sortaient d’«argent du malheur»… Un attendu du moment, sensation
de l’atelier. Et d’écrire le vrai feuilleton télé. crypto rock en provenance de
nom du bénéficiaire. Les Le Guennec, eux, protes- Manchester, dans une des plus
Problème : selon nos infor- tent de leur innocence. Leur petites salles de Paris, d’où
mations, plusieurs centaines défense s’arc-boute : pour grosse surchauffe en
d’œuvres seraient passées qu’il y ait recel, il faut prou- perspective Point Ephémère,
dans les mains des Bresnu, ver le vol, ce que rien pour le 190, quai de Valmy, 75010.
dont seulement une demi- moment n’établit. La justice Ce soir, 20h30.
douzaine portant la signa- tente d’accélérer le pas. Mais
ture de l’artiste. Nombre l’investigation, qui doit Brigitte Fontaine Nouvelle
d’entre elles auraient été s’étendre à plusieurs pays visite de l’exubérante chanteuse
vendues par le biais d’un an- voisins –on parle de compte de l’île Saint­Louis sur la base
tiquaire des puces et de mar- en Suisse–, prendra des mois d’un récent album de duos
chands d’art moderne, sinon des années. Bataclan, 50, bd Voltaire, 75011.
comme feu Jan Krugier. Cer- VINCENT NOCE Ce soir, 20 heures.
 ECRANS&MEDIAS
26 • LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011
Thierry Roland, Thomas Hugues et le goal «Greg» Coupet (de dos). Jean­Michel Larqué, lui, n’est pas loin. PHOTO S. CALVET
SHORT Pour compenser la baisse des droits télé, la Ligue de football professionnel
lance sa propre chaîne. Au programme: beaucoup de bla-bla et peu de matchs.
CFoot se tire un ballon
dans le pied
B
ien sûr, ils eurent des ora-
ges. Vingt ans d’amour,
c’est l’amour fol. Mille
fois Jean-Michel Larqué
prit son bagage. Mille fois Thierry
Roland prit son envol. Mais ils
s’aiment encore, Jean-Mimi et
Tout-à-fait-Thierry, même
relégués qui sur M6, qui on ne sait
trop où : voyez Larqué étreignant
l’épaule de son Roland sur fond de
placards publicitaires de CFoot…
La reconstitution de la vieille paire
de commentateurs, c’était le clou
de la présentation, hier, de la
chaîne créée par la Ligue de foot-
ball professionnel (LFP), en même
temps que, d’une certaine façon,
la métaphore de cette nouvelle
télé : rencontres historiques et
matchs de seconde zone.
Cerise. L’engin verra le jour
le 28 juillet prochain, sera dispo-
nible à peu près partout – câble,
satellite, ADSL– à commencer par
la TNT payante pour 3,99 euros
par mois. L’objectif de CFoot? Of-
ficiellement, être «le carrefour de
tous les footballs: amateur, féminin,
international». Officieusement, il
s’agit, pour la LFP, de se refaire la
cerise face à la baisse des droits
télé (510 millions d’euros lors du
tout dernier appel d’offres contre
PRESSE Les salariés
ont voté la grève.
«La
Tribune»
a un plan:
social
a nous a fait l’effet d’une
«Ç douche froide», décrit
un journaliste. Et mal-
gré les températures
étouffantes à Paris, les salariés
de la Tribune n’en ont pas senti
les bienfaits. Hier, la direction
du quotidien économique a an-
noncé un plan social prévoyant
la suppression de 17 postes, dont
13 au service édition. Réponse
du berger à la bergère, les sala-
riés ont aussitôt voté la grève
(67 votes sur 71) et le journal ne
sera pas dans les kiosques
aujourd’hui.
Dans un mail adressé hier à tous
les salariés, la patronne de la
Tribune, Valérie Decamp, a évo-
qué «un projet de réorganisation
de l’entreprise» (comprendre :
virer des gens) tout en faisant
du quotidien «le journal de réfé-
rence en matière d’information
économique et financière» (com-
prendre : on va faire plus avec
moins de gens, les gars). Dans le
détail, le plan consiste à faire
faire le travail de l’édition par
les rédacteurs grâce à un nouvel
outil informatique. Au passage,
Valérie Decamp indique égale-
ment «qu’il faudra inévitable-
ment remettre à plat les 35 heu-
res». Joie.
La rédaction, les salariés, la So-
600 lors du précédent). Et tenter d’Auxerre (oui, on a regardé sur Club, une émission «entre talk- ciété des journalistes et les syn-
de créer un contrepoids à la toute Wikipédia), Peggy Luyindula pour show et late show». dicats ont dénoncé «un plan so-
puissance de Canal+ en matière de les jeux vidéo (et aussi ex-footbal- Tout ça, certes, fait beaucoup de cial toujours inacceptable» qui,
foot télévisé. Pas fastoche. leur, nous dit-on) et «Greg» car parlotte et assez peu de matchs, précisent-ils, «ne peut de sur-
Du coup, CFoot – détenue par les c’est ainsi qu’à CFoot, on appelle non ? Il faut dire que la situation croît être négocié durant l’été, en
clubs professionnels et la LFP qui le goal Grégory Coupet. Egalement est étrange, qui voit la Ligue se cé- l’absence des élus et des sala-
lui apportent son budget annuel annoncés, Rolland Courbis et sa der à elle-même des droits qu’elle riés». Et de mettre les points sur
de 30 millions d’euros– aligne les grande gueule. Parce que, prévient vend très cher aux chaînes de télé. les «i» de La Tribune: «La réali-
vedettes. Enfin, faut voir… Outre Jean-Michel Roussier, le président «Ces droits nous appartiennent, in- sation d’un journal de qualité,
les Roland-Larqué en tête de gon- de la chaîne, CFoot «ne sera évi- dique Frédéric Thiriez. Si nous dont l’offre éditoriale n’est pas
demment pas la n’arrivons pas à les vendre, alors encore définie clairement, semble
Officieusement, il s’agit de tenter Pravda». Ah et nous pouvons les diffuser.» aujourd’hui techniquement in-
de créer un contrepoids à la toute puis aussi Thomas Affiche. C’est ainsi que tous les compatible avec des effectifs ré-
Hugues présen- droits de la Ligue 2 n’ayant pas été duits drastiquement.» Idée avan-
puissance de Canal+ en matière tera le dimanche attribués, CFoot peut diffuser le cée par l’équipe: une baisse des
de foot télévisé. Pas fastoche. un grand entre- multiplex du vendredi soir plus plus gros salaires du journal…
tien, nonobstant l’affiche de chaque journée, après La Tribune ne compte plus
dole qui présenteront Version ori- l’exclusivité qui le lie pourtant à sa diffusion sur Eurosport. Oui aujourd’hui que 181 salariés,
ginale soit des redifs de vieux France Télévisions. bon d’accord mais, insiste Jean- dont 85 journalistes. Le quoti-
matchs dont ils ont été les com- Là, on vous voit venir: et les fem- Michel Roussier, «les six derniers dien connaît une grave crise fi-
mentateurs, la chaîne aura une vi- mes ? Eh bien, nous assure Eric champions de France sont en Li- nancière depuis des années, et
trine en clair façon Canal+, entre Hannezo, ancien patron de sports gue 2». Et même qu’il y aura aussi la procédure de sauvegarde, qui
18 h 45 et 20 h 45, chargé de ra- de TF1 et désormais directeur des des matchs de Ligue 1 : chaque lui permet pour un temps de ge-
meuter de l’abonné. programmes de CFoot, «vous ver- mardi et chaque mercredi, soit en- ler ses dettes, a été prolongée,
C-Le Talk (et là, vous commencez rez beaucoup de filles sur cette tre trois et quatre jours après leur en juin, de six mois. En 2007,
à saisir que toutes les émissions ou chaîne, pour parler du foot féminin diffusion sur Canal+ (ou sur la Alain Weill (BFM TV, RMC) avait
presque se déclineront avec le «c» mais pas que». Monsieur est trop chaîne que va créer Al-Jezira, dé- racheté la Tribune avant de la
du nom de la chaîne) sera un genre bon. Ainsi Alexandra Rosenfeld sormais détentrice de certains céder pour un euro symbolique
de Grand Journal du ballon, copro- alias Miss France 2006 évoquera droits de Ligue 1). Jean-Michel à Valérie Decamp en 2010. Cel-
duit par RMC Sport et emmené les clubs amateurs tandis que Roussier se refuse à se fixer des le-ci n’a toujours pas trouvé
par David Astorga – qui a quitté Francesca Antoniotti que ses ta- objectifs d’audience et d’abonne- d’actionnaire pour le quotidien
TF1– et Julie Raynaud. En chroni- lents de chanteuse dans Star Aca- ment. C’est prudent. qui a besoin de 5 millions
queurs du show, on compte déjà demy 4 ont amené à devenir, oui, RAPHAËL GARRIGOS d’euros pour se renflouer.
Bernard Diomède, l’ancien ailier journaliste sportive, animera C-Le et ISABELLE ROBERTS R.G. et I.R.
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011
LES GENS
CANTELOUP,
L’ARME ANTI
«PLUS BELLE
LA VIE» DE TF1
TF1 a confirmé hier l’infor­
mation qui n’était jusque­là
qu’au conditionnel: le
recrutement de l’imitateur
Nicolas Canteloup pour un
programme court de cinq
minutes. L’humoriste –qui
poursuit sa collaboration à
la matinale d’Europe 1–
sera face à Nikos Aliagas
dans un décor de JT, avec,
déclare le directeur des
programmes de la Une,
Jean­François Lancelier,
«pour seule mission: faire
rire le public». Et aussi, ou
plutôt surtout, dézinguer
Plus belle la vie. Car ce
nouveau rendez­vous
devrait être diffusé vers
20h35, juste après le «vrai»
JT de Laurence Ferrari et
pile en face du soap mar­
seillais de France 3, en tête
des audiences à ce
moment­là. A cet horaire
stratégique, entre Scènes
de ménages sur M6 (autre
gros succès), fin de JT,
météo et tunnels de pub,
ce sont près de 25 millions
de téléspectateurs qui zap­
pent frénétiquement d’une
chaîne à l’autre, soit le pic
d’audience de la télévision.
PHOTO AFP
1er
tweet pour Benoît XVI.
Le pape a rédigé hier, vers
18 heures, son premier
message sur le site de
microblogging, de moins de
140 caractères comme il se
doit sur Twitter. Pour dire
quoi? Qu’il fait chaud dans
le métro et qu’il envie de
boire une bière? Qu’il est
en train de regarder
L’amour est dans le pré?
Même pas. Benoît XVI fait
en réalité de la retape pour
le nouveau site du Vatican:
«Chers amis, je viens juste
de lancer www.news.va/en.
Loué soit notre Seigneur
Jésus­Christ! Avec mes
prières et bénédictions!
B. XVI» Et on apprend, aux
petits caractères qui
accompagnent son mes­
sage, que B. XVI (nous ne
l’appellerons plus que
comme ça) a posté son
tweet depuis son iPhone.
ECRANS&MEDIAS • 27
L’HISTOIRE A LA TELE CE SOIR
DIVERSITÉ : UN RAPPORT PÉTRI TF1 FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +
DE BONNES INTENTIONS 20h45. Esprits 20h35. Le repaire de la 20h35. Des racines 20h50.Bliss.
«France Télévisions n’est pas encore la télévision de tous criminel. Vouivre. & des ailes. Comédie américaine
les Français.» Cette phrase, leitmotiv du premier rapport Série américaine : Série française : Passion patrimoine de de Drew Barrymore,
Mauvaises influences, Épisodes 3 & 4/4. l’Auvergne à la Lorraine. 111 mn, 2009.
du comité permanent de la diversité dans l’audiovisuel Tueuse de luxe, Avec Jean-Marc Barr, Magazine présenté par Avec Ellen Page, Marcia
cuvée 2010, est encore d’actualité cette année, nuances L’origine du mal. Claude Perron. Louis Laforge. Gay Harden, Kristen
en prime. L’édition 2011, rendue hier matin au ministère de Avec Joe Mantegna, 22h15. Plein 2 Ciné. 22h30. Soir 3. Wiig.
la Culture, revient sur les quelques progrès effectués Matthew Gubler. 22h25. Une maison 22h55. Ces gens qui 22h40. T-shirt stories.
en la matière tout en proposant de timides pistes 23h15. Flashforward. peut en cacher une nous sauvent. Documentaire.
de réflexion. Le comité, fondé en 2009 à l’initiative de Série américaine : autre. Magazine présenté par 23h40. Comme les 5
Patrick de Carolis, ex­PDG de France Télévisions et pré­
Dernière ligne droite, Divertissement Robin Durand. doigts de la main.
Le jour J, Bienvenue présenté par 0h25. Tout le sport. Policier français
sidé par Hervé Bourges, veut promouvoir la diversité dans le futur. Marine Vignes. 0h35. Couleurs d’Alexandre Arcady,
sociale et ethnoculturelle dans les chaînes télé publiques. Avec John Cho. 0h15. Journal de la outremers. 117 mn, 2009.
Après un éloge posthume et consensuel de Nadia Samir, 1h35. 50 mn inside. nuit. Magazine. Avec Patrick Bruel.
première présentatrice arabe sur une chaîne française
(TF1), florilège d’autocongratulations au menu pour les
avancées jugées significatives sur France Télévisions. ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5
Entre autres, Audrey Pulvar nommée chez Ruquier, ou 20h40. Rome. 20h45. Pékin express : 20h35. Sniper 3. 20h35. La maison
France Ô érigée comme modèle de la diversité. Le rap­ Série britannique : la route des grands Film d’action américain France 5.
port 2011 préconise une visibilité accrue des minorités à Bons augures, mauvais fauves. de P.J. Pesce, 90 mn, Magazine présenté
la fois à l’antenne, dans l’équipe mais aussi dans le con­ présages, Jeux de Épisode 11 - Demi finale 2004. par Stéphane Thebaut.
tenu des programmes proposés. Révolutionnaire, quoi. dupes, Octave devient sous tension. Avec Tom Berenger, 21h20. Silence, ça
Reste de bonnes intentions, mais concernant un nombre un homme. Jeu présenté par Byron Mann, pousse !
Avec Kevin McKidd, Stéphane Rotenberg. John Doman. Magazine.
restreint de personnes, comme des bourses et proposi­ Polly Walker. 23h30. Albert et 22h05.
22h10. Icarus.
tions de stages chez France Télévisions accordées aux 23h35. Si loin, Charlène : Le roman Film d’action de Dolph C’est notre affaire.
jeunes des banlieues. G.F. et M.W. si proche. d’un amour Lundgren, 88 mn, 2010. Magazine.
Drame allemand de impossible. Avec Dolph Lundgren, 22h40. C dans l’air.
Wim Wenders, 135 mn, Documentaire. Stefanie von Pfetten. Magazine.
VU DE MA LUCARNE 1993. 0h40. Burn notice. 23h40. Fear Island : 23h45. Planète insolite.
Avec Otto Sander. Série. L’ile meurtrière. Porto Rico.
Par MARGAUX WARTELLE 1h55. Asylum. 1h40. Météo. Téléfilm. Documentaire.
Une histoire enlevée LES CHOIX
du T-shirt
u consommateur «skate», symbole d’une jeu-
D lambda au monde
underground, avec
The Shoes en bande-son.
nesse contestataire avec le
mouvement punk, «White
Tee» chez les «gangstas» ri-
Se présentant comme la cains, et j’en passe : Dimitri
chronique d’un incontour- Pailhe (journaliste) et Julien Asthénie Mélancolie Déception
nable, T-shirt Stories est donc Potard (réalisateur) font l’in- Téva, 20h35 M6, 20h45 France 2, 22h25
la biographie d’un basique de ventaire des moments mar- Les gars, on n’y croit plus. Et même Pékin Express, Et ce Une maison peut en
notre garde-robe, aka le tee- quants de notre fringue pré- Et ce n’est pas ce 15 ans de depuis que Denis et César cacher une autre qui s’atta­
shirt. Du blanc moulant sexy férée (ou pas). séries Téva (Ally McBeal, sont partis, c’est d’un que à la déco sans redéco­
façon James Dean au T-shirt Sex and the City…) qui va triste. La demi­finale, c’est rer la baraque pour de
arty et branché en passant Egalement au programme, nous requinquer. ça? Ouais, bof. vrai, c’est d’un déceptif…
par le plouc-donc-tendance une sucess-story à la cana-
période «ridicool», ce docu- dienne avec le récit de Dov
mentaire retrace assez effi- Charney, créateur d’Ameri- PARIS 1ERE TMC W9 GULLI
cacement une histoire riche, can Apparel, ou l’engoue- 20h35. Gad Elmaleh : 20h40. Le bêtisier de 20h40. Hard Luck 20h35. L’instit.
commentée notamment par ment inattendu pour ces T- L’autre c’est moi. la plage. (Middleman). Carnet de voyage
des spécialistes de la mode, shirts avec têtes de loups, Spectacle. Divertissement Drame américain de Madagascar.
des collectionneurs aguerris clairs de lune et compagnie. 22h40. Le cabaret new présenté par Mario Van Peebles, Avec Gérard Klein.
ou encore des anonymes, Au final, un reportage diver- burlesque. Sandra Lou. 101 mn, 2006. 22h05. L’instit.
tous convaincus des vertus tissant et bien construit, Spectacle. 22h20. Le grand Avec Wesley Snipes, Téléfilm français :
0h10. Le mariage de bêtisier. Cybill Shepherd. Carnet de voyage en
dudit vêtement. avec une galerie de person-
Diana Spencer et Le bêtisier de Pâques. 22h20. Jeu fatal. Guyane.
nages attachants, notam- Charles d’Angleterre. Divertissement. Téléfilm de Roel Reiné. Avec Gérard Klein.
Car oui, le T-shirt est révéla- ment Jonny Makeup, collec- Documentaire. 0h00. Incroyable Avec Steven Seagal, 23h35. Corneil et
teur d’une époque ou d’une tionneur déluré de T-shirts à 1h10. Paris Dernière. mais vrai, le mag. Renee Goldsberry, Bernie.
personnalité. Fans de hard l’effigie de Madonna. Magazine présenté Magazine. Paul Calderon. Jeunesse.
rock en mal de logos rassem- par Philippe Besson. 1h55. Music in the city. 0h10. Jail : destination 23h55. Le monde fou
T­shirt Stories, documentaire, 2h15. Programmes de 2h00. Incroyable mais prison. de Tex Avery.
bleurs, invention d’un style Canal+, ce soir, 22h40. nuit. vrai, le mag. Documentaire. Jeunesse.
Reportage bidon à TF1: NRJ12 DIRECT8 NT1 DIRECT STAR
les deux journalistes mis à pied 20h35. Les Cordier,
juge et flic.
20h40. Présumé
innocent.
20h40. Bébé à bord.
Téléfilm de Nicolas
20h35. Le zap Direct
Star.
Téléfilm français : Documentaire Herdt. Divertissement
Les deux journalistes auteurs d’un reportage bidon sur le
Mort d’un avocat. présenté par Avec Emmanuelle présenté par
contrat de responsabilité parentale (CRP) diffusé jeudi der- Avec Pierre Mondy, Jean-Marc Morandini. Boidron, Jennifer Claire Arnoux.
nier au JT de 13 heures de TF1 ont été mis à pied (Libération Bruno Madinier. 22h50. Présumé Lauret, Yann Sundberg. 22h30. Star report.
du 25 juin). Frédéric Touraille, directeur général du quotidien 22h25. Les Cordier, innocent. 22h20. Ali Baba et les Bienvenue à
Nice-Matin et de sa filiale NMTV qui livre à la Une des sujets juge et flic. Documentaire 40 voleurs. Bimboland : Les
clés en main, a justifié sa décision en évoquant des «préjudices Téléfilm français : présenté par Téléfilm de Pierre playmates.
assez forts». Le reportage mettait en scène une mère en dé- Dette mortelle. Jean-Marc Morandini. Aknine. Magazine présenté par
tresse, sauvée par le CRP mis en place par le député UMP et Avec Pierre Mondy, 0h50. Morandini ! Avec Gérard Jugnot. Claire Arnoux.
président du conseil général des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti. Bruno Madinier. Magazine. 1h40. Jeux Actu. 23h30. Enquête très
Sauf que la mère était en réalité l’attachée de presse de 0h00. Les anges de la 2h00. 24 h Buzz. 2h05. La dynastie des spéciale.
télé, le mag. Magazine. dragons. Magazine.
Ciotti… Elle a démissionné depuis.
 GRAND ANGLE
28 • LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011
Dans la montagne mahoraise, sur l’exploitation agricole d’Omar Boitcha l’un des rares jeunes producteurs d’ylang­ylang.
L’ylang-ylang
à l’agonie
Par RÉMI CARAYOL
Correspondance à Mayotte
Photo VINCENT NGUYEN. RIVA PRESS
L
e Golf Club les Ylangs est un
lieu prisé, à Mayotte. Tout le
gratin de l’île aime s’y re-
trouver autour d’une partie
suivie de quelques verres. Il y
fait frais, peut-être trois ou
quatre degrés de moins que
sur la côte, et le site est ma-
gnifique. Le parcours, un neuf trous, baigne
dans une forêt de plantes tropicales et de
pieds d’ylangs-ylangs. Au crépuscule, les
odeurs dégagées par cette petite fleur jaune
si prisée des parfumeurs embaument le club-
house, une bicoque au toit en tôle qui ne paye
pas de mine avec ses chaises et ses tables en
plastique. Difficile d’imaginer qu’il y a trente
ans, les neuf hectares du golf aujourd’hui es-
sentiellement fréquenté par des mzungus
(ainsi appelle-t-on les Blancs) étaient l’une
des plus importantes plantations d’ylangs-
ylangs de l’île. Ici trimaient cueilleurs et
cueilleuses en guenilles.
Comme autrefois le clou de girofle, le café et
Cette petite fleur jaune prisée des parfumeurs
et cultivée à bas coût a fait la fortune de l’île.
Depuis les années 2000, la filière s’effondre.
la vanille, l’ylang-ylang se meurt à Mayotte,
cette petite île nichée dans la partie orientale
de l’archipel des Comores, devenue, le
31 mars, le 101e département français. «Si on
ne fait rien très rapidement, la filière risque de
s’effondrer», s’inquiète Isabelle Valade, une
botaniste spécialisée en écologie tropicale qui
tire l’alarme depuis une dizaine d’années.
«L’époque du tout chimique est pourtant révo-
lue, relève la scientifique. Depuis cinq ou six
ans, les parfumeurs en sont revenu du recours
aux produits de synthèse.» Grasse, la capitale
mondiale de la parfumerie, en Provence, ne
Mayotte
jure que par cette fleur qui embaume et se
marie si bien avec d’autres essences. On
trouve de l’huile d’ylang-ylang dans
300 parfums pour femme dont Chanel n°5,
Poison de Dior, l’Air du temps de Nina Ricci.
Mais il n’empêche : cet extrait de Mayotte,
réputé être le plus subtil, n’est plus compéti-
tif. Dans les années 70, les Mahorais produi-
saient près de 40 tonnes d’huile essentielle
de Cananga odorata, c’était là leur première
culture de rente. Avec l’île comorienne d’An-
jouan, située à 70 kilomètres de ses côtes, in-
dépendante de la France depuis 1975, ils do-
minaient le marché mondial. Aujourd’hui,
ils en vendent moins de 2 tonnes. Mayotte
s’est fait doubler, et de loin, par les Comores.
Après le parfum, le béton
Originaire d’Asie du Sud-Est, introduite dans
cette région de l’océan Indien à la fin du
XVIIIe siècle, Cananga odorata a rapidement
fait la réputation de Mayotte et d’Anjouan,
devenues «les îles aux parfums», et de quel-
ques-unes de leurs plus belles fortunes. Celle
des Kakal est emblématique du destin de
l’ylang-ylang mahorais. Cette famille de pe-
tits commerçants indiens émigrés à Mada-
gascar, devenue l’une des plus puissantes de
la région après avoir racheté, en 1958, une
plantation coloniale sur la grande île.
En 1970, Ismail, le fils du patriarche, mise sur
Mayotte et en quelques années, la Société des
plantes à parfum de Mayotte (SPPM) devient
un empire dont la pierre angulaire est
l’ylang-ylang. Vingt ans plus tard, le fils d’Is-
mail, Gamil, anticipe la fin de la fleur jaune:
la France commence à investir dans l’île, elle
construit des écoles, des routes, des hôpi-
taux. Gamil Kakal pressent que l’avenir est
au béton. Il abandonne cette filière, se lance
dans la fourniture de matériaux du BTP, puis
dans le ciment, le gaz, le riz, la grande distri-
bution. Le groupe s’appelle Cananga, mais
de la culture de la fleur, il ne reste rien dans
l’empire Kakal.
La conversion de cette entreprise familiale
illustre bien les difficultés à maintenir à
Mayotte la culture d’une plante qui en fut
l’un des symboles. Si Gamil Kakal a prévu
que les investissements de la France allaient
faire bondir la demande de béton, il a aussi
compris que la filière survivrait mal à l’ex-
plosion du niveau de vie qui découlerait des
changements préalables à sa départementali-
sation. En quelques années, la fonction pu-
blique est devenue la principale source d’em-
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 • 29

Unité de distillation de l’ylang­ylang à Mayotte. Son essence entre dans la composition de 300 parfums, dont Chanel n° 5, Poison, l’Air du temps.

plois, les salaires ont été décuplés, rendant colte était assurée par la famille du produc- cette chasse aux clandestins. Le célèbre par- Papa Ylang ? Un peu. L’envie le tenaille de
la cueillette de l’ylang-ylang dix fois plus teur. «Quand j’avais 12-13 ans, avec mes tantes fumeur français qui a déclaré en octobre 2010 décamper vers La Réunion, de fuir, comme
chère à Mayotte que dans les îles voisines. Le et mes grands-parents, on allait tous aux «je ne sais pas si les nègres ont toujours telle- il dit, «cette réserve de fonctionnaires». Pour
salaire minimum tourne ici autour de champs. On y allait aussi avec l’école cora- ment travaillé» en a fait bosser, pourtant, lui, l’avenir est déjà écrit. «En 1929-1930, les
1 000 euros contre 80 euros à Anjouan et nique», se souvient Omar Boitcha, un pro- dans ses vastes plantations. En 1995, il avait Philippines exportaient 30 tonnes de fleurs. Puis
30 euros à Madagascar. «On ne peut pas riva- ducteur de la jeune génération. acheté plusieurs hectares de la Bambao, une les Américains sont arrivés, le niveau de vie a
liser, constate Isabelle Valade. Cette fleur ris- ancienne société coloniale, sur lesquels tra- augmenté et en 1931-1932, elles faisaient
que de connaître le même sort que le géranium Chasse aux clandestins vaillaient des dizaines de producteurs. Un 10 tonnes. Ça n’intéressait plus personne. Ici
bourbon à La Réunion où la production est pas- Mais au fil de l’évolution de Mayotte, les tâ- parfum (Mahora) est né de cette aventure c’est pareil: l’ylang-ylang sera bientôt bon pour
sée de 12 tonnes à 2 tonnes avec l’introduction ches agricoles sont devenues trop ingrates et éphémère. En 2002, l’inspection du travail le musée !» Hassani Soulaïmana, lui, croit
du Smic.» pas assez bien payées pour les Mahorais. Les a épinglé le parfumeur qui a aussitôt démé- dans l’avenir du pôle. Il n’a pas encore
Toute la chaîne de la filière s’effiloche. Chris- producteurs ont alors fait appel à la nagé sa production, à Anjouan, d’où venaient 25 ans, mais il s’est déjà fait un nom dans
tian Oheix, 80 ans, est le dernier des sept main-d’œuvre clandestine abondante sur la plupart de ses cueilleuses clandestines. l’île. Toute son enfance, il a vu son père tri-
«collecteurs» qui exportaient encore l’île: près d’un tiers de ses 200000 habitants «Dans nos rapports officiels, on le dit: la filière mer dans les champs pour pas grand-chose.
l’ylang-ylang dans les années 90. «Si je serait en situation irrégulière. Mais, depuis ne vivra que par le biais des Anjouanais», indi- Christian Oheix, il l’aime bien – «il a fait
n’étais plus là, dit-il non sans raison, l’ylang- 2005, l’Etat a fait de la traque aux sans-pa- que Ibrahim Moussa, un techni-
ylang serait mort.» Quand, en 1984, il débar- piers une priorité, expulsant plus de cien un rien désabusé de la «Cette fleur risque de connaître le
que de Madagascar avec Pochime, son épouse 90000 personnes au terme de contrôles zélés chambre d’agriculture de
malgache d’origine chinoise, il découvre à menés jusque dans les campagnes. Et les Mayotte. «Il y a eu de nombreuses
même sort que le géranium bourbon à
Mayotte «un terroir exceptionnel» et une con- clandestins ont à présent peur de travailler à négociations pour régulariser les La Réunion où la production est passée
currence à sa mesure. «On se tirait la bourre découvert dans les champs. «Avant, on pou- gens, mais ça n’a jamais abouti.» de 12 tonnes à 2 tonnes avec
avec les autres collecteurs, se souvient-il. Il y vait aller cueillir sans risquer de se faire attraper Pour sauver l’ylang-ylang maho- l’introduction du Smic.»
avait de sacrées peaux de bananes sur notre par la PAF [Police aux frontières, ndlr]. Plus rais, l’Etat mise plutôt sur la
passage. Les Indiens faisaient passer des mes- aujourd’hui», raconte Faouzia, une cueilleuse création d’un pôle d’excellence
Isabelle Valade botaniste tropicale
sages via les imams qui, du minaret, criaient de venue clandestinement d’Anjouan à Mayotte rurale (PER). Sur le papier, tout
ne pas vendre l’huile aux Blancs.» Une époque dans les années 2000. Comme elle, une qua- est parfait. Un seul et même site aura plu- beaucoup pour l’ylang-ylang» –, mais son
révolue. Les producteurs d’ylang-ylang sont rantaine de femmes offraient leurs bras pour sieurs missions: accueillir les touristes, offrir temps est passé, estime-t-il. Avec son père,
deux fois moins nombreux qu’il y a dix ans presque rien –entre 30 et 50 centimes d’euros un espace aux producteurs pour la distilla- Hassani vend aux touristes des crèmes anti-
– beaucoup se sont re- le kilo de fleurs ramas- tion et la commercialisation de l’huile essen- moustiques et des huiles de massage qu’il a
convertis dans la banane 30 km sées, soit pas plus de tielle, et développer la recherche pour élaborées en autodidacte, avec un laboratoire
GRANDE COMORE
et le manioc – et près 15 euros une grosse s’ouvrir aux nouvelles niches telles que l’aro- basé à Annecy. Le pôle d’excellence rurale
de 80% d’entre eux Océan journée de travail. «Les mathérapie. «C’est l’avenir de l’ylang-ylang (PER) «répond parfaitement à ce qu’il faut faire
ont plus de 50 ans. «A Moroni Mahoraises préfèrent tou- mahorais, estime Isabelle Valade. On ne de l’ylang-ylang», dit-il. Il a juste une
Mtsangamouji, il y en Indien cher le chômage. Nous, on pourra plus rivaliser avec les Comores et Mada- crainte: «Qu’on donne, encore une fois, la maî-
avait 37, il n’en reste que a besoin de travailler pour gascar sur le plan de la quantité. Il faut viser la trise du projet à quelqu’un venu de l’extérieur.
3. Ils étaient 20 à Poroani, MOHÉLI manger et s’acheter un qualité.» Coût estimé de l’opération, si elle Nos parents étaient des ouvriers, ils ne déci-
ils ne sont plus que 2», dit ANJOUAN peu de savon», expli- voit le jour : 3 millions d’euros. daient de rien. Je ne veux pas vivre la même
Christian Oheix qu’on quait-elle il y a trois ans. chose.» Installé, avec son ordinateur portable
appelle ici «Papa
Dzaoudzi
Ces derniers temps, Un pôle d’excellence rurale dans un banga, une case en torchis plantée
Ylang». Faouzia et ses amies se Voilà qui fait bien rire Christian Oheix. «A sur les hauteurs de la propriété paternelle,
Quant aux cueilleurs, ils Poroani cachent. Mayotte, on est capable de financer des camions Hassani Soulaïmana se donne moins de trois
ont aussi déserté la fleur Jean-Paul Guerlain lui- réfrigérés pour transporter les fleurs, mais pas ans pour ouvrir son propre labo et lancer ses
jaune. Longtemps, la ré- MAYOTTE (FRANCE) même a fait les frais de de se préoccuper de qui va les cueillir.» Aigri, produits à la conquête du monde. •
LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011
PORTRAIT AURÉLIE TROUVÉ
Coprésidente d’Attac-France, cette économiste de 31 ans
s’est symboliquement portée candidate à la tête du FMI.
Lagarde-barrière
Par CLÉMENT GHYS
Photo FRÉDÉRIC STUCIN. MYOP
L
e scénario a déjà été écrit, et tourné. En 1939, dans
Mr. Smith au Sénat, Frank Capra décrit l’arrivée inat-
tendue d’un jeune boy-scout idéaliste et naïf (James
Stewart) dans les arcanes du pouvoir, à Washington.
Mais les chances étaient d’emblée maigres pour que le script
devienne réalité dans le cas d’Aurélie Trouvé, économiste de
31 ans et coprésidente de la branche française de l’association
altermondialiste Attac, qui a annoncé le 9 juin sa candidature
à la tête du FMI. Plusieurs raisons à cela. Primo, la jeune
femme n’a de commun avec les boy-scouts ni la naïveté ni
le genre, seulement un certain idéalisme. Deuzio, tous les
experts ont parié sur l’élection à la tête de l’institution finan-
cière de la ministre frenchy Christine Lagarde.
Dans les locaux d’Attac, la jeune femme brune, en jeans, un
peu gênée d’être ainsi portraitisée, qualifie sa candidature
de «blague devenue sérieuse». Tout est parti des réseaux
sociaux, Facebook ou Twitter – elle ne sait plus très bien –
où des activistes ont émis l’idée d’un candidat de l’associa-
tion. L’information est remontée, et une phrase a commencé
à circuler: «Aurélie au FMI!» Elle a hésité, un peu, avant de
se lancer. En sachant qu’évidemment c’était perdu d’avance
puisque le fonctionnement de l’institution prévoit que pour
être éligible, un candidat doit être présenté par un gouver-
neur du Fonds, représentant d’un pays.
Dans une lettre publique à Christine Lagarde, elle lui deman-
dait de «présenter [sa] candidature, sans nécessairement la sou-
tenir» afin de «confronter [leurs] points de vue», le sien s’ins-
pirant, selon elle, de «la réflexion collective approfondie menée
de longue date par la société civile internationale». L’annonce
d’une candidate d’Attac au FMI a fait le buzz, expression nou-
velle dans le vocabulaire altermondialiste. Et Aurélie Trouvé
est devenue en quelques semaines le porte-drapeau d’un
«autre FMI», s’insurgeant contre la politique «néolibérale»
de DSK, estimant Christine Lagarde «pire encore». «Si l’on
avait su que ça marcherait autant, on serait allés beaucoup plus
loin, regrette-t-elle presque. On s’est rendu compte que la can-
didature d’Attac avait créé un vrai espoir. Le réseau international
s’est mobilisé.» Elle ajoute que la candidature effective aurait
pu être possible puisqu’un militant d’une branche sud-amé-
ricaine d’Attac est très proche du représentant du Venezuela
qui aurait pu déposer officiellement son dossier.
Un autre FMI aurait donc été possible. Et donc un monde où
les plans d’austérité, «inefficaces, injustes et catastrophiques»,
seraient interdits, les transactions financières taxées, l’écolo-
gie au centre du débat et l’économie mondiale «rééquilibrée».
Les adeptes de politique-fiction s’amuseront à imaginer les
mines médusées que l’on aurait pu voir au siège de Washing-
ton lors de son discours d’investiture, en cas d’élection.
Aurélie Trouvé est économiste de formation, ce qui lui fait
dire avec malice, qu’elle a «plus de compétences et connaît
mieux le sujet» que Christine Lagarde. Née à Chauny, en
Picardie, en 1979, elle a grandi dans une famille politisée,
«évidemment à gauche, très liée aux milieux associatifs».
A Toulouse, elle étudie l’agronomie et s’oriente vers l’écono-
mie, se spécialisant dans les politiques agricoles européen-
nes, sujet de sa thèse de doctorat soutenue en 2007. Depuis,
maître de conférences à Dijon, elle multiplie les allers-retours
entre la Bourgogne, Montreuil où elle vit avec sa fille et son
compagnon, et Paris «où la plupart de la recherche se fait».
Parallèlement, elle s’astreint à sillonner les comités locaux
d’Attac, «au moins une fois par mois».
Aurélie Trouvé, qui refuse de dire pour qui elle votera à la pré-
sidentielle, se définit comme «un pur produit d’Attac». Venue
à l’altermondialisme par un professeur d’économie, Jacques
Berthelot, elle commence à militer en 2002, au sein d’Attac
Campus, coordination estudiantine du mouvement. L’asso-
ciation, fondée en 1998, est
alors à son apogée, multiplie EN 5 DATES
les meetings et fait sensation
à Gênes ou dans le Larzac. 1979 Naissance à Chauny
Elle gravit les échelons de (Aisne). 2002 Milite au sein
l’organisation qui comporte d’Attac Campus. 2006
alors une trentaine de mil- Devient coprésidente
liers de membres. d’Attac. 2007 Soutient sa
L’année 2006 marque un
thèse d’économie à Dijon.
9 juin 2011 Déclare sa
tournant. Le mouvement est candidature à la tête
en perte de vitesse et l’élec- du FMI dans une lettre
tion d’un nouveau conseil publique à Christine
d’administration est enta- Lagarde.
chée par la révélation d’une
fraude. Les militants, dont certains fondateurs, désertent
Attac. Aurélie Trouvé confie que cette période a été «difficile
à tous les niveaux»: «Je voyais des amis partir. Il fallait ramener
la base au cœur de l’assoce.» Elle se présente au scrutin
interne, devient coprésidente, est réélue en 2009. L’associa-
tion compte une dizaine de milliers de membres et salarie
quatre personnes à plein-temps dans ses petits locaux de l’est
parisien.
Son mandat s’achève dans un an et demi. Elle ne souhaite pas
se représenter, aimerait voir ailleurs «en gardant toujours un
lien avec Attac, [sa] famille». Faire évoluer l’association vers
plus de collégialité aussi, relancer le conseil scientifique et,
surtout, voudrait «humaniser le discours, en mettant plus de
porte-parole en avant, en multipliant les interlocuteurs». Sa can-
didature au FMI serait-elle une manière pour Attac de per-
sonnaliser le débat, de profiter d’un «effet Besancenot»? Elle
réfute avant de concéder qu’effectivement «ça peut aider»
et de saluer la décision du trotskiste de refuser de se présenter
à la présidentielle pour éviter la surmédiatisation.
Le mouvement altermondialiste, dans sa forme organisée,
a aujourd’hui une quinzaine d’années. Il a perdu une part de
sa puissance mobilisatrice et de sa renommée médiatique.
«Le bilan d’Attac et d’autres organisations est complexe, recon-
naît-elle, D’un côté, on voit Sarkozy faire voter la taxe Tobin en
récupérant le débat. Plus personne n’ose se présenter comme
néolibéral. La recherche, dans tous les domaines, est de plus en
plus portée vers nos thématiques. Mais, à l’inverse, les gouverne-
ments et les politiques n’ont jamais été aussi dangereux. Il y a
une réelle inadéquation.» Elle se dit intéressée par le mouve-
ment des Indignés espagnols, estimant que ce genre d’initia-
tive «interpelle les organisations classiques» comme Attac par
leur spontanéité et leur force: «Nous vivons dans une époque
où l’on voit proliférer des dizaines de micromouvements dispa-
rates, qui viennent de la base, qui ont des objectifs précis. Histo-
riquement, nous sommes dans un état proche de l’explosion, qui
rappelle l’avant-Front populaire, ou le pré-Mai 68. Il y a une
rupture entre la situation sociale et les politiques.»
Le décalage n’est pas seulement idéologique, il est aussi for-
mel. Trouvé est venue à Lagarde, mais Lagarde n’est pas ve-
nue à elle. Trouvé semble déçue de n’avoir reçu «aucune ré-
ponse» de la lettre envoyée à la favorite des bookmakers pour
la succession de DSK au FMI. Un courrier qu’elle avait pour-
tant très cordialement conclu en demandant à madame la
ministre, d’agréer ses «salutations altermondialistes». •
MERCREDI_29:LIBE09 28/06/11 18:27 Page1

LIBÉRATION MERCREDI 29 JUIN 2011 JEUX­METEO • 31

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au capital de 18 098 355 €.
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Nathalie Collin
SUDOKU MOTCARRÉ Nicolas Demorand Orléans
Directeur de la publication
8 7 1 2 6 9 5 4 3 F T R D O A N U E et de la rédaction
4 3 9 5 1 7 6 8 2 O D U R E N A F T Nicolas Demorand Nantes Dijon
2 5 6 8 3 4 7 1 9 N E A T U F O R D Directeur délégué 0,3 m/16º
7 8 4 3 9 2 1 5 6 D R E F N O T A U de la rédaction
9 2 5 6 8 1 3 7 4 A U F E T R D N O  Bacchantes Vincent Giret
6 1 3 4 7 5 2 9 8 T O N U A D R E F Directeurs adjoints
3 9 8 1 5 6 4 2 7 E N O A F T U D R de la rédaction
1 4 7 9 2 3 8 6 5 U A D O R E F T N Stéphanie Aubert Limoges Lyon
5 6 2 7 4 8 9 3 1 R F T N D U E O A Sylvain Bourmeau 0,3 m/18º
Paul Quinio
François Sergent
Fines plaisanteries... w LES MOTS D’OISEAU   Directrice adjointe
         de la rédaction,
Bordeaux
H. I. Semble bien s’amuser à l’horizontale. - II. Le chargée du magazine
I matin. - III. Travaux aisément réalisables à la bineHe. Béatrice Vallaeys
II - IV. Ne devient vraiment libre qu’après demi tour Rédacteurs en chef
Montpellier Nice
et répétition. Ce président costaricain donna son Ludovic Blecher
III (éd. électronique)
1 m/20º Toulouse Marseille
nom à un plan de paix pour l’Amérique centrale
Christophe Boulard
IV qui lui valut le Nobel en 1987. - V. Petite giroueHe (technique)
en étamine sur le pont du bâtiment. Homme de Gérard Lefort Ajaccio
V coeur. - VI. Soit. Jours de planche dans la marine. Fabrice Rousselot
VI - VII. Les occasions de les croiser ne manquent pas. Olivier Wicker (Next) 0,3 m/20º
Bien installés en Espagne. - VIII. Objet de toutes Directeur artistique 0,6 m/22º
VII les aHentions du Dr. Gariberts dans ces pages. Alain Blaise
VIII Salut. - IX. Prochaine victime des marchés après la Rédacteurs en chef adjoints
Michel Becquembois
Grèce peut-être. Un élément souvent contrariant. FRANCE MIN/MAX FRANCE MIN/MAX SELECTION MIN/MAX
IX - X. Fort utile précision. - XI. Couverte de terre.
(édition)
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X V. 1. Ennuie un potentat russe. - 2. Bouffe n’importe Jacky Durand (société)
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a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z13/23
XI quoi. Pronom. - 3. Une larve qui rend les peaux de
vache inutilisables. Trous des Iles. - 4. Toujours de
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Poirot (éd. électronique)
Caen
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9/20
11/19
Lyon
Bordeaux
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Bruxelles
Jérusalem
LES MOTS D’OISEAU G EEED bon conseil pour les marchés. Peut faire mal au Mina Rouabah (photo)

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H:I. Déglingue. II. Epuisants. III. Diète. OIT. IV. OST. Roula.
V. Miston. IM. VI. Mo. RI. PSU. VII. AHestées. VIII. Goum.
g h i j l m n o p q r s t u v w x y z
crâne. - 5. Sorte de caryatide en version mâle. Ne
12/20
porte jamais rien à la remontée. - 6. Ali succéda à
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Aléa. IX. Embaume. X. Nie. Minot. XI. Terrestre. son successeur. Pas un fana de la bombe, c’est le
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Directeur des Editions
V:1. Dédommagent. 2. Episiotomie. 3. Guets. Tuber. 4. moins qu’on puisse dire. - 7. Fondateur d’une grande Electroniques Nice 22/28 Montpellier 20/31 Madrid 15/33
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yzycyzyz dans son assieQe au tournoi de prestige AAI (Aiports
Authority of India) de New-Delhi. Dans la première
d’Espaces Libération
Marie Giraud
Espaces Libération
0,6 m/15º 0,3 m/15º
3
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entier au bout de 5 parties. Il est vrai qu’elle est la
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75003 Paris. Brest
Caen
Paris
Strasbourg Brest
Caen
Paris
Strasbourg
2
yzyztkyk moins bien cotée des 6 grands maîtres de classe
mondiale qui participent à ce tournoi sur invita-
Tél. : 01 44 78 30 67
Publicité commerciale,
littéraire, financière,
Orléans
Dijon
Orléans
Dijon
1 Nantes Nantes

zyzyzyiy tion et qu’elle a pris un bien mauvais départ.

Après 5 rondes, le classement est le suivant: 1er
arts et spectacles. Publicité
locale et parisienne.
0,3 m/18º 0,3 m/18º
Caruana (Ita) 4 pts; 2e Laznicka (Cze) 3,5 pts; 3e Amaury médias
Lyon Lyon
yzyzyzoz SOLUTION
OMPN Sasikiran (Ind, 2676); 3e So (Phi) 2,5 pts; 4e Negi
25, avenue Michelet
93405 Saint-Ouen Cedex
jydyzqzq (Ind, 2622) 1,5 pt; 6e Hou Yifan (Chn) 0,5 pt. Tél.01 40 10 53 04 Bordeaux Bordeaux
yzyzqzqz Voici la partie qui lui a certainement sapé le moral: hpiat@manchettepub.fr 0,6 m/20º 0,3 m/20º
Nice
eskyzyzy Negi (2622) - Hou Yifan (2612) 2e ronde 1.e4 c5 2.Cf3 Petites annonces.Carnet.
Toulouse
Montpellier
Marseille
Nice
Toulouse
Montpellier
Marseille
IMPRESSION
wzyawzyz Cc6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 g6 La célèbre variante du POP (La Courneuve),
zrzyguzy Dragon, quoi de plus naturel pour une Chinoise ? Midi-print (Gallargues)
0,6 m/20º 0,6 m/20º
yfyzykwk 5.Cc3 Fg7 6.Fe3 Cf6 7.Fc4 0–0 8.Fb3 d6 9.f3 Fd7 Nancy Print (Nancy)
Ouest-Print (Bournezeau),
zylyzyzy 10.h4 a5 11.a4 h5 Un nouveau coup. 12.Dd2 Tc8 13.0– Imprimé en France
L’ex-champion du monde FIDE Alexander Khalif- 0–0 Ce5 14.Fg5 Tc5 15.Rb1 Te8 16.The1 Dc8 17.f4 Tirage du 28/06/11: 159 383 Soleil Éclaircies Nuageux Couvert Faible Calme
man vient de pousser gaillardement son pion en Cc4 18.Dd3 Cg4 19.Te2 f6 20.e5 dxe5 [20...fxg5 exemplaires. Membre Modéré Peu agitée
c5, et l’on a du mal à croire qu’il n’a pas vu le sim- de OJD-Diffusion Averses Pluie Orage Neige fort Agitée
21.Ce4 Tc7 22.exd6 exd6 23.Cxd6+-] 21.fxe5 fxg5 Contrôle. CPPP : C
ple: 1...Txf2+!, sans réplique valable. Les blancs aban- 22.e6 Fc6 23.Fxc4 Ce5?! [23...Rh7÷] 24.Txe5! Txe5 80064. ISSN 0335-1793.
donnent, car après 2.Rxf2 Fxe3+ et 3.Fxç1, ils n’ont 25.Dxg6 Tf8 26.Cxc6 [26.Fd3] 26...bxc6 27.Fd3 Tf6 Nous informons nos lecteurs que
la responsabilité du journal ne
plus qu’à changer de métier. Jean-Pierre Mercier 28.Dh7+ Rf8 29.hxg5 Txg5 30.Ce4+- Tgg6? 31.Cc5 saurait être engagée en cas de
Le coup que Hou n'a pas vu. 31...Tg5 32.Cd7+ 1–0. non-restitution de documents -10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°
 Crédit photo : Jean-François Campos
:Clouer les bandes
protégeant les arêtes
des bagages.

Atelier
Louis Vuitton.