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LES TUMEURS ABDOMINALES DE L'ENFANT

Dr. Roustila

INTRODUCTION
De découverte souvent fortuite, le diagnostic topographique et étiologique
d'une tumeur abdominale repose sur :
Les données cliniques, aux techniques d'imagerie et à des paramètres
biologiques
Les masses abdominales peuvent être intra ou rétro péritonéales, bénignes
ou malignes.
Ils sont souvent asymptomatiques, découvertes par les parents ou palpées lors
d'un examen systématique ou à l'occasion de signes peu spécifiques : douleurs,
troubles digestifs.

DIAGNOSTIC POSITIF
1. ETUDE CLINIQUE:
 Circonstances de découverte:
Découverte fortuite par les parents d'une masse abdominale
Ou lors d'un examen systématique motivé par des signes d'appel :
- Signes généraux: fièvre, amaigrissement, altération de l'état général
- Signes digestifs: douleurs abdominales, sub occlusion, troubles digestifs.
- Signes urinaires: hématurie, rétention d'urines.
- Signes neurologiques: compression médullaire, opsomyoclonies (maladie
neurologique caractérisée par des mouvement rapide, irréguliers, et non controlés
de l’œil (OPSOCLONUS) et du muscle (MYOCLONUS))
- Signes de dissémination: douleurs osseuses, nodules sous cutanés.
- Signes endocriniens: virilisation (apparition chez la femme des caractères
sexuels masculins), puberté précoce, hypercorticisme.
- Anomalies congénitales: aniridie (absence de l’iris), hémihypertrophie
corporelle.

 L'examen clinique : avec palpation prudente de l'abdomen précise la


topographie de la masse, ses mensurations, sa mobilité, sa consistance,
l'existence d'un contact lombaire (la perception d’une masse abdominale par la
main placée à la paroi postérieure lorsque l’autre main repousse la paroi
antérieure : évoque une augmentation pathologique du volume rénal :
polykystose, cancer des reins), le toucher rectal (abandonné en pédiatrie car très
douloureux pour un enfant : il n’est pratiqué qu’en cas d’une tumeur pelvienne
avec le cinquième doigt et avec prudence),
l'examen clinique complet avec la prise de la TA (phéochromocytome ou tumeur
comprimant les vaisseaux rénaux stimulant ainsi une activation du système
RAA) et la chimie des urines

2. LES EXAMENS RADIOLOGIQUES:


 ASP: peu performant, peut montrer des calcifications. Abandonné, il n’est
utilisé qu’en cas de suspicion d’une urgence abdominale (occlusion ou
perforation)

 L'échographie abdominopelvienne : examen essentiel, précise:


- Le siège sous-diaphragmatique
- La nature solide et ou kystique, présence de calcifications et mensurations en 3
dimensions
- Le caractère intra ou rétro péritonéal
- L'existence d'adénopathies rétro péritonéales
- Les rapports vasculaires
- Le site d'origine et les rapports avec le rein si tumeur rétropéritonéale
- Les rapports avec le mésentère, la lumière digestive, le foie et la rate si tumeur
intrapéritonéale
- Les rapports avec la vessie, le rectum et les organes génitaux internes si tumeur
abdominopelvienne

 LES AUTRES EXAMENS:


Le doppler, couplé à l'échographie, apprécie la vascularisation intra tumorale
La tomodensitométrie abdominale : examen indispensable pour les tumeurs
rétropéritoniales
L'IRM en cas de tumeur hépatique ou si signes neurologiques, on peut effectuer
un IRM médullaire si l’exploration TDM d’une tumeur rétropéritonéale montre
une infiltration canalaire (pour apprécier l’extension tumorale dans les structures
nerveuses)
La scintigraphie : à MIBG, au technétium 99m
Les marqueurs biologiques : les catécholamines, β-HCG, α-FP
DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
TUMEURS RETRO PERITONEALES
Tumeurs rénales Tumeurs extra-rénales
Tumeurs malignes: Phéochromocytome (très rare : HTA
Néphroblastome (hautement maligne) par ↑ d’adrénaline)
Carcinome à cellules claires (rare chez Neuroblastome
l’enfant : c’est un cancer des adultes) Corticosurrénalome (hypercorticisme
Tumeur rhabdoide et syndrome de cushing par ↑ des
Masses solides non malignes: corticostéroïdes)
Néphrome mésoblastique (tumeur de Tératome
Boland : tumeur bénigne
mésenchymateuse sous forme d’un
hamartome fœtal : rare et concerne le
jeun nourrisson)
Pyélonéphrite chronique
Abcès (hyperleucocytose, CRP↑↑↑)
Masses kystiques:
Hydronéphrose
Dysplasie multikystique

TUMEURS INTRA PERITONEALES


Tumeurs hépatiques Tumeurs extra hépatiques
Tumeurs primitives malignes Lymphome malin non hodgkinien (une
Hépatoblastome (à partir des cellules urgence médicochirurgicale car il a un
germinales) pronostic excellent si on agit
Hépatocarcinome (à partir des cellules rapidement)
hépatocytaires matures : touche le
grand enfant et l’adulte suite à une Lymphangiome kystique (des images
cirrhose : HVB) kystiques successives sur les voies
Tumeurs bénignes: lymphatiques)
Adénomes Duplication digestive
Kyste hydatique (traitement
chirurgical)
Tumeurs secondaires du foie:
Neuroblastome (syndrome de
Pepper : des petites nodules disséminés
dans le parenchyme hépatique)
TUMEURS ABDOMINOPELVIENNES
Tumeurs ovariennes:
Tumeurs germinales malignes (sécrètent le β-HCG (marqueur)
Lymphome, leucose
Tératome mature (bénigne : traitement purement chirurgical)
Tumeurs du sinus urogénital:
Rhabdomyosarcome (touche les tumeurs striées)
Tumeurs postérieures:
Neuroblastome

A- TUMEURS RETRO PERITONEALES:


1) NEPHROB LASTOME: TUMEUR DE WILMS
- La plus fréquente des tumeurs du rein
- C'est une tumeur embryonnaire maligne
- Age entre 2 et 5 ans
- Association à des malformations: Uro-génitales, aniridie, hémi hypertrophie
corporelle
- Syndrome de prédisposition au néphroblastome (l’ensemble des
malformation et des anomalies génétiques qui donnent plus de chance de
développer un cancer) comme : Syndrome WAGR (W: Wilms tumor, A:
aniridie, G: malformations génito-urinaires, R: retard mental)
 CLINIQUE
Découverte fortuite d'une masse abdominale
Autres signes:
- Hématurie par extension aux cavités pyélocalicielles
- Pâleur et fièvre liées aux hémorragies et à la nécrose tumorale
- НТА : suite à une compression des vaisseaux rénaux par la tumeur, ce qui
diminue le débit rénal et stimule le système RAA qui augmente la pression
- Rechercher des malformations associées
***Eviter de palper ou bouger l’enfant brutalement car ça peut engendrer un
traumatisme et donc une rupture et fissuration de la tumeur : extension vers les
organes de voisinage
 IMAGERIE:
- L'échographie abdominale: montre une masse intra rénale, hétérogène, bien
limitée recherche un thrombus de la veine rénale et de la VCI (la mise en
évidence du thrombus nécessite l’intervention d’un chirurgien vasculaire),
précise l'état du rein controlatéral et du foie, l'existence d'adénopathies
- Le scanner abdominal: recherche des signes de fissuration tumorale, il est
moins utilisé car la détection des nodules infra centimétriques par la TDM ne
sont pas tumoraux pour l’enfant
- La radiographie thoracique face et profil systématique à la recherche de
métastases pulmonaires
-L’échographie du foie systématique à la recherche des métastases hépatiques
 TRAITEMENT:
Le traitement associe chimiothérapie, chirurgie avec urétéronéphréctomie
totale élargie parfois radiothérapie selon des protocoles bien codifiés
Remarque : 02 schémas thérapeutiques différents sont adoptés :
-par l’école Américaine : traitement chirurgical d’emblée avant toute
chimiothérapie même si la tumeur est de grande taille après une confirmation
histologique de l’Anapath sur une ponction biopsie avec prudence pour éviter
une éventuelle rupture, puis selon les résultats on fait une chimiothérapie ou
radiothérapie
-En Europe, le diagnostic de néphroblastome repose initialement sur des
données cliniques et
surtout radiologiques conduisant à une chimiothérapie pré opératoire
permettant le plus souvent de
réduire la taille de la tumeur. Le diagnostic histologique est confirmé après
exérèse tumorale. Une
ponction biopsie de la tumeur avant tout traitement n'est réalisée que dans les
rares cas de
diagnostic difficile ou peu évocateurs de néphroblastomes.
- Le traitement est fonction du "stade" d'extension de la tumeur :
* stade I : tumeur limitée, encapsulée, exérèse complète, pas de chimio
* stade IV : métastases à distance, mauvais pronostic, chimiothérapie post-
opératoire
 PRONOSTIC:
Très bon pour le stade I avec guérison dans 90% des cas, dans 75% pour les
stades Il et lll et dans 50% pour le stade IV
2) NEUROBLASTOME: ou sympathoblastome
- C'est une tumeur maligne dérivée des éléments originaire des tissus formant
le système sympathique : et comme la chaine sympathique est thoraco abdomino
pelvienne : cette tumeur peut prendre lieu à n’importe quel étage
- Tumeur retrouvée tout au long du SN sympathique et la médullosurrénale
- Survient dans la petite enfance et chez le nourrisson, dans un 1/3 des cas avant
1 an et dans 90% des cas avant 6 ans
- C'est la tumeur maligne du nourrisson la plus fréquente
 CLINIQUE
--Signes liés à la tumeur:
-- Douleurs abdominales
-- diarrhée par hypersécretion de VIP (vasoactif intestinal peptid) : tumeur neuro-
endocrinienne
-- Troubles neurologiques avec tableau de compression médullaire si tumeur en
sablier constituant une urgence thérapeutique
La tumeur en sablier est un développement du neuroblastome aux dépens des
chaines para vertébrales en s’infiltrant par un ou plusieurs trous de conjugaison,
ce prolongement tumoral extradural provoque une compression de la moelle
--Signes liés aux métastases:
Pâleur et syndrome hémorragique (par anémie et thrombopénie : surtout si la
moelle osseuse est envahit)
Douleurs osseuses : signe d’extension vers l’os
Gros foie (syndrome de Pepper)
Hématomes périorbitaires (Hutchinson)
 IMAGERIE
-- L'échographie abdominale: montre une masse surrénalienne ou para
rachidienne, précise l'atteinte ganglionnaire, les rapports avec les organes de
voisinage
-- La TDM abdominale: objective les calcifications, précise le contact avec les
vaisseaux (s’il existe un contact avec les vaisseaux la chirurgie devient difficile),
l'extension locorégionale
-- La scintigraphie à la MIBG: (méta-iodobenzylguanidine) fixation de la tumeur
dans 90% des cas et des métastases : bilan d’extension
 MARQUEURS TUMORAUX:
Elévation des catécholamines urinaires : acide vanylmandélique et acide
homovanilique (VMA et HVA): grande valeur diagnostique :
Ce sont des métanéphrines urinaires : ↑ en cas des tumeurs sécrétantes des
catécholamine : augmentent (avec la noradrénaline) en cas de
phéochromocytome (tumeur bénigne de l’adulte) et augmentent sans
augmentation de noradrénaline en cas de neuroblastome (tumeur maligne du
nourrisson)
Parfois, seule la dopamine est élevée
 BILAN D'EXTENSION
--Bilan médullaire
--Scintigraphie à la MIBG
--Scintigraphie osseuse au Tc99 : si MIBG négative
--En Algérie, on fait une biopsie de la tumeur : si la scintigraphie est négative
--Ailleurs, ils font un diagnostic histologique par ponction biopsie puis une étude
cytogénétique et une biologie moléculaire à la recherche d’une mutation
oncogène : amplification N-MYC  de très mauvais pronostic
 TRAITEMENT
--Chirurgie si tumeur localisée opérable  bon pronostic
--Chimiothérapie, chirurgie +/- autogreffe de la moelle  si tumeur localisée
inopérable ou métastatique ou associée à une mutation de mauvais pronostic
(amplification du gène N-MYC)
 PRONOSTIC:
Bon pour les stades localisés
Très réservé pour les stades IV avec une survie à 3 ans ne dépassant pas 25%

B- TUMEURS INTRA PERITONEALES:

1) LYMPHOMES MALINS NON HODGKINIENS (LMNH):


Ce sont des tumeurs digestives développées au niveau du tissu lymphoïde
Leur origine se situe au niveau des plaques de Peyer ou des ganglions
mésentériques, souvent au niveau de l'angle iléo-caecal
C'est une urgence oncologique
L'extension à distance peut être ganglionnaire, hépato-splénique, testiculaire,
gingivale, osseuse, neuro-méningée +++, médullaire.
Prédominance masculine. Pic d'âge 8 ans
 CLINIQUE:
-- Douleurs abdominales, syndrome sub-occlusif voire occlusif avec invagination
intestinale :
Lorsque l’invagination est idiopathique : un tableau de douleur entrecoupée par
des phases d’accalmie et le bébé pleure par des périodes  c’est une urgence
chirurgicale qui nécessite une désinvagination par expression douce du boudin au
travers de la gaine  si le diagnostic est retardé : la nécrose intestinale impose
un traitement chirurgical par résection/anastomose
Les étiologies de cette invagination idiopathique peuvent être : un LMNH, un
purpura rhumatoïde …
-- La palpation retrouve des masses multiples avec ascite
-- Rechercher une localisation méningée, testiculaire et des adénopathies
périphériques
 IMAGERIE
-- L'échographie abdominale: est très évocatrice, retrouvant plusieurs masses
homogènes, hypoéchogènes avec épaississement digestif (aspect en cocarde)
-- Radiographie du thorax: épanchement pleural
 LE DIAGNOSTIC :
confirmé par ponction-biopsie à l'aiguille fine permettant le diagnostic
cytologique, le typage immunologique et cytogénétique
 BILAN D'EXTENSION:
Myélogramme : infiltration médullaire
Ponction lombaire : infiltration rachidienne (barrière hémato-méningée)
 BILAN METABOLIQUE:
ionogramme sanguin, créatinine sanguine, acide urique, calcémie, phosphorémie,
bilan hépatique et LDH
--Il est nécessaire pour le suivi thérapeutique et la mise en évidence d’un
syndrome de lyse tumoral qui est augmenté lors de la chimiothérapie : la
destruction cellulaire provoque la libération de plusieurs substances comme
LDH, et les électrolytes provoquant une hyperkaliémie et hyperphosphorémie
Ces troubles métaboliques doivent être corrigés avant l’installation des
complications
 TRAITEMENT:
C’est une urgence oncologique car syndrome de lyse tumorale et le traitement
repose sur la chimiothérapie selon le protocole de la SFCE
Chirurgie uniquement si invagination aiguë initiale ou masses résiduelles après
chimiothérapie.
 PRONOSTIC : excellent
Excellent pour les stades et II avec survie à 5 ans> à 90%
80% de survie pour les stades III et 70% pour les stades IV

2) L'HEPATOBLASTOME:
C'est la tumeur du foie la plus fréquente chez l'enfant
Survenant avant 3 ans (si elle survient après 3 ans, il s’agit d’un
hépatocarcinome : 10 à 15 ans)
 CLINIQUE: hépatomégalie dure et irrégulière
 L'ECHOGRAPHIE montrant une tumeur uni ou multifocale pouvant
envahir les branches portes, complétée par la TDM et L'IRM abdominales
 LE DIAGNOSTIC est évoqué devant l'âge, les données de l'imagerie,
l'élévation des alpha-foeto-protéines (AFP) et confirmé par la biopsie hépatique
TRAITEMENT : repose sur la chimiothérapie et la chirurgie d'exérèse

C- LES TUMEURS ABDOMINOPELVIENNES


1) LES TUMEURS OVARIENNES
-- Les tumeurs ovariennes sont le plus souvent bénignes type tératome mature
-- Les tumeurs malignes sont rares: type tumeurs germinales : sécrètent B-HCG
-- Les tumeurs germinales malignes dérivent de la transformation de cellules
germinales ou gonocytes primaires migrant au départ du sac vitellin au cours des
premières semaines de vie intrautérines de l'embryon. Ces gonocytes primaires
colonisent les cordons sexuels pour former des gonades primitives
indifférenciées ; ces cellules totipotentes peuvent s'arrêter le long de leur
migration, puis se transformer et former une tumeur germinale bénigne ou
maligne pouvant ainsi se localiser de la tête au coccyx de l'enfant.
-- Dosage systématique des marqueurs biologiques: AFP et B-HCG
-- Diagnostic différentiel : urgence chirurgicale : la torsion ovarienne
-- Le traitement repose sur la chirurgie et la chimiothérapie
-- Le pronostic est excellent

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