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Le moment révolutionnaire
Accent sur l’action autonome des masses
Instinct de la révolution par le bas
Il faut en même temps une spontanéité, qui cause la révolution, et une conscience.
« Chaque génération doit récrire l’Histoire pour elle-même »
La question de démocratie
Le manque d’instruction et le retard relatif de la conscience politique sont autant d’obstacles à la pleine
participation des masses à la vie publique.
La question du pouvoir
« A quoi bon, demandent-ils, une révolution qui se contenterait de remplacer un appareil d’oppression par
un autre ? Adversaires irréductibles de l’Etat, de toute forme d’Etat, ils attendent de la révolution
prolétarienne l’abolition totale et définitive de la contrainte étatique. Au vieil Etat oppresseur, ils voudraient
substituer la libre fédération des communes associées, la démocratie directe de bas en haut » Sur les
libertaires, p42.
Marx et Engels cherchent leur voie entre ces deux tendances (la libertaire, et l’Etat autoritaire). Ils ont subi
l’empreinte jacobine mais, d’une part, le contact avec Proudhon vers 1844, la critique de l’hégélianisme, la
découverte de l’ «aliénation», les ont rendus quelque peu libertaires. Ils rejettent l’étatisme autoritaire aussi
bien du français Louis Blanc que de l’allemand Lassalle. Ils se déclarent partisans de l’abrogation de l’Etat,
mais à terme. L’Etat doit subsister au lendemain de la Révolution, pour un temps seulement. Dès que les
conditions matérielles seront réalisées, qui permettront de se passer de lui, il «dépérira». Et, en attendant ce
jour, il faut s’efforcer d’en «atténuer aussitôt les plus fâcheux effets» (Engels, 1891).
Krapotkine (1896) : tant que le socialisme prendre un visage autoritaire et étatique, il inspirera aux
travailleurs une certaine méfiance et il verra, de ce fait, ses efforts compromis, son développement ultérieur
paralysé. (p49).
Bakounine : les classes possédantes ne renonceront pas volontairement à leurs privilèges et il faudra les y
contraindre.
La concentration du pouvoir de la dictature se substitue, presque aussitôt, à celle du Parti. La concentration
du pouvoir, la «dictature», est présentée comme le produit de la nécessité, la reconstitution de l’appareil
d’oppression est invoqué comme indispensable à l’écrasement de la contre-révolution.
Les révolutions modernes doivent se défendre du jacobinisme au moins autant que du réformisme.
Jacobinisme et socialisme prolétarien sont « deux moules, deux doctrines, deux tactiques, deux psychologies
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séparées par un abîme. » (Trotski, Nos tâches politiques). Elle va à l’encontre des intérêts de classe du
prolétariat.
Révolution permanent
Etat
Babeuf : « Les gouvernants ne font des révolutions que pour toujours gouverner. Nous en voulons faire enfin
une pour assurer à jamais le bonheur du peuple par la vraie démocratie. »
L’Etat ne permettrait pas une autogestion libre « rien n’est faisable par l’initiative, par la spontanéité, par
l’action indépendante des individus et des collectivités tant qu’elles seront en présence de cette force
colossale dont l’Etat est investi par la centralisation.» (De la capacité politique, 1864).
La gestion de l’économie
Bakounine rejette l’individualisme postproudhonien. Il tire les conséquences de l’industrialisation. Il appelle
à la propriété collective, il se présente comme ni communiste, ni mutuelliste (Proudhon), mais collectiviste.
La production doit être gérée, à la fois sur la base locale, par la «solidarisation des communes», et sur la base
professionnelle par des compagnies (ou associations) ouvrières.
La spontanéité qui réduit la capacité à autogérer la production réduit => les masses, si elles sont toujours, du
fait même de l’oppression, si elles manquent encore d’éducation et de lucidité politique, ont rattrapé une
bonne part de leur retard historique.
Rosa Luxembourg (Nos Tâches politiques, 1904) : même si les masses ne sont pas encore entièrement
mûres, même si la fusion entre la science et la classe ouvrière ne s’est pas encore entièrement opérée (idée
de Lassalle), le seul moyen de combler ce retard c’est d’aider les masses à faire elles-mêmes leur
apprentissage de la démocratie directe orientée de bas en haut, de stimuler leurs libres initiatives. Même si
cet apprentissage est laborieux et lent, les difficultés sont moins nocives que la fausse efficience du
communisme d’Etat.
Planification : quand de haut en bas, elle est source de désordre et de gaspillage. Elle doit émaner des
échelons inférieurs, avec un mécanisme de fédération, d’harmonisation des divers intérêts dans un ordre qui
soit un ordre libre. L’accélération des moyens de transport et communication facilite cette démocratie
directe (Guérin prend l’exemple de délégués de sections locales des syndicats qui, en avion, peuvent être
rassemblés en quelques heures. Aujourd’hui, c’est une question de secondes par internet).
Autogestion ouvrière de Proudhon : les associations seraient le premier noyau de cette vaste fédération de
compagnies et de sociétés, réunies dans le commun lien de la république démocratique et sociale. Trois
conditions essentielles de l’autogestion ouvrière (Guérin, L’Anarchisme) : (1) tout individu associé à un droit
indivis dans l’actif de la compagnie, (2) chaque ouvrier doit assumer sa part des corvées répugnantes et
pénibles, et (3) il doit passer par une série de travaux et de connaissances, de grades et d’emplois qui lui
assurent une formation encyclopédique. Pour Marx c’est grâce à l’ «atelier automatique» (l’automation) qui
par la division du travail et la réduction des heures de travail toutes deux poussées à l’extrême permettront
à chaque homme d’atteindre son «développement intégral». La machine (aujourd’hui l’IA) relayant
l’homme, la désaliénation s’opérera non dans le travail mais dans le loisir. Proudhon n’est pas de cette vision
(pour lui, l’homme est essentiellement producteur), et la désaliénation est pour lui un mode de production
qui donnerait à l’ouvrier une vue synthétique du processus de travail.
Aujourd’hui, malgré avoir une vue plus synthétique du travail, on continue aliénés. On peut se
pencher plus dans la vision de Marx.
Conditions d’autogestion de Proudhon (p80) :
- les fonctions sont électives et les règlements soumis à l’approbation des associés,
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- les rémunérations sont proportionnées à la nature de la fonction, à l’importance du talent, à
l’étendue de la responsabilité. Tout associé participe aux bénéfices dans la proportion de ses
services.
- Chacun est libre de quitter à volonté l’association, de faire régler son temps et liquider ses droits.
- Les travailleurs associés choisissent leurs conducteurs, ingénieurs, architectes, comptables => idée
de la nécessité d’associer à l’autogestion des « notabilités industrielles et commerciales » qui
initieraient les ouvriers à la discipline des affaires et seraient rémunérés par un traitement fixe.
Question de la concurrence des autogestions ouvrières : les associations ouvrières devraient, au lieu d’agir
au profit de quelques-uns, travailler pour tous. Elle exige dont une certaine éducation des autogestionnaires
(« on ne naît point associé, on le devient »).
Question de la réalité locale : chaque association devrait être mise en pratique sous des formes et des
conditions diverses, qui seront déterminées dans chaque localité, dans chaque région et dans chaque
commune par la volonté des populations (Bakounine, Œuvres, VI, p401).
Le communisme a besoin d’un grand développement moral des membres de la société, d’un sentiment élevé
et profond de solidarité que l’élan révolutionnaire ne suffira peut-être pas à produire. La prochaine
révolution éclatera avant que l’éducation anarchiste soit achevée, les hommes ne seront pas assez murs
pour pouvoir s’ordonner absolument eux-mêmes
Les associations ouvrières formeront une immense fédération économique. A la lumière des données, aussi
larges que précises et détaillées, d’une statistique mondiale, elles combineront l’offre avec la demande pour
diriger, déterminer et répartir entre les différents pays la production de l’industrie mondiale. Mais cette
transformation sociale ne pourra s’opérer de façon radicale et définitive que par des moyens agissant sur
l’ensemble de la société (danger de la coexistence avec un secteur concurrentiel privé). Tant que la
révolution sociale n’est pas accomplie, Bakounine, tout en admettant que les coopératives de production ont
l’avantage d’habituer les ouvriers à s’organiser, à diriger leurs affaires eux-mêmes, ne pouvaient avoir
qu’une efficacité limitée dans une société capitaliste (il inciter à « s’occuper moins de coopération que de
grèves » p92).
Difficultés de l’autogestion ouvrière : incompatibilité de l’Etat et de l’autogestion libre, pénurie d’hommes
préparés à la gestion, manque de cadres techniques, inéluctabilité d’une éco de marché avec un certain
degré de concurrence pendant au moins une période transitoire, difficulté d’instaurer prématurément un
communisme intégral. L’autogestion est condamnée à osciller entre deux pôles : l’autonomie des groupes de
production (nécessaire pour que chacun d’eux se sente réellement libre et désaliéné) et la nécessité de la
coordination en vue de faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts égoïstes.
Rémunération
Base des échanges : valeur d’échange doit être mesuré par la quantité de travail nécessaire pour la produire.
Mais 3h de travail d’un peuvent valoir 5 de l’autre => d’autres facteurs interviennent : intensité, formation
professionnelle et intellectuelle, compte des charges de famille de l’ouvrier etc.
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ne sont plus que les organes exécutifs de son action constante. Ce processus certes, n’est pas instantané et il
ne suit pas une ligne droite.
Pour Lénine, « la lutte spontanée du prolétariat ne deviendra une véritable lutte de classe que lorsqu’elle
sera dirigée par une forte organisation révolutionnaire ».
Pour préparer la classe ouvrière à la conquête du pouvoir, il fallait développer en elle le sens de la
responsabilité et l’habitude d’un contrôle incessant sur tout le personnel exécutant de la Révolution (la
révolution permanente).
Dans l’Etat et la Révolution, Lénine écrit à la veille de la révolution d’Octobre que l’objectif ultime du
socialisme c’est le dépérissement del ‘Etat. Il reprend à son compte les vues de Proudhon sur l’
«incompatibilité absolue du pouvoir avec la liberté» qu’il résume en la formule suivante «Tant que l’Etat
existe, pas de liberté ; quand régnera la liberté, il n’y aura plus d’Etat.» Mais elle ne sera possible qu’après
une «période transitoire» plus ou moins longue. Manque de définition de cette notion. On peut croire que
c’est la contrainte exercée, de bas en haut, par le prolétariat en armes, ce que Victor Serge appelle l’ «Etat-
Commun». L’organisation armée des masses des soviets en est un exemple. Mais autre vue : tant que les
conditions de production ne sont pas radicalement transformées, subsistera, dans la répartition des
produits, quelque chose que Marx et Lénine appellent tous deux «le droit bourgeois». Cad que «l’Etat
bourgeois sans bourgeoisie subsiste pendant un certain temps en régime communiste». L’administration du
nouveau système peut être envahie par de nombreux éléments petits-bourgeois, résidus de l’ancien
capitalisme, qui s’étant vite adaptés aux institutions (soviétiques), se sont fait attribuer des postes de
responsables dans les divers commissariats et entendent que leur soit confiée la gestion économique. Lénine
propose une série de «précautions» : l’éligibilité et la révocabilité, une rétribution ne dépassant pas celle du
salaire ouvrier et un roulement grâce auquel tous seraient temporairement fonctionnaires sans que
personne ne puisse devenir bureaucrate. (p131).
La classe ouvrière ne réagit ni assez vite, ni assez vigoureusement. Elle est disséminée, épuisée par les
privations et les luttes révolutionnaires => il faut pouvoir garder l’esprit de révolution permanent dès le
lendemain de la révolution.
Révolution de Kronstadt de 1921, matelots qui se révoltent contre l’Etat central pour une autogestion, sont
décimés. C’est la contestation d’un régime qui prétend s’exercer au nom du prolétariat, par les ouvriers
mêmes de la ville qui a été le théâtre de la révolution d’Octobre. Les assiégés lancent par radio un ultime
appel : « Le sang des innocents retombera sur la tête des communistes, fous furieux enivrés par le pouvoir.
Vivre le pouvoir des soviets ! ».
Syndicalisme révolutionnaire
Anarcho-syndicalistes tendent à subordonner l’action syndicale à la propagande idéologique spécifiquement
anarchiste.
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Les syndicalistes révolutionnaires considèrent que le syndicalisme, indépendant de toute idéologie politique,
se suffit à lui-même.
Les deux courants sont convaincus que l’autogestion ouvrière a besoin d’être structurée, qu’il lui faut un
encadrement horizontal (unions locales) et vertical (fédérations d’industrie), structure que le syndicalisme
peut seul fournir.
Mai 68
Particularité que c’est les étudiants qui ont constitué le détonateur, et non les ouvriers. Mais elle n’est pas
différente des mouvements d’avant dans le sens où après les premières semaines, elle a suscité l’alarme des
possédants et la fuite de leurs capitaux, elle a été une révolution de la classe ouvrière dans le style et au
niveau des grandes crises sociales du passé.
Toutes les révolutions ont été une fête exubérante de la liberté recouvrée, un énorme défoulement collectif.
L’explosion libertaire était de même nature dans la Commune de 1871. Ça serait donner une vision
unilatérale de la révolution de Mai que de la réduire à une série de combats de rue, en minimisant la
contestation généralisée et la démocratie directe. C’est une « kermesse d’allégresse populaire » (p166). La
révolution sociale ne peut, au moment de son éclosion, être autre chose que libertaire. Ce n'est qu’après,
seulement, que viennent les récupérateurs, les bureaucrates, les chefs qui mettent leurs pattes sur la
Révolution, la défigurent et l’étouffent.
Le communisme libertaire
« Se dire communiste libertaire, ce n’est pas regarder en arrière, mais tirer une traite sur l’avenir. Les
communistes libertaires ne sont pas des exégètes, ce sont des militants. Ils n’ignorent pas qu’ils leur
incombent, ni plus ni moins, de changer le monde.
Tout d’abord, les communistes libertaires apprécient la nature exacte des conditions objectives, ils essaient
de jauger d’un coup d’œil juste les rapports de force propres à chaque circonstance. Ici la méthode élaborée
par Karl Marx, qui n’a point vieilli, le matérialisme historique et dialectique, demeure pour lui la plus sûre des
boussolles, une mine inèpuisable de modèles et de points de repaires. A condition, toutefois, qu’elle soit
traitée à la manière de Marx lui-même, cad sans rigidité doctrinale, qu’elle évite toute raideur mécanique.
Libertaire est ce communisme qui rejette le déterminisme et le fatalisme, qui fait la plus large part à la
volonté individuelle, à l’intuition, à l’imagination, à la rapidité des réflexes, à l’instinct profond des larges
masses, plus avisé aux heures de crise que le raisonnement des «élites».
Les communistes libertaires sont, par essence, internationalistes. Ils considèrent comme formant un tout le
combat mondial des exploités. Mais ils n’en tiennent pas moins compte de la spécificité, des formes
originales de socialisme dans chaque pays. Ils ne conçoivent l’internationalisme prolétarien que s’il cesse
d’être une imposture, cad s’il est animé de bas en haut, sun un pied d’égalité absolue, sans subordination
aucune à tel «grand frère» qui se croit plus puissant et plus malin.
Ils conjuguent la lutte économique avec la lutte politique, s’emparant sur le lieu du travail, de toutes les
positions patronales, arrachent les moyens de producteurs à leurs accapareurs pour les remettre à leurs
véritables et seuls ayants droit : les travailleurs et techniciens autogestionnaires. Une fois la révolution
sociale accomplie, communistes libertaires sont ceux qui ne brisent pas l’Etat pour aussitôt le reconstituer
sous une autre forme, mais qui souhaitent la transmission de tout le pouvoir à une confédération de
fédération. Elus pour un court mandat et non immédiatement rééligibles, les délégués à ces diverses
instances sont, à chaque instant, contrôlable et révocable. Rejetant la plannification bureaucratique et
autoritaire, ils croient à la nécéssité d’une planification cohérente et démocratique impulsée de bas en haut.
Ils entendent donner départ à une nouvelle révolution technique orientée, cette fois, en même temps que
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vers une plus haute productivité et une plus courte durée de travail, vers la décentralisation, le
décongestionnement, la débureaucratisation, la désaliénation, le retour à la nature.
Ils n’ignorent pas qu’il faut du temps pour former un homme socialiste. Qu’un simple coup de baguette
magique ne saurait promouvoir instantanément la plus profonde mutation sociale de tous les temps. Ils ne
croient pas superflue l’assistance temporaire de minorités afissantes plus instruites et plus conscientes, quel
que soit le nom qu’elles se donnent. Minorités dont la contribution est inévitable pour amener les arrière-
gardes à la pleine maturité socialistes, mais qui se tiennent prêtes à ne pas encombrer la scène un jour de
trop, pour se fondre, aussi vite que possible, dans l’association égalitaires des producteurs.
Concepts clés
Prolétariat : ceux qui, à un niveau ou à un autre, créent de la plus-value ou contribuent à sa réalisation.
Viennent s’adjoindre au prolétariat ceux qui, appartenant à des couches non prolétariennes, se rallient aux
objectifs prolétariens (intellectuels, étudiants etc.).
La lutte des classes n’est pas un simple phénomène constaté, elle est le moteur qui modifie sans cesse la
situation et les données de la société capitaliste. La révolution en est l’aboutissement. Elle est la prise en
main, par les exploités, des instruments de production et d’échange, des armes, la destruction des centres et
des moyens du pouvoir de l’Etat.
L’avant-garde doit tendre à synthétiser les expériences des luttes, aider à la prise de conscience
révolutionnaire maximale, rechercher la cohérence la plus grande possibilité dans la `perspective de cette
prise de conscience, considérée non comme un but ou existant dans l’abstrait, mais comme une dynamique.
Elle doit jouer un rôle de catalyseur, de révélateur, de diffuseur.
Bibliographie
Charles Battelheim : La planification soviétique, 1945
Victor Serge, Destin d’une Révolution
Gaston LEVAL, Espagne libertaire, 1971