PLANETE
ac c u e ille à p a r tir de ce n u m é r o ,
sans a u c u n e d im in u tio n
d u n o m b r e des p ag e s r é d a c tio n n e lle s ,
selon un choix et des e m p l a c e m e n t s
rig o u re u x , les m essag e s p u b lic ita ire s
d es g ra n d e s firm es, afin de p o u v o ir
a u g m e n t e r de fa ço n i m p o rta n te
ses m o y e n s d ’in fo rm atio n ,
sa r e c h e r c h e de d o c u m e n t s e x c e p tio n n e ls
et sa p ré s e n ta tio n .
D e u x n o u v elles é d itio n s é t ra n g è re s
sont en c o u rs d e ré a lisa tio n :
au Brésil en p o rtu g ais,
au Liban p o u r la lan g u e ara b e .
N otre couverture:
T ête en bronze du Bénin L’a u d i e n c e a u j o u r d ’hui m o n d ia le de
(république du Nigeria ),
d atant du x v n i ' siècle. PLANETE
H auteur: 39 centim ètres. la fidélité de ses le c te u rs fran ça is
E lle était destinée en n o m b r e c o n s t a m m e n t cro issa n t
à orner les autels
du culte des ancêtres royaux. ne p e u v e n t q u e n o us e n g a g e r à t e n t e r
de faire t o u jo u rs plus et m ieux.
M usée des antiquités nationales,
Saint-G erm ain-en -L a ye.
9 Les faits maudits, par George Langelaan
DIRECTEUR
LE JO U R N A L DE PLANÈTE LOUIS PAUW ELS
179 La vie et les idées / Les savants refusent COMITÉ DE DIRECTION
de devenir des espions LOUIS PAUWELS
JAC Q U ES BERGIER
A SAVOIR FRA NÇ OIS RIC HA U DEA U
182 Philosophie / L'homme artificiel cède RÉDACTEUR EN CHEF
la place à l'hom m e naturel JACQUES M OUSSEAU
18 4 La France secrète / La fête du bœuf DIRECTEUR ARTISTIQUE
en Provence PIERRE CHAPELOT
186 Parapsychologie / Expériences russes SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
de transmission de pensée ARLETTE PELTANT
187 Soucoupes volantes / En Amérique. ICONOGRAPHE
un m illion de dollars pour l'étude des M.O.C. M Y R IA M SIC O U R I-R O O S
188 Astronomie / La Terre est un cas unique
dans le système solaire ÉD ITIO N S PLAN ÈTE
A DM INISTRATIO N
A LIRE 42 RUE DE BERRI, PA R IS 8
191 Librairie, par André Brissaud RÉDACTION
ET REN SE IG N E M E N T S
A ENTENDRE 114 CH A M PS-ELY SÉES. PARIS 8
196 Musique / La révolution de Bayreuth DIFFUSIO N DENOËL - N.M.P.P.
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Les faits
maudits Olaf Stapledon
T oute sorcellerie a peu d ’a
deptes et d ’innombrables adver
saires ju sq u ’au jo u r où, bien
Le créateur
établie, elle change de nom.
Charles Fort
d’étoiles
D ans les num éros 29 et 30
de P la n è te , nous avons
p u b lié de larges e x tra its du
« L iv re des dam nés» de
Charles Fort, cet A m éricain
qui, au début du siècle, col
lectionnait les étrangetés et Avant-propos de
les coïncidences sur des
fich es classées dans des
boîtes à chaussures. N ous
Jorge-Luis Borgès
avons im a g in é de p o u r
suivre son effort. George « Il y a un livre que vous devez absolument
Langelaan rassem ble toutes
publier», dit Borgès à Louis Pauwels lors du
sortes de fa its m audits
(m audits parce que aucune voyage de celui-ci en Am érique du Sud.
des sciences ex ista n tes ne « Cest un chef-d'œuvre. Un chef-d’œuvre
les revendique) p o u r un de la science-fiction, mais aussi une grande
volum e de l ’Encyclopédie
Planète. N ous lui avons
œuvre de poésie. Aucun auteur vivant ne
d em a n d é d ’assurer dans ce s'approche plus de Dante. Cest le type même
m êm e esprit une rubrique de la seule vraie littérature: celle qui vous
régulière dans la revue. change. Après avoir lu Le créateur d’étoiles,
Les deux Sullivan on ne peut plus regarder le ciel de la mê?ne
façon. »
P ar un b e a u j o u r de p r i n
te m p s de 1958, M. et M m e
D o n a ld P. Sullivan, m arié s ÉDITIONS PLANÈTE
de la veille à N e w Y ork,
a r riv è re n t à M iam i où ils
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avaient décidé de passer
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leur lune de miel. Arrivés
en même temps qu’eux de Le prochain volume de
l’aéroport où ils venaient
de débarquer ei s’inscri L'ENCYCLOPÉDIE PLANETE
vant au même hôtel, se
trouvait un autre couple
de jeunes mariés qui, eux
aussi, signèrent le registre
sous le nom de Donald
P. Sullivan. Ni les hommes,
La grande
ni les femmes ne se con
naissaient. Les deux hom
mes avaient tous deux
23 ans, étaient tous deux
aventure des
mariés de la veille, avaient
fréquenté la même univer
sité et vécu de longues
mathématiques
années dans le même quar
tier. par Peter W olff
Le naufrage du Saxi/by
préface d'André Amar
Un cargo anglais, le Saxil-
by, fit naufrage alors qu’il
traversait l’Atlantique pen
dant l’hiver de 1933. Il n’y D'Eudide à Bertrand Russe//:
eut pas de rescapé. Trois
ans plus tard, une boîte les textes originaux rendus accessibles
métallique fut rejetée par à tous les lecteurs
la mer sur une petite grève
du Pays de Galles, à moins
d’un mile du village d’Abe- Pas de formules, mais les idées
ravon, près de Swansea.
Dedans était un message qui sont derrière les formules
griffonné par un des marins
du malheureux cargo:
SS Saxilby. Coulons
au large de l’Irlande.
Je pense à ma sœur, Le v o lu m e : 17 F t.l i EDITIONS PLANETE
à mes frères et à
Dinah. Joe O.
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A beravon! C oïncidence?
En a t t e n d a n t m ieux, c e tte
é t i q u e t t e en v au t bien u n e
a u tre .
Le m o n s tre du L o c h N ess
m ’a un j o u r mis s u r la tra c e
d e to u te u n e série d e c o ïn des gens qui ne disent ja m a is rien et dont la présence passe inaperçus
parce qu'ils ne savent pas charmer leur auditoire, intéresser leurs in
c id e n c e s é tr a n g e s et m ê m e terlocuteurs et affirmer leur personnalité :
si le m o n s tre n ’existe q ue
d a n s l’im a g in a tio n de c e r
tains, les c o ïn c id e n c e s , DES GENS QUI NE SAVENT RIEN DIRE I
elles, s o n t c e rta in e s .
Je c o n n a is un r a d ie s th é
siste qui g a g n e d is c r è Cela ne signifie pourtant pas qu’ils manquent Souvent il vous arrive tant dans votre vie pro
d ’intelligence ou d ’esprit. La plupartdu temps, fessionnelle que dans votre vie sentimentale
c’est seulement un manque de connaissances
t e m e n t m ais fort c o n v e n a générales qui les incite a se taire.
ou affective de, souffrir en silence du manque
d'attention de la part de ceux qui vous entourent.
b le m e n t sa vie à t r o u v e r Pourvous, L’INSTITUTNORMAL DECULTURE
L’aisance, le charme, le brio -de l’homme ou GENERALE a mis au point des programmes de
d e l’eau p o u r l’in d u strie. Il de la femme qui possède une solide culture gé cours par correspondance qui feront de vous
nérale les laissent à la fois admiratifs et amers. très vite et de façon rationnelle un homme ou
trav a ille à fa ço n , c ’est-à- Ils se sentent condamnés à rester toute leur une femme du XX' siècle, un homme ou une
vie des ombres dans le sillage de leurs supé femme cultivé. Que ce soient vos collègues ou
d ire q u e s’il n ’y a p as d ’eau rieurs ou de brillants séducteurs. vos supérieurs dans votre vie professionnelle,
ou vos amis dans votre vie privée, on vous
là où il le dit, on ne le paye appréciera davantage, on recherchera votre
Il ne tient cependant qu’à eux de devenir très compagnie. Vous rayonnerez d ’une nouvelle
pas. Q u a n t à ses tarifs, ils vite cet homme ou cette femme toujours calme,
détendu et éblouissant dont on recherche la
lumière qui vous ouvrira les portes du succès,
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v a r ie n t su iv an t le d é b it de compagnie et avec qui l’on a plaisir à travailler.
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13
Le nouveau vo lu m e de la collection PRESENCE PLANETE
MONDE
HISTOIRE DE LA PENSÉE EUROPÉENNE
André Amar formule et résout le problème cru décident et créent. Il est temps, et plus que
cial de notre civilisation : comprendre pour temps, de reconquérir la fonction philosophique
quoi l'Europe a fait le monde et com ment qui a soutenu l'expansion occidentale. Elle
elle continuera, malgré des incertitudes de ne peut se faire, après la révolution technique,
parcours, à le faire. « La fonction indispen qu'en renonçant à la conception individualiste
sable à la société qu'est la philosophie, dit-il, du philosophe et en cherchant à comprendre
la form ation d'une image de l'univers, cadre l'histoire de la pensée, de l'effort global des
de l'action, n'est plus assurée par les respon hommes pour maîtriser le mystère de leur
sables. Les universités occidentales produisent condition. Sur ce plan, l'Europe, cette petite
seulement des professionnels d'une rhétorique péninsule de l'Asie, comme disait Paul Valéry,
inintelligible aux hommes qui travaillent. a été, est, sera à l'avant-garde. »
14
T
m ais d e u x m o n s tre s , ou
to u t au m o in s d e u x très
gros a n im a u x a q u a tiq u e s
qui c irc u la ie n t d a n s le
PLANETE
fa m e u x loch. Il m e d o n n a
alors q u a n tité de d é tails
e\* DES LEUR
s u r leu rs h a b itu d e s et les S 'N PARUTION
e n d ro its e t les p r o f o n d e u r s
où ils se t e n a i e n t d e p r é f é
vous VOUS A PARLE
re n c e , à d iffé re n te s h e u r e s
d u j o u r et d e la nuit. arrose DE CES
« Je c o n n a is assez b ien
DEUX LIVRES
c e tt e ré g io n c a r c ’est d e
ce c ô té q u e d is p a ra ît en
m e r le plus g r a n d fleuve
s o u te rr a in d ’E u r o p e o c c i lis
d e n ta le » , dit-il com m e
j ’allais le q u itte r. Je restai.
D ’a p rè s m o n am i, il p asse & un siècle
sous P aris un fleuve s o u d’humour
te rr a in d ’un d é b it d ’eau
b ien s u p é r ie u r à la S eine.
anglo-américain
Textes choisis par
C ’est ce q u e les g é o lo g u e s MICHEL CHRESTIEN et
et in g é n ie u rs h y d ro g r a p h e s JACQUES STERNBERG
40,60 F (t.l.c.)
a p p e lle n t la n a p p e A lb ien -
ne et q u ’ils c o n s id è r e n t
c o m m e u n e s o rte d e lac
s o u te rr a in , b ien q u ’elle
jaillisse p a r e n d r o its et
»
q u ’elle a c c u s e d e s u r p r e
n a n te s d iffé re n c e s d e ni
veau p o u r u n lac. « L a te * '* * F. RIBADEAU DUMAS
s c ie n c e à des ra isons q u e
la ra iso n igno re... m ais
histoire
qu e c e rta in e s affaires de la magie
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15
Prospective et Brospective Quels résultats obtient la Brospective ?
Essentiellement préoccupée du futur, la Prospective Des résultats spectaculaires. C ’est ainsi par exemple,
étudie les causes qui accélèrent l’évolution et prévoit que dès la fin de la deuxième guerre mondiale la
les situations qui peuvent en découler. Brospective a permis à la Société Gibbs de réaliser des
La Brospective est née des mêmes préoccupations et les brosses à dents en fibres synthétiques dont l’extrémité
résultats déjà obtenus permettent de mesurer son des poils était parfaitement arrondie. Ce perfection
importance. nement, exclusivité de Gibbs, avait quinze ans d ’avance.
Mais qu'est-ce donc que la Brospective? Il assurait déjà une totale sécurité aux utilisateurs de
Ce néologisme se compose des mots « brosse » et fibres nouvelles.
« prospective » qui viennent se télescoper. Il ne s’agit Partant des études de la Brospective, en 1966, Gibbs
pas d ’un simple jeu de mots mais d ’un qualificatif qui vient de mettre au point et de lancer une nouvelle
s ’applique à une science nouvelle mise au point par gamme de Brosses-Sécurité qui se situe à l ’avant-garde
Gibbs, premier spécialiste européen d ’hygiène dentaire. du progrès.
Conçues d ’après les besoins des utilisateurs et les
Que recherche la Brospective ? conseils de chirurgiens-dentistes les nouvelles brosses
Avant tout donner à chacun ce dont il a besoin, ce q u ’il Gibbs offrent toutes les garanties de sécurité et d ’effi
désire dans le domaine des brosses à dents. La Brospec cacité.
tive exploite pour cela tous les résultats des recherches Quels que soient vos besoins, vous êtes sûr de trouver
les plus avancées en matière d ’hygiène dentaire. dans la nouvelle collection des Brosses-sécurité Gibbs
celle qui vous convient parfaitement.
Quelles techniques utilise-t-elle ? Vous avez le choix entre brosse souple ou brosse dure,
Tout un cycle d ’enquêtes, de recherches et de tests entre soies naturelles ou fibres nouvelles (avec l’extré
permet d ’élaborer les brosses à dents de demain : mité des poils parfaitement arrondie). Vous pouvez
— Enquêtes auprès des utilisateurs encore choisir entre différentes tailles et différentes
— Enquêtes auprès des chirurgiens-dentistes (1) formes de manche.
— Recherches scientifiques et techniques Que vous choisissiez une Gibbs Souple, une Gibbs
— Nombreux tests, des matières premières aux produits Contact, une Gibbs pures soies Sanglier ou toute autre
finis brosse Gibbs, vous choisirez à coup sûr la santé et la
— Tests auprès des utilisateurs sécurité de vos dents.
— Dépouillement des résultats par ordinateur (1) E n q u ête n atio n ale au p rès des C hirurgiens-D entistes
— Contrôle absolu de la qualité. N ovem bre 1962 - Février 1964.
17
La nouvelle collection
est maintenant
MAO TSE-TOUNG
Regardez bien cet hom m e. Ce qu'il pense, ce qu'il décide, ce qu'il dit m et en
m ouvem ent 7 0 0 millions d'hom m es. 1 hom m e sur 4 est chinois; bientôt 1 hom m e
sur 3 le sera. C et hom m e, c'est le m aître de la Chine, M ao Tsé-toung. Un espoir
pour les uns. Pour les autres une menace. Pour tous un inconnu.
23
Le domaine enchanté
Dans toute l’œuvre poétique de Magritte, un certain nombre de
symboles reviennent constamment. Ainsi cette œuvre simple en appa
rence est pleine de sous-entendus et sujette à interprétation. Le
peintre vient d ’achever la réalisation d ’un projet insolite: réunir les
principaux symboles qui hantent son esprit dans une immense fresque
de plusieurs panneaux et donner ainsi les clés de ses tableaux peints
depuis quarante ans. On peut admirer cet ensemble de sept panneaux
au casino de Knokke-le-Zoute (Belgique).
. >►*
L es grands oiseaux sont ceux de l'île au trésor, où les arbres D ans l ’espace appelé ciel
n ’ont d 'autre feu illa g e que leurs chants. L e papier découpé s'élèvent des constructions d ’azur.
des prem ières recherches est un p apier m asqué et très atten tif. Une je u n e fe m m e p résente avec grâce d eu x fo r m e s
L a lum ière rayonne. On voit en m êm e tem ps différentes d ’un m êm e oiseau. D eux tours
deu x m om ents espacés d ’une jo u rn ée de la vie hum aine. se prom èn en t com m e des am ies, devant la mer.
Une p orte s ’ouvre sur la nuit veloutée, A b rité du large p a r un gra n d rideau,
où une lune précise signe ses dentelles. un séduisant navire d'eau de m er
Des feu illes violentes retiennent leurs grelots raconte ses voyages
et bouleversent leurs oiseaux. à une sirène renversée.
Mon Ceci se passait dans la Khâgne du lycée Henri-IV, en 1929. Notre pro
fesseur de philosophie se nommait Émile Chartier, plus connu sous le
professeur nom d ’Alain, il approchait la soixantaine. Il était grand, fort, large
d’épaules. Les cheveux poivre et sel, fournis, partagés par une raie
de philo médiane; les traits du visage fermes, la physionomie sérieuse mais non
grave, souvent ironique. Une force tranquille qui donnait confiance.
s'appelait De confiance, nous avions besoin.
Alain La Khâgne, comme on sait, est la classe de préparation à Normale
supérieure et le khâgneux est soumis à un entraînement intensif. Vivre
deux ans, parfois trois, dans les livres, dans les textes, est une épreuve
pour des esprits de vingt ans. Nos camarades de la Faculté étaient
sortis de l’enclos du lycée. Même s’ils fournissaient un gros travail, ils
avaient rejoint le monde extérieur; nous autres khâgneux, nous devions
encore mener une vie conventuelle. Chartier nous rassurait parce qu’à
N ’entrez pas en philo
travers les textes, il -nous remettait en contact avec le réel, avec le
com m e en prison, monde des hommes et des choses, parce qu’il rappelait tout le temps
m ais pour com m encer que la pensée est dirigée vers le concret et non pas vers les abstractions
à penser la liberté — universitaires. A ceux qui, fébrilement, noircissaient du papier pour
et ne plus jam ais cesser. consigner des références, des citations,, des dates, des bibliographies,
P ho to m o n tag e d e R otella. il disait: «Ne prenez pas de notes, cela rend bête.» Il recommandait
de lire les philosophes eux-mêmes, non leurs commentateurs, de
réfléchir sur l’expérience la plus proche, non sur des documents de
seconde main. « Penser, disait-il encore, ne va pas de soi. » Cela
voulait dire que penser ce n’est pas aligner des idées les unes après les
autres, c’est avoir non pas des pensées mais une pensée. Rien de plus
vain, rien de plus mondain que d ’avoir des idées. Chartier avait la dent
dure pour les mondains, les officiels, les gens d ’académie. D ’un tel, il
disait: « Il est pareil à un prunier; on le secoue et il tombe parfois une
idée.» Il n’admettait pas la discussion verbale qu’il jugeait stérile. Si
nous avions à formuler des objections, il fallait le faire par écrit, car
une pensée non écrite, non construite, non travaillée est du bavardage.
Sa méthode pédagogique était une merveille. Son enseignement de
philosophie était partagé en trois séances de deux heures par semaine.
Une séance était consacrée à un cours dogmatique. L’année 1928-
1929, Chartier traita «sensibilité et activité». Il rappela les exigences
du corps, l’émotion viscérale, base de toute émotion esthétique. La
beauté n’est pas faite d ’un plaisir des sens, mais elle se présente,
disait-il, comme une «insulte». La Victoire de Samothrace n’est pas
là pour nous plaire, mais pour nous interpeller, pour nous tirer de notre
chemin. Le corps soutient nos pensées. Il ne fallait pas qu’un philo
sophe fût chétif, malingre, mais, comme dit Spinoza « qui a un corps
possédant un très grand nombre d’aptitudes, la plus grande partie de
son âme est éternelle» (E thique— 5' Partie: proposition XXXIX).
La deuxième séance était consacrée à la lecture d ’un ouvrage philo
sophique. Nous disons bien à la lecture et non à un exposé de seconde
main. Descartes, Platon, Kant étaient ouverts sur nos tables. Un élève
lisait à haute voix, Chartier commentait et son commentaire ressemblait
à une pensée en arcades. Il prenait son appui sur un mot, sur une
phrase, s’élançait dans le développement de l’idée, semblait quitter
le sujet, puis retombait juste à l’endroit où l’auteur voulait nous mener
quelques pages plus loin. Nous apprîmes ainsi le rude contact des
grands penseurs, et l’effort salutaire de comprendre lentement, labo
rieusement, profondément.
Faire la Enfin, pendant la troisième séance, on lisait une grande œuvre poétique
où l’homme se révélait dans sa vérité: VIliade, la Bible, Montaigne,
dissertation, Balzac. Toujours la même méthode: lecture à voix haute par un élève
et commentaire de Chartier.
la refaire, Le secret de sa pédagogie était la continuité.
Au début d ’une année scolaire il donna comme première dissertation,
la continuer l’égoïsme. Il ajouta: « Je vous donne trois conseils; le premier c’est
36 La philosophie de Planète
de faire cette dissertation; le second est de la refaire; le troisième,
est de la continuer. Il faut qu’à partir d ’une question particulière, quelle
qu’elle soit, vous retrouviez le monde, rien qu’en continuant votre
pensée. A l’examen, vous n’inventerez rien, il faut que vous arriviez
avec votre machine de guerre toute prête, toute montée. Ainsi vous
serez forts. »
La force du philosophe c’est, en définitive, la continuité de sa pensée.
Tout pour lui est objet de pensée, objet de question, appel à méditation,
l’outil, la machine, le rire, l’amour, la guerre. Le premier caractère
du philosophe n’est pas d ’apporter des réponses, mais de donner à
penser. Il faut prendre ces mots dans toute leur force. Celui qui donne,
suscite et transmet. Hegel dit qu’il n’y a qu'une pensée et que c’est cette
unique pensée qui se développe dans le monde, transmise d ’un homme
à un autre. Penser ce n’est pas décrire la pensée d ’un autre, c’est la
rendre présente. On peut décrire la bataille de Salamine ou la bataille
de Waterloo sans jamais y avoir assisté, à l’aide de témoignages, de
Mémoires, de toutes sortes de documents historiques. Mais on ne peut
lire Aristote, ou Kant, ou Hegel sans être soi-même, pendant un temps,
si court soit-il, et, si mal que ce soit, Aristote, Kant ou Hegel. La pensée
du philosophe n’est pas l’exercice d’un brillant soliste. Si le philosophe
donne à penser, c’est que lui-même a reçu à penser. Quelle que soit
son originalité, quelle que soit sa personnalité,, il s’inscrit dans une
lignée philosophique. Et la continuité de la pensée de l’individu s’insère
dans la continuité de pensée d ’une civilisation.
Positions Planète 37
Cette pensée médiévale se place au point de confluence de trois
courants: un courant juif qui appprte la notion de l’Etre-Un-Créateur;
un courant chrétien qui apporte le mythe de l’incarnation, c’est-à-dire
de l’assomption de l’humanité créée par le Dieu-Créateur; un courant
grec qui apporte la liaison logique et identifie l’Être Suprême avec la
Suprême Intelligence.
La réunion de ces trois courants en une méthode de pensée, de
recherche et d ’enseignement, a été appelée la scolastique. Contrai
rement à ce qu’on croit généralement, la scolastique a favorisé, et
non retardé, l’éclosion de la pensée scientifique moderne: elle a conféré
à l’esprit européen une unité de langage, elle l’a dressé à la gymnas
tique du raisonnement, elle l’a fortifié dans la certitude d ’un univers
rationnellement agencé.
La philosophie médiévale est alors, non pas l’ensemble des sciences,
mais le fonds commun de toutes les sciences, de la physique comme
de la théologie.
38 La philosophie de Planète
A l’expression mathématique de la nature, s’ajoute l’expression dia
lectique de l’histoire.
Q u’est-ce que la dialectique? Ce mot caractérise tout à la fois la
démarche de la pensée qui procède par voie d’opposition et de syn
thèse et la structure même de l’histoire humaine. La dialectique est
donc, tout à la fois, une loi de la pensée et une loi du réel. Elle nous
donne le moyen de penser l’histoire, c’est-à-dire d ’instituer un ordre
causal entre les événements. A partir de Hegel (1770-1831) l’histoire
n’est plus une suite de chroniques ou un Panthéon de grands hommes,
mais une explication scientifique de l’évolution politique. La philo
sophie délaissée par les sciences positives, retrouve alors toute sa
vigueur pour fonder l’histoire.
...et le Mais dans un quatrième temps, la philosophie passe par une nouvelle
crise. Depuis environ le deuxième tiers du xixc siècle jusqu’à nos jours,
moment de la position de la philosophie européenne est ambiguë et complexe.
Nous essaierons, néanmoins, d’y voir clair.
la grande D’une part, la pensée hégélienne donne naissance à la doctrine marxiste
qui conserve le principe dialectique, mais fait de la lutte des classes
crise la substance même de l’histoire. Alors, la philosophie est au bout de
son rouleau: le monde n’a plus à être décrit ou interprété, mais à
être transformé. Le révolutionnaire peut bien, comme Lénine, être
intellectuellement façonné par la philosophie, ou plus exactement par
une certaine philosophie, il n’en doit pas moins abandonner la médi
tation pour l’action.
D 'autre part, les philosophes non marxistes ne savent pas non plus très
bien que faire de la philosophie. Après avoir perdu les sciences phy
siques et naturelles, ils perdent les sciences humaines: la psychologie,
la sociologie, l’anthropologie, l’économie. Que feront les philosophes?
La critique des sciences? Mais ils s’essoufflent à courir après des décou
vertes de plus en plus nombreuses que très souvent ils ne comprennent
même pas. La morale, la politique? Mais entre l’esprit révolutionnaire
et la morale traditionnelle d’inspiration religieuse, il n’y a qu’une
morale académique, plate, fastidieuse, qui se garde bien d ’inquiéter
l’ordre établi. La philosophie glisse alors, soit vers le procès de la
modernité et le nihilisme, comme chez Nietzsche, soit vers l’érudition
historique, vers une archéologie des idées qui en font une discipline
universitaire perdue parmi les autres.
Et pourquoi Ainsi, penser, c’est aller à la recherche des plus profondes infra
structures, c’est remonter à l’original. Penser les mathématiques, ce
la philosophie? n’est pas résoudre des problèmes, ni énoncer des théorèmes, ni même
1. Voir « la philosophie de Planète .. du précédent numéro.
40 La p h ilo so p h ie de P lanète
analyser le raisonnement mathématique, c’est se dem ander au nom
de quoi ce raisonnement mathématique nous apparaît comme néces
saire. Penser l’esthétique, ce n’est ni peindre, ni sculpter, ni même
connaître l’histoire de l’art, mais c’est se dem ander ce que sont l’art,
la beauté ou le charme. Et c’est pourquoi, encore que l ’organisation de
nos universités le laisse croire, la philosophie n ’est pas une spécialité
intellectuelle et, tout homme qui pense en profondeur est, par cela même,
philosophe. La pensée philosophique est le bien commun de tous et non la
qualification technique de quelques-uns.
Positions Planète 41
matique. On pourrait demander: Où est Paris? Quel est le niveau des
prix aux États-Unis? Quelle est la proportion des malades mentaux
dans tel pays, telle année? Mais on ne demanderait pas: Q u’est-ce que
l’État? Q u’est-ce que le Travail? Q u’est-ce que la Raison?
42 La p h ilo so p h ie de P lanète
comprendre l’homme d ’une autre religion. Il en va de même avec la
pensée des autres peuples, et des autres civilisations. Pour les Occi
dentaux, la pensée extrême-orientale reste lettre morte s’ils ne savent
la vivifier par leur propre pensée. A cette seule condition peut s’établir
un dialogue qui ne soit pas un dialogue de sourds. C ’est ainsi qu ’il faut
comprendre ces quelques mots de Heidegger auxquels on ne prêtera
jamais assez d’attention: Quiconque se risque aujourd’hui — en ques
tionnant, réfléchissant et ainsi coopérant — à suivre le mouvement en
profondeur de l ’ébranlement mondial que nous vivons heure par heure,
ne doit pas seulement prendre garde que notre monde présent est complè
tement régi par la volonté de savoir de la science moderne, mais il doit
aussi considérer, avant toute autre chose, qu'aucune méditation sur ce qui
est aujourd’hui, ne peut germer et se développer, à moins qu 'elle n 'enfonce
ses racines dans le sol de notre existence historique par un dialogue avec
les penseurs grecs et avec leur langue. Ce dialogue attend encore d ’être
commencé. C est à peine s ’il est seulement préparé et lui-même, à son tour,
demeure pour nous la condition préalable du dialogue inévitable avec le
monde extrême-oriental. (Essais et Conférences — Science et Médi
ta tio n —Trad. André Préau, pp. 51 et 52).
Oui, il y a Mais la philosophie existe et, jusqu’à nouvel ordre, la pensée occiden
tale n’a pas cessé de s’interroger et d ’interroger le monde. Or, ce monde
des tâches qui est le nôtre, est en pleine mutation et il s’agit de savoir si, et
comment, la réflexion philosophique peut nous aider à le comprendre.
nouvelles Cette mutation du monde moderne, comment se présente-t-elle?
Certaines de ses composantes sont assez connues pour qu ’il nous suffise
de les énoncer: l’accélération technico-scientifique et la poussée dém o
graphique. Mais, la composante majeure est la composante politique.
Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, on assiste à un accrois
sement continu du nombre des États indépendants, à la suite du morcel
lement des grands empires. Après 1918, se produisent le morcellement
de l’empire d ’Autriche-Hongrie, celui de l’empire Ottoman, le rétablis
sement de l'Irlande et de la Pologne. Depuis 1945, ce sont les empires
3. C’est exactem ent notre serment.
4. C ette définition fait justice, une fois pour toutes, des critiques ignorantes à propos du fantastique dans Planète.
La p h ilo s o p h ie de P lanète
coloniaux qui éclatent en Asie et en Afrique. Aujourd’hui, la terre
tout entière est découpée en États centralisés indépendants, dont
certains sont gigantesques, comme la République chinoise, d ’autres
minuscules, comme Israël. D’autres États encore sont dédoublés:
l’Allemagne, le Viêt-nam, la Corée. La carte politique du monde est
plus bariolée qu’elle ne l’a jamais été. Entre ces divisions géogra
phiques, courent des lignes de force qui déterminent d ’autres divisions
et d ’autres groupements. Il existe un Occident Atlantique qui groupe
l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest, un Occident eurasien qui
groupe l’Europe Centrale et l’U.R.S.S., un tiers monde asiatique, un
tiers monde d ’Afrique noire, un tiers monde arabe, un tiers monde
latino-américain5; une masse chinoise qui pèse de plus en plus sur la
politique mondiale; une masse japonaise dont on ne sait encore de
quel côté elle va basculer. Il faut ajouter des découpages religieux,
ethniques, idéologiques, si bien que chaque État se trouve être un
centre d ’intersections et de conflits de forces les plus diverses. Ces
groupements ne sont pas stables. Ils se font et se défont: celui de
l’Atlantique Nord présente du jeu; la Ligue Arabe, unie en paroles
est divisée en fait; le monde communiste s’est scindé; le tiers monde
afro-asiatique cherche l’entente avec le tiers monde latino-américain
pour échapper à la pression chinoise. Chaque État est un carrefour
d'appartenances et, par suite, est susceptible de glisser ici ou là, de faire
onduler les organisations collectives, de fortifier ou d ’affranchir les
foyers politiques.
Positions Planète 45
problèmes fondamentaux de l ’organisation planétaire, mettre en question
les affirmations les plus assurées en apparence, afin de dégager et d'élucider
ce qui peut devenir un facteur d ’union dans un monde déchiré6. Car, en
définitive, c’est toujours l’universel qui unit, mais, suivant les époques,
l’universel prend différentes figures. Il fut un temps où l’universel prit
la figure de la théologie, un autre où il prit celle du rationalisme, un
autre encore où il prit celle de l’histoire et de la dialectique. Aujourd’hui,
l’universel prend la figure de la pensée planétaire. La mise en question
de la pensée planétaire peut être formulée comme suit: sur cette terre
complètement appropriée qui tend vers l’encombrem ent démogra
phique, où chaque peuple, chaque individu, sont déchirés entre des
appartenances différentes, où les partis, les races, les religions, les
cultures serrés au coude à coude se heurtent et se bousculent, quels
peuvent être les principes d ’une compréhension réciproque? Pour
q u ’une telle compréhension ait la moindre chance de naître un jour,
il faut, pour commencer, que la pensée philosophique dissolve les affir
mations que chaque clan politique, idéologique ou racial jette à la face
de tous les autres et qu’elle dévoile par-delà les vérités de surface le
fonds commun d ’un langage et d’une pensée.
Les trois Quels peuvent donc être les thèmes d ’une réflexion philosophique qui
tienne compte de la situation présente du monde?
thèmes de A notre avis, il en est trois :
— une science générale de la pensée,
la nouvelle — le langage et la communication,
— le concept d’appartenance.
réflexion Nous voudrions en dire quelques mots comme conclusion de cette
étude.
6. Tel est le program me que suit, plus que jamais, Planète.
46 La philosophie de Planète
Une science générale de la pensée aurait pour objet d ’étudier le phéno
mène même de la pensée, comme la biologie étudie le phénomène
même de la vie. Mais à l’encontre de la biologie qui cherche à saisir
la vie dans ses manifestations les plus élémentaires, la science de la
pensée chercherait à en expliquer les manifestations supérieures, l’art,
la science, la poésie, la religion. Cette tâche, on peut dire qu ’elle n’en
est qu’à ses débuts. Jusqu’ici, la pensée a bien pu se prendre comme
objet de critique, elle a bien pu édifier des « systèmes» du monde, elle
n’a jamais tenté de s’expliquer à elle-même sa propre formation. Il n’y
a que chez Hegel que le problème est abordé franchement.
Une telle recherche conduirait, pour commencer, à écrire une histoire
de la pensée et à dessiner le réseau des différents courants d ’idées,
quelles que soient les formes que ces idées aient pu emprunter, reli
gieuses, scientifiques ou métaphysiques. En particulier, une confron
tation entre la pensée occidentale et la pensée extrême-orientale serait la
première des tâches d ’une pensée planétaire qui commence tout juste
à poindre '.
Le propre de cette pensée planétaire, n’est pas seulement de s’attacher
au phénomène de la vie biologique qui, vu de l’extérieur, se présente
comme une palpitation de la matière, mais de s’attacher au phénomène
de la pensée qui, lui, doit être saisi non de l’extérieur mais de l’intérieur
et par la pensée elle-même. Seule la réflexion philosophique, c ’est-à-
dire la pensée infléchie sur elle-même, peut aborder cette nouvelle
science générale de la pensée.
Pas d'unité Le second thème de recherche porterait sur le langage et sur la com m u
nication. Ce thème est lié au précédent, car tout langage est le véhicule
de langage d ’une pensée. Pour que les habitants de la planète tendent vers un
niveau d ’organisation supérieure, il leur faut communiquer. Mais les
sans unité messages ne seront compris que dans la mesure où un langage commun
prendra appui sur une pensée commune. Sans pensée commune, la
de pensée communauté de langage est limitée au langage technique. Désigner
des choses ne présente aucune difficulté: on peut s’entendre sur ce que
veulent dire table, roue ou arbre. Mais si l’on sort du domaine des
objets et des instruments, l’équivoque commence. L’ordre, la paix,
la liberté, la justice, la vérité sont revendiqués par les partis anta
gonistes. La confusion des idées est totale.
A première vue, on pourrait croire qu’on s’en tirerait avec une défi
nition de dictionnaire. Mais à supposer qu’on s’entende sur la définition
7. Cf. nos études sur les différentes attitudes de la vie spirituelle ou mystique, et l’ouvrage de R. de Becker:
i Hindouisme et la Crise du monde moderne (Encyclopédie Planète).
Positions Planète 47
du mot justice, par exemple, il ne s’ensuivrait pas que les confusions
et les oppositions fussent dissipées: car il faudrait encore savoir pour
qui et de qui il y a justice. Il y a la justice pour le maître et il y a la
justice pour l’esclave, il y a la justice de Dieu et la justice des hommes.
Ni la justice, ni la liberté, ni l’ordre n’existent en dehors des organi
sations sociales concrètes et les organisations sociales ne sont pas des
groupements accidentels, des collections d ’individus rassemblés un jour
et dispersés le lendemain, elles reposent sur une communauté de
pensée et d’expression. Les mots sont définis par d’autres mots et il
n’est pas de mot premier, de mot originel qui commande le sens de
tous les autres. Les mots n’ont de sens que dans un texte et le texte
que dans une pensée. C ’est l’unité de la pensée qui fait l’unité de lan
gage et, partant, la possibilité de la communication sociale.
La p h ilo so p h ie de P lanète
s’en faut de beaucoup qu’elle ait atteint sa maturité. Nous avons
suggéré un thème de recherche, nous n’avons pas montré des voies
toutes tracées qu’il n’y aurait qu’à parcourir d ’un pas égal pour arriver,
sans risques, à destination. D ’ailleurs une pensée qui creuse son chemin
ne progresse pas en ligne droite mais en spirale; si elle avance, c’est
en revenant sur elle-même, en se ressaisissant chaque fois, en actua
lisant à chaque moment les virtualités dissimulées dans le moment
précédent. Faire un pas, se retourner, faire encore un pas, élucider les
concepts, éprouver les fondements, tout ensemble tracer le chemin et
proposer le but, telle est l’allure de la pensée*. On ne planifie pas la
recherche philosophique. Ce serait penser avant d ’avoir pensé. Le
verbe penser ne se conjugue q u ’au présent.
8. Les études intitulées « la Philosophie de Planète » ont pour objet de rendre sensible cette « allure de la pensée ».
Positions Planète
Deux documents exceptionnels qui peuvent aider
L'histoire invisible
(1 200 do llars p o u r la F r a n c e , 130 do llars p o u r le on n ’a c h è t e r a it p as un e b icy clette. M ais ces
M a r o c , 50 p o u r la R é p u b liq u e C e n t r e - A m é r i h o m m e s o n t la c e rtitu d e de la v ictoire. D e p u is la
caine). Le to tal des re v e n u s individuels attein t C o n f é r e n c e de La H a v a n e , ils sont organisés, ils
un niveau a n n u e l de 531 milliards .de dollars. o n t un é ta t -m a jo r m ondial.
O n p ro d u it p a r an 9 1/2 millions d a u to m o b ile s, Qui c ela : « ils »?
5 millions de téléviseurs, 2 millions de réfrig é Le V iet-cong, d ’a b o rd , qui m è n e en I n d o c h in e
rateurs. Les c e rv e a u x é le c tro n iq u e s , qui saven t u ne g u e rre active.
to ut, p e u v e n t m ê m e n o u s dire c o m b ie n l’A m é Le g o u v e r n e m e n t rév o lu tio n n a ire congolais, qui
rique d é p e n s e p a r an p o u r ses c h ie n s : 534 mil m è n e u n e g u e rr e active.
lions de dollars p o u r 22 millions de chiens, qui L ’A lgérie, qui vient de te r m i n e r un e g u e rre
m è n e n t une vie q u ’un In d ien en vierait, et qui o nt active.
m ê m e des p sychanalystes. Haïti, où la g u e rr e est active et ou v erte.
90 000 m illion naires p o s s è d e n t 250 milliards de Le V e n ez u e la, qui est au stad e de la guérilla à
dollars. Les s o cié tés ind ustrielles a tte ig n e n t des g ra n d e éch elle. C u b a , où la bataille était gag née,
niveaux qui d é p a s s e n t le b u d g e t de ce rta in s pays. à 140 k m des États-U nis. Le P é ro u , d o n t le
L a G e n e r a l M o to rs a d istribu é, en 1965, 5,4 mil d é lég u é à la c o n f é r e n c e tr ic o n tin e n ta le a pu dire :
liards de do llars à ses 734 000 e m p lo y é s, a payé « N o s d é t a c h e m e n t s ti e n n e n t so lid e m e n t cinq
un milliard de d ollars d 'im p ô ts et a réalisé fronts: un au no rd , un au sud et trois au ce n tre .
2 milliards de do llars d e b é n é fices nets. Le b u d g et Ils o n t d étr u it plusieu rs u n ité s militaires e n v o y é e s
m ilitaire est de 58,4 milliards de d ollars sur p o u r les c o m b a t tr e . L a guérilla se d é v e lo p p e ,
112,8 m illiards de do llars de b u d g e t total. Le s’a c c ro ît, se con so lid e.»
g o u v e r n e m e n t d e W a sh in g to n p e u t é q u ip e r une Le G u a te m a la , où la g uérilla a c o n d u it au d é b u t
a r m é e d e 2 660 000 h o m m e s et d isp o ser d ’un de 1966 à d es b atailles rangées.
arsen al c o m p r e n a n t 854 fusées in t e rc o n t in e n t a le s C e tt e g u e rr e c o n tr e l’A m é riq u e a pris des a sp e c ts
de ty pe « M i n u te m a n » ou « T ita n II», 544 fusées et d e s p ro p o r tio n s d o n t no us n ’avions, j u s q u ’ici,
de ty pe « P o laris» * (d o n t la p o r t é e p asse ra , en ni vue d ’e n se m b le , ni e x a c t e m e n t c o n s c ie n c e .
1967, de 2 500 km à 4 500 km), 2 000 ogives A La H a v a n e , où la ta c t iq u e et la stratégie
n u c léa ires (leur n o m b r e se ra p o rté à 2 600 d a n s g é n é ra le s o n t été p réc isées, le d é lég u é du Viet-
le d e u x iè m e s e m e s tr e de 1966), 45 sou s-m a rin s c o n g a p ré s e n té son bilan: « De 1960 à 1965,
é q u ip é s d e « P o la r is » en serv ice et 16 en c o n s n o tre p e u p le , sous la d ire c tio n du « F r o n t natio nal
tr u c tio n , 1 055 b o m b a r d ie r s s tra té g iq u e s et de L ib é ra tio n » a a n é a n ti 540 000 en nem is, m orts,
3 000 b o m b a r d i e r s et c h a s s e u r s - b o m b a r d i e r s blessés et p rison nie rs — y c o m p ris 20 000 so ld ats
m o y en s à c a p a c i té n u c lé a ire , d is p o san t d ’une a g resseurs y a n k e e s. Il a a b a ttu , d é tr u it ou e n d o m
pu issan ce explosive de 25 000 m ég ato n es. m ag é plus de 2 390 avions et h é lic o p tè r e s d e tou s
types. Il a dé m o li ou e n d o m m a g é 1 922 v éhicu les
militaires, co u lé ou e n d o m m a g é 912 c h a lo u p e s et
Les puissances en présence so nt b a te a u x de g u e rr e , d o n t le p o rte -a v io n s « C a r d » .
les É ta ts -U n is e t le Tiers M o n de Il s’est e m p a r é de plus de 100 000 a rm e s d e tou s
types... Plus de 217 000 soldats du « g o u v e r
Voilà d o n c un d es ad v e rs a ire s : la plus g ra n d e n e m e n t fa n t o c h e » o n t dé se rté . A u jo u rd 'h u i, les
p uissa nce de l’histoire c o n n u e . cas d e rébellion et de d é se rtio n massive de c o m
En face? p agn ies et m ê m e de b ataillo ns c o m p lets , se m u l
D e s h o m m e s, sim p lem ent. tiplient... Au milieu d e la te m p ê te de la g u erre,
1 400 millions d ’h o m m e s, 47 % de la p o p u la tio n un e n ouvelle vie a surgi d a n s les vastes z on es
to tale du m o n d e . D e s h o m m e s sans a rm e s, sans lib érées p a r les fo rc es p atrio tiq u es, qui c o m
arg ent. Le p ro d u it a n n u e l lo u rd : le d ix ièm e du p r e n n e n t a u jo u r d ’hui plus de 8 0 % du te rrito ire
p ro d u it m on dial. A v ec le rev en u a n n u e l m o yen , s u d -v ietn am ien , où vivent 10 millions d ’hab itants.
L'histoire invisible 55
un p e lo to n qui c o m p r e n d é g a le m e n t l’É q u a te u r , lation du m o n d e , qui était de 1 500 millions
les Philippines, l'Irak, le M e x iq u e, le Chili, le d ’h a b ita n ts en 1900 et a tte in t a u j o u r d ’hui les
G u a te m a la , le Pérou, C eylan, la Syrie, le Paragu ay 3 200 millions d ’hab ita n ts, sera de 6 milliards en
et l’Iran —, tan d is q u e les plus p a u v re s f o r m e n t le l'an 2000. L ’« explosion d é m o g r a p h iq u e » du T iers
gros du bataillon d es re ta rd a ta ire s . D a n s ce M o n d e a c c ro ît e n c o re , é v id e m m e n t , l’inégalité
g ro u p e de l’ind igen ce, on tr o u v e en effet, à cô té des re v e n u s e n tr e pays s o u s -d é v e lo p p é s et pays
de la J o r d a n ie , de H aïti, de l'In de, du Pak istan, industriels. A u jo u rd 'h u i l’A friqu e, d o n t la p o p u
de la Bolivie, de l’A fg han istan , de la B irm an ie lation r e p r é s e n te 7 % de la p o p u la tio n m o n d iale ,
et du N é pal, le C o n g o de L éopoldville, la Libye, ne dispose qu e de 2 % du rev en u m o nd ial, et
le Nigeria, le K en y a, la T a n z a n ie , l’É th io p ie et l’Asie, d o n t la p o p u la tio n dépasse, la m oitié de
tous les É tats d e s a n c ie n n e s A friq u e O c c id e n t a le l’h u m a n ité , d o it se c o n t e n t e r d ’un rev en u à pein e
et A friqu e É q u a to ri a le françaises. F a c e à ce tte égal à 11 % du rev en u m ondial. Si l’on c o m p a r e
misère, les pays industriels d é v e lo p p e n t un pro du it les statistiq ues du revenu an n u el p a r tê te d ans
nation al b ru t p a r an et p a r h a b it a n t s u p é r ie u r les d ifférents pays à q u e lq u e s g ra n d e s d a te s de
à 500 dollars p o u r l’Italie, la Po log ne, la H on g rie , l’histoire du m o n d e , on c o n s ta te q u e l’é c a r t e n tre
l’A u tric h e , l’Irlan d e, Israël et la R o u m a n ie , à le plus riche du m o n d e (l’A n g le te r re ) e t le pays
plus de 1 000 dollars p o u r la N o rv èg e, la Belgique, le plus p a u v re du m o n d e (l’In de ) qui était, en
l’Islan de, la F in la n d e, les P ays-Bas, l’U .R .S .S ., la 1800, de 8 à 1, est a u jo u r d 'h u i de 50 à 1. Les
T c h é c o s l o v a q u ie et l’A lle m a g n e d é m o c r a ti q u e , à États-U nis, 15 fois plus riches q u e l’Inde en 1939,
plus de 1 500 dollars p o u r la S uèd e, la Suisse, le 35 fois plus riches en 1954, 60 fois plus riches
L u x e m b o u rg , l’A ustralie, la N o u v e lle - Z é la n d e , a u jo u r d ’hui, seron t, si rien ne vient c h a n g e r le
l’A lle m a g n e de l’O u e st, la F r a n c e , l’A n g le te r re c o u rs de c e tte év olutio n, 100 fois plus riches en
et à plus de 2 000 dollars p o u r les É ta ts-U n is l’an 2000. A lors q u e l’un d es p r o b l è m e s m ajeurs
et le C a n a d a , ce qui n ’e m p ê c h e pas le « m o n d e des U .S.A. est la su rp ro d u c tio n de d e n r é e s ali
in dustriel» de m e s u re r c h ic h e m e n t son « a id e m e n ta ir e s et l’é c o u le m e n t fort difficile des
aux pays so u s -d é v e lo p p é s ». « su r p lu s ag ric oles» , les effets c o n ju g u é s de
« l'ex p lo sio n d é m o g r a p h iq u e » et du pillage de
leurs é c o n o m i e s p a r l’im p érialism e a g g rav en t,
P ourquoi les E ta ts-U n is d ans p re s q u e tou s les pays sou s-d év elo p p és, le
a c c e p te n t-ils le co m b at? d r a m e de la faim. Les 2 /3 des h a b ita n ts du Tiers
M o n d e ne d isp o sen t pas des 2 500 calories p a r
A to rt ou à raison, un milliard et d e m i d ’h o m m e s jo u r in d ispen sables à l’activité n o rm a le de
sont p e rs u a d é s q u ’ils ne p o u r r o n t arr iv e r à une l'h o m m e , et « l ’e s p é r a n c e de vie» des h ab ita n ts
vie n o rm a le q u e s’ils p r e n n e n t e u x -m ê m e s , les du T ie rs M o n d e est deux fois plus c o u rt e qu e
arm e s à la main, le c o n tr ô le de leurs ressou rces celle d es h a b ita n ts des pays industriels. Aux
qui sont a c tu e lle m e n t d é te n u e s en g ra n d e partie Indes, au P akistan , en A friq ue A u strale , d a n s le
p a r les É tats-U n is ou leurs re p r é se n ta n ts. n ord -est du Brésil et d a n s bien d ’a u tr e s régions
« E n 1948, à l’é p o q u e o ptim iste de s p re m iers du T iers M o n d e , 40 millions d ’ê tr e s h um ains,
travaux sur « la lutte c o n tre le sous-dévelo pp em en t» tous les ans, m e u r e n t de faim, au sens p res q u e
les ex p e rts de l’O N U av aie n t basé leurs prévisions littéral du te r m e , c a r s’ils ne périssent pas, d ’un
sur un a c c ro i s s e m e n t d é m o g r a p h iq u e m o y en de seul c o u p , d ’inanition, ils son t ra p i d e m e n t
1,5% p a r an d a n s les pays so us-d év elo p p és. L e u r e m p o r té s — en deu x ou trois ans — p a r to u te s les
a c c ro is s e m e n t d é m o g r a p h iq u e a, en fait, d épassé m alad ies grav es qui f r a p p e n t sans rém ission leurs
p re s q u e p a r t o u t le tau x de 2 %. Si ce ry th m e se o rg an ism es m inés p a r la so u s -alim en tatio n . »
m ain tien t, ainsi q u e le ry th m e , b e a u c o u p m oins O n ne p e u t q u 'a p p r o u v e r c e tt e analyse. P ar
im p é tu e u x mais to u t de m ê m e élevé, de l’essor c o n tr e , il est difficile d ’a c c e p t e r l’exp licatio n de
d é m o g r a p h iq u e d es pays industriels, la p o p u l’a ttitu d e a m é r ic a in e . P o u rq u o i les A m é ric a in s
L'histoire invisible 57
p e r f e c ti o n n e m e n ts te c h n iq u e s, il faut 15 c o m b a t évid ent. S’il passe à la réalité, l’A m é r i q u e serait
ta n ts « m o d e r n e s » p o u r v en ir à b o u t d ’un seul obligée de lâ c h e r prise, de se rep lier sur le
c o m b a t ta n t de la guérilla. Si d o n c on multiplie c o n ti n e n t N o rd -A m é ric a in . C e serait sa p re m iè r e
les lieux où l’A m é r i q u e d e v ra e n g a g e r des forces, défaite. Elle a u ra it d ’é n o r m e s c o n s é q u e n c e s
on en a rriv e ra vite au poin t où les é n o r m e s res p sy ch olo giq ue s, qui p o u rr a ie n t, au pire, c o n d u ire
so u rc e s d es É tats-U n is se m o n t r e r o n t insuffi à une gu erre a to m iq u e générale. Qui c on du iraie nt,
santes. A ce m o m e n t, p e n se n t les gens de La en to u t cas, à un repli g é n éra l de la civilisation
H a v a n e , ce sera l’e ff o n d re m e n t. occ ide ntale et à la naissance d ’un m o n d e nouveau.
Le b ut d e la réu n io n d e La H a v a n e a d o n c été O n esp ère à La H a v a n e q u ’à la fin de ce siècle,
sans d o u te de c r é e r un d e u x iè m e front au V e n e sous la p ro te c tio n d es fusées th e r m o -n u c lé a ir e s
zuela , un tro isièm e front en A friq u e , et ainsi chin oises qui é lim in eraien t la pire év e n tu a lité , ce
d e suite. C e rta in s de ces fron ts se ro n t c ré é s en rêve se réalisera.
des régions d o n t le g ra n d pub lic o c c id e n ta l M ais on ne fait p as d es p lans q u 'à La H av an e...
ignore tou t, et m ê m e q u ’une s o u rd e lutte s’y
d é ro u le p ré s e n te m e n t. « A u N o rd -K a lim a ta n
(N o rd -B o rn é o ) d o n t la p o p u la tio n n ’a c c e p t e pas Le plan a m é rica in de ripo ste existe :
le r a t t a c h e m e n t à la « G r a n d e M ala isie» et où l'a c tio n des services secrets
le m o u v e m e n t de libération et le P re m ie r
M inistre A z a h a ri M a h m o u d o n t p r o c la m é , le Les A m é ric a in s , eux aussi, sont c a p a b le s de pla
8 d é c e m b r e 1962, l’i n d é p e n d a n c e du pays, deux nifier et de m e ttr e en action un dis positif m ondial.
bataillon s m alais e n c a d r é s p a r d es officiers bri E x e m p le : « P o u r ê tre discret, le c o n tr ô le militaire
ta n n iq u e s de S in g a p o u r (60 000 h o m m e s en to ut, am é ric a in qui a c c o m p a g n e la m ainm ise é c o n o
si l’on c o m p t e les so ldats sta tio n n é s d a n s le reste m iq ue sur le s e c t e u r C a r a ïb e s - A n d e s n ’en est pas
de B o r n é o et S a ra w a k ) m ultiplient, sous p ré te x te moins très net. En A m é ri q u e ce n tr a le , les exp erts
de « m a in te n ir l’o rd re », arrestatio n s, m assacres, du P e n ta g o n e supervisent le «C onseil de défense»,
to rtu re s , et, selon les d é c la ra ti o n s de la d é lé co n stitu é le 3 juillet 1965, en pleine crise d o m i
gatio n du N o rd -K a li m a t a n à la T r ic o n tin e n ta le , n icaine, p a r les g o u v e r n e m e n ts du G u a te m a la ,
ils lim itent la politiqu e d e s A m é ric a in s au Sud- du N ic a ra g u a , de S alv ad o r et du H o n d u ra s . Ce
V iet-nam en c h e r c h a n t à « c o n c e n t r e r » la p o p u conseil fo n c tio n n e déjà c o m m e un é ta t - m a jo r qui
lation rurale d a n s d e s «villages stratég iq u es» . a en g agé une vérita ble force co alisée c o n tr e les
A ce niveau du c o m b a t an ti-im p érialiste, les gu érilleros g u a té m a lt è q u e s . S im u lta n é m e n t, des
é ta p e s de la lutte légale, de la lutte de masse et re n c o n tre s p ério d iq u es se d éro u len t, à un échelon
de la lutte politiq u e clan d e stin e sont déjà mifitaire et p olitique élevé, et parfois m ê m e au
d ép assées, et s’il est vrai q u ’il existe u n e «(esca n iveau d es p ré s id en ts de la R é p u b liq u e , e n tre
lade » de l’action anti-im p érialiste de plus en plus les res p o n sa b le s v é n é z u é lie n s et co lo m b ien s
v igo ureuse c o m m e il existe un e « e s c a l a d e » de a u x q u els W ash in g to n d e m a n d e d ’o rg a n ise r en
l’in te rv en tio n n ism e im périaliste, on p e u t dire qu e co m m u n , avec son aide, la« lutte c o n tre la guérilla
l’é c h e lo n su p érieu r, celui de la guérilla, est co m m u n is te » . D a n s to u te la région des A n d e s
a tte in t ». d ’ailleurs, les U.S.A. p a tr o n n e n t les a c c o rd s
C o m b ie n de fron ts faudrait-il p o u r q u e , selon les passés, non se u le m e n t e n tr e lea d e rs vén ézu élien s
v œ u x de ses adv ersa ires, l’A m é r i q u e s’e ffo n dre? et colo m bie ns, mais aussi e n tr e lead ers v é n é
Il sem ble q u e cinq fron ts suffiraient. zuéliens, co lo m b ien s, p é ru v ie n s et é q u a to r ie n s
C es fronts p o u r r a ie n t ê tr e : p o u r faire face aux « activités subversives a rm é e s
Le V iêt-nam , le V e n e zu e la, la Bolivie, le C e n tre - aux fro n tières c o m m u n e s » . D e s réu n io n s d ’offi
A friq ue , l’In do nésie. O n p e u t en su s c iter d ’a u tr e s: ciers s u p érie u rs des q u a tr e pays se tie n n e n t simul
Brésil, A rg e n tin e , Inde m ê m e . T el est le rêve de ta n é m e n t à B o g ota, à C a ra c a s, à Lim a, et à Q u ito
La H a v a n e . Un rêve u n iq u e m e n t? C e n ’est pas et les g é n é ra u x du P e n ta g o n e , p o u r leur part,
L'histoire invisible
pa rtie à l’aide soviétique. Elle m o n tre q u ’à tale. M ais, sous la p ro t e c ti o n des fusées sovié
140 km d es É tats-U nis, un pays hostile, c h e f de tiques, C u b a survit. Et C u b a e nvoie des agents
la rébellion, p e u t tenir. Il tien t c e rte s diffici p o u r r é p a n d r e la guérilla p a rto u t. Si un seco nd
le m e n t. Le b lo cus am é ric a in est dur. Les a tt a q u e s front s’o uvre au V e n e z u e la c ’est à C u b a q u ’on le
et h a r c è l e m e n t s c o n tin u e n t. M ais n éa n m o in s, devra. A p a rtir de C u b a et en allant vers le sud,
C u b a , j u s q u ’à nouvel o rd re , survit. « L ’U .R .S.S ., on voit des situ atio ns très diverses. Le M e x iq u e
qui p ro d u it b e a u c o u p plus de su cre de b e tt e ra v e est p re s q u e aussi libre p a r r a p p o r t aux États-
qu e C u b a , ne p ro d u it pas de su cre de c a n n e et Unis que C u b a . Le C o s ta - R ic a , l’U ru g u ay , le
qui n’avait pas un in térêt é c o n o m iq u e p a rti Chili sont é g a le m e n t des p ays où la lutte se livre
culier à im p o rte r m a s siv e m e n t du su cre cu ba in , selon les m é t h o d e s re la tiv e m e n t pacifiques d ’un e
a d é cid é de le faire p o u r b riser le blocu s y a n k e e . d é m o c r a ti e « b o u rg eo ise n o rm a le » . P a r c o n tr e , le
N ic a ra g u a , le P a n a m a , Haïti, le G u a te m a la , le
V enezuela, p o u r ne c iter q u e q u e lq u e s exem p les,
A m é riq u e du sud : le d an g er cubain sont d es d ic t a tu r e s où le m aq uis se tran sfo rm e
qui e st aussi un exem ple p eu à p eu en guérilla et où des fronts se
p ré p a r e n t.
Elle s’est alors en g a g é e à a c h e t e r à C u b a une En A rg e n tin e , au Brésil, la situation est b e a u c o u p
q u a n tité c roissan te de sucre qui a tte in d r a , en plus c o m p le x e . Les é le c tio n s de 1967 en A r g e n
1968, l’é q u iv a le n t de la p ro d u c t io n a nn uelle tine vo nt ê tre c e r t a in e m e n t un des gran d s év é
m o y e n n e du pays, soit, à l’h e u re a c tu e lle, 5 mil n e m e n t s politiqu es de no tre tem ps. La situation
lions de to nn es, et si les a c h a t s d o iv e n t s ta tio n n e r au Chili m érite une descrip tio n détaillée qu e nous
à ce niveau ju squ’en 1970, ils p o u rr o n t, à p a rtir de e m p r u n to n s u n e fois de plus à L e n tin : « L e
1970, se d é v e lo p p e r e n c o r e si, c o m m e on p eu t s é n a t e u r V ictor A lle nd e, p ré s e n té p a r le F .R .A .P .
l’esp érer, la p ro d u c tio n c u b a in e a, à c e tte d a te , c o m m e c a n d id a t u n iq u e de la g a u c h e c o n tr e le
s e n s ib le m e n t a u g m e n t é . A insi les C u b a i n s d é m o c r a t e c h ré tie n F rei aux d e rn iè re s élec tio n s
— p ay sans et « v o lo n t a ir e s du trava il» — qui, présid en tielle s a exposé lu i-m êm e à L a H a v a n e ,
c h a q u e a n n é e , se d é p e n s e n t a vec a r d e u r p o u r la en ta n t q u e p ré s id e n t de la d éléga tion ch ilien ne,
« z a fr a » (la c o u p e d e la c a n n e à sucre), savent c o m m e n t « la sainte alliance de to u t e s les force s
q ue leur effort p ro d u c t if ne risque p as d ’ê tre c o n se r v a tric e s et cen tristes» p a r ailleurs lar
c o m p r o m is p a r de graves difficultés de c o m m e r g e m e n t s o u te n u e p a r les U.S.A . et m ê m e l’A lle
cialisation. Si, d e m a in , u n e victoire é le c to ra le m a g n e de l’O u e st qui c o n tr ib u è r e n t à fin ancer
d e la g a u c h e ch ilienn e suivie de la n atio na lisatio n la c a m p a g n e é le c to ra le la plus co û te u s e q u ’on
du cuivre p ro v o q u a it, de la p a rt d e s U .S.A., les ait ja m a is vue d a n s l'histoire du pays, a r e m p o rté ,
ré actio n s vio len tes qui sont a is é m e n t prévisibles, le 4 se p te m b re 1964, un e victoire assez p ré c a ire
l’« a c h a t p o litiq u e» , p a r l’U .R .S .S ., du cuivre avec 1 500 000 voix c o n tr e un million de voix à
b o y c o tté p a r les a c h e t e u r s am é ric a in s p o u rr a it l’o pp osition. Le fait m ê m e q u e to u t e la ré a c tio n
d even ir, p o u r peu qu'il soit rap id e, un fa c te u r ait été obligée de b lo q u e r ses voix sur un le a d e r
im p o rta n t, sinon décisif, d ans l’é p re u v e de force du c e n tr e - g a u c h e et qu e ce le a d e r ait dû p r é
qui s’e n g a g e ra it alors. » s e n t e r aux é le c te u rs un p ro g r a m m e de n o m b r e u x
L ’U.R.S.S. a é g a le m e n t fourni à C u b a des m a p oin ts du p r o g r a m m e d e s progressistes, a,
chines, de l’é q u ip e m e n t de té lé c o m m u n ic a tio n s , c e p e n d a n t , p erm is à la g a u c h e de m a r q u e r un
une é n o r m e aide te c h n iq u e . M ê m e si c e tte aide p oin t sérieux. A l’h e u re actu e lle , c e tt e g a u c h e a
a été parfois m a la d ro ite il n ’en reste p as m oins le v e n t en p o u p e p a rc e q u e le d é c a la g e e n tre
qu e C u b a a pu ê tre sauvée. C e s a u v eta g e a c e rte s les belles p ro m e sse s de F rei et la réalité de sa
failli d é c l e n c h e r une g u e rr e m o n d ia le a to m iq u e gestion, d e p u is q u ’il o c c u p e le po uv oir, a p p a ra ît
en 1962 au m o m e n t de la crise d es fusées. C eci en pleine lu m ière. A lors qu e la hausse des salaires
m o n tre bien le d a n g e r de la g u e rr e tr ic o n t in e n n ’a été, en 1965, q u e de 39 % , la hausse des prix
L'histoire invisible 61
d écid é s à d é fe n d r e , p a r tou s les m o y e n s, le bien être rem ises en question. Les im pulsions a n ta g o
de la collectivité, p o u r q u e le p e rs o n n a g e b a tte nistes a b o u tisse n t, le plus s o u v en t à des c o m
en retraite. prom is, sinon à des synthèses, où le m eilleu r et
« Si la lutte des classes p e u t p re n d r e ainsi un le pire se m é l a n g e n t d a n s des p ro p o r tio n s
c a r a c t è r e sp e c ta c u la ire , elle d e m e u r e , le plus v ariab les selon le pays et les c irco n sta n ces.
sou v e n t, sou rd e. Vue de l’e x té rie u r, elle p e u t « Q u e l q u e s c o n s ta n te s positives et nég atives se
m ê m e p a ra ître co nfuse, p a rc e q u e les politiciens d ég ag en t cep en d an t. Le vide idéologique effrayant
c o n s e r v a te u rs ne sont pas les d e rn i e rs à e m p l o y e r d a n s lequel l’A friq u e progressiste a e n tr e p ris sa
un v o cab u la ire p s e u d o - ré v o lu tio n n a ire , p a rc e m a r c h e en av a n t, c o m m e n c e , p a rto u t, à être
que souvent, dans d es société s fo r te m e n t m a rq u ées com blé (progrès du m arxism e au Mali, en G u in ée,
p a r le tribalism e ou le rég io nalism e, des conflits en T a n z a n ie au C o n g o de Brazzaville, é la b o
qui se d o n n e n t d es a p p a r e n c e s politiques, voire ration, en Algérie, de la C h a r te d ’A lger, d o c
id éologiques, se ré d u ise n t à d e s rivalités de clans trine officielle du F .L .N ., et, en R .A .U ., de la
ou m ê m e à des q u e re lle s de p e rs o n n e s, et su rtou t C h a r te d ’a ctio n n ation ale) mais, tr o p sou ven t,
p a rc e que les a f f ro n te m e n ts les plus f o n d a les meilleurs te x te s ne sont pas diffusés effica
m e n ta u x ne se d é r o u l e n t p as e n tr e un g o u v e r c e m e n t parm i les masses. Les ou v riers d ’industrie
n e m e n t de g a u c h e h o m o g è n e et une op po sitio n et les syndicalistes a rriv en t à jo u e r , p a rto u t, un
de d ro ite d é c la ré e , mais à l’in té rie u r m ê m e d ’un rôle croissant, mais bien des d irigean ts qui se
po u v o ir c o m p o s ite . Les rég im es qui f o n c tio n n e n t disent ré v o lu tio n n a ire s s e m b le n t tr o p sou ven t
d a n s les pays de P« A friqu e r é v o lu tio n n a ire » sont e n c o re disposés à les sacrifier, sur le plan poli
nés, le plus so uv en t, d es vastes alliances n o u é e s à tiqu e, au norr d’un « a g r a r is m e » plus ou moins
l’é p o q u e où le c o m b a t c o m m u n p o u r l’in d é p e n teinté d ’un « fano nism e » so m m a ire . D e s militants
d a n c e r e n d a it faciles les« un ion s n atio n ales » . ad m ira b le s de d é v o u e m e n t se d é p e n s e n t , p a rto u t,
d a n s les tâ c h e s les plus ingrates, mais ils sont tro p
so u v e n t e n c a d r é s p a r des ca rriéristes o p p o r t u
L'issue de la guerre tric o n tin e n ta le nistes. Les partis u n iq u es j o u e n t , p a rto u t, le rôle
se jo u era p e u t-ê tre sur le c o n tin e n t n o ir né cessaire de « c o u r r o ie de tra nsm issio n» e n tre
le so m m e t du p o u v o ir et sa base p o p u la ire , mais
C es « fr o n ts » , a u j o u r d ’hui, se d é c o m p o s e n t len ils sont tr o p s o u v en t p lé th o riq u e s et b u r e a u c r a
te m e n t au fur e t à m e su re q u e le n é o -c o lo n ia tiques, c a r ce n ’est q u e le n t e m e n t que s’im pose
lisme a g g ra v e les a n c i e n n e s c o n t r a d i c t i o n s l’idée, soit du pa rti d ’a v a n t- g a rd e restreint, mais
sociales et en fait surgir de nouvelles. Les r e s p o n séle c tio n n é , soit celle du n oy au « p u r et d u r» au
sables et les m ilitants v ra im e n t p ro gressiste s qui sein du p arti de masse. P a rto u t les fo n c tio n n a ire s
d o iv e n t lu tte r à la fois c o n tr e les an c ie n s p o s et les te c h n ic ie n s font m a r c h e r assez effica
séd an ts et c o n tr e les privilégiés, plus ré c e n ts, c e m e n t, c o m p t e ten u de la p é n u rie de ca dres,
de la nouvelle b ourgeoisie c o m m e rc ia le , et surto ut les a j y a r e i l s d ’É tat, mais tr o p so u v en t, à la tête
adm in istrativ e , en voie de fo rm a tio n , n ’o n t pas la de l’E tat, les dirig ean ts se re fu sen t à p re n d r e
tâ c h e facile, c a r les « n é o -b o u r g e o is » e x e rc e n t, les n éc ess aires m e s u re s d ’au stérité , à s to p p e r
à to us les niveau x du g o u v e r n e m e n t et de l’a d m i l’inflation d ’une fo n ctio n p ub liq u e n o y a u té e p a r
nistration, un e pression q ui n ’est pas s e u le m e n t la né o -b o u rg eo isie et à faire des c o u p e s so m b re s
politique, mais sociale et culturelle. E n tre c e tte d a n s les d é p e n s e s im p ro d u c tiv e s dites « de p re s
pression égalitariste d e s m asses, les équ ilibres tige » qui en tr a în e n t la crise des finances publiques
qui s’étab lisse n t sont instables. T o u t est p ré c a ire , et d es p a ie m e n ts ex térieurs. P a rto u t les é c o n o
mais to u t est possible. Les situatio n s en a p p a m istes et les plan ifica teu rs arrivent, ta n t bien
r e n c e les plus stables p e u v e n t ê tr e b o u le v e r sé e s qu e mal, à définir des form u les réalistes régissant
très vite et les décisio ns p r é s e n té e s c o m m e irré les é c h a n g e s é c o n o m i q u e s à la fois n écessaires
v o cab le s ne so nt p a s les d e rn iè re s, parfois, à et périlleux e n tr e leurs pays et les p u issa nce s
L'histoire invisible 63
ou en pétro le. L ’offensive d ip lo m a tiq u e a suivi M o z a m b iq u e , au M alawi, en R é p u b liq u e C e n t r a
l’offensive é c o n o m i q u e . D a n s la fou lée de la fricaine, en Som alie, au S u d -O u e st A fricain, au
cou rse, to u jo u rs e x a lta n te , aux i n d é p e n d a n c e s S o u d an , au S w aziland, au T c h a d et en Z a m b ie ).
nation ales, les d irig ean ts a fricains o n t c ré é — et T o u s c es syn dicats se re t r o u v e n t au sein de
leur initiative fut, à l’é p o q u e , progressiste — un l’« U n ion S yn dicale P a n a fr ic a in e » n ée le 25 mai
o rg an ism e, l’O .U .A ., c h a rg é de faire to m b e r peu 1961 à la C o n f é r e n c e de C a s a b la n c a et qui, sur
à p eu les b a rriè re s e m p ê c h a n t le p ro g rès vers le p ap ier, c o m p t e 4 millions d ’a d h é r e n t s face aux
l’unification du c o n ti n e n t, mais, c o m m e nous 700 000 a d h é r e n t s re v e n d iq u é s p a r la C.S.A.,
l’avons m o n tré , l’institution a p ériclité. U n itaire mais, en fait, l’é v alu a tio n d e s in fluences réelles
d a n s ses disco urs et c o n s e r v a tri c e d a n s ses actes, est moins favorable à l’U.S.P.A. que ne sem blerait
l’O .U .A . telle q u ’elle se p r é s e n te a u jo u r d 'h u i est l’in d iq u e r la c o m p a r a is o n des effectifs. A p rès
de plus en plus m a n œ u v r é e p a r W a sh in g to n . A la c h u te de N ’K ru m a h , l’U .S .P .A . a tr an sféré son
son d e r n i e r C on seil des m inistre s d e s A ffaires siège d ’A c c r a à C a sa b la n c a . C e repli n ’est pas
étr a n g è re s, en avril 1966, à A d d is - A b é b a , c ’est s e u l e m e n t g é o g ra p h iq u e , mais politique. Il co ïn
sans discré tion q u e les d ip lo m a te s o c c id e n ta u x en cide avec l’a p p aritio n de ce q u e l’ex c e lle n t afri
p oste d a n s la ca p ita le é th i o p ie n n e o n t « fait les can iste G e o r g e s B a la n d ie r ap p e lle le « néo-
cou loirs» de l’A fric a Hall, où siégeait la C o n f é colonellism e ». A L éopoldville, à C o to n o u , à
re n c e , et q u e l’a m b a s s a d e u r d e s U .S.A. en Bangui, à O u a g a d o u g o u , à Lagos, à A c c ra , les
É th iop ie, E d w ard M. K urry, a p ro digu é ses a n c ie n n e s p uissan ces co lo n ia les installent ou
conseils — d ’a u c u n s d isent ses consignes, à ses laissent s’installer, à la p lac e des a n c ie n n e s
« am is» — d ’a u c u n s d ise n t ses clients. A u b o u t du é q u ip e s discréd itées, des m ilitaires peu enclins
c o m p te , il ne s’est tro u v é q u e 10 d é lé g a tio n s à sy m p a th ise r avec le pro gressism e. C e recu l de
sur 36 — celles du Mali, de la G u in é e , de la la g a u c h e est-il gé n é ra l? Est-il ressenti aussi d a ns
T a n z a n ie , de la R .A .U ., de l’A lgérie, de la ce q u e l’on ap pelle « l ’A friq u e ré v o lu tio n n a ire » ?
Som alie, de la M a u r ita n ie , du K en y a, du C o n g o L a q u e stio n ne p e u t pas ne pas ê tr e p o sée ».
de Brazzaville et du S o u d a n — p o u r c o n d a m n e r , C e recul de la g a u c h e est c e r t a in e m e n t dû en
av ec plus ou moins de vigueur, le c o u p de force g ra n d e pa rtie aux activités de la C .S .A . Est-ce
co n tr e N ’K r u m a h et l’é d u lc o r a ti o n de la lutte à dire q u e la pa rtie est d éfin itiv em en t g ag n é e
co n tr e Ian S m ith en R h o d ésie . S ur le p lan syn p o u r les A m é ric a in s en A friq u e? C e r ta i n e m e n t
dical, les org an isatio n s p r o - o c c id e n t a le s e n c o re pas. L ’explosion qui s’y p r é p a r e risque d ’être
affiliées soit à la « C o n f é d é r a t io n In te rn a tio n a le e n c o re plus violente que l’explosion vietnam ienne.
des S y nd icats libres» (É thio pie, L ibéria) ou à la
« C o n f é d é r a t io n I n te rn a tio n a le d es S y nd icats
c h ré tie n s » ( G a b o n ) m ais su rto u t r e g r o u p é e s au Nous so m m e s au d é b u t
sein de la « C o n f é d é r a t io n S y nd icale A fric a in e » d 'u ne longue m arche
(la C .S.A.) c ré é e en ja n v ie r 1962 à la C o n f é r e n c e
de D a k a r et g r o u p a n t les sy n d ica ts de la C ô te- La g u e rr e tr ic o n tin e n ta le p e u t d u r e r d es dizaines
d 'Iv o ire, de la Libye, de la M a u r ita n ie , du N iger, d ’a n n é e s; à moins q u ’u n e no uvelle invention t e c h
du Sénégal, du T o g o et de la T un isie c o m b a t t e n t nique, d ’un cô té ou de l’a u tre, ne c h a n g e l’é q u i
o u v e r t e m e n t ou s o u r n o is e m e n t les sy nd icats p r o libre d es forces. Il est possible q u e les A m é ric a in s
gressistes q u e lq u e fo is ap p u y és, av ec des n u a n c e s in v e n te n t une n ouvelle te c h n o lo g ie p o u r les
diverses, p a r leurs g o u v e r n e m e n ts (en A friq ue, c o m b a t s de ju n g le. M ais il est possible aussi que
au C on go -B razza ville , en G u in é e , au Mali, en l’on in ven te et q u e l’on diffuse sur les trois
R .A .U ., en T a n z a n ie ) , ou au c o n tr a ir e , léga c o n ti n e n ts une a rm e r e n d a n t le c o m b a t t a n t de la
le m e n t ou c la n d e s ti n e m e n t o p p o sitio n n e ls (au guérilla l’égal du c o m b a t t a n t a m érica in . Assez
M aro c , au B asutoland, au B urundi, au C a m e ro u n , p a r a d o x a l e m e n t un e a rm e de ce g e n re a été
au D a h o m e y , en G u in é e dite p o rtu g a ise, au a n n o n c é e r é c e m m e n t en A m é ri q u e m ê m e :
L'histoire invisible
* O
P h o to Fulv io R o iter.
2. Le grand espoir
La révolution géosociale
Document exclusif
e x -p résid en t de P A c a d é m ie d e s sc ie n c e s de L a d é m a r c h e de M. F u lle r et de l’université
N e w Y ork. L ’o b je c tif de c e t é n o r m e travail ré v o C a r b o n d a le c o n c e r n e fort p eu la po litiqu e, to u t
lu tio n n aire, a u q u e l o nt c o llab o ré d es d izaines de au m oin s d a n s ses s tru c tu r e s actuelles. A vrai
c h e r c h e u r s de to u te s disciplines, est explosif et dire, on ne sent p as d a n s ce r a p p o r t b e a u c o u p
précis: c o m m e n t tr a n s f o r m e r l’a rt d e t u e r en art de co n sid é ra tio n p o u r les h o m m e s politiques. O n
de vivre? C o m m e n t é te n d r e aux 100 % de l’h u m a y d é c o u v re m ê m e un c e rta in m épris, et le s e n
nité la civilisation industrielle et ses s t a n d a r d s de tim e n t q u e le^ politiciens p o u r r a ie n t bien c on s
vie, qui a u jo u r d ’hui, ne p ro fite n t q u ’à 44 % des titu e r un e e s p è c e a rc h a ïq u e , v o u é e à la d ispa
ho m m e s? rition: « P o r t e r à 10 0% les 4 4 % de l’h u m a n ité
qui pro fiten t a u j o u r d ’hui de la rév olutio n indus
trielle n ’est pas u n e tâ c h e de ratio nalisa tion poli
U ne e n tre p rise e t un personnage
tiq ue mais d ’inn ov atio n te c h n i q u e rad ica le que
e x tra o rd in a ire s : B u c k m in s te r F uller seuls p e u v e n t a c c o m p lir les savants, les inven
teurs, les artistes et les a rc h i te c t e s du m o n d e . »
L ’initiative a été prise p a r un p e rs o n n a g e e x tr a Il ne s’agit ni de socialisme ni de ca pitalism e.
o rd in a ire : B u c k m in s te r Fuller, une d es gloires Les É ta ts-U n is et la Russie ne tie n n e n t leur p ro s
des É ta ts-U n is '. M. F u ller c o m m e n ç a de fin an cer p érité d ’a u c u n e idéologie mais d ’un p ro ce s su s
p e r s o n n e lle m e n t ce travail qui fut en su ite pris en d ’industrialisation qui leu r est c o m m u n et qui va
c h a rg e p a r le service d e r e c h e r c h e s d e l’u n iv e r s’é te n d r e au m o n d e . L a seule ch o se q u e la poli
sité C a rb o n d a le . G r a n d a rc h i te c t e et esprit pro s tiqu e soit c a p a b le de faire est de p re n d r e aux uns
pectif, M. F u lle r s’est livré, d u r a n t tr e n te ans, à p o u r d o n n e r aux autres. M ais c e tte idée d e redis
des é tu d e s d ’inv entaire, de p lanification et de trib u tio n de ce qui existe est u n e idée simpliste
p ro s p e c tio n p o u r de g ra n d e s c o r p o r a ti o n s in d u s et insuffisante. P a r c o n tr e , le p ro c e s su s d ’indus
trielles, puis p o u r le g o u v e r n e m e n t a m é ric a in . trialisation est d y n a m i q u e et ten d no n se u le m e n t
D u r a n t la d e rn iè re g u e rre m o n d iale , il é tait à un e p ro d u c tio n cro issa nte , mais à u ne c o n s o m
in g én ieu r en c h e f à la sectio n é c o n o m i q u e du m atio n cro issante. C o m p r e n d r e la n a tu r e de ce
m in istère de la G u e r r e et d ir e c t e u r aux A ffaires p ro ces su s est d o n c essentiel: la Russie a mis
é c o n o m i q u e s p o u r l’é tr a n g e r. C o m m e co nseiller c in q u a n t e ans p o u r réaliser le p roc essus d ’in dus
de Fortune Magazine, il éta b lit a p rè s les hostilités trialisation qui, aux É tats-U nis, avait pris c e n t
un p r e m ie r in v en taire d es re s so u rc e s m ondiales. ans. L a C h in e a u r a sans d o u te a c c o m p li la m ê m e
L o rsq u e l’université C a r b o n d a le assum a le poids p e r f o r m a n c e en 1975, soit en 25 ans. L ’In de,
financier et le travail p ra tiq u e des r e c h e r c h e s l’A friqu e, l’A m é r i q u e C e n tra le et l’A m é ri q u e du
p ro p o s é e s p a r B u c k m i n s te r F uller, le c é lè b re Sud l’a u r o n t a c h e v é vers 1980.
p ro f e sse u r Jo h n M c H a le a p p o r t a son c o n c o u rs
et fit p a rt ic i p e r de n o m b r e u x pro fe sseu rs et
étu d ian ts . Il s’agit d o n c d ’u n e œ u v r e collective, P irates e t in d u strie s de m o rt o n t été
d e stin é e à un e utilisation collective. les a rtisa ns du progrès
Il s’agit aussi d ’un p h é n o m è n e s p écifiq u e m en t
a m é r ic a in , qui in dique la pla ce g ran d issa n te prise D a n s c e tt e p e rs p e c tiv e , il est en fa n tin d ’im ag iner
p a r les universités, les c h e r c h e u r s e t les savants q u ’un g o u v e r n e m e n t puisse dire a u jo u r d ’hui:
d a n s la vie de leu r pays, le rôle q u ’ils r é c l a m e n t d é tr u is o n s les sou s-m arin s a to m iq u es , les b o m
d a n s l’é la b o r a tio n d ’u n e im age p r o s p e c tiv e du b a rd ie rs à ré a c tio n , les bases de missiles, au profit
destin p l a n é t a i r e 2. d e s h ô p itau x , d es univ ersités, des pays sous-
1. V oir les pages q u e lui c o n sa c re M ich el R ag o n d an s son livre les
Cités de l'avenir (E n c y clo p é d ie P la n ète . P ré fa c e d e Je an F o u ra stié). d é v e lo p p é s et d es p r o g r a m m e s scolaires. C e qui
2. V oir d a n s Planète n° 24: l’é tu d e de D avid S c h o e n b ru n su r « C e qui est possible, c ’est d ’im ag in er qu e le pro ces su s
b ouge en A m é riq u e ». A p rè s son é le c tio n , le p résid e n t K e n n e d y av ait év o lu tif re n d e la co u rse aux a r m e m e n t s inutile.
d e m a n d é à l’univ ersité C o lu m b ia d e d e ssin e r le profil d e l’ho rizo n
2000. O n d o it c o n n a ître les résu lta ts d ’ici deu x ans. P o u rq u o i inutile? P a rc e q u e les p e u p le s satisfaits
72 La ré vo lu tio n géosociale
p e r d r o n t le g o û t ou l’envie d e se b a ttre . Et p a rc e s’e m p l o y e r p o u r le c o m p t e d ’ind ustries r e c o n
que les g ra n d e s ind ustries q u e la g u e rr e fut seule verties. Et les p ro g rè s ac c o m p lis de m an ière
c a p a b le d ’a lim e n te r j u s q u ’ici, p o u r r o n t tr o u v e r fo rtu ite et in c o n s c ien te p o u r les arts de la vie,
des m a r c h é s plus a b o n d a n ts et plus r é m u n é ra t e u rs v o n t p o u v o ir l’être de m a n iè re c o n s c i e n te , d éli
dans l’a c c ro isse m e n t a c c é léré de la c o n so m m atio n . bé ré e . C ’est p a r une pleine c o m p r é h e n s i o n du
Le g é n é ra l de G a u lle a u ra it dit r é c e m m e n t : « La pro cessu s d ’in du strialisatio n et p a r un e p a rtic i
g u e rr e est la m è r e de to u t e s choses. » C e fut vrai. p a tio n c o n s c ie n te aux t e n d a n c e s q u ’il d é c è le , que
A u j o u r d ’hui, il d e v ie n t légitime d ’en v is ag er une l’h o m m e va p o u v o ir réalise r le g ran d pro jet
m u ta tio n d a n s la faço n de p ro v o q u e r d es progrès. c o n te n u d a n s la p a ro le du S e rm o n su r la M o n
Le ra p p o r t de l’université C a r b o n d a le co n sid è re ta g n e : « H e u r e u x les do ux , c a r ils re c e v r o n t la
q u e to u t e l’histoire h u m a in e fut le fait de pirates. te r re en h éritag e. » La te r re est là, les d o ux
Les m a r c h a n d s de h a u te m e r d isp o saien t des p e u v e n t en h ériter. E n c o r e faut-il q u ’ils sa c h e n t
im m e n s e s e s p a c e s o c é a n i q u e s c o u v r a n t 7 5 % de de qu elle n a tu r e est leur h éritag e, c o m m e n t il
la su rfa c e te r re s tre . Ils d o m in a ie n t les 9 9 % de s’est c o n stitu é , qui le d é tie n t, et c o m m e n t ils en
l’h u m a n i té o c c u p a n t les 5 % de te r re ferm e et p e u v e n t disposer.
ses p o rtio n s cultivables. C e s p irate s de l’h u m a n ité
f a b r iq u è re n t les so u v e r a in e té s n a tio n a le s en
fo nction du c o n tr ô le d e s p o rts et d e s lignes de N o tre te m p s est
c o m m u n ic a tio n . L o rsq u e d es p o p u la tio n s c o n ti le plus e xce p tio n n e l de l'H is to ire
n en ta le s c o n q u ir e n t de s libertés (q ue la G r a n d e
C h a r te ou la D é c la ra t io n des D ro its de l 'H o m m e É v id e m m e n t, on p e u t se dire q ue c ’est un esp o ir
e x p rim è r e n t), ils s’e n te n d i r e n t p o u r s’en p r é ch im é riq u e . O n p e u t se dire q u e le m o n d e
server. Ainsi, ce serait p o u r p ro l o n g e r les privi d ’a u jo u r d ’hui n ’est pas si d ifféren t du m o n d e
lèges de la p ira te rie q u e se serait d é v e lo p p é e d ’au tre fo is et q u e l’h o m m e é ta n t ce q u ’il est,
to u te la te c h n o lo g ie m a ritim e, a é rie n n e ou s p a il n ’y a a u c u n e raison d ’en a tte n d r e des miracles.
tiale d o n t nous s o m m e s a u j o u r d ’hui les a d m i L es g en s de C a r b o n d a le o n t un a u tre p o in t de
rateurs. C e tt e te c h n o lo g ie ré su lta u n i q u e m e n t de vue. D a n s les q u a tr e v o lu m es de leu r é tu d e ,
la c o n c u r r e n c e des p ira te s so u v erain s p o u r la revient sans cesse l’ex pressio n: « P o u r la p r e m iè r e
s u p r é m a tie m o nd ia le . T elle serait la raison de fois d a n s l’histoire de l’h u m a n ité .» Ils sont
l’im m en s e d if fé re n c e e n tr e le n iveau des a r m e c o n v a in c u s q u ’il se passe au x x ' siècle q u elq u e
m e n ts et celui des arts de la vie. Les p ro g r è s de ch ose d ’e x c e p tio n n e l.
ces d e rn ie rs n ’o n t été réalisés qu e p a r in a d v e r P a rm i les e x e m p le s cités, nous en p re n d r o n s
ta n c e , de m a n iè re fortuite. C e sont d e s d é c h e t s q u e lq u e s -u n s, sim ples et évidents.
inv o lo n taires du p ro g r è s des a rm e m e n t s . Les arts Le p re m ie r est celui du ré tré c is s e m e n t de la terre
de la paix, de la vie, en o p p o sitio n à ceux de la c au sé p a r l’a c c ro is s e m e n t d es m o y en s de c o m m u
g u e rr e et de la m o rt, o n t d es m illénaires de n ication. A pied, l’h o m m e des origines a u ra it mis
re tard . ( P a r e x e m p le , n otre p lo m b e rie , no tre q u e lq u e s c e n ta in e s de milliers d ’a n n é e s à faire
sy stèm e d ’é g o u ts ou celui des a q u e d u c s sont p r a le to u r du m o n d e . Vers 20000 a v a n t J.-C ., il lui
ti q u e m e n t restés les m ê m e s d epu is 4 500 ans). e û t fallu q u e lq u e s milliers d ’an n ées, q u o i q u ’il
M ais l’a c c é l é ra ti o n d u p ro c e s su s d 'in d u s tria li disposât, en plus de ses ja m b e s , d e c a n o ts et de
sation p ro v o q u é e p a r la s c ie n c e p e r m e t d ’env i pirogues. En fait, il ne p o u v a it se r e n d r e plus loin
sager que les m aîtres du c o m m e rc e m ondial soient q u ’u n e vallée ou un lac du voisinage, ni p a r c o u r ir
plus intéressés, d éso rm ais, p a r le profit des plus d e 20 miles p a r jo u r. A u te r m e de vingt millé
industries de paix q u e p a r celui des in du stries d e naires, ave c la voile, les ra m e s et les relais de
g u e rre . Les savants, j u s q u ’à p ré s e n t, n ’a v a ie n t poste, vers 800 a v a n t n o tr e è re , il lui e û t fallu,
travaillé q u e p o u r le c o m p t e des É tats p irate s p o u r un to u r du m o n d e , q u e lq u e s c e n ta in e s
et de leurs c o m m a n d ita ir e s . Ils v on t p o u v o ir d ’an n é e s. T ro is c e n ts ans e n c o r e : une dizaine
Document exclusif 73
d ’a n n é e s ; on dispose alors de g ra n d s navires à le c a rb o n e , le plo m b , l’étain, le m e r c u re , l’argen t,
voile, d ’an im a u x de trait et de c h a rio ts; on a le cuivre, le soufre, l’o r et le fer. C ’est là-dessus
d é c o u v e r t la ro u e ; on p e u t p a rc o u r ir, au ry th m e q u e le m o n d e an tiq u e v écut. Il fallut a tte n d re
de 135 miles p a r jo u r , de g ra n d e s p o rtio n s de 1250 a v a n t n o tr e ère p o u r en d é c o u v ri r un
c o n ti n e n t et e n tr e p r e n d r e de lo intain es e x p é d ix ièm e : l’arsenic. D e u x c e n ts ans e n c o re p o u r
ditions côtières. Mille ans e n c o r e et c ’est le o n z iè m e : l’a n tim o in e. E n c o re deu x c e n t vingt
l’é p o q u e des vo yag es tr a n s o c é a n i q u e s et de la ans, et c ’est le d o u z iè m e : le p h o sp h o r e . A p a rtir
d é c o u v e r t e de l’A m é riq u e . Q u e lq u e s a n n é e s p o u r du x v n r siècle, s’a m o r c e un e p ro digieu se e s c a
le t o u r du m o n d e , g râ c e à la boussole, aux a t t e lade. D u c o b alt, le tr e iziè m e, au la w re n c iu m , le
lages et aux coch es. 103^, deu x c e n t vingt ans passent. E n c o re une
Puis rien ne se passe d u r a n t q u a tr e c e n ts ans. fois, il se p r o d u i t plus de ch o se s en c e tt e b rèv e
Et, b ru s q u e m e n t, ce son t les b a te a u x à v a p e u r, les p é rio d e qu e d a n s les m illénaires p ré c é d e n ts.
ch em in s de fer, les c a n a u x de S uez et de P a n a m a . T ro is iè m e e x e m p le : la d u r é e de la vie. Les gens
En m er, on p a r c o u r t 250 miles p a r jo u r , sur te rre de C a r b o n d a le le p r é s e n te n t c o m m e suit: a v a n t
de 300 à 900. N o u s s o m m e s en 1900. Il ne faut n o tre ère , l’esp oir de vie n ’a u rait p as dép assé
plus q u e q u e lq u e s mois p o u r faire le t o u r du 18 ans en m o y e n n e . A u te m p s d ’A u g u ste , il aurait
m o n d e . Vingt cinq an s e n c o re , il ne faut plus q u e été de 22 ans. A l’é p o q u e de F ra n ç o i s d ’Assise et
q u e lq u e s sem aines. C in q u a n t e , et il ne faut plus de T h o m a s d ’A q u in de 33 ans. En 1850, de q u a
qu e q u e lq u e s jo u rs. S o ix a n te-cin q et il ne faut ra nte. En 1900, de c in q u a n te . En 1946, de 67.
plus q u e q u e lq u e s h eu res. En 1925, on dispose A u jo u rd 'h u i , de 70. Bref, q u o i q u ’en ce d o m a in e
d ’avions et d ’au to s; on p e u t p a r c o u r ir de 400 à le gain ne soit pas aussi manifeste et spe ctac ulaire,
900 miles p a r j o u r sur te r re , de 3 000 à 6 000 p ar il n ’en confirm e pas moins q u e q u e lq u e c hose
air. En 1950, les av io ns à ré a c tio n et les fusées: d ’e x c e p tio n n e l se tr o u v e lié à l’ère industrielle:
la vitesse croît de 500 à 1 500 miles sur terre, de en so ixa nte ans, l’h o m m e a allongé de vingt ans
6 000 à 9 500 d a n s l’air. Le globe est conquis. l’âge m o y en d e sa vie, à savoir plus q u ’il ne l’avait
En 1965, on s’é la n c e au-delà. N av ires a to m iq u e s , fait d es d é b u ts d e no tre è re à 1850.
ch e m in s de fer éle c triq u e s, avions et fusées p e r
m e t te n t de ro u le r à 2 000 miles sur te r re , de
fen dre l’air à 408 000. C e tt e prog ressio n, p o u r Le p re m ie r d e m i-m illio n d'années
significative q u ’elle soit, ne le serait q u e de façon fu t le plus dur
m in e u re , si elle avait été c o n tin u e. Or, ce qui
frap pe, c ’est q u e d u r a n t cinq c e n t mille ans, il A u tre s ex e m p le s: le c h a m p visuel ou a u d itif de
ne se passe rien. A p a rtir de la R e n a iss a n c e , l’h o m m e , sa p a rtic ip a tio n au sp e c tre é l e c t r o m a
l’a c c é lé ra tio n d e v ie n t m an ife ste. M ais alors g n é tiq u e se sont é g a le m e n t é te n d u s de m a n iè re
en c o re se c o n s t a te un tr o u d e q u a tr e c e n ts ans. p ro digieuse. J u s q u ’à la fin du xixc siècle, il ne
C ’est de 1900 à 1965 q u e l’a c c é lé ra tio n d ev ie n t disposait d ’a u c u n e aide m é c a n iq u e . A u j o u r d ’hui,
fa nta stiqu e. il po ssède , il d isc ern e les ra y o n s g a m m a , les
ray on s X, les ra y o n s ultravio lets ou in frarouges.
Il p ossèd e des rad ars, la télévision, la radio, la,
Les n e u f d ix iè m e s de nos connaissances p h o to g r a p h ie . Il est en train de c a p t e r les ray on s
d a te n t de 1 50 ans co sm iques. Sa m o bilité verticale s’est é g a le m e n t
a c c r u e de m a n iè re p ro dig ieu se . Il est a u jo u r d ’hui
D e u x iè m e e x e m p le : la d é c o u v e r t e des é lé m e n ts c a p a b le de c o n n a ître les p r o f o n d e u rs o c éan iq u es.
constitutifs de l’univers. Il a co n q u is les h a u te u r s de la T e r r e , d ép ass é la
N e u f d ’e n tr e eux s e u le m e n t é ta ie n t c o n n u s avan t limite des forêts, de la pluie, des orages, de la
q u e l’histoire ne s’écrive, et le fu ren t p r o b a grêle. Il a d é passé la s tra to s p h è re , les n u a g e s les
b le m e n t en A sie, voici d es m illénaires. C e son t: plus élevés, l’a u r o r e polaire. Les c o s m o n a u te s
74 La ré vo lu tio n géosociale
l’o n t fait sortir de l’e s p a c e te r re s tre , p é n é t r e r fournie, p a r n o tre d o c u m e n t n ’est pas m é t a p h y
da ns l’esp ac e lunaire et in terplan étaire, a p p ro c h e r sique. Elle est o p é ra tio n n e lle . Elle est é la b o r é e
de Vénus, de M a r s et du Soleil. T o u t c e la a p p a r en fo n ctio n de l’a ctio n p ra tiq u e . C e tt e définition
tient au XXe siècle qui se révèle ainsi le plus p r o est simple. P o u r l’u niv ersité de C a rb o n d a le ,
digieux de l’histoire un iverselle c o n n u e . D e sorte l’u niv ers d oit ê tre c o n sid é ré c o m m e l’a g rég at
q u ’il est p e rm is de d ir e : « D e to u t e l’histoire de de to u te s les e x p é r i e n c e s c o m p rise s et c o m m u
l’h u m a n ité , ce fut le p r e m ie r dem i-m illion n iq u é e s p a r l’h o m m e . La so m m e de ces e x p é
d ’a n n é e s qui fut le plus a rdu . » rien ces c o n stitu e la fab riq ue c o m p liq u é e de n o tre
Le c a r a c t è r e u n iq u e de n o tre é p o q u e ne p e u t être évo lu tio n sur la T e rre . L ’u n i v e r s , ainsi c o n ç u
contesté. C e c a r a c t è r e est-il positif? Les angoisses p e u t être c o m p r is de no us p a rc e q u ’il offre en
de n o tre te m p s son t n o m b r e u se s. C o m m e n t la q u e lq u e sorte la version m a c r o s c o p i q u e de
te r re , qui ne p a rv ie n t p as à n o u rr ir a u jo u r d 'h u i c h a q u e e x p é r i e n c e individuelle. N o u s so m m e s
ses trois m illiards d ’h ab itan ts , po urra -t-elle tou s d es u n iv ers-m in ia tu re. C h a q u e e x is te n c e et
no urrir, en l’an 2000, les six à sept milliards c h a q u e e x p é rie n c e c o n s titu e n t un m icro-un ivers.
prévus? C o m m e n t é v iter le c h ô m a g e e t les Ainsi, l’é q u ip e de C a r b o n d a le sem ble se rallier à
d é s o r d re s sociaux qui ré s u lte r o n t du p assage de la c o n c e p t io n h a u te m e n t tr a d itio n n elle c h a rr ié e à
l’in d u s tria lis a tio n c la s s iq u e à l’a u t o m a t i o n ? tra v e rs l’H isto ire p a r ta n t d ’éso té rism es, de
C o m m e n t é v ite r q u e la p lanification n’e n tr a în e gnoses, p a r les alch im istes e u x -m ê m e s : l’identité
un tr io m p h e du ro b o t sur l’h o m m e ? N e faudra-t-il de n a tu r e e n tr e le m ic ro c o s m e h u m a in et le
pas d o n n e r raison aux c o n t e m p t e u r s de no tre m a c r o c o s m e d e l’univers?
m o d e r n it é : au R e n é G u é n o n de la Crise du monde Elfe insiste sur la p a re n té des é lém en ts con stitua nt
moderne, au C ha rlie C hap lin des Temps modernes l’h o m m e et l’univers, leu r é tr o ite intricatio n,
au G o d a r d d'Alphaville? leur relatio n d y n a m iq u e . D es ta b le a u x précis
B u c k m in s te r F u ller et son é q u ip e r é p o n d e n t à ces m o n t r e n t l’h o m m e et l’un ivers co n stitu é s des
in q u ié tu d e s de la m a n iè re la plus sere ine. 11 faut m ê m e s é lé m e n ts , d o n t seule varie la p ro p o r tio n .
c o m p r e n d r e le p ro cessus, no us disent-ils, afin de Mais si ces ta b le a u x simplifiés p e r m e t t e n t de
po uvoir s’y inscrire et le guider. 11 faut c o m p r e n d re saisir à q uel p o in t l'h o m m e n'est q u 'u n e partie du
p o u rq u o i c e tt e a c c é l é r a ti o n s’est p ro d u ite , quelle to u t, un a sp e c t de l'univers et, de q u e lq u e
est la n a tu r e de l’in dustrialisation, son ra p p o r t m a n iè re , l’u n iv ers lui-m êm e, il s’en fa u d ra it q u e
p ro f o n d avec l'h o m m e et l’univers. leurs relatio ns p uissent se ré d u ire à u ne vue
p h y sic o -c h im iq u e simple. D e p u is un siècle, nous
av o n s app ris q u ’e n tr e l’h o m m e et l’univers se
M ic ro c o s m e e t m a cro co sm e : p ro d u is e n t des in te ra c tio n s inc essante s: no tre
l'h o m m e est un com posé d 'u n ive rs c o n q u ê te du m o n d e e n tr a în e des réa c tio n s , des
c h o c s en re to u r, d o n t nous c o m m e n ç o n s à pein e
Q u 'e s t-c e que l’h o m m e ? Q u ’est-ce q u e l’univers? à m e s u re r l’im p o rta n c e . N o u s savo ns d é so rm a is
O n se r a p e u t- ê tr e surpris de voir resurgir ces q u ’en d é v a s t a n t u n e forêt, nous ne faisons pas
vieilles q u estio n s d a n s u n e un iversité ultra- q u e g a g n e r un nou vel e s p a c e à la c u ltu re ou à
m o d e r n e . O n tr o u v e r a p e u t- ê tr e ces q u estio n s l’h ab ita t. N o u s modifions aussi le clim at de la
naïves, ou p r é te n tie u se s. M ais on sera frap p é région. E n in dustrialisant un e ville, no us ne nous
de voir q u e des h o m m e s de ce te m p s en v ie n n e n t b o rn o n s pa s à c r é e r de n o u ve aux m o y e n s de p r o
à les poser, non en vue d ’u n e discussion ab stra ite d u c tio n , nous modifions aussi le taux de r a d io
m ais e n f o n c t io n d e p r o b l è m e s c o n c r e t s : activité de l’a tm o s p h è re . Bref, l’iden tité de s tru c
c o m m e n t a s s u re r la survie d e s sept milliards tu re e n tr e l’h o m m e et l’univers ne d oit pas être
d 'h o m m e s de l’an d eux mille? C o m m e n t les c o n ç u e sur un m o d e de ra p p o r ts u n ilatérau x ou
a m e n e r to u s au s ta n d a r d de vie c o n n u a u jo u r d e fa ço n statiqu e mais c o m m e un pro ces su s total
d ’hui des privilégiés? La définition de l’u nivers d ’énergie p e rp é tu e lle m e n t et e n tiè re m e n t en m o u
Document exclusif 75
v e m e n t. L ’h o m m e é ta n t un m o r c e a u d'u n iv e rs, taux de résista nce qui, d ’une c a té g o rie à l’a u tre ,
to u te s ses actions, ses o p é ra tio n s in te rn e s ou p e u v e n t varier, non s e u le m e n t du simple au
e x te r n e s c o n s titu e n t des é lé m e n ts du sy stèm e d o u b le , mais q u a d r u p l e r ou ê tr e huit fois s u p é
é n e rg é tiq u e universel. Q u'il la b o u re un c h a m p , rieurs. Or, les sens h u m a in s sont in c a p a b le s de
co nstru ise une m aison, d o r m e , rêve ou parle, il d istin g u e r d e s v a rié té s c e p e n d a n t si d ifférentes.
p artic ip e au p ro cessu s é n e rg é tiq u e de l’univers Les plus sav ants e x p e rts en m étallurgie n ’y
et agit sur lui. N o s a c tio n s les plus hum b les, p e u v e n t p a rv e n ir sans l’aide d 'in s tru m e n ts . C es
visibles ou invisibles, on t ainsi un re te n tis s e m e n t d iffé re n c e s d e m e u r e n t invisibles ainsi, c o m m e est
j u s q u ’au n iveau m a c r o s c o p i q u e des galaxies et invisible la d iffé re n c e e n tre une b a n d e m a g n é
j u s q u ’au niveau m i c ro s c o p iq u e des é lé m e n ts tique vierge et un e b a n d e e n re g istré e.
m o léculaires. En ce sens, M. B u c k m in s te r F u ller P e n d a n t des milliçns d ’an n ées, l’h o m m e a fondé
et ses c o ll a b o r a t e u r s c o n firm e n t en langage scien ses ju g e m e n ts sur de s c ritè re s visibles, tangibles,
tifique ce q u e s u r e n t to u jo u rs les po ètes. R a in e r s e n s o rie llem en t d é m o n tra b le s . C e tt e faço n de
M a r ia R ilke disait: « L e s étoiles s’allu m e n t et p r o c é d e r n ’est ja m a is p a rv e n u e à d é c e l e r plus
s’é te ig n e n t d a n s le c œ u r de l’h o m m e . » d ’un p o u r c e n t de la réalité. Si les esprits les plus
réfléchis, les plus intuitifs ou les plus m ystiques,
su ren t to u jo u rs q u e ce m o d e de p e n s e r éta it insuf
9 9 % des p hé nom ènes de la te c h n o lo g ie fisant, il est d e v e n u , au te m p s de la te c h n o lo g ie
s o n t in visibles scientifique, c o m p l è te m e n t d ésu e t. Il faut d on c
no us h a b it u e r à p e n s e r en te r m e s de sch èm es,
C e tt e vision de l’u nité é n e rg é t iq u e de l’h o m m e de s t ru c tu r e s ou de liaisons in té g ra n te s de type
et de l’univers im plique des c o n c lu s io n s utiles universel. M a l h e u r e u s e m e n t, il existe p eu de p e r
à l’action. so n n e s c a p a b le s a u jo u r d ’hui de se m o u v o ir en ces
C e la signifie, p a r e x em p le , q u e le p ro b lè m e de la 9 9 % d ’activité invisible qui c o n ti e n n e n t les
faim en Inde ne p e u t ê tr e résolu au seul niveau fo rce s m o d e l a n te s de n o tre avenir. Les sav ants
de l’Inde, ni m ê m e p a r u n e a ctio n in te rn a tio n a le e u x -m ê m e s son t ave ug lé s p a r leu r spécialité. Ils
qui ne p re n d r a it en c o n sid é ra tio n que les p r o ne v o ie n t p a s ce qui relie celle-ci à l’e n se m b le
b lèm es indiens. de s a u tr e s p h é n o m è n e s . C ’est à l’a v è n e m e n t de
Les p r é o c c u p a t io n s locales et n a tio n a le s qui ce m o d e n o u v e a u de p e n s e r qu e do it se c o n s a c r e r
voilent la c o n s id é ra tio n de l’universel, sont ainsi la sc ie n c e n ouvelle q u e les a u te u r s de C a r b o n d a le
res p o n sa b le s d e s re ta rd s et d es im passes d o n t n o m m e n t « la scien ce p ro s p e c tiv e m o n d ia le » .
l’histoire est ja l o n n é e . C es p r é o c c u p a t io n s font Son ob jet doit être d ’e n t r e p r e n d r e de façon p e r
e n tr e r de dos dan s l’avenir. L ’histoire des tensions m a n e n t e l’in ven taire d y n a m iq u e des ressou rc es
locales ne cesse de m o n t r e r q u e celles-ci ne se du m o n d e et, p a r la pleine c o m p r é h e n s i o n de leur
p eu v e n t réso u d re q u ’en c o n sid ératio n des rap p o rts in teraction , d ’en p e rm e ttre le meilleur des usages.
de force m o n d ia u x . En fin de c o m p t e , la sécu rité Le d o c u m e n t qui nous a été so um is e n tr e p r e n d
locale est g a ra n tie p a r la sécu rité universelle. ainsi l’in ven taire et l’é tu d e p ro s p e c tiv e de la
C e tte vision d e s ch o se s im plique une ultim e d é c a d e 1965-1975.
co n clu s io n : il fau t s’h a b it u e r à p e n s e r q u e 9 9 %
d es p h é n o m è n e s de la tech n o lo g ie m o d e r n e se
p ass e n t en d e ç à ou au -d elà d es c a té g o rie s de la Un h o m m e presque im m o rte l
visibilité h u m ain e. Or, c ’est d a n s ces 9 9 % de est en tra in de naître
p h é n o m è n e s invisibles q u e se tr o u v e la clef de la
p lu p a r t des p r o b l è m e s d o n t nous c h e rc h o n s en L 'h o m m e est un m o r c e a u d ’univers. Q u elle sorte
vain la solution. de m o r c e a u ? P o u r l’é q u ip e de C a rb o n d a le ,
E x e m p le : les d iffé re n ts alliages d ’alu m in iu m dis l’h o m m e est un ta r d v en u sur c e tte te r re d o n t il
p on ible s d a n s le c o m m e r c e c o r r e s p o n d e n t à d es c o n stitu e la c o u c h e la plus té n u e , la plus fragile.
i
76 La ré v o lu tio n géosociale
C e tt e je u n e s s e et c e tte fragilité de l’h o m m e son t une p luralité d ’êtres h u m a in s a pu c o m m u n iq u e r
to u jo u rs b o n n e s à ra p p eler. S u rto u t p o u r les et é c h a n g e r d es ex p é rie n c e s. Puis son t v enu s les
pessim istes, qui ne sa v e n t p e n s e r leu r te m p s outils q u e la m ain p o u v a it m an ier. M a is les outils
q u ’en te r m e s de c ré p u s c u le et d e c a ta s tr o p h e . p ré s e n ts exig ent p o u r leu r fab ric atio n et leu r uti
L ’é q u ip e de C a r b o n d a le fait savoir, d ’a u tr e part, lisation l’effort c o o rd o n n é du plus g ra n d n o m b r e .
qu e si l’h o m m e n ’est q u e la d e rn i è re p e tite Ils ne se c o n ç o iv e n t poin t sans l’e x p é r i e n c e
c h a n s o n c h a n té e p a r la te r re — c h a n s o n si faible intégrée de la sc ien ce qui, e lle -m ê m e , résulte de
q u e l’u niv ers d oit à pein e c o m m e n c e r de l’e n l’histoire universelle. L ’é c h e c r é c e n t de Telstar
t e n d r e — il n ’a p p a rt ie n t , en o u tr e , q u ’à u n e d es c o m m e satellite m on d ial de c o m m u n ic a t io n s a
e s p è c e s les plus réd uites. S’affole r p o u r trois m o n tré de m a n iè re d ra m a ti q u e c o m m e n t l’e n t r e
milliards d ’individus? P o u r les six ou sept de l’an prise privée la plus pu issante et les n atio ns les
deux mille? plus fortes, se ré v è le n t in c a p a b le s de faire face
Les anim au x d o m es tiq u es ou de b o u c h e rie sont au aux frais n écessités p a r de tels outillages u n i
no m b re de 4,5 milliards. La vie anim ale a q u atiq u e versels; ceux -ci exigent é g a le m e n t un e c o o p é
c o m p r e n d 580 000 000 de milliards d ’individus. ratio n in te rn a tio n a le et u n e c o n c e p t io n m o n d iale
Les a n im au x sau vag es so nt 1 667 000 milliard. de l’outillage.
Les vers et les term ites sont 92 428 683 600 de mil Si j ’ai bien c o m p ris la p e n s é e de M. B u c k m in s te r
lions de milliards. Les insectes seraie n t au n o m b re F u ller et de ses c o lla b o ra te u rs , il ne s’agirait
de 3 416 341 341 600 000 de milliards de milliards. p as s e u l e m e n t de c o n s i d é r e r l’h o m m e c o m m e un
C e rte s , l’étalag e de tels chiffres fait sourire. m o r c e a u d ’univers et de voir en son évo lu tion
P o u rta n t, il révèle un fait in c o n te s ta b le : nous un e évo lution d e l’univers, mais de voir d a n s son
s o m m e s la m ousse d ’u n e m a tiè r e v iv ante in n o m outillage, une so rte d e p ro lo n g a tio n ou de d é v e
b ra b le ; nous no us tr o u v o n s plo n g és d a n s ces lo p p e m e n t o rg a n iq u e de son ê tre. Pareille p e n sé e
m y riad es d ’individus, d a n s c e tte masse g lu ante serait é v id e m m e n t de n a tu r e à c o m b l e r l’éte rn e l
et grou illa nte. fossé e n tr e la n a tu r e de l’h o m m e , e n tr e la n a tu re
N o u s s o m m e s d ifférents, c ’est vrai, mais nos et le p ro cessus d'industrialisation. L ’h o m m e serait
c a ra c té ris tiq u e s essentielles se tr o u v e n t m oins dès lors la n a tu r e en év o lu tio n et l’outillage
d a n s le poid s de n o tre c e rv e a u , d a n s le n o m b r e industriel, la croissan ce o rg a n iq u e d e l’h o m m e .
de ses c irco n v o lu tio n s, m o in s d a n s u n e d iffé re n c e
de n a tu r e , voire de d e g ré a u sein d ’un e n a tu re
f o n d a m e n ta l e m e n t id e n tiq u e , q u e d a n s ce tte
sorte de c a p a c i té m arg in ale qui no us p e r m e t de En 1 97 0 , chaque ê tre h um ain disposera
m odifier a u t o u r de no us le milieu et la vie. C e tte de 4 3 esclaves é ne rg é tiqu e s
a p titu d e tien t à la c o n n a is sa n c e a c c u m u lé e
c o n s c i e m m e n t de g é n é ra tio n en g é n é ra tio n . Elle C e qu e nous a p p e lo n s le p ro g rès p e u t ê tre c o n si
ti ent aussi à l’extério risa tio n et à l’e x p ansio n d é ré c o m m e le profit ré s u lta n t de l’é n erg ie q u e
de nos fonctions o rg an iq u e s sous fo rm e d ’outillage. l’h o m m e est c a p a b le de m e ttre en œ u v r e p a r
U ne n ouvelle idée surgit d è s lors, celle de l’outillage. Les savants de C a r b o n d a le utilisent
l’h o m m e co n tin u ou d ’un c o n ti n u u m de vie la notio n d ’esclave é n e rg é tiq u e p o u r d é sign er
hu m a in e résu ltan t de n o tre c a p a c i té à relier le c e tt e é nerg ie. Ils la définissent c o m m e l’unité
passé au p ré s e n t et au fu tur, de p r o j e te r nos c o r r e s p o n d a n t à la q u a n tité d ’éne rg ie p ro d u ite
e x p é rie n c e s en d es é v a lu a tio n s à venir, d ’a n ti p a r le travail d ’un h o m m e . C e tt e unité est de
c ip e r et d e p ré v o ir n o tre destin. C e t h o m m e 150 000 Juot-pounds p a r j o u r n é e de huit heures.
co n tin u d a n s le te m p s est aussi d a n s l’e sp a c e un Le fo o t-p o u n d , c o m m e l’expression l’indique, est
ê tr e en exp an sio n , g râ c e aux in s tru m e n ts p ar l’é q u iv a le n c e d e la q u a n tité de travail requise
lesquels il é te n d ses c a p a c ité s o rg a n iq u e s n a t u p o u r é le v e r un poids d ’une livre à la h a u te u r
relles. Le p r e m ie r de ces outils a été la p a ro le : d 'u n pied. En a d o p ta n t c e tte un ité, on en arrive.
Document exclusif 77
p o u r d é c rire l’év olu tio n de n o tre civilisation, à dale, l’h u m a n ité d e v a n t a ttein d re en 1970 à q u a tre
des o b se rv a tio n s très inté ressan tes. De 1940 à milliards d ’individus, le n o m b r e d es esclaves
1960, si la p o p u la tio n du m o n d e est passée de é n e rg é t iq u e s p assera it de 45 à 170 milliards, soit
2 250 000 000 à trois milliards, le n o m b r e d er à un chiffre m o y en de 22,5 à 42,5 p a r tête.
« esclaves é n e rg é t iq u e s » s’est a c c ru en p ro p o r tio n Pareilles e stim atio n s sont optim istes. Elles sug
bien plus fo rte : il est passé de 40,5 à 101,5 mil g è re n t q u e malgré le d o u b l e m e n t de la p o p u
liards. C e tt e c roissan ce va du simple au d oub le. lation m o n d ia le, le s ta n d a rd de vie ne va pas
C h a q u e h a b ita n t du globe p o ss èd e ainsi, en d im in u e r et p o u rr a m ê m e s’a c c ro îtr e . La p r o d u c
m o y e n n e , prè s de 34 esclaves m é c a n iq u e s au lieu tion de ces esclaves é n e rg é t iq u e s d é p e n d , évi
de 18. d e m m e n t , d es so u r c e s d ’én ergie d o n t dispose
M a l h e u r e u s e m e n t, c e tte m o y e n n e n ’est q u 'u n e l’h u m a n ité . C es s o u rces risqu ent-elles de se ta rir
m o y e n n e . D 'u n c o n ti n e n t à l’a u tr e , les diffé d ans les d é c a d e s à venir? Là e n c o r e , M. B u c k
re n c e s so nt affligeantes. En 1940, l’A m é r i q u e du m in ster F uller et ses c o ll a b o ra t e u rs se m o n t r e n t
N o rd vient en tê te, av ec un chiffre de 37 milliards optimistes.
d ’esclaves é n e rg é t iq u e s : 185 esclav es p a r A m é
ricain. R e m a r q u e significative: ces chiffres ne Ne p a rlo n s pas ici des statistiqu es relatives aux
re p r é s e n te n t plus en 1960 q u e 37 % du n o m b r e so u r c e s classiques: c h a r b o n , p é tro le , élec tric ité.
total d es escla ves é n e rg é tiq u e s , alors q u ’ils Le r a p p o r t é tu d ie à fond c e tte questio n. M ais
av aie n t été de 4 8 % en 1940 et de 55% en 1950. l’originalité n ’est pas là. B e a u c o u p d ’o b s e r
C eci in dique q u 'u n e plus ju s te rép a rtitio n c o m vate urs, on le sait, p e n se n t aux so u r c e s d ’én erg ie
m e n c e de s’a c c o m p lir d a n s le m o n d e . en te r m e s d ’e n tr o p ie . L ’e n tr o p ie est la t e n d a n c e
p a r la quelle to u t e cho se, en un systèm e clos, ten t
à la m o rt et à l’inertie. Si l’on a d m e t q u ’il y a
Les richesses en m ine ra is s'é p uisen t, e n tr o p ie , on estim e q u e les s o u rc e s d ’é n e rg ie sont
m ais elles p o u rra ie n t ê tre récupérées lim itées et q u ’elles s’é p u is e n t en des d élais re la
tiv e m e n t brefs. Ainsi les réserv es e x p lo itab les
L ’E u ro p e dispose, en 1940, de 81 esclaves p ar d ’alu m in iu m se ra ie n t taries d a n s 570 ans; celles
tê te. C e chiffre (fort d ifféren t de nation à n atio n) de fer d a n s 250 ans; celles de zinc d a n s 23 ans;
est in férie ur de plus d e m oitié à celui d e s États- celles d e cuiv re d a n s 294 ans; celles de plo m b
Unis. N o u s le v oy on s plus q u e d o u b le r de 1940 à d a n s 19 ans; celles d ’étain dan s 35 ans. C es esti
1960. Il passe à 52 % du n o m b r e total d es esclaves m atio n s ne son t pas fausses. Le ta riss e m e n t est
é n e rg é tiq u e s du m o n d e : signe du re d r e s s e m e n t réel. M ais les gens de C a r b o n d a le a ss u re n t q u e
de la vieille E u r o p e a p rè s la g u e rre. L ’Asie, les m é ta u x et m in erais ne sont pas p e rd u s p o u r
m algré son é n o r m e p o p u la tio n , ne p o ssè d e qu e a u tan t. li s s e tr o u v e n t e n g a g é s d a n s un p roce ssu s
5 m illiards d ’esclaves. Elle les a d o u b lé s en r é c u p é r a te u r . L ’idée est ici q u e « rien ne se crée,
vingt ans. Ils ne re p r é s e n te n t q u e 5 % du n o m b r e rien ne se p e rd » . Il n ’y a q u e d e s cycles de
m ondial. En m o y e n n e , c h a q u e A siatiq u e n ’en dis tr a n s fo r m a tio n . D ’a b o rd , nou s p o u v o n s r é i n tro
pose q u e de trois: c ’est le taux le plus bas de d uire d a n s un circu it p ro d u c t if les d é c h e t s des
l’h u m a n ité . L ’A friqu e et le m o n d e m é d i te r r a n é e n m étau x utilisés; en suite et su rto u t, n o tre c o n n a is
sont m ieux lotis: 10 p a r tê te , avec un chiffre sance des 103 élé m e n ts fo n d a m e n ta u x de l’univers
global de 2,5 milliards, ce qui r e p r é s e n te à peine nous re n d possible de r e c o m b in e r les c o n s titu a n ts
2 % de la disponibilité m o nd iale. L ’A m é r i q u e du e t de c r é e r d e s p ro d u its no uv eau x . L’industrie
Sud n’est g u ère en m eilleure p ositio n: 10 p a r c h im iq u e a p ro d u it plus de 7 000 tr a n sfo r m a tio n s
h a b ita n t; un milliard et d em i d ’escla ves au total, de ce g e n re. D a n s les 25 d e rn iè re s an n ées, le gaz
soit à p eine 1 % du m o n d e . L ’A m é r i q u e C e n tra le et le p étro le o n t servi à p ro d u ire plus de
est plus fav orisée: 1,8 milliard d ’esclaves, 2 % , 2 500 p ro d u its n o u ve aux . Le c h a r b o n a é té utilisé
28 p a r h a b ita n t. Selon les e stim atio n s de C a r b o n p o u r d es milliers de p ro d u its d o n t les c o n s titu a n ts
La ré vo lu tio n géosociale
o nt été c h im iq u e m e n t ré-asso ciés: les plastiques, p ro v isio n n ée en é n erg ie universelle q u e nos
ce rta in s textiles, c e r t a in e s te i n tu r e s ou dro gu es. c o n n a is s a n c e s a to m iq u e s ou é le c tro - m a g n é ti q u e s
L ’e x e m p le du cuivre est exhaustif. De to u t le d e v ra ie n t no u s p e r m e tt r e d'utiliser. Si l’h o m m e
cuivre e x trait au c o u rs d e l’histoire h u m a in e , p e u t av o ir une fo nctio n d a n s le m o n d e , c ’est de
14<y< s e u le m e n t ne se tr o u v e r a i e n t plus d a n s le r é p e r to r i e r et d ’utiliser ces c h a m p s de fo rc e u n i
cycle actu e l de r é c u p é r a ti o n au c o u rs d u q u e l, versels qui, ju s q u 'à présent, nous étaie n t d e m e u r é s
tous les 22 ans en v iro n , les m é ta u x sont re fo n d u s invisibles.
et rem is en c ir cu latio n . O r, les 14% de cuivre
qui ne se tr o u v e n t pas d a n s le cycle a ctu e l de
réutilisation se tr o u v e n t au fo nd de l’o c é a n sous La te rre est capable de n o u rrir
fo rm e de m u n itio n s navales n aufra gée s. D a n s les seize m illia rd s d 'h o m m e s
deux p r o c h a i n e s d é c a d e s , ils p o u rr a ie n t être
ré c u p é ré s. D e telle sorte qu e 98 % de to u t le D a n s de pareilles p ersp ectiv es, le p r o b l è m e de la
cuivre ja m a is ex trait se tr o u v e ra i e n t à n o u v eau faim ou, plus e x a c t e m e n t, de l'a lim e n ta tio n d ’une
en c ircu latio n . La to talité de cuivre in ven torié p o p u la tio n u niverselle sans cesse c ro issa n te,
p o u rr a it ê tre ainsi ré e m p lo y é à d es lins nouvelles, p e u t ê tre envisagé de façon m oins drarrfatique
ainsi q u e les au tres m étaux, tous les 22 ans environ. q u ’on ne le fait g é n é ra le m e n t.
D ès a u j o u r d ’hui, 7 5 % de to u t l’a c ie r utilisé est O n c o n n a ît les n oires p ro p h é tie s : l’explosion
tiré d es d é c h e ts. Les v o itures les plus m o d e r n e s d é m o g r a p h iq u e re n d nég ligeab les nos c a p a c ité s
sont faites d e ferrailles d é su è te s, re f o n d u e s et de nourrir, d ’hab iller ou de log er l’h u m a n ité en
retravaillées. gestation . L ’a llo n g e m e n t de la vie, dû aux p ro g rè s
de la m é d e c in e ne fera q u e réd u ire e n c o re ces
ca p a c ité s. M ais, p o u r l’é q u ip e de C a r b o n d a le , le
C ent m ille to n n e s par jo u r po int d e vue de M a lth u s est e rro n é . D éjà, la
de poussière s te lla ire situatio n p ré s e n te , si d élic a te q u ’elle soit, m o n tre
q u e nou s p a r v e n o n s à nou s a c c o m m o d e r de la
L ’é q u ip e de C a r b o n d a le a tt a c h e d o n c une im p o r p ré s e n c e d ’un n o m b r e d ’individus d o té s d ’un
t a n c e i n a t te n d u e à l’id ée: rien ne se p e rd, rien s ta n d a rd de vie q u e M a lth u s n ’a u rait pu im aginer.
ne se crée. Elle d é p a ss e m ê m e c e tt e idée en M. F e d o ro v , se c ré ta ire g é n é ra l de l’A c a d é m ie
a ss u ran t q u e la vie biolog iqu e sur te r re est anti- d e s scie n c es de l’U.R.S.S. écrivait en 1962 d a n s
e n tr o p iq u e . O n p e u t c o n s id é re r un m o u v e m e n t un e revu e a m é r ic a i n e : « Les possibilités de satis
de d é p e rd itio n de la terre en d irection de l’univers. faire les b eso ins fo n d a m e n ta u x de n o tre société
O n p e u t aussi o b s e r v e r un p h é n o m è n e d ’e n ric h is en é n erg ie, en n o u rr itu r e et en m atériel ont
se m e n t, allant d e l’un iv ers vers la terre. En plus p lu tô t t e n d a n c e à c ro ître q u ’à dim in u e r. »
des ray o n s q u 'e lle reço it c h a q u e j o u r du Soleil, L ’explosio n d é m o g r a p h iq u e ren dra-t-elle la te rre
no tre p la n è te a ccueille, en des q u a n ti té s d o n t tr o p p e tite ? C ’est une idée c o u ra n te . L ’é q u ip e
nous a p p r e n o n s to u jo u rs plus l’im p o rt a n c e , une de C a r b o n d a le fait une cu rieu se év alua tion . A
é n e rg ie c o s m iq u e sous form e de ray on s Van c h a q u e ê tre h um ain c o rr e s p o n d r a i t un esp a c e
Allen. M ortels à l’origine, ceux-ci sont en qu elq u e m o ye n de 40,46 a rp e n ts (10 ares l’a rp e n t). De
sorte passés au tamis, triés, ré o rg a n isé s au trav ers c e t esp a c e , il fa u d rait re tire r l’h y d ro s p h è re to ta le
d es c o u c h e s c o n c e n t r iq u e s de l’io n o s p h è re ou de év a lu é e p o u r c h a c u n à 31,58 a r p e n t s d o n t 1,71 de
la s tra to s p h è re . L a te r re re ç o it é g a le m e n t c h a q u e lacs et de rivières et 1,19 de te r re s re c o u v e r te s
j o u r c e n t mille t o n n e s de p o ussière stellaire. de glace. L ’é t e n d u e de te r re ferm e d o n t c h a q u e
Selon to u t e p ro b a b ilité , ce d é p ô t stellaire est h o m m e p o u rr a it disp o se r se réd u irait d è s lors à
co n stitu é des m ê m e s é lé m e n ts fo n d a m e n ta u x 8,88 arp e n ts, sur lesquels il faud rait d is tin g u e r
d o n t n o tre scien ce a fait l’in v entaire. En fin de 3,15 a rp e n ts d e forêts vierges, 2,67 de prairies,
c o m p t e , la vie bio log iq ue est c o n s t a m m e n t r é a p 2,07 de d ése rts et s e u l e m e n t 0,856 de terres
Document exclusif 79
a c tu e lle m e n t cu ltiv ées et 0,136 de bois ex ploités tin ue, elle p e r m e t a u jo u r d 'h u i un e sorte de c o n ti
ou p r é s e n t e m e n t exp lo itables. Pareils chiffres nuité d a n s la c o m p r é h e n s i o n possible de la terre.
m o n t r e n t p o u r t a n t de m a n iè re é c l a ta n te qu e C e tt e idée de co n tin u ité ra m è n e à celle de
l’e s p a c e utilisé a u jo u r d ’hui p a r l’h o m m e p o u r la l’h o m m e c o n tin u d o n t nous avo ns déjà vu que
c u ltu re et l’h a b ita t d e m e u r e insignifiant, en l’éq u ip e de C a r b o n d a le éta it friande. M ais si
re gard d e celui q u ’il serait c a p a b l e d ’exploiter. la c o n tin u ité a p p a ra î t ici d a n s la c o n n a is san ce
En réalité, d a n s l’é t a t a c tu e l de nos c o n n a is du m o n d e , p erm ise p a r la m u ltiplicatio n des
sances, la te r re p o u rr a it n o u rr ir j u s q u ’à 16 mil c o m m u n ic a t io n s et la mobilité cro issa nte des
liards d ’h o m m e s. G r â c e à des pipe-lines de d é s a h o m m e s de tou s pays, elle no us est e n c o r e p r é
linisation, les o c é a n s p o u r r a ie n t ê tre utilisés p o u r se n té e , de la m an ière la plus cu rieu se , en relation
fertiliser les dé se rts, d e sorte q u e la su rfa ce des avec la survie de l’o rg a n ism e e t la possibilité de
te r re s cu ltivées a rr iv e rait à ê tre triplée. ses re n o u v e lle m e n ts. L ’a u g m e n t a ti o n de l'espoir
de vie se tro u v e liée à l’usage fait p a r l'h o m m e
de la c o n n a is sa n c e de son p ro p r e m é tab olism e
Les banques du sang e t des organes p o u r ré p a r e r, re s ta u r e r ou r e m p la c e r c e rta in s de
p ré p a re n t l'« h o m m e c o n tin u » ses o rg a n e s ou de ses hu m e u rs. Les services
m o ndiaux de transfusion sanguine c o u v ren t main-
U ne q u estio n m oin s b rû la n te , mais cap itale est te m e n t une large é te n d u e du m o n d e et m an ien t
celle de l’é d u c a tio n et des m o y e n s de c o m m u n i a n n u e ll e m e n t des milliers d ’u nités de sang et de
cation. L ’U n e s c o a s o u v en t attiré l’a tte n tio n sur p lasm a. Les tr a n s p la n ta tio n s o rg a n iq u e s c o m m e
le n o m b r e in cro y ab le d ’illettrés et sur l’im m e n se celles du rein ou de la c o rn é e de l’œil sont
effort d ’é d u c a t io n n écessaire. Près de la moitié m a i n te n a n t d e v e n u e s c h o se s c o u ra n te s , sans
d es h o m m e s sont illettrés. M a is l’é q u ip e de c o m p t e r les app areils, valves, tubes, c œ u r s a rti
C a r b o n d a le ne to m b e pas d a n s la c ro y a n c e naïve ficiels qui, p o u r un te m p s d é te r m i n é , s’in tég re nt
que l’a n a lp h a b é tis m e c o n stitu e un e infériorité en au f o n c t io n n e m e n t de l’o rg an ism e ainsi que les
soi et qu e l’in stru ctio n a u g m e n t e p a r elle -m êm e p ro th è s e s d o n t la co m p le x ité c ro issan te se ra p
la v a le u r d e l’h o m m e . Bien de s c o n n a is s a n c e s ont p ro c h e d e s possibilités co rp o r e lle s naturelles.
été tra n sm ise s p a r tr a d itio n o rale et des illettrés
p o ss è d e n t u n e in telligence plus vaste, plus p r o
fon de, un e m a tu rité spirituelle et affective plus H u it m illia rd s d 'o rd in a te u rs
g ra n d e q u e bien d es un iversitaires. L ’a n a lp h a s o n t prévus p ou r 1 9 8 5
bétism e est p o u r t a n t un mal p o u r qui v eu t p a r t i
cip e r à la civilisation de n o tre tem ps. Il co nstitu e Si J u n g a pu d é c rire l’in c o n s c ie n t c o llec tif
de ce fait un e restrictio n à la liberté de l’individu. co m m e une sorte d ’être g igantesque tra n sc e n d a n t
E n c o re s’agit-il de savoir q uelle sorte de c o n n a is les individus et les g é n é ra tio n s et a y a n t e m m a
sance m é rite d ’ê tr e tran sm ise et de quelle façon gasiné d a n s son rêve o b sc u r to u te la m é m o ir e du
elle p e u t l’ê tre. U ne fois de plus, l’é q u ip e de m o n d e et to u te s les c o n n a is s a n c e s a c c u m u lé e s
C a r b o n d a le s’o p p o se aux p ro c é d é s tr a d itio n n els au c o u rs d es siècles ta n t p a r l’h o m m e q u e p a r les
d ’é d u c a t io n qui p a r t e n t d ’é lé m e n ts locaux et an im au x , les vég éta u x , et qui sait, les m in érau x ,
isolés p o u r a c c é d e r à la c o m p lex ité cro issan te du la sc ie n c e est en train de nous laisser deviner,
tout. Il im p o rte ra it, au c o n tr a ir e , d an s l’é d u c a tio n ju s q u e sur le plan des a p p a r e n c e s org an iq u es,
no uv elle d ’aller du to u t au particu lier. L a c ho se b iolo giq ues et m é c a n iq u e s, les c o n to u r s e n c o re
d e v ien t possible, m ê m e en te r m e s d ’é d u c a t io n de indécis de cet ê tre g ig an tesq u e, au savo ir im m é
masses, g râ c e au p ro g rè s é n o r m e d es m o y e n s de morial, à la sagesse tr a n s c e n d a n t e et aux possi
c o m m u n ic a t io n : le té l é p h o n e , le c in é m a , la .télé bilités infinies d e re n o u v e lle m e n t d o n t nous
vision, le to u rism e m ê m e . A lo rs q u e l’e x p é rie n c e ne s o m m e s q u e les cellules é p h é m è r e s et d o n t
des voyages, p a r e x e m p le , é ta it a u tre fo is d is c o n nous ne savons e n c o re s’il fau t nou s ém e rv e ille r
80 La ré vo lu tio n géosociale
de son a p p a ritio n ou la r e d o u te r. D e ce po in t de un e p r o d u c t io n assez a b o n d a n t e p o u r satisfaire
vue, l’a sp e c t le plus p a ss io n n a n t de ce d é v e lo p avec p ro dig alité tous les besoins de l'h u m a n ité.
p e m e n t b io - te c h n iq u e est celui de l’a u to m a ti o n et L 'h o m m e p o u rr a dès lors é p a n o u ir ce qui constitue
des ce rv e a u x é le c tro n iq u e s. sa seule c a ra c té ris tiq u e bio log iqu e exclusive:
Ici, d eu x q u e stio n s a n g o issan te s se p o se n t: p é n é t r e r p a r la c o m p r é h e n s i o n les g ra n d e s s tru c
L ’a u to m a ti o n ne va-t-elle pas ab o u tir à un tu res universelles et, p a r ce tte c o m p r é h e n s i o n ,
c h ô m a g e te c h n o lo g iq u e sans issue? d é v e lo p p e r sa vie d a n s u n e plus g ra n d e et plus
Le c e rv e a u é le c tr o n i q u e n ’arrivera-t-il p as à r e m p ro f o n d e h a rm o n ie avec la to talité du réel.
p la c e r et à d é p a s s e r le c e rv e a u hu m ain ? Q u a n t aux p ro b lè m e s d ’em p loi posés p ar l'auto-
L ’u sage cro issan t d e s o rd in a te u r s et l’auto- m ation , l’é q u ip e de C a r b o n d a le estim e q u e la
m a tio n c o n s t it u e n t u n e t e n d a n c e f o n d a m e n ta l e richesse p ro d u ite grâ c e à celle-ci, sera suffisante
de n o tr e m o n d e m o d e r n e . Ln 1964, les États- p o u r r e n v o y e r tous les c h ô m e u r s m o m e n ta n é s en
U nis se tr o u v a ie n t lar g e m e n t en tê te avec de n o u v eau x cycles scolaires, aux r e c h e r c h e s et
120 o rd in a te u r s p a r million de travailleurs, suivis aux é tu d e s qui, à leur to u r, leu r p e r m e t t r o n t de
p a r la Suisse, avec 80 et la S u è d e avec 56. La s’initier à de n o u v ea u x métiers, voire à faire eux-
F r a n c e , la N o rv èg e, la Belgique, les Pays-Bas, m ê m e s d e s in ven tio ns et des d é c o u v e r t e s g é n é
le D a n e m a r k , l’A lle m a g n e de l’O u e st fo r m e n t ratric e s de no uvelles richesses.
en su ite un g ro u p e d ’im p o rta n c e fort sem blab le.
Le n o m b r e des o rd in a te u r s d o u b le à peu près
c h a q u e an n é e . On p e u t d o n c en p ré v o ir 250 000 Et Dieu?
en 1970, deux c e n t c in q u a n t e millions vers 1980 La science n 'e xig e pas l'a th é is m e
et huit milliards vers 1985: plus de d eux p a r
ho m m e . O n tr o u v e r a p e u t- ê tr e c e tt e vue des c h o ses assez
Si les o r d i n a te u r s p e u v e n t re n d re l’h o m m e d é s u e t simpliste et fo r te m e n t m atérialiste. Et D ieu?
en ta n t q u e spécialiste, no tre seule issue est de L ’é q u ip e de C a r b o n d a le n ’a p as voulu se d é r o b e r
nous c o n s a c r e r d é s o r m a is à nos seules fon ctio ns à c e tte g ra n d e in te rro g a tio n . M. B u c k m in s te r
d ’intég ratio n et de gén éralisatio n . L ’o r d i n a te u r F u ller fait m ê m e ce tte singulière o b s e r v a tio n : des
p e u t trav ailler de jo u r et de nuit sans être ja m a is h o m m e s m o u r a n t à l’h ôp ital y o n t été p esés av a n t
fatig ué; il n ’est ja m a is sou m is aux co n d itio n s de et a p rè s leur m ort. N ulle p erte de poids n ’a ja m a is
froid ou de c h a le u r qui p e u v e n t ê tre into lérab les pu ê tr e c o n s ta té e . Le m o rt pèse le m ê m e poids
p o u r l’h o m m e . Il p o ssèd e u n e résista n c e et une qu e le vivant. La vie est sans poids, im p o n d é
a p titu d e au travail qui d o iv e n t le m e n e r gag nan t rable. Q u a n d elle est partie, la c h a le u r ra d ia n te
d ans la c o m p é titio n . Q u e l'h o m m e soit d ev en u de l’ê tre , les o n d e s d ’éne rg ie p r o p a g é e s p a r le
d é s u e t c o m m e spécialiste d oit no us faire réfléchir c e rv e a u , les rad iatio n s du co rp s on t é g a le m e n t
à ceci: les e s p è c e s d is p a ru e s ou les tribus disparu. O n p e u t c e p e n d a n t faire du c a d a v re le
h u m a in e s é te i n te s sont m o r te s d 'u n e sp éciali m ê m e in v en ta ire ph ysique q u e du vivant. M ais
sation excessive. L o r s q u 'u n e e s p è c e se spécialise l’inv entaire est d é so rm a is sans usage. O ù est
au point de ne plus p o u v o ir s’a d a p t e r aux c o n d i passée la vie? Q u ’est-ce d o n c q u e la vie? T r o p
tions in a t te n d u e s , de l’évo lu tio n, elle m eu rt. d ’esprits im ag in en t q u e s c ien ce et ind ustriali
L 'év o lu tio n im plique un c h a n g e m e n t p erp é tu el. sation im p liq u e n t l’a th é ism e. C ’est un e e rre u r. Il
est vrai q u e m ic ro sc o p e s ou té le sc o p e s ne
sa u r a ie n t a p p o r t e r de l’ea u au moulin des vieux
Le p hysicien de l'a to m e sy stèm e s th é o lo g iq u es. L’essen ce de la religion
est la grande v ic tim e de la sp é cia lisa tio n n’est pas é p u is ée p o u r au ta n t. Religion vient de
re-liger ou re-lier, et signifie la rela tio n c o n s c ie n te
T o u t en libé ran t l’individu de ses soucis de de l 'h o m m e avec l'univers. Or, c e t univers,
spécialiste, les o rd in a te u r s p e r m e tt e n t d ’e n tr e v o ir c o n tr a ir e m e n t à la vue simpliste, ne p e u t être
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c o n sid éré c o m m e le p ro d u it te rm in al d 'u n c h ao s en Iran priva 20 000 p e rs o n n e s de to u t lo g e m e n t;
primitif. Les d é c o u v e r t e s scientifiques, no us dit à S ko pje, en Y o ugoslavie, 200 000 p e rs o n n e s en
M. B u c k m i n s te r F uller, s’in scrivent en faux fu ren t privees p a r le d ésa s tre de 1963 qui détruisit
c o n tr e p areille idée. P ro c h e en cela d e s lég end es, 85 % d e leur ville.
des m y th es ou des sp é c u la tio n s les plus a n tiq u es, Ici e n c o r e , la d is p ro p o rtio n s’av ère é n o r m e en tre
la scienc e offre p lu tô t la vision d ’un m o n d e l’E u ro p e et les É tats-U nis, d ’un e p a rt, le reste du
p hysique, c h im iq u e et b io lo giq ue a d m i r a b l e m e n t m o n d e , d ’au tre part.
bien organisé. La su blim e rég ularité de la n a tu re O n a vu dé jà ce tte d isp ro p o rtio n à p ro p o s des
c o r r e s p o n d à d es s c h è m e s m a t h é m a t iq u e s sug esclaves én e rg é tiq u e s , à p ro p o s d e s ratio ns ali
g é ra n t un u n ive rs qui, n ’a y a n t ja m a is été c h a o m en taires. O n vient de la n o te r q u a n t à l’hab itat.
tique et n ’a y a n t ja m a is eu de c o m m e n c e m e n t , ne U n de ses a s p e c ts les plus cu rieu x se ra p p o r te à
p eu t non plus ja m a is a vo ir de fin. M. F u lle r se la m obilité des diverses p o pu latio ns. L a q u a n tité
rallie au point de vue ex p rim é en 1930 p a r Einstein : de s co n n a is sa n c e s, le se n tim e n t d e s in t e rd é
les sa v a n ts qui, c o m m e K eple r, p a ss è re n t p o u r p e n d a n c e s , la possibilité des p ro g rès c o m m e r
h é ré tiq u e s , é ta ie n t en réalité les esp rits les plus ciaux ou industriels, sont en r a p p o r t av e c le
religieux de le u r te m p s. C e u x -là a v a ie n t c o m p ris n o m b r e de p e rs o n n e s visitant tel pays et le
que l’essence de la religion se trouve d ans l’a p p ré n o m b r e d 'h a b it a n ts de ce pays se re n d a n t à
hension du sens c o sm iq u e de l’existe nce , et que l’é tr a n g e r. L ’équ ilib re e n tr e arriv é es et d é p a rts
le divin est l’e n s e m b le des p ro ces su s in té g ra te u rs est e x c e p tio n n e l. La F r a n c e s’en r a p p r o c h e : en
et in telligents p ro p r e s à l'univers. Bio-chim istes 1962, six millions de visites p o u r six millions de
ou bio-physiciens reco n n aisse n t d éso rm a is l’inte r d ép arts. Le d éséq uilibre d es d eu x chiffres révèle
d é p e n d a n c e et l’unité de leurs c h a m p s de parfois de façon saisissante la psych olo gie des
re c h e r c h e . C e tte t e n d a n c e de la s c ie n c e c o n t e m nations. L 'A lle m a g ne est privilégiée: cinq millions
p o ra in e est, au sens é ty m o lo g iq u e , une t e n d a n c e d ’arrivées, huit millions de d é p a rt . M ais p o u r
religieuse. l’Italie: dix millions d ’arrivées, et se u le m e n t
d eu x millions de d é p a rts. L ’E sp a g n e , 7 millions
d ’arrivées, p o u r un million de d ép arts. La Suisse
9 0 0 m illio n s de personnes e lle -m ê m e : un afflux de 5,6 millions d ’arrivee s
so n t d épourvues d 'h a b ita t personnel c o n tr e 1,2 million de d ép arts. L ’Irlan d e enfin:
d eux millions d ’arriv ées p o u r à pein e 30 000 d é
D e s c e n d o n s de ces h a u te u r s p o u r en v enir au parts. Q u e dire de s g ra n d e s n atio ns e x tr a
p ro b lè m e p ra tiq u e de l’h a b ita t qui, p o u r être e u r o p é e n n e s ? Le C a n a d a se p réc ip ite vers le
m oins s p e c ta c u la ire q u e celui de la faim, n ’en est m o n d e av ec six millions de d é p a rts ; l’in térêt d o n t
pas moins grave. il est l'o bjet ne se m an ifeste q u e p a r 300 000 a r
Il existe en A friq ue , en Asie et en A m é riq u e rivées. Les É tats-U nis c o u r e n t le m o n d e à raison
latine, plus de 900 millions de p e rs o n n e s d é de 4,5 millions de d é p a rts; ils ne re ç o iv e n t q u 'u n
p o u rv u e s d ’h a b ita t p e rs o n n e l: to u t sim p le m en t, million de visites. Les im ages les plus vives de
d ’un toit, à titre de p ro p r ié ta ire ou d e locataire . l’iso lem ent sont c e p e n d a n t celles de l’U .R.S .S .,
Si l’on tien t c o m p t e de l’a c c ro is s e m e n t p rév u de p ays é n o r m e qui ne re ço it pas un million de
la p o p u la tio n , d e la d é g ra d a t io n d e s h a b ita tio n s visites et p e r m e t m oins de 200 000 d é p a rts ; de
ex istan te s et de la nécessité de leu r r e m p la l’In d e qui ne reço it qu e 135 000 arriv ées et ne
c e m e n t p é rio d iq u e , les b esoins an n u e ls en p e u t se p e r m e tt r e q u e 51 000 d é p a rts ; de
h a b itats s e raien t en 1975 d e 3,26 millions en l’im m en s e C h in e enfin, m u r é e , où a rriv ées et
A friq u e , de 3,20 en A m é r i q u e latine et de... d é p a r t s ne d é p a s s e n t pas le chiffre dé riso ire de
21,30 en Asie! E n c o re faudrait-il te n ir c o m p te 50 000 p o u r huit ce n ts millions d ’hab itan ts.
des d é sa s tre s n a tu r e ls d o n t ces q u e lq u e s chiffres R id e au x de fer, de b a m b o u , de m isère, G r a n d e s
d o n n e n t l’idée: le t r e m b l e m e n t de te r re de 1962 M u railles des idéologies ou de la sclérose intel
La ré vo lu tio n géosociale
lectuelle et q u ’il faut a rriv e r à lever, à p e rc e r , h u m ain . C elle-ci p e u t ê tre a c c o m p lie g râ c e à une
à re n v e r s e r p o u r a b o u ti r à la p ro s p é rité m o n d ia le rec o n v e rsio n de nos re s so u rc e s qui, j u s q u ’à
qu e l’industrialisation p e rm e t. p ré s en t, n ’o n t b énéficié q u ’à 4 4 % de l’h u m a n ité
E n tre régions d ites d é v e lo p p é e s et régions dites e t p e u v e n t d e v e n ir utilisables p o u r ses 1 00 % ,
en voie de d é v e lo p p e m e n t, c e rta in s chiffres, to u t en leu r c o n f é r a n t un niveau de vie plus élevé
e n c o re , d o n n e n t la m esu re de l’œ u v re à accom plir. q u e celui d o n t jo u it la m in orité privilégiée.
Sur 300 000 n o u v e a u -n é s , il n 'en v ie n d ra q u e C e tt e re c o n v e rsio n est possible g râ c e à la g é n é
75 000 da ns le p r e m ie r g ro u p e c o n tr e 225 000 ralisation des p e rf o r m a n c e s t e c h n i q u e s et à la
d a n s le s e co n d , qui a le m oins de possibilités, réutilisation d es én erg ies en c ircu it ainsi q u e p a r
de les faire vivre! D o u z e mille, d a n s les régions le ren v oi d a n s les collèges, les éc o le s s u p é r ie u re s
dites d é v e lo p p é e s , n a îtro n t d an s des taudis ou et les un iv ersités de to u te s les p e rs o n n e s priv ées
d e s bidonvilles, 130 000 d a n s le secon d. m o m e n t a n é m e n t d ’em p loi p a r l’a u to m a tio n .
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a u to m a ti q u e qui, to u t au long d e l’his toire, était 9. — Si d a n s les cinq ans qui v ie n n e n t, les
d e m e u r é inconscient. c h e r c h e u r s e t les a r c h i te c t e s du m o n d e ne p a r
v ie n n e n t pas à p re n d r e l’initiative ici d é c rite ,
4. - Les é tu d e s sur les e s p è c e s d is p a ru e s et les la crise en laquelle no us n o u s d é b a tt o n s dep uis
g ro u p e s h u m ain s é te in ts in d iq u e n t q u e la sp é c ia 1950 et d o n t le p o in t c u lm in a n t d oit ê tr e a tte in t
lisation est la cau se de leur d isparition. C e tt e sp é d ’ici 1970, o ffrira u n e n ouvelle p r im a u té aux
cialisation est c e p e n d a n t u n e te n d a n c e f o n d a in dustries de g u e rre , p rim a u té telle q u e le c a u
m e n ta le du m o n d e m o d e r n e . c h e m a r de H uxley ne sera rien en c o m p a r a is o n
de celui q u ’elle nous p ro m e t.
5. - Si l’on c o m b in e la t e n d a n c e à la spéciali
sation et n otre c o n n a is s a n c e de ce q u e c e tte C e c a u c h e m a r p e u t c e p e n d a n t ê tre é c a r t é et il
m êm e sp écialisation ab o u tit à l’e xtin ctio n des d é p e n d de c h a c u n de nous, et su rto u t de tous
espèc es, on s’a p e rç o i t q u e la n a tu r e a d o té ceux qui disp osen t d ’un p o u v o ir d ’invention ou
l’h o m m e d ’un e fon ctio n c a p a b le de c o m p e n s e r d ’un p o u v o ir te c h n o lo g iq u e , q u ’il le soit. D a n s
ses p ro p e n s io n s à la d e s t ru c ti o n : en r e n d a n t les p ré f a c e s successives q u ’il a é c rite s p o u r son
l’h o m m e d é s u e t c o m m e spécialiste, l'a u to m a tio n Meilleur des Mondes, A ld o u s H ux ley a élargi
le libère p o u r les tâ e h e s qui lui sont p ro p r e s et c h a q u e fois la p o rte de l’esp oir et r e c o n n u que
lui p e r m e t de r e n o n c e r aux fausses affirm ations la c h a n c e g ra n d it de voir l’h o m m e se lib ére r au
de M a lth u s ou de D arw in : « C ’est toi ou moi trav ers de la te c h n o lo g ie p lu tô t q u ’ê tre écrasé
qui dois m ou rir, seul p e u t survivre le plus apte. » p a r elle. E n c o re faut-il q ue les c h a n c e s existan tes
soient saisies. Si tr o u b la n t e s q u e soien t a u jo u r
6. — Éliminé c o m m e spécialiste, l’h o m m e d o it d ’hui les p ers p e c tiv e s m o nd iale s, on p e u t tr o u v e r
to u t m e ttr e en œ u v r e p o u r se c o n s a c r e r aux de bo n au g u re que des p e rs o n n a lité s a m é r ic a in e s
tâ c h e s d 'in té g ra tio n et de syn thèse. C e t o b je c tif telles q u e M. B u c k m in s te r F u lle r et des u n iv e r
n’est possible q u e si les un iversités se r é f o rm e n t sités a m é r ic a in e s telles q ue C a r b o n d a le ou
afin de p r é p a r e r les é tu d ia n ts à ce m o n d e en voie C o lu m b ia , se p r é o c c u p e n t de tr a n s c e n d e r les
d ’unification et à la so ciété de l’âge spatial qui soucis n a tio n a u x et de c o n sid é re r, en des te r m e s
est en train de d e v e n ir la n ô tre. Les u niversités où la lucidité et la g én é ro s ité se rejo ign ent, les
ac tu e lle s d e v ro n t se ré f o r m e r ou d isp araître. p ro b lè m e s du m o n d e et, p a rtic u liè re m e n t, le
ra p p o r t d e s « n a n tis » et d es « sou s-d év elo p p é s» .
7. — L ’h u m a n ité p ré s e n te n ’é p ro u v e plus au c u n Quoi q u ’on pense des résultats de cette d é m a r c h e ,
a ttra it p o u r les tâ c h e s de l’a r m e m e n t ou de la de ses m é t h o d e s ou de ses prém isses, on p e u t la
g u e rre qui satisfaisaient ses a n c ê tre s. Elle pousse saluer c o m m e u n e en trep rise h a u te m e n t hono rab le.
ses po liticien s d a n s la voie du d é s a r m e m e n t et si
« la g u e rr e fro id e » se po ursuit, c ’est d a n s la seule
m e s u re où des p e u p le s insatisfaits c ro ien t p o u v o ir
tr o u v e r d a n s le socialism e un r e m è d e à leurs
maux. N o n s e u le m e n t la richesse ne p e u t se
p e rd r e mais elle est c u m u lativ e. C e ne sont ni les
b a n q u e s ni les féo d a u x qui la p o u r r o n t re ten ir
et to u te c o n c e p t io n s ta tiq u e est en ce d o m a in e
révolue.
84 La ré v o lu tio n géosociale
LA R É V O L U T IO N B IO L O G IQ U E
C a ra c tè re de C om p ré h e n sio n des systèmes vivants y com pris le cerveau.
changem ent
A spects M a n ip u latio n sd e la stru ctu re génétique / Mise au point de l’Ingeenering
techniques Biology / C o m pré he n sion du processus de vieillissement.
Possibilités qui M achines bio-chim iques pou r la production de la nourriture, de
en décou lent l’énergie, des produits chim iques et le stockage de l’information / M od i
fication de l’h érédité cellulaire / T ra nsplantation des organes / Modifi
cation du cerveau p e n d a n t q u ’il se développe / G uérison des maladies à
virus, des maladies de c œ u r et du cancer.
Effets sur Longévité / Santé mentale / C h a n g e m e n t d ’identité, par implantation
l’individu chirurgicale.
Effets sur M eilleure c o m préh en sio n du c o m p o rte m e n t humain, mais: nécessité
la société d ’une m orale pou r la m anipulation biologique, danger d ’un m arché
noir d ’organes transplantables, dan g e r d ’un contrôle du cerveau.
Aspects C om p ré h e n sio n et imitation des systèmes vivants com plexes / Possi
globaux bilité p ou r accro ître c on sidérab lem ent la production alimentaire.
LA R É V O L U T IO N D E L’I N F O R M A T I O N
C a ra c tè re de La révolution de l’inform ation: É n orm es augm entations de la capacité
c hang em ent des m achines à calculer et des moyens de té lécom m u nication, vastes
usages des moyens électron iq ues de récu pératio n et de rec h e rch e de
l’information.
Aspects Des ord in ateu rs b e a u c o u p plus rapides et avec qui il sera be a u c o u p
techniques plus facile de parler / D es réseaux d ’o rd in ateu rs interco nnectés et à
échelle nationale et à échelle m ondiale / Circulation de messages entre
ord in ateurs en langage de m achines / A u gm en tation im po rtante des
m oyens de téléco m m unication grâce à l’usage de la radio millimé
trique, des rayons laser et des satellites de télécom m unication.
Possibilités qui T é léph on e, télévision / Livres que l’on d e m a n d e en com p o sa n t un
en décou lent n um éro sur un cadran, m étéorologie mondiale grâce aux satellites.
Effets sur Stockage de l’inform ation à domicile / G o u v e rn e m e n t p ar o rd in a te u r /
l’individu Liaison par télévision au lieu de voyages d ’affaires.
Effets sur Utilisation massive des ordinateurs / A ug m en tation de la radiodiffusion
la société l o c a l e / P lu sde bibliothèques, p lu s d e jo u rn a u x , plu sd e papiers d ’affaires.
A spects R eportages instantanés en p ro ve n a nc e du m on de entier / T ra d u c tio n
globaux au tom atique.
P h o to H u b e rt G ro o le e la e s
Le chimpanzé descend-il de l'homme?
Bernard H euvelm ans, docteur ès sciences zoologiques
On trouve dans les bois une espèce de Satyre que les Nègres appellent
Q u o ia s - M o r r o u et les Portugais Salvage. Ils ont la tête grosse, le
corps gros et pesant, les bras nerveux, ils n ’ont point de queue et
marchent tantôt tout droits et tantôt à quatre pieds... Ils sont issus
des hommes, à ce que disent les Nègres, mais ils sont devenus ainsi
demi-bêtes en se tenant toujours dans les forêts.
O L F E R T DAP PE R, D escription de l’A frique (1668).
Un clown ou un martyr?
Une caricature ou un exemple à suivre?
En quoi d iffé ro n s -n o u s
du chim panzé?
Q u e l q u e soit le lien de p a r e n t é qui no us r a t ta c h e
aux c h im p a n z é s, il n o u s faut bien l’assu m er, ce
qui ne va pas to u jo u rs sans heurts.
D a n s les ja r d in s z oo log iqu es, ils s o n t d e v e n u s un
o b je t de curiosité un peu m o rb id e , c a r ils nous
ra p p e lle n t de m a n iè re insistante nos origines
an im ales. Bien des gens p r e n n e n t le parti d ’en
rire. D a n s les cirques, sur les c a rte s postales
h u m o ristiq u e s ou au c in é m a , on s’efforce e n c o re
d ’a c c e n t u e r la resse m b lan ce existante en habillant
les c h im p a n z é s et en les d re s s a n t à im iter les
g estes h u m ain s, ce q u ’ils font d ’ailleurs avec le
plus g ra n d n aturel. M ais les rires q u e c ela
d é c le n c h e son t s o u v en t tr o p n erv e u x p o u r ne pas
d issim uler u n e g ê n e p ro fo n d e .
Q u ’est-ce enfin, se d e m a n d e - t- o n , qu i no us dis
ting ue r a d i c a le m e n t d ’eux?
11 n ’est pas aisé d e l’établir. C e n ’est c e r t a i n e m e n t
pas l’in telligen ce ni la raison. S ou m is à d es tests
co m p le x e s p a r d e n o m b r e u x spécialistes, tels q u e
K ôhler, Y erkes, N. K ohts, G u illau m e et M e yerso n,
Nissen, etc., les ch im p an zés s’en sont tirés sou ven t
b rilla m m e n t en té m o ig n a n t d ’u n e facu lté d e ra i
so n n e m e n t ind iscutable. P arfois m ê m e ils o n t
d é c o u v e r t d es so lution s a u x q u elle s l’e x p é r i m e n
ta t e u r lu i-m êm e n ’av ait pas songé... Et q u a n d le
p sy ch o lo g u e a m é r ic a in K ellog a élevé e n se m b le
à titre de c o m p a r a is o n , un c h im p a n z é d ’env iro n
un an et son p r o p r e fils D o n a ld , à p eu p rès du G ra v u re d u 18' siècle.
m ê m e âge, il a dû re c o n n a î tr e q u e , j u s q u ’à un an
et de m i au moins, l’intelligence du c h im p a n z é Qu’est-ce enfin, se demande-t-on, qui nous
é ta it s u p é r ie u re à celle d e l’e n fa n t p o u r se laisser distingue radicalement d ’eux?
ra t t r a p e r e n su ite , puis d istan cer. Et D ie u sait
p o u r t a n t si, d a n s le choix d es tests, K ellog avait
L'homme tient
des sagaies
de chasse.
Il porte
sur le ventre
un instrument
de musique.
La femme
tient à la main
une double cymbale
de paille tressée,
dont le fond
est un morceau
de calebasse
sur lequelfrappent
de petits cailloux
quand on secoue
les cy mbales.
d’essence supérieure à celle des vivants; ils les ancêtres invisibles pour que ceux-ci fassent
dépendent des vivants qui leur offrent réguliè connaître la vérité, ou d’amener ces ancêtres à
rement la nourriture. Et puis, ils mènent dans œuvrer pour aider leurs descendants, par exemple
l’invisible la même « vie » que les vivants. Ils en faisant tomber la pluie ou en favorisant la
subissent, par conséquent, les m êm es lois. fécondité.
Le visible et l’invisible appartiennent, l’un comme
l’autre, à ce que nous appelons, nous, le monde La présence invisible des ancêtres
matériel ou sensible. L’invisible n’est pas plus sur
naturel que ne l’est le vent. Mais que sont les ancêtres? Il s’agit de tous les
ascendants défunts d’une même lignée. Ils de
L'homme le plus vieux du monde? meurent présents dans les lieux qui leur étaient
habituels et y mènent une vie parallèle. Le culte
Certaines pratiques nous semblent absurdes. qu’on leur rend est un culte familial. Quand une
Elles sont, pour les Kirdis, parfaitement logiques. lignée est éteinte, les ancêtres disparaissent en
Ainsi, pourquoi persister à servir de la nourriture même temps. Ils ne représentent rien pour les
aux morts alors qu’il est manifeste que celle-ci autres familles. On place, dans un grenier, des
n’est jamais consom m ée? Les Kirdis répondent: pierres, rondes pour les femmes, pointues pour
les morts étant invisibles Se nourrissent de la les hommes, qui sont censées contenir l’être invi
substance invisible des aliments. sible des parents défunts. Ce grenier est soigneu
Ainsi le visible et l’invisible se confondent en sement entretenu. Chaque jour, les meilleures
une seule et même présence et l’ordre des choses graines de mil sont déposées à l’entrée. Pourtant,
est, en définitive, un ordre des présences. Il n’y lorsque la lignée se termine, les pierres tant res
a pas d’autre problème que de maintenir cet p ectées sont aussitôt jetées aux immondices. Cela
ordre qui est magique en soi. Tout changement prouve que, sur le plan métaphysique, il n’y a pas
dans ce qui est habituel ou considéré com m e tel de différence entre les vivants et les morts mais
relève de ce que nous traduisons par sorcellerie aussi que les morts ne continuent à exister que
et qui est, plus exactem ent, de la contre-magie par leurs descendants. Cela est dans l’ordre des
et du désordre. choses, com m e il est dans l’ordre des choses
Le magicien ou guérisseur ne se borne pas à une que les fils obéissent à leur père.
simple magie puisque l’ordre des choses est lui- Cependant, au-delà des ancêtres familiaux, il
même magique; il renverse le désordre en pra existe un ancêtre commun à chaque peuplade.
tiquant ce que nous pourrions appeler des Cet ancêtre-fondateur fait l’objet d’un culte
transferts. Par exem ple, le guérisseur prend la particulier. On l’appelle le Père et parfois on lui
maladie d’un patient, la maladie en tant adresse des prières, on l’implore comme une divi
qu’essence, et il la transfère à un objet ou à nité. D e telles pratiques ont laissé supposer que
un animal quelconque où elle devient une autre les Kirdis croyaient en un D ieu unique. C’est à
existence. C’est une technique magique de liqui mon avis, une erreur. Leurs croyances sont pan
dation des effets du désordre dont le but est tout théistes. D ’autre part, ils n’ont aucune notion
simplement de rétablir l’ordre des choses. d’un principe d’éternité. Au reste, malgré le
Il est relativement aisé pour le Kirdi de définir caractère légendaire de l’ancêtre-fondateur, on
un ordre des choses visibles. Il n ’en va pas aussi n’imagine jamais que celui-ci ait pu créer son
facilem ent des choses invisibles. clan autrement qu’en fécondant ses épouses.
Heureusem ent, la croyance veut que l’invisible Le Kirdi est enraciné à sa terre. Si totalement
se manifeste par des signes qu’il faut donc enraciné qu’il ne s’éloigne jamais sans angoisse
connaître et surtout interpréter. Il existe pour de son périmètre habituel. Certains vieux Kirdis
cela des initiés supérieurs. Ces initiés supérieurs ne connaissent même pas l’aire entière de leur
se prétendent capables d’entrer en contact avec propre village. Les plus hardis ne s’aventurent
Triple cache-sexe.
Le premier, en cuir,
très serré,
pour protéger
des génies errants.
Ensuite,
cotte de mailles
pour augmenter
la protection.
Et enfin
plaque de fer,
magique,
pour favoriser
la fécondité.
Quel pouvoir ont-ils conservé au cours des âges? que l’on arrive même à la confondre avec le Dieu
Personne ne peut répondre, mais le miracle de dont parle le marabout.
la pluie semble exister sans qu’on puisse Si la terrible variole atteint le village, il faut la
l’expliquer. chasser au plus vite avec l’aide d’un magicien
Le magicien, entouré de villageois, s’installe en réputé qui peut la transférer à distance sur un
un lieu qui est censé représenter le sexe fem elle rat, à force d’incantations et de gestes symbo
de la terre tandis que l’on découvre toujours, liques. Les villageois, de leur côté, allument de
dans le lointain, les hauteurs qui symbolisent grands feux, lancent des brandons enflammés
les mamelles. dans la direction de l’ouest, poussent de grands
Le maître s’accroupit à même le sol et dispose cris et font du vacarme. Un rat s’enfuyant au
devant lui, figurant un dem i-cercle, douze pierres loin sera le signe confirmant le départ de la
rondes et blanches, de dimensions différentes maladie.
dont il est séparé par six pierres noires ayant
la taille et la forme de grosses noix; à ses pieds La fem me se protège des fantômes
repose une pierre plate sur laquelle il tranchera
la tête d’un poulet dont le sang aspergera ensuite Il faut aussi lutter contre les sorcelleries de toute
les pierres blanches en même tem ps que des sorte; les plus redoutables sont provoquées par
incantations seront prononcées. des êtres singuliers que l’on voit en rêve et qui
rôdent, invisibles. Ces êtres, que nous appelons
Le M aître de la Pluie est souverain génies ou esprits, sont, en réalité, les fantômes
errants de sorciers morts sans sépulture. Ces
Alors com m ence un jeu compliqué qui peut fantômes malfaisants troubleraient l’ordre des
durer des heures, pendant lesquelles le Maître de choses avec d’autant plus de facilité qu’ils sont
la Pluie déplace constamment ses boules jusqu’à invisibles, mais il est facile de s’en protéger
ce que le vent se lève. Le magicien se tourne moyennant quelques gestes destinés à contrarier
aussitôt vers l’endroit d’où vient le vent et jette leurs entreprises.
sur le sexe de la terre une poudre mystérieuse, Une sorcellerie redoutable étant l’enfantem ent
tout en renouvelant ses incantations. de monstres par des femmes, celles-ci doivent
On voit alors apparaître dans le lointain une protéger leurs orifices naturels, surtout la nuit,
grande trombe de forme phallique qui se rap car ces fantômes pénètrent dans leur corps si les
proche peu à peu: une pluie diluvienne s’abat ouvertures n’en sont pas gardées. Aussi, des for
sur le village tandis qu’imperturbable le Maître teresses symboliques sont-elles chargées d’assurer
de la Pluie range ses instruments magiques dans la protection nécessaire: les oreilles sont garnies
une outre en peau de bouc. d’anneaux et de disques magiques détournant les
C ette histoire est accueillie avec des sentiment paroles qui véhiculent ces fantômes... Le nez
mitigés par ceux qui ont eu, com m e moi, le privi porte des disques ou des petits balais qui filtrent
lège d’assister à une telle scène; chacun conclura le vent maudit. La bouche est entourée d’édifices
donc selon son propre état d’esprit. Il convient qui en défendent solidement l’entrée: disques,
d’ailleurs d’ajouter que le magicien échoue parfois plateaux, labrets, clous de toutes sortes qui enlai
dans son entreprise, ce qui ne va pas sans lui dissent parfois tellem ent les femmes que les mili
attirer quelque mésaventure. taires français ont cru, pendant longtemps, que
Il y a bien d’autres occasions que la sécheresse ces déformations avaient pour but de dégoûter
pour faire appel aux magiciens; par exem ple, la les chasseurs d’esclaves.
présence de la variole entraîne elle aussi, de Quant au sexe, il est fermé aux esprits malins
curieuses interventions: grâce à des garnitures extraordinaires impro
Cette maladie est tellem ent « personnifiée » qu’on prement appelées cache-sexe; il est souvent
lui prête une « toute puissance » particulière et bouché avec des morceaux de bois ou des
Peut-être
l'un des lieux
de la terre
les plus
anciennement
habités...
Planète découvre
un dessinateur
allemand:
Hans Georg Rauch
27 ans m
Les Etats-Généraux du
CŒUR
L e 19 m a rs 1966, a u c o u r s d ’u n e A s s e m b lé e g r a n d s n o m s d e la c a r d io lo g ie f r a n ç a is e
g é n é r a le e x tr a o r d in a ir e , la p r e m iè r e p ie r r e s o n t à so n o rig in e , é v é n e m e n t e n fin p a r c e
d e la F o n d a tio n n a tio n a le d e C a r d io lo g ie q u e L o u is M e rlin , c r é a te u r e t e x -d ire c te u r
é ta it p o s é e . L e 6 d é c e m b r e p r o c h a in , d ’E u r o p e N° I a d é c id é d e s’y c o n s a c r e r
s a lle I é n a à P a r is , se d é r o u l e r o n t le s É ta ts p a r les s e u ls b ia is c o n ju g u é s d e la g é n é
G é n é r a u x d u C œ u r . E n tr e c e s d e u x d a te s , ro s ité , d e l’e n th o u s ia s m e e t d e l’a c tio n ,
n e u f m o is d ’u n im m e n s e tr a v a il d e r e c r u e n v e r tu d ’u n e h is to ir e d ’a m o u r q u e n o u s
te m e n t, d e r e c e n s e m e n t e t d ’o r g a n is a tio n , v o u s p r é s e n to n s en m ê m e te m p s q u e le
d e s tin é à fa ire le p o in t s u r l’é ta t c a r d io d o s s ie r d u c œ u r te l q u e n o u s o n t a id é à le
v a s c u la ire d e la F r a n c e , n e u f m o is d e g e s r é a lis e r M M . les p r o f e s s e u r s B in e t, B o u -
ta tio n a c tiv e a b o u tis s a n t à u n fa n ta s tiq u e v ra in , D u b o s t, d e G a u d a r t d ’A lla in e s ,
cri d ’a la r m e d e v a n t l’a m p le u r c ro is s a n te L e n è g r e , M illie z e t S o u lié , p r o f e s s e u r s à
d ’u n v é r ita b le flé a u s o c ia l e t, n o u s l’e s p é la f a c u lté d e m é d e c in e d e P a ris , M . le p r o
ro n s , à u n e r é v o lu tio n d e v a n t le p e u d e fe s s e u r F r o m e n t, p r o f e s s e u r à la fa c u lté
m o y e n s d o n t o n d is p o s e p o u r y f a ire fa c e . d e m é d e c in e d e L y o n e t M . R o b e r t d e
Il s’a g it b e l e t b ie n d ’u n « é v é n e m e n t» . V e rn e jo u l, p r o f e s s e u r à la f a c u lté d e
É v é n e m e n t d a n s la m e s u r e o ù c h a c u n d e m é d e c in e d e M a rs e ille , p r é s id e n t d u
n o u s s e r a c o n c e r n é e t a p p e lé t ô t o u ta r d à C o n s e il N a tio n a l d e l’o r d r e d e s m é d e c in s .
p a r tic ip e r , é v é n e m e n t p a r c e q u e le s p lu s
TR ON C ARTERIEL SUPÉRIEUR ^
CROSSE DE L'AORTE
VEINE CAVE SUPERIEURE
D essin de B re t K o ch .
Le dossier du cœur
Comment il fonctionne. Les menaces qui pèsent sur lui.
Les moyens dont on dispose pour le réparer.
L'avenir de la médecine et de la chirurgie cardiaques.
Un bilan scientifique présenté par Camille Delio
Le dossier du cœur
sistent les dernières traces d’activité au moment cas de la maladie d’Adam s-Stockes encore
de l’agonie. appelée «pouls lent permanent» en raison de la
A l’état normal, cette activité est donc synchro fréquence des battements, qui peut tomber de
nisée, domestiquée et exprimée en une contrac de 70 à 30, quelquefois à 20 ou moins encore; et
tion unique qui, bien que progressive dans le entraîne d’imprévisibles syncopes et crises convul
temps, atteint d’em blée la totalité des fibres sives par défaut d’irrigation cérébrale. Ici la trans
cardiaques. L’incident le plus anodin pouvant mission de l’influx électrique par suite d’une alté
survenir dans le cœur se situe précisément au ration des « fils » conducteurs ne s’effectue pas
niveau de cette progression dans le temps. Sous entre oreillettes et ventricules qui sont alors privés
l’effet d’une excitation anormale et anticipée, pro de leur entraîneur normal. Enfin cet entraîneur
voquée par la présence dans le sang d’un élém ent peut lui-même être dominé par l’un des relais dont
chimique inhabituel, l’impulsion de départ sur il coordonne l’activité. Il peut même s’emballer
vient prématurément, au point que parfois elle soudainement, portant à plus de 300 le nombre de
arrive à des ventricules qui se trouvent en période ses ordres par minute, incitant alors les oreillettes
de repos et ne peuvent répondre avant l’impulsion à battre sans trêve ni repos à une vitesse extra
suivante. Le temps entre deux battements est ordinaire, d’où le nom de « flutter auriculaire »
donc allongé. On dit que le cœur a des « ratés». donné à l’affection.
Fréquents chez les grands fumeurs, ces «ratés»
sont plus désagréables que dangereux. En fait le
trouble le plus grave ne dépend pas seulement de L'infarctus est une dégénérescence
la quantité des battements, mais aussi de leur à la suite d'un défaut d'irrigation
qualité. Il peut arriver que par défaut de synchro
nisation certaines fibrilles se contractent indépen Court-circuit, anarchie des réseaux ou embal
damment de l’ensemble. Battant chacune pour lem ent des centres automatiques, ces différents
leur propre com pte, elles dispersent l’énergie accidents conduisent toujours à un dérèglement
électrique du cœur qui se met alors à «fibriller», du rythme cardiaque : rythme « en plus » ou tachy
semble parcouru de frissons et peut s’arrêter en cardie quand une cavité du cœur se met à fonc
quelques minutes si rien d’immédiat n’est entrepris. tionner trop vite, rythme «en moins» ou brady-
En fait, il en est d’un tel système comme de tout cardie lorsque, la commande étant coupée, les
système électrique: il suffit d’un rien pour que la ventricules repartent automatiquement trop len
lumière s’éteigne, pour que le courant soit rétabli. tement. Dans le premier cas, le cœur se fatigue,
entraînant à plus ou moins brève échéance l’effon
drement du débit sanguin. Dans le second cas,
La qualité des battements du cœur l’organisme est à la merci d’un arrêt momentané
est plus importante que leur quantité de la circulation. En réalité, insuffisances et arrêts
cardiaques ne sont pas les seuls faits d’une panne
Pourtant si l’on sait rétablir le courant car dans le circuit électrique du cœur. Une mauvaise
diaque, l’origine des court-circuits qui peuvent se arrivée d’essence, c’est-à-dire d’oxygène qui est
produire en différents points du réseau est le plus le combustible numéro 1 du cœur, peut être à son
souvent strictement inconnue. Elle est attribuée tour lourde de conséquences. Contrairement à ce
généralem ent à une dégénérescence liée à l’âge que l’on pourrait croire, l’oxygène nécessaire à
sans que l’on puisse en expliquer le processus la vie du cœur com m e de tout organe ne lui est
naturel. Ces courts-circuits ont pour effet de pas fourni directem ent par le sang qu’il brasse.
libérer les relais sous-jacents, dont l’automatisme, Ce brassage est trop rapide pour que l’oxygène
habituellement masqué par l’influx directeur, se ait le temps de diffuser dans les tissus. Aussi la
révèle beaucoup plus lent et ne suffit plus à nutrition du cœur se fait-elle par l’extérieur,
assurer un rythme suffisant au cœur. Tel est le grâce à deux fins conduits qui l’enserrent dans
Le dossier du cœur
une bille de m atière plastiq u e e m p r is o n n é e d a n s voie, les déchets cellulaires: le gaz car
une p etite ca ge m étalliq u e. C e tt e bille est a n im é e
d ’un m o u v e m e n t d e v a -e t-v ie n t lors du passage bonique, l’urée et l’acide urique, sont
du sang et re p r o d u it en to u s po ints le f o n c tio n déversés dans le sang. C ette rapide
n e m e n t d ’u n e valve natu relle . Si le n o m b r e des opération s’effectue dans un espace
c œ u r s p o rte u rs de telles p ro th è se s s’élève à
18 000 d a n s le m o n d e , il est é g a le m e n t possible dont l’exiguïté ne laisse pas de sur
de g re ffer d es valves h u m a in e s ou anim ales. prendre: la distance qui sépare un
M ie ux e n c o re , il est possible d e les « tailler» d a n s capillaire de sa plus proche cellule ne
un m o r c e a u de tissu q u e lc o n q u e (veine ou a rtè re )
et d ’en f a ç o n n e r les feuillets au p ré alab le. T o u te s dépassejamais l’épaisseur d ’un cheveu.
ces te c h n i q u e s s p e c ta c u la ire s sont a c tu e lle m e n t En cédant l’oxygène et en se ch ar
les plus c o u r a m m e n t utilisées. geant de déchets, le sang change de
couleur: de rouge clair il devient
Dem ain greffe com plète d'un cœur rouge foncé. Il s’engage m aintenant
ou organe entièrem ent électronique? sur le chemin de retour vers le cœ ur;
En réalité, le c œ u r é t a n t l’o rg a n e d o n t le fo n c des capillaires il suinte dans les vei
ti o n n e m e n t est sans d o u te le plus simple du co rp s nules, c’est-à-dire de petites veines.
h u m ain , il n’y a rien d ’é t o n n a n t à ce q u e ses Les veinules convergent pour form er
r é p a r a tio n s ou le c h a n g e m e n t d e ses p iè c e s soit
r e l a ti v e m e n t facile. P o u r t a n t le r e m p l a c e r en des veines plus grandes, qui abou
tota lité c o m m e on r e m p la c e le m o t e u r d ’un e tissent aux deux veines principales, les
vo itu re a p p a r t ie n t e n c o r e au d o m a in e de la veines caves, situées respectivem ent
science-fiction.
En fait la s olution du p ro b l è m e réside m o ins d a n s juste au-dessus et au-dessous du
u n e te c h n i q u e ch iru rg ic ale p a rtic u liè re q ue d ans cœ ur. Le sang se déverse dans l’oreil
la c o n n a is s a n c e plus p o ussée de nos r é a c tio n s
lette droite, puis descend dans le ven
allergiques, d ’une p art, et d ans une science é le c tro
nique plus po u ssé e, d ’a u tr e p art. A u t r e m e n t dit, tricule droit, pour en sortir par une
il est im possible de p ré v o ir à l’h e u re a c tu e lle grande artère, l’artère pulmonaire,
qui g a g n e ra , d e la g reffe c o m p l è te du c œ u r ou qui le conduit aux poumons. Les p o u
du c œ u r m é c a n iq u e artificiel. D a n s les d eu x cas
les difficultés son t d ’égale g r a n d e u r : difficultés mons fournissent au sang de l’oxygène
d ’o rd r e é n e rg é t iq u e d a n s le cas d ’un a p p a re il frais et l’envoient, revigoré et éca r
m é c a n iq u e en m ê m e te m p s q u ’un p r o b l è m e de late, à l’oreillette gauche, d ’où il
to lé ra n c e du sang susce ptib le d e c o a g u le r très
vite au c o n t a c t d e p aro is sy n th é tiq u e s; difficultés repart pour un nouveau to ur du
d ’o rd re im m u n o lo g iq u e d a n s le cas du tr a n s p la n t corps. Ce trajet compliqué et to r
d ’un c œ u r vivant. On sait q u e l’o rg an ism e, en tueux, entre les deux entrées dans
v e rtu d ’un m é c a n is m e d e d éfen se a u to m a ti q u e ,
s’o p p o se a v e u g lé m e n t à to u t e intrusion de c o n sti l’oreillette gauche, s’effectue en un
t u a n ts biolo giq ues é tr a n g e rs , et re je tte to u t e tem ps incroyablem ent bref: 20 se
greffe p r a t iq u é e à l’aide d ’un tissu ne lui a p p a r condes.
t e n a n t p a s 5. A c tu e ll e m e n t on essaye de c r é e r u n e A lire: « L e c o rp s » d an s la c o lle c tio n « L e m o n d e d e s s c ie n c e s ,
5. S a u f si ce tissu a p p a rtie n t à son v rai ju m e a u . L ife, é d ite u r.
Sur l'enfant, race différente, sur Unthahorsten ne se trouvait pas sur terre
l'enfance, état différent, il n'est
sans doute pas de texte littéraire Il est inutile d e te n t e r u n e d escrip tio n d ’U n t h a h o r s te n ou de son
plus beau et plus profond que la e n v ir o n n e m e n t , p a r c e q u e d ’u n e p a rt un b o n n o m b r e d e millions
nouvelle de Lewis Padgett que d ’a n n é e s s’é ta i e n t é c o u lé e s d epu is 1956 et q u e, d ’a u tr e part, te c h n i
nous publions ci-contre. Cette q u e m e n t p a rla n t, U n th a h o r s te n ne se tro u v a it pas sur T e r r e . Il
nouvelle a pratiquement marqué o c c u p a i t l’é q u iv a le n t de la statio n d e b o u t d a n s l’é q u iv a l e n t d ’un
l'introduction en France de la la b o ra to ire . Il se p r é p a r a it à essayer sa c h ro n o m a c h in e .
science-fiction. Elle a paru en L’a y a n t mise en m a r c h e , U n t h a h o r s te n se ren dit c o m p t e , so ud ain ,
1952 dans « Les temps mo qu e la B oîte é ta it vide. C e qui n ’allait pas du to u t. L ’engin n é c e s
dernes», en même temps que sitait un té m o in , un solide tr id im e n sio n n e l su sceptib le de réag ir aux
d'autres textes de la littérature c o n d itio n s d ’un a u tr e âge. S ans q u o i U n t h a h o r s te n se tr o u v e ra it
fantastique étaient publiés dans in c a p a b le de dire, au r e t o u r d e la m a c h in e , où et à q uelle é p o q u e
de nombreux journaux et ma elle s’éta it tra n s p o rté e . T a n d is q u ’un solide placé d a n s la B oîte se
gazines. Cette offensive était t r o u v e ra it a u t o m a t i q u e m e n t affec té p a r l’e n tr o p ie et les b o m b a r
menée par le « Club des savan- d e m e n t s d e p a rtic u le s co sm iq u e s d e l’a u tr e ère, et U n th a h o r s te n
turiers», dont faisaient partie p o u rr a it m e s u r e r les m o dificatio n s q u a litativ es et q u a n tita tiv e s
des écrivains comme Raymond subies dès le r e t o u r d e la m a c h in e . Les C a lc u la te u rs s e raien t alors en
Queneau et Boris Vian. m e s u re de se m e ttr e au travail et de faire savoir à U n th a h o r s te n que
Nous avons malheureusement la B oîte s’éta it re n d u e un b r e f laps d e te m p s en l’an l 000 000,
dû couper la nouvelle, fort longue, 1 000, 1 ou to u t a u tre , é v e n tu e lle m e n t.
de Lewis Padgett. Nos lecteurs N o n q u e ce la p û t im p o rte r, sinon à U n th a h o rs te n . M a is à bien des
pourront en découvrir le texte é g a rd s il é tait un p e u infantile.
intégral dans « Les vingt meil G u è r e de te m p s à p e rd re . L a B oîte c o m m e n ç a it à luire et à fris
leurs récits de science-fiction » so n n e r. U n t h a h o r s te n j e t a a u t o u r de lui un re g a rd é g a ré , se ru a dan s
(Bibliothèque Marabout). le glossatch voisin et farfouilla d a n s un casier. Il en e x tirp a un lot
Scott Paradine,
un jour qu'il faisait
l’école buissonnière...
La littérature différente 143
de matériel d’aspect particulier. Hum! Quelques- Ayant fini ses réserves de fromage, de chocolat
uns des vieux jouets de son fils Snowen, apportés et de biscuits, ayant épuisé la bouteille de soda
par le gosse à son arrivée de la Terre, une fois jusqu’au verre, Scott attrapa des têtards et les
la technique nécessaire assimilée. Bon, Snowen étudia avec une certaine dose de curiosité scien
n’avait plus besoin de ce fatras. Il était condi tifique. Il ne persévéra point. Quelque chose
tionné, et se passait de ces jouets enfantins. En roula sur la rive et atterrit avec un bruit sourd
outre, bien que la fem m e d’Unthahorsten dans la vase du bord de l’eau, et Scott, après un
conservât ces objets pour des raisons sentim en regard attentif alentour, se dépêcha d’aller voir.
tales, l’expérience était bien plus importante. C’était une boîte. C’était, de fait, la Boîte. Les
Unthahorsten quitta le glossatch et flanqua le bidules adjoints n’avaient guère de sens pour
tout dans la boîte, dont il claqua lé couvercle Scott, qui se demanda cependant pourquoi c’était
juste avant la flambée du signal de départ. La tout fondu et tout brûlé. Il médita. A vec son
Boîte disparut. D ’une façon qui lui fit mal aux couteau de poche, il sonda et éprouva, un bout de
yeux. langue au coin de la bouche. Hum... m... m...
Il attendit. Personne aux environs. D ’où venait donc cette
Et il attendit encore. boîte? Quelqu’un a dû la laisser là, et le terrain
Il finit par abandonner et construisit une seconde meuble vient de la déloger de sa position précaire.
chronomachine, avec un résultat identique. La «C ’est une hélice», décida Scott, tout à fait à
perte de ses vieux jouets n’ayant troublé ni tort. C’était hélicoïdal, mais pas une hélice, vu la
Snowen ni sa mère, Unthahorsten nettoya le torsion dimensionnelle que cela présentait. La
casier et entassa le reste des reliques de l’enfance chose eût-elle été le plus compliqué des modèles
de son fils dans la Boîte de la seconde machine. réduits d’avion, elle aurait présenté peu de
Selon ses calculs, cette dernière aurait dû appa mystères pour Scott. Telle quelle, elle posait un
raître sur Terre dans la dernière part du xixe siècle problème. Quelque chose disait à Scott que
après J.-C. Si cela se produisit réellem ent, l’objet l’engin recelait beaucoup plus de com plications
resta là-bas. que le moteur à ressort habilement démantelé
D égoûté, Unthahorsten décida de ne plus cons vendredi.dernier.
truire de chronomachines. Mais le mal avait été Mais jamais garçon au monde n’a laissé une boîte
fait. Il en existait deux —et la première... sans l’ouvrir, à moins qu’on ne l’y force. Scott
La première fut découverte par Scott Paradine s’efforça de plus belle. Les angles de ce machin
un jour qu’il faisait l’école buissonnière, fuyant étaient bizarres. Un court-circuit, sans doute.
sa classe de Glendale. Ce jour-là avait lieu la C’était pour ça que — ouille! Le couteau glissa.
composition de géographie et Scott ne voyait Scott suça son pouce et émit quelques blasphèmes
aucun intérêt à retenir des noms d’endroits — ce de professionnel.
qui en 1956 constituait une fort estimable théorie. Peut-être une boîte à musique?
En outre, c’était ce genre de tiède journée de
printemps où la brise traîne une touche de Scott n’aurait pas dû se sentir déprimé. L’engin
fraîcheur bien propre à inciter un garçon à avait de quoi donner la migraine à Einstein et
s’étendre dans un pré pour regarder passer les rendre Steinmetz com plètem ent dingo. Ce qui
nuages avant de s’endormir. Zut pour la géo! n’allait pas, c’est, naturellement, que la boîte
Scott fit la sieste. n’avait pas encore com plètem ent pris sa place
Vers midi, il eut faim, aussi ses jambes grassouil dans le continuum spatiotemporel où existait
lettes le m enèrent-elles jusqu’à une boutique Scott, et, par suite, ne pouvait être ouverte. En
voisine. Là, il investit son modeste patrimoine tout cas pas avant que Scott ait martelé au moyen
avec un soin parcimonieux et un mépris sublime d’un caillou com m ode cette non-hélice hélicoï
pour ses sucs gastriques. Il descendit jusqu’au dale pour lui faire prendre une position plus
ruisseau pour se restaurer. convenable.
i
SI C ’E ST V R A IM E N T L ’A M O U R , J U S Q U ’O U S’É T E N D -IL , D IT E S ? (A N T O IN E E T C L Ê O P À T R E )
J ’A I C H E R C H E J U S Q U ’IC I C O M M E N T JE P O U R R A IS C O M P A R E R LA P R IS O N O U J E VIS A V E C LE M ONDE. (R IC H A R D II)
L’amour des corps
et l'amour de quelqu'un
Jean-Louis Barrault
LA VIE ET LES I D É E S
R éd action
T ous les deux mois, le Journal
de Planète fait le bilan de la vie
Les savants refusent
culturelle et scientifique. N ous
avons réuni une équipe de spé de devenir des espions
cialistes qui sont constam m ent
inform és de ce qui se passe U n e c o m m u n a u t é scientifique in te rn a tio n a le , d é p a s s a n t les fr o n
dans leur dom aine respectif. tières n atio n ales et les divisions politiques, peu à peu se d é v e
lo pp e et se ramifie. Il s’agit, si l’on veut, d ’u n e S o c ié té S e c rè te
LA VIE C U L T U R E L L E : In te rn a tio n a le des sa va n ts.
Philosophie : A ndré A m ar, pro
Aim é M ichel a levé le voile sur une dém arch es a u p rès des savants
fesseur à l’in stitu t d ’É tudes des branches de c ette in te rn a britanniques, et en particu lier
politiques de Paris; tionale scientifique: celle qui s’oc auprès de ceux d ’en tre eux qui
Religion: Jean C hevalier, d o c cupe des objets volants non iden sont appelés à voyager, po u r
teu r en théologie;
tifié s 1. U ne au tre s’occupe de o b ten ir des renseignem ents clan
Littérature: A ndré Brissaud. parapsychologie. Une au tre s’in destins. Il ne faut pas confondre
Histoire: G uy B reton; téresse à la paix par la détection le rom an d ’espionnage avec la
H um our: Jacques Sternberg, des explosions nucléaires cachées, sordide réalité. Si l’on ne réagit
Alex G rall. etc. pas, nous arriverons très vite à une
situation où les candidats au d o c
LA VIE S C IE N T IF IQ U E : L'affaire de l'université to ra t ès sciences d evront p ré sen te r
Sciences physiques: Jacques de Michigan une thèse secrète à côté de leur
Bergier, François D errey; Ces d ern iers tem ps, les services thèse officielle et où l’on fouillera
Sciences naturelles: Aimé M ichel, secrets in ternationaux ont essayé les professeurs étrangers, dans la
Louis K ervran, M ichel G au- de s’infiltrer dans la société secrète loge de la concierge, lo rsq u ’ils
quelin, C laude G iraudy; scientifique et de l’utiliser. Les visiteront une de nos universités. »
Sciences humaines: Jacq u es savants ont très vivem ent réagi. La seconde réaction vint du m aga
M é n é trie r, C lau d e F eu illet, C itons deux é tap es de cette zine catholique de gauche a m é
Jean-P aul C lébert. réaction, parm i d ’autres. La très ricain R e m p a rts en avril 1966.
influente et très sérieuse revue C ette revue paraît à San F rancisco
anglaise N e w S c ie n tist a publié, (R am parts M agazine, 301 Broadway,
LA VIE A R T IS T IQ U E ;
dans son num éro du 21 avril 1966, San F rancisco, C alifornie).
Peinture: Pierre R estany;
un violent éditorial déclaran t en C ’est une publication catholique de
Architecture : M ichel Ragon;
p a rticu lier: « On a fait des gauche sans plus, nullem ent com
Musique: C laude Rostand,*
m uniste. L’article explosif d ’avril
Cinéma: F rançois Chalais; I . Voir son livre « A p ropos des so u co u p es vo 66 affirm ait ni plus ni m oins que
Théâtre: Roger lglésis. lantes » (collection P résence Planète) et dans ce
n um éro, page 187, son a rticle : « En A m érique, « l’université de M ichigan (une u n i
1 m illion de d ollars p o u r l’é tu d e des M .O .C . ». versité d’É tat, qui plus est) a servi
1 79
La vie et les idées
et sert depuis 1955 de « c o u v e r tro u b les politiques et sociaux dans en tre eux, au-delà e t en d é p it des
tu re » , com m e l’on dit en espion plusieurs pays d ’A m érique latine, divergences idéologiques, et ils se
nage, de m asque p o u r une organi dont l’A rgentine, le C hili, la refusent à être utilisés par les se r
sation d ’espionnage travaillant sur C olom bie, le Pérou et le V ene vices de renseignem ents.
le V iêt-N am ». Cinq agents avaient zuela. Ce n’est q u ’à la suite d ’une Ceux-ci ch erc h en t évidem m ent à
été engagés dans l’université com m e vigoureuse p ro testatio n du Chili a cc ro ître leur pression. Le m anque
chargés de cours. L eurs nom s sont que le Pentagone fut prié de m ettre de crédits scientifiques qui existe
cités dans l’article: R aym ond fin à ces recherches « universitaires » dans le m onde e n tie r facilite évi
B abineau — D ouglas Beed et de soum ettre d orénavant ses d em m ent leur tâche.
W illiam Jones - D aniel Sm ith et p ro jets à l’appro b atio n du d é p ar Ils sont p a r c o n tre handicapés par
A rth u r Stein. L’université a reçu tem e n t d’É tat. A u m ois de février leur ignorance de la science. Il
25 m illions de dollars en sept ans d ern ier, le Pentagone ten ta it de sem ble q u ’aucun service de ren sei
p our faire, sous la direction de ces récidiver en organisant une enquête gnem ents ne com prenne parm i ses
agents, des étu d e s sur l’action sur le phénom ène séparatiste au agents de véritables hom m es de
psychologique, sur l’e n ca d rem e n t C a n ad a — e n q u ête connue sous le sciences de grande envergure,
des m asses, sur le renseignem ent nom de code de « Projet R évolte». pouvant réellem ent les inform er
scientifique. Mis au co u ran t de l’affaire par le sur ce qui se passe lors des
En mai 1955, des professeurs d ’uni d é p artem e n t d ’É tat, le gouver c o n tacts entre savants.
versité débarquaient à Saigon, pour nem ent d ’O ttaw a s’y est réso Et que se passe-t-il en fait? Il
y rencontrer l’as de la contregué- lum ent opposé. sem ble bien que les savants d ’ores
rilla, le fameux général Landsdale et déjà se m etten t d ’accord dans le
(voir Planète n° 26 sur la guérilla). En Russie et en Chine aussi m onde e n tie r po u r ne pas e ffectu er
T o u te l’action avait été m enée C e tte c onception du travail u niver certain es re ch e rch e s tro p dange
d ’une part p a r le d ic ta te u r du Viet sitaire - qui n’est c ertes pas la reuses p o u r l’hum anité. Tel est le
nam D iem , assassiné depuis, et règle — ne con d u it pas seulem ent cas p a r exem ple des rech erch es sur
d ’au tre p a rt p a r un professeur de certain s ch erch eu rs à un véritable la réaction de C riechfield qui p e r
l’université de M ichigan, W esley «su icid e intellectu el» . Elle je tte m e ttrait si l’on pouvait la pro
Fischel. L’article de R e m p a rts n’a aussi la suspicion sur une com m u duire en chaîne de tran sfo rm er tout
pas pu ê tre d ém en ti. Le p ro nauté en tière, alors q u ’une m ino l’hydrogène des m ers en hydrogène
gram m e s’est poursuivi ju sq u ’en rité seulem ent est a tte in te. Elle lourd et en énergie, et donc de
1962 et p ro b ab lem en t au-delà. facilita, récem m en t, le rejet p a r les m ettre le feu au globe. Tel est le cas
Le M o n d e 2, re n d an t com pte de dirigeants chinois des offres d ’é de certaines drogues, découvertes à
l’affaire, estim e très ju stem e n t que changes universitaires et de savants l’université de Virginie, e t dont
nous ten d o n s à c rée r « une confu faites p a r les É tats-U nis. L eur une seule dose suffit à c rée r une
sion totale en tre diverses fonctions hâtive généralisation — « tous les habitude dont il est im possible de
qui au raien t c ep e n d an t in térêt à universitaires am éricains sont des se débarrasser. Le dossier de l’uni
rester auto n o m es: rech erch e, ana espions en puissance » — venait de versité de Virginie a été d étru it,
lyse, espionnage, aide technique, tro u v er un sem blant de preuve m ais on sait dans quelle direction
contre-espionnage, action politique dans l’affaire de l’université du il faut c h e rc h e r et, d ’un accord
clandestine, param ilitaire ou contre- M ichigan. tac ite , personne ne cherche.
révolutionnaire ». Il est visible que C ’est p a rfaitem en t juste. On doit
c ette confusion était voulue et q u ’il d ’ailleurs ob serv er que les États- En quête d'une liberté
s’agissait de c o m p ro m ettre le plus Unis et l’A n gleterre ne sont pas totale d'expression
de savants possible. L’o p ération de seuls à faire pression sur leurs P ar-delà ces exem ples isolés, la
l’université de M ichigan n’est c e r savants. D es pressions se sont com m unauté scientifique cherche
tainem ent pas la seule. D ans le égalem ent exercées sur des savants à a b o u tir à une liberté totale
m êm e article, le M o n d e écrit fort soviétiques en voyage. C ertains de d ’expression, à la suppression de
ju stem e n t: « L’an dern ier, les ceux-ci ont d ’ailleurs répliqué en to u tes les censures scientifiques, à
déboires du plan « C a m e lo t» ont ne revenant pas dans leur pays. la liberté entière de m ouvem ents.
mis en lum ière les relations é tro ites D es cas de m êm e espèce se sont C e n ’est pas tra h ir un secret que
qui existent en tre le Pentagone et p roduits d ’ailleurs p our différents de dire que le pro fe sse u r Linus
l’A m erican U niversity de W a pays de l’Est. Pauling, deux fois prix N obel (prix
shington. Sous le couvert d ’e n Les milieux scientifiques du m onde N obel de chim ie e t prix N obel de
quêtes sociologiques, ce program m e en tie r sem blent donc réagir sai la paix), et le pro fe sse ur J. D. Bernai
visait à d é te rm in e r les risques de nem ent. Ils en te n d en t réserver leur sont particu lièrem en t actifs dans ce
2. D ans son n u m é ro du 27 avril 1966. liberté, m aintenir les c o n ta cts secteur. Le résultat est q u ’ils ont
180
La vie et les idées
été signalés p a r les services de en plus ses m em bres co n tre les te n patriotism e quand il y en avait
c o n tre -e s p io n n a g e aux polices tations et les pressions qui p o u r besoin: souvenons-nous de Frédéric
com m e é ta n t p a rticu lière m en t dan raient s’ex ercer sur eux. C ar il J o lio t-C u rie a tta q u a n t les chars
gereux et que, lorsque B ernai tran suffirait de quelques brebis galeuses allem ands en 1944 à coups de bou
site à Orly, il arrive q u ’il ne soit pour com prom ettre tout le troupeau teilles d ’essence. M ais le patrio
pas autorisé à m ettre le pied sur et p our d étru ire des échanges qui tism e a certain es lim ites et il y a
le sol français. Il faut alors lui sont p e u t-ê tre le grand espoir de des m om ents où le devoir envers
p arler à l’aéro d ro m e. l’hum anité. l’hum anité devient plus im portant
Ce n ’est pas un secret aussi que C ar, finalem ent, ce n’est que par que les devoirs envers son propre
certain es c o m m unautés scien ti une censure volontaire qu’il sera pays. Il y a là un des grands
fiques in te rn atio n ale s et libres, possible d’e m p êch er les c atastro dilem m es m oraux nouveaux de
com m e A rto rg a p a r exem ple, se phes. Celle de H iro sh im a au rait pu notre époque. A près la Seconde
co n sid èren t com m e l’ébau ch e d ’un ê tre em pêchée si la censure volon G uerre m ondiale, les savants ont
futur g o uvernem ent m ondial. Les tairem ent imposée par les savants été d ’une grande naïveté et se sont
m em bres de ces c om m unautés dès 1938 n’avait pas été rom pue par laissé facilem ent «m anipuler» par
sont reçus p a rto u t, aussi bien en quelques-uns. divers services secrets et notam
C hine q u ’en R ussie, en F ran ce m ent le service secret soviétique.
qu’au G hana. Une société planétaire C ette période est m aintenant te r
De plus, les échanges libres entre m inée. Les savants gard en t leur
Crime contre l'hum anité les scientifiques p e rm e tte n t de indépendance aussi bien vis-à-vis
La ten ta tio n est donc grande d ’u ti lancer sim ultaném ent des recherches des pays vers lesquels leurs sym
liser ces voyages et ces c o n ta cts qui se re co u p en t ensuite. Ce n’est pathies idéologiques et politiques
com m e source de renseignem ents. pas p a r hasard que l’on voit de se p o rten t que vis-à-vis de leur
C e tte ten tatio n p a raît s’être in te n plus en plus de prix N obel p a r propre pays. C ette indépendance,
sifiée depuis que des conférences tagés en tre des A m éricains et des com m e toutes les libertés, ne peut
internationales de savants se tiennent Russes. être acquise que dans le com bat.
avec la m êm e facilité à M oscou Aussi faut-il suivre de près le
que dans les pays occidentaux. Il Les savants sont-ils donc dépourvus conflit en tre la science et les ser
est très te n ta n t p o u r un service de patriotism e? C ertain em en t pas vices d ’espionnage: c ’est un des
de renseignem ents de profiter d ’une et beaucoup de grands savants plus im portants de notre époque.
telle c o n féren ce, c ar évidem m ent a ctuels ou passés ont m ontré leur Jacques Bergier.
aucun douanier ni aucun inspecteur
de co n tre-espionnage ne peut dis
tinguer un docum ent interne d ’une
telle conférence d ’un rapport scien
tifique ultra-confidentiel et d ’un
grand in té rêt m ilitaire. N ous co n
naissons des savants qui ont ram ené
ainsi de C hine et d ’U .R.S.S. des
bandes m agnétiques enregistrées,
sans q u ’on leur pose ia m oindre
q uestion: ces bandes a u raien t pu
c o n ten ir n ’im porte quoi. Il est
évident qu’un savant, traître à sa
science et qui se laisserait aller
à la ten ta tio n , p ourrait ram ener
ainsi le résultat du travail de tout
un réseau. En effet la grande diffi
culté dans les renseignem ents n’est
pas du tout d ’o b ten ir des infor
m ations ou des échantillons, mais
de les faire sortir du pays où ils
ont été o b tenus: c ’est là que l’on
se fait p ren d re. Aussi la com m u
nauté scientifique m et-elle en garde
et m ettra-t-elle en garde de plus
181
La vie et les idées
P H IL O S O P H IE
M achines, publicité, drogues...
l'h o m m e artificiel cède la place à l'h o m m e n a tu rel
N o u s so m m e s en train d e c ré e r , peu à peu, des h o m m e s artificiels. p o u r élever le niveau de l’intel
Il ne s’agit p as d e s ro b o ts ou d e s a u to m a te s , m ais d ’h o m m e s en ligence ».
ch a ir et en os, bien vivants, au sens physio lo giq ue du mot, mais Les deux ch erch eu rs de la Rand
d o n t les fac u ltés p sy ch iq u e s et in tellectu elles p e u v e n t être p r o ont voulu pousser plus loin leur
enquête, ju sq u ’aux confins de l’im
fo n d é m e n t modifiées. L ’usage d es tranqu illisan ts, d e s soporifiques
possible: symbiose hom m e-m achine
ou des e x c ita n ts est d e v e n u c o u r a n t . O n en c o n s o m m e a n n u e l p e rm e tta n t d ’accro ître l’intelli
le m e n t des to n n e s . T o u s les jo u r s on en d é c o u v r e d e n o u v eau x . gence par connexion du cerveau
La d ern ière en d ate des drogues Changer l'hom m e avec un o rd in ateu r; éducation
hallucinogènes est le L.S.D . Je lis On p o u rrait croire que l’usage des fondée sur l’enregistrem ent direct
dans les très sérieux bulletin de do- drogues susceptibles de m odifier la des connaissances par le cerveau.
docum entation Cisep (N° 254, pages personnalité, p our répandu q u ’il Sur ces deux points les réponses
3 et suivantes): «S ignalons que soit, est une m ode, un engouem ent sont, ainsi q u ’on peu t s’y atten d re,
plusieurs m édecins et philosophes... sans avenir. Il n’en est rien. Les plus évasives, les perspectives plus
ont déclaré avoir expérim enté sur étu d es prospectives sur l’hom m e lointaines et très vagues, mais ce
eux-m êm es le L.S.D. et ont reconnu du xxi' siècle tiennent com pte de qui nous im porte ici, c ’est que les
la valeur spirituelle de l’expérience. ce facteu r. Le bulletin Sedeis du questions ont été posées, q u ’on les
10 m ars 1965, faisant é ta t d ’une a acceptées, q u ’on ne les a consi
Le D r H u sto n Sm ith , professeur de enquête conduite p a r deux c h e r dérées ni com m e ridicules, ni
philosophie au M .I.T . (M assachu cheurs de la R an d C o rp o ration comm e imm orales, ni com m e sacri
setts Institute o f T echnology) et auprès d ’experts qualifiés, refève lèges. Les doutes, les hésitations,
spécialiste des religions, considère (pages 14-15 et 16) les prévisions les réticen ces n’ont p orté que sur
que le L.S.D . a été p our lui une suivantes: les m oyens techniques de réaliser
expérience analogue à celle q u ’ont ces desseins, non sur leur légiti
faite les m ystiques religieux. Un — aux environs de 1985, «usage m ité ou leur bien-fondé.
autre philosophe a d éclaré que le étendu et largem ent accepté de D ’ores et déjà nous ad m etto n s que
L.S.D . lui avait m ieux fait com drogues non narcotiques (autres la personnalité psychique et intel
prendre les nuances que les m ots que l’alcool) ayant p o u r but de lectuelle peut être déterm inée,
ne peuvent exprim er. T ous re co n p roduire des changem ents spéci façonnée, agencée, en un mot
naissent que l’effet du L.S.D . et les fiques dans les c aractéristiq u es de fabriquée com m e une chose, par
évocations fantastiques q u ’il e n la p ersonnalité »; des procédés physico-chim iques. Si
gendre sont essentiellem ent fonc — aux environs de l’an 2000, « pos tech n iq u em en t on peut y parvenir,
tion de la natu re et du niveau sibilité, mais non pas forcém ent rien n’interdit de classer d é so r
spirituel de l’individu traité. Ces acc ep ta tio n , d ’un contrôle chi m ais la personne hum aine parm i
déclarations de m édecins et de phi m ique de c ertain es tares h é réd i les p roductions industrielles.
losophes ont été faites, précise le taires, p a r la m odification des
Cisep, au cours d ’une conférence gènes, au m oyen d ’intervention à Un futur qui a déjà commencé
tenue à l’université de B erkeley l’échelle m oléculaire»; N ous p réparons de sang-froid un
(C alifornie) sur le problèm e des — aux environs de 2010, « possibi m onde effroyable et fantastique. A
hallucinogènes. lité d ’utiliser des m édicam ents peine est-il besoin de pousser
182
A savoir
notre im agination en avant, il n’est a u tres q u ’ils n ’é taien t m ais ju ste
que de lui laisser suivre sa pente. m ent ils d e m e u ren t les m êm es.
Les gouvernants, les politiques, les L’angoisse surm ontée, la peur
réform ateurs sociaux dotés d’imm en vaincue, les idées éclaircies, res
ses pouvoirs pour rendre un peuple tero n t à jam ais leur angoisse, leur
heureux m êm e de sa servitude. peur, leur interrogation, non celle
Un eugénism e systém atique, m e d ’un autre. C ’est p arce q u ’il se
suré, co n trô le, dirigé. Une p ro d u c dépasse que l’hom m e s’accom plit,
tivité et une ren tab ilité intellec parce q u ’il sait q u ’il a à répondre
tuelles devenues l’objet d ’un vaste non seulem ent de ses actes, mais
« e n g in e e rin g » p é d a g o g iq u e . aussi de ses passions et de ses
L’hom m e n aturel céd an t la place à pensées. Se sentir responsable,
l’hom m e artificiel. La lignée zoolo c’est se sentir soi, c’est se vouloir
gique prolongée par des êtres qui authentique. Je dis responsable et
sero n t essentiellem ent étrangers à non pas coupable. La responsa
leur passé. bilité est le m om ent suprêm e de la
N ous exagérons? Sans d oute, mais conscience, la culpabilité n’en est
en restan t dans la ligne de ce qui q u ’une étape. La dissociation de la
se fait déjà. R evenons à au jo u r personnalité, c ’est l’abolition de la
d ’hui. Les tranquillisants, les exci responsabilité. Un m onde d ont la
tants sont en trés dans nos habi responsabilité serait exclue n’aurait
tudes. La publicité politique est plus rien d ’hum ain. N ’im porte quoi
devenue un m étier technique tout vaudrait n’im porte quoi. Ainsi serait
au tan t que la publicité com m er réalisé cet é ta t d ’entropie crois
ciale. On sait com m ent fatiguer, sante dont parle N orbert W ie n e r
subjuguer, d o m p te r les intelli dans C y b e rn é tiq u e et socié té .
gences rebelles. Le « lavage des L’hom m e déshum anisé ne serait
cerveaux » est affaire de spécia plus q u ’une chose perdue parm i les
listes. R appelons-nous certains choses.
aveux au cours des procès poli
tiques. Q u ’avait-on dit, q u ’avait-on Ne pas être une chose perdue
D essin e x é c u té p a r u n e A m é ric a in e
fait à ces accusés qui avouaient parmi les choses
docilem ent? so u s l'e ffe t du L .S .D .
C ontre ces éventuelles a tte in tes à
É trangers à soi, voilà le problèm e la personnalité et à la responsa
de l’hom m e artificiel. On m ’a cité savons bien que nous nous livrons bilité, l’hum anité de dem ain saura-
des cas de suicide d o n t aucune au jeu tém éraire des suppositions t-elle réagir? Je crois que oui. T out
cause objective ne pouvait fournir bâties sur des suppositions, des un m ouvem ent de pensée jalonné
l’explication. On a fini par adm ettre suppositions au second degré, en par Freud, par Bergson, par Husserl,
que l’absorption abusive de c e r quelque sorte. Essayons quand pa r H e idegger, p a r Sartre, nous
taines drogues produisait des p h é m êm e, rien que p our voir où nous invite à reg ard er l’hom m e inté
nom ènes de déconnexion de la p e r m ène cette idée folle. On fabri rieur. C hacun le fait à sa façon,
sonnalité . q u era des hom m es étrangers à eux- c ’est vrai, m ais leurs chem ins dis
Im aginons m aintenant q u ’en un m êm es, disions-nous. Q ue signifie tincts convergent vers le m êm e
tem ps plus ou m oins lointain, les ê tre é tra n g er à soi? C ela signifie p oint: l’essence de l’hom m e au
questions posées par les en q u êteu rs é ch a p p er à l’évolution d ’un p ro thentique. Plus nous explorons les
de la Rand C o rp o ratio n reçoivent cessus intérieur, sortir de sa propre deux infinis, celui de l’atom e et
une réponse positive, que l’on histoire. Un angoissé qui par raison celui du cosm os, et plus nous refu
puisse, et de façon durable, m odi ou par volonté surm onte son an sons de nous laisser a bsorber dans
fier la p ersonnalité hum aine, con goisse, un peureux qui dom ine le l’un ou dans l’autre. Plus nous
trô le r le psychism e, élever le trem b lem en t de son corps, un é tu construisons l’hom m e artificiel et
niveau de l'intelligence, inoculer diant qui se bat avec un texte phi plus nous nous replions sur l’hom m e
des connaissances et p eu t-être losophique ou une th éorie m ath é a u th en tiq u e et c ette réaction de
aussi (pourquoi pas?) des opinions, m atique restent unis à eux-m êm es. défense est la prom esse d ’un re
des croyances, des religions. Q ue En passant d ’un é ta t psychique ou nouveau de la pensée m orale qui
peut-il arriver alors? intellectuel à un autre, bref, en se dom inera nos pouvoirs techniques.
En é n o n çan t cette question nous d épassant, ils ne d eviennent pas A ndré A mar.
183
Philosophie
LA F R A N C E S E C R È T E En Provence
dans les églises
T o u s les q u a tr e ans, en p rin c ip e , à B a r j o ls d a n s le Var, se d é ro u le Avec le tem ps, le m onastère fut
la très cu rieu se fê te d e s T r ip e t t e s . La d e rn iè re eu t lieu en 1963, déserté par ses m oines et tom ba en
mais son s u ccès est tel q u ’il est q u e stio n de la r e p r e n d r e ce tte ruine. Seul un fidèle religieux resta
a n n é e . Elle h o n o re le p a tr o n de la ville, s a in t M a r c e l , p r o t e c t e u r p o u r veiller sur les restes de
l’évêque. Une nuit, saint M arcel
des b estiaux, le 16 janv ier. a p p aru t au gardien solitaire et lui
La cérém onie com m ence la veille hum aines à peu près vers l’époque d em an d a que ses restes fussent
par la procession d ’un b œ u f e n ru où a lieu a u jo u rd ’hui la procession, tran sp o rté s dans la collégiale de
banné, aux cornes dorées, et paré et il ajoute que le peuple te n a n t Barjols. Le solitaire fit part de son
de guirlandes de verdure. A près beaucoup à ces usages, on substitua songe au chap itre de Barjols qui
avoir été prom ené par to u te la un b œ u f au m alheureux condam né, s’em pressa d ’a cc ep te r l’offre ines
ville, en grande pom pe, il est bénit lorsque le christianism e eut aboli pé rée ... M ais le chapitre d ’A u p s
sur le parvis de l’église par le ces « odieux sacrifices». On pos (ville qui se trouvait aussi à proxi
clergé en grand a p p ara t. Puis il est sède en to u t cas ici le vestige m ité du m onastère) eut, lui aussi,
em m ené aux abatto irs et mis à presque intact d ’une des plus connaissance du m iracle. U ne q u e
m ort. Jadis, le sacrifice avait lieu anciennes fêtes de l’hum anité. relle naq u it: B arjols et A ups reven
dans l’église m êm e, puis devant La L égende dorée nous dit p o u r d iquant l’h o n n eu r de posséder les
celle-ci. Le lendem ain, une m esse quoi PÉglise a choisi d ’associer saints restes, on décida de faire
solennelle est dite en l’h o n n eu r de cette cérém onie au culte de saint tra n c h e r le litige par le com te de
saint M a rce l, au cours de laquelle M arce l, patro n et guérisseur des Provence, de passage à Brignoles.
les fidèles e x écu ten t une originale bestiaux: « C o m m e M arcel, sou Celui-ci conseilla aux antagonistes
danse rituelle, dite des T ripettes. verain pontife, é ta it à R om e et de m esurer la d istance qui séparait
A près la cérém onie, une lente p ro qu ’il blâm ait les grandes c ruautés leurs collégiales du m onastère de
cession p a rco u rt la ville, d errière de l’e m p e reu r M axim ien à l’égard Saint-M arcel. Mais pendant que
le buste du saint et le corps d é des chrétiens, et com m e il disait les chanoines d ’A ups m esuraient
pouillé du b œ u f mis en bro ch e sur la m esse en la m aison d ’une dam e par vallons et collines, les Bri-
un char fleuri. A l’issue de la p ro où il avait fait une église, l’em pe gnolais, sur les conseils de leurs
cession, place de la R ouguière, le reur en fut c o u rro u cé, et il fit de amis de Tavernes, depuis ce jo u r
b œ u f est rôti devant la foule et les cette église une étable à m ulets, m ém orable appelés les A vocats,
m orceaux en seront distribués aux et il obligea M arcel à y rester, sous s’em p a rère n t des reliques du saint,
assistants, m oyennant une aum ône. bonne garde, pour servir ces bêtes. et à to u tes jam bes regagnèrent
Et M arcel m ourut, après avoir Barjols. C ela se passait le 16 ja n
Saint M arcel, passé plusieurs années occupé à vier 1350.» O r, ce jour-là, les Bar-
patron des bestiaux ce service, vers l’an 287. » jolais fêtaient leur b œ u f gras, selon
La procession du Bœ uf G ra s n ’est le rite antique. L eur jo ie fut telle
évidem m ent pas p ro p re à Barjols, La danse des Tripettes q u ’ils se m irent à sau ter sur place
ni à la Provence. Celle de Paris M ais l’association de ce saint gué dans l’église m êm e en crian t: san
continue de connaître un certain risseur, du sacrifice du b œ u f gras Marcèu. li tripeto! La danse des T ri
succès. Et le sacrifice du taureau et de la danse des T rip ettes a bien p ettes était née de la re n co n tre des
est des plus archaïques. Il est p ro d ’autres origines légendaires. Selon reliques et des « tripes» fum antes
bable c ep e n d an t que le b œ u f n’a M a riu s Fabre (dont le texte est ra p issues du b œ u f sacrifié et pro
fait que re m p lac e r une victim e p orté par C. Seignolle dans son m enées dans de grandes corbeilles.
hum aine. A le xa n d e r A lexandrin, Folklore de la Provence), « saint
dans son traité des jo u rs de fête M arcel, qui fut évêque de Die, Une origine incertaine
(Genialium dierum lib. VI), p ré dans la D rôm e, au Ve siècle, m ou U ne au tre trad itio n voudrait que
tendait au M oyen Age que la p ro rut à plus de quatre-vingts ans en lors du tran sfert des reliques de
cession du B œ u f G ras se ra tta revenant d ’une visite au pape, à saint M arcel de R om e en F rance,
chait aux cérém onies druidiques. R om e. On conserva son corps au le pape fît cadeau au chap itre de
Il raconte que les druides p ro m onastère de Saint-M aurice, à une Barjols des tripes du saint. C e sont
m enaient par les villes des victim es vingtaine de kilom ètres de Barjols. bien les plus curieuses reliques que
184
A savoir
les fidèles dansent encore É LEC TR O N IQ U E
185
Électronique
Les Russes font des
P A R A P S Y C H O L O G IE
186
A savoir
SO U C O U PE S V O L A N T ES En Amérique 1 million
de dollars pour l'étude des M.O.C.
En m ars d e rn ie r, u n e série d ’o b se r v a tio n s in exp licab les (et n o t a m d ’hom m es de science, s’est alors
m e n t des a tterrissa g es d ’o b je ts sur le sol a m é r ic a in ) a enfin fait décidé à faire le grand saut. A près
s a u te r aux É tats-U n is le c o u v e rc le qui d ep u is d ix - n e u f ans p esait trois m ois de réflexion et de consul
sur l’é tu d e des M y s t é r i e u x O b j e t s C é le s t e s ; d e p u is c e tte d a te , les tations, il a annoncé que l’étude
des cas non expliqués allait être
é v é n e m e n ts se sont p ré c ip ité s; confiée aux universités am éri
1) T out d ’abord, la com m ission de l’U.S. A ir F orce c o n ce rn an t de caines. D ans ce but, il an n o n çait
sénatoriale de l’U.S. A ir F orce a tels cas. fin juin l’attribution d ’une prem ière
dem andé à e n te n d re à huis clos un tranche de crédits d ’un m illion de
certain nom bre de personnalités Noyer le poisson dollars (soit environ 500 m illions
qui étudient ce problèm e depuis 2) Ces dépositions ont provoqué d ’anciens francs). La rép artitio n et
des années ou qui ap p o rten t leur une vive agitation au sein de l’usage de ces crédits (qui, précise-
collaboration à l’étu d e m enée, avec la com m ission de l’U.S. A ir F orce. t-on, ne sont q u ’un d ébut) font
les crédits de l’U.S. A ir F orce, par Les sénateurs ont été stupéfaits actuellem ent l’objet de discussions
l’A e ro sp a c e Technical Intelligence d ’app ren d re que des faits d ’une en tre PU .S. A ir Force et diverses
C enter (A .T .I.C .), à D ayton, Ohio. telle gravité aient pu être ju sq u ’ici, universités am éricaines.
Parm i ces personnalités, citons les sinon cachés, du m oins travestis
astrophysiciens J o se p h A. H yn e k p ar des artifices statistiques. La Des mesures décisives
(astrophysicien à la N orthw estern m éthode était sim ple: p our noyer La po rtée de ces m esures n ’appa
U niversity et d irec te u r de l’obser les q u a tre cas m ensuels inexpli raîtra p eu t-être q u ’aux initiés. Elle
vatoire D aerborn) et Cari S a g a n cables, on leur adjoignait systé est décisive. Elle signifie en fait que
(de l’o bservatoire H arvard), plu m atiq u em en t tous les bolides, bal la S o u c o u p e V o la nte devient une
sieurs ch erch eu rs de la Rand C o r lons-sondes et au tres phénom ènes m atière de recherche académ ique
poration, et le m ajor H e cto r Q uin - classiques rapportés p a r les jo u r et que son existence en tan t que
tanilla, c h ef actuel de PA .T .I.C . naux. On expliquait facilem ent ces problèm e non résolu par la science
Les dépositions de ces hom m es de cas, puis on publiait les p o u rcen est officiellem ent reconnue.
science, quoique secrètes, sont tages — évidem m ent écrasan ts — Pour co m p ren d re co n crè te m en t les
m aintenant connues des spécia de cas expliqués. Les cas inexpli conséquences d ’un tel retournem ent
listes. L eur ten e u r est unanim e: qués p ren aien t alors l’allure d ’ex de situation, il suffit de p ren d re un
si 10 000 cas signalés à PA .T .I.C . ceptions sans im portance. Le major exem ple. Au printem ps 1964, un
ont été étudiés depuis 1947, si Q uintanilla, responsable de l’A.T. policier am éricain du nom de Lon-
9 350 d ’entre eux ont pu être, soit I.C ., a dû rendre com pte de ces nie Z am ora, put a p p ro ch e r et
expliqués, soit renvoyés à une pos façons de p ro céd er, et l’on nous dit observer, à S ocorro, un engin
sibilité d ’explication, il faut bien que depuis la grande explication de m étallique brillant posé au sol.
a d m e ttre , a p rè s d ix -n e u f ans m ars dernier, il ne porte pas les Deux petits êtres, d ’environ 80 cen
d ’efforts, que 650 résistent à toute savants dans son cœ ur. Ces d e r tim ètres de haut, vêtus d ’une sorte
tentative d ’explication. C ela fait en niers ont tous, en effet, dem andé de scap h an d re, grim pèrent à son
m oyenne plus de 2,8 cas p a r mois, avec insistance que l’on e n tre ap p ro ch e dans l’engin, qui s’envola
p our le seul territo ire des É tats- prenne enfin l’étude spécifique des à une vitesse vertigineuse. Ce cas
Unis, et com pte tenu du fait que le cas non expliqués, au lieu de se fut étudié à fond par PU.S. A ir
nom bre des observations n’a jam ais c o n te n te r de les classer. « Quelle Force et par le F .B .I., reconnu
cessé de cro ître depuis 1947, envi que soit la natu re réelle des objets a u th en tiq u e, et n aturellem ent,
ron q u a tre cas inexplicables par volants non identifiés, ont-ils sou inexplicable. M ais par quelle voie
mois actuellem ent, presque un par ligné, il s’agit d ’un phénom ène le public le connaît-il? Par la presse,
sem aine! Parm i ces cas inexpli nouveau, inconnu de la science et c ’est-à-dire par une voie ém inem
cables, il y a de nom breux a tte r d ’une im portance capitale. » m ent suspecte, sans sécurité scien
rissages, c ’est-à-dire des engins 3) Le secrétaire d ’É tat à l’Air, tifique ‘.
observés au sol, de près, et parfois H aro ld B ro w n , soutenu p a r l’opi Q uand le public lut c ette histoire
exhibant leurs pilotes. Un dossier nion publique et surtout par l’insis dans les jou rn au x , il n’en crut pas
a été déposé devant la com m ission ta n c e d ’un n o m b re c ro is sa n t un m ot, ou bien pensa que ce
187
Soucoupes volantes
! • “ Z am o ra était un m enteur, ou
en co re q u ’il avait mal vu ce q u ’il
p ré te n d ait décrire. Seuls les qu el
A ST R O N O M IE La Terre est
ques dizaines de spécialistes qui A v e c les e x p é rie n c e s L u nik, R a n g e r et M a r in e r, l’a s tro n a u tiq u e
ont vu les docum ents officiels sur in te rp la n é ta ire n ’en est e n c o r e q u ’à ses to u t d é b u ts . Les te c h n ic ie n s
le cas de S ocorro savent que les a m é r ic a in s ne se sont-ils pas d ’o re s et d é jà fixé un p ro g r a m m e très
trac es laissées dans le sable par a m b itieu x qui d e v ra it les c o n d u ir e aux confins du sy s tèm e solaire
l’engin et relevées par les en q u ê
à la fin du siècle?
teurs de l’U.S. A ir F o rce et du
F .B .I. tém oignent d ’un systèm e M ais, en a tte n d an t que se réalisent solaire de son haleine et que le
d ’atterrissage d ’une haute te c h n i ces prodigieuses expéditions, les p re m agnétism e terre stre p ro tég eait la
cité, sans com m une m esure avec m ières expériences que nous venons planète de cette envahissante p ré
les connaissances d ’un L onnie de vivre nous ont déjà apporté une sence solaire. En pe rm a n en c e donc,
Z am ora, qui d ’ailleurs les avait à révélation cap itale: notre T erre est de la m atière solaire, essentiellem ent
peine rem arquées. M ais quelle rai un astre unique dans la famille des protons, s’échappe de l’astre et
son a-t-on de croire ces spécia p lanétaire. se répand dans l’espace, c’est le vent
listes, quand ils d o n n e n t de telles A prem ière vue, p o u rtan t, le bilan solaire. Lors des éruptions, d’énorm es
précisions? N ’im porte qui peut des expériences réalisées p araît assez bouffées de p articules sont ainsi
im puném ent les accu ser d ’affabu m aigre. M ais il p erm et déjà de tirer projetées vers les planètes.
lation. C ’est d ’ailleurs ce que font des conclusions extrêm em ent pré Il serait très m alsain p o u r des orga
les savants non inform és qui m ain cises, et de fonder l’astronom ie nism es vivants de recevoir ces vents
ten an t encore contin u en t de gloser p lanétaire sur des bases solides. solaires de plein fouet. H e u reu
sur « le m ythe des soucoupes sem ent le cham p m agnétique est là.
La Terre est protégée
volantes» 2. L orsque les particules solaires
par un champ magnétique atteignent le dom aine terre stre,
Le problème français Les révélations des sondes spatiales elles sont déviées vers les régions
Eh bien! la différence, désorm ais, ne peuvent s’in te rp ré te r c o rre c polaires selon les lignes de force
c ’est que les cas tels que celui de tem en t q u ’en fonction de ce que m agnétiques.
S ocorro qui sont nuée, seront ra p nous savons sur n o tre dom aine C om prenons bien que la T erre n’est
p ortés, m unis de tous les résultats terrestre. O r la prem ière c a ra c té pas herm étiquem ent isolée dans
d expertises, constats, m esures, ristique qui frappe lorsqu’on exa l’espace. M ais elle dispose de filtres
plans, graphiques, références, etc., m ine la planète T erre est q u ’elle qui sélectionnent l’apport cosm ique
dans des publications officielles, form e dans l’espace un ensem ble qu ’il s’agisse de rayonnem ent, de
dans les bulletins scientifiques pu isolé, ferm é, protégé. C et isolem ent flux corpusculaire ou de m atière.
bliés p a r les dép artem en ts universi est double, il est atm osphérique et Ainsi peut-elle offrir à la vie des
taires, et sous la signature de p e r m agnétique. C ’est la conjugaison de conditions idéales pour son épanouis
sonnes responsables, astronom es, ces deux systèm es de pro tectio n qui sem ent.
physiciens, chim istes, etc. assure à la vie terrestre des conditions Les sondes spatiales nous ont tout
C ertes, nous n’avons guère d ’illu p ro p res à son épanouissem ent. d ’abord appris que la T erre était la
sions en ce qui co n cern e l’évolu E xpliquons-nous. seule des planètes intérieures à dis
tion de l’a ttitu d e officielle, en L’atm osphère te rre stre jo u e tout poser d ’une p ro tectio n m agnétique.
F rance. Les m êm es augures co n ti d ’abord un rôle de p ro tectio n co n tre Lunik II a m ontré que la L une ne
n ueront de gloser d o c to ra le m en t les m étéorites qui se consum ent en possède pas de cham p m agnétique,
sur la question sans en connaître to u t ou en partie avant d’a ttein d re M ariner II a fait la m êm e co n sta
le prem ier m ot, parlan t de bolides le sol. Elle intercepte le rayonnem ent tation p o u r V énus et M arin er IV
et de ballons-sondes. Q uelle im por ultraviolet solaire en in terp o san t un pour M ars.
tance? La clandestinité persistera filtre à ozone. Elle uniform ise la C om m ent in te rp réte r c ette p a rticu
en F rance, voilà tout. te m p é ra tu re à la surface du globe et larité de notre planète? On p eu t en
A im é Michel. fournit un m ilieu fluide p e rm e tta n t tro u v er l’explication dans le m éca
1. Planète 29, m on a rtic le su r ce « réseau » les échanges nécessaires aux p ro nisme qui engendre le géomagnétism e.
(page 41). cessus biologiques.
2. Je p arle ic i du p ublic (y c o m p ris les
Selon une hypothèse qui est à peu
sav an ts non info rm és) et non d es c h e r Le rôle du cham p m agnétique n’a près unanim em ent adm ise par les
c h e u rs a p p a rte n a n t au « R éseau », q u i, eux, été d écouvert que plus récem m ent. spécialistes, le cham p m agnétique
sont org an isés p o u r a v o ir a c cè s à to u te s Le d éveloppem ent de la re ch erch e est engendré p a r la ro tatio n du
les so u rc e s. V oir m on o u vrage A propos des
soucoupes volantes (éd itio n P ré se n c e P lan ète), spatiale a révélé to u t à la fois que noyau m étallique qui se trouve au
e t n o ta m m e n t la se co n d e préfa c e . le Soleil em plissait to u t le systèm e cen tre de notre globe. L’existence
18 8
A savoir
un cas unique dans le système solaire
d’un cham p m agnétique suppose celle de la Terre. D ans ces conditions, c ouverture atm osphérique et, de ce
donc l’existence d ’un noyau central il est assez norm al qu’elle ne possède point de vue, les révélations de
com posé de m étaux lourds et, pas de noyau et, p a r conséquent, pas M arin er IV sont d ’une im portance
d ’au tre part, un m ouvem ent de de cham p m agnétique. capitale.
rotation suffisant. A insi la Lune, M ars et Vénus La sonde spatiale am éricaine nous a
reço iv en t les vents solaires sans appris que la densité a tm osphérique
Mars, planète sans noyau a ucune p ro tectio n m agnétique. Ces m artienne était incroyablem ent faible.
La densité de la L une n’a tte in t que radiations doivent être très c ertai O n l’estim ait à 65 mm de m ercure
3,3, soit un peu plus de la m oitié nem ent nuisibles pour des organism es soit environ le dizièm e de la pres
de la densité terre stre. C ette densité vivants supérieurs. M ais, il n’est pas sion terre stre. O r, lors de l’expé
correspond à celle des roches qui assuré que cette douche de radiations rience d ’o ccultation de M arin er par
form ent l’éco rce. On p e u t donc interdise to u te form e de vie. M ieux la planète, on a observé une pression
penser que la L une se com pose tout m êm e, il se po u rrait qu’elle favorise inférieure à 20 mm. C ’est-à-dire
en tière de tels m atériaux. Elle ne l’éclosion de la vie. q u ’au lieu d’avoir 10 % de l’atm os
possède pas de noyau central. Il se p o u rrait en effet que la vie soit p h ère terre stre, on trouve 1 à 2 %
C om m e, en ou tre, sa ro tatio n est a pparue sur T erre avant la form ation
La Terre est habillée
fort lente, il est norm al q u ’elle ne du noyau alors que la planète ne
soit e ntourée d ’aucun cham p m agné possédait pas de cham p m agnétique. par son atmosphère
tique. En effet, selon les hypothèses cos- En clair que signifie c ette o bser
Vénus d evrait norm alem ent posséder m ogoniques les plus récentes, les vation? Elle révèle que M ars est un
un noyau. En effet sa densité planètes se sont form ées « à froid » astre nu face au m ilieu spatial. Son
approche celle de la T erre , 5,16 p a r agglom ération de poussière cos m ince voile atm osphérique ne l’habille
au lieu de 5,5, et sa m asse rep résen te m ique. D ans ces conditions, le globe absolum ent pas, c’est une atm osphère
82 % de la m asse terre stre. 11 faut terre stre ne s’est jam ais trouvé dans sym bolique. Et les p hotographies ont
donc a ttrib u er son absence de un é ta t de fusion. Les m atériaux d ém ontré cela sans équivoque. La
cham p m agnétique au fait qu’elle ne lourds qui form ent le noyau ont donc prem ière réactio n des astronom es
tourne pas. E ffectivem ent, les son len tem en t flué vers le c en tre au sein face aux clichés de h aute définition,
dages faits au ra d ar indiquent une d’une boule à peine pâteuse. La p rincipalem ent le cliché II, a été de
rotation rétro g rad e de 247 jours. croissance du noyau a été p rogres s’é crier: « On ju re ra it la L une!» D e
R écem m ent deux astronom es fran sive et on doit a d m e ttre , en consé fait, la sim ilitude est saisissante.
çais, M M . C harles Boyer et H enri q uence, que la T erre a été très O r la topographie lunaire est tout
C am ichel, ont avancé l’hypothèse, longtem ps dépourvue de cham p en tière c onditionnée p a r l’absence
basée sur des observations en u ltra m agnétique. d ’atm osphère. Se p ré sen ta n t nue au
violet, que la ro tatio n se ferait en bom b ard em en t m étéo ritiq u e, ne pos
réalité dans le sens rétro g rad e mais Les conditions de la vie sédant aucun m écanism e d ’érosion
en q u a tre jo u rs seulem ent. Si cette L ’afflux de radiations solaires qui en susceptible d ’effacer les trac es d ’im
hypothèse se confirm ait, les th éo ries résultait au rait m êm e pu être l’agent pact, la Lune est sculptée ju sq u ’à
actuelles sur la naissance du cham p catalyseur p our activer les prem ières plusieurs m ètres de p rofondeur.
m agnétique seraien t m ises à mal, réactions chim iques qui m arq u è ren t Il en va de m êm e p o u r M ars.
m ais la m ajorité des astronom es l’app aritio n de la vie, il y a quelques Son atm osphère ne peut ni freiner
tiennent encore pour la rotation lente. m illiards d ’années. ni, à plus forte raison, consum er
La ro tatio n de M ars, par c o n tre est M ais, p a r la suite, l’atm osphère les bolides cosm iques, particu liè
parfaitem en t connue. Elle vaut sensi terre stre au rait peu à peu acquis sa rem ent nom breux dans les parages
blem ent celle de la T erre , 24 heures com position actuelle — c’est-à-dire de l’orbite m artienne puisque celle-
37 m inutes. P o u rtan t la Planète essentiellem ent que l’oxygène y rem ci se trouve p roche de la région des
Rouge n’a pas de cham p m agnétique. plaça l’hydrogène — et le cham p astéroïdes, peuplée de milliers d ’astres
Ce fait d evrait s’expliquer par m agnétique se serait progressivem ent de to u te s tailles de la p etite planète
l’absence de noyau. En effet la den développé. Ainsi seraient apparues au sim ple caillou. Le sol m artien
sité m artien n e n’est que de 3,81, des conditions propices à l’évolution subit donc un bom b ard em en t m étéo
c ’est-à-dire égale seulem ent aux biologique. ritique intense, dont les trac es se
deux tiers de la densité terre stre. Si la T erre est un astre unique sur le pe rp étu en t sans être gom m ées par
Q u an t à la m asse de la p lanète, elle plan du m agnétism e, elle sem ble l’érosion. Sur T erre , au con traire, les
n’a tte in t que 0,108 par ra p p o rt à l’être égalem ent sur celui de la cratère s m étéoritiques sont extrê-
189
Astronomie
tm~ m em ent rares, l’atm osphère se c h ar que l’assim ilation des deux planètes sondage radio utilisées, alors que la
geant d ’in te rce p ter la plu p art des n’est plus possible, il est hasardeux, spectroscopie sem ble beau co u p plus
m étéorites et d ’effacer les trac es de faire une telle supposition. sûre. Pour l’essentiel, l’incertitude
d ’im pact lorsqu’elles arrivent jusqu’au dem eure. M ais beaucoup d ’astro
sol. Vénus : froide ou chaude? nom es en viennent à se d e m a n d er si
M ais ce pilonnage m étéoritique, s’il Vis-à-vis de V énus, la T erre fait to u t les probabilités de vie ne seraient pas
p o u rrait être fort désagréable po u r a u ta n t figure d ’astre à part. D ans ce plus grandes, to u t com pte fait, sur
des êtres vivants m artiens, n’exclurait cas, p o u rtan t, la c ouverture atm o Vénus que sur M ars.
pas absolum ent leur existence m êm e. sphérique existe. Elle est m êm e très En définitive, ces expériences nous
A près tout, de nom breuses nations épaisse et explique les grandes ont révélé la profonde singularité de
ont survécu à des b om bardem ents in certitu d es qui planent en co re sur la T erre . Seule des planètes inté
beaucoup plus m eurtriers. l’astronom ie vénusienne. C ette atm o rieures, elle réunit un certain nom bre
sphère doit c ertain e m e n t do n n er au de particu larités qui paraissent indis
Mars ressemble plus paysage vénusien un aspect très dif pensables à l’évolution biologique:
à la Lune qu'à la Terre férent de celui de la Lune ou de cham p m agnétique, a tm osphère, eau
L ’absence d’a tm osphère dense sur M ars. à l’é ta t liquide, etc. Il est a u jo u rd ’hui
M ars a des conséquences beaucoup La com position de l’atm osphère est très peu p robable q u ’on trouve ces
plus graves que ce bom b ard em en t à peu près connue. On y trouve m êm es conditions ailleurs dans n otre
des m étéorites et des radiations. Les to u tes sortes de corps chim iques systèm e solaire. De là à conclure que
processus vitaux ne peuvent se carbonés et hydrogénés que ne la T erre est le seul berceau de la vie
d éro u ler dans le vide, non plus que su p p o rte pas la vie sur T erre. M ais dans le systèm e solaire il y a un pas
dans un vide approché. Les expé si l’on veut co n sid érer uniq u em en t la q u ’il est encore trop tôt de franchir.
riences de reconstitution en labo possibilité d’un dém arrage de la vie Q uoi q u ’il en soit les m illiards
ratoire du m ilieu m artien, expé et non son évolution, il n’y a là rien d ’étoiles réparties dans les m illions
riences qui avaient d ém o n tré la d ’incom patible avec la possibilité de galaxies offrent bien d ’autres nids
résistance de certains organism es, d ’une vie vénusienne. Le fait im por possibles pour Péclosion de vie extra
sont au jo u rd ’hui à refaire. C ertes on ta n t est q u ’il existe indiscutablem ent terre stre. François Derrey.
sait que les to rtu e s peuvent sur de l’eau en q u an tité dans l’a tm o
vivre à une atm o sp h ère dix fois plus sphère vénusienne. Il p a raît très peu
faible que la norm ale, m ais résis p robable que les phénom ènes biolo
teraient-elles à une pression encore giques puissent se passer de l’eau
dix fois inférieure? liquide, alors q u ’ils peuvent parfai
Rien dans les clichés de M ariner IV tem ent s’acco m m o d er de l’absence
n’indique la présen ce d ’eau sous d ’oxygène.
form e liquide. En effet, on ne trouve A insi, on sait q u ’il existe de l’eau
pas trace d’érosion. Un cycle de sur Vénus depuis que les sondages
l’eau liquide avec des pluies et des effectués en ballons par les astro-
ruissellem ents arro n d ira it le relief physiciens de la Johns H opkins
et ne p e rm e ttra it pas les superpo U niversity ont pu p re n d re des
sitions de cratère s m étéoritiques sp ectres vénusiens au-dessus de
que l’on observe. l’a tm osphère. M ais les ch erch eu rs
T o u t cela signifie en clair, q u ’il am éricains ont observé que c ette eau
faut assim iler M ars à la Lune et non se trouve sous form e de fins cristaux
à la T erre, q u ’il faut y voir un gros de glace.
caillou offert sans défense au m ilieu Vénus une planète glacée? M ais
spatial. D ans ces conditions, les M arin er II avait m esuré une tem p é
possibilités de vie m artienne parais ratu re de 400 degrés au sol! En
sent des plus réduites. T o u tes les vérité, les astronom es ne savent plus
hypothèses faites à ce sujet envi à quelle observation se vouer. Ce
sageaient une planète de type te r p roblèm e de la tem p é ra tu re vénu
restre, c’est-à-dire un m onde p ro sienne est a u jo u rd ’hui capital. Si
tégé du m ilieu spatial. C ertes on M arin er a dit vrai il ne peut y avoir
savait que la protection était m oindre de vie vénusienne. A 400 degrés les
que sur T erre, mais on la considérait grosses m olécules biologiques se
com m e suffisante p o u r certaines dissocient. M ais tous les savants
form es de vie. A ujo u rd ’hui, alors n’a d m etten t pas les m éthodes de
190
A savoir
P H IL O S O P H IE
191
Librairie
t*~ à la d éco u v erte du trop fam eux C la u d e T re sm o n ta n t: Comment se C la u d e T re sm o n ta n t est convain
S inanthrope. Ces im ages sont pose aujourd’hui le problème de cant, car il est convaincu. Il ne se
accom pagnées de trois sortes de l ’existence de Dieu (Le Seuil). co n te n te jam ais de poser le p ro
textes: d ’une part, le com m entaire C om m ent ose-t-on en co re, au blèm e. Il effectue une m agistrale
qui en situant chaque cliché établit siècle de la con q u ête de la Lune, dém onstration, puis il résout, comm e
ainsi une biographie continue: bien tô t de M ars, de V énus et autres en se jo u a n t, le problèm e. Q uelle
d ’autre part, des tém oignages de planètes, p arler de Dieu? Si j ’en adresse! Et, aussi, quel style ful
ceux qui ont connu le père Teilhard: juge p a r les réactions provoquées g u rant! L’un de ses m oyens de p e r
enfin des passages des écrits du phi p a r m on en q u ête « D ieu est-il suasion est la sincérité. C ette
losophe qui, rap p o rtés aux c irco n s m o d e rn e ? » (P lanète n° 30), le p ro sincérité ém eut, bouleverse, étonne.
tances et aux lieux où ils furent blèm e de l’existence de D ieu est un M. T resm o n tan t ne m anipule
rédigés et près des im ages qui des grands problèm es de notre aucune carte tru q u ée. Il est franc.
évoquent ceux-ci, p re n n en t ainsi tem ps. Publier un livre de m éta Son jeu est sur la table. On peut
une nouvelle résonance. physique, en 1966, n’est pas plus étu d ier to u tes les cartes, elles sont
farfelu que p ublier un livre sur la to u tes visibles. Il n’est ni kantien,
Pierre Teilhard de C h a rd in : Sur le vie m ystérieuse des cham pignons ni cartésien, ni hégelien, ni nietz
bonheur (Le Seuil). sauvages, les quasars ou le m agné schéen. Il n’hésite pas à proclam er
Ce texte est, p e u t-ê tre , l’un des tism e. C laude T resm o n tan t se bien haut ses c ouleurs: il est
plus controversés du R.P. Teilhard. m oque des « m odes», du snobism e thom iste.
C om m ent oser p arler du bonheur intellectuel, des « écoles». C ertains M ais être thom iste, a u jo u rd ’hui,
sur terre lorsqu’on a p p artie n t à la d iro n t: ce p rofesseur de philo cela ne signifie-t-il pas un re to u r au
com pagnie de Jésus? Oui. Peut-être sophie est un progressiste cam ouflé. M oyen Age, une plongée dans
oubliera-t-on que Jésus en a p p o r D ’a u tres d iro n t: voilà un co n ser l’obscurantism e, une navigation au
tan t aux hom m es le m essage vateu r qui sent l’eau bénite. Que m ilieu des canaux em bourbés par
d ’am our du Père, n ’excluait pas les uns et les au tre s ou v ren t son mille ans de rabâchages? M . T re s
to talem en t la possibilité d ’une livre et q u ’ils en lisent les 20 p re m ontant, qui aim e à p rovoquer les
transfiguration de la condition m ières pages! Je parle d ’expérience. réactions de ses lecteurs, leur
hum aine avant d ’a cc éd e r à la féli A peine avais-je term iné la p re flanquer son poing à travers la
cité é ternelle, en réaction évidente m ière é ta p e : « L’univers envisagé figure, n’hésite pas à assurer q u ’il
avec l’A ncien T estam en t qui ré p é dans son ensem ble » que j ’étais est thom iste, q u ’il est aristotélicien.
ta it: « T u vivras dans la crain te ec fasciné. J ’avais un w eek-end devant Il é c rit: « A risto te est le philosophe
le trem blem ent. » moi. Le d im anche, dans la nuit, je le plus m oderne et sans doute celui
Le R.P. Teilhard, ici s’oppose en term inais m a lecture (423 pages!) qui a le plus d ’avenir. » En effet...
m êm e tem ps à un égoïsm e qui ne par c ette phrase: « Si la théologie relisons (ou lisons) Aristote... le
c h erc h era it l’accom plissem ent que m onothéiste a libéré la raison et lui point de d é p art est ju ste et, ô
dans la possession, à un sp iritu a a perm is de faire œ uvre de science com bien! m oderne, actuel. Le
lisme qui oublierait la pleine positive en cosm ologie, d ’une point de d é p art, chez A ristote, ce
vocation de la c réa tu re , et à une m anière réciproque les sciences n ’est pas l’hom m e, c ’est le m onde;
m ystique du progrès qui p e rd ra it positives ont libéré et continuent ce n ’est pas le sujet, c ’est l’objet;
de vue le véritable sens de l’univers. de lib érer la raison, <et lui p e r ce n’est pas l’im agination, c ’est
En des pages sim ples et lum ineuses, m etten t de déco u v rir la vérité du l’observation... Pourquoi, dans ces
l’a u te u r définit la n ature et lés m onothéism e. Les sciences posi conditions, le philosophe et le
conditions d’une réponse positive à tives o p è ren t une réd u ctio n , une savant du vingtièm e siècle ne se
l’appel du bonheur: p a r l’union de lente m ais inexorable dissolution re n contreraient-ils pas chez A ris
l’être avec d ’autres, par la su b o r des diverses form es de panthéism e, tote, à travers A ristote? On estim e,
dination de la vie de l’individu à et le panthéism e n’est pas autre en général, que notre univers est en
une vie plus grande. Le c ara ctè re chose que l’idolâtrie sous sa form e expansion. On redécouvre là ce
personnel et co n cre t de c ette la plus générale, l’idolâtrie cosm o que form ulait déjà, au douzièm e
réflexion philosophique est mis logique, d o n t le m arxism e au jo u r siècle, un m oine anglais, T h o m a s
en lum ière p a r trois textes qui le d ’hui encore reste prisonnier. » M id dleton. Avec c ette différence
prolongent: s’adressant à des amis J ’avais bien lu. J ’étais convaincu. essentielle, c’est q u ’au douzièm e
le jo u r de leur m ariage, le R.P. La sem aine qui suivit me vit, siècle la foi et la raison étaient
T eilhard leur parle de cet univers à crayon en m ain, relire plus a tte n ti harm onieusem ent liées (saint
l’évolution duquel c o ntribue leur vem ent l’ouvrage de M . T r e s m o n T h o m a s d 'A q u in , sur ce plan, a été
am our, en m êm e tem ps q u ’il lui tant. Je continuais à être convaincu m aintes fois catégorique), tandis
donne un sens... et j ’avais com pris pourquoi. que de nos jo u rs la raison conduit
192
A lire
à l’irrationnel, à l’athéism e, à SC IE N C E S SO CIA LE S léta ria t se déprolétarise, le tra
l’absurde. C ela est vrai pour m aints vailleur s’hum anise, la société
philosophes du vingtièm e siècle, - a tté n u an t les inégalités d ’hier et
dont le plus célèbre n’est au tre que André A rm e n ga u d : Démographie et d ’autrefois — tend à s’hom ogé-
M . J e a n -P a u l Sartre. C ela est faux Sociétés (Stock). néiser, c ’est-à-dire à c rée r les
p our M. T resm o n tan t qui veut D epuis quelques années, la science conditions d ’une société équitable
réco n cilier la science et la foi. Il de la population a fait d ’im m enses e t ouverte à tous. Q ue pareilles
faut dire q u ’il réconcilie systém a progrès, tandis que l’atten tio n du m utations ne se fassent pas sans
tiquem ent, sans aucune co n ces public, dans la seconde m oitié du quelques dégâts, voilà qui est hors
sion, la science et la foi. T hom iste vingtièm e siècle, a été de plus en de doute. Mais le passif des sociétés
intégral, M . T re sm o n ta n t veut que plus sollicitée par les problèm es d ’autrefois et de naguère était
la foi soit sou ten u e par la raison et d ém ographiques. M ais ceux-ci se bien plus im p o rtan t en co re et plus
récip ro q u em en t. Il le veut. Il le posent d ifférem m ent suivant les déshum anisant. Q uelles que soient
dém o n tre. Il l’im pose. Il rappelle tem ps et les lieux, é tro item en t liés les m aladies de l'hom m e m oderne,
que le problèm e de l’existence de q u ’ils sont non seulem ent à la la situation est loin d ’être aussi
D ieu a été traité philosophi biologie, mais à l’ensem ble des noire que sem blent le croire les
q uem ent au M oyen Age p a r les faits sociaux. C ’est donc dans une professionnels du désespoir et de la
m étaphysiciens ch rétien s, m usul perspective historique que l’au te u r nausée, confortables bourgeois de
m ans, juifs, puis, au dix-septièm e a en trep ris de m o ntrer, à l’aide Saint-G erm ain-des-P rés ou sno
siècle, p a r les grands philosophes d ’exem ples caractéristiques, à quel binards de Saint-T ropez. Les p ro
classiques du siècle des lum ières. point les faits dém ographiques et blèm es du travail peuvent être
Il souligne que, depuis 1 000 ans, le d evenir des sociétés hum aines résolus, dans la m esure où ils ne
depuis 150 ans, depuis 9 ans (1957: sont é tro item en t liés et com bien sont pas liés à la n ature m êm e
lancem ent du prem ier Spoutnik) sont variées les relations q u ’ils de l’hom m e. Il est possible d ’ouvrir
notre connaissance de l’univers e n tre tie n n en t. largem ent l’accès aux études supé
s’est to ta lem en t renouvelée. C om P a rtan t de la fin du M oyen Age, rieures à un très grand nom bre de
m ent c ette connaissance scienti le récit, qui ne p réten d nullem ent jeunes, y com pris les fils d ’ouvriers,
fique de l’univers, de son histoire, être exhaustif, a b o u tit à la des de paysans et des petites classes
de son évolution, perm et-elle cription de quelques-uns des p ro m oyennes, sans invoquer la très
a u jo u rd ’hui de poser et de tra ite r blèm es les plus actuels, des m i dém agogique « dém ocratisation des
le problèm e de l’existence de grations de vacances en E urope é tudes ».
Dieu? C ’est ce que l’a u te u r occidentale à la propagande contra- L’actuelle standardisation des
exam ine ici. ceptive en C hine, de la stru ctu re loisirs n’a rien de désespérant. Elle
de la p opulation active aux U.S.A. ne peut que décev o ir ceux qui
à l’influence des faits d ém o g ra s’é taien t fait au dép art une idée
phiques sur les attitu d e s politiques. trop optim iste de l’hom m e. Et, plus
Ce livre, qui a été écrit non pour que jam ais, il existe, p o u r qui le
les spécialistes m ais p our le public veut vraim ent, des possibilités de
cultivé, ap p o rte sous une form e vie intérieure, riche et féconde.
su ccin cte et com m ode, quelques- E ncore faut-il que l’E urope se
uns des principaux résultats obtenus fasse. C ar seule une E urope unie
p a r une science ju g ée parfois - q u ’elles q u ’en soient les lim ites —
rébarbative, et p o u rtan t fonda assum ant p leinem ent son destin de
m entale, puisque l’on ne saurait p atrie d ’un hum anism e à la fois
com prendre pleinem ent la structure divers, ouvert e t m ultiple, peut
et l’évolution des sociétés hum aines p e rm e ttre à l’hom m e de dem ain
en négligeant ces puissants facteurs d ’é ch a p p er aux pressions gréga-
biologiques que sont le sang, le risantes qui se font jo u r dans le
sexe et la m ort. m onde d ’a u jo u rd ’hui.
193
Librairie
•^ "b rilla n te s études d ’histoire à C am tous les jo u rs, sur c ette terre? H IS T O IR E
bridge. D epuis 7 ans, il est lec teu r G in ie w sk i résum e alors le judaïsm e,
au B irtebech C ollege, de l’u n ive r pour l’essentiel, par le quatrièm e
sité de Londres, et passe p our être co m m an d em en t du D écalogue qui C o rn é liu s R y a n : La dernière bataille
un grand spécialiste des questions recom m ande à l’hom m e de faire (R o b e rt Laffont).
économ iques et sociales en histoire « to u t son ouvrage». T outefois, C o rn é liu s R yan, l’a u te u r du « Jo u r
c ontem poraine. c ette réd u ctio n à un principe fait le plus long », a en trep ris de
L’échantillonnage offert par Eric J. ap ercev o ir à G iniew ski — au-delà ra co n ter la ch u te de Berlin, selon
H obsbaw n dans ce livre couvre du judaïsm e arrivé à son stade de les m êm es procédés qui lui valurent
presque tout le cham p d ’une typo développem ent actuel - un nouveau le succès que l’on sait. D isons
logie des révoltes arch aïq u es dans judaïsm e. La foi ne s’ép anouirait im m édiatem ent qu’il connaîtra, sans
l’E urope m oderne. Voici, avec une plus en sym boles m ais dans des doute, le m êm e succès au p rès du
gam m e de hors-la-loi des K arp ath e s actes réels que les rites ont jusqu’ici grand public m ais que les spé
à la Sicile, le m odèle individuel du « sym bolifiés ». Selon G iniew ski, le cialistes de l’histoire sero n t plus
bandit qui cristallise sur sa p e r judaïsm e consisterait dans le m ou réservés. L’a u te u r a mis l’accent
sonne les aspirations d ’une milieu vem ent qui, sans cesse, transform e sur les prép aratifs et les p rem ières
rural qui voit en lui un ju stic ier un é ta t de choses en un état phases de la bataille de Berlin mais
social. Avec la M a fia, c ’est nouveau. Il ne saurait consister son récit to u rn e curieusem ent
l’exem ple d ’une organisation p a ral dans la conservation d ’un degré court. En quelques phrases, il bâcle
lèle à celle de l’E tat, fondée sur la atte in t, quelque sublim e que soit ce les com bats ach arn és des d ern iers
connivence et la loi du m ilieu. Puis degré. jo u rs; il passe sous silence les
trois cas de m illénarism es paysans Avec c ette notion de m ouvem ent exploits désespérés des survivants
anim és par l’aspiration à un ch an — si à la m ode a u jo u rd ’hui — on est français et nordiques des divisions
gem ent radical d ’une société m au au point de transition exact du W affen S.S. « C harlem agne » et
vaise d ’où disp araîtrait l’inégalité judaïsm e et du néo-judaïsm e. Pour « N o rd la n d » — qui furent p o u rtan t,
des classes, les p ropriétés, les G in ie w sk i, c ’est en é ch ap p an t à avec quelques jeu n e s H itlerjugend
avoirs m o n étaires et presque les toutes ses p erfections - c ’est-à-dire et quelques soldats du V olksturm ,
sexes: lazzarettiani du m ont A m iata à tous ses degrés acquis — et en les d ern iers défenseurs du B unker
(T oscane), p a y sa n s an a rch iste s s’extrap o lan t sur tous les fronts en de H itle r — et les assauts fana
d ’A ndalousie, fasci de Sicile. Puis m ouvem ent, que le judaïsm e tiques de quelques tankistes S.S.; il
l’en q u ête se d éplace de la cam dev ien d ra néo-judaïsm e. G in ie w sk i se glisse au sein de l’é tat-m ajo r des
pagne à la ville: c ’est la population affirme q u ’alors le judaïsm e devient, généraux soviétiques Jo u k o v et
des grandes cités, de Vienne à par là, le m ouvem ent juif, ab an K oniev mais ignore l’état-m ajor
N aples et à Palerm e; les sectes d o n n a n t peu à peu tout ce qui allem and défendant Berlin; etc.
ouvrières anglaises im prégnées de n’est pas susceptible de d ép as C ’est un livre intéressant, vivant,
religiosité non conform iste. A sem ent. mais trop lim ité dans son infor
travers enfin les sociétés secrètes C ette thèse étrange, insolite, est- m ation p our satisfaire ceux qui
politiques et les confréries a rti elle révolutionnaire? Paul Giniewski aim ent l’histoire vraie et com plète.
sanales et ouvrières, se dégage un rappelle que l’un des codes les plus
rituel de p ratiques initiatiques et co n serv ateu rs du judaïsm e, le Peter T o m p k in s : Le m eurtre de
collectives, des carb o n ari aux C houlkhane A routkh, enjoint de l ’amiral Darlan (A lbin M ichel).
blanquistes. « d éduire des idées nouvelles de L’au teu r, en novem bre-décem bre
celles qui nous sont transm ises» et, 1942, était agent de l’O.S.S. et se
Paul G in ie w sk i : L e néo-judaïsme (la ajoute la trad itio n , « sous peine trouvait à Alger. Les Alliés venaient
Baconnière). d ’en répondre à l’heure du ju g e de d é b arq u e r. L ’am iral D arlan
Dans un p ré cé d en t ouvrage, Paul m ent »... traitait avec eux « au nom du
G in ie w sk i a défini les juifs com m e Ce livre clair, intéressant à plus M aréchal Pétain, C h e f de l’É tat
é ta n t « les com plices de D ieu », d ’un titre , éclaire singulièrem ent français». N oël 1942: l’am iral de la
c ’est-à-dire les c oartisans d ’une les aspects d em eu rés assez m ys F lotte est assassiné. Qui a tué ce
création inachevée, où chaque térieux du judaïsm e. Un livre personnage énigm atique, dont la
homme participe à chaque m om ent. indispensable po u r qui s’intéresse puissance, à Vichy, était presque
C urieuse thèse. Il va plus loin 'à à ce genre de problèm e. égale à celle du m aréchal Pétain?
présent. Il en vient à se poser le C et ouvrage in téressera tous ceux Le jeu n e B onnier de la C hapelle,
problèm e de l’essence de cette qui ont lu notre encyclopédie Pla bien sûr. M ais p our quelle raison?
créa tio n : en quoi cela consiste- nè te : « Les G ra n d es questions On espérait de ce tém oin, Peter
t-il, p our l’hom m e, d ’être c réa te u r, juives», p a r N icolas Baudy. To m p kin s, des révélations. D ans
194
A lire
son livre il n’y en a aucune. furent cause d’un é ta t de m isère ESSAIS
A utant Tom pkins est précis, détaillé, constant. D e nom breux services
dans son récit de la « conspiration », publics s’arrêtèren t en m êm e temps. M ic h e l R a n d o m : Les puissances du
au tan t il est vague, allusif, gêné La stru c tu re politique, sociale et dedans (D enoël).
quand il aborde le problèm e capital adm inistrative de la cité fut sur Le 10 juin 1944, à Saint-L ô, parm i
des « responsables» de l’assassinat. le point de s’effondrer. C epen d an t, les blessés relevés dans les d é
Il est vrai que les événem ents à L éningrad, les au to rités com m u com bres, il y avait un écrivain
de c ette époque c o n ce rn en t plu nistes réussirent, en fait, non seu de tren te et un ans, l’a u te u r de
sieurs personnages connus — très lem ent à m ain ten ir l’o rdre et le « L e b o n h eu r des tristes» et de
connus — actuellem ent et on contrôle adm inistratif, mais à m obi « L’apprentissage de la ville»: Luc
conçoit que Peter T o m p k in s soit liser le peuple p our la défense D ietrich. Il m ourait le 12 a o û t.
dem euré très pru d en t, très discret. active et héroïque de la cité. P endant sa vie brève et vibrante,
D om m age! Il faudra c h erc h er du S 'appuyant sur une do cu m en tatio n Luc D ietrich aura connu et vécu
côté d’un au tre livre: « Le com te en grande partie inédite, Léon ju sq u ’au bout to u tes les tentations.
de P a ris » par J e a n B o u rd ie r (É di G o u re - M oscovite devenu A m é Ses contrad ictio n s l’auront conduit
tions de la T able R onde), c e r ricain — fait revivre de façon à se tro u v er m êlé à des aventures
taines clefs indispensables à la saisissante le siège de la cité condam nables, aussi bien q u ’à
com préhension de cet épisode héroïque. Son livre est d’autant devenir l’ami des personnages les
dram atique et énigm atique de la plus ém ouvant q u ’il évite toute plus curieux et les plus intelligents
Seconde G u e rre m ondiale. M ais la rhétorique, laissant les faits exprim er de c ette époque. Son talent d ’é cri
vérité, to u te la vérité, la connaî leur pro p re horreu r. C ’est une vain fut d écouvert par Jules Super
trons-nous un jo u r,) Certains indices, c ontribution très im portante à vielle. Il fut un com pagnon de Paul
certains d o cu m en ts nouveaux, l’histoire de la Seconde G u e rre Eluard. M ais su rto u t il fut l’am i de
certains tém oignages personnels, m ondiale, un m odèle du genre. Luc D urtain, le frère prodigue de
me p e rm e tte n t d’e sp érer q u ’il sera L anza del Vasto, et l’un des dis
possible — dans q uelques m ois — de A le xa n d e r K lu ge : Stalingrad, des ciples p référés de G urdjieff. D ans
faire to u te la lum ière. cription d'une bataille (G allim ard). la biographie m inutieuse q u ’il
Il s’agit d’un rom an. Il s’agit d’une consacre à D ietrich, dans l’analyse
Léon G o u re : Le siège de Leningrad histoire. Il s’agit d’un rom an d ocu de son aventure m étéorique et de
(Stock). m entaire où le réel et l’im aginaire sa pensée, M ichel R andom nous
J ’ignore si le général de G aulle a se c hevauchent e t sont si é tro i fait déco u v rir ces différents p e r
lu ce livre avant de se rendre, en tem ent m êlés que le lecteur finit sonnages qui m arq u è ren t p ro fo n
juin d ernier, dans l’ancienne cap i p ar les confondre. L 'historien n’y dém ent leur époque.
tale des tsars. Son goût pour la tro u v era pas son com pte. Et
stratégie l’a u ra c ertain e m e n t incité p o u rtan t l’au te u r, un A llem and de
à le lire, avant ou après; car ce livre 34 ans, s’est servi des com m uniques
est vraim ent « le» livre de la q u e s officiels, des articles de journaux,
tion, le m aître livre, celui auquel il des slogans de la propagande nazie
faudra sans cesse se ré fé re r quand po u r m o n tre r les faits, du 10
on voudra évoquer cet épisode novem bre 1942 au 2 février 1943.
extraordinaire de la Seconde G uerre Q u an t à l’atm osphère, c ’est une
m ondiale. réussite aussi grande que celle de
Du m ois d ’août 1941 au mois de T h eo d o r Pliever qui a traité du
janvier 1944, la ville de L éningrad m êm e sujet il y a quelques années.
fut assiégée 900 jotirs d u rant! Sans négliger les destins individuels,
V irtuellem ent e n cerclée, toutes Kluge donne une vue globale de
routes coupées, la grande cité fut c ette bataille, une des plus tra
exposée au feu co n stan t de l’artil giques — avec celle de V erdun — de
lerie allem ande et à de m eu rtriers l’histoire de la guerre.
bom bardem ents aériens. Le froid,
la fam ine, la m aladie et les pertes
du front firent des victim es par
centaines de mille (on parle de
9 0 0 0 0 0 m orts!). Une sévère disette
dans l’approvisionnem ent, le Luc Dietrich.
m anque d ’eau et de com bustible
195
Librairie
entendre
La révolution de Bayreuth
M U S IQ U E
196
A entendre
instrum ents so rten t com m e transfi çais a écrit en ronchonnant quelque
gurées, com m e effectivem ent issues chose com m e cela: B oule z s’est
d ’un univers surnaturel. trom pé en to u rn a n t le dos à la p ré
céd en te c onception de Parsifal,
Un chef digne de Parsifal œ uvre qui est une sorte de « messe »,
Ce F rançais a é té, donc, Pierre d ’« évangile » d o n t la passion dévo
Boulez. Il est âgé de q u a ran te ans, rante s’accom m ode mal de la
ce qui constitue un a u tre détail rigueur desséchante que le jeune
exceptionnel et e xorbitant, les chef lui impose ici. En fait, ce que le
chefs ayant p ré cé d em m en t accédé jo u rn aliste en question regrette,
au p upitre de Parsifal ayant été c ’est su rto u t la disparition d ’un
gén éralem en t plus âgés e t au c ertain p a th étiq u e sanglotant et
som m et de carrière s déjà presti baveux que l’on im prim ait p ré c é
gieuses. O r, P ierre B oulez n’a dem m ent à l’ouvrage, en lui
de rriè re lui q u ’une très brève d o n n an t la physionom ie convulsive
c arrière de chef, et si avant l’été d ’un dram e d ’am our com m e Tristan
1966 il était déjà relativem ent et Iseult. M ais célèbre-t-on une
populaire en A llem agne, c ’était m esse, lit-on un Évangile (fût-il
su rto u t com m e c om positeur à celui du dim anche des R am eaux),
scandale, com m e lead er de l’avant- en sanglotant et en se convulsant?
garde française et in ternationale, D ans l’optique saint-sulpicienne
m ais non com m e c h ef d ’orch estre Pierre Boulez: p e u t-ê tre , m ais non dans une
dans le rép erto ire traditionnel. il a dégermanisé Wagner. digne vision des textes et des faits
Bien plus: il y a une quinzaine sacrés!
d ’années, le jeu n e Boulez, alors
d ire c te u r de la m usique à la Le refus du romantisme
C om pagnie M adeleine R enaud - Le m érite, la sagesse de B oule z
Jean-L ouis B arrault, au T h éâ tre un c h ef digne de B ayreuth et de consistent p récisém ent dans le fait
M arigny, se m anifestait com m e un P arsifal; au vénérable K napperts- q u ’il a refusé de sacrifier à cette
c h ef d é b u ta n t très peu doué, et il busch-A m fortas, gardien du G raal esthétique p ost-rom antique du
lui arrivait d ’avoir des accidents depuis 1951 et m ort l’année d e r pathos facile, de l’effet extérieur,
non négligeables en conduisant nière, succède le jeu n e Boulez- du trém o lo et du vibrato dans la
d ’innocents interludes de m usique Parsifal. C ette form ule im agée et voix, p o u r rendre à l’œ uvre sa
de scène. Plus en co re : à c ette sym bolique en dit long p o u r tout gravité et son objectivité essen
é poque, sa position polém ique dans m élom ane au courant de la m ytho tielles. W a g n e r lui-m êm e é ta it le
le dom aine de l’esthétique m usi logie w agnérienne. p rem ier à re g re tte r (paradoxale
cale l’am enait à ten ir sur Part A insi approuvée et saluée avec m ent p o u r un co m p o siteu r de
w agnérien des propos assez secs enthousiasm e par l’ensem ble de la th éâ tre ) que P arsifal d û t être
qui, tout en reconnaissant ce q u ’il presse allem ande spécialisée et confié à des in terp rètes, c ’est-à-
y a de nov ateu r dans l’é critu re de p a r la plus grande p artie du public dire à des a cteu rs barbouillés de
Tristan et de Parsifal, soulignaient et des m usiciens, l’intervention de fard et déguisés, à des artistes
avec ju ste raison to u t ce q u ’il y a Pierre B ou le z dans ce dom aine dont le cabotinage personnel et
de « rom antism e boursouflé » dans trad itio n n ellem en t réservé se solde professionnel est to u jo u rs à re
la pensée artistique de l’hom m e de non seulem ent p a r une rem ise au do u ter; au m om ent m êm e où il la
B ayreuth. point de l’ouvrage sur le plan de m ontait p o u r la prem ière fois, il
Et le voici a u jo u rd ’hui grand p rêtre l’in te rp réta tio n p u rem en t m usicale, s’apercevait soudain du risque que
de l’art w agnérien! Q ue dis-je, m ais aussi p a r une révision de sa cela faisait courir à la dignité de
grand p rêtre? C ’est souverain pon signification m usicale, qui avait son œ uvre, et il re g re tta it que
tife q u ’il faut dire p our résum er été progressivem ent victim e d ’un celle-ci ne fût pas conçue sim ple
l’accueil fait à Pierre B ou le z p ar les certain déviationnism e. m ent en form e d ’orato rio scénique,
m usiciens du th éâtre et par l’u nani c ’est-à-dire en vue d ’une p résen
m ité de la presse m usicale alle La vraie fidélité à W agner tation m oins anecdotique, plus
m ande à l’issue de ce festival 1966. D ’abord un m ot au sujet de cette abstraite, plus objective, m oins
C ar l’opinion des critiques d ’outre- signification spirituelle. A la suite livrée aux initiatives de P« in te r
Rhin peut se co n d en ser dans la de la re p ré se n tatio n dirigée par p ré ta tio n » th éâ tra le ro m antique et
form ule suivante: on a enfin trouvé Pierre Boulez, un jo u rn aliste fran de ses inévitables excès. W
197
Musique
II convient m aintenant de faire aînés im m édiats ou nous-m êm es subtilités, et qui le débarrasse de
une a u tre o bservation: ce genre avons pu ap p récier). C ’est ce qui l’uniform e et m enaçante « sa u c e»
d ’excès (dont se sont rendus co u fait q u ’un critique m usical com m e te u to n n e , dans laquelle on le noyait
pables m êm e des artistes de très IL H. Stuckenschm idt a pu s'é c rie r volontiers a uparavant — et c ’est
grande classe), Pierre B ou le z ne les après la rep résen tatio n de Boulez: p récisém ent ainsi que Parsifal
a pas connus et n’en avait pas la « On a entendu là des nuances que perd sa physionom ie é tro ite de
m oindre idée avant de s’installer l’on n’avait plus enten d u es depuis rite germ anique p o u r rep ren d re sa
lui-m êm e au pu p itre p o u r conduire K arl M uck. » Et je puis perso n n el po rtée m orale universelle. Enfin, si
Parsifal, car il n’avait jam ais de sa lem ent tém oigner de l’analogie Pierre B ou le z p arvient à ces résul
vie eu l’occasion d ’assister à une q u ’il y a en tre la conception tats sp ectacu laires et bénéfiques,
représentation de cet ouvrage. objective, claire, tran sp are n te c ’est q u ’il ne conçoit pas l’ouvrage
Un chef-d'œuvre et pudique de Pierre B oulez et dans la lancée de l’éloquence
celle de R ichard Strauss qui avait b eethovenienne et d ’un flot de
n'est jam ais figé les m êm es p ré o cc u p atio n s et les a littéra tu re ro m antique chargé de
L acune inatten d u e dans la culture proclam ées à m aintes reprises. dé ch e ts déposés p a r les âges,
de q u e lq u ’un qui possède une cul La condam nation de B oulez au m ais q u ’il le conçoit à la lum ière
ture phénom énale, mais lacune qui, nom d ’une certaine et particulière de l’idée m oderne de phénom ène
en fait, a été un bien. B o u le z n’a tradition de fièvre et d ’agitation sonore, idée à laquelle il est venu
pas été ten té de suivre plus ou n ’est donc q u ’une sottise à courte grâce à sa connaissance de
m oins co nsciem m ent la tradition vue, une app réciatio n d ’h um eur Debussy, de S chônberg et de
en usage, il n’a pas été im pres qui n’ap p o rte rien de c o n stru ctif à W ebern. La littéra tu re poétique
sionné p a r ses im pératifs cou- l’affaire. En revanche, il sem ble et philosophique w agnérienne a
tum iers, et c ’est dans un état de plus c o n stru ctif d ’essayer de faire a u jo u rd ’hui, on le sait, perdu
virginité spirituelle, intellectuelle un rapide bilan de l’a ctif de cette beaucoup de ses vertus. Seul,
et m usicale absolue q u ’il a lu conception boulezienne de Parsifal. reste virulent le fait sonore wag-
l’ouvrage, q u ’il l’a com pris, et q u ’il Le prem ier point par lequel l’a tte n nérien. Et ce fait sonore pur
l’a réédifié p o u r nous. C ’est le tion de tout o b serv ateu r de bonne suffit à lui seul à exprim er to u te la
propre des chefs-d’œ uvre, on le foi est attiré est le suivant: la mise pensée, to u t le génie w agnériens.
sait, que de pouvoir être vus dans en scène de Parsifal p a r W ie la n d
des optiques différentes, voire W a g n e r existe sous sa form e Une réussite exceptionnelle
opposées, et de ne pas devoir être m oderne actuelle depuis 1951. C eci n’est pas une d écouverte
em prisonnés dans des schém as C ’est la prem ière fois q u ’un c h ef a récen te. C ’est une chose que
figés, voire dans de m auvaises habi conçu l’in te rp réta tio n m usicale tout w agnérien sait parfaitem ent
tudes, l’adm irable Pe llé as et M é li- dans un esprit corresp o n d an t, depuis q u a ran te ans. M ais c ’est le
sa n d e de Karajan est tout différent esprit qui est o rienté vers la for m érite de Pierre B oule z de l’avoir
de celui d ’Inghelbrecht. Le style m ule de l’o rato ire scénique. m atérialisée par son interp rétatio n
d ’aucun c hef-d’œ uvre n’est fixé m usicale. Il convient de s’en
p our l’éte rn ité . N ous savons bien Un regard neuf réjouir et de l’en féliciter en
q u ’a u jo u rd ’hui les in te rp réta tio n s Le second point nous m ontre soulignant c ette réussite excep
de B a ch et de B ee th o ve n n ’ont Pierre Boulez re ch e rch a n t la signi tionnelle, dont la critique alle
que peu de rap p o rts avec ce fication g énérale et universelle de m ande s’est égalem ent réjouie en
q u ’é ta ien t celles des a u teu rs eux- Parsifal, çn quelque sorte sa no tan t « l’union du m odernism e
m êm es. Et, s’agissant de W a gn e r, m orale supérieure, sa physionom ie français et de l’héritage litu r
nous savons encore m ieux q u ’avant philosophique proche de La flûte gique w agnérien», et en s’é crian t:
la trad itio n sanglotante co n tre enchantée, et p a r c onséquent p ro « H iératism e sans grandiloquence,
laquelle Pierre B ou le z s’est instinc céd an t à une dégerm anisation de hum anité chaude qui n’est jam ais
tivem ent élevé (celle de la g é n é l’œ uvre. C ette nécessaire dégerm a sentim entalité, une fois de plus,
ration d ’un Fu rtw ae n g le r par nisation s’effectue ici par des après le Prince de H o m b o u rg de
exem ple — mais qui ne fut pas, m oyens exclusivem ent m usicaux: Je a n Vilar, c’est un F rançais qui
elle, très belle - , d ’un K n ap pe rts- abolition du pathos sentim ental nous apprend à voir, à e ntendre et
busch), il en existait une autre rom antique, et lecture de la p a r à co m p ren d re dans une optique
to u te d ifférente, plus objective, et tition en pleine lum ière, lecture renouvelée une des plus grandes
plus proche aussi de la tradition que ne sollicite pas le texte, œ uvres de notre culture. »
originale dont nous avons des m ais qui rétablit celui-ci dans sa Il n’y a guère à ajo u ter à de tels
repères précis (celle des Karl M u c k pu reté originelle, avec ses nuances, tém oignages.
et des R ich ard S tr a u s s que nos ses équilibres, ses couleuis, ses Claude Rostand.
19 8
A entendre
C IN ÉM A Le cinéma,
est-ce que cela existe?
A y a n t b e a u c o u p , to u te m a vie, parlé d e lui, il fallait bien q u ’un C ’est alors que je l’ai aperçu. Il
j o u r c e tte q u e stio n m e fût p o sé e , et de p ré f é r e n c e p a r moi. Le seul avait seize ans, environ, Japonais
enn ui, d a n s ce cas, c ’est q u ’il a p p a r t ie n d r a it à moi, et à moi plus long et plus fibreux que la
seul, de fo u rn ir la ré p o n s e . O r s’il m ’est arrivé de cro ire, parfois, m oyenne de sa race, le d é h an
ch em en t c aractéristiq u e des afi
q u e j ’étais d o u é p o u r les qu estio n s, les rép o n s es, en re v a n c h e ,
cionados du base-bail, la visière
n ’o n t ja m a is été m o n fort. A lo rs je c h e r c h e , et d e pu is lo n g tem p s, de la casq u ette en bec de canard.
et un peu p a rto u t. C om m e les autres, avec la m êm e
application et sans do u te le m êm e
La plus courte des tragédies nam bules, une foule avance, im poids au creux de l’estom ac, il
Un jo u r je me trouvais à H iro pressionnée ju sq u ’à ne pouvoir regardait les tém oignages terribles.
shim a, c o q u ette p etite bourgade, pas, le m om ent venu, tro u v er la M ais, sur son estom ac ju stem e n t,
au Japon. 11 y a là, dans une sorte consolation d ’une larm e. On ne insolite, m onstrueuse m êm e, a b er
de jardin public qui ressem ble à un pleure plus, à H iroshim a: on y a rante au m ilieu des souvenirs de
Hyde Park d ont les bosquets tro p p leuré, une fois p o u r toutes, c ette m atinée a tro ce du mois
auraien t été rem placés p a r des et ju sq u ’à la fin des m ondes. Une d ’août 45, énorm e parm i la blan
flam m es sacrées, un grand b âti foule donc grim pait les m arches de ch eu r du T -shirt, une inscription:
m ent d ’allure futuriste, d ’un seul cim ent du M usée atom ique. E ntrée: « Ja m es B ond 007». J ’ai vu bien
étage surélevé, ju ch é sur un pilotis q u a ran te yens. E nfants: dem i-tarif. des choses étranges, au cours de
de béton. D evant, une fem m e T out de suite, sur le pan gauche du ma vie vagabonde; m ais je n 'o u
vend des cartes postales qui m ur, des photos nous a p p ré blierai jam ais ces quelques lettres,
ra co n ten t la tragédie de la ville, hendent. D es po rtraits, de ras signes de la gloire et de l’absurdité
la plus c o u rte de to u tes les tra surants p o rtraits de savants: Ferm i, d ’un héros à deux sous, entré
g é d ie s— 1 /1 0 0 de seconde, pas de E instein, O p p en h eim er aux yeux de com m e en fraude dans l’en fer de la
loisir p o u r les c h œ u rs — et la plus cristal, cent au tres — im ages plus au th en tiq u e tragédie.
longue aussi, puisqu’elle- a d é so r d ’hom m es intelligents aux fronts
mais p our d u ré e l’éte rn ité . Elle a, profonds. C om m ent ne pas s’a b an Cherchons
cette petite vendeuse de souvenirs d o n n e r à eux en to u te sérénité? ailleurs autre chose
qui ressem ble à une pom m e ridée, M ais notre univers est ainsi fait Un instant, p our prolonger cette
elle a sur les bras d ’étranges cica que rien, souvent, n’est plus d a n danse insensée de 007 à travers le
trices. C ar c ’est sa presque m ort gereux p o u r lui que le regard d ’un m onde, j ’im aginais les trois chiffres
q u ’elle offre aux touristes; et hom m e trop intelligent. D ans cet fatidiques déjà incrustés sur nos
l’image de ce dos déchiré h o rri abîm e du regard, en effet, invisible chaussures, nos porte-clefs, nos
blem ent, à l’intérieur d ’une pochette de nous, il y a la form ule d ’où faux gilets pare-balles, nos verres à
en c o u leu r (dix vues différentes naîtra la bom be atom ique. Le whisky, ornant le front des généraux
pour trois cents yens), c ’est l’im age grand hall, c ’est tout de suite révolutionnaires d ’A frique, des
du dos de son m ari. après. Et c’est à p a rtir de là que c osm onautes de la planète M ars,
T elle est la vie q u otidienne, à l’h o rre u r nous je tte en vrac au voire, à R om e, sur le tom beau de
H iroshim a. A une allure de som visage to u tes ses cartes d ’identité. saint Pierre, le jo u r de la béné- r r -
199
Cinéma
diction apostolique de l’A m icale Et la c h aleu r là-dessus, pour m ieux m ation. M ais déjà d ’au tres m ili
des agents secrets. p o u rrir le to u t, du m atin au soir, taires s’é taien t em parés de l’es
Serait-ce donc cela — puisqu’il com m e une chape de plom b sur les trad e. A lors c o m m en cèren t les
s’agit de lui — finalem ent, le ciném a? épaules d ’un pays qui n’a plus, discours. Un tra d u c te u r bénévole
Ce serait tro p bête. Il doit y avoir p o u r é ch a p p er au fléau, que la res s’étant mis à ma disposition, j ’appris
une solution. C herchons ailleurs. source de re n tre r sous te rre en avec in té rêt q u ’il y était question
e sp éran t que personne ne viendra de la guerre avec la M alaisie, du
Rien que des mensonges p a r m égarde ou non reco u v rir de redressem ent économ ique, des
N ous voici donc à D jak arta. P ar la sable le secret illusoire de cette traîtres com m unistes qui seraient
fenêtre de m on hôtel, ce m atin-là, fragile c ac h ette. punis dès q u ’on au rait fini de les
je voyais l’Indonésie jo u e r à faire C ’est alors que je dem andai si égorger, et d ’autres sujets du m êm e
la révolution c o n tre la révolution. l’on p ouvait tro u v er un ciném a. ordre. Une heure et dem ie plus
Inextricable fouillis de cyclo D ’abord, on me reg ard a com m e si tard , le film pouvait com m encer.
pousses aux couleurs vives, j ’avais dem andé la lune. D es cin é Il s’agissait d ’un ouvrage am éri
échoppes am bulantes où l’on vend mas, p o u rtan t, il y en avait bien un cain dont le titre — « A ccusé de
des boissons roses; coiffeurs en plein ou deux dans D jak arta, capitale m eu rtre» — faisait un peu rêver
vent a cc ro ch a n t aux rares arbres de quelque q uatre m illions d ’h a dans le m ilieu où nous nous
de re n co n tre, com m e une p ré bitants. Sur leurs affiches bariolées, trouvions.
cieuse toile de m aître, un m orceau une grosse dam e trop m aquillée, Ce que ra co n tait ce film, je ne
de m iroir fendillé, signe à la fois chinoise ou thaïlandaise, ouvre des saurais tro p le dire, é ta n t donné
de leur capital social et de leur yeux, de carpe farcie vers un que toutes les scènes d’am our et
qualification professionnelle; tas seigneur en heaum e d ’acier et ju g u de violence avaient été coupées
d ’o rdures où des enfants et des laire brillante. Il n’est d ’ailleurs pa r une censure sourcilleuse et
vieillards fouillaient à pleines mains pas question, p our un O ccidental, que, d’ailleurs, les bobines n’étaient
à la co n q u ête d ’un reliquat de d ’y p é n é tre r: depuis le m atin, des pas projetées dans le bon ordre.
graisse, d ’une épluchure que les foules grouillantes en ob stru en t D e to u te m anière, je n’eus m êm e
dents d ’a u tres affam és n ’au raien t l’en tré e, dans l’espoir d ’y être pas le tem ps de me faire une
pas to u t à fait rongée ju sq u ’à la adm ises, m angeant sur place p o u r opinion plus précise, à cause du
dern ière nervure de l’éco rce. C ’est ne pas p erd re leur to u r, y dorm an t couvre-feu im p ératif de onze
cela, aussi, un coup d ’É ta t: cette m êm e. C ’est à ce m om ent q u ’un heures: dès dix heures tren te, la
panique supplém entaire du ventre, petit com m uniqué m ’apprit que séance é ta it in terro m p u e et la
c ette e sp éran ce sans la lueur mon hôtel, possédant des res salle se rallum ait. L’héroïne, pan-
d ’espoir dans l’œ il, un peu en sources d ’un raffinem ent peu tçla n te , en é ta it de to u te évidence
arrière de la pupille. D es enfants, com m un, c o m p o rtait une salle de à une crise de conscience p a rti
quand m êm e, les pieds nus, une ciném a équipée des p e rfe c tio n culièrem ent aiguë. Un instant, sur
épingle to rd u e au bout d ’un fil, nem ents les plus m odernes - le l’écran , son im age avait essayé de
jo u a ie n t à p ê ch e r D ieu sait quoi seul ennui é ta n t q u ’on n’y p ré lu tte r avec le faux jo u r de la
dans le canal de boue m arron qui sentait jam ais de films. J ’avais lum ière é lectriq u e. Puis elle avait
traverse la ville et qui sert à la donc pris m on m al en patience disparu dans un grand borborygm e
fois d’égout, de piscine, de laverie, lorsqu’un m atin fut faite une d ’appareils de p rojection à bout de
de salle de bains et, éventuellem ent, a n n o n ce: une séance était prévue course.
de cim etière aux cadavres sans po u r le soir m êm e. Prix des places D ehors, la rue était noire et les
sép u ltu re de la m isère ou de la p orté à trois ou qu atre fois le rares autos circ u la ien t à feux
répression politique. T out cela ne salaire d ’un Indonésien m oyen. réduits. Le je t d ’eau, sur la place,
se raco n te pas dans les journaux. C om m ent hésiter devant une disparut dans la p ro fo n d eu r du
pareille aubaine? Le soir donc, bassin où, le m atin, les enfants
Un cinéma pour cravaté com m e on ne l’est plus ici jo u aie n t à la pêche m iraculeuse.
quatre millions d'habitants depuis la fin de l’o ccupation hollan La m êm e sentinelle m aladroite du
M ais, la veille en co re, on m e citait daise, je rem ettais une pleine début de la séance, de nouveau, fit
les m orts de la d ern ière ém eu te: valise de roupies à la caissière to m b e r son arm e sur le carrelage.
trois p our cent de la population de en costum e de cérém onie. M ais, c ette fois, ce n’était plus du
Bali. Bali... voyez les affiches de la Un groupe de m ilitaires me p ré ciném a. A lors, ce ciném a in tro u
p ropagande to u ristiq u e : danseuses cédait, l’arm e provocante. D errière, vable, où donc le découvrir? Il
aux m ains souples com m e de une sentinelle laissa to m b e r sa paraît q u ’à Paris l’on p ro jette aussi
vivantes lianes, art m illénaire de m itraillette, ce qui nous valut dans des films. Il faudra que j ’aille voir...
la b e au té: rien que des m ensonges! la salle un plaisant m om ent d ’ani François Chalais.
200
A voir
T É LÉ V ISIO N WÊÊÊ Le Golem :
une dramatique en stéréophonie
A daptation: Louis Pauwels et naïf, dès l’instant qu’on place on a pu adm irer déjà certains dessins
Réalisation: Jean K erchbron l’accen t sur la fabrication des dans Planète, ainsi que la co u v er
m onstres qui en constitue le noyau ture et les frontispices q u ’il fit des
D écor: Jean Gourm elin C h e fs-d 'œ u v re de l'é p o u v a n te l .
historique. Le G olem , en effet,
D urée: 2 heures était un hom m e artificiel qu’un 11 en est résulté une a rch ite c tu re
Budget: 1 million rabbin avait tiré de la terre en lui im aginaire qui, certes, évoque
plaçant une form ule m agique en tre l’E urope centrale m ais une E u
In terro m p o n s notre en q u ête sur les dents. Elle le changeait en un rope cen trale de l’âm e plus que de
les ém issions scientifiques pour être à dem i conscient qui sonnait la réalité et qui se m êlerait, grâce
p arler d’un événem ent d ’une au tre les cloches, vidait les seaux, ba à ses labyrinthes, à sa cathédrale
natu re qui se p ro d u ira sans doute layait. Le rabbin, ayant oublié baroque, à ses hôtels ultra-m o
à l’époque où p a raîtro n t ces lignes. une nuit de re tire r la form ule dernes, à ses parcs grillagés et à ses
É vénem ent p o u r Planète puisqu’il d ’e n tre les d ents de son robot, châteaux pagodes, aux fantaisies
s’agit d’une œ uvre à la réalisation celui-ci s’éch a p p a dans la ville en oniriques d’un Piranèse, d ’un Del-
de laquelle ont travaillé Louis cassant tout. M ais, parvenant à le vaux, voire du R esnais de M a rie n -
Pauw els et Jean K erchbron. Évé ra ttra p e r et retiran t son m ot, le bad. Bref, et la m usique de Jean
nem ent po u r la T élévision elle- rabbin vida par là m êm e sa c ré a W iener, toute expression sonore
m êm e, l’œ uvre en question étant ture de la vie qu’il lui avait insufflée. des déch irem en ts et des cris du
par son budget (cent m illions Tel est le noyau légendaire, sur cœ ur, y co n trib u an t p our sa part,
d ’anciens francs) et par ses possi lequel G ustave M eyrink a greffé Jean K erchbron est parvenu, par
bilités de p résen tatio n en sté ré o toute une histoire d ’e rre u r ju d i son d é co r visuel et sonore, à sug
phonie la plus im portante e n tre ciaire et de dédo u b lem en t de la gérer ce « ch âteau de l’âm e »
prise depuis les Perses, la p rem ière personnalité, où l’on voit les pos dont T hérèse d ’Avila trouva la
aussi d ont l’am bition est de res sibilités d ’effets faciles. som ptueuse expression. Il m ’a
titu e r au p etit écran un certain déclaré, d ’au tre part, avoir tenté,
fantastique de l’âm e, le ciném a Trois plans de compréhension par une rech erch e stéréophonique
m êm e de la vie intérieure. Le titre Ces effets faciles, L ouis Pauwels 1. C o lle c tio n d e l’A n th o lo g ie P lan ète.
en est le G olem , a d ap té du rom an et Jean K erchbron les ont dédaignés,
célèbre de G ustave M eyrink. au point q u ’il paraît bien inadéquat
de p arler d’une « a d a p ta tio n » de
La légende du Golem l’œ uvre de M eyrink. N on seu
Le G olem , on le sait, est une vieille lem ent les dialogues sont loin du
légende d’E urope cen trale et ce texte original m ais l’œ uvre a été
n’est pas la prem ière fois q u ’on vidée de ce pittoresque auquel
en porte le thèm e à l’écran. D éjà, un certain rom antism e allem and
en 1914 puis en 1921, Paul W egener, nous a trop habitués, de son aspect
le célèbre a c te u r dram atique alle « gargouille», a u tan t qu’elle a été
m and, élève de M ax R einhardt, en tirée du g hetto où elle se situait
avait été l’in te rp rète dans une p o u r ê tre actualisée et universa
réalisation de H endrik G aleen. lisée. Il est frappant, à ce propos,
M ais le style expressionniste y que Jean K erchbron n’ait pas cru
dem eurait lié à un fantastique nécessaire de se ren d re à Prague,
d ’épouvante, extérieur et naïf, qui où le rom an de M eyrink se situe,
laissait en friche la valeur spiri afin de ne pas s’e n co m b rer p réci
tuelle d’un récit allant bien au-delà sém ent de rém iniscences histo
des frissons de te rre u r q u ’il est riques ou pseudo-réalistes et de
susceptible de provoquer. Ce récit, laisser libre cours à l’imagination.
il est vrai, peut aisém ent do n n er Il a été servi m agnifiquem ent, en
lieu à pareil fantastique extérieur cela, par Jean G ourm elin, dont
201
Télévision
à l’opposé de celle des Perses, film m étaphysique, d 'u n e des rares une pensée m éditante faisant appa
de placer le sp e c ta te u r au cen tre œ uvres de l’écran qui soient de raître com m e m onde l’image inté
du dialogue et de telle façon que l’ordre de la vie spirituelle. Tous les rieure. » A vrai dire, c ette tension
les sources sonores puissent con paysages, tous les décors, tous les perm an en te est bien brisée parfois,
trib u e r au devinem ent des trois personnages y ont été conçus tels m ais jam ais par la d é te n te par le
plans c oncentriques sur lesquels les signes d ’accom plissem ent d’un bas, toujours vers le haut, ou par
l’œ uvre se déroule, ainsi que l'E n fe r être en q uête de lui-m êm e. T out un paroxysm e qui, jusque dans
de D an te: un plan réaliste, celui ce qui arrive, arrive en réalité à l’h o rreu r, d écharge l’âm e ainsi
d ’une e rre u r ju d iciaire, un plan l’in térieu r d ’un seul être. C ’est q u ’un spasm e orgastique. La
philosophique, celui d’un hom m e le ciném a de la vie intérieure. » brusque apparition du G o le m dans
à la rech erch e de sa p ersonnalité, Pareille am bition ne dépasse-t-elle la cham bre hexagonale et sa fuite
un plan ésotérique, celui d ’une pas les possibilités du p etit écran? dans la rue sous les quolibets de la
initiation. Pour Jean K erchbron, Ce public quasi total qui est celui foule c o rresp o n d en t à un de ces p a
dont on se souviendra q u ’il réalisa de la télévision va-t-il suivre les roxysm es e t de ces spasm es. Si
B rita n n ic u s et le R o i Lear, l’e n tre réalisateurs dans leurs intentions? d u re que soit la tension dont j ’ai
prise ne c o rrespond pas seulem ent Pour Jean K erchbron, pas de doute, parlé, elle ne se transform e à nul
à quelque chose de to u t à fait neuf le G o le m est « g ra n d public» dans instant en ennui. Un m om ent,
par ra p p o rt à to u t ce qui fut p ré la m esure m êm e où il aide chacun j ’ai crain t que l’œ uvre n’allât choir
senté ju sq u ’ici au p etit écran, mais à rép o n d re aux questions les plus dans la surcharge, voire le ridicule:
aussi à un aboutissem ent de sa profondes de son destin. Louis lorsque sur le g rabat de sa cellule,
propre carrière. « J ’y ai mis tout Pauw els qui, par ailleurs, s’expli ce crim inel de L aponder fait en
ce que je savais», m 'a-t-il confié, q u e ra dans une présentation de ten d re dans son som m eil de gros
avouant d ’au tre p art q u ’avec les l'œ u v re, me dit q u ’à aucun instant hom m e, la voix de la délicate
acteurs et ses cam arades de travail, il n 'a pensé au public en tan t que M yriam . Eh bien non! on dem eure
il s’est senti sans cesse concerné, m asse. « M ais plus je descendais sur un fil d ’épée, m ais c’est un des
habité par l’œ uvre, ayant eu le sen au fond de moi, plus j ’avais le sen m om ents les plus insolites, les plus
tim ent d’ê tre en traîné très loin à tim ent de to u ch e r c ette m asse en le m agiques du ciném a. Le texte est
la suite d ’un hom m e qui, sans cesse, lieu souterrain où nous avons tous pour une bonne p a rt cause de pa
se pose la question : « Q ui suis-je? » nos racines. Il n’est pas nécessaire reille réussite: il ne surprend jam ais,
que tout le m onde com prenne tout en faisant toujours rêver.
Quatre ans de préparation to u tes les intentions du G olem . A m bigu com m e un fruit m ûr, il
Le Golem , de Pauwels et K erchbron, Il suffit que l’inconscient de chacun c orrespond à l’am biguïté fonda
plus q u ’une adaptation de rom an, capte les im ages fortes de l’œ uvre m entale du m essage que Pauwels
peut et doit donc être considéré, qui agiront en lui. L’hypnose du et K erchbron ont voulu délivrer
pour une large part, telle une œuvre p etit écran agit sur le plus profond par le G o le m : « H eureux ceux qui
personnelle et originale. 11 n’est pas, com m e sur le plus superficiel. » ont com pris que la loi du m onde
à ce propos, sans intérêt de savoir in té rieu r est la m êm e que celle du
qu ’il est le fruit d ’un travail et Un texte de méditation m onde extérieur, m ais une octave
d ’une m éditation de près de q u a tre J ’en puis a tte ster : le G o le m est une au-dessus. » C ’est pourquoi il est
ans. Pour Louis Pauwels, le G olem œ uvre hypnotique. Les acteurs eux- dit: « H eureux l’hom m e qui perd
est lié de to u te évidence à la m êm es y ont jo u é sous l’envoû la tête, il la retro u v e ra au ciel. »
rech erch e spirituelle q u ’il en trep rit tem en t et évoluent dans une sorte Et en co re : « C elu i qui s’est une
autrefois avec G urdjieff et à celle de clim at hallucinatoire qui leur fois éveillé, il voit le choix devant
qui, a u jo u rd ’hui, l’engage le plus a perm is de véritables p e rfo r lui et ne peut plus choisir. Il est
p rofondém ent. « J ’ai travaillé à ce m ances. C ertains trouveront, peut- sur un seul chem in.'» Il fallait
film, m ’a-t-il dit, ainsi q u ’à une ê tre, insupportable la tension qui, beaucoup de courage p our p o rter
œ uvre pleinem ent personnelle, trou d u ran t deux heures pleines, ne se pareil thèm e au petit écran. Ce
vant d an s M eyrink l’o ccasion relâche à aucun m om ent. Rien courage a été récom pensé par une
d ’exprim er ce que, depuis long d ’analogue, par exem ple, à cette œ uvre puissante, insolite, sobre,
tem ps, j ’avais envie de dire. C ’est, opposition de tem ps forts et de aux im ages som ptueuses, éclairant
pour moi, l’histoire d 'u n e âm e, tem ps faibles qui, dans les tragé d'u n e lum ière parfois cruelle les
aux significations m ultiples et qui dies de Shakespeare, fait relayer souterrains de l’âm e m ais dont je
po u rrait illustrer ce propos de l’h o rreu r par le grotesque. « M on ne crains pas de dire qu’il s’agit
R ivière: « Il n’arrive pas à un texte est un texte de m éditation d ’une des plus belles que la télé
hom m e ce q u ’il m érite, m ais ce qui c ontinue, me dit Pauw els. J ’ai tenté vision ait présentées.
lui ressem ble.» Il s’agit bien d’un de m aintenir p en d an t deux heures Raym ond de Becker.
202
A voir
B E A U X -A R T S Paris, capitale de l'art nègre
Malraux: « Nous sentons ces œuvres de la même façon.»
P e n d a n t to u t l’été 1966 1 Paris a u r a jo u é le rôle d ’un forum m o nd ial et m ilitaire (panneaux de Foum ban);
de l’a rt nègre. Le G r a n d Palais a abrité en effet la m o n u m e n ta l e organisation sociale, économ ique
exp ositio n p r é s e n té e en avril d e r n i e r au m usée d y n a m iq u e de et financière (« récad es» , bâtons de
D a k a r. E n tre p rise g ra n d io se mais d é lic a te , et qui pose d ’e m b lé e co m m an d em en t des p rin c e s
d ’A bom ey; poids d ’or baoulé ou
le p ro b lè m e du plan d ir e c te u r .
ashanti). Q uelle que soit la valeur
A D akar, l’exposition faisait p artie sa présen ce, les plus p roches aussi d ’inform ation des objets livrés à
intégrante du Festival m o n dial des du « berceau » com m un de l’expres notre curiosité, il pèse évidem m ent
arts nè gre s et se reliait organi sivité hum aine. Elle nous présente sur eux une atm osphère d ésacrali
q uem ent à l’ensem ble des m anifes un racco u rci saisissant de l’art afri sante. L’art nègre, a rrach é au
tations organisées à cette occasion : cain à travers les siècles que l’on sacré, n’apparaît plus là que comm e
un « C olloque sur les arts nègres dit obscurs et qui virent surgir le un phénom ène de langage, « la
dans la vie des peuples et p o u r le langage universel de l’a rt: fresques seule écriture en usage dans l’en
peuple» en avait défini l’esprit. rupestres du Tassili, ex tra o rd i sem ble de l’A frique n o ir e » 2. M ais
Elle était com plétée et illustrée par naires tém oins de la p réhistoire l'eth n o g rap h ie scientifique est im
un program m e de sp ectacles afri saharienne; têtes en terre cuite de puissante à évoquer l’intégrité du rm~
cains reflétant, dans sa dim ension la civilisation de N ok en N igeria 1. Du 15 ju in à la fin du m ois d ’ao û t.
la plus expressive, la « négritude » (500 avant J.-C .) auxquelles l’é ro 2. R .P. E n g e lb ert M ’V eng, S .J., p ré fa c e du
c a ta lo g u e.
chère au président Léopold Senghor. sion des âges donne de curieux
E ncadrée par ces deux chapitres traits p récolom biens ou Jom on;
culturels une telle m anifestation bronzes d 'ifé hellénisants; figurines
pren ait son vrai sens. A Paris où tchadiennes fantastiques et ba
il n’était pas question de ré p é te r le roques; bronzes préaxoum ites
colloque ni les spectacles, l’épreuve d ’E thiopie rappelant par leurs
était redoutable. L’itinéraire devait e n trelacs ajourés l’orn em en tatio n
se suffire à lui-m êm e: le parcours irlandaise.
du G ran d Palais, par ses déga A près la dim ension d ’universalité,
gem ents, ses envolées et ses stases celle de la diversité. La diversité
thém atiques est une réussite de la de l’a rt nègre correspond à la
m uséographie m oderne. diversité géographique de l’Afrique.
Le plan directeu r, hérité de D akar, La seconde partie de l’exposition le
divise l’exposition en un Prélude et souligne à dessein, dans un am ple
cinq parties: D im ension historique, p anoram a de 300 œ uvres qui nous
D im ension géographique, les A s conduit du H aut-N iger à l’E thiopie
pects de la vie, le M essage de l’art et à l’A frique du Sud. T ous les
nègre, D ialogue avec le m onde. principanx styles des tribus et des
Le prélude ouvre l’exposition par ethnies noires y sont rép erto riés
une sélection de pièces de grande et rep résen tés p a r des spécim ens
b eau té: il se veut le florilège des choisis dans les m usées ou les
grands styles de l’A frique noire, collections privées du m onde entier.
l’anthologie de son classicism e, des C ertain es pièces de la troisièm e
D ogon aux B aluba du K asaï en section, A spects de la vie, p o u r
passant par le Bénin. raient faire double em ploi avec les
d ocu m en ts p ré cé d en ts si l’accent
La diversité de l'Afrique noire n’avait été p orté sur les activités
D im ension historique: la prem ière spécifiques de la vie africaine: vie
p artie de l’exposition est consacrée religieuse (rites funéraires, c éré
aux tém oignages de l’art nègre, aux m onies d ’initiation, thaum aturgie Une sélection de pièces
m anifestations les plus reculées de et culte des ancêtres), vie politique de grande beauté.
203
Beaux-arts
contexte originel. T out au plus nifestation D akar-P aris un vieux p o rte bien plus encore — le grand
peut-elle en rendre quelques bribes rêve de jeunesse. Le président de public s’est vu offrir l’occasion de
éparses auxquelles il m anque l’e n la R épublique du Sénégal p rête à se fam iliariser avec la diversité et
vironnem ent, la vie de la tribu, la M a lra u x la réflexion suivante, dont la richesse d ’un langage, avec les
palabre des chefs, le roulem ent des il lui fit part à la suite de la visite valeurs de perm anence d ’une cul
tam -tam s, la transe de la fête et inaugurale de l’exposition d a k a ture qui a résisté à to u tes les occul
l’hystérie de la danse. roise: « Au fond, ces œ uvres d ’art, tations p o u r venir il y a cinquante
vous les sentez com m e je les sens, ans insuffler à la sensibilité de
Un message d'universalité com m e nous les sentons, nous P O ccident des forces neuves et une
Le d e rn ie r ch apitre de l’exposition a u tres Français. » C ette com m u intuition cosm ique.
en est aussi la culm inance: le D ia nauté du sentim ent, c ette p ro
logue avec le m onde. Il tém oigne pension à l’universalité du langage Ces m anifestations parisiennes sont
de l’ex trao rd in aire vitalité de l’art affectif, telle est la leçon à tire r venues à tem ps, à une époque où
africain en d épit des cruelles hnti- d ’un événem ent qui prend l’allure l’art occidental s’enracine à nou
nom ies de l’histoire, ses pro lo n d ’un bilan et d ’un échange spirituel. veau au c œ u r du réel, poétisan t la
gem ents, ses contacts, ses influences. vie quotidienne et l’o bjet de série.
Il illustre la réalité hum aine de la Les insondables profondeurs Sans le rayonnem ent spirituel des
culture nègre, les liens intim es qui du souffle primordial m asques et des fétiches, des
l’unissent à l’art universel. C om C ’est aussi la raison du « coup de «assem blages» nègres, existerait-il
m ent ne pas rêver devant les crucifix foudre» ressenti p a r M a x -P o l Fou- au jo u rd ’hui des « archéologues» du
en laiton de l’A ngola, introduits c h e t: « D ’un tel ensem ble d ’œ uvres réel sociologique, des A rm an , des
p a r les m issio n n a ire s dès le sans d oute se p récisera l’art véri Spoerri, des C hristo, des Va n H o e y-
xvi' siècle et devenus aussitôt, à table de l’A frique... A rt du m onu do n ck ou des T in g u é ly ? D es R au s-
travers leurs m ultiples re p ro d u c m ental, sans em phase. A rt de ch e nb e rg ou des O ld e n b u rg ? Les
tions, les insignes d ’a u to rité des silence. D ’évidence... A rt qui nous program m ations des groupes de
chefs coutum iers du B as-Congo! entraîne, pour reprendre des term es recherche d 'a rt v isue l et d’une m a
R em ontons dans le tem ps, bien au- de Klee, vers les insondables p ro nière générale les fonctions ludiques
delà de l’art afro-portugais: l’arl fondeurs du souffle prim ordial et de l’art actuel ne puisent-elles pas
de M éroé dans la Basse-N ubie loin de se b o rn e r à la copie du leurs sources dans les rituels im m é
constitu e, à l’époque des Ptolé- visible, y annexe la part de l’invi m oriaux de la p articipation et de la
m ées et des C ésars, une é to n n an te sible ap erçu e o c c u lte m e n t4. » co m m unication tribales, d o n t elles
synthèse d ’apports égyptiens, hellé C ette exposition a trouvé son c o n stitu e n t la v ariante m oderne,
nistiques et soudanais. R evenons com p lém en t dans une série de industrielle et urbaine? L’art nègre,
à l’a c tu alité : la confro n tatio n entre m anifestations privées organisées s’il a rarem en t figuré ses dieux, a
l’a rt nègre trad itio n n el et les p a r les divers spécialistes du genre, toujours exprim é leur présence:
œ uvres issues de la fam ille spiri y com pris les Pè re s B la n c s des dans un m onde où la vie tém oigne
tuelle du cubism e dans l’art o cci M i s s i o n s 5, et su rto u t p a r le re m a r de l’unité organique du cosm os, il
den tal con tem p o rain s’avère riche quable choix d ’objets faisant partie n’y a pas de beauté sans ce réa
de sens m algré le nom bre réduit de la co llection T ishm an, présenté lisme prim aire, essentiel et profond.
des « accents » ainsi so u lig n és3. au M usée de l’H om m e d ’avril à Pierre Restany.
La déco u v erte du m essage de l’art o c to b re 1966. Paris, qui fut à l’o ri
nègre p a r les ethnologues du début gine du rayonnem ent m ondial de
du siècle, puis p a r les cubistes cet art, peut s’estim er com blé. Les
parisiens d ’avant 1914 atteste l’avè am ateu rs et les spécialistes auront
nem ent en E urope d ’une sensibilité été satisfaits. M ais — ce qui im-
nouvelle. La présence d ’un Léger, 3. C ’est là où le b ât b lesse. D e K lee à
d ’un P ica sso , d ’un M o d ig lia n i et du D u b u ffe t p a r e x e m p le , les o rg an isa te u rs
au ra ie n t pu m u ltip lie r les « r e n c o n tr e s » . Ils
post-cubiste A tla n se justifie d ’elle- o n t o p té p o u r u n p a rti p ris e x trê m e m e n t
m êm e. Ces œ uvres m odernes sont lim itatif. O n est en d ro it de le re g re tte r.
à leur place dans un m onde m arqué T o u t c o m m e les c o n sid é ratio n s p o litiq u e s qui
o n t c o n d u it à é c a r te r c e rta in s É ta ts d ire c
depuis toujoiirs du sigle d ’un hu m a te m e n t in té ressé s (P o rtu g a l, G u in é e , A friq u e
nisme fondam ental, incarnation de du Sud) et à se p a sse r de le u r c o n trib u tio n
tec h n iq u e officielle. D e rn ie r r e g re t: l’ab sen ce
l’incessant trio m p h e de la vie sur d e q u e lq u e s rep è re s in d icatifs de l’a u tre
la m ort. n é g ritu d e, e m p ru n té s à l’a rt o c é an ie n .
Léopold S e d a r S e n g h o r et A n d ré 4. Les nouvelles littéraires. 16 ju in 1966.
M a lra u x ont réalisé avec cette m a 5. G alerie H en q u ez, A rt et A rtisan at africains.
204
A voir
|_e musée d'Eindhoven
A R C H IT E C T U R E
205
Architecture
r»~ m atière plastiq u e b lan c h e, se
confond avec le ciel hollandais.
Les trois étages du m usée sont
THÉÂTRE C'est
en anneau à l’intérieu r de la Afin q u e le p ublic c o n s e n t e à l’effo rt de sortir de c h e z soi p o u r se
coquille. La prem ière plate-form e re n d r e au t h é â t r e , on te n te de lui offrir des sp e c ta c le s co m p le ts
m ontre des produits Philips, la qui a ie n t u n e force d ’a tt r a c t io n su p é r ie u re au té lé -th é â tre , qui
seconde est consacrée à la te c h soien t c o m p a r a b le s en a ttra it aux s u p e r p r o d u c ti o n s c i n é m a t o
nique (vibration et son, lum ière,
g ra p h iq u e s .
m atière, l’électron, appareils de
m esure, systèm e de com m andes et La plu p art de nos scènes ne p e r dans le public ou celui-ci e n to u re r
de calculs), la troisièm e à la m ettan t pas le déploiem ent réservé le rond de la scèn e: rien ne fut
santé, au confort, à la ré cré atio n aux sp ectacles d ’o p é rette ou de décisif. A u jo u rd ’hui, le co n ta ct
et à la cu ltu re, aux com m uni m usic-hall, on fait appel à un salle-scène est m oins un problèm e
cations. Enfin deux plates-form es nouvel a p p ât: le m élange des d ’a rch itecte que d ’au teu r. Pour
seront co n sacrées l’une à la re genres. On cherche à diversifier attire r et re te n ir son public le
ch erche physique, l’a u tre à la l’action, à rom pre son cours par spectacle utilise ce qui fait recette
re ch erch e biologique. des projections, des danses, des ailleurs: la violence.
chants, à la ren d re sim ultanée.
Un musée dynamique L’architecte prévoit de faire pivoter Que de bruit... que de bruit...
L’un des grands intérêts de ce dans la salle future scène, fauteuils, Les P aravents de Jean G e n êt ont
m usée de la connaissance, c ’est public. D ans l’a tte n te de ces possi illustré avec efficacité la frénésie
q u ’il ne d e m e u rera pas figé. T ous bilités techniques, on ten te de faire de la p arole déform ée en cri et la
les cinq ans, l’exposition sera é c la te r le cadre conventionnel en gesticulation. On peut voir dans le
changée. do n n an t au public un rôle actif. M a ra t -S a d e de Peter W e is s l’utili
On y m ettra l’a ccen t sur deux p h é En fait, sous des form es diverses, sation systém atique de la stridence
nom ènes im portants de notre tem ps: on pose une nouvelle fois le pro et de la transe que le th éâ tre
la m iniaturisation et la précision blèm e du c o n ta ct en tre la scène et d ’A rraba l illustre à sa façon. A qui
(des horloges électroniques n’ac la salle. s’éto n n e de tan t de bruit on répond
cusent q u’une différence de quelques Ce n’est pas nouveau, c ar nous en citant E sc h yle ou Sh ake sp e a re .
centièm es de seconde par an). De avons vu to u r à to u r disparaître La tragédie à ses origines présenta
l’am poule électrique aux insecti la ram pe, le rideau de scène, le des héros dépossédés d ’eux-mêmes,
cides, de la radio aux m achines à d é co r c onstruit; nous avons vu abandonnés aux calam ités d o n t les
calculer, de l’a u tom ation à la Faire de jeu s’av an c er en éperon accab laien t les dieux. Lear ou la
cybernétique, l’exposition de l’Evo-
luon fait le point de techniques
très nouvelles. Un d é p artem e n t
agronom ique m ontre l’a ccélération
de l’agriculture p a r les engrais tout
com m e la section des com m uni
cations m ontre égalem ent l’acc élé
ration dans ce dom aine grâce aux
radars, aux ondes courtes, au télé
phone. Enfin, les applications secon
daires de certaines techniques
seront soulignées.
Et l’art n’est pas oublié. D ans le
secteur V ib ra tio n s et s o n s se trouve
un in strum ent de m usique des
frères B aschet, to u t com m e dans le
secteur des phénom ènes optiques
un tableau de Vasarely. Et bien sûr,
dans une niche au bas d ’un esca
lator, les visiteurs sont accueillis
par une sculpture c ybernétique de
N ic o la s Schoffer.
Michel Ragon.
206
A voir
l'heure du bruit et de la fureur
R e in e d e s A trid e s ne sont pas d ’une salut p our l’acteu r, il devait s’a b a n sissent, C athe rine R ouvel, beauté
com pagnie de to u t repos. C es ju sti d o n n e r dev an t l’auditoire à toutes sauvage au tem p é ra m en t vif, a de
fications sont inutiles; si n otre sortes de gym nastiques, parfois la p résence et de la grâce. Qui
th é â tre est violent c ’est parce que sans équivoque, parfois sym bo aim e l’incantation poétique et croit
tel est le ton de l’é poque. D es liques. A la lim ite, le sp e c ta te u r q u ’elle est la source de to u te m agie
fusillades texanes au napalm du assiste en « v o yeur» à une c élé th éâ tra le aim era la Fête Noire, en
V iêt-nam , des exactions chinoises bration rituelle que c aractérise sa dépit de ses m anques. Il est bon
aux agapes anthropophagiques cru au té. que ce to rren t verbal aux m ille
d ’A frique, la planète ressem ble au D evant ces excès, il serait aussi reflets traverse Paris, il fait p a raître
chaudron des sorcières: peu d ’entre vain de re g re tte r le th é â tre de nos plus m ince le je t d ’eau tiède de
nous sont à l’abri des vapeurs qui pères que de se lam enter sur l’é M adam e Sagan ou des textes
s’en dégagent. L’art, qui est un poque. C elle-ci n’a pas encore ré tré cis du B oulevard.
révélateur, ne peut d em e u rer pla trouvé, à la scène, le Victo r H u g o
cide quand ce q u ’il doit m ettre en q u ’elle m érite. C ertains cinéastes, Le reflet de notre temps
lum ière est secoué par les cahots. do n t G odard, ont su analyser M ais la Fête N o ire frappe par
quelques-unes de ses constantes. son côté statique. C om m e chez
L'homme descend Au th é â tre , la révolution qui est en G irau d o u x naguère, on vient ici
en lui-m êm e cours — scientifique, raciale, se e n te n d re un chant, non con tem p ler
En outre, à la différence de nos xuelle, spirituelle — com m ence à un spectacle. Les efforts scéniques
a n cêtres qui voulaient en tous peine d ’être exploitée. Elle le sera, qui se m ultiplient ailleurs p o u r
points im iter la nature, elle n’est peut-on c roire, par des spectacles visualiser des états d ’âm e donnent
plus notre exem ple. Plongés dans convulsifs à l’exem ple de celui de de l’âge au th éâ tre poétique. Il se
l’exploration de nous-m êm es, nous G ro tto w sk i, où le sp e c ta te u r sera peu t que le chant, trop vite, se
espérons ram en er de ces p rofon soum is à l’hypnose. dém ode au profit de la transe et du
d eurs une vision nouvelle qui tra n s cri. Les sp e c ta te u rs qui au ro n t
form era le m onde. La drogue faci Le verbe vingt ans aux p rochaines cerises
lite le voyage à certains, l’intuition se veut réaliste vivent à l’aise dans le tum ulte, ils
poétique aide l’artiste à plonger ses Dans tout ceci, que devient le verbe o nt conscience de p a rticip e r au
filets dans des eaux inconnues. lo rsq u ’il n’est pas déform é en m ouvem ent du m onde lancé à la
A pparem m ent, on rem onte de ces plain te, chant ou cri? Il est à conquête de nouvelles libertés. Les
abysses plus de m onstres que de l’im age de nos propos quotidiens: récitatifs giralduciens, la prose lar
perles. A u to u r de nous la peinture décousu, elliptique, réaliste. A g em ent déployée d ’A udiberti p ro
hurle, la m usique grince, le ciném a m oins que le souffle d ’un p oète tel v oquent leur im patience. Leurs
crép ite de tous ses coups de feu, que G e n ê t le transpose, ou encore nerfs, q u ’ils aim ent aiguiser, ré
en bo u q u et d ’artifice, après l’éclo- lorsque nous parv ien t d ’outre- clam ent la force de frappe d ’un
sion superbe des chairs ten d res de tom be le chant profond d ’Audiberti. sp ectacle-choc. Au th éâ tre , com m e
nos stars. Le th é â tre ne pouvait Vitaly, qui fut son m eilleur allié, a jad is sur les tréteau x de foire, on
ê tre en reste: le voici, tel q u ’en repris avec bonheur la Fête N o ir e 1, doit, po u r les voir ébahis, exhiber
lui-m ême enfin l’actualité le change, sorcellerie de m ots, de rythm es, des phénom ènes.
c h erc h an t, à travers l’ép h ém ère de d ’images, à l’action languissante, Sans vouloir prendre parti p our ces
la m ode, en cette fin de siècle au propos obscur, m ais ici com m e travaux de laboratoire, on ne peut
tran sito ire, quelques to u ch es Va dans les toiles flam andes l’om bre toutefois soutenir que hors du chant
lables dem ain com m e jadis. jo u e p a r c o n tra ste; ce qui échappe p oétique il n’est point de salut. La
à la com préhension im m édiate synthèse harm onieuse de ces te n
Un chant ou un cri? donne plus d ’éclat à l’image intel d an ces extrêm es existe; elle a pris
L’un des m aîtres-sorciers de ce ligible. Pour ne rien perdre de la corps sous nos yeux au Théâtre de
th éâ tre qui jo u e sur les nerfs est pensée du p oète, cach ée sous le France, g râce à R o g e r B lin et Je an -
le Polonais G ro tto w sk i. Au prin c h ato iem en t des m ots, il faudrait Lo u is Barrault. T ous deux ont
tem ps dernier, dans le cadre du des in te rp rète s capables de phraser donné au ch an t de G enêt des
Théâtre d e s N atio n s, sa dém ons un texte écrit p our l’œil plus que séductions visuelles incom parables.
tratio n fit sensation. La Passion pour l’oreille. M o n iq u e Delaroche, Il s’agit, bien sûr, des Paravents.
m oderne q u ’il p ré sen ta p a ru t d éci J e a n B o lo et C la u d e Titre y réus- On n’a pas fini d ’en parler.
sive: le jeu corporel était le seul I. T h é â tre L a B ru y ère. Roger Iglésis.
207
Théâtre
jugués du soleil et de la lune,
m odulant l’agitation m agnétique
ACTIVITES PLANÈTE terre stre, agissent sur le co m p o rte
m ent d ’orientation de ces an im au x 3.
D ans le groupe de travail du pro
U ne nouvelle scie n ce C ep en d an t, l’étude de la santé de fesseur G. Piccardi, de F lorence,
l’hom m e en fonction des conditions nous avons noté to u t d ’abord le
en pleine e xp an sio n : atm osphériques est actuellem ent rem arq u ab le développem ent des
la biom étéoro lo gie une des branches qui intéressent le travaux « d e routine» faits jo u r
plus les ch erc h eu rs et le public. nellem ent dans le m onde entier, au
N ous avons entendu d ’im portantes m oyen des tests chim iques de
Notre collaborateur, auteur de « L ’as com m unications sur les caprices du Piccardi, en ra p p o rt avec l’agi
trologie devant la science» (Ency tem ps agissant sur les m aladies tation cosm ique. Ces travaux furent
clopédie Planète) et de « L ’hérédité cardio-vasculaires, les m aladies présentés au congrès par M m e
planétaire» (Présence Planète), revient infectieuses, l’asthm e, etc. C apel-B oute, de Bruxelles. N ous
d ’un congrès scientifique au cours A côté de ces rech erch es que l’on avons appris que Piccardi postulait
duquel il a fa it une communication peut dire classiques, d ’autres co m à présent l’influence de p e rtu r
sur ses travaux. Voici un b re f compte m unications traitaien t de travaux bations causées, sur ses tests chi
rendu des séances de ce congrès. p a rticu lière m en t nouveaux. C itons m iques, p a r les queues m agnéto-
Dans le m agnifique cad re de la en p re m ier lieu les effets biolo sphériques des grosses planètes,
R u tg e r 's U niversity, à N e w B r u n s giques de l’ionisation de l’air. Les telles que Ju p iter et S aturne, dans
w ick, au sud de New Y ork, nous particules électrisées sans cesse en le cham p solaire. L’ingénieur de la
avons assisté du 26 août au 2 sep m ouvem ent que sont les ions R .C .A . C o rp o ratio n , H. N elson, a
tem bre au quatrièm e C o n g rè s In te r affe c te n t p rofondém ent les orga ensuite noté l’intérêt q u ’il y a à
national de biom étéorologie. C on nism es vivants. On com m ence à ten ir com pte des positions hélio-
grès im portant, non seulem ent par savoir p ourquoi les ions chargés cen triq u es des planètes pour m ieux
le nom bre des particip an ts — 420, positivem ent ex ercen t une action prévoir les orages m agnétiques qui
venus de 25 pays d iffé re n ts 1 —, différente sur l’hom m e que les ions p e rtu rb e n t les com m unications
mais aussi p a r la prise de cons chargés négativem ent. radio. N ous-m êm e, enfin, avons
cience de c ette nouvelle science En relation avec les travaux sur présen té p our la prem ière fois
par le m onde scientifique. l’ionisation, le D r K oenig, de dans un congrès scientifique, et
Q u’est-ce que la biom étéorologie? M unich (A llem agne), a réussi à dans une am biance très réceptive,
Une fois de plus, « il n’y a de enregistrer, au m oyen d ’ingénieux n otre effet d ’h érédité p la n é ta ire 4.
nouveau que ce qui a été oublié ». appareils, la p résence dans l’atm o s O n le co n state, le cham p de la
Le célèbre traité d ’H ip pocrate phère d ’ondes de fréquence e x trê biom étéorologie s’étend et se déve
Des airs, des eaux, des lieux, m em ent basse (1 à 10 hertz), dont loppe, sans autre exclusive que la
é crit vers 400 avant J.-C ., parle la longueur est égale à des dizaines, vérité scientifique. Les travaux les
déjà de c ette science avec une voire des centaines de m illiers de plus paradoxaux en a p p aren ce ont
lucidité adm irable. M ais la défi kilom ètres. Ces ondes n ’ont en été discutés à New Brunsw ick dans
nition actuelle de l’international a p p aren ce q u ’une énergie e x trê un esprit cordial et ouvert. C eci
S o c ie ty of B io m e te o ro lo g y tient m em ent faible. Elles agissent cepen grâce à la jeunesse de cette « nou
com pte des progrès scientifiques: d an t sur la germ ination du blé, sur velle-ancienne » science, la bio
« La biom étéorologie com prend la croissance des b actéries, et m étéorologie, qui fera p a rle r d ’elle
l’étude des relations directes et m êm e sur le tem ps de réaction des dans les m ilieux scientifiques,
indirectes en tre l’environnem ent réflexes hum ains ... com m e l’ont affirm é le président
géophysique et géochim ique de Le professeur Fr. A. Brown, du C ongrès, le professeur Sargent,
l’atm osp hère, et les organism es d ’E vanston (U .S.A .), m odifie l’o et son actif secrétaire, le Dr Trom p.
vivants, plantes, anim aux et rientation d ’anim aux à déplacem ent Michel Gauquelin.
hom m es. Le term e environnem ent lent, tels que m ollusques et g asté 1. N o u s é tio n s dix F ra n ç a is à p ré s e n te r d es
est un co n cep t large, qui inclut ropodes, en les so u m ettan t à un c o m m u n ica tio n s.
les m icro- et m acro-environne cham p m agnétique diversem ent 2. H .L . K o e n ig : « C o n c e rn a n t les effe ts b io
lo g iq u es d e s o n d e s e x trê m e m e n t basses de
m ents, tel l’environnem ent cos orien té, d ont la force est à peu l’a tm o sp h è re . »
m ique, dans la m esure où celui-ci près celle du cham p m agnétique 3. Fr. A. B row n : <■ R ép o n se d ’o rie n tatio n
affecte l’atm osphère terre stre. » terre stre lui-m êm e (0,4 gauss). d es a n im a u x à de trè s faib les m o d ificatio n s
des fo rc e s g é o p h y siq u es. »
C ’est donc un dom aine très vaste C om m e Brown le d ém o n tre, il 4. M . G a u q u e lin : « L ’H é ré d ité p la n é ta ire » ,
que celui de la biom étéorologie. s’ensuit que les m ouvem ents co n préface du Prof. G . Piccardi, Éd. P lanète, 1966.
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so n t gratuits.
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U n p syc h a n a ly ste juge T o u te hypothèse reste assez nom i-
C O U R R IE R naliste et ne d é crit que ce q u ’elle
L/Erotique de l'Art, ________ D ES L E C T E U R S _______ c o n tie n t p h é n o m é n o lo g iq u e m e n t.
de J .M . Lo D uca L’idée de l’a ntim atière a été une
La scie n ce m oderne des plus fécondes de la physique;
A propos de l’ouvrage récem m ent il n’est donc pas im possible q u ’une
se m éfie du m ot « croire » hypothèse basée, au fond, sur ce
publié par notre c o lla b o ra teu r
Lo D uca, « L ’É rotique de l’A rt» A la suite de l’article de J é rô m e m odèle apporte encore des résultats
(La Jeune P arque), le professeur C a rd a n : D e s p h y sic ie n s croient aux nouveaux.
Emilio Servadio rem arque dans u n ive rs parallèles paru dans notre « C ’est pourquoi je pense q u ’il faut
« L e s A nnales de psychanalyse» num éro 28, M . R ob e rt G o u ira n nous être très pru d en t lorsqu’on utilise
(R om e) que l’ouvrage de l’infati a é crit une lettre que nous re p ro le m ot « c ro ire » , com m e vous le
gable écrivain, essayiste et sp é c ia duisons ci-dessous avec plaisir. faites dans le titre. « C roire, dit le
liste d ’érotologie, est sans aucun R ob e rt G o u ira n est un grand phy dictionnaire, c ’est avant tout tenir
doute le plus beau recueil de re p ro sicien français qui poursuit a ctu el pour vrai et non pas supposer. » O r
ductions d ’œ uvres d ’art anciennes lem ent dans le cadre du C .E .R .N . le physicien ne tient rien p o u r vrai,
et m odernes inspirées par les des rech erch es sur les particules surtout m aintenant. Une bonne
thèm es éternels de l’a m our et de la élém entaires et qui va publier p ro hypothèse doit co n te n ir en elle-
sexologie. chainem ent un livre faisant le point m êm e la possibilité d ’être fausse.
sur la question. Pour le physicien, l’époque des lois
Un énorme travail « Je serais heureux, nous dit R ob e rt naturelles est révolue; il n’y a que
de recherche G ouiran, de pouvoir ajouter une des ensem bles statistiques vérifiés
On se dem ande avec un peu de p etite mise au point au sujet de ju sq u ’à un certain degré d ’approxi
frayeur quel énorm e travail de votre article D e s p h y sic ie n s croient m ation. Il faut donc éviter l’usage
recherche, de consultations et de aux un ive rs parallèles, dans lequel du m ot cro ire et le rem p lacer par
fiches, l’a u te u r a dû accom plir pour vous me citez. Je pense que ce connaître ou expérim enter. O n ne
m ettre ensem ble un ouvrage aussi prem ier papier proposant un univers croit pas que ceci est ainsi, on le
ex traordinaire. M ais notre louange fantôm e po u r expliquer la désin sait avec un certain degré de doute.
ne s’adresse pas seulem ent à tégration anorm ale du m éson K"2 « P ar exem ple, on ne croit pas que
l’a bondance et à la perfection des est celui de N ishijim a et Saffouri l’énergie se conserve dans les réac
rep ro d u ctio n s ou à la beauté de (A shadow universe, in « Physical tions, m ais on sait q u ’elle se
l’édition. Elle va aussi aux com m en review letters», 6 février 1965). conserve, au m oins avec une p ré
taires très subtils du texte qui M ais n’oublions pas q u ’il y a déjà cision relative de 1 0 * 15 grâce à
accom pagnent le lec teu r avec une plus de tren te ans que P.A .M . l’effet M ossbaüber. R ien n’em
sûreté d ’inform ation qui va de D irac avait proposé d ’expliquer pêche q u ’une fois sur 10 ' ,s fois elle
pair avec une rem arquable h a u te u r l’existence de l’a n tim atière com m e ne se conserve pas; si cela arrivait,
- et perspicacité - d ’élaborations l’apparition de trous dans un océan on m odifierait la loi de la co n ser
conceptuelles. im agin aire de p articules d’énergie vation de l’énergie pour y introduire
négative qui sans cela serait indé cette petite pertu rb atio n . Les lois
Une grande sûreté tectab le. L’idée n’est donc pas nou de la conservation peuvent toujours
de jugem ent velle. Les particules de la physique être violées. N ’oublions pas que les
Lo D upa a évidem m ent approfondi se « v o ien t» par l’interm édiaire de lois de la physique sont des « pos
sa connaissance de la psychologie différents m odes d ’interactions; tulats d ’im puissance» signifiant:
des p rofondeurs et de la psycho si ces d ern ières sont faibles, la p a r « T out ce qui n’est pas interdit doit
pathologie, et il les em ploie avec ticule, presque «aveugle», traverse arriver. »
com pétence. A son to u r, l’usage de un univers qui lui-m êm e sem ble « On peut aussi rem p lacer « croire »
l’instrum ent psychologique confère vide com m e c ’est un peu le cas des par « a im e r» , car, en vérité, on ne
une grande sûreté à ses jugem ents. neutrinos. S’il n’y a pas d ’inter croit que ce qu'il vous plaît de
Bref, un ouvrage très beau, que les action en tre deux types de m atière, croire, et alors la foi de P ierre est
connaisseurs de psychosociologie elles peuvent coexister et se super aussi belle que celle de Paul; la
v oudront sans d oute placer bien en p oser en s’ignorant totalem en t; croyance prend alors l’allure d ’une
vue sur leurs rayons. c ’est le cas, ju sq u ’à un certain inclination gratuite, d'u n e g o u r
Dr Emilio Servadio point, de la m atière m ésonique m an d ise spirituelle. N o u rritu re de
avec elle-m êm e. l’esprit, elle est, en ce cas, le signe
P ré sid e n t d e la S té Italienne de Psychanalyse,
P rofesseur de Psychologie à la F a c u lté de « M ais il ne faut pas faire passer d ’un m anque et elle est alors
M é d ec in e d e R om e. les physiciens po u r des sorciers! proche d ’un certain péché. »
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Courrier des lecteurs
PLAHËTE
D I R E C T E U R L O UI S P A U W E L S
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42 rue de Berri Paris 8