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Document de la couverture
de ce numéro :
Fonctionnaire Memphite
et sa femme.
Bois.
4 e dynastie.
Ils avancent l ’un et l'autre
à travers l'espace et le temps,
vers quelque chose de plus que l'homme.
PLANETE
LA P R EM IÈR E R E V U E DE B IB L IO T H È Q U E
É D IT IO N S R E TZ
A D M IN I S T R A T I O N
37 RU E DE LILLE A P A R I S 7
S O M M A IR E
R ÉD A CT IO N
8 RU E DE BERRI P A R I S 8
DIFFU SIO N
D ENO EL ■ N .M .P .P .
Éditorial
5
ABONNEMENTS
Merci, Mr. Smith par Louis Pauwels
6 N U M É R O S 27 NF.
12 N U M É R O S 48 NF. Chronique de notre civilisation
C . C . P . 18.159.74 8
Une ère nouvelle, par Sir Julian Huxley
L’Histoire invisible
49
Mystères autour de la mort de Mussolini
D IR EC TE U R par Gabriel Véraldi
L O U IS PAUW ELS
Les Esquimaux hommes du futur
par Jean Cathelin
Les armes incompréhensibles de demain par XXX
CO M I T É DE D IRE CTI O N
L O U IS P A U W E L S
La littérature différente
J A C Q U E S B E R G IER
71
F R A N Ç O IS R IC H A U D E A U La littérature d'avant-garde soviétique
par Jacques Bergier
D IRE CTI O N ARTISTIQUE L'écriture du dieu nouvelle de J.L. Borges
P IE R R E C H A P E L O T L’âge tendre, nouvelle inédite par Robert Bloch
L’art fantastique de tous les temps 136
93 Les idées nouvelles / Une encyclopédie pour
Un peintre flamand, classique chinois demain / Travaux sur la transmutation / Ponte-
par Louis Pauwels corvo et l’autre univers
Autre chose qu'un peintre : Soulages
par Jacques Ménétrier 139 *
146
Informations et critiques, Analyse des La science soviétique / Lettre du professeur
œuvres, des Idées, des Travaux et des Loucine à un non-conformiste / Un livre incroyable
Découvertes
122 148
L'histoire / Du nouveau sur Robespierre / Les Le cinéma / Les films non-épiques
derniers livres / Hitler et ia lance du Christ.
150
126 La zoologie, Une série de films / Sherlook au
La paléontologie / Vient-on de retrouver le Zoo / Découvertes d'Heuvelmans
premier homme?
129 152
L'archéologie / Double mystère en Mauritanie / La médecine / Bilan du fantastique
Titov et la grande pyramide / De l'aluminium
chez les chinois d’il y a3.000 ans / Un archéologue 154
télépathe / L'art de l'ancienne Thule La psychologie / Police et parapsychologie
133
La sociologie / Inquiétante enquête sur la 158
jeunesse française / Le bateau fantôme de La littérature chinoise / Les inventeurs du
Kennedy / Un livre singulier roman policier
Merci, Monsieur Smith
Louis Pauwels
U existence pousse un cri qui efface tout, qui ravit tout, le cri de : Confiance !
BLANC DE SA IN T B O N N E T
Illustration originale
de J.M .L. Richard. Editorial
Smith, de la confiance dans la sincérité et la sité et la complexité du réel qui vient d ’être
profondeur de ses curiosités, que nous avons misé découvert, modifient profondément ce que nous
en créant cette revue. pensions de notre monde et de nous-mêmes,
Bien entendu, nous ne prétendons pas apporter bouleversent les idées acquises sur les rapports
une solution au « grand problème ». Nous n ’ensei de l’homme avec sa propre intelligence et avec
gnons pas une religion. Nous ne disposons pas l’univers, exigent une attitude d ’esprit très diffé
de la Vérité. Nous ne fondons pas une école. rente de ce que l’on nomme encore l’attitude
Nous ne proposons pas une doctrine. Nous « moderne ». Cette attitude « moderne », telle
sommes simplement des gens situés dans le courant qu’elle s ’exprime dans l ’opinion générale, dans
des idées et des recherches de notre époque. Ce nos sociétés, dans nos philosophies courantes,
courant a une saveur forte. Répétons-le : il est dans nos méthodes intellectuelles, dans presque
comparable à celui qui saisissait les esprits de toute notre littérature, n ’est plus en prise directe
la Renaissance. Il nous a semblé bien étrange sur la vaste et haute réalité mise à jour. Elle est
qu’aucune publication ne consacre la totalité une convention et, comme telle, à la fois agressive
de ses efforts à exprimer cette saveur, et à montrer et tremblante : chacun le sent, ou le soupçonne.
comment, dans la plupart des domaines de la Elle nous tient à distance de la véritable modernité.
connaissance, un esprit nouveau apparaît. Tout cela crée dans les intelligences, même les
Ce qui distingue, par exemple, les savants moins rompues aux spéculations abstraites, un
d ’aujourd’hui de ceux des générations précé climat de curiosité impatiente, de désir d ’autre
dentes, c ’est q u ’ils s ’attendent constamment à être chose. De ce climat, un technicien de l ’électronique
surpris. En physique, en biologie, en chimie, en a donné une description sublime :
mathématiques, la « nature des choses » a cessé
d ’exister, ou plutôt est à chaque pas remise en Dès à présent,
question. Enfin, dans toute pensée scientifique Entre l'homme et l'univers
avancée, la recherche débouche sans cesse sur une Entre l'univers qui déborde de possible
incertitude quant à la structure même de la Et l'homme avide d'apprendre,
connaissance humaine, et s’achève dans ce Les circuits tissent le réseau
qu’Einstein appelait « l’expérience religieuse D ’une volonté commune d ’apprentissage.
cosmique ».
On commence à se dire qu’il faudrait peut-être J ’ai quinze ans d ’expérience du journalisme sous
s ’attendre à des surprises nombreuses dans les toutes ses formes, et n ’en suis fier que dans la
sciences humaines aussi : en anthropologie, en mesure où j ’ai préservé ma méditation et ma
préhistoire, en histoire ancienne et même en vocation essentielle. Je savais bien, quand nous
histoire contemporaine, en sociologie comme en avons décidé de faire Planète, qu’aucune publi
psychologie. Ici aussi la nature des choses pourrait cation non confidentielle ne s’était jusqu’ici
être remise en question. Ici encore toute recherche fondée sur un tel programme! Mais nous faisions
avancée risque de déboucher sur l’incertitude confiance à Smith. Nous nous disions que ce
fondamentale et se prolonger dans une méditation que nous ressentions si profondément, beaucoup
teilhardienne sur la montée du phénomène humain d ’autres hommes sans doute l’éprouvaient aussi.
et ses liens avec le cosmos. Depuis des années, nous avions cherché les traces
Certes, les sciences humaines sont en retard d ’une de l’esprit nouveau, les manifestations de l’appétit
révolution sur les autres sciences. Sur elles pèse nouveau, dans presque tous les domaines, et dans
encore la pensée officielle du xixe siècle et autour tous les pays. Nous avions noué des relations de
d ’elles la littérature, si retardataire, a tressé des camaraderie avec quantité de chercheurs du style
guirlandes qui sont des chaînes. Mais tout change. « renaissant ». Il nous semblait que nous pouvions
Nous nous trouvons dans un moment où l’immen ainsi disposer d ’une mine importante de richesses
Editorial
C hronique de notre civ ilis a tio n
N ous n’en sommes plu s aux moment effacée, peut rentrer science les prédisposent à la
puérilités ou, si l ’on veut, aux dans les esprits et dans les recevoir. I l j a dès maintenant,
naïvetés solennelles... Tout ce que consciences parce que les conclu s i l ’on peut dire, une religion
nous voulons dire aujourd’hui, sions et les tendances actuelles toute prête.
c’est que l ’idée religieuse, un de la philosophie et de la JE A N JA U R È S .
évangélique des premiers missionnaires chrétiens, logue français D om N érom an, qui se fonde sur
qui a entraîné la destruction de nom bre de ces les « révélations » faites au printem ps 1935 par
tab lettes; et surtout, en 1862, une féroce expé un médium italien.
dition de pirates péruviens, venus razzier de la Dom N érom an commence par nous rappeler que
m ain-d’œuvre indigène et qui m assacrèrent stupi l’île de Pâques, Rapa-Nui, est une île désolée, ne
dem ent les « sorciers » qui connaissaient toutes possédant ni sources, ni cours d ’eau, et où ne
les traditions ésotériques de l’île... pousse q u ’une végétation rare et squelettique.
Puis il oriente notre attention vers de to u t petits
L ’EX PLIC A T IO N DU M É D IU M : vestiges archéologiques pascuans : il s ’agit, cette
LES C O LLEC TEU R S D ’O N D ES M AUVAISES fois, des bois sculptés de l’époque pré-archaïque
(c’est-à-dire de l’époque où se sont établis dans
Le mystère de l’île de Pâques a donné lieu à toutes l’île les premiers hommes, qui venaient d ’une autre
sortes d ’interprétations fantastiques. La plus région du monde). Ces petites statuettes nous
extraordinaire de ces tentatives est celle de l ’astro m ontrent des hommes parvenus à un horrible
Sur ces pierres (prévues pour quels rites?) des hommes des anciens âges
s'asseyaient sans doute pour contempler
sous certains angles privilégiés les sculptures monumentales.
Dans l'Ita lie Notre ami l’éditeur Robert Laffont vient de faire paraître un livre
étonnant : « La Magie en mille images » de Maurice Bessy dans
aujourd'hui une nouvelle collection animée par Robin Livio et notre directeur
artistique Pierre Chapelot.
les rites de la On y trouvera notamment, d ’après les études de l’historien Ernesto
de Martino et les reportages des photographes Ando Gilardi et A.
magie primitive Martin, certaines révélations sur les pratiques magiques encore en
usage dans l’Italie du Sud et en Ombrie. Ernesto de Martino et ses
reporters photographes se sont livrés à une véritable exploration des
traces de civilisations inconnues en Italie moderne. « On ne trouve
nulle part ailleurs, dit Maurice Bessy, dans le monde civilisé, de
racines magiques, ni d ’interférences aussi paradoxales entre christia
nisme et paganisme. » Les statistiques rigoureuses révèlent que, dans
certains villages italiens, 90 % de la population adulte croient à la
sorcellerie et pratiquent des rites magiques, tout en demeurant des
catholiques fervents et sincères.
Dans les pages qui vont suivre, nous vous présentons un rite magique
jusqu’ici inconnu des sociologues et ethnologues européens : « Le
sciage de la vieille femme ».
Castelmezzano :
village d ’Italie du Sud
considéré comme l ’une
des capitales de la magie
et de la sorcellerie. Les civilisations disparues
C ’est aux environs de Pérouse
q u ’a été photographié le dérou
lement de ce rite m agique connu
sous le nom de « Sega vecchia »,
déform ation de « la Segagione
délia Vecchia » (le sciage de la
vieille). La « vieille» qui porte
un masque rigide symbolise la
nature végétale qui disparaîtra
pendant l’hiver pour laisser place
à une nature nouvelle.
Le m o u v e m e n t des connaissances 33
Générale entre les années 1905 et 1915. Cette onde-corpuscule en évitant l’interprétation proba
théorie, base (avec la Théorie Quantique) de biliste. J ’ai moi-même proposé récemment unç
toute la Physique moderne, suppose une structure solution. Il y aurait lieu, me semble-t-il, de faire,
essentiellement continue de toute la réalité. dès le départ, la distinction profonde entre le
La confusion est portée à son comble dans le Réel et le Connu.
monde des physiciens quand, en 1924, Louis Illustrons ceci par une image, afin de mettre en
de Broglie indique que la matière elle-même, relief ce qui distingue cette nouvelle interprétation
qu’on aurait jurée parfaitement discontinue, a de celle des théoriciens « quantiques ». Supposons
également un aspect ondulatoire, c’est-à-dire que l’Univers soit comparable à la surface ondu
continu. lante d ’un océan agité par les vagues. Cet océan,
Continu, discontinu! Ondulatoire, corpusculaire! c’est le Réel. Il est continu par nature. Un obser
Autour de ces années 1930, les physiciens ne savent vateur désire faire une mesure pour « connaître »
plus comment sortir de ce dilemme. Ils savent l ’état physique d ’un point dans ce Réel. Cette
cependant que l’un et l’autre de ces aspects contra opération « mesure » va consister, par exemple, et
dictoires caractérisent la réalité. Le problème PQur poursuivre notre image, à planter un rocher
n ’est plus de choisir entre les deux mais de tenter dans l’océan, rocher sur lequel vont alors venir
de les « concilier ». se briser les vagues. Le choc des vagues sur le
La tentative de conciliation qui s'esquisse est rocher aura un caractère essentiellement discon
pour le moins étrange! On va donner à l’aspect tinu. Sans doute la mesure ainsi effectuée sera-
ondulatoire une interprétation qui exprime un t-elle liée de quelque manière à l’aspect ondulant
renoncement complet à l’un des buts jusqu’ici et continu qu’avait la vague avant de se briser.
essentiels de la Science : la description des phéno Mais les deux phénomènes seront cependant de
mènes. La nouvelle interprétation de « complé natures complètement différentes : la vague était
mentarité » onde-corpuscule implique que cette continue, le choc de la vague sur le rocher est
« description » n ’est plus désormais possible à discontinu. De la même façon, le Réel, qui est
l’échelle microscopique des particules élémentaires. à l’origine de nos perceptions, serait continu ;
Si, par exemple, on connaît avec certitude, à un la Connaissance, qui est le moyen qu’utilise
instant donné, la vitesse d ’un électron, on ne l’intelligence humaine pour percevoir le Réel,
pourra plus dire avec certitude où il se trouve à ce transformerait ce continu en discontinu. Pour
même instant. On pourra simplement indiquer la la Théorie Quantique, la seule description possible
« probabilité » que l’on a de le trouver en tel ou de l’Univers consiste à « planter » une infinité de
tel endroit au cours d ’une mesure. Le « proba rochers dans notre océan, à considérer les résultats
bilisme » vient ainsi balayer l’ancien « détermi de toutes les mesures et à déclarer que ces résultats,
nisme ». à caractères essentiellement discontinus, constituent
Évidemment, cette façon de voir déconcerte et la description cherchée. Au contraire, nous pré
irrite un grand nombre d ’esprits : Einstein tendons qu'il est possible de faire une description
n ’acceptera jamais ce point de vue « probabiliste ». directe de l'océan, description qui représentera
Le Bon Dieu ne joue pas aux dés, écrit-il. Jusqu’à alors « vraiment » l'état de l ’Univers indépen
la fin de sa vie, il indiquera que cette théorie de damment de toute mesure.
l’incertitude ne saurait être considérée que comme Récemment, je devais constater que cette solution
provisoire. n ’était pas entièrement neuve. Elle avait timi
dement été proposée par un Éléate, Parménide,
L ’OCÉAN ET LE ROCHER vers le quatrième siècle avant notre ère, dans
un effort sincère pour tenter de concilier le point
Ces dernières années, on a vu croître le nombre de vue « discontinu » défendu par l’école pythago
des physiciens qui cherchent à sortir du dilemme ricienne, alors au bord de la faillite, et celui de la
Le m o u v e m e n t des connaissances 35
nouvelle école d ’Aristote qui prêchait la continuité. méthode : il ne faut plus construire la théorie
Parménide suggéra de distinguer entre le Réel, à partir de la « mesure », qui est liée au Connu,
qui serait continu, et le Connu, c’est-à-dire ce donc à l’Homme. Il faut construire la théorie sur
que l’Homme peut espérer percevoir de ce Réel, de grands principes de la Nature que l’on admettra
qui serait par nature discontinu. Mais cette idée comme des propriétés communes au Réel et au
impliquait de renoncer à l’espoir que l’Homme Connu. Une théorie peut être vérifiée par l'expé
puisse atteindre directement un jour le « fond » rience, mais aucun chemin ne mène de l'expérience
des choses. Le siècle d ’Aristote n ’était pas mûr à la création d'une théorie, écrit Einstein.
pour accueillir un concept aussi peu anthropo Cette méthode exige au départ des réflexions
centrique. quelque peu « métaphysiques », et c’est proba
Mais qui osera nier, aujourd’hui, la profondeur blement la raison pour laquelle les physiciens
de la remarque de Parménide ? Qui osera prétendre conventionnels rechignent à l’adopter, butent sur
encore que le Connu est identique au Réel? Qui son aspect « a priori ». En effet, il est courant
ne sent clairement que les « limitations » de d ’admettre que la science bâtit à partir de l’expé
l’actuelle structure de l’esprit humain entraînent rience et seulement à partir de celle-ci. Alors, dans
nécessairement un « cloisonnement », une « discon quelle mesure la réflexion « a priori » pourra-t-elle
tinuité » dans le Connu? Et tout esprit objectif faire œuvre scientifique?
n ’apercevra-t-il pas, enfin, ce q u ’il y a d ’ « anthro Il faut répondre tout d ’abord à cela que les grands
pocentrique » dans l ’interprétation du dilemme principes auxquels nous faisons allusion comme
onde-corpuscule que nous ont proposée depuis base d ’une loi unitaire se rattachent naturel
1930 les théoriciens quantiques? lement, en définitive, à l’expérience : le principe
de conservation de l’énergie, par exemple, résulte
UNE M ÉTHODE « M ÉTAPHYSIQUE » bien de l’expérience. Mais, ce que nous entendons,
c’est que ce principe est valable non pas seulement
Au fond, que disent ces théoriciens? Pour eux, la dans l’expérience « de détail » (c’est-à-dire pour un
« mesure » est la base de toute description de phénomène particulier), mais pour toutes les
l’Univers. Mais la mesure, c'est précisément expériences. Qui ne voit alors que c’est préci
l ’Homme! C'est donc vouloir «projeter » l'Homme sément là le vrai chemin « naturel » vers une
dans la Nature pour effectuer la description de théorie « unitaire », puisque cette dernière cherche
cette Nature avec, en chaque point, l'Homme à circonscrire tous les phénomènes?
en son centre. N'est-ce pas l'ancien point de vue Ce problème d ’une théorie unitaire est, en ce qui
des physiciens pré-galiléens, avec la terre immobile me concerne, au centre de mon domaine de
au centre de l' Univers ? La même erreur de perspec recherches.
tive, l'Homme ne la refait-il pas à nouveau, mais d Nous sommes devant ce problème comme un
l'échelle du microcosme cette fois ? enfant qui aurait à reconstituer un puzzle géant
Toutefois, pour que la distinction entre le Réel dont les pièces nous seraient fournies par l’expé
et le Connu ne soit pas « gratuite », pour q u ’elle rience. Nous possédons un certain nombre de
apporte quelque chose en matière scientifique, il pièces, mais d ’autres nous manquent : comment
convient q u ’elle ne se borne pas à une pure méta reconstituer alors le puzzle complet? C ’est natu
physique. En d ’autres termes, il faut q u ’on puisse rellement impossible ; la seule ressource nous
obtenir une description mathématique de ce Réel serait d ’attendre de longues années que l’expérience
continu et ondulatoire, qui se cache sous le Connu. nous ait fourni les pièces manquantes.
Mais comment donc atteindre cette réalité sous- Une autre méthode est celle qui part, non plus de
jacente au Connu qui ne nous est pas directement l’expérience de détail, mais des grands principes
accessible ? généraux de la Nature. En d ’autres termes,
C ’est Albert Einstein qui nous a montré la oublions pour le moment les lois de l’électro-
Le m o u v e m e n t des connaissances
(E d o u a rd B o u b at, R éalités)
Voyance et mathématiques
Gérard Cordonnier
Je suis entré parm i les vivants dément, cela est clair; quant
comme on pénétrerait dans le aux autres, ils comprennent
sommeil d ’un fou : la plupart mon délire.
de ceux qui me prennent pour
un songe éveillé dorment profon K A R L F R IE D R IC H V ELDT .
Il y a un secret essentiel
que l'on ne nous enseigne pas ,
car nous avons des professeurs
et non des maîtres. Le m ouvem ent des connaissances
comme les diverses faces d ’un sommet en besoins d ’une détente profonde du corps, et d ’un
montagne. recueillement attentif de l’esprit? Le mot « relaxa
tion » n ’existait pas, mais qui donc m ’inspirait
LES CLÉS DE L ’ATTENTION de contrôler le relâchement de tous mes muscles,
et de faire des respirations lentes et profondes à
En « math-élem » le cours de philo sur « l’attention » une cadence et sur un rythme spécial qui tenaient
m ’avait déplu. On nous parlait de concentrer davantage de la danse que de l’exercice respi
l’esprit sur un point particulier, et intuitivement ratoire? Mon corps sombrait dans une profonde
je sentais que ce n ’était là que le « B, A, BA » de détente, et bientôt il dormait, tandis que mon
la question, et que l ’attention était une faculté esprit libéré, resté attentif à sa contemplation,
en germe, comme le grain de sénevé, « la plus petite s’éveillait dans un monde purement intellectuel,
des semences », dit l’Évangile, qui peut croître où il n ’avait plus la moindre notion de son corps
et devenir un grand arbre... Élevé avec piété, mais ni de l’espace physique.
ignorant encore tout de la mystique, il me semblait Première initiation à cette méthode de travail
avoir découvert dans la solitude une des portes dont j ’allais expérimenter la fécondité. Il me
du Royaume du Dieu Géomètre. La clé de semblait nécessaire, au départ, de mettre tous mes
la porte était la contemplation par laquelle muscles au zéro, comme si chaque cellule du corps
l’attention se développe, prend racine, déploie était un cadenas de sûreté qui ne s’ouvre que pour
ses branches, où se posent les « oiseaux du Ciel », certains chiffres. L ’esprit s’éveillait dans un espace
et couvre de son ombre une étendue toujours intellectuel et n ’osait avoir la moindre activité
plus grande... L ’attention, d ’abord « ponctuelle », de peur de s’y égarer, et d ’effaroucher la solution
s’étend ensuite à plusieurs points au lieu d ’un seul, qui s’enfuirait. Il ne pouvait que contempler le
puis s’épanouit en « dimensions » nouvelles... Il panorama de ses connaissances, mises en ordre,
y a là un « talent » à faire fructifier, et c’est là un et semblant échanger entre elles des ondes harmo
secret essentiel que malheureusement on ne nous niques. Un certain dédoublement faisait que
enseigne pas, car nous avons des professeurs et l’esprit se regardait lui-même contempler. Il se
non des « maîtres »! produisait, malgré l’immobilité, un effet d ’as
cension lente, permettant de dominer de plus
EXERCICES DE CONTEMPLATION ACTIVE haut le panorama intellectuel, d ’étendre le regard
plus loin en situant ici ou là dans le lointain des
Entré à Polytechnique en 1926, et délivré alors domaines encore inconnus qu’il me faudrait
du souci d ’être reçu, j ’ai pu aborder les nouveaux explorer avant de pouvoir résoudre certaines
programmes avec un esprit tourné vers la recherche questions.
pure. Des brumes recouvraient certains domaines plus
Je ne pouvais suivre les leçons, ayant tantôt proches mais que je n ’avais pas scrutés à fond.
l’impression d ’y perdre mon temps, parce que tout Une certaine résonance éclairait les relations entre
était évident, et tantôt au contraire celle que l’on certaines régions et le but de mon exploration
traversait trop vite un domaine où je sentais une actuelle, dont toutes les faces accessibles s’éclai
foule de choses intéressantes à éxplorer. raient plus ou moins simultanément. Finalement
Le soir, je pouvais enfin retrouver ma solitude, l’esprit se reposait sur une ou plusieurs voies
et mon « tableau noir » en fermant les yeux. Mais d ’accès évidentes qui lui paraissaient plus harmo
un instinct mystérieux me poussait à rechercher nieuses. La joie de la contemplation me réveillait,
une solitude plus profonde, en fermant la porte et je retombais ensuite dans un sommeil ordinaire.
« derrière moi » à toutes les distractions, à tous Ce réveil était peut-être nécessaire pour que je
les bruits possibles. Il me fallait aussi me reposer puisse garder en mémoire, le matin, les résultats
le corps, sinon l’esprit. Comment concilier ces contemplés la nuit.
Voyance et mathématiques
LES A PPR O C H E S D E L ’ÉTA T D ’ÉVEIL s ’y produire au ralenti. L ’activité de l’esprit
n ’est d ’ailleurs pas la même s ’il se propose de
Je tiens à insister sur plusieurs points. L ’imm obilité faire l ’ascension d ’un théorèm e en contem plant
de l ’esprit ressemble à celle du chasseur à l ’affût, toutes les faces accessibles, ou s ’il veut au
mais il y a en fait une activité d ’ordre supérieur, contraire explorer to u t un domaine encore
dans un effort de patience et une attention géné inconnu. Je dors mais mon cœur veille : il me
ralisée. Parfois le gibier ne se m ontre pas, on ne semble que cette parole fait allusion d ’abord au
« lève » pas tout de suite la solution ! Aussi avais-je sommeil des sens, mais aussi à une certaine
l ’habitude de laisser souvent m ûrir en esprit une immobilité de l’esprit dont le cœur veille. (...)
dem i-douzaine de problèm es à la fois, en les
surveillant de temps en temps. La notion de LA CH A SSE C L A N D E ST IN E
brum e est essentielle dans m on expérience.
Il y a passage progressif de l ’état de veille à l’état A l ’occasion d ’une des premières leçons de
d ’éveil, et non instantanéité de la vision. Si les géom étrie à Polytechnique, je vois en sommeil
calculateurs prodiges font penser aux machines quatre dém onstrations plus simples d ’un théorèm e
électroniques num ériques, la vision géométrique exposé le matin. J ’envoie m on quadruple texte à
fait penser au contraire aux machines analo mon professeur M aurice d ’Ocagne. Mais un de
giques. Il semble que certains phénom ènes de mes cam arades, Goguel, lui envoie de son côté
propagation analogique et d ’équilibre peuvent l ’une de mes quatre dém onstrations. D ’Ocagne
Le m o u v e m e n t des connaissances 43
Relief de la fonction dzêta (de Rie manu).
V o y a n c e e t m a th é m a tiq u e s
en est frappé, et choisit celle-ci pour remplacer la J ’écrivis aussitôt une lettre à M. d ’Ocagne. Il me
sienne. Presque à chaque leçon j ’ai donné ainsi convoqua bientôt à la Direction des Études pour
de nouvelles démonstrations à Maurice d ’Ocagne me demander des explications. Le lendemain,
qui en a gardé une demi-douzaine dans son cours. il me rappela : « Votre texte est si concis que je
Vers la fin de ma deuxième année d ’école, une n ’arrive plus à le suivre après votre départ. » Le
sciatique m ’obligea à trois mois d ’infirmerie. On surlendemain, j ’étais encore convoqué : « Vos
m ’y apportait les feuilles des cours, et je n ’étais quatre lignes se suffisent, mais elles sont difficiles
nullement privé de ne pas assister aux amphis. à comprendre. Je veux les mettre avec vous à la
Arrive enfin mon premier jour de sortie, un portée des élèves pour mon cours de l’an prochain. »
mercredi. A 13 heures vient me chercher Faure,
un de mes camarades de salle, qui doit m ’emmener AUTRES EXEMPLES
visiter avec lui le Salon de l’Aéronautique. Il
m ’apporte les feuilles de géométrie du matin, et Pendant un cours de « Mécanique rationnelle »,
parie que cette fois je ne trouverai pas mieux. à l’occasion d ’un exposé analytique classique me
Avant de lire le théorème en jeu, je lui réponds : paraissant peu satisfaisant, j ’entrevis tout un
« D ’accord, je me prive de manger ce soir à 19 h. domaine à explorer, une théorie nouvelle que
si je n ’ai pas trouvé une démonstration que toi- j ’intitulai : géométrie des masses ponctuelles ou
même trouves plus simple que celle de Maurice vectorielles. La nuit venue, l’exploration fut vite
d ’Ocagne. » faite, sans brumes. Le lendemain, je rédigeai une
Je lis alors le fameux théorème, et nous partons. note pour M. Jouguet, mon professeur de « Méca
Tenant à gagner son pari, Faure m ’entraîne au Ra ». Ma théorie et mes résultats lui étaient
Salon, me traîne de stand en stand, et bavarde inconnus. Il m ’emmena à la bibliothèque de l’X
sans cesse. Il ne me laisse pas un instant tranquille, consulter «l’Encyclopédie mathématique», dont
alternant les bourrades, les tapes sur le dos, les j ’ignorais même l’existence. De 1850 à 1900 trois
questions et les interjections!... Mais deux ans auteurs allemands avaient élaboré, dans des
d’entraînement à explorer l’« espace intellectuel » travaux analytiques successifs et complémentaires,
m ’avaient permis de m ’y introduire même en la plus grande partie de ma théorie survolée la
dehors du « sommeil ». J ’étais comme dédoublé, nuit, sans calcul.
regardant tout ce que me montrait Faure, ré A l’examen de sortie, en géométrie, après six
pondant à toutes ses questions, mais intérieu questions ayant toutes provoqué des solutions
rement j ’étais à la chasse, flairant mon gibier nouvelles, mon examinateur m ’a déclaré vouloir
géométrique, absolument certain de le « lever » me poser enfin une septième question « facile et
avant l’heure fatidique. J ’avais « vu » ma voie classique » pour m ’obliger tout de même à donner
d ’accès, mais un passage restait infranchissable une « réponse de cours ». Mais précisément la
et caché dans la brume. Je connaissais cette brume fameuse solution classique présentait un « cas
résiduelle qui se dissipe à l’improviste. d ’indétermination ». J ’ai montré alors que l’indé
Cette fois, il fallait trouver avant l’heure, et termination n ’était qu’apparente, et qu’elle était
augmenter les « tensions internes » pour accélérer levée par une généralisation facile conservant la
les processus... A 18 h. 45 nous étions de retour simplicité de la méthode classique. Enthousiasmé,
à l’X, en salle. Faure menait un chahut monstre, l’examinateur m ’avoua : « Je n ’ai pas osé l’an
sautant, chantant à tue-tête : « Tu ne vas pas dernier vous noter plus de 19,5... mais cette année,
manger! Tu ne vas... » Je souriais, certain d ’aboutir je n ’hésite plus à vous mettre 20. »
avant le dernier quart d ’heure. A « moins cinq » Mon examen de « sortie » en physique fut plus
la brume était dissipée et je ne cherchais plus curieux encore. M. Becquerel a voulu le prolonger,
qu ’à m ’exprimer avec la plus extrême concision. une heure trois quarts au lieu d ’une heure. A la
Faure me reconnut gagnant. fin, il me déclara : « Vous m ’avez exposé une
Voyance et mathématiques
davantage. Pour term iner je dirai quelques m ots
concernant mes recherches actuelles relatives aux
moyens d ’organiser la docum entation, et spécia
lement la création d ’une langue auxiliaire uni
verselle.
Mes recherches sur ces sujets ont commencé vers
1933 et, après une première publication en 1943
à l’U.FXXD., elles ne se sont poursuivies que
lentement, parallèlem ent à mes autres recherches.
J ’en ai fait le point dans diverses notes récentes,
et spécialement à l’occasion de la Conférence
internationale de septem bre 1959 à Cleveland
(Ohio) consacrée à la recherche d ’un langage
com mun à l ’hom m e et à la machine, pour les
besoins de la traduction et de la sélection docu G É R A R D CO RDO N NIER
mentaire. M a première publication de 1943 A ncien élève de l ’É c o l e Poly
rejoignait, sans que je le sache, les préoccupations te c h n i q u e , lic e n c ié è s s c i e n c e s et
d i p l ô m é d e l ’i n s t i t u t d ’O p t i q u e ; q u o i q u e
de Leibniz concernant une caractéristique univer a p p a r t e n a n t a u G é n ie Maritime, a
selle. L ’originalité principale de mes solutions est c o m m e n c é s a c a r r i è r e d e 1930 à 36 a u
Service d e P h o to g ra p h ie a é rien n e du
de constituer un ensemble cohérent, appréhendé M i n i s t è r e d e l ’A ir . Il y r e v i n t à n o u v e a u
par la m éthode contem plative que j ’ai cherché à d e fin 1939 à ju i n 40 c o m m e C h e f
adjoint du Service d e s R e c h erch es
exposer. L ’esprit considère sim ultaném ent l ’en p h y s i q u e s . D a n s la s u i t e il p r o f e s s a
semble des conditions à rem plir, et entrevoit u n c o u r s d ’A n a l y s e g é o m é t r i q u e e t d e
T h é o r i e d u ' N a v ir e , t o u t e n s e c o n s a
l’ensemble des solutions à la manière d ’une c r a n t aux p r o b lè m e s th é o r i q u e s et
machine analogique opérant sur un ensemble p r a t i q u e s d ’o r g a n i s a t i o n d o c u m e n t a i r e .
d ’équations. L ’esprit contem platif fait, avant la D e p u i s 1958 il p o u r s u i t s e s r e c h e r c h e s
a u C . N . R . S . , e t il a é t é n o m m é d é l é g u é
lettre, de la « recherche opérationnelle » comme f r a n ç a i s à la C o m m i s s i o n i n t e r n a t i o n a l e
M. Jourdain faisait de la prose. D ans un « espace O . E . C . E . p o u r l’e x p l o i t a t i o n d e la d o c u
m e ntation scie n tifiq u e et te c h n iq u e d e s
intellectuel à n dimensions », il voit directem ent « p a y s d e l ’E s t ».
la ou les solutions « optim æ », com pte tenu des
possibilités techniques les plus diverses q u ’il
connaît ou q u ’il entrevoit.
Sans doute nous n ’avons pas tous les mêmes dons,
ni les mêmes talents... Puisse m on témoignage
inviter pourtant quelques chercheurs à faire
fructifier ce q u ’ils ont en germe, en fuyant l ’acti
visme pour se donner le plus possible à l ’action
contemplative, même dans le dom aine de leur
profession, et, à travers celle-ci, vers des fins
supérieures.
GÉRARD C O R D O N N IE R .
Le m o u v e m e n t des connaissances
La mort de Mussolini: mystères?
Gabriel Véraldi
L'histoire invisible
bien. Si les professionnels savent mentir, et d ’abord coup un édifice voyant de demi-faits et de demi-
se taire, d ’autres acteurs, entraînés sans prépara mots, qui a non seulement changé la chronologie
tion dans le drame, se coupent ou laissent échapper mais la façon dont les choses se sont passées. Des
un mot de trop. C ’est ainsi que Rachele Mussolini personnes et des groupes se sont substitués, par
a, sans peut-être en avoir conscience, démenti en un simple déplacement des heures, à d ’autres
1947 la version q u ’elle accrédita en 1948 et 1958. personnes et à d ’autres groupes. Il est facile de
Le colonel Valerio donne en 1947 un récit de son démontrer par ce moyen que l’œuf de la révolution
action très différent de celui qu’il consigna en a produit telle poule déterminée et non une autre.
1945. En réalité, il n ’y eut pas d ’œuf et il n ’y eut pas de
Cela n ’est pas surprenant. Ce qui l’est davantage, poule. »
c’est que ces contradictions passent en général En effet, Franco Bandini démontre d ’une façon
inaperçues des journalistes, des historiens, des irréfutable, textes et chronomètre en main, qu’il
rédacteurs de manuel. La distorsion que subissent n ’y eut pas d ’insurrection le 25 avril, et que s’il
les faits, même proches, même minutieusement y eut une action de la Douane para-militaire, elle
étudiés, est énorme. Le livre qui va paraître aux eut lieu le 26, et sans la moindre esquisse d ’insur
Éditions France-Empire, en dissipant cette illusion rection populaire.
de clarté, conduit l’amateur d ’histoire à s’inter Cette méthode, et ses résultats déconcertants,
roger sur la valeur réelle de ses connaissances. Sa établit que nos exigences sont inférieures, en
portée méthodologique dépasse encore la valeur matière d ’histoire, à ce qu’elles sont dans les autres
particulière de son témoignage. domaines de la connaissance. Le Père de l’Histoire
et le Prince des Philosophes, il y a vingt et quelques
LA VÉRITÉ HISTORIQUE siècles, se contentaient d ’un certain degré de véri
fication. Depuis Galilée et Bacon, la physique a
En novembre 1959, l’éditeur « audacieux » Sugar, énormément perfectionné ses critères. L ’histoire
de Milan, a publié l’enquête de Franco Bandini, a entrepris une révision analogue au xixe siècle,
Le Ultime 95 O re d i M ussolini, somme d ’un mais il est à craindre qu’elle n ’ait pas regagné
travail acharné de contrôle et de recherche. Ce son retard.
journaliste a eu la chance de recevoir de la presse Il est très frappant de constater que la méthode
italienne, particulièrement de VEuropeo, des de Bandini reproduit certains caractères de la
moyens illimités. La chance, autrement dit, de science moderne. Il y a cent ans, on croyait savoir
pouvoir lutter à armes égales avec les gens qui ce qu’était la matière avec plus de certitude
ont intérêt à fausser la vérité. Situation assez rare. qu’aujourd’hui. De même, l’histoire telle que la
Il a poussé son investigation jusqu’à un degré de conçoit l’auteur italien est moins affirmative, moins
précision tel que l ’on peut se demander, avec homogène. Mais, comme en physique, on sait bien
malaise : que resterait-il de notre « savoir » histo le peu que l’on sait. C ’est une histoire relativiste,
rique s’il était critiqué avec la même rigueur? au niveau de nos besoins scientifiques.
Voici un exemple :
« Selon l’opinion générale, l’insurrection pour la MUSSOLINI-CORIOLAN
libération de Milan eut lieu le 25 avril. Le calendrier
l’affirme et nous le disons tous, quel que soit notre Étant donné l’attitude relativiste de Franco
parti politique, puisque nous sommes habitués à Bandini, sa prudence toute moderne à éviter
considérer cette date comme un fait indubitable. l’identification des mots et des faits, il est impos
» Mais elle est manifestement fausse, tant pour le sible de résumer la vérité sur la mort de Mussolini.
déroulement matériel des faits que pour leur Mais on peut donner un échantillon de cette
substance. (...) approximation perfectionnée du vrai, qui taille
» Et pourtant, la réthorique a reconstruit après dans le mensonge avec une impassibilité cruelle.
L’ histoire in visib le
s’est déclenchée, toute l’Italie du N ord tombe aux étaient abattus par le communiste Valerio. Il
mains des partisans. Mussolini, Clara, une poignée était seul ; abandonné de tous.
de fidèles (les autres ont déjà déserté), la petite
troupe SS de Birzer se mêlent à une colonne de MUSSOLIN1-MACHIAVEL
la Flak allemande. Hélas ! un barrage de partisans
bloque la colonne, le 27, à sept heures, peu avant La version communiste diffère peu de la version
le village de Dongo. Inspirés par une intuition fasciste, seulement sur des points de détail, sur
prodigieuse, les partisans négocient l’autorisation l’interprétation générale et par le choix des adjec
de passage pour la troupe allemande, à condition tifs. Elle ajoute surtout que Mussolini n ’avait
que le convoi soit minutieusement fouillé. A guère l’intention de se battre, et qu’il voulait se
15 heures 15, le convoi est sur la place de Dongo. réfugier en Suisse, d ’où sa fuite précipitée en
Et l’on découvre, sous l’uniforme allemand, le direction de la frontière. Sa mort clarifia l’atmos
Duce. Il est arrêté, avec tous les Italiens de sa phère et libéra l’Italie d ’un grand poids.
suite. Les Allemands partent ; une fois de plus, De même, le général Cadorna en réfère à sa cons
iis ont trahi. cience, et estima q u ’un procès public du dictateur
Après quelques heures d ’incarcération à la petite aurait été aussi celui de l’Italie tout entière. Bref,
caserne de la Douane, à Germasino, le chef il ne regrette rien.
partisan « Pedro » vint se charger de l’illustre Si telle a été la pensée du général, ce qui est
prisonnier et de Clara. Ils seront enfermés dans une infiniment peu probable, ce fut pour le moins une
chambre rustique de la casa De Maria, à Giulino faute. Les procès d ’après-guerre ont au contraire
di Mezzegra, en attendant d ’être conduits à Milan beaucoup fait pour cristalliser sur les dirigeants
et d ’être remis entre les mains des Alliés, point qui la responsabilité nationale. D ’autre part, l’exé
avait été stipulé dans les « protocoles de Rome », cution sommaire du Duce a empoisonné l’atmos
entre les Alliés et le Gouvernement pro-allié du phère politique italienne.
maréchal Badoglio. Mais revenons aux faits, après cette excursion dans
En effet, la clause 29 de l’accord entre Eisenhower la légende.
et Badoglio précisait que Benito Mussolini et En voulant glorifier leur chef, les fascistes le font
ses principaux collaborateurs seraient « immédia passer en somme pour un imbécile. En se rendant
tement arrêtés et remis aux forces des Nations au palais épiscopal, Mussolini savait à quoi s’en
Unies. Tous les ordres des Nations Unies sur ce tenir, et sur les négociations allemandes avec les
point seront observés. » Le CLNAI avait contre Alliés, et sur le pouvoir réel de ses interlocuteurs.
signé l’accord, contre l’aide, financière et autre, Les Allemands maintenaient des contacts, par
des Anglo-Américains. jeu diplomatique normal, mais leur reddition
« Pedro » entendait faire son devoir. Mais, à effective n ’eut lieu qu’après la mort d ’Hitler.
Milan, les communistes faisaient pression sur Quant au CLNAI, ses propositions de reddition
le CLNAI, arrachaient au général Cadorna l’ordre du Duce sans condition n ’étaient que du bluff :
d ’exécuter Mussolini. Le colonel Valerio, avec un le vieux politicien, davantage vaincu par une
commando communiste, partait accomplir l’ordre, conjoncture inextricable que par ses propres
tandis que le CVL envoyait aux Alliés un télé erreurs, surclassait ces amateurs.
gramme mensonger : « CVL à AGH (Quartier Ses projets apparents de terminer la lutte à Milan
Général Allié), regrette de ne pouvoir vous remettre ou dans la Valtelline n ’étaient aussi que des
Mussolini, qui a été condamné par Tribunal manœuvres. Il voulait impressionner les partisans.
Populaire et fusillé à l’endroit où ont été précé Aucune disposition ne fut jamais prise pour
demment fusillés par les nazis-fascistes quinze constituer un dernier réduit. Il avait tout bonne
patriotes, stop. » ment l’intention de se réfugier en Suisse, et les
Une quinzaine d ’heures plus tard, le Duce et Clara services secrets alliés. Anglais du moins, le savaient
L’ histoire in visib le
si bien q u ’ils avaient convenu avec leurs homo l’officier sort, et informe Birzer que Graziani lui
logues helvétiques que les hiérarques fascistes ne a demandé tous les détails sur les passages de
seraient pas autorisés à franchir la frontière. montagne vers la Suisse. Il ajoute qu’il a donné
Cela, Mussolini ne l’ignorait pas. Son plan était de faux renseignements, et que Birzer ferait bien
donc d ’agir vite et subtilement. Il se rend à l’Arche- d ’ouvrir l’œil.
vêché sans la moindre illusion sur les suites de Le lieutenant téléphone aussitôt à Milan. Le
l’entrevue. Mais, ce faisant, il situe et immobilise vice-consul écoute, dit d ’un ton ferme : « Alors,
les responsables partisans. Son éclat de doulou il est nécessaire que vous agissiez », et raccroche.
reuse surprise, quand il apprend la « trahison » Birzer, résigné mais ferme, place des sentinelles.
des Allemands, est de la haute comédie. Et l’on A 4 heures 30, Mussolini entre dans sa voiture.
peut se demander quelles étaient au juste les inten Birzer barre la route. Et, comme les fidèles fascistes
tions du bon archevêque Schuster. U n de ses s’interposent, il crie des ordres, ses SS arment
secrétaires, bavardant avec les fascistes dans les mitraillettes. Il s’approche de Mussolini,
l’antichambre, n ’avait pas manqué de leur parler claque les talons:
des tractations germano-alliées. Et l’archevêque « Duce, maintenant nous pouvons partir. »
lui-même était entré à fond dans le jeu en apportant Mussolini fait un signe résigné. La première
les « preuves » de ces tractations. tentative de fuite a échoué. Rachele suspend son
Mussolini part et, comme prévu, les partisans passage.
discutent. Quand ils arrivent à une décision, il Il en est de même pour une seconde tentative, à
est déjà loin, à quelques kilomètres de la Suisse. l’auberge Miravalle de Grandola. Après avoir
Il a d ’autre part réussi à semer tous les officiers semé son trop fidèle garde du corps, Mussolini
de son escorte SS, qui étaient bien décidés à ne pas se rend à l’auberge, fort opportunément disposée
le laisser fuir en Suisse ou ailleurs, mais à le pour une escapade. Mais l’infatigable lieutenant
conduire en Allemagne. Sauf (et là intervient ce arrive juste à point. Encore trop tard!
que l’on peut difficilement appeler autrement que Une autre occasion ne se représentera pas. Dans
le Destin) un petit lieutenant aux yeux mélan ces régions montagneuses, les partisans sont en
coliques, nommé Birzer, qui survivra et témoignera. nombre. A Dongo, Birzer devra abandonner le
A Côme, Mussolini agit vite. Il envoie des ins Duce entre leurs mains.
tructions à Rachele Mussolini, qui attendait dans
une villa voisine, avec une escorte et des caisses LE GRAND JEU
de précieux papiers. Il la rencontre secrètement
vers quatre heures du matin, convient de la Mussolini n'est pas condamné pour autant. De
manœuvre. Rachele, les enfants, les bagages, puissantes interventions s’agitent pour le récupérer
pourront entrer en Suisse. Il passera séparément, vivant. En premier lieu, les Américains.
par un chemin détourné. Une fois en Suisse, avec Sans exclure d ’autres groupes, il y a la mission du
les documents, il se sent de taille à négocier avec capitaine de frégate Giovanni Dessy, agent secret
les Anglais. du Gouvernement Badoglio et de l’OSS en Suisse.
Si Birzer était mort, l’échec de ce plan serait Son équipée se termine le 27 au soir, alors qu’il
resté un mystère. Avec une pénible surprise, le part de Côme pour Giulino di Mezzegra où
lieutenant se retrouvait seul responsable de la Mussolini vient d ’être enfermé, par l’action
sécurité de Mussolini. Son inquiétude ne fut pas brutale du colonel Valerio. Celui-ci a aussi une
dissipée par l’attitude étrange du Duce. mission à exécuter et il va de l’avant avec une
Vers 21 heures 30, il reçoit du Duce l’ordre d ’aller efficacité digne d ’un Skorzeny.
chercher le commandant allemand de la place de Il y a le capitaine américain Daddario, le premier
Côme. Il conduit l’officier au maréchal Graziani, officier à entrer dans Milan, fonçant avec un haut
principal élément de la suite. Une heure plus tard, mépris du danger dans une voiture couverte de
L’histoire in visib le
Les Esquimaux, hommes du futur
J e a n C a t h el i n
L’histoire in visib le
L ’homme du N ord donc, le vrai, le seul, c’est genre. Les fonctionnaires des Affaires du Nord
l’Esquimau. D ’après les derniers travaux de luttent de leur mieux contre cet abâtardissement,
l’Arctic Institute, il est là depuis 17.000 ans. mais non sans mal.
On a trouvé à Aklavik (Baie de Mackenzie) les En raison de leur fragilité, du vandalisme colonial
ruines superposées de plusieurs agglomérations, et de la spéculation, les masques esquimaux ont,
ainsi que des armes et ustensiles d ’époque. quant à eux, à peu près complètement disparu.
Si l’on remonte à des périodes plus récentes que Par bonheur, au milieu de ses collections uniques
celle où les Esquimaux arrivèrent en Amérique au monde de masques indiens, le gouvernement
du Nord, en provenance des îles Kouriles ou des de la Province de Colombie Britannique est
rivages sibériens, on s’aperçoit que le climat et parvenu à en conserver quelques-uns. Dans ceux-ci
les hommes n ’ont guère laissé de témoignages. on trouve cette même sérénité que j ’oserai dire
Dès le xviie siècle, les postes de traite de la Com « bouddhique » qui a certainement fait le succès
pagnie de la Baie d ’Hudson et de la Compagnie de la sculpture esquimaude : cette impassibilité
du Nord-Ouest s’enfoncent vers le Nord et le millénaire qu’éclaire un sourire digne de Gau-
Nord-Ouest et les rivalités et luttes amènent la tama, je l’ai d ’ailleurs trouvée sur le visage de la
destruction ou l’accaparement des souvenirs plupart des Esquimaux que j ’ai rencontrés.
indigènes. Les Indiens en pâtissent et les Aujourd’hui, le masque de bois a été remplacé
Esquimaux aussi. D ’autre part, dès le milieu du par le masque de peau de phoque, mais on ne le
xixe siècle, les missions catholiques et protestantes revêt plus guère et le cinéma du samedi a remplacé
commencent à s’intéresser aux Indiens du Nord les cérémonies en l’honneur de la déesse de la mer.
et aux Esquimaux. Sans doute un pasteur anglais
a-t-il l’idée géniale d ’adapter les signes indiens COMME LES JAPONAIS...
Créés à la translation syllabique de la langue
esquimaude, uniquement orale (on comprend que Cependant, on doit remarquer que l’occidenta
les conditions locales ne poussaient guère à lisation de l’Esquimau ne date pas d ’hier, mais
l’écriture), mais combien de représentations consi de l’instant où le commerçant européen a, dans
dérées comme idolâtriques ont-elles dû être l’économie de chasse des Inuit, introduit la notion
détruites par ces missionnaires! d ’intérêt pour l’amener à trapper la fourrure
La sculpture esquimaude, art qui relève d ’une très comme les Indiens. Ainsi connut-il, comme ses
haute tradition orientale et fut redécouvert ces cousins Rouges, cette piraterie de la triste Hudson
toutes dernières années, nous a laissé peu d ’élé Bay Co.
ments que nous puissions considérer comme très Le magasin de l'Hudson Bay Co (H.B.C. - « Here
anciens. La très belle pierre de savon (noire, Before Christ », disent amèrement certains Cana
verte ou grise) n ’a pas résisté aux successions diens : « Ici Avant le Christ », jouant sur les
de gel et de dégel. Enfin, chaque chasseur a toujours initiales) et la Mission furent les premiers lieux de
eu tendance à faire disparaître avec lui ces repré déformation de l’Esquimau. Aujourd’hui, les
sentations totémiques de sa victoire sur le phoque, intellectuels oxoniens qui constituent les cadres des
le morse, la baleine ou le caribou. Car ces sculp Affaires du Nord ont balayé ces influences, y
tures, dans l’igloo, demeuraient enveloppées dans compris celle de la Police Montée, pour y
des couvertures et suivaient la famille dans ses substituer un esprit supérieur.
déplacements. Quoi qu’il en soit, ces empiétements sur la culture
Aujourd’hui, la vogue soudaine de cet art à originelle ont depuis longtemps donné à l'Esquimau
New York, Montréal et Vancouver, en a amené l’habitude de se penser nouvellement en fonction
une exploitation de la part des galeries et des des critères occidentaux.
magasins de la Compagnie de la Baie d ’Hudson. Mais ce qui fait l’unicité de son cas, c’est que ce
On commande aux artistes tant de pièces de tel petit peuple conserve entier et dans le silence son
L ’ histoire in visib le
neuve. La base militaire ne s’intéresse à la masse aux gendarmes et aux voleurs dans l’été de la
indigène (Indiens Créés et Esquimaux) que dans toundra, sur les routes poudreuses et les collines
la mesure où elle y puise du personnel. Chose parsemées d ’airelles et de lichens de la péninsule
frappante, les Indiens Créés sont dans cette agglo de Hall. La probabilité moyenne de vie pour leurs
mération à peu près uniquement pêcheurs, grands-parents était de trente ans, la leur sera de
chasseurs, trappeurs ou manœuvres. Les Esqui quarante-cinq et plus. Déjà, les vieillards ne sont
maux, eux, occupent les meilleures places à l’école plus rares dans un monde où il fallait les aban
comme dans la vie et s’offrent le luxe de surpasser donner aux loups en temps de famine, voici
les écoliers fils de fonctionnaires européens. C ’est vingt ans à peine.
qu’ils comprennent tout, tout de suite. Le grand Et les jeunes d ’ici, comme n ’importe lequel
romancier canadien-français Yves Thériault, auteur d ’entre nous, seront libres de choisir une car
de Agaguk (Ed. Grasset), me disait un jour q u ’il rière à leur convenance (1). Au sortir de l’École
avait obtenu de l’un d ’eux cette explication de leur Supérieure du Nord, qui a son siège à Yellow-
rapidité de compréhension : « Je touche tout avec knife, rien ne les empêchera de rejoindre sur les
mes yeux. » aéroports les 300 Esquimaux déjà employés, ou
Autre fait caractéristique, les Affaires du Nord d ’aller étudier encore dans le Sud. Déjà des pro
ont pourvu tout le monde des mêmes maisonnettes motions antérieures les y ont précédés. Mais
préfabriquées, des mêmes frigidaires, des mêmes nul non plus ne les empêchera de rester sur la
cuisinières à gaz butane. Les demeures des Esqui terre de leurs pères pour y pêcher avec des moyens
maux sont impeccables ; celles des Indiens, dou modernes, y élever des troupeaux d ’ovibos —
teuses. Dans ces maisons modernes où la grand- bœufs musqués — ou enfin y cultiver des espèces
mère coud à la machine des ornements de cuir, acclimatées, comme un nouvel hybride céréalier.
où le fils scie électriquement les pierres pour ses Quant aux fillettes qui, hier encore, s’abrutissaient
sculptures, où la mère donne le biberon à ses aux tâches ménagères, les machines leur donneront
enfants, où l’on fait cuire au four le bifteck le temps de fabriquer les célèbres parkas de laine
d ’orignal que le père a chassé au fusil, la vie tradi pour les grands faiseurs de New York, et les bottes
tionnelle esquimaude se poursuit, avec ses rites de phoques à revers brodés de perles dont la vente
familiaux et son égalité d ’humeur ponctuée est extrêmement rentable. Et lorsqu’elles seront
d ’humour. Humour qui leur fait construire un mariées, elles toucheront des allocations familiales,
igloo pour rire, au centre du village, dans lequel comme tout le monde.
ils posent volontiers pour les touristes. De cette évolution, qui chagrine certains roman
tiques comme M. Farley Mowat (auteur de Le
UN HOMM E NOUVEAU Peuple du Renne), je crois qu’il y a tout lieu de
DANS UN PAYS N EUF se réjouir. L ’Esquimau peut, très rapidement,
apporter autant à l’homme d ’Occident que celui-ci
Ainsi, dans le grand ensemble de « l’homo ameri- lui a donné.
canus » un « homme nord-canadien se crée » suivant D ’autant que le Grand Nord a un aspect que
la formule de R.J. Green. Et bientôt, comme me le j ’oserai, pour les Français, appeler « saharien ».
disait M. Delaute, administrateur de la Terre de Les missions géologiques l’ont prouvé au cours
Baffin, cet « homme-nord » sera un Esquimau. de ces dernières années : il y a du pétrole au
R.G. Robertson, aux dernières sessions du Par Mackenzie et au Yukon, et l’on peut construire
lement du Nord, et Melijarik, au congrès de des barrages fantastiques sur la rivière Mackenzie,
l’Association esquimau-indienne, l’ont dit : de des ports sur le Grand Lac de l’Ours ou le Lac des
nouvelles Provinces se créeront dans le Nord où Esclaves. Les réserves de plomb, or, fer, zinc, de
Inuk sera responsable de son propre destin.
Tel est le sort qui attend les jeunes écoliers jouant (1) Il existe actuellement 50 écoles dans les T.N.O.
L’histoire in visib le
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Les armes incompréhensibles de demain
par X X X
Les quelques lignes que vous allez lire ne sont en aucune façon le
début d ’une nouvelle d ’anticipation. Elles signalent un événement
Anti-matière qui peut arriver d ’un moment à l’autre, qui est peut-être déjà arrivé.
Le lecteur que ces lignes choqueraient dans ses idées politiques est
Anti-désordre prié de remplacer les mots « Président du Soviet Suprême » par
« Président des U.S.A. ». Cela ne changera rien à l’argumentation,
ni à la réalité possible, ni aux conséquences probables des faits.
Anti-mensonge Le Président du Soviet Suprême parlait d ’une voix à peine audible.
Il dit : « Camarades ! C ’est avec la tristesse la plus profonde que je
vous fais cette déclaration : Ce sera la dernière de ma carrière politique.
U n autre vous guidera dans les heures difficiles qui vont suivre. Notre
magnifique armée, les armées de nos Alliés du Pacte de Varsovie,
l’invincible armée de notre grande alliée la Chine, vont être obligées
de déposer les armes sans avoir combattu. Les Casques bleus des
Nations Unies viendront occuper notre pays. Aucune bataille pourtant
n ’a été livrée. Mais nos conseillers scientifiques en qui j ’ai toute
confiance, m ’apprennent que les Américains ont mis au point une
série de formules mathématiques qui leur donnent tout pouvoir
sur l’univers physique. Aucune résistance n ’est possible. J ’aurais
voulu pouvoir vous expliquer de quoi il s’agit, mais malheureusement
ma culture mathématique, qui est réduite, ne me le permet pas.
Cependant, aucun doute n ’est possible. Il ne peut s’agir, comme
certains l’ont supposé, d ’une conspiration de nos savants et des leurs
L'histoire invisible
Message aux lecteurs de science-fiction
Youri Gagarine
La littératu re différente
cependant continuait à paraître, mais sur moins ficielles sont nés directement de ses recherches
beau papier. D ’autres revues comme L e Chasseur théoriques. Mais il a également écrit de la science-
des P istes universelles étaient apparues. Et les fiction. A vrai dire, il y a très peu de fiction dans
romans se multipliaient. Ils paraissaient d ’ailleurs l’œuvre de Tsiolkovski : peu de personnages
tout aussi bien en U.R.S.S. q u ’à l’extérieur. C ’est humains et pas d ’action. Ce sont des rêveries, des
ainsi qu’Ilya Ehrenbourg, le plus célèbre peut-être monologues, mais des monologues d ’un homme
des écrivains soviétiques de ce moment, et qui de génie. Aussi cette œuvre est-elle à retenir.
habitait Berlin, publiait entre 1921 et 1924 plusieurs Un autre savant éminent, l’académicien G. Obru-
romans de science-fiction, dont un au moins cev écrivait aussi. Obrucev fut un géologue, un
excellent. C ’est Le Trust D .E . « D.E. » sont les géographe et un grand explorateur. Sa science-
initiales de deux mots russes qui signifient « A bas fiction est assez naïve et rappelle un peu l’œuvre
l’Europe ». Ce roman d ’anticipation décrivait de l’Américain Edgar Rice Burroughs, qui inventa
l’effondrement du capitalisme en des termes singu Tarzan. Obrucev décrit des civilisations perdues,
lièrement prophétiques. Il est devenu introuvable dans des terres inconnues ou même à l’intérieur de
et il serait souhaitable q u ’un éditeur le reprenne. notre globe. Quand, récemment, on réédita ses
En U.R.S.S. même, les deux œuvres les plus célèbres ouvrages, Obrucev (qui est mort en 1956 à l’âge
de cette époque héroïque de la science-fiction sovié de 95 ans) tint à préciser dans ses préfaces que la
tique sont celles du grand écrivain Alexis Tolstoï, plupart des hypothèses émises dans ses récits
neveu du grand Léon Tolstoï. Elles s’appellent avaient été réfutées par le progrès scientifique.
A elita et /’H yperboloïde de l ’ingénieur Garine. Mais ceci n ’enlève rien à la valeur poétique de
A elita est un récit utopique d ’un voyage en fusée son œuvre.
sur Mars. U H yperboloïde est la lutte autour d ’une
invention qui rappelle assez le rayon ardent de UN JULES VERNE RUSSE
Wells. Tout récemment, un appareil de ce genre
destiné à couper les plaques de blindage a été La fin de l’ère héroïque a vu naître un véritable
réalisé dans une usine de Moscou et on l’a immé écrivain complet de science-fiction, un Jules Verne
diatement présenté à la presse comme L ’H yp er russe. Il s’appelait Alexandre Belaiev. Il est mort
boloïde de l ’ingénieur Garine. en 1941, laissant une quarantaine de romans et une
Parmi les autres auteurs de cette époque, il faut centaine de nouvelles. Belaiev est moins matérialiste
citer Valentin Kataev et G. Boulgakhov. et moins rationaliste que Jules Verne. Il s’attaque
Kataev est devenu un des plus célèbres parmi les à des thèmes comme la télépathie et la lévitation,
maîtres de la littérature soviétique. Je ne sais pas en tentant de leur donner des explications scienti
ce qu’est devenu Boulgakhov. Un de ses romans fiques ou pseudo-scientifiques. Cette tendance
au moins, L es Œ ufs maudits, est tout à fait remar curieuse à un idéalisme philosophique se retrouve
quable. Il s’agit de la découverte d ’œufs de reptiles fréquemment dans la science-fiction soviétique et
préhistoriques. Ces œufs sont couvés et les reptiles nous y reviendrons. Elle représente, à mon avis,
qui en sortent se répandent dans la paisible une réaction contre le matérialisme officiel et une
campagne russe. manifestation de l’esprit de liberté dans la science-
fiction. Belaiev a traité tous les thèmes, sauf les
LE PÈRE DE L ’ASTRONAUTIQUE voyages dans le temps. Là également il rejoint
Jules Verne : comme lui, il vit dans un univers
C ’est également durant la révolution que le public newtonien et considère le temps comme un inva
soviétique prit connaissance de l’œuvre de K. Tsiol- riant. Les meilleurs romans de Belaiev sont : Ariel,
kovski (1857-1935). Ce professeur de lycée de Le Saut dans le Néant, L ’É toile K E Z , L e M aître
province est le père de l’astronautique. Les du Monde, L ’Hom m e amphibie, L e dernier Survivant
spoutniks, les fusées lunaires et les planètes arti de l'A tlantide.
La littérature différente
plus célèbres et il est m ort dans les prisons du LE PLUS G R A N D : EFR ÉM O V
tzar. Dolgoujine a com battu avec les partisans
contre les Blancs ju sq u ’en 1921. Il com m ença à Efrémov est paléontologiste. C ette discipline
écrire en 1925 et la première version du Générateur fournit d ’excellents auteurs : l’un des meilleurs
de Miracles date de 1936. Mobilisé en 1941 et du genre, en France, Francis Carsac, est pré
blessé en 42, il écrivit à l’hôpital une nouvelle : historien et paléontologiste également. L ’œuvre
Avec un fusil contre des chars qui, la même année, d ’Efrémov est considérable. L ’une de ses nouvelles,
reçut un prix littéraire. Depuis la guerre, il s ’occupe La cheminée aux diamants, parue en 1944, provoqua
surtout de vulgarisation scientifique et il s ’est des recherches qui conduisirent à la découverte des
rendu célèbre par deux œuvres : Aux Sources de la immenses gisements de diam ants en Sibérie. L ’un
Biologie nouvelle et Au Cœur du Monde vivant. Ce des recueils de nouvelles d ’Efrémov, Récits de
qui frappe dans Le Générateur de Miracles, c ’est Science-Fiction, a été traduit en 23 langues dont
l’énorm e culture de l ’auteur qui se sent dans son le japonais. M ais ce sont trois rom ans qui situent
dom aine aussi bien en électronique q u ’en biologie. Efrémov parm i les génies littéraires : Les Vaisseaux
Si D olgoujine avait à son actif une oeuvre plus d'Étoiles, La Nébuleuse d'Andromède, et Le Cœur
considérable, il serait certainem ent l’un des grands du Serpent.
de la science-fiction mondiale. Les Vaisseaux d'Étoiles ne sont pas des navires
interstellaires, mais les galaxies elles-mêmes.
L ’astronom ie m oderne m ontre que les galaxies,
les voies lactées, sont un véritable gaz et q u ’elles
s ’agitent, et parfois se rapprochent. Efrémov
imagine q u ’une galaxie traversa la nôtre il y a
des milliards d ’années. De telles collisions se
produisent dans la réalité et constituent une des
sources du rayonnem ent électro-m agnétique du
ciel. Lors d ’une de ces collisions, une étoile est
suffisamment rapprochée de notre soleil pour que
la traversée entre les deux systèmes soit possible.
Venus ainsi sur une terre où l ’homme était encore
loin dans le temps, des êtres intelligents ont tué
quelques dinosaures, et ont laissé leur image sur
une plaque de m étal sensibilisée à des rayon
nements nucléaires. C ette plaque sera retrouvée,
révélée par des savants de notre époque, et l’homme
saura ainsi de façon certaine q u ’il n ’est pas seul
parm i les vivants. La preuve aura été faite que
d ’autres raisons, d ’autres intelligences existent
dans le ciel étoilé. C e récit est un des chefs-
d ’œuvre du réalisme fantastique. Quiconque l’a
lu une fois verra toujours l’univers sous un aspect
nouveau.
Efrémov, le n° 1. Grand paléontologue, La Nébuleuse d'Andromède est une œuvre plus
grand voyageur, grand écrivain. Ses longue et plus ambitieuse. Elle a été violemment
deux Thèmes : Le lointain passé de attaquée par une partie de la presse soviétique, et
l'humanité et le contact, dans un proche notam m ent par le très influent Journal industriel
futur , avec des « intelligences du dehors ». et économique. C ’est que l ’action se déroule dans
La littératu re différente
« Je viens d ’aller en pèlerinage au Mont-Valérien, avancée, comme le lien nécessaire entre les
devant les tombes des Fusillés. Ceux qui sont chercheurs et les rêveurs.
tombés là étaient justement des hommes de La position de ces deux auteurs a provoqué de
l’avenir! L ’homme de l’avenir se reconnaît partout vives controverses. Certaines revues leur ont
à ce qu’il est prêt à se battre et à mourir pour reproché de manquer de foi et d ’élan et d ’être vite
l’avenir. » dépassés par les progrès scientifiques. Tandis que
Kazantzev lui-même est un de ces hommes toujours Nemzov décrit les ascensions en ballon strato
prêts à se battre. Depuis plus de 10 ans, il cherche sphérique, les spoutniks tournent autour du globe,
à prouver que le grand météorite qui a explosé les fusées atteignent la lune, les planètes artifi
en 1908, au-dessus de la Sibérie, était en réalité cielles se meuvent autour du soleil. C ’est fâcheux.
un navire interplanétaire propulsé par l’énergie Il n ’en reste pas moins que les idées de Nemzov
nucléaire. Cette position lui a valu les reproches sur la captation de l’énergie solaire dans son
des grands pontifes de la science officielle. roman Un fragm en t du Soleil sont tout à fait
Cependant, la recherche a prouvé que l’on ne excellentes. Il n ’en est pas moins vrai que l’idée
retrouve pas les débris de ce météorite et q u ’il de Gourévitch utilisée pour l’exploration des
s’agit d ’un phénomène extrêmement anormal : océans — non pas un bathyscaphe, mais une
comète chargée d ’énergie, ou bien morceau d ’anti machine extra-plate contenant des circuits imprimés
matière provenant d ’un anti-univers infiniment ne risquant pas d ’être écrasés puisque la pression
lointain, ou même peut-être — qui sait? — navire est la même des deux côtés, — est techniquement
interplanétaire comme le prétend Kazantzev. excellente. Ces deux auteurs ont d ’ailleurs cherché,
L’œuvre de mon ami est riche d ’idées techniques à la suite des récents progrès de la science, à élargir
parfaitement valables. Son tunnel flottant, leur cadre, et ils y ont fort bien réussi.
réunissant les États-Unis et l’U.R.S.S. à travers C ’est ainsi que Nemzov, dans La dernière Étape,
le détroit de Behring, est si bien étudié que des envisage une technologie remarquable pour capter
ingénieurs s’y sont intéressés. Son accumulateur les énergies cosmiques. On envoie dans l’espace
léger utilisant la super-conductivité sera réalisé des fusées contenant de la matière instable dont
un jour. Ses personnages sont extrêmement les noyaux peuvent être activés par les rayons
vivants. Enfin, il a beaucoup fait pour la science- cosmiques primaires et on ramène ces fusées sur
fiction en publiant des anthologies, en faisant terre. On provoque alors la désintégration de cette
traduire des auteurs étrangers de valeur comme matière dont on extrait totalement l’énergie. C ’est
Ray Bradbury, en défendant la science-fiction la houille étoilée. Autour de cette idée, Nemzov
dans la Pravda. Il espère créer une revue mensuelle tisse une excellente trame d ’aventures.
uniquement consacrée à la science-fiction. De même Gourévitch, dans son plus récent roman,
Naissance d'un sixièm e Océan, s’attaque à un
DEUX RÉALISTES : sujet avancé : la transmission de l’énergie à
VLADIMIR NEMZOV distance à travers l’ionosphère. Il en profite
ET GEORGI GOURÉVITCH pour exposer un plan sensationnel de relèvement
des pays sous-développés, grâce à une alimen
Les auteurs dont nous avons parlé, et notamment tation en énergie électrique à partir de centrales
Efrémov et Kazantzev, vont loin dans le fantas situées dans des pays plus développés et possédant
tique. Par contre, Vladimir Nemzov et Georgi le personnel technique nécessaire. Les récepteurs
Gourévitch cherchent à serrer de très près la sont complètement automatiques et fournissent
réalité et à produire des œuvres qui puissent servir immédiatement du courant classique, facile à
directement d ’inspiration aux ingénieurs et aux manier. L ’idée est extrêmement excitante pour
laboratoires de recherches. Ils se considèrent l’esprit. Si elle peut un jour être réalisée, il n ’y
comme les « public relations » de la science aura plus de pays sous-développés et bon nombre
La littératu re différente
Illustration originale de Pierre Balas.
L'écriture du Dieu
Jorge Luis Borgès Nouvelle
Jorge Luis Borgès est d’origine La prison est profonde. Elle est en pierre. Sa forme est celle d ’une
hispano-anglo- portugaise. Elevé demi-sphère presque parfaite ; le sol, qui est aussi en pierre, l’arrête
en Suisse, il s’est fixé depuis un peu avant le plus grand cercle, ce qui accentue de quelque manière
longtemps à Buenos Aires, où il les sentiments d ’oppression et d ’espace. Un mur la coupe en son
naquit en 1899. Nul n’a moins milieu. Il est très haut, mais n ’atteint pas la partie supérieure de la
de patrie que cet homme étrange, coupole. D ’un côté, il y a moi, Tzinacan, mage de la pyramide de
et nul écrivain n’échappe aussi Qaholom, qui fut incendiée par Pedro de Alvarado ; de l’autre, il y a
totalement à tout régionalisme un jaguar qui mesure à pas égaux et invisibles le temps et l’espace
comme d’ailleurs à toute indi de sa cellule. Au ras du sol, une large fenêtre munie de barreaux
cation temporelle. s’ouvre dans le mur central. A l’heure sans ombre (midi), on ouvre
Au printemps de 1961, Borgès une trappe dans le haut et un geôlier, que les années ont petit à petit
s’est vu décerner le Prix inter effacé, manœuvre une poulie de fer et nous descend à l’extrémité d ’un
national des éditeurs. En France, câble des cruches d ’eau et des morceaux de viande. La lumière pénètre
grâce aux efforts de Roger alors dans l’oubliette ; c’est le moment où je peux voir le jaguar.
Caillois qui le traduit comme Je ne sais plus le nombre des années que j ’ai passées dans la ténèbre.
Baudelaire traduisait Poe, il Moi qui autrefois fus jeune et qui pouvais marcher dans cette prison,
compte un certain nombre de je ne fais plus autre chose qu’attendre, dans l’attitude de ma mort,
fervents admirateurs. Il est sans la fin que les dieux me destinent. Avec le profond couteau de silex,
aucun doute une des plus fortes j ’ai ouvert la poitrine des victimes. Maintenant, je ne pourrais pas
figures de la littérature mondiale. sans l’aide de la magie me lever de la poussière.
« L’Ecriture du dieu » a été La veille de l’incendie de la pyramide, des hommes qui descendirent
publiée dans un recueil à tirage de hauts chevaux me tourmentèrent avec des métaux ardents pour
restreint: « Labyrinthe », chez que je leur révèle la cachette d ’un trésor. Ils renversèrent devant mes
Gallimard. yeux la statue du dieu, mais celui-ci ne m ’abandonna pas et je suis
Nous ne saurions trop recom resté silencieux dans les tortures. Us me lacérèrent, me brisèrent, me
mander au lecteur de lire deux déformèrent. Puis je me réveillai dans cette prison que je ne quitterai
fois cette nouvelle, et lentement, plus durant ma vie de mortel.
afin de voir peu à peu apparaître
en relief la noblesse du style et
la magnificence de l’inspiration.
La littératu re différente
Poussé par la nécessité de faire quelque chose, moi-même le but de ma recherche. A ce moment,
de peupler le temps, je voulus me souvenir, dans je me souvins que le jaguar était un des attributs
cette ombre, de tout ce que je savais. Je gaspillai du dieu.
des nuits entières à me rappeler l’ordre et le nombre Alors la piété emplit mon âme. J ’imaginai le
de certains serpents de pierre, la forme d ’un arbre premier matin du temps. J ’imaginai mon dieu
médicinal. De cette manière, je mis en fuite les confiant son message à la peau vivante des jaguars
années et je pris possession de tout ce qui m ’appar qui s’accoupleraient et s'engendreraient sans fin
tenait. Une nuit, je sentis que j ’approchais d ’un dans les cavernes, dans les plantations, dans les
souvenir précieux : avant de voir la mer, le îles, afin que les derniers hommes le reçoivent.
voyageur perçoit une agitation dans son sang. J ’imaginai ce réseau de tigres, ce brûlant labyrinthe
Quelques heures après, je commençai à entrevoir de tigres, répandant l’horreur dans les prés et les
ce souvenir. C ’était une des traditions qui troupeaux, pour conserver un dessin. La cellule
concernent le dieu. Prévoyant q u ’à la fin des temps adjacente contenait un jaguar. Dans ce voisinage
se produiraient beaucoup de malheurs et de ruines, j ’aperçus la confirmation de ma conjecture et une
il écrivit le premier jour de la création une sentence secrète faveur.
magique capable de conjurer tous ces maux. Il Je passai de longues années à apprendre l’ordre
l’écrivit de telle sorte q u ’elle parvienne aux géné et la disposition des taches. Chaque aveugle
rations les plus éloignées et que le hasard ne journée me consentait un instant de lumière et je
puisse l’altérer. Personne ne sait où il l’écrivit pouvais alors fixer dans ma mémoire les formes
ni avec quelles lettres, mais nous ne doutons pas noires qui marquaient le pelage jaune. Quelques-
qu’elle subsiste quelque part, secrète, et q u ’un unes figuraient des points, d ’autres formaient
élu un jour ne doive la lire. Je réfléchis alors des raies transversales sur la face intérieure des
que nous nous trouvions, comme toujours, à la pattes ; d ’autres, annulaires, se répétaient. Peut-
fin des temps et que ma condition de dernier être était-ce un même son ou un même mot.
prêtre du dieu me donnerait peut-être le privilège Beaucoup avait des bords rouges.
de déchiffrer cette écriture. Le fait que les murs Je ne dirai pas mes fatigues et ma peine. Plus
d ’une prison m ’entouraient ne m ’interdisait pas d ’une fois, je criai aux murs qu’il était impossible
cette espérance. Peut-être avais-je vu des milliers de déchiffrer un pareil texte. Insensiblement,
de fois l’inscription à Qaholom et il ne m ’avait l’énigme concrète qui m ’occupait me tourmenta
manqué que de la comprendre. moins que l’énigme générique, que constitue
Cette pensée me donna du courage, puis me une sentence écrite par un dieu. « Quelle sorte
plongea dans une espèce de vertige. Sur toute de sentence, me demandais-je, devait formuler
l’étendue de la terre, il existe des formes antiques, une intelligence absolue? » Je réfléchis que, même
des formes incorruptibles et éternelles. N ’importe dans les langages humains, il n ’y a pas de propo
laquelle d ’entre elles pouvait être le symbole sition qui ne suppose pas l’univers entier. Dire
cherché ; une montagne pouvait être la parole du « le tigre », c’est dire les tigres qui l’engendrèrent,
dieu, ou un fleuve, ou l’empire, ou la disposition les cerfs et les tortues qu’il dévora, l’herbe dont
des astres. Mais, au cours des siècles, les montagnes se nourrissent les cerfs, la terre qui fut la mère de
s’usent et le cours d ’un fleuve dévie, et les empires l’herbe, le ciel qui donna le jour à la terre. Je
connaissent des changements et des catastrophes, réfléchis encore que, dans le langage d ’un dieu,
et la figure des astres varie. Jusque dans le toute parole énoncerait cet enchaînement infini
firmament, il y a mutation. La montagne et de faits, et non pas d ’un mode implicite, mais
l’étoile sont des individus, et les individus passent. explicite, et non pas d ’une manière progressive,
Je cherchai quelque chose de plus tenace, de moins mais instantanée. Avec le temps, la notion même
vulnérable. Je pensai aux générations des céréales, d ’une sentence divine me parut puérile et blasphé
des herbes, des oiseaux, des hommes. Peut-être matoire. « Un dieu, pensai-je, ne doit dire qu’un
la formule était-elle écrite sur mon visage et j ’étais seul mot et qui renferme la plénitude. Aucune
L'écriture du Dieu
parole articulée par lui ne peut être inférieure à ni derrière moi, ni à mes côtés, mais partout à la
l’univers ou moins complète que la somme du fois. Cette Roue était faite d ’eau et aussi de feu
temps. Les pauvres mots ambitieux des hommes, et elle était, bien qu’on en distinguât le bord,
tout, monde, univers, sont des ombres, des simu infinie. Entremêlées la constituaient toutes les
lacres de ce vocable qui équivaut à un langage et choses qui seront, qui sont et qui furent. J ’étais
à tout ce que peut contenir un langage. » un fil dans cette trame totale, et Pedro de Alvarado,
Un jour ou une nuit — entre mes jours et mes qui me toitura, en était un autre. Là résidaient
nuits, quelle différence y a-t-il? — je rêvai que, les causes et les effets et il me suffisait de voir la
sur le sol de ma prison, il y avait un grain de Roue pour tout comprendre, sans fin. O joie de
sable. Je m ’endormis de nouveau, indifférent. Je comprendre, plus grande que celle d ’imaginer
rêvai que je m ’éveillais et q u ’il y avait deux grains ou de sentir! Je vis l’univers et je vis les desseins
de sable. Je me rendormis et je rêvai que les grains intimes de l’univers. Je vis les origines que raconte
de sable étaient trois. Ils se multiplièrent ainsi le Livre du Conseil. Je vis les montagnes qui sur
jusqu’à emplir la prison, et moi, je mourais sous girent des eaux. Je vis les premiers hommes qui
cet hémisphère de sable. Je compris que j ’étais étaient de la substance des arbres. Je vis les jarres
en train de rêver, je me réveillai au prix d ’un qui attaquèrent les hommes. Je vis les chiens leur
grand effort. Me réveiller fut inutile : le sable déchirer le visage. Je vis le dieu sans visage qui
m ’étouffait. Quelqu’un me dit : « Tu ne t ’es pas est derrière les dieux. Je vis des cheminements
réveillé à la veille, mais à un songe antérieur. Ce infinis qui formaient une seule béatitude et, com
rêve est à l’intérieur d ’un autre, et ainsi de suite prenant tout, je parvins aussi à comprendre
à l’infini, qui est le nombre des grains de sable. l’écriture du jaguar.
Le chemin que tu devras rebrousser est inter C ’est une formule de quatorze mots fortuits (qui
minable ; tu mourras avant de t ’être réveillé paraissent fortuits). Il me suffirait de la prononcer
réellement. » à voix haute pour devenir tout-puissant. Il me
Je me sentis perdu. Le sable me brisait la bouche, suffirait de la prononcer pour anéantir cette
mais je criai : « U n sable rêvé ne peut pas me prison de pierre, pour que le jour pénètre dans
tuer et il n ’y a pas de rêves qui soient dans d ’autres ma nuit, pour être jeune, pour être immortel,
rêves. » Une lueur me réveilla. Dans la ténèbre pour que le tigre déchire Alvarado, pour que le
supérieure, se dessinait un cercle de lumière. Je couteau sacré s’enfonce dans des poitrines espa
vis les mains et le visage du geôlier, la poulie, la gnoles, pour reconstruire la pyramide, pour
corde, la viande et les cruches. reconstituer l’empire. Quarante syllabes, qua
Un homme s’identifie peu à peu avec la forme de torze mots, et moi, Tzinacan, je gouvernerai les
son destin; un homme devient à la longue ses terres que gouverna Montezuma. Mais je sais que
propres circonstances. Plus qu’un déchiffreur ou je ne prononcerai jamais ces mots parce que je ne
un vengeur, plus q u ’un prêtre du dieu, j ’étais un me souviens plus de Tzinacan.
prisonnier. De l’infatigable labyrinthe de rêves, Que meure avec moi le mystère qui est écrit sur
je retournai à la dure prison comme à ma demeure. la peau des jaguars. Qui a entrevu l’univers, qui a
Je bénis son humidité, je bénis son jaguar, je bénis entrevu les ardents desseins de l’univers ne peut
le soupirail, je bénis mon vieux corps douloureux, plus penser à un homme, à ses banales félicités
je bénis l’obscurité et la pierre. ou à ses bonheurs médiocres, même si c’est lui
Alors arriva ce que je ne puis oublier ni commu cet homme. Cet homme a été lui, mais, main
niquer. Il arriva mon union avec la divinité, avec tenant, que lui importe? Que lui importe le sort
l’univers (je ne sais si ces deux mots diffèrent). de cet autre, que lui importe la patrie de cet
L’extase ne répète pas ses symboles. L ’un a vu autre, si lui, maintenant, n ’est personne? Pour
Dieu dans un reflet, l’autre l’a perçu dans une cette raison, je ne prononce pas la formule ; pour
épée ou dans les cercles d ’une rose. J ’ai vu une cette raison, je laisse les jours m ’oublier, étendu
Roue très haute qui n ’était pas devant mes yeux, dans l’obscurité.
La littérature différente
La littérature différente
L'âge tendre
L'âge tendre
Robert Bloch Nouvelle inédite
« Tout ce que nous pouvons dire, c’est que cela se passe aujourd’hui,
che% nous, et que nous ne comprenons pas. » p a r is -m a t c h
(Enquête sur une certaine jeunesse)
Les jeunes gens La nuit tombait, paisible. Penché sur la petite barrière qui séparait
son jardin de celui de son nouveau voisin, Ben Kerry regardait la
silhouette onduleuse des collines.
en colère. — Quand je me suis installé ici, je cherchais un endroit tranquille
où passer l’été. Loin des gens.
Ted Hibbard gloussa :
Une démonologie — C ’est curieux, un anthropologue qui hait les hommes!
— Je ne les hais pas, non, dit Kerry. Du moins, pas la plupart d ’entre
eux. Je m ’entends même bien avec les sauvages. Ce sont les civilisés
américaine. qui me font peur.
— Vos élèves, par exemple? Ou vos anciens élèves? Hibbard prit
une mine piteuse : Moi qui me croyais le bienvenu!...
— Ne dites pas de sottises : vous êtes l’exception. Mais ce beau
pays est devenu un lotissement...
— C ’est encore plutôt désert pour mon goût, surtout la nuit.
— Les Indiens aussi avaient peur, la nuit. Ils se terraient autour de
leurs feux, comme les gens d ’aujourd’hui s’agglomèrent autour de
leurs télévisions.
Un visage clair apparut dans l’encadrement du porche.
— Papa, m ’man dit que c’est l’heure du dîner.
— Dis-lui que j ’arrive.
Le visage disparut, et Kerry dit aimablement :
— Il est bien, ce garçon.
— Hank? Oui, n ’est-ce pas. Il adore les maths et il est beaucoup
La littérature différente
plus sérieux que je ne l’étais à son âge. Sans parler que je n ’ai guère eu l’occasion d ’aller au chef-lieu.
de la majorité des gosses de maintenant. Une fois par semaine, le mercredi en général, je
Kerry tapota sa pipe contre la barrière de bois. vais faire les provisions. J ’ai vaguement entendu
— Vous savez, je ne suis pas un tel misanthrope ; dire qu’il y avait foule, pendant le week-end.
c’est un peu une attitude. Et aussi une défense. — Si vous voulez voir de vos yeux ce dont je
Une défense contre la marée qui nous submerge. parle, je vais au chef-lieu demain, vers neuf heures.
Voici quinze ans que je la vois venir. C ’est pour Voulez-vous m ’accompagner?
cela que je reste ici tant que je peux. Mais cette — D ’accord.
retraite elle-même est menacée. Jesuppose d ’ailleurs Hibbard fit un signe amical et prit le sentier qui
que les marchands de glaces se sont établis sur descendait vers sa maison proche. Au loin, un
le Parthénon. grondement sourd montait. On pouvait croire
Hibbard hocha la tête en souriant. que c ’était l’écho d ’un orage.
— J ’espère que vous ne m ’en voulez pas de vous Il en était arrivé toute la nuit et ils se rassemblaient
envahir ? encore vers dix heures, quand Ben Kerry, au
— Non, voyons! Quand vous avez acheté votre volant de sa vieille Ford, et Hibbard entrèrent
propriété, le mois dernier, j ’ai vraiment été content en ville.
de vous voir. Je fais encore partie de l’espèce La première rencontre eut lieu sur la route, juste
humaine, même si je considère le banlieusard et avant les portes de la ville, au sein d ’un gron
le troglodyte urbain comme des étrangers. Vous dement que l’on ne pouvait maintenant plus
êtes le bienvenu. J ’aime votre femme et votre confondre avec le tonnerre. Une moto les doubla
fils. Ce sont de vrais humains. à toute vitesse. Hibbard aperçut une silhouette
— Les autres sont de faux humains? en blouson noir, avec un singe sur le dos. Puis
— Vous comprenez très bien ce que je veux dire. il réalisa que le singe était une fille aux cheveux
C ’est pour des raisons semblables que vous êtes coupés très court, cramponnée au conducteur.
venu vivre ici vous-même, non? Il vit la fille lever le bras, comme pour un salut.
— Oui, bien sûr. Et surtout à cause de Hank. Il allait répondre, automatiquement, quand Kerry
Je n ’aimais pas les écoles de la ville, et le genre lui agrippa l’épaule :
de gamins avec lesquels il sortait. Ils sont... — Attention! hurla-t-il en plongeant sur le volant.
différents. Tous ces jeunes délinquants... Vous Quelque chose frappa le pare-brise et rebondit
voyez ? avec fracas. La fille ne les avait pas salués. Elle
— Et comment! Kerry hocha vigoureusement la avait lancé une boîte de bière.
tête. J ’ai passé l ’été à prendre des notes pour une — Bon Dieu! Elle aurait pu faire éclater le
petite monographie. Rien de prétentieux, mais pare-brise.
c’est un sujet intéressant. Je suis idéalement placé — Cela arrive tout le temps, dit Kerry. Ce soir,
pour le travail sur le terrain. la route sera jonchée de boîtes vides.
— Il y a beaucoup de délinquance rurale, par ici ? — Mais ils n ’ont même pas l’âge légal d ’acheter
— Ne vous inquiétez pas. Les régions agricoles de la bière! Est-ce qu’il n ’y a pas une loi, dans
sont relativement intactes. Il y a le pourcentage cet état?
habituel d ’asociaux, de petits bandits, de satyres. — On ne doit pas dépasser quarante kilomètres
Mais Hank n ’en rencontrera guère. A son âge, à l’heure dans l’agglomération. Ça ne les empêche
ils sont pour la plupart à l’armée ou en maison de pas de rouler à fond de train.
redressement. Ce sont les adolescents de la ville — On dirait que vous trouvez ça normal.
que j ’étudie. Particulièrement nos visiteurs du — C ’est ainsi chaque week-end, tout au long de
week-end. Ne me dites pas que vous n ’en avez l’été.
pas rencontré! — Et personne ne fait rien?
— En fait, j ’ai été si occupé à installer la maison — Vous n ’avez encore rien vu.
L’âge tendre
Ils entraient en ville, passant devant une rangée — Est-ce qu’ils se prennent pour des Indiens?...
de motels. Un nombre surprenant de véhicules Hibbard s’interrompit à la vue d ’un trio particu
étaient parqués. Aucune voiture, remarqua Hibbard lièrement agité. Un garçon osseux se contor-
avec surprise, n ’était d ’un modèle courant. Il y sionnait autour d ’une guitare, comme pris d ’une
avait surtout d ’antiques tacots bariolés et de vieilles crise d ’épilepsie, et un couple se démenait en
voitures de sport ; plus des douzaines de moto cadence, exécutant une sorte de danse guerrière.
cyclettes. Hibbard sourit, mais ses lèvres se figèrent soudain.
— Original, n ’est-ce pas, le goût de nos visiteurs Une décapotable chargée de gamins descendait
en matière de moyens de transport? dit Kerry. la rue. Un chat vit trop tard le danger ; la voiture
En tant que groupe, ils détestent la construction fit un crochet grinçant ; il y eut un choc, puis des
de série. Ils utilisent la voiture comme une forme hurlements de joie.
de protestation. — Us l’ont fait exprès! Bon Dieu, je vais!...
Dans la rue principale, il roula au pas. A la foule — Restez tranquille, dit Kerry en appuyant sur
normale des fermiers, venus pour les achats du l’accélérateur. Vous ne pouvez plus rien pour la
samedi, était mêlée une foule anormale d ’ado pauvre bête et ce n'est pas le moment de déclencher
lescents : silhouettes déhanchées, masques rica une bagarre.
nants, blousons noirs, blue jeans serrés, bottes. — Mais enfin, qu’est-ce que vous avez tous!
Ils avaient le crâne rasé ou de bizarres coiffures dit Hibbard d ’une voix rauque. Ce ne sont pas
à frange. Certains garçons plus âgés allaient à des enfants qui torturent un animal par curiosité.
l’autre extrême, avec d ’abondantes chevelures Us sont assez âgés pour savoir ce qu’ils font!
graisseuses aux longues pattes et des barbiches — Exact. Mais vous ne pouvez pas gagner,
de satyre. Leurs compagnes : cheveux courts, alors, restez tranquille.
sweater, culotte collante. Il montait de la cohue
une sorte de bavardage insultant, scandé par le En silence, Kerry sortit de la ville. A distance,
vacarme des juke-boxes à pleine puissance. on entendait encore les éclats de la musique, la
Devant les bistrots des couples dansaient sur le pétarade des échappements libres, les avertisseurs,
trottoir, obligeant les passants à descendre. Le le grondement des motos.
soleil se reflétait sur des centaines de boîtes de Us ont besoin de faire du bruit, murmura
bière, brandies par des centaines de mains. Kerry. Je suppose que les psychiatres appelleraient
— Je voudrais bien encore observer une de leurs ça une agression orale. Le rock and roll, c’est
courses. une autre manifestation. Mais il y a déjà eu,
— Une course? autrefois, le jazz et le swing. Des vêtements
— Vous pensez q u ’ils ne viennent pas ici unique excentriques, des coiffures ridicules, boire, tout
ment pour traîner dans la grande rue. Les samedi cela fait partie de la révolte contre les autorités.
et dimanche après-midi, ils se rassemblent au Hibbard explosa :
bord d ’une route déserte, dans les collines. Us — Oui, mais pas la cruauté gratuite. De mon
louent un terrain à un fermier et organisent une temps, on faisait la foire à l’occasion; il y avait
sorte de course de moto. Jusqu’à cet été, ils étaient quelques brutes ou quelques déséquilibrés. Mais
plus à l’ouest. Quelque chose les a fait déménager on ne se conduisait pas comme des psychopathes !
et ils sont venus ici. Le vieux Lautenshalger leur — Votre fils n ’est pas comme ça. La majorité des
prête la grande colline derrière ses champs. Nous adolescents restent normaux.
pourrions peut-être voir leur feu de camp, cette — Il y en a de plus en plus qui ne le sont pas. Et
nuit... puis, tout à l’heure, vous aviez peur.
— Un feu de camp? —• J ’avais peur, en effet... Si vous venez déjeuner
— Oui. Kerry ferma pensivement les yeux... Us avec moi, je pourrai vous montrer de curieuses
font un grand feu... choses.
La littérature différente
Débiles ?
ou Démons ?
En révolte
ou enchaînés
à autre
chose ?
(P h o to Lelus)
L'enfer, d'Andréa Orcagna. Détail. (P h o to R oger v io iiet)
Hibbard accepta. Dans la chaleur de midi, la Wartham, par exemple, blâme les illustrés et les
campagne était silencieuse. comics. D ’autres psychothérapeutes accusent la
Après le repas, Kerry posa une pile de dossiers télévision. D ’autres encore pensent que la guerre
sur la table. a laissé des traces : les enfants vivent dans l’at
— J ’avais commencé à réunir ces coupures de tente du service armé et se révoltent par avance.
presse moi-même, et puis je me suis abonné à Oh ! il y a déjà toute une littérature sur la question...
une agence. Tenez, voici les congrès motorisés, Personnellement, elle ne m ’éclaire pas. Est-ce
et toute une collection de bagarres, émeutes, qu’une de ces belles théories explique... ça, tenez :
violences collectives, etc... Voici un rapport de le mois dernier, un garçon de quatorze ans se
la police de New York sur l’accroissement de la lève au milieu de la nuit et tue ses parents dans leur
délinquance. Une liste d ’armes trouvées sur des lit. Il admet qu’il n ’a aucune raison de haïr ses
lycéens à Détroit : couteaux automatiques, rasoirs, parents. Les experts le jugent normal. Il a eu une
deux pistolets, une hachette. Toutes ont été uti vie de famille ordinaire. Il dit s’être juste réveillé
lisées dans des batailles de rue. Un dossier sur les et avoir senti le besoin de tuer... A la réflexion,
narcotiques, un sur le vol à main armée, quelques c’est un peu ce qu’ils disent tous. Ils ont senti
rares incendies volontaires. J ’ai éliminé ce qui un besoin, une impulsion, « quelque chose les a
ressemble à la criminalité ordinaire. Les coupures pris », ou « ils ont eu envie de voir ce que ça
concernant les crimes sexuels portent sur les viols faisait ». Non, c ’est complètement insensé!
sanglants, ou exécutés en groupe, et les perversions Kerry suçait sa pipe, le regard comme distrait.
avec sadisme. Cela reste d ’ailleurs impressionnant. Puis il reprit :
Cet autre dossier est consacré exclusivement aux — Vous étiez un de mes brillants élèves, dans le
histoires de meurtres et de tortures. Je vous temps. Si vous aviez à analyser le problème, que
préviens : ce n ’est pas une lecture agréable. diriez-vous ?
Ce n ’était pas agréable. Hibbard en avait la nausée. — Il y a bien un ou deux points qui me frappent.
Il avait parfois remarqué de tels faits dans la D ’abord, il y a cette impulsion subite. Souvent,
presse, mais sans en tirer une vue d ’ensemble. l’enfant est seul ; il ne fait pas partie d ’une bande.
Pour la première fois, il découvrait une anthologie Tiens...? Oui, il est fréquemment enfant unique
de l’horreur. Des kidnappers de quinze ans, à et mène une vie assez isolée.
Chicago, avaient mutilé et tué une petite fille. Les yeux de Kerry, fixés sur Hibbard, avaient
U n garçon de treize ans avait décapité sa mère repris toute leur vivacité :
d ’un coup de fusil. Un autre avait éventré sa sœur. — Ensuite?
Récit après récit : parricide, fratricide, infanticide. — Il y a un autre cas : celui des bandes. Ces
Exemple après exemple : des meurtres appa groupes aiment les uniformes, les signes distinctifs.
remment sans cause. Je noterai qu’il y a de fréquentes allusions à des
— Je ne comprends pas, soupira Hibbard. Il y a rituels de sociétés secrètes, à des initiations et
toujours eu des délinquants juvéniles. Mais autres fariboles. Un langage secret, également, et
c’étaient des produits de familles déplorables, des surnoms solennels. Ceux-là préméditent leurs
des victimes de la grande crise, ou de la guerre. crimes. A première vue, donc, nous sommes en
Ici, je remarque q u ’il s’agit d ’adolescents norma présence de catégories totalement différentes.
lement élevés, dont beaucoup ont grandi dans un Il hésita. Non, attendez... il y a un trait que tous
milieu prospère. Q u’est-ce qui se passe? ces gosses ont en commun.
— Remarquez bien que la majorité des enfants — Et c’est? dit Kerry, penché vers son ancien
sont comme Hank, et plutôt mieux que nous élève.
n ’étions à leur âge. — Ils ne ressentent rien. Pas de honte, pas de
— Alors, q u ’arrive-t-il aux autres? culpabilité, pas de remords. Ils n ’ont pas la moindre
— Il y a des tas d ’explications. Le docteur antipathie envers leurs victimes. Les récits sont
L'Âge tendre
formels : les meurtres sont commis pour provo filer. Ils m ’ont couru après. Mais j ’ai pu me
quer un certain frisson, un certain plaisir, mais cacher dans la grange au vieux Lautenshalger et
ils ne touchent pas réellement leurs auteurs. ils m ’ont pas vu.
Autrement dit, ce sont des psychopathes. — Tu peux donner leur signalement?
— Eh bien, nous progressons, dit Kerry. Ce sont — Il y en avait un qui avait une barbe. Tous des
des psychopathes. Et qu’est-ce au juste q u ’un blousons noirs. Mais j ’ai pas bien vu leurs têtes.
psychopathe ? — Nos amis les psychopathes. Hibbard se leva.
— C ’est... je dirais... quelqu’un qui n ’a pas de Tu peux marcher? Bon, en route.
sentiments normaux, qui manque du sens de la — Où va-t-on?
responsabilité. Vous avez étudié la psychologie, — A la maison. Je vais te mettre au lit. Ne pro
vous devez le savoir mieux que moi. teste pas. Et je vais aller faire un tour à la police
Kerry montra d ’un geste large les rangées de du comté. Il me semble que c’est une affaire qui
livres : relève de la police, non?
— J ’ai en effet passé pas mal de temps à lire des — Est-il bien opportun de s’engager dans une
textes de psychothérapie. Mais vous pouvez vous histoire? demanda doucement Kerry. On ne sait
user les yeux avant de trouver une définition pas ce qui pourrait arriver.
satisfaisante du psychopathe. Les traitements sont — Il est déjà arrivé quelque chose, répondit
inopérants. Aucune théorie ne propose de pro Hibbard. Quand une bande de vauriens battent
nostic sur l’évolution des sujets et, faute de mieux, mon fils avec une chaîne de bicyclette, je considère
on admet généralement q u ’ils sont nés comme ça. que c’est une histoire. Viens, Hank.
— Et vous êtes de cet avis? Il poussa l’enfant vers la porte sans jeter un regard
— Oui. Mais, à la différence des psychologues à Kerry. Le vieil homme ouvrit la bouche mais
orthodoxes, je crois avoir une explication sur la ne dit rien. Il resta debout un long moment,
nature du psychopathe. Et... regardant tantôt les collines, tantôt les documents
— Papa! épars sur la table. Puis, lentement, pesamment,
Ils sursautèrent. Le fils de Hibbard se tenait à il alla vers la cheminée.
l’entrée de la pièce. Le sang coulait d ’une longue A la nuit tombée, il était toujours assis devant
blessure, barrant la joue gauche. le feu de bois, un carnet sur les genoux. De temps
— Hank! en temps, il notait quelques mots. Il semblait
— C ’est pas grave, p ’pa. Je suis venu ici, parce tendre l’oreille. Son visage avait l’expression
que je ne voulais pas faire peur à maman. crispée d ’un homme qui s’est longtemps attendu
— Assieds-toi, dit Kerry. Je vais te soigner. à une crise, et qui la voit éclater.
Nettoyée, la plaie avait moins mauvaise allure.
— Mais enfin, q u ’est-il arrivé, mon petit? Une heure plus tard, si préparé qu’il fût, Kerry
— Des gars. J ’avais été me balader et j ’ai entendu sursauta quand il entendit des pas. Il se précipita
tout le ramdam sur la colline. J ’ai voulu voir ce vers la porte et faillit se heurter à Hibbard.
qui se passait, avec les motos. Je t ’assure, papa, — Ah, c’est vous! dit-il avec soulagement. Que
je voulais juste voir, comme ça... se passe-t-il? Hank ne va pas bien?
Sa lèvre inférieure tremblait. Hibbard lui tapota Hibbard haletait :
l’épaule : — Couru depuis chez moi. Hank va. Merci. Il
— Mais oui, je comprends. Tu es monté voir. est au lit. J ’ai voulu avaler une bouchée, avant
Et alors? d ’aller à la police. Les portes étaient fermées.
— Avant que j ’aie pu m ’approcher, des gars me Nous n ’avons pas entendu.
sont tombés dessus. Cinq ou six. Il y en a un qui — Qui?
m ’a lancé un coup de chaîne de vélo. Les autres — Nos jeunes amis. Je pense qu’ils ont trouvé
se sont écartés pour en prendre aussi et j ’ai pu où habitait Hank. Et deviné que je pouvais me
La littérature différente
fâcher. Bref, ils ont lacéré mes pneus. Ils ont dû ont davantage conscience de ce qu’elles font
voir qu ’il n ’y avait pas le téléphone, et cru qu’en réellement. Ces gars-là croient seulement se donner
m ’immobilisant je les laisserais tranquilles jusqu’à du bon temps. Et je prie le Ciel afin qu’ils ne
leur départ. Mais je vais leur montrer, moi! réalisent pas quel est leur vrai motif.
— Calmez-vous. — Mais nous savons à quoi nous en tenir! Ce
— Je suis calme. Je suis seulement venu vous sont tous des psychopathes, et voilà tout!
emprunter votre voiture. — Et qu’est-ce qu’un psychopathe? dit Kerry
— Vous voulez encore aller à la police? d ’une voix blanche. Hein, qu’est-ce que c’est?
— Encore! Vous en avez de bonnes! Qui me dit Hibbard haussa les épaules.
qu’ils ne mettront pas le feu à la maison avant — Un psychologue ne peut pas savoir, reprit
la fin de la nuit? Kerry, avec une sorte de solennité. Mais un
— Je ne le crois pas. Si vous restez chez vous, je anthropologue a les moyens de comprendre. Et
suis persuadé q u ’ils ne vous feront rien. Tout ce moi, je vous le dis. Un psychopathe est un démon.
q u’ils veulent, c’est q u ’on ne se mêle pas de leurs — Quoi?
affaires. — Un démon. Un diable. Une créature connue
— Bon, eh bien ! ce que je veux, moi, c’est revenir dans toutes les religions, toutes les cultures. Oui,
ici avec toute la police du comté. Il faut en finir je sais que c’est dur à avaler. Mais réfléchissez
une bonne fois... une minute. Quand cette vague de criminalité
— Vous n ’arriverez à rien de cette façon. juvénile d ’un genre nouveau a-t-elle commencé?
— Je ne suis pas ici pour discuter. Donnez-moi Il n ’y a que quelques années, n ’est-ce pas? Lorsque
vos clés de voiture. les enfants nés pendant les années de guerre ont
— Écoutez-moi d ’abord. atteint l’adolescence. Pendant la guerre, les hommes
— Je ne vous ai que trop écouté. J ’aurais dû agir étaient partis. Les femmes ont eu des cauchemars.
dès qu ’ils ont écrasé ce chat... Hibbard s’épongea Le cauchemar de l’incube, du démon qui les
le front et soupira, soudain plus maître de lui- possède pendant leur sommeil. Ce phénomène
même. D ’accord. Q u’avez-vous à me dire? s’est produit tout au long des temps. Il y a eu les
— Nous parlions de psychopathes, cet après-midi. Croisades, par exemple, suivies de la grande époque
Nous disions que les psychiatres ne les comprennent démoniaque def l’Europe. Alors, le Diable était
pas, mais que, moi, je les comprenais. Kerry alla adoré par la race des sorciers, par les descendants
jusqu’à la bibliothèque et contempla les rangées d ’unions blasphématoires et maudites. Est-ce que
de volumes. Il fallait un anthropologue pour relier vous comprenez, maintenant? L ’amour inhumain
entre eux les faits. J ’ai passé bien des années à de la cruauté pour elle-même, le besoin soudain,
étudier les sociétés secrètes des diverses cultures. irrésistible, de torturer et de détruire qui vient
Elles existent partout, et ont des traits communs. dans le sommeil, l’incapacité hideuse d ’éprouver
Lips dit que... des sentiments normaux, la force avec laquelle
— Ce n ’est pas le moment de faire une conférence. certains adolescents sont obligés de se réunir
— Au contraire, c’est le moment. Lips dit qu’il y pour jouir de la violence? Je ne pense pas que ces
a, rien q u ’en Afrique, des centaines de ces sociétés. bandes comprennent la vérité ; mais si elles y par
Les Bundu du Nigéria portent des masques et des viennent, nous assisterons à une vague de sata
costumes spéciaux pour leur rituel secret. Celui nisme et de magie noire qui surpassera les pires
qui se risque à les espionner est battu et massacré. moments du bas moyen-âge. Déjà, la race maudite
— Et les autres, ceux qui restent seuls et ont juste se rassemble autour de feux, pendant les nuits
l’impulsion de tuer? d ’été, sur des lieux élevés...
— Ils ne savent pas ce qu’ils sont, c’est tout. — Vous êtes complètement fou! Hibbard saisit
Ils n ’ont pas encore pris conscience de leur véri Kerry aux épaules et le secoua. Ce sont juste des
table nature. Et je ne pense pas que les bandes gosses. Ils ont besoin d ’une bonne correction,
L'âge tendre
et d ’un an ou deux dans un centre de redressement. réfléchir. Le feu était proche, maintenant, et le
— Ne parlez pas comme les autorités. Ils n ’y vacarme assourdissant. Il marchait vite, cherchant
comprennent rien, tous tant q u ’ils sont : les l’ombre des buissons. Soudain, il vit une voiture
policiers, les éducateurs, les psychologues, les dans le fossé ; la sienne. Il appela doucement :
historiens, les journalistes. Ils n ’y peuvent rien. — Hibbard? Où êtes-vous?
Et ils ont une peur bleue. Ils tremblent de peur Une silhouette émergea de l’obscurité :
et d ’incompréhension, malgré leurs prisons, leurs — On pensait bien que tu rappliquerais...
théories et leurs méthodes. Notre culture technique Kerry se rejeta en arrière et tomba dans l’étreinte
ne nous permet plus d ’identifier le danger, mais de bras solides. Il sentit un choc et ce fut la nuit...
la crainte atavique subsiste. Il faut recourir au Quand il revint à lui, il était déjà devant le feu,
moyen de défense inventé par nos lointains et, dans le brasier, il y avait une silhouette charbon
ancêtres : l ’exorcisme. La police ne peut rien, neuse. C ’était une sorte de mannequin, soutenu
que provoquer des violences inutiles... par un poteau, affublé de lunettes. Tout autour
Le coup atteignit Kerry à la pointe du menton. de lui, des filles dansaient, le regard fixe, grima
Il s’effondra et resta inerte. Hibbard s’agenouilla, çantes, au son de guitares torturées. Par un
tâta le pouls du vieil homme avec un soupir de intense effort, Kerry chassa les ressemblances
soulagement. Il fouilla dans les poches, trouva les trop claires avec le Sabbat, s’accrochant à la
clés et partit en courant. raison rassurante : c’était juste une bande de
Kerry se releva avec effort. Sa tête lui faisait mal. voyous qui prenaient du bon temps ; ils dansaient
Hibbard avait disparu. Il alla lentement vers la le rock and roll, buvaient de la bière, tournaient
porte. Sur la colline, un grand feu rougeoyait. avec leurs motos autour du feu. Ils s’étaient affolés,
Il chercha ses clés, pour la forme, et secoua la ils l’avaient frappé bien sûr, mais il allait leur
tête. Il hésita un instant, puis revint prendre, dans expliquer... Devant lui, un grand garçon se planta,
un tiroir de son bureau, un petit pistolet avant de ricanant dans sa barbiche :
s’enfoncer dans la nuit. — Q u’est-ce qu’on en fait?
Les traces fraîches, devant la maison, tournaient — On le sacrifie! Une voix perçante avait crié.
vers la gauche. Dans sa rage, Hibbard n ’avait pas D ’autres reprenaient en chœur : On le sacrifie!
fait le détour par la route ; il avait pris le raccourci
qui passait sur les terres de Lautenshalger. En — ON LE SACRIFIE! ON LE SACRIFIE!
marchant vite, songea Kerry, il était possible Non, ce n ’était pas possible! pensait Kerry avec
d’atteindre le croisement du chemin et de la route. un hurlement intérieur, ce n ’est pas vrai! Ce ne
Sans beaucoup de chances, peut-être, mais il pouvait pas être un sabbat organisé, avec un
fallait essayer. nouveau rituel, avec des cérémonies modernes!
Il allongea le pas, luttant contre l ’essoufflement. C ’était juste une bande de gamins qui...
Il n ’en voulait pas à Hibbard : sa réaction était Il se sentit soudain soulevé de terre et poussé
normale. Normale, du moins, pour un civilisé. dans le cercle des flammes. Il resta debout, tordu
Kerry eut un sourire las : présomptueuse culture par la douleur, suffocant, luttant de toute son
occidentale, restreinte dans le temps et dans énergie pour garder conscience. C ’était le sabbat.
l’espace, qui se croyait la civilisation, alors q u ’elle Ah ! s’il pouvait seulement entendre ce qu’ils
était si peu armée contre les forces puissantes et chantaient! Est-ce qu’ils savent vraiment, ou
éternelles de l’ombre. est-ce qu’ils agissent sous l’effet d ’une possession?...
En un sens, cette ignorance était un bienfait. Car Mais il tomba en avant, dans les braises ardentes.
les jeunes démons ignoraient eux-mêmes q u ’ils Le vacarme des motos l’empêcha jusqu’à la fin
étaient des démons. Mais si par malheur ils d ’entendre et de savoir.
venaient à l’apprendre... ROBERT BLOCH.
Il écarta cette idée : ce n ’était plus le moment de Traduit par G. Véraldi.
La littérature différente
A d o r a t io n des m ages.
Un peintre flamand: un classique chinois
Louis Pauw els
L ’A B O N N É Q U I SE N O M M E FA N G -H SI-SH EN G
Une œuvre rare L ’ouvrage de Roland Penrose sur Picasso (1) semble devoir faire
le bilan décisif d ’une œuvre poussant, jusqu’à sa caricature, la
Une recherche recherche formelle. Du cubisme au baroque, de l’expressionnisme au
fantastique, tout paraît y avoir été dit, décrit, voire même épuisé.
Un mouvement Peut-on alors parler d ’aboutissement ou de décadence? Certes pas,
perpétuel devant le renouveau d ’un « objectivisme » déjà vu à propos de Villon
— devant le fait d ’une certaine peinture qualifiée d ’ « abstraite » ou
Non une chose, de « non figurative » — devant les nécessaires renouvellements et
dépassements qui sont encore l’essence même de I’Art et de son
mais une présence incertitude.
Pour aborder ici un aspect de la peinture dite «abstraite » à travers le
cas d ’un peintre, Soulages, je devrai nécessairement utiliser la première
personne. D ’abord, parce que je refuse aux opinions et aux discours
sur l ’Art le droit de jugement et, par là, de conclusion. Ensuite, parce
que les problèmes posés par l’œuvre envisagée ont, apparemment,
des rapports étroits avec mes personnelles recherches et idées.
Toutes raisons qui impliquent à la fois un parti pris et une relativité.
Mon intérêt, et même mon goût pour la peinture dite « abstraite » sont
nettement datés de la première exposition Soulages en 1956, à la
Galerie de France. Mon information antérieure n ’avait pas dépassé
Soulages échappe donc, par sa conception même, instructifs. Ils sont com parables à ces pinceaux
aux définitions habituelles, elle est finalement chinois capables d ’exprim er seulement une feuille
plus une « présence » q u ’une chose définie. de bam bou, par exemple. Ses « outils », ses brosses,
ses grattoirs, im pliquent chacun une certaine m odu
CE Q U E LA SC IE N C E PRÉV OIT lation de la pâte, un rythme particulier de l’éta
ET PR ÉPA R E lement coloré, une particularité de l ’ensemble
couleur — matière — espace, une modification
Ses instruments de travail sont particulièrem ent spécifique du cuivre. J ’y vois une grande analogie
avec les moyens que nous utilisons pour tenter de à les déterm iner à des normes préétablies ou stables.
régulariser des fonctions. La recherche et l’étude des fonctions, la connais
Les m étaux catalytiques n ’interviennent pas par sance progressive des modalités d ’échange et
apports mais p ar « présence » et ils provoquent d ’harm onisation, la redécouverte des com plé
dans l ’ensemble de la substance organique des mentarités et des régulations sont un fait d ’au
échanges qui tendent à influencer tout le contenu jo u rd ’hui. Elles vont au-delà des apparences
vivant, et, secondairement, ses formes d ’expres formelles qui ont trop souvent isolé et opposé les
sions physiques et psychiques sans jam ais prétendre diverses com posantes d ’un tout indissociable.
U N « T A IL L E U R D E PIER R ES »
J A C Q U E S M ÉNÉTRIER
Le cas de Soulages me paraît être celui de ces
A n cie n s e c r é ta ire g é n é ra l d e l'in s titu t
« tailleurs de pierres » dont il a la carrure, l’instinct Carrel.
et l ’outil. Avec quelques autres, dans toutes les A nim a teu r du C entre de r e c h e rc h e s
biologiques. P h ilo so p h e, m édecin,
disciplines, il travaille un m atériau dont le « con écrivain, c h e r c h e u r s c ie n tif i q u e , cri
tenu », c ’est-à-dire la substance vivante, p arti t i q u e d ’a r t , le D o c t e u r M é n é t r i e r e x e r c e
u n e p ro fo n d e in f l u e n c e d a n s divers
cipera aux constructions de dem ain, à ces fon milieux in te lle c tu e ls .
dations sur lesquelles la vie s ’établira pour pour S e s t r a v a u x s u r la m é d e c i n e f o n c t i o n
nelle, le s c o m p o r t e m e n t s p s y c h o - p h y
suivre son évolution et son dépassem ent de sio lo g iq u e s et les effets d e s c a i a l j s e u r s
formes sclérosées. L ’A rt y exprim e un réalisme en biologie c o m m e n c e n t a être c o n n u s
du m o n d e e n tier. C e s r e c h e r c h e s n e
fantastique dans la mesure où il propose une s o n t d 'a ille u rs q u e l'a s p e c t ex p é ri
réalité dégagée de ses apparences formelles et m ental e t s c ie n tifi q u e d 'u n e p e n s é e
g é n é r a l e q u i s ' a p p l i q u e à d é c r i r e le
libérée de son caractère anecdotique. Je crois r ô l e d e la vie d a n s la n a t u r e .
plus vraie, plus réelle la proposition d ’un Soulages Il a p u b l i é n o t a m m e n t :
que les artifices des « réalistes » et des « figuratifs ». Éloge de l’incertitude ou les ré
S’agit-il encore de peinture au sens traditionnel flexions d ’un ta illeu r de pierres (La
C olom be).
du m ot? Certainem ent, dans l ’utilisation con L'h om m e qu elconque ( J u l l i a r d ) .
servée de la toile, des couleurs et dans la poursuite Ce m onde polarisé ( J u lli a r d ) .
d ’une œuvre p ar tableaux isolés et mobilisables.
Peut-être pas, dans l ’em ploi d ’outils, de prépa
rations, de techniques très différentes du matériel
habituel. N ous assistons probablem ent à la
naissance d ’un nouvel A rt de transition où le
travail de la m ain cherche de nouveaux rapports
avec l ’instrum ent pour traduire tout ensemble
nature et mouvement.
D O C T E U R JA C Q U E S M É N É T R IE R .
idée, a été pourchassée, atteinte dans son corps du monde dit civilisé. Croyez-vous que là où les
physique et dans son corps mental, et renvoyée légions rom aines n ’acclimatèrent jam ais leur
au néant. religion, en Gaule, par exemple, ou en G rande-
Les entrailles de la terre sont gorgées de forêts Bretagne, les soldats du C hrist trouvèrent une
englouties, de restes d ’espèces animales disparues, terre vierge de pensée et de dieux? E n mille lieux
de cendres de races humaines et surhumaines de notre vieille Europe, dans les landes, sur les
dont l ’histoire, si elle nous était révélée, défierait plaines à menhirs, au fond des m aquis et sur les
la plus folle im agination. N otre véritable femelle, rives où chantait Pan, subsistait la religion indi
elle aussi, est mêlée à l ’hum us des abîmes sou gène venue de la nuit des âges, la vraie religion
terrains. Pourquoi ? Hé, Messieurs, réfléchissez ! de l ’homme occidental. Messieurs, je tiens pour
C ’est elle qui a fait les frais de l ’immense, de certain que l ’Europe a vécu durant des millénaires
l ’implacable lutte contre les religions primitives d ’une haute pensée mystique, elle-même descendue
de l’Occident. C ette lutte : voilà toute l ’histoire d ’autres âges, consacrée au Dieu C ornu et à
C EU X QUI L ’O N T VUE...
L’amour à refaire
très spécialement : Bouche close à jam ais sur la Nous sommes des gens solides, appliqués, lucides :
feuille de l'âm e!... On d it que désertant l'abondance des chercheurs, des savants, des érudits. Rien chez
de la couche royale, et sur des nattes maigres nous ne ressemble à la fantaisie poético-mystique,
fréquentant nos filles les plus minces, il vit loin cette chansonnette. Si les réalités que nous décou
des em portem ents de la Reine démente ( Reine vrons et signalons paraissent souvent délirantes,
hantée de passions comm e d'un flux du ventre) ; le délire n ’est pas en nous ; cela vient seulement
et parfois, ramenant un pan d'étoffe sur sa fa ce , il du fait que la réalité, la vraie réalité, si j ’ose dire,
interroge ses pensées claires e t prudentes, ainsi n ’est presque jamais conforme aux habitudes
qu'un peuple de lettrés à la lisière des pourritures de l’esprit. Or, Messieurs, nous le savons par
monstrueuses... expérience et par étude, les plus grands parmi
nous, nos maîtres dans les divers domaines de la
QUE BÉNI SOIT LE DÉSERT ! connaissance, sont des hommes qui ont franchi
de façon évidente le stade de l’humanité ordinaire,
Messieurs, si j ’ai bien compris, le but de nos en qui a commencé à s’opérer la transmutation.
travaux est de dégager l’aspect fantastique de la Ils annoncent la venue de l’autre état de conscience.
réalité, de hâter le remplacement du cartésianisme Ce sont toujours des hommes pour qui la femme,
effondré par une autre méthode applicable aussi au sens courant du terme, a cessé de jouer un rôle.
bien à l’archéologie q u ’à la physique, à l ’histoire Ils ont tous, en quelque moment de leur vie,
qu’aux mathématiques, méthode dite du « réalisme renoncé avec dégoût à s’épouser eux-mêmes, à se
irrationnel » ou encore du « réalisme fantas laisser séduire par leur propre image, soit que la
tique ». Sur un plan plus élevé, quoique nous science les ait emportés dans une formidable
nous gardions de tout spiritualisme romantique solitude, soit qu’ils aient reçu une initiation, qu’ils
et que nous nous tenions à la connaissance objec aient observé une ascèse religieuse, que des
tive, notre but est de préparer l’homme, par circonstances les aient amenés en face de la mort,
l’étude du lointain passé et par celle du proche ou qu’ils aient fait l’expérience de la rencontre
avenir, à passer à un autre état de conscience, à avec la femme rare, la femme de la passion, et du
cet état dont les anciennes religions parlent à la complet dépouillement qui s’ensuit.
fois comme d ’un souvenir et d ’une promesse. Ces La femme est rare, Messieurs. Q u’elle soit bénie,
travaux exigent la plus grande amplitude et la car elle fait un désert de notre paysage intérieur,
plus grande perméabilité possibles de l’esprit, des tandis que l’autre femme, la nombreuse, double
dons de connexion, de mémoire et de liberté ce paysage, le complique agréablement, y ajoute
exceptionnels. Dans une certaine mesure, ils des parfums, des fruits, des palmes, nous y retient
sont eux-mêmes la fin et le moyen d ’une transmu séduits, rêveurs, comme dans les jardins d ’Arabie.
tation de l’intelligence. Eh bien! Messieurs, ces Il y a des labyrinthes dans ces jardins. Il y a une
travaux utiles à notre siècle devraient nous rendre route dans le désert. Elle nous conduit à notre
dérisoire, sinon nuisible, le commerce avec l ’être sommet.
abusivement nommé femme. Rompez, Messieurs, Hé, j ’abrège, Messieurs, j ’achève, l’heure est
tout au moins de tête et de cœur. La psychologie passée, veuillez m ’excuser.
du couple est une chose qui doit aussi passer au
feu. N ’accordez rien de vous-même à ce jeu. Si, p.c.c. L O U IS P A U W E L S .
par malchance, il vous amuse encore, ou si des
liens vous y attachent, jouez-le par hygiène
physique et avec gentillesse. Mais n ’attendez rien,
dans le domaine amoureux, qui vous soit vérita
blement bénéfique, hors la rencontre avec le Yéti,
suivie de douleur mortelle.
Walter : Robespierre
L ’H isto ire
même, pendant la Restauration politique. Avec les Jacobins, Régime, y étaient opposés
et la République des ducs de M. Bessand-Massenet le montre (Carnot tra ita it Robespierre et
1875. adm irablem ent, la dictature ses amis de « d icta te u rs rid i
politiq u e , s o c ia le , p h ilo so cules ») et l'accum ulation des
Il en est différem m ent des trois phique, terroriste, d’une m ino victoires n’arrêta nullem ent le
autres Révolutions. Elles ne rité puissamment organisée en cours de la Terreur; au con
sont plus du tout tournées tous points du territoire, est, traire. A ce propos, M. Gérard
vers le passé et les germes pour la première fo is dans l ’ his W alter souligne ce fa it trop
q u ’elles nourrirent deviendront to ire du monde, réalisée peut- ignoré: « L e prétendu enthou
les virus politiques de l'avenir. on dire scientifiquem ent. Il y a siasme g uerrier qui aurait
une filia tio n directe de Robes secoué le pays et créé « la lé
Au moment où Mirabeau allait pierre à « Maxim ilien Lénine », gendaire épopée de l’an II » n’a
m ourir (1791), la première Révo comme dira Trotsky. Les mé pas existé; les états de recru
lution, constatait-il, « n'avait thodes jacobines d’im pulsion, tem ent — et de désertion — en
contribué qu’à une vaste démo de contrôle, de noyautage, de fo n t foi. » L’option totalitariste
lition ». Pour l’étab lir solide réquisition, de propagande, des Jacobins était bien une
ment. il fa lla it reconstruire du option sui generis, voulue pour
sont celles-là mêmes que le
cohérent et du stable, du neuf elle-même, ou, chez les im purs,
com m unism e russe mettra plus
dans le permanent, sur les
tard en œuvre. Une des options pour ses profits.
ruines de l’ancienne société, ce
vaste organisme spontané de politiques du XXe siècle avait
caractère fam ilial où tout se dès lors, techniquem ent, et
même pour partie idéologi La troisièm e
réglait, sans l’ombre d ’une et la quatrièm e Révolution :
systématique, par l’à peu près quement, trouvé sa forme.
de l ’instabilité
évolutif de coexistences à la au pouvoir personnel
La nécessité n’en était pas,
fois contradictoires et com plé
comme on l’a d it longtemps, de
mentaires. Et où la politique
défense nationale. Les respon
n'était rien que le «charm e V int ensuite la troisièm e Révo
sables de la défense natio
séculaire » (Jaurès) de la m onar lution (1794-1799), celle de la
nale, formés par l’A ncien
chie. Mais la guerre, voulue Convention therm idorienne et
par les Girondins, et les erreurs du Directoire, qui inventa la
de l'Assemblée, de la Cour, « solution » de l’instabilité, le
n'en laissèrent pas le temps. régime nègre-blanc des habiles,
vacillant perpétuellem ent de la
droite à la gauche et vice versa,
La seconde Révolution : au milieu de l’inflation galo
pour la première fo is, pante et dans le triom phe des
le totalitarism e scie n tifiq ue pourris.
V int enfin la quatrièm e Révo
V int donc la seconde Révo lution, celle du Consulat puis
lution, la révolution jacobine, de l’ Empire, qui réinventa le
celle q u ’étudie Pierre Bessand- pouvoir personnel sous la forme
Massenet. A battue le 9 th e r du césarisme. La République,
m idor (27 ju ille t 1794), avec pour sauver ses meubles et ses
Robespierre lui-même qui sera hommes, se confia au « sabre
guillotiné le lendemain sous des in te llig e n t ».
acclam ations comparables à
celles dont la Fête de la Fédé (Caricature de Gillray. Bulloz) Quinze ans après, « le dernier
ration fu t saluée, elle avait Napoléon: Quand la Réqublique, mot était dit par Cambronne »
inventé la « s o lu tio n » tota pour sauver les meubles, et la France, après avoir
litaire, l’extrême majoration du se confie au « sabre intelligent » « ensanglanté l’ Europe, ren
In fo rm atio n s et critiques
tra it dans ses anciennes lim ites l’extraordinaire histoire que autorités américaines qui l'ont
y faire du romantisme » (Gaston voici : lorsqu’en 1938, le d'ailleurs reprise.
Roupnel). Colonel SS Konrad Buch qui Tout récemment, le professeur
faisait partie de la section de Stein de Vienne qui avait étudié
Le « cycle », to u jo u rs au présent recherches occultes du Gouver spécialem ent le problème des
nement hitlérien arriva au Palais lances du C hrist est mort et sa
La Restauration ne pouvait plus des Habsbourg à Vienne, il y veuve trouva dans ses papiers
être qu'une solution d ’attente, récupéra un objet q u ’il consi un compte-rendu détaillé des
de même que le nouvel essai de dérait être la lance avec cérémonies auxquelles H itler
monarchie républicaine sous la laquelle le Centurion Longinius se livrait autour de la lance
Monarchie de Juillet. D’autant avait percé le flanc du Christ. du Christ.
que le règne d ’une bourgeoisie On ne sait pas quels sont les
aveugle posait bientôt, dans docum ents qui ont fa it croire
toute son ampleur, le problème à Buch à l’authenticité de
prolétarien, où le mythe jacobin, l’objet. On connaît l’existence
honni pendant trente ans d ’au moins quatre lances
trouva, en France surtout, de du Christ, toutes prétendues
nouvelles racines. Et le cycle authentiques, bien entendu.
re p rit : république des partis Mais il paraît bien établi
en 1848, césarisme en 1851, qu ’H itler croyait beaucoup à
résurgence jacobine (brève et cette lance et lui a ttrib u a it une
bon enfant) avec la Commune partie de ses ressources.
de 1871. Puis, à l’échelle du
monde, Révolution bolchévique Trois semaines avant la fin du
de 1917, totalitarism es fasciste bunker d ’Hitler, le bourgmestre
et nazi, m ultiples et successives de Nuremberg s'échappa de
expériences — en attendant les ce bunker avec la lance et
autres — des nouvelles nations l’enterra à Nuremberg. Trois
nées du reflux colonial, maintien semaines plus tard, à peu près
im perturbable des monarchies à l'heure où H itler mourait, la
constitutionnelles anglo-scan- lance fu t découverte par les
dinaves et du système amé
ricain, celui-là dont s’inspira
la première Révolution de
1789... En France, IIIe Répu
blique, «R évolution Nationale»,
IVe République et Consulat
gaulliste...
La Révolution française: mais
oui, nous y sommes encore, ou
plus que jamais.
L ’H isto ire
LA PALÉONTOLOGIE d ’années. Mais on n’a jamais
trouvé des ossem entsd’hommes
aussi vieux. L'homme est donc
une créature relativem ent ré
V ie n t-o n de retrouver cente, qui est apparue sur notre
le prem ier h o m m e? planète après l'éléphant et après
le cheval pour ne citer que
• UNE DÉCOUVERTE deux exemples. Il devrait donc
DE PREMIÈRE IMPORTANCE être possible de découvrir le
prem ier homme. Et c ’est à cette
• LES EXTRAORDINAIRES tâche que depuis un siècle les
TRAVAUX
savants se sont attelés. Ils
DU PROFESSEUR LEAKEY retrouvèrent des singes très
anciens,descousinsde l’homme
« Adam était bien l’ homme
qui ont vécu il y a plus de
» casse-noisettes stop Age dix m illions d ’années. Le plus
» 1.750.000 années stop Félici vieux de ces singes qui vivait
t a t io n s stop Signé Evernden il y a 11 m illions d ’années fu t
» et C urtis ».
découvert dans une mine de
Ce télégram m e énigm atique charbon en Italie il y a cinq ans
signé par deux grands atomistes par le Professeur H ürzeler de
am éricains de l’U niversité de Zurich. Mais on n’a pas retrouvé
Californie et qui fu t envoyé le d ’homme contem porain de ce
12 ju ille t 1961 a dû probable singe. L'ancêtre de l’humanité
ment exciter la curiosité des continuait à échapper aux re
Services Secrets am éricains. cherches. Les fossiles humains
Mais une enquête rapide a dû ou presque humains que l'on
les rassurer. Le télégram m e retrouvait dataient au plus de
était adressé : Professeur Louis cent m ille ans. Un abîme
Leakey, Musée d ’H istoire N atu obscur séparait donc l'homm e
relle, Londres. Or, le Professeur des autres êtres. Cet abîme
Louis Leakey égalem ent connu commença à être comblé en 1935
sous le surnom « le loup soli 1.750.000 ans ?
à la suite d ’une aventure extra
taire de la préhistoire » ne s’in
ciel. Cela est un événement ordinaire, l’aventure des dents
téresse guère aux problèmes
historique dont l’importance est du dragon.
contem porains et n’a aucune
activité politique. Et pourtant comparable à celle des voyages Les dents du dragon
l’étrange télégram m e q u ’ il a de Gagarine ou de Titov autour
reçu le 12 ju ille t et auquel il a de la Terre. Le télégram m e Le professeur G.H.R. Koenigs-
répondu : « Merci, je le savais » des deux atomistes am éricains wald est un ém inent préhis
est prodigieusem ent important. m ettait fin à une longue et torien- d ’origine allemande. Il
A la suite de ce télégram me, passionnante histoire qui date occupe depuis 1948 la chaire
tous les manuels de préhistoire de plus d’un siècle déjà. d ’anthropologie à l’Université
devront être révisés. Toutes d’U trecht en Hollande. Toute
nos idées sur l’origine de l’ hu sa vie le professeur Koenigs-
Le mystère
manité changent. Pour la pre wald a parcouru to u t le monde
mière fois l’homme de 1961,
des origines humaines à la recherche du prem ier
celui des voyages interplané homme. En 1935 il se trouvait à
taires se trouve face à face L'on trouva des os d’éléphants Hong-Kong. Un peu désoeuvré
avec son véritable ancêtre, celui vieux de cinquante m illions il fit un to u r à la W estern Market
qui pour la première fois a d ’années et des os de chevaux qui est le plus prodigieux
marché droit et a regardé le vieux de quarante m illions marché aux puces du monde
In fo rm atio n s et critiques
entier. Un pharm acien qui se gloire du régime. Leurs efforts ces êtres géants de trois mètres
tenait à la devanture de sa se term inèrent par une victoire. de haut form ent le tronc d ’un
boutique l’appela et lui d it : Le 17 février 1957, le Docteur arbre généalogique dont les
« Si l'illu stre m andarin étranger Pei-Wen-Chung réunissait à Pé branches sont les grands singes
veut bien honorer mon humble kin une conférence de Presse. et l’homme. A partir de 1957,
boutique, je lui proposerai de Il montra aux journalistes réunis il ne s’agissait plus que de
véritables dents de dragon. Ces une énorme mâchoire, un m axil trouver le dernier maillon de la
ossements de monstres préhis laire inférieur qui avait été dé chaîne, le prem ier homme vé ri
toriques assurent la santé et la couvert dans une grotte du table. Les savants du monde
virilité. Il s u ffit de les broyer Kouang-Si en Chine m éridio entier s’y attachèrent avec
pour faire une farine très fin e nale. L'être auquel appartenait passion.
et de la mélanger aux aliments.» cette mâchoire est probable
Le professeur Koenigswald ment un ancêtre commun du
Le loup solitaire
entra dans la boutique. Il iden singe et de l'homme. Il avait au
tifia bien vite les soi-disant moins 3 mètres de haut. Cer
Parmi ces savants, il y avait
dents du dragon ; c ’étaient tains savants pensent que ces
un homme de cinquante-sept
des canines d ’animaux, penda, êtres ont survécu jusqu'à des
ans aux cheveux to u t blancs, au
ours, tapir, ourang-outan. Puis époques historiques, il y a 4 ou
visage énergique, le Docteur
il s'arrêta soudain. Il venait de 5.000 ans, et que ce sont eux
Louis Leakey, connu parmi ses
voir une dent qui n’appartenait qui ont donné naissance aux lé
confrères comme un esprit à
à aucune espèce connue I II gendes des géants que l’on la fois audacieux et original.
acheta aussitôt tout le lot des trouve dans les plus vieilles Leakey n’admet pas les idées
dents du dragon. Il étudia traditions humaines. D’autres généralement reçues par ses
soigneusement la dent inconnue savants, russes et chinois en confrères. Lui et sa femme Mary
et réussit à dém ontrer q u ’ il particulier, pensent que ces Leakey travaillent en francs-
s’agissait d ’une molaire d ’un mystérieux ancêtres de l’homme tireurs depuis 1914. C’est en
être inconnu de haute taille, vivent encore dans l’Himalaya 1959 q u ’ils tom bèrent, après
entre le singe et l’homme mais et que ce sont eux qui ont été avoir parcouru le monde entier,
plus grand que le singe. A u s décrits par les Thibétains sous sur la piste qui devait les con
sitôt de nombreux savants se le nom de l’A bom inable Homme duire à Adam. Depuis un quart
lancèrent dans la recherche des Neiges. Quoi q u ’il en soit, de siècle le ménage Leakey
en Chine. Le Père Teilhard de
pensait pour diverses raisons
Chardin en particulier s’y illu s
que l’homme était né en A friq u e
tra. L’on fouilla les pharmacies
du Sud. En 1959 leurs recher
chinoises et le sol de la Chine.
ches se concentrèrent dans la
Le père Teilhard de Chardin
steppe de Serengeti au Tan-
découvrit toute une série d ’os
ganyika. Ils y trouvèrent une
sements, les uns provenant
gorge profonde d ’une centaine
d ’êtres presque humains ayant
de mètres, la gorge d’Oldoway,
vécu il y a un m illion d ’années
désormais célèbre dans le
et d’autres provenant d’hommes
monde entier. Dans cette gorge,
semblables à nous et qui
la roche est de nature volca
avaient vécu il y a quelques
nique, et dans cette roche volca
m illiers d'années seulement.
nique, profondém ent enfoncés,
Après la Révolution Chinoise on trouve des outils, des sque
de 1946 le Gouvernement de lettes et des crânes. Le crâne,
Mao Tsé-Toung ordonna à ses trouvé en 1959, est celui d ’un
savants de porter tous leurs être ressem blant plus à l'homm e
efforts sur la découverte des Rencontres avec le pré-hominien ? q u ’au singe. Certes, cet être
traces des ancêtres de l'homm e Dessin de l ’expédition anglaise avait le cerveau très petit,
en Chine, pour la plus grande à la recherche du yéti 600 c m 8, alors que le cerveau
La P a lé o n to lo g ie
d'un homme normal est de nique. Visiblem ent à la mort de la preuve form elle : mes con
1.500 cm 3. Mais cet être m archait cet homme, qui était peut-être frères m 'auraient lynché I »
droit et avait un visage. Ce un grand chef de nos ancêtres,
visage était en form e de m u on lui avait creusé une tombe
Du nouveau
seau, avec des dents très p u is dans la lave et on avait enterré
sur le problème de l'évolution
santes. Les molaires sont pres avec lui quelques outils pour
que deux fois plus grosses que q u ’ il ne soit pas démuni dans
La découverte de Leakey va
celles de l’ homme d ’aujour son voyage vers l’univers des
certainem ent déclencher une
d'hui, alors que les canines et morts. Or, les roches volca
bataille.
les incisives sont relativem ent niques contiennent du potas
Beaucoup de préhistoriens s'op
petites. C'est pourquoi Leakey sium. Le potassium est un
poseront à une découverte qui
l ’a surnom mé « l ’homme casse- métal assez commun qui com
les oblige à réviser tous leurs
noisette ». Le term e scie n ti prend plusieurs variétés ou
manuels. Mais d'autres sont
fique utilisé pour désigner cet isotopes. L'un de ces isotopes
d ’accord. C’est ainsi que le
être est Zinjanthropus. L'homme se désintègre spontaném ent :
Docteur T. Dale Stewart, un
casse-noisette n’était déjà plus il est radioactif. Cette désinté
célèbre préhistorien de l'in s
un singe car il fa b riq u a it des gration donne un autre métal
titu t Smithson à W ashington,
outils. Ces outils, Leakey et sa commun, le calcium , et un gaz,
estime que le grand âge de
femme en ont retrouvé une l’argon. Ces produits restent
l'homm e casse-noisette donne
grande quantité. On y trouve emprisonnés dans la roche et
à l'évolution le tem ps néces
de simples galets d'où des les méthodes extrêmement d é li
saire pour arriver à l’homme
éclats ont été détachés par per cates et subtiles de la science
moderne. Le Docteur Stewart
cussion surdeuxfacesopposées atom ique perm ettent de les
pense que l'évolution humaine
de manière à form er une arête doser et par conséquent de
procède lentem ent et que tous
tranchante. On y remarque aussi déterm iner l’âge d'une roche
les fossiles découverts jusqu'à
des o utils plus complexes, des volcanique. Leakey confia ce
présent étaient trop jeunes pour
coups de poing et des haches travail des plus délicats à
être véritablem ent le prem ier
minces au tranchant rectiligne. deux atomistes de l'U niversité
homme. L'homme casse-noi
L'homme casse-noisette est de Berkeley aux États-Unis,
sette, lui, est assez ancien pour
donc un véritable homme fa Jack F. Evernden et Garniss M.
qu'en près de deux m illions
bricant d ’outils. Le 2 décembre Curtis. Il leur envoya dix échan
d ’années une lente évolution
1960 Leakey en trouvait le tillons im portants de la roche
a it pu aboutir à l'hom m e que
prem ier crâne complet. Mais volcanique où il avait découvert
nous connaissons.
quel était l'âge de cet homme? le crâne de l'homm e casse-
Oui était-il 7 Comment vivait-il ?
Intuitivem ent Leakey sentait dès noisette. Leurs résultats con Les recherches se poursuivent
1960 qu'il était très vieux, plus cordaient bien : l'âge de la
mais on peut déjà donner
vieux que tous les fossiles hu roche et par conséquence celui
quelques réponses. L’ homme
mains connus. Mais com m ent du crâne est voisin de deux
casse-noisette n'était pas un
le prouver scientifiquem ent? m illions d'années. La valeur la
nomade mais vivait toute
C'est là q u'intervient une plus probable, la moyenne des
l'année dans des abris, proba
science nouvelle qui existait dix essais est de 1.750.000
blement des cavernes. Il savait
à peine lorsque Leakey a com années.
probablem ent parler mais son
mencé ses travaux mais qui
langage ne devait pas dépasser
m aintenant domine le monde :
Dès la réception du télégram me une centaine de mots qui nous
La Physique de l'atome. sembleraient, si nous pouvions
des deux savants américains,
Leakey annonça ce résultat le rencontrer, des grognements
La roche et le crâne dans la grande revue scie n ti p lutôt que des paroles. Sa tribu
fique anglaise Nature, devait se composer de quelques
Le crâne de l'homm e casse- Il déclara à la Presse : centaines d'hommes et de
noisette était profondém ent en « Je le savais depuis un an mais femmes au plus. Ils ne vivaient
foncé dans de la roche volca je n’osais pas parler sans avoir pas vieux: quarante ans au maxi
informations et critiques
mum, pense-t-on. Ils ne connais L ’ A R C H É O L O G I E
saient pas le feu mais ils avaient
déjà des outils. Ils chassaient
et ils cueillaient probablem ent
des herbes et des fru its. Peu à T ito v et le secret de la
peu ils se sont répandus dans grande pyram ide
le monde entier : en Europe et
en Asie d ’abord, puis en A m é Le rapport scientifique détaillé
rique, en Polynésie, en A u s du voyage de Titov est bien
tralie. Cette tribu tou t entière entendu attendu avec im pa
devait descendre d ’un prem ier tience.
couple humain. Et ce couple Entre autres, la sim ple obser
lui-même, d'où venait-il? Les vation par Titov à l’œil nu du
savants pensent q u ’ il venait ciel extra-atm osphérique per
d'une mutation soudaine, d'une mettra certainem ent de ré
transform ation se produisant soudre un problème ancien et (Keystone)
chez des êtres qui n'étaient ni passionnant. Comme le fa it très
singes ni hommes, qui étaient Il voyage dans le cosmos...
justem ent observer dans le
probablement les géants de numéro 7 de « Priroda », le
trois mètres de haut découverts professeur Fessenkov, il s’agit
en Chine. Cette transform ation, d ’une des énigmes les plus
cette mutation fu t probablem ent anciennes et les plus irritantes
due à un bombardem ent radio de l’astronomie.
a c tif des organes sexuels de Le problème en question est
ces êtres. Ce bom bardem ent celui de la lumière zodiacale.
était-il dû à des rayons cos
miques venant de l'espace
ou à des rayons atom iques Les pyramides:
venant des substances radio hymnes à la lumière zodiacale?
actives terrestres? L’homme
a-t-il été créé par les étoiles
La lumière zodiacale ou contre-
ou par l’uranium, métal radio
a ctif très abondant en A friq u e ? lumière (les astronomes em
ploient souvent pour désigner
Cela est une question à laquelle
ce phénomène le terme alle
la Science est pour le moment
incapable de répondre. Mais mand : gegenschein) est une
elle n’a pas d it son dernier mot. espèce de queue lumineuse
de la Terre semblable aux (Grande Pyramide)
queues des comètes. Le phéno ...pour voyager dans le temps
mène est à la lim ite de la
v isib ilité avec les meilleurs
télescopes. Il n'en existe pas
de photographies convenables nosité de forme pyramidale
et beaucoup d'astronomes ne s’étendant dans la direction
sont jamais arrivés à le voir. générale Terre-Soleil, au-delà
Mais il existe suffisam m ent de la Terre. Certains savants
d'astronomes compétents ayant russes ont écrit que ce phéno
observé le phénomène pour que mène était mieux visible dans
la plupart des savants pensent le passé et que c ’est son obser
q u 'il existe. vation qui a donné aux Égyp
La lumière zodiacale se pré tiens et aux Mayas, qui auraient
sente comme une faible lumi- divinisé la lumière zodiacale,
L ’arch éo lo g ie 129
l'idée de construire les pyra pour l'obtenir. Ils ont, ju s q u ’à
mides. Auquel cas, l’énigme de présent, échoué. Et voilà que
la lumière zodiacale serait le nous apprenons que les anciens
plus ancien mystère scientifique alchim istes chinois y sont a rri
du monde. vés I On comprend que l’auteur
de l’article russe repris par la
Revue de l’A lu m in iu m écrive :
Les restes de l’Ailleurs « Le fa it qu'à une époque aussi
reculée que celle de la dynastie
Mais ce n'est pas uniquem ent Tsin — il y a près de deux mille
pour découvrir les secrets de la ans — on ait pu obtenir les pre
Grande Pyramide que l’Acadé- mières feuilles d'un alliage
mie des Sciences de l'U.R.S.S. contenant une forte proportion
a, le professeur Fessenkov le d ’alum inium , constitue un évé
dit dans son article, sp é cifi nement de grande importance
quem ent chargé Titov d'étudier dans l’histoire mondiale de la
la lumière zodiacale. Le grand Boucles de ceintures : Chimie et de la M étallurgie. »
intérêt que présente le problème ouvertures fabuleuses Les explications données à ce
est celui-ci: si, comme on le sujet par les savants officiels,
pense actuellem ent, la Terre nastie Tsin connaissaient-ils tels que Maurice Fréjacques,
s'est fermée à froid à partir D irecteur honoraire du Service
déjà l’alliage C uivre-A lum i
de particules qui se sont agglo des Recherches de la Com
n iu m ? » Voici les faits extra
mérées, la lumière zodiacale pagnie Pechiney, et M. Robert
ordinaires dont il s’agit :
constituerait le reste de ce qui, « En 1956, au cours des fouilles Gadeau, directeur technique
pour des raisons à déterm iner, de l'A lu m in iu m Français, sont
sur la colline Tsin, effectuées
n'a pas pu s'incorporer à notre par le Musée de Nankin, des plutôt embarrassées.
planète. Son observation est boucles de ceintures m étal
donc très im portante pour la liques ont été découvertes. Leur Une hypothèse à admettre
cosmogonie et le rapport de surface extérieure est de cou
Titov nous fixera bientôt à ce leur g ris-brun; la couche de Ils nous expliquent q u'il s'agit
sujet. métal intérieure a une épaisseur d'une découverte purem ent ac
de 1 à 2 mm. L’analyse chim ique cidentelle. C'est le genre d'ex
de ces boucles (par la Faculté plication que l'on donne géné
De l’aluminium de Chimie de l'U niversité de ralement pour les travaux a lc h i
il y a 3.300 ans ! Nankin) et l’analyse spectros- miques, à moins que l'on ne
copique (par le directeur in té parle de révélation mystique.
Une découverte extraordinaire: rim aire de l’in stitu t de Physique En ce qui concerne la décou
des techniques modernes de l’A cadém ie des Sciences de verte accidentelle, il s u ffit de
chez les alchimistes chinois Chine, Lou-Su-Chang) ont con la moindre connaissance de
d u it à dire que le principal l’alchim ie chinoise pour pouvoir
Un des aspects du « Matin des composant était l’alum inium . réfuter l’explication de l’a cci
M agiciens», qui a provoqué le dent. Les alchim istes chinois
plus de contradictions est l’a f En avance font, en effet, nettem ent allusion
firm ation de l’existence dans le sur nos propres moyens à un argent dont la plus petite
passé de techniques aussi avan particule de mercure philoso
cées que les nôtres. Une preuve L’alum inium , on le sait, est phai serait partie, donnant ainsi
indiscutable de telles techniques produit par des méthodes élec un métal argenté plusieurs fois
est apportée par un article de trochim iques. Les chim istes de moins dense que l’argent: l’a lu
la Revue de l’A lum inium , de tous les pays cherchent un minium . Quant à l'explication
janvier 1961, page 108, sous le procédé purem ent chim ique mystique, on ne voit pas très
titre : « Les Chinois de la dy- sans l’emploi de l'électricité bien com m ent une révélation
L'archéologie
traduction de cet ouvrage révo Mais le professeur Dévissé, qui Oe la nature des Symboles
lutionnaire ? menait l'expédition, ne s’avoua
pas vaincu. Au lieu de chercher Le livre de Pedro Astete « Los
Double mystère en surface, comme il avait Signos » Develacion del Len-
en Mauritanie guaje de Los Simbolos — paru
d ’abord été prévu, l’expédition
commença alors sur ses in d i en 1953 au Mexique aux Éditions
Selon M. Mauny, de l'in s titu t
cations à fo u ille r en profondeur. du Soleil (bien entendu I)
français d ’A frique Noire, depuis
Et, finalem ent, les efforts est pratiquem ent inconnu en
plus d ’un demi-siècle, histo
déployés fu re n t récompensés: France. C'est regrettable car
riens et archéologues de l’Ouest
au bout de trois jours, l’expé ce livre, préfacé par M. Daniel
A fricain sont à la recherche
dition m ettait à jo u r les murs Ruzo constitue une tentative
d ’une ville qui a défrayé la
d ’une ville antérieure, sous les extrêmement audacieuse pour
chronique il y a dix siècles:
fondations des constructions du retrouver des traces des c iv ili
Aoudaghost. Cette ville en
dix-septième siècle. Il s’agirait sations avancées qui ont
gloutie se trouverait dans le sans doute bien d'Aoudaghost.
massif du Rkiz, dans le sud-est précédé la nôtre avant l’ histoire
Mais en cherchant cette ville connue.
de la Mauritanie.
médiévale, les archéologues L’auteur s'appuie sur des études
On sait peu de choses d'Aouda-
dakarois ont du même coup de tous les symboles connus
ghost. Le prem ier chroniqueur
mis à jour une ville du dix- pour retrouver des survivances
arabe qui la mentionne est
septième siècle, dont aucun d ’anciennes civilisations. Ce
Yakoubi, en 872: elle était alors
texte connu ne parle et dont sont les recherches de l’auteur
une oasis prospère, résidence
la tradition orale semble avoir de ce livre qui ont guidé Daniel
d'un des princes des Berbères,
perdu le souvenir I Ruzo pour le conduire aux
Sanhadja. Au siècle suivant,
Ibn Hawgal y séjourne et lui découvertes q u ’ il a faites sur
trouve une ressemblance avec les Hauts-Plateaux du Pérou et
La Mecque. Il la d it distante de dont parle Serge Hutin dans le
L'A rt de l'ancienne Thulé présent numéro.
dix jours de la ville de Ghana
(le site de Ghana est connu: On a publié en 1960 à Munich
il se trouve à 320 kilomètres un ouvrage de Kristjàn Eldjàrn:
de Tegdaoust). Enfin, en 1067, « A lte Islandische K unst».
El Bekri donne quelques détails Pour la première fois, sous
sur la ville et nous d it qu'en la plume du D irecteur du Musée
1055 elle a été prise d ’assaut national de Reykjavik paraît
par les Alm oravides. En une étude illustrée de l'a rt
suite, plus personne ne parle magique islandais. Il y a là des
d’Aoudaghost. cités dans les nuages, divers
C’est ce mystère que vient tableaux et fresques anciennes
d'essayer de percer une expé qui sem blent des portes
dition partie de Dakar. s'ouvrant de l'Islande vers
Au bout de quelques jours de d ’autres terres (et il est d ifficile
fouilles, une déconvenue atte n de ne pas penser à « Voyage
dait les chercheurs: à leur au centre de la terre de Jules
grande stupéfaction, l'un Verne et au livre de Bulver
d ’entre eux découvrait dans Leytton : « La race qui nous
les ruines les mieux conservées, supplantera »).
celles que tous croyaient être
les ruines de la ville pré-almora- L'Islande est un pays de tra
vide, un fourneau de pipe... Or ditions inconnues et on ne sait
on sait avec précision que la généralem ent pas q u ’à ces
pipe n'a été introduite en traditions correspond tout un
A friqu e qu ’après 1600! art étrange et fantastique.
Informations et critiques
LA S O C I O L O G I E ganisateurs de psychoses sont l’O.T.A.N. Le bateau a été conçu
irrepérables. Et n’évoquons pas pour héberger un Commande
le domaine policier... ment en Chef; c ’est dire q u ’il
Vers les gouvernements La force même des choses possède des installations très
d’ombres paraît nous entraîner vers ce particulières. L’amiral Ricketts
que nous appelons une crypto apportera des m odifications qui
Le bateau fantôme de Kennedy cratie. Voyez le projet — qui perm ettront à l’A utorité Civile
eût paru délirant il y a vingt U.S. de se substituer, sur ce
Il se peut que les sociétés ans — d ’un vaisseau fantôme bord, à une A utorité Militaire.
modernes, pourtant fondées sur qui serait, en cas de guerre, le La vitesse du « Northampton »
des principes dém ocratiques, cerveau errant du monde serait de 40 noeuds (72 km/h
et où, apparemment, l’ inform a occidental... environ) et le croiseur serait
tion circule librem ent, délè doté d ’un radar spécial lui
guent les responsabilités essen La bombe du jugement dernier perm ettant de repérer les « m is
tielles à quelque cryptocratie : siles » dirigés contre lui.
à une pléiade d ’hommes de Selon des inform ations sé
rieuses qui nous ont été com m u Si donc le risque de guerre
savoir et de pouvoir inconnus devenait inévitable, M. Kennedy
des foules. Ceci est une hypo niquées, les U.S.A., comme
l'U.R.S.S., seraient en posses et ses m inistres (à moins que
thèse pour roman d ’a nticip a l’on ait prévu un autre aréopage
tion : c ’est peut-être aussi une sion de « la bombe du jugem ent
dernier » : la bombe capable de responsables, moins poli
vision inquiétante de la réalité tique et plus technicien) s'em
très proche. Pour la réalité pré de détruire d ’un seul coup la
terre entière. Mais, en adm ettant barqueraient à bord du Nor
sente, il su ffit de songer à la tham pton qui croiserait dans
guerre révolutionnaire, où le que cette arme absolue, tota
lement destructrice de l’his les Océans, feux éteints et
chef est cam ouflé en épicier brouillant sa piste... De
du coin ou en ouvrier agricole; toire, ne soit pas utilisée, la
menace d'un co n flit nucléaire « quelque part dans l'in fin i des
au domaine scientifique et te ch mers » parviendraient aux
nique, où le langage est devenu n’en est pas moins envisagée.
Les études gouvernementales hommes des ordres de bataille,
un ésotérisme et où les déposi aux sociétés en péril des con
taires des clés véritables de la américaines, considérant la pos
sibilité d ’un tel conflit, estim ent signes d'organisation. Des cen
civilisation dem eurent dans un taines de m illions d'êtres dépen
strict anonymat; au domaine de que la plupart des métropoles
U.S.A. seraient détruites. En draient d’une pensée voguant
la propagande, enfin, où les or- sur un vaisseau mystérieux.
dépit de ce qui est avancé par
la propagande, les projets de Et qu'adviendrait-iI si le Nor
refuge en sous-sol ne sont tham pton était coulé? Ou s’ il
même plus retenus comme était capturé en haute m er?
sérieux. Tout cela semble appartenir
au monde de T intin : mais
Les errants du Northampton c ’est le nôtre.
L’amiral Ricketts vient d ’être
chargé par la Maison Blanche Une inquiétante enquête
de transform er le croiseur lourd sur la jeunesse
« Northam pton » en Q.G. gou Deux professeurs dénoncent
vernemental I Telle est la se la «fabrique des débiles»
conde inform ation sérieuse qui
nous parvient. Les Éditions Sociales Françaises
Ce bâtim ent de 17.200 t.d.w. viennent de publier sous la
est un navire spécial : c ’est à signature de MM. Georges Tein-
son bord que se trouve le centre das et Yann Thireau, l'un pro
Kennedy : le Capitaine Haddock essentiel des télécom m unica fesseur de lettres, l'autre d ire c
du Jugement Dernier ? tions du système m ilitaire de teur d'un centre psychotech
La S o c io lo g ie
nique, deux volumes riches de S ituation confirm ée par un Plus ils sont jeunes,
substance, sous le titre général : autre tableau (d’état médical plus ils sont touchés
« La Jeunesse dans la Famille celui-là) ; le pourcentage des
et la Société Modernes ». Le sujets atteints de troubles ner Pour les lycéens de la petite
prem ier volume donne « l’ En - veux a considérablem ent aug ville, dont une forte proportion
quête », le second l’étude des menté: est originaire de la campagne,
« Sources du com portem ent ». 46.5 1 les mêmes phénomènes s’ob
141 m 15 1
L’enquête a porté sur le niveau servent mais très amortis: le
intellectuel, mental, moral, s p i retard scolaire est plus lent à
rituel et sur l'état médical et fe ji se manifester, les grands re
social : tards sont beaucoup plus rares,
— d’une population d ’apprentis 1939 194011341 11942 1943 1944 1945 1946 19471 les sujets en avance beaucoup
originaires de tous les dépar plus nombreux. En gros, l’âge
T abi.eai- 79 : P ourcentages des troubles nerveux,
tem ents du Sud-Ouest et en EN FONCTION DE L’ANNÉE DE NAISSANCE normal pour une classe donnée
particulier de Toulouse (18 à de la grande ville correspond
25 ans); Une dégradation à un an de retard dans la petite
— d ’une population de lycéens du niveau intellectuel ville.
de grande ville (Toulouse), de
la 6e à la classe term inale; Pour les lycéens de la grande Nous fabriquons des débiles
— d’une p opulation'de lycéens ville, les résultats scolaires ré
d’une petite ville de 32.000 ha vèlent une dégradation cons Les auteurs, enquêtant ensuite
bitants, dans les mêmes classes. tante du niveau intellectuel, sur les lectures, loisirs et projets
Les constatations faites sont dans toutes les matières, au d’avenir de tous les jeunes
des plus préoccupantes. cours des dix dernières années. étudiés, concluent qu’« une
Et le niveau intellectuel apparaît énorme masse semble animée
Perte de stabilité de plus en plus faible à mesure de tendances d ’individus mé
que les sujets sont plus jeunes. diocres: ces individus sont de
Pour les apprentis, les tests de Les deux tableaux ci-dessous en véritables « débiles créés » :
stabilité, d ’attention et de maî tém oignent : détériorations psychomotrices
trise de soi m ontrent que la ? ° - ............. ........................- ....................... - ..........................
et intellectuelles, stéréotypie
durée moyenne des erreurs des des goûts, passivité grandis
sujets nés en 1943 (18 ans) est sante. »
près de deux fois supérieure à La recherche des causes
celle des sujets nés en 1937
(24 ans). Une baisse très accen Quelles sont les causes de cette
tuée des facultés se manifeste situation, quelles sont les
pour les apprentis nés en 1941, sources du com portem ent des
1942, 1943 (de 18 à 20 ans d’âge jeunes ? MM. Teindas etT hireau
1349 r 1950l -19511^1952T ^95 3 FÜ m I -Î9S5Tt9sëT
présent). entreprennent de répondre avec
T ableau 38 : Ensemble des moyennes Maths et F rançais,
Le tableau ci-dessous en té PAR ANNÉES DE SCOLARITÉ
soin à cette question dans le
moigne (test du double laby deuxième volume de leur ou
rinthe) : vrage, d’une am pleur considé
327 326 rable (550 pages grand format,
très denses).
Il est impossible, dans le cadre
d ’une sim ple recension, de
donner toute la substance de
leurs analyses. Nous nous con
tenterons donc de noter qu e l
ques constatations p a rticu liè
rement significatives.
In fo rm atio n s et critiques
irrésistibles. A certains mo
ments, B rigitte Bardot pour
les filles, Marlon Brando ou
James Dean pour les garçons,
ont imposé leur uniform e à un
bon tiers de la jeunesse.
Du côté des illustrés, une
inflation s’est produite: là où,
avant la guerre, on trouvait un
illustré, on en compte aujour
d'hui quatre ou cinq, bourrés
le plus souvent de mythes
absurdes et, presque tous,
écrits en jargon.
L’enfant moderne vit dans ce
qui est le plus contraire à son
Démons ? heureux développem ent: un uni ou débiles ?
vers de bruit. La radio, le disque,
la télévision, les juke-boxes des
Tout d ’abord la stéréotypie des pédagogues et psychologues
intérêts et des réactions est la cafés, le cinéma, to u t concourt à
l’im pitoyable conditionnem ent, constatent chaque jo u r combien
marque d’un véritable état de il est devenu d iffic ile de faire
conditionnem ent, au sens pav d ’autant que les thèmes y sont
toujours identiques: la violence, rédiger à un adolescent la plus
lovien du mot. Ce conditionne simple autobiographie.
ment vient d'une source exci la sexualité, l’argent.
Si l’on prend maintenant, les
tante commune à l’ensemble unes après les autres, les
des sujets et qui ne peut avoir Perte de l ’attention matières d’enseignement, des
son origine dans le cadre fa m i et de la mémoire constatations convergentes ap
lial ou dans le cadre pédago paraissent. En rédaction fra n
gique. Cette source, c ’est l'abon L’enfant moderne a d ’énormes çaise, les jeunes sem blent voir
dance des techniques modernes difficu lté s à fixer son attention: de moins en moins le monde
de diffusion qui agissent à tout il est souvent incapable d ’une tel qu ’ il est, pour ne le saisir
moment par des stim ulations orientation mentale sim ple et qu'en fonction de ce qu ’on le
répétées sur des enfants par d ’une analyse primaire. L’a t leur a montré être, à travers
ailleurs en équilibre physiolo tention est uniquem ent centrée une mythologie préfabriquée.
gique de moins en moins bon. sur la satisfaction immédiate Leur conscience étant sensi
Une véritable spirale de détério des jouissances, sur des thèmes bilisée sur d ’autres registres
ration se réamorce à chaque sensibles, organiques même; que sur les mots, on constate
instant, le conditionnem ent et ceux que lui proposent habituel dans leurs rédactions la dispa
le déséquilibre conjuguant lement l’image cynique et le rition de plus en plus généra
m utuellem ent leurs effets. Le b ru it syncopé. lisée de to u t élément descriptif.
conditionnem ent est dès lors Q uant à la mémoire, les jeunes << Ce n’est pas la peine que
en passe de devenir une drogue, s'intéressant à to u t d'une ma je décrive les décors: quand
un anesthésique dont le jeune nière superficielle, polarisés par j ’écris, je les vois. »
ne sait plus se passer. les im pératifs de vitesse, de En mathématiques, la d ifficu lté
rendement, d'évolution, sont d’acquisition du matériel verbal
L’image et le bruit incapables de rem onter ce « abstrait » paraît insurm on
courant, de faire retour sur table. Nombre de jeunes pré
Les héros, les héroïnes... de eux-mêmes et sur le monde qui sentent ainsi des symptômes
cinéma qui ont « réussi » dé les entoure. La mémoire devient comparables à ceux de l’apha
clenchent chez leurs « fans » pour eux une sorte de forme sie: le d é ficit du maniement et
des processus d'identification anachronique de la pensée' de la compréhension des sym-
La S o c io lo g ie 135
boles verbaux, les difficu lté s autre conditionnem ent: le con LES IDÉES NOUVELLES
à saisir le sens d'un texte et ditionnem ent de la culture chez
à établir les relations de gram trop d'enseignants, qui nous
maire ou de pensée, s’appa recouvre et recouvre nos en
Une encyclopédie
rentent de très près à des m ani fants d ’une incessante pulsation
pour l'homme d'aujourd’hui
festations pathologiques. de conformismes jamais remis
et demain
en question,
Le problème de civilisation Comme le d it très justem ent le
Président de l'A cadém ie des
MM. Teindas et Yann Thireau Sciences de New-York, M. Boris
consacrent la deuxième moitié Pregel :
du deuxième volume de leur « Tout ce qui existe est déjà
ouvrage à une étude des crises périmé ».
de notre civilisation, dans leurs Cette remarque fo rt juste s'a p
rapports avec les processus de plique tout particulièrem ent aux
détérioration qui affectent les encyclopédies. Aussi le pro
jeunes. blème du renouvellem ent et de
Et, dans une conclusion d ’en la mise au jour des encyclo
semble, MM. Teindas et Thireau pédies n'avait jamais pu être
se dem andent s’ il existe des convenablem ent résolu. D i
remèdes. Ils n'en voient q u ’ un: verses solutions ont été propo
déconditionner l'individ u . Mais sées : publication de feuilles
comme ils se doutent que c'est supplém entaires que l’on place
impossible, ou presque, ils se ensuite à l'in té rie u r de l’ency
contenteraient d ’avoir fa it ré clopédie, réédition fréquente et
flé ch ir: « Alors ce livre n'aura ainsi de suite. A ucune de ces
pas été inutile. C'est le seul solutions ne s’est révélée satis
espoir qui nous reste. Il est faisante.
mince, bien mince. Nous sou La nouvelle encyclopédie pu
haitons seulement qu 'il ne soit bliée par les Éditions Ency
pas désespéré. » clopédiques européennes, 222,
On voudrait apporter quelque boulevard St-Germain à Paris,
réconfort à ces excellents péda sous la direction de Jacques
gogues dont la contribution est, Bergier paraît avoir résolu ce
jusque-là, de grande valeur. problème d'une façon fo rt ingé
Hélas (et nous le disons fra n nieuse. Cette encyclopédie ne
chement, espérant leur rendre risque pas d ’être périmée
service), cette dernière partie pendant un bon quart de siècle
de leur ouvrage est tout aussi à venir parce qu'elle est d é li
inquiétante que les constata bérément orientée vers l’avenir.
tions qu’ ils rapportent du com Soixante savants et vu lg a ri
portem ent de la jeunesse. Ils sateurs de tous les pays du
sont eux-mêmes, sans q u ’ils monde et com prenant notam
en aient conscience, co n d i ment le Professeur Léon Binet,
tionnés, stéréotypés par toute Doyen de la Faculté de Méde
une mythologie idéologique et cine, le Professeur Léonide
historique élémentaire. Sedov, Président du Comité
Bref, ces derniers chapitres d'A stronautique de Sciences de
de l’ouvrage de MM. Teindas et l’ U.R.S.S., le Professeur Rémy
Thireau viennent à point pour Chauvin, le Docteur Ashby, se
nous rappeler la gravité d'un sont appliqués non seulem ent à
Informations et critiques
modernes par le Professeur pas, à notre connaissance, reçu
Jacques Riguet qui les enseigne de démentis satisfaisants. Les
à la nouvelle Faculté d'Orsay. scientifiques officiels se bornent
Cette étude est accompagnée à ignorer ces travaux et à pra
d'illustrations à tro is dimensions tiq u e r une politique d ’inertie.
que l'on regarde avec des Kervran poursuit ses recher
lunettes spéciales. L'encyclo ches et il nous a adressé ré
pédie analyse égalem ent une cem m ent une com m unication
mise au point sur la relativité, sur la production endogène du
due à Jean Charon et qui magnésium. Voici l’essentiel de
permet à tout le monde de ce travail trop technique pour
com prendre les théories d'Eins être repris entièrem ent :
tein sans mathématiques. Elle Des expériences précises effec
com porte une étude sur l'o ri tuées au Sahara en avril 1959
gine de la vie par le Professeur ont perm is à Kervran de dé
(H a rc o u rt) Oparine de l'A cadém ie des montrer que l’organisme humain
Sciences de l'U.R.S.S. est capable de fa b riq u e r du
Jacques Bergier : des lunettes On y trouve également, parmi
pour voir l ’invisible en relief magnésium très probablem ent
soixante autres études un article à partir du sodium. Cette pro
aux frontières de la science par duction est considérable puis
le Professeur Blokhintrev, qui q u ’il s’agit de 2/10 de gr. de
faire le point exact de tous les
dirige la recherche nucléaire magnésium par homme et par
domaines de la science et de la avancée en U.R.S.S. D'après le
technique mais encore à a n ti jo u r! Rappelons à ce sujet que
professeur Blokhintrev, les u n i l’analyse chim ique est capa
ciper de façon raisonnable, de vers naissent de la collision
façon à prévoir les dévelop ble de détecter le m illionièm e
entre particules cosmiques ultra- de gr. d ’un élément et que les
pements devant survenir dans
rapides, le microcosme et le premières quantités de p luto
l'avenir proche. Une illustration
macrocosomese rejoignantainsi nium fabriquées a rtificiellem ent
abondante m ontrant par exem dans le form idable feu d'a rtifice étaient inférieures au m illio
ple les sous-marins volants ou de la création.
la fusée interstellaire propulsée nième de gr. Le Dr J. Ménétrier
par la lum ière permet aux lec a montré qu'un m illionièm e de
teurs de visualiser ces décou gr. de magnésium ionisé est
vertes futures. Science et alchimie déjà capable d'effets physio
C’est ainsi, en particulier, que logiques. 2/10 de gr. est une
l'encyclopédie comprend une Le Professeur Kervran quantité énorm e! Les analyses
étude sur l'antigravitation, sujet et les transmutations que cite Kervran ont été faites
qui est encore à l'état de fo r par des professeurs et des
mules au tableau noir mais qui Parmi les scientifiques dont les docteurs.
va bouleverser incessamment travaux sem blent ju s tifie r les D'autres expériences de Ker
notre vie. C'est ainsi qu'elle conceptions des anciens a lc h i vran sem blent m ontrer la fa b ri
comporte une section intitulée m istes: Kervran est l’un des cation du magnésium par les
« La science et l'avenir », qui plus éminents. Ses recherches plantes et les microbes. Le phé
étudie les moyens scientifiques tendent à m ontrer que les orga nomène inverse est également
d 'anticiper le futur. Cette sec nismes vivants sont capables possible et selon lui, les co q u il
tion va être publiée intégra d ’exercer des transm utations. lages pourraient produire du
lement dans « Planète ». Elles ont été abondamment calcaire en partant du magné
L'orientation dans le fu tu r n'est publiées et notam m ent dans la sium de l'eau de mer. Bien
pas la seule originalité de la Revue Générale de Sciences, entendu, et comme toujours,
nouvelle encyclopédie. Elle com Science et Vie, l’Usine nouvelle, une erreur expérimentale est
prend égalem ent une étude sur le Compte rendu du Conseil possible, mais si M. Kervran
les mathématiques les plus d ’hygiène. Elles n’ont d'ailleurs ne se trompe pas, si la matière
Informations et critiques
LA L IT T É R A T U R E NOIRE tendance d'intégration des é c ri du bourgeois coloré, distingué
vains noirs dans la littérature et salueur à qui, dans l'in a p
m étropolitaine. C'est en effet préciable intervalle de deux
dans la mesure où les écrivains images, auraient poussé un
Les mouvements ont évité l'écueil de l’im itation com plet veston et un chapeau
d’une civilisation servile que leur cri prend du melon. » Le p roduit achevé,
qui se réveille registre et se d é fin it comme « réussi », de cette longue évo
mouvement littéraire. lution ne serait donc q u ’une
UNE THESE CAPITALE L’éveil aux nouveaux accents marionnette, un fantoche m épri
SUR LA PENSÉE AFRICAINE de la littérature antillaise, puis sable ?
ET ANTILLAISE l'essor de la littérature négro- Lylian Lagneau a raison de
africaine sont analysés dans poser le problème avec cette
La thèse de Lylian Lagneau pour leurs supports naturels, même lucidité. La révolution littéraire
l'obtention du doctorat en le surréalism e et l'engagem ent éclaire l'autre. Et la double
philologie romane a été défen politique. aliénation des peuples noirs
due en 1961 à l’Université de De même s’éclairent les séduc explique la distance q u 'ils
Bruxelles. Ce travail de 462 pages tions exercées par le com m u prennent pour exorciser I’o c c i-
dactylographiées est l’examen nisme et le prestige de la dentalisme. Ce n'est qu'au bout
approfondi d ’un sujet qui n’a IIIe Internationale. de leurs libérations complexes
ju squ ’ ici été abordé que pa rtie l Enfin, par un réseau de ques qu'on attend une renaissance.
lement, l’ouvrage de base qui tions posées aux plus éminents
dorénavant fera référence. Les écrivains noirs actuels, Lylian Deuxième mouvement :
entretiens que l’auteur a eus Lagneau a su dégager les traits renier l'autre
avec les Aim é Césaire, avec dom inants et l’orientation de
Sartre, Senghor, Damas, Gra- ceux-ci. En attendant, voici ce qu'ils
tiant, Maran, Alioune Diop et disaient: « La seule chose au
bien d ’autres ont d ’autant plus monde qui vaille la peine d'être
Premier m ouvem ent : commencée, la fin du monde,
de prix que déjà certaines voix
se renier parbleu I » C 'était une décla
se sont tues.
Lylian Lagneau montre la nais ration de guerre ouverte: « A c
Dès le début de son ouvrage, commodez-vous de moi. Je ne
sance de la littérature noire au
l'a u te ur a mis en évidence m ’accommode pas de vous. »
moment de sa révolte contre la
l'aliénation capitale du noir Voilà comm ent, parlait Aim é
cultivé: « Progressivement l'A n Césaire, com m ent s’exprimera
tilla is de couleur renie sa race, pour un temps la littérature
son corps, ses passions fo n d a noire.
mentales et particulières, sa Lylian Lagneau n’est pas incons
façon spécifique de réagir à ciente de l’impasse vers laquelle
l'am our et à la mort, et arrive avance une littérature si en
à vivre dans un domaine irréel gagée, mais elle ne dénonce
déterminé par les idées abs pas assez le danger pour les
traites et l’idéal d'un autre écrivains noirs de puiser leur
peuple.. » inspiration dans les nationa
L’auteùr cite Jules Monnerot: lismes exacerbés, le danger de
« Un docum entaire ciném ato glisser au style porte-drapeau.
graphique sur la form ation de La crainte est que les poètes
la bourgeoisie de couleur fra n de l’éveil et de la Négritude ne
çaise, si les vitesses étaient aug deviennent des Déroulède.
mentées à une échelle s u ffi Bien sûr, avec les trois grands
samm ent folle, m ontrerait le de la Négritude, Césaire, Sen
Césaire : de l ’homme révolté dos courbé de l’esclave noir ghor et Damas, ce danger est
à l ’homme universel devenant l'échine à courbettes inexistant. « Césaire se sert de
La Littérature noire
sa plume comme Arm strong de de mes fils dans les ladreries de » toutes les civilisations, de
sa trom pette », a dit Senghor. mes navires » toutes les races. Elle ne serait
Le cri de Césaire, c'est son qui en ont supprim é deux » pas universelle, pas humaine,
angoisse devant ses « A ntilles cents m illions » s’il y m anquait la chaleur de
échouées » et leur cortège si Et ils m 'ont fa it une vieillesse » la Négritude. Comme quoi,
nistre... où s’accum ulent les solitaire parmi la » défendre la Négritude, c ’est
souffrances comme les im m on forêt de mes nuits et la savane » com battre pour la Civilisation
dices. Et pour saisir toute la de mes jours » de l’Universel. »
sonorité de l'appel de la N égri Seigneur, la glace de mes yeux
tude, il faut se référer au plus s'embue
délicat des poètes, il fa u t lire: Et voilà que le serpent de la S’il paraît intéressant d'ajouter
« Prière pour la paix », de haine lève la tête ce texte aux citations de Lylian
Senghor. Cet homme estimé dans mon cœur, ce serpent Lagneau, c ’est pour souligner
par l'O ccident, mesuré dans que j'avais cru mort... que le cri de la Négritude, plus
ses avis, on ne connaîtrait pas Tue-le, Seigneur, car il me faut qu ’un réflexe de révolte, est
le fond de son cœur sans poursuivre mon chemin, en fa it un mouvement qui su b
le dernier poème d ’ « Hosties et je veux prier singulièrem ent merge le colonisateur en dépit
Noires » où il évoque les souf pour la France. » de ses protestations de « com
frances de sa race et les méfaits préhension » et de « bonne vo
de la France politique et m is lonté ». C’est un fa it qui ira
sionnaire — pour dépasser ce Troisième mouvement : jusqu'au bout de sa course et
pendant cette haine et aller au atteindre à l'universel qui ne perdra « le tranchant sur
« pardon », à un pardon qui lequel s’affûte la dignité hu
demeure opposé à un « com On le voit, toutes les rancœurs maine », qu ’avec la pleine recon
promis ». envers la colonisation sont évo naissance de cette dignité. Tout
quées — comme malgré lui, comme il en alla jadis de la
« Seigneur Dieu pardonne à dirait-on — par l'hom m e qui « condition » du prolétariat.
l'Europe blanche I pourtant a su dépasser ce cri L'Occident, qui a accepté
au point de dire le 7 février que la Révolution française, en
1961 à Lagos: «M algré le déchaî- dépit de l’échafaud, apparaisse
Car il fau t bien que Tu oublies » nement des idéologies anta- comme une étape du progrès,
ceux qui ont exporté dix m illions » gonistes, la frénésie des est bien lent à saisir que les
» haines qui s'affrontent, malgré convulsions du Tiers-Monde
» les guerres, le sang versé et préparent la deuxième étape
» les larmes répandues, malgré obligée.
» tout, le monde chemine vers Au problème de la faim, s’ajoute
» sa « totalisation », sa « sociali- celui du paria. Remplir le ventre,
» sation ». Je me rallie, sur ce prem ier but. Ensuite supprim er
» point, à la vision optim iste de la caste. L’abolition par décret
» Pierre Teilhard de Chardin. ne s u ffit pas, elle doit se socia
» Il serait grand dommage que liser. Le colonisateur européen
» le N egro-Africain fû t absent s'étonne du cri de ceux qui
» à ce rendez-vous de l'His- sont « l'envers des êtres lu m i
» toire, à ce moment de l’accom- neux ». C'est parce q u'il n'a
» plissement du monde et, par- changé son com portem ent vis-
» tant, de l'homme, à cet âge à-vis du Noir que su p e rficie lle
» de grâce où s’édifiera la ment. Il a mis des verres colorés
» civilisation de l’universel. Car, à la lanterne, modifié le voca
» pour être universelle, la civili bulaire, lancé en pâture à
» sation devra réunir, en une l’A frique l’ivresse des mots-
Senghor : « Seigneur, pardonne » symbiose dynamique, les va- clefs — sans participer à la
à l'Europe blanche ! » » leurs complém entaires de Tête.
In fo rm atio n s et critiques
L'aventure surréaliste là-bas cette orientation de la poésie,
qui essayait de déchirer le voile
L’ immense mérite de l'ouvrage de l'in co n scie n t et de connaître
de Lylian Lagneau est de mon l'hom m e véritable malgré les
tre r avec clarté, la signification in te rd ictio n s des tabous so
de la révolution noire, son feu ciaux ».
et son destin. ...Après avoir servi la révolte
Pour beaucoup, cet ouvrage du poète noir, la libération de
constituera une clef. Pour tous, sa personnalité, la récupération
il sera désormais un pilier. Ce de son passé, après lui avoir
qui sépare les poésies africaine donné les moyens d 'a g ir sur
et occidentale est pareil à la son peuple pour le libérer à
différence fondam entale entre son tour, le surréalisme aura-t-il
la raison européenne « analy épuisé ses ressources? Non
tique par utilisation » et la raison pas :
nègre « intuitive par p a rticip a « Demain,
tion ». Opposant Descartes au » Des m illions de mains noires André Breton :
Négro-Africain, Senghor fa it dire » à travers les ciels rageurs Il a porté le feu
à ce dernier « qu ’ il est » parce » de la guerre mondiale vont
q u ’il « sent l’autre, parce qu ’ il » dresser leur épouvante. Dé- cée... le remède com plet à
danse l'autre ». » livré d ’un long engourdisse- tous leurs maux.
» ment, le plus déshérité de Cependant, remarque Lylian
Senghor a poussé sa réflexion Lagneau, si beaucoup de sur
sur le rythme africain à la hau » tous les peuples se lèvera,
» sur les plaines de cendre. réalistes quittèrent ensuite le
teur d'une philosophie, large Parti (communiste), c ’est en
ment inspirée d'ailleurs des partie, comme le fa it rem arquer
cosmogonies autochtones. Il » Notre surréalisme lui livrera R. Vailland, parce qu ’ ils étaient
faut com m unier avec l'ém otion » alors le pain de ses profon- des intellectuels, vivant d ’ex
du poète en retrouvant les p u l » deurs... Retrouvée enfin la pédients, en marge de la so
sations rythm iques de l'œuvre » puissance magique des ma- ciété et qu’ ils n’étaient pas
et ne jamais oublier que : » houlis, puisée à même les acculés, comme les ouvriers, à
« Le Nègre singulièrem ent, est » sources vives. Purifiées à la une nécessité concrète... Mais
d'un monde où la parole se fa it » flam m e bleue des soudures Vailland passe sous silence
spontaném ent rythme dès que » autogènes, les niaiseries colo- l’ incompréhension profonde que
l’homme est ému, rendu à lui- » niales. Retrouvés notre valeur les surréalistes rencontrèrent
même, à son authenticité, où la » de métal, notre tranchant au parti. A ces jeunes gens
parole se fa it poème. » » d ’acier, nos com m unions inso- enthousiastes et to u t illum inés
Quant au surréalisme, il est » lites... » encore de leurs conquêtes, le
apparu, tel le communisme, Dans ce texte exalté, Aim é P.C. français opposa des c ri
comme une issue à l’aliénation Césaire indique un but plus tiques obtuses, l’exigence d ’un
culturelle. « Pour les A ntillais, lointain de la révolution surréa art conforme au « réalisme so
le surréalisme ne fu t pas un jeu liste. Après avoir ôté de la cialiste ». Il m it avant tout
gra tuit ou expérimental, dit conscience noire les sédiments l’accent sur l’in te llig ib le et sur
Lylian Lagneau, comme ce le de l’aliénation occidentale et l’utile, ce q u ’avait précisément
fut souvent pour les surréalistes fa it place nette pour l’im p la n répudié la révolution surréaliste!
français. C’est au contraire très tation d’une culture a u th e n ti Devant des tribunaux souvent
exactem ent,«latorche d'Orphée quem ent nègre, le surréalisme composés d ’étrangers com pre
à la recherche d'Eurydice », servira encore à éduquer le nant mal le français, nous dit
selon la célèbre comparaison peuple noir... Pour les M a rtin i Breton, les surréalistes étaient
de Sartre. quais qui lisaient « Tropiques », sommés de se ju s tifie r de tel
« L'Europe, dit-elle plus loin, le surréalisme semble être ap tableau, de tel poème. Et quand
avait qualifié de « maudite » paru un peu comme une pana- Breton éditait dans sa revue
La Littérature noire
un dessin de Picasso ou un se m ontre-t-il bien injuste envers sain réalisme, le particularism e
article de Ferdinand A lq u ié que le précieux travail des savants, et la faiblesse technique du
n’approuvait pas le Parti, il d it Lylian Lagneau qui en est, Noir africain. Mais l’article se
endurait questionnaires et re mais il a raison sur un point développe dans un clim at de
montrances, au bout desquels essentiel : to u t le passé de politesse etde modestie presque
il lui fa lla it faire amende hono l'A friq u e , si glorieux soit-il, ne exagéré. Non seulem ent il in
rable. Aussi les surréalistes peut résoudre ses problèmes siste sur les qualités euro
sortirent-ils déçus de l’expé actuels. péennes que les A frica in s doi
rience comm uniste, ou bien ils ...L'expérience des compagnons vent se hâter d'acquérir, mais
restèrent fidèles malgré tout, de Paul Niger est parallèle. il paraît placer la direction
comme il arriva à Aragon. Chez tous, la N égritude dé du monde fu tu r entre les mains
bouche sur l'action et c ’est de l’ Europe « créatrice du
ainsi qu'en décembre 1947 pa ferm ent de toute civilisation
La Négritude en vase clos raissait sim ultaném ent à Dakar ultérieure », ajoutant qu'« il
et à Paris le prem ier numéro importe... que certains déshé
Quant aux intellectuels noirs de la revue « Présence A fri rités reçoivent de l’ Europe, de
de Paris, ils vont, durant la caine ». A côté d'ethnologues la France en particulier, les
guerre, apprenons-nous, vivre célèbres, Rivet, Leiris, Monod instrum ents nécessaires à cet
en vase clos et accentuer la et Balandier, d ’ intellectuels édifice à venir»... L'apport de
teinte rom antique de leur né g ri comme Sartre, Mounier, May- l'A friq u e n’est nullem ent mis
tude. Ils rêvent du continent noir dieu et Camus, se trouvaient en valeur : « Enclose comme
comme d'un paradis lointain. quatre écrivains noirs renom une manière de silence cos
A la libération, é crit Lylian més, Senghor et Césaire natu mique depuis des m illénaires
Lagneau, la réalité se charge rellement, l’A m éricain Richard — inutile, aux yeux de beaucoup
vite de détrom per leur enthou W right et le Dahoméen Paul dans l'évolution du monde —
siasme. Paul Niger et Guy Hazoumé. réduite, d ’après ces mêmes
Tirolien, partis en « pèlerinage
personnes, à une vitalité bes
aux sources ancestrales », dé
tiale et vaine — (l'hum anité
chantent devant l'A friq u e des De l'humilité intelligente noire) v it cependant selon sa
« beni-oui-oui », l'A friq u e des à la révolte désespérée sagesse et une vision de l'exis
hommes couchés attendant
tence qui ne manque pas d ’o ri
comme une grâce le réveil de Si les noms dont s'ornait la ginalité », écrivait A lioune Diop
la botte, l’A frique des boubous jeune revue, dit l'auteur de la
ajoutant cette question : « Serait-
flo tta n t comme des drapeaux thèse, form aient un bouquet il tém éraire d'ajouter qu'elle
de capitulation de la dysenterie, prestigieux, sa présentation très pourrait même e n rich ir la c iv i
de la peste, de la fièvre jaune modeste attestait de son indé lisation européenne?»
et des chiques (pour ne pas pendance financière. « Présence Lylian Lagneau ne se fa it pas
dire de la chicotte). Aussi A fricaine » n’avait rien à voir
faute de rapprocher ce texte
est-ce avec un peu d'am ertum e avec les luxueuses revues colo
« prudent » de ce q u ’é crivit le
qu'ils songent à leurs discus niales, miroirs complaisants des
même A lioune Diop en 1956
sions parisiennes: « Nous avons bienfaits de la mère patrie à « d isqualifiant l'O ccident en
vécu sur une N igritie irréelle, ses enfants d'outre-m er. Mau
tant que directeur des cons
faite des théories des ethno vais papier d'après-guerre, irré ciences et de l’ histoire ».
logues, sociologues et autres gularité de la parution, coquilles
savants qui étudient l'homm e ém aillant lés textes, autant
en vitrine. Ils ont piqué le d ’ indices des d ifficultés pécu Des hommes qui attendent
N igritien au formol et ils pré niaires q u ’A lioune Diop conju quelque chose ou quelqu'un...
tendent que c'est le type de rait in extremis par des appels
l’homme heureux. » désespérés. Ce rapprochem ent ne fa it que
Sans doute (dans ce passage Dans la préface du prem ier confirm er ce que nous énon
de son livre « Je n'aime pas numéro, relate Lylian Lagneau, cions plus haut: le mouvement
l'A friq u e » - 1944) Paul Niger A lioune Diop dénonce, avec un de la N égritude est lancé et il
Informations et critiques
ne prendra son équilibre, son qu’ici leurs buts étaient extrê » finale marquera l’avènement
balancement, q u ’à la fin de sa m em ent clairs et la voie pour » d ’une ère nouvelle.
course. Ce qui importe, c'est y atteindre ne creusait q u ’un » Nous aurons contribué à
de voir q u ’une partie déjà des unique et profond sillon. Ils » donner un sens, à donner son
écrivains a dépassé la zone où sont sortis du dilemm e « se » sens au mot le plus galvaudé
le cri à force d ’être aigu pénètre blanchir ou disparaître », dans » et pourtant le plus glorieux:
dans le silence. Un retour lequel l’O ccident prétendait » nous aurons aidé à fonder
s’accom plit, la m odulation se les enferm er et ils ont conquis » l’humanisme universel. »
cherche et ceux qui y pa rti le d ro it de parler d'eux-mêmes
cipent ne sont-ils pas « ces et comme il leur convenait. Jacques BOLLE.
outsiders, dont parle Richard Ils ont réussi à se faire recon
W right, qui mènent une vie pré naître comme nègres et (publié grâce à l’obligeance
caire sur les bords abrupts comme hommes à la fois. » du «Journal des Poètes»,
de m ultiples cultures — ces de Bruxelles).
hommes qui sont soupçonnés,
incompris, maltraités, critiqués
La grande Idée
par la gauche et par la droite,
d’un humanisme planétaire
par les chrétiens et par les
Se scléroser dans une attitude
païens — ces hommes qui
de révolte et d ’opposition
portent sur leurs épaules frêles
et infatigables le m eilleur de serait une aberration. S'il est
normal qu'un excès engendre
deux mondes — et qui, au m ilieu
son contraire — que le racisme
de la confusion et d’une situ a
blanc, par exemple, ait produit
tion stagnante, cherchent déses
le racisme noir —, il fa u t éviter
pérément une patrie selon leur
de retomber dans ce que
cœ ur: un 'hom m e qui, s’ils le
Franz Fanon a appelé « le
trouvaient, pourrait s ’ouvrir au
m anichéism e délirant » et d 'in
cœur de tous les hommes ».
verser sim plem ent les éga
Lylian Lagneau conclut: « Quoi
lités Blanc-bon, Noir-mauvais.
» qu’il en soit, il fa u t q u ’aujour-
Le retour de l'antagonism e à
» d ’hui les écrivains noirs re-
un com portem ent plus humain
» pensent leur situation 1 Jus-
et à un langage fraternel
devrait supprim er les réactions
de défense que la colonisation
a engendrées. Plusieurs in te l
lectuels noirs l’ont déjà com
pris, et parmi les plus grands!»
Et de citer ce texte de Césaire
dans « L’ homme de culture et
ses responsabilités »: « Par-delà
» les luttes du présent, circons-
» tanciées comme elles le sont,
» c ’est là ce que nous voulons,
» ce monde rajeuni et rééqui-
» libré, sans quoi rien n’aurait
» aucun sens, rien et pas même
» notre combat d ’a u jourd’hui,
» rien et pas même notre vic-
» toire de demain.
Richard W right : » Alors et alors seulement nous
m ort entre deux cultures » aurons vaincu et notre victoire
La Littérature noire
LA L I T T É R A T U R E q u ’européennes les ouvrages de « Le chevalier sans nom ». Cet
A F R O - A S I A T I Q U E l'Indien du Sud Pudum eipittan ouvrage est d ’ailleurs en cours
(1906-1948). Il a surtout é crit des de traduction dans différents
nouvelles, qui ont été réunies pays.
sous le titre « La lum ière de
En Chine. On vient de rééditer l'am our » et qui sont des récits
les œuvres fantastiques de
En Irak. C'est l'écrivain Abdel
de la vie quotidienne de gens Marik Noury qui est le plus
Pou-Soun-Lin. Cet écrivain qui pauvres dans l’Inde du Sud, connu parmi les romanciers.
vivait au début du XVIIIe siècle, pleins de poésie.
dé crit un univers fantastique
Au Japon. On vient de redé
de démons, d ’êtres étranges couvrir un écrivain fantastique
vivant parmi nous, de tableaux En Corée. On commence à
découvrir la littérature co du début du XIXe siècle: Oueda
dont les personnages se mettent
réenne. Indépendamment, le ro Akinari. Ses nouvelles groupées
à vivre et qui s'échappent de la
man fu t créé en Corée par Kim sous le titre « La lune dans le
toile. C'est égalem ent le fantas
Mar Tchoung au XVIIe siècle. brouillard » sont pleines d ’his
tique qui domine les œuvres
L’un de ses romans: « Les neuf toires de vampires, de morts
de Siou-Di-Chan (1893-1941),
qui rêvaient dans les nuages » vivants et de magiciens noirs.
œuvres actuellem ent e ntière
n'a pas vieilli et va être traduit, La plupart de ces récits se
ment publiées et dont la plus situent au Japon médiéval.
célèbre est le recueil de nou notam ment en russe. Dans le
velles in titu lé « Le chandelier domaine contem porain, l’é cri
vain le plus célèbre est Han Ser Au Sénégal. Est apparu un
enchanté », dont l'action se
Ya. Son livre « Le crépuscule » écrivain, Birago Diopa, vétéri
passe le plus souvent en B ir
est précédé d'une préface où naire de profession et spécia
manie et en Malaisie plutôt
il d it : « ...Depuis vingt-cinq liste du folklore local. Il vient
q u ’en Chine. C'est une œuvre
ans que j'é cris, je ne me suis de publier un recueil de nou
rom antique haute en couleurs velles, « Les contes d'Am adou
et pleine de surnaturel. On jam ais posé la question de
savoir s'il s'agissait d ’histoires Houmba ». C'est une rém inis
pourrait y opposer les écrits de
d'am our ou de lutte pour la cence des contes fantastiques
E. Tseu (1911-1939), ce révolu
liberté; en fait, je crois avoir qui lui fu re n t contés par les
tionnaire Chinois tué par les
réalisé ce double but. » vieillards des tribus.
réactionnaires et qui décrit,
dans « Les étoiles », le combat
Au V iet Nam Nord. Le En Turquie. On vient de
pour la liberté à la veille de la
m eilleur rom ancier moderne rééditer les poèmes de Okana
révolution chinoise. La Chine Veli (1914-1950) que l’on consi
moderne est dépeinte aussi semble être N'Guyen Hong.
Son roman « La voleuse » fu t dère comme le plus grand poète
dans le roman de Oyan Tchang, moderne. Un grand nombre de
notam ment dans « La route in te rd it au Viet Nam en 1938
par les A utorités françaises ; ses poèmes sont entrés dans la
lumineuse ». Il y décrit aussi langue courante pour devenir
bien la révolution que les luttes il circula cependant clandesti
nement. Il a été publié assez un genre de proverbes tra d i
de la Chine contemporaine. tionnels.
récemment.
Aux Indes. L’un des écrivains En Indonésie. Existe un grand
et cinéastes les plus connus En Afghanistan. Il existe une
rom ancier : Marakha Roussli,
est — parmi les contem po littérature qui tie n t à la fois du
qui vient de publier un grand
rains — Hodja Ahmad Abbas. folklore des M ille et une Nuits
ouvrage très romanesque :
Il vient d'ailleurs de publier un et du conte philosophique. Les
« Sitti Nourrbaia » qui est l’ his
recueil de nouvelles intitulé écrivains les plus connus sont:
A bdul Raoufa Beneva et Goul toire d'une jeune fem me qui
« Le blé et les roses ». Son
Patcha Ulfat. Leurs nouvelles périt tragiquem ent, victim e
œuvre a été traduite dans toutes
d ’une religion locale.
les langues de l'Inde. On a ont été réunies avec quelques
égalem ent tra d u it dans toutes autres récits d'écrivains moins
les langues indiennes ainsi connus dans un recueil intitule V ladim ir BIKOV,
Informations et critiques
LES L I T T É R A T U R E S lutionna les mathématiques par Instituts et laboratoires pour
ANGLO-SAXONNES des travaux extrêmement pro tom ber entre les mains des
fonds qui sont m alheureuse organisateurs et des militaires.
ment impossibles à traduire en La corruption des usages de la
langage courant. Sur le plan science est donc un grand sujet
Un génie se fait romancier du roman d ’ im agination il n’avait et W iener le traite en détail, en
é crit ju sq u 'à présent que q uel rom ancier et en savant.
• « LE TENTATEUR », ques récits de pure science-
DE NORBERT WIENER fiction, mais voici q u ’ il nous Partir de la réalité
• UN SUJET NEUF, donne m aintenant un roman
UNE ŒUVRE FORTE d ’un to u t autre genre, Le Wiener, comme tout homme de
thèm e de ce livre n’a jamais été
lettres — fu t-il m utant — ne
On peut répéter trente-six fois utilisé : il s’agit de la législation peut décrire que ce q u 'il a
la même chose et n’utiliser que sur les brevets d ’ invention. vu et vécu. Le réalisme, même
le point virgule comme signe Le Tentateur fa it une large fantastique, est avant tout basé
de ponctuation. La critique place aux recherches am éri sur la réalité. Aussi Le Tentateur
française attache beaucoup caines en matière de fusées. est-il le portrait d ’un milieu
d'im portance à ces exercices. Cependant, son intérêt n'est pas et d'une époque. Un Français,
Pendant ce tem ps paraît aux uniquem ent documentaire. Si un A llem and de l'O uest, un
U.S.A. le prem ier roman vra i le roman veut survivre, s’ il Soviétique — car les p oli
ment moderne, sans qu'aucun n'est finalem ent élim iné par les ticiens et les organisateurs
des critiques français ne réa moyens audio-visuels et les existent aussi évidemment en
gisse. Ce roman a pour titre : hebdomadaires à photos, il se U.R.S.S. — écriraient d ’autres
Le tentateur et l'auteur en est doit de redevenir réaliste, c'est- romans. Pourtant en U.R.S.S.,
Norbert Wiener, un grand savant à-dire de décrire véritablem ent Georgi Gourévitch a pa rtie lle
qui a créé la cybernétique. ce qui se passe dans le monde. ment réussi dans cette manière
Norbert W iener a égalem ent Il y a déjà bien longtemps que avec un livre excellent : « Le
é crit : « Cybernétique et So les faits, les œuvres et les temps q u 'il fa it sous terre »;
ciétés », « Je suis un ex-pro recherches ont démontré l’exis malheureusement cet ouvrage
dige», «Je suis mathém aticien ». tence de la vie et de l’ in te lli est nettem ent de science-fiction,
gence, ailleurs q u ’au Flore ou ce qui lui enlève du cré d it car
Un mutant favorable aux Deux magots. Or, l'a p p li trop de lecteurs — même en
cation de la science est le pro U.R.S.S. — croient q u ’ il s’agit
Norbert W iener est ce que les blème central de notre époque. là d ’une littérature pour enfants.
biologistes appellent un m utant Au fond, il n’est guère im por
favorable. Il fu t bachelier à tant pour nous de savoir si Le plus récent roman
8 ans; il était déjà connu à l'axiom atique de l’algèbre va de J .B . Priestley
l'époque comme enfant prodige pouvoir être ramenée de 8 axio
et, à l’âge de 5 ans, il lisait avec mes à 5, ou si l'on expliquera Le grand écrivain anglais J.B.
beaucoup d ’amusem ent les a r la nature de la radiation syn- Priestley s'est toujours beau
ticles à son sujet dans les chrotron de la grande nébu coup intéressé au fantastique.
revues scientifiques s'occupant leuse du C rabe! Ce qui nous Il avait é crit des pièces de
de psychologie. C’est à 16 ans importe, c ’est de savoir si nous science-fiction comme « Virage
q u 'il fu t nommé professeur allons pouvoir vivre ou mourir. dangereux » et des romans de
d'Université, après quoi il rédi Car le mauvais usage de la science-fiction comme « Les
gea à lui seul une Encyclopédie science peut nous conduire hommes du dernier jour ». Son
en 26 volumes. Puis il fu t agent d'un moment à l'autre à la plus récent roman « Saturn
électoral, directeur de la Re destruction. Il nous importe over the W ater » va très loin
cherche scientifique qui aboutit donc de savoir com m ent la au-delà de ce q u 'il avait écrit
à la D.C.A. moderne. Il inventa science peut être corrompue, ju sq u 'à présent.
en 1947 la cybernétique et révo comm ent elle peut sortir des Il s’agit d'une page de l'histoire
Informations et critiques
réellem ent une crise de la Je constate que nos jeunes tégie m ûrem ent réfléchie des
science française et quiconque savants sont trop loin de vos tinée à a ttirer les savants hors
s’intéresse à cette crise pa rticu travaux et que les savants plus de leur repaire.
lièrement, ou à la progression âgés n'ont plus la force de Vous devez appliquer vos tra
de la science en particulier, pénétrer sur les terres où vous vaux à la solution, de deux ou
doit méditer la lettre qui suit: a poussé votre in tuition. Des cas trois problèmes sur lesquels
comme celui-ci sont fréquents. nous sommes arrêtés.
Lettre d’un vieux mathématicien Le grand mathém aticien fra n N’essayez pas de placer devant
à un jeune mathématicien çais Paul Appel a refusé d'étu- vous des savants âgés en
dier les travaux de notre com pa essayant de leur faire des confé
Très honoré A rtem i Constan- triote Liaponov qui démolissait rences sur votre mode de
tinovitch I toute son œuvre sur la théorie pensée. Ce n'est pas une
Ayant relu votre lettre du 16 mai des formes des corps liquides. manière réaliste. Vous pourriez
dernier, je tiens à préciser ma Il a fallu que, longtemps après, égalem ent faire des cours aux
position. ce soient des savants suédois académiciens pendant des
Vous cherchez le rapport entre qui redécouvrent ces lois et années, vous n'arriveriez à
le réel et vos travaux. De ces dém ontrent que Poincaré et rien.
travaux, je dirai d ’ores et déjà Appel s'étaient trompés. Des Essayez donc plutôt de résoudre
qu'ils me dépassent. Je connais, choses de ce genre arrivent un seul des problèmes sur les
dans le domaine auquel vous en science. quels nous butons, et présentez
vous êtes attaqué, les travaux L'œuvre de Liaponov fu t une cette solution séparément.
des classiques : Charles de flèche lancée dans le désert. Il existe un proverbe iranien
La Vallée Poussin Arnaud, Dan- Cette histoire a de quoi faire qui d it: « On reconnaît le lion
geois (?). Je reconnais la force trem bler, Elle montre qu'en à ses griffes ». Je voudrais vous
de leurs travaux, mais ceux-ci, science l’ idolâtrie n'a pas perdu voir porter vos griffes de façon
cependant, sont loin du mystère ses droits et qu'on ne peut pas à faire au moins une égratignure
central. com prendre la science si l'on sur le g ra n it dur et glissant des
Borel a tourné autour du mys ne tie n t pas compte de ce fait. problèmes contemporains.
tère, mais n’a pas prononcé Votre problème consiste à per Excusez-moi de m'être si sou
les paroles décisives. Lebesgue suader le monde scientifique vent répété. Je pense que vous
s'est borné à regarder les te n ta de procéder à un examen de avez raison, mais q u 'il faut que
tives de Borel avec curiosité. vos travaux, qui détruisent selon vous en apportiez la preuve.
Baer a essayé de foncer au vous les contradictions des
cœur du problème, mais il y mathématiques modernes. Vous Sincèrem ent vôtre.
perdit la raison. n'y arriverez pas de force...
G ilbhert et com pagnie ont a ccu Plus vous pousserez, par la N. M. LOUCINE.
mulé une grande masse de force brutale, des savants à
discours, tout en restant sur exam iner vos travaux, moins
place, sans bouger. Je ne crois vous y parviendrez. Les forces UN LIVRE INCROYABLE
pas aux transfinis des quantors de résistance inconscientes
et aux travaux de Zermelo. Mais sont trop importantes. Le livre « La Ceinture de Vie »
je suis incapable de soulever Pour que les savants examinent par I. Zabeline, édité par les
le voile qui recouvre le grand quelque chose de nouveau, il Éditions de la Littérature Géo
mystère, j ’en suis au même fa u t les a ttirer hors de leur graphique à Moscou, en 1960,
point que Borel. Votre essai position, comme une belle à 165.000 exemplaires, se pré
m'intéresse. Vous avez entre matinée de mai pousse un sente à première vue comme
pris un travail de géant. homme à sortir de sa maison. une science-fiction assez clas
Mais vous n’avez nul besoin Ce n'est vraim ent q u ’ainsi que sique. L'action se passe en
de vaines paroles. Vous de l’on peut y arriver et non par 1980, et il s’agit de l’exploration
mandez une action. Que puis-je la contrainte ou par l’ insistance. de la planète Vénus, exploration
pour vous ? Vous devez concevoir une stra qui a déjà commencé depuis
La science soviétique
que le livre est paru. Mais en L E C I N É M A maine, etc... Mais, en ta n t
réalité l'aspect science-fiction q u ’art, il est un phénomène
est tout à fa it secondaire. Il irréductible et unique.
s’a g it d'un ouvrage révolution C'est aussi un phénomène
naire, tellem ent révolutionnaire Les Français culturel im portant. J ’ai sous
même qu'il est étonnant q u ’ il n'ont pas l'œ il épique les yeux une des brillantes
ait pu être publié. Le vrai sujet interviews de Pierre Dumayet,
du livre n’est rien de moins qui illustre bien ce fait. Dumayet
que la liquidation du com m u Chaque art est particulièrem ent
interroge un étudiant;
nisme en Union Soviétique I A armé pour toucher un certain
« Quelles sont les principales
l’époque où se déroule l’action, registre d'émotions. C'est une distractions ? »
la Société sans classes a été évidence, bien que trop d ’a r
— Le cinéma. C'est égalem ent
réalisée. Il faut m aintenant sup tistes se refusent à l'adm ettre.
le principal sujet de conver
prim er l'inégalité entre les Il tom be sous le sens, c'est le
sation. Lorsque nous sommes
membres du Parti com m uniste cas de le dire, que les d escrip
cinq ou six ensemble, il y a
et les sans-Parti, cette inégalité tions littéraires de paysages
toujours un film que tout le
étant la seule qui subsiste sont to u t juste bonnes à fo u rn ir
monde a vu, alors q u 'il est très
encore en U.R.S.S. en ce des dictées, et que les tableaux
rare que cinq étudiants réunis
temps-là. Cette égalisation est historiques n'ont jamais valu
aient lu le même livre. Je parle
finalem ent réalisée, non sans un bon récit. des livres récents bien entendu...
lutte, par la destruction de bar Sous cet angle de vue, le cinéma
Quand on est fatigué, au lieu
rières qui norm alem ent rendent serait le plus privilégié des
de s’enferm er dans sa chambre
d iffic ile l'entrée au Parti com arts. Il se déroule dans le temps
et lire, on aime mieux aller
muniste. Tout le monde pouvant à une cadence prédéterminée,
pour deux cents francs s'asseoir
désormais y entrer, le Parti se comme la musique, q u 'il peut
dans un cinéma pendant deux
dilue, se dissout dans une éga d’ailleurs s'adjoindre; il parle,
heures. Vous comprenez ? Et je
lité totale entre les hommes. comme la littérature; il présente
ne dis pas cela avec tellem ent
A lors commence la période des des images, comme la peinture. de mépris, car tout de même
révolutions extérieures. Des ré Il traite volontiers de l’ histoire
la culture ciném atographique
volutions tendant vers la con et de la danse; rien ne l'e m
n'est pas plus vulgaire que
quête des autres planètes, des pêche, hélas I d ’être éloquent.
celle du roman. »
autres univers et même du Il mobilise les neuf Muses, il est
domaine dit « spirituel ». Un des par excellence l'a rt complet...
Du moins en théorie. Entre le théâtre
personnages d it : « La science
s'est trop longtem ps occupée Dans la pratique, c ’est-à-dire et la télévision
exclusivem ent de la matière, il tel que l'ont conçu et illustré
les artistes qui ont choisi ce Oui, après beaucoup de mots
fautm a in te n a n tq u'e lle s'attaque
moyen d'expression, le cinéma inutiles, le cinéma est enfin
à l'esprit. » Comme on le voit,
occupe un domaine déterminé. de la culture normale. Et la
il s’agit d'idées d ’ une audace
Il n'est pas plus une synthèse télévision est en train de ren
extraordinaire. Il fa u t espérer
de l’ image, du son, de la parole; forcer son caractère spécifique,
que l’auteur n'est pas en prison en lui ôtant le monopole du
de la peinture, de la musique,
au moment où paraît ce compte
de la littérature; que l'a rc h ite c spectacle audio-visuel enre
rendu. Même s’ il l'est, il aura
ture n'est une synthèse de la gistré. Selon le processus habi
eu la satisfaction d'avoir tra
géométrie, de l'in s tin c t grégaire tuel, la télévision aussi devient
vaillé pour la liberté de tous
et de la mécanique rationnelle. un art spécifique, et de jeunes
les hommes. Comme l'a é crit
C'est une structure originale, réalisateurs se donnent du mal
un autre com m uniste : « La
possédant ses lois et ses valeurs pour le définir. Il est plus analy
voix qui monte des fers annonce
propres, lié bien sûr aux autres tique, plus vraim ent réaliste,
les lendemains. »
arts, comme il est en relation plus facilem ent lent et insistant
avec l'économie, l'inconscient que l'a rt cinématographique.
collectif, la physiologie hu Le cinéma, lui, évolue vers sa
informations et critiques
fonction sociale définitive. A ses Nous voyons petit du cinéma (qui fu t française,
débuts, après l'inévitable con q u o iqu ’en pensent les A m é
fusion du « film d 'a rt» , il L’épique est le plus beau fie f ricains et les Russes) n’y a rien
s’opposait au théâtre. Roger de ce te rritoire. Si beau que changé. On cherche en vain
Caillois, dans son précieux petit soit un film , il ne fa it pas dans la ciném athèque im agi
livre Puissances du Roman, a o ublier B o ttice lli; si intelligent, naire les équivalents français
montré q u'il ne fa lla it pas le il n'égale pas Balzac; si drôle, de « Naissance d ’une Nation »,
rapprocher du théâtre, mais du il ne dépasse pas quelques de « Alexandre Newski », ou
roman. Il isole le spectateur glorieuses douzaines de fa n même de « La Couronne de
dans l’ombre anonyme, il n’offre taisies littéraires ou théâtrales. Fer » et de « Les Lanciers du
pas la participation cérémo- Mais ce n'est guère qu'au Bengale ».
nielle du théâtre. Mais, au jo ur ciném a que le public de 1961
se baigne dans l'immense. Si, il y a bien l’adm irable « La
d'hui, la télévision l'a comme
Marseillaise ». Mais ce fu t un
resitué entre elle et le théâtre. Prenons, comme confirm ation, accident, le résultat de circons
Il faut s’habiller, sortir, se mêler Hamlet et Henry V. La tragédie tances exceptionnelles, et cette
à une foule, anonyme bien sûr, est belle à la scène comme à grande chose fu t d'ailleurs
mais que l’on entend, si on l’écran. Mais la pièce histo traînée dans la boue.
ne la voit pas, réagir au rique ne prend toute sa force
spectacle. que dans la somptueuse réali L’incapacité nationale à penser
D’autre part, la technique s’est sation de Sir Laurence Olivier. épique est illustrée par le fa it
perfectionnée. L’ image est A vant le cinéma, l’épique n’avait qu ’ il ne se produit pas, en
immense, plus riche, plus pas atteint toute son ampleur. France, de film s de ce style,
colorée, plus souple que la Cette situation est fâcheuse alors qu ’ils « fo n t de l’argent ».
vision d ’acteurs matériels sur sur un seul point, étroit mais Cette saison, nous manifestons
une scène. Encadré par deux légitim e: celui de la capacité notre inspiration en o ffrant au
formes, l’une ancienne, l’autre nationale à produire de telles pu b lic: Le Cave se rebiffe, Les
nouvelle, du spectacle, le œuvres. Les Français, on le Lions sont lâchés, Le puits
cinéma est établi dans son sait depuis longtemps, n’ont aux trois Vérités, Le Rendez-
territoire. pas la tête épique. L’ invention Vous, Snobs, Le Cœur battant,
Lafayette : Nous voila ! Les lions sont lâchés : Le grand souffle épique ?
Nous voilà chez les pompiers En 1961, en France, — Des gabineries...
l ’aventure niche sous les lits,
comme une souris
Le C iném a 149
L’Année dernière à Marienbad, reproduire à propos de l’épique L A Z O O L O G I E
C hronique d'un Été... ce qui s’est passé pour la
Il ne fa ut pas oublier, certes, nouvelle vague. Des ratages
Le Goût de la Violence, Car com prom ettront cette tentative, U ne série de film s
touche, La Fayette. Mais, en comme le renouvellem ent de la style P la n è te :
d épit de quelque mérite, Le technique et des méthodes de
Goût de la Violence n ’est pas production a été com prom is par «SHERLOCK AU ZOO»
un chef-d'œ uvre; Cartouche, la fatuité, la légèreté, les provo
malgré l'adm irable Belmondo, cations primaires, les in s ig n i Depuis le 22 novembre, le réa
n'apporte pas grand chose fiances prétentieuses des h éri lisme fantastique est entré à la
après tant d'autres histoires de tiers abusifs d ’A ndré Bazin télévision, grâce aux efforts et
cape et d'épée; quand à La et de l’équipe première des à la science de notre ami
Fayette, c'est plus grave. « Cahiers du Cinéma », déjà, Bernard Heuvelmans. La R.T.F.
on ne trouve plus d’argent pour diffuse tous les 15 jours, à
un film original et jeune et 21 h. 30, une émission d ’une
Ce n'est pas l’argent l’ idée de nouvelle vague ferme conception to u t à fa it originale :
qui manque, c ’est l’esprit les guichets des banques et le « spectacle scientifique ». Il
fa it fu ir les distributeurs. De s'agit d'une entreprise auda
Mais, dira-t-on, les film s épiques main, les tentatives avortées, cieuse, puisqu’elle est consa
sont chers, et le cinéma français insuffisantes, dans le domaine crée à l’exposé de problèmes
est pauvre. de l’épique, auront épuisé en zoologiques situés à la frontière
D'abord, « la Vie Privée » prouve mouvante qui sépare les con
quelques mois les chances de
que le financem ent français renouvellem ent, les chances naissances acquises d ’un in
et étranger peut trouver beau connu encore fantastique. La
d ’agrandissem ent du cinéma
coup d'argent. Ensuite, l'a rg u français qui se bornera à la série, intitulée Sherlock au Zoo,
m ent économique, dans la est produite par Jean-Jacques
petite histoire pittoresque ou
situation présente du cinéma, Bloch, Jean-Marie Coldefy et
banalem ent psychologique. Oui
est une farce. Enfin, Bergmann Bernard Heuvelmans.
se bornera, somme toute, à une
a fa it Le Septième Sceau, mise en images et en dia Pourquoi Sherlock au Zoo?
Mizoguchi, L'Intendant Sansho, Parce que la découverte d ’a n i
logues du roman bourgeois du
avec de petits budgets. Ce n'est XIXe siècle, type : « Les Lions maux inconnus ou la recherche
pas l'argent, mais l'inspiration de la nature zoologique de bêtes
sont lâchés ». En un tem ps où
qui fa it l'épique. fabuleuses relève de l’enquête
l’aventure est planétaire, quelle
Il y a au moins un projet de-
pauvreté I
film français épique et bon
marché, à ma connaissance, le
Gabriel VÉRALDI.
type même du grand sujet
d'audience internationale. Je
crains bien qu 'il ne trouve pas
les moyens matériels d'être
produit. Non parce que ces
moyens manquent, mais parce
qu'il est de trop grande con
ception pour les esprits qui
régentent notre cinéma.
De plus, le tem ps travaille
contre lui. Car, il existe bien
un film épique français, à gros
budget et grand sujet : La
Fayette. D'après les extraits que
l’on a pu en voir, c ’est fo rt près Heuvelmans : victoire
du ridicule, il risque de se du réalisme fantastique
In fo rm atio n s et critiques
policière. Et surtout parce que danseur congolais, a conduit, l'em pereur Tibère posait déjà à
l'ém ission est inspirée par après 25 années de vaines ses gram m airiens pour les em
l'œuvre de Bernard Heuvelmans recherches, à la plus grande barrasser, on tente de répondre
qu'on a surnom mé le « Sherlock découverte ornithologique du en rem ontant aux sources m ul
Holmès de la Zoologie ». Ses siècle... dans un musée I tiples d'une légende séduisante
livres Sur la piste des bêtes Le portrait-robot de la licorne : entre toutes.
ignorées et Dans le sillage des Quel animal est à l'o rig in e de Du dernier des dragons au
monstres marins (Librairie Pion) la légende de la licorne? Quels monstre du Lock Ness : L’o ri
qui lui ont valu ce sobriquet, autres animaux, par suite de gine de la légende du Dragon
ont été publiés ou sont sur le méprises et de confusions, ont est très ancienne et contro
point de l’être dans de nom brouillé son s ig n a le m e n tju sq u ’à versée, mais on peut tenter de
breux pays (Allem agne, Es en faire la gracieuse licorne la découvrir, en étudiant sur
pagne, Etats-Unis, France, Italie, médiévale ? place, en Écosse, sa réalité
Japon, Pologne, Royaume-Uni, actuelle : le monstre du Loch
La métamorphose du saurien-
U.R.S.S. et Pologne) et se ré- kangourou : Dans un jardin Ness.
vèlènt ainsi le plus grand succès mystérieux peuplé de sauriens Le vampire est-il coupable ?
de la littérature zoologique La peurou la haine des chauves-
préhistoriques en cim ent, on
depuis l'Origine des espèces souris est-elle ju stifié e ? Com
constate combien les paléonto
de Darwin. ment les histoires de vampires
logues du siècle dernier se re
Pour réaliser la prem ière série d ’ Europe centrale et la croyance
présentaient bizarrem ent l'ig u a
de Sherlock au Zoo, Bernard quasi universelle à des démons
Heuvelmans et son équipe ont nodon, et l'on mesure toute la
fra g ilité de nos reconstitutions ailés buveurs de sang ont-elles
parcouru quelque 20.000 kilo pu précéder la découverte d ’au
mètres, sillonnant l'Europe dans d'anim aux disparus.
thentiques chauves-souris vam
tous les sens, glanant des L'affaire des mammouths con pires en A m érique?
images non seulem ent dans les gelés : Pourquoi diable q uel Les gorilles perdus et retrou
zoos, les musées et les in s ti qu'un songerait-il à faire frig o vés : Jusqu’au milieu du siècle
tutions scientifiques mais dans rifie r un éléphant vivant aux dernier, les gorilles ont été dans
les lieux les plus inattendus Glacières de Paris? Parce que la situation où se trouve a ctuel
(depuis un champ de foire c ’est le seul moyen pour tenter lem ent l'abom inable Homme-
jusqu'aux Folies-Bergère I) et de percer un mystère in e x p li des-Neiges. Après leur décou
interrogeant des savants, des cable à la lum ière des théories verte par un amiral carthaginois,
explorateurs ou de simples géologiques actuellem ent a d il y a 25 siècles, ils ont été la
tém oins de faits extraordinaires. mises : le fa it que les m am source de fables fantastiques
Voici un bref sommaire de la m ouths de S ibérie ont été et terrifiantes, depuis celle
première série d'ém issions (dont congelés au point que leur des Gorgones et des Cyclopes
l'ordre de passage n’a pas viande soit encore comestible ju sq u ’à celle des géants
encore été fixé) : après 10.000 ans de conser velus d 'A friq u e , kidnappeurs de
Le fantôme du poulpe colossal: vation. femmes. Leur redécouverte, il
A partir d ’un ex-voto de cha La peau de l’ours blanc et noir : y a un siècle à peine, n’a pas
pelle bretonne, représentant Non, la curiosité n’est pas un dissipé to u t à fa it le halo
l'agression d’ un trois-m âts par vilain défaut. C'est animé par d'épouvante qui les entoure.
un poulpe gigantesque, toute elle que le Père A rm and David Trois drôles d ’oiseaux : Ce
l’ histoire est retracée de la a fa it successivem ent en Chine sont trois oiseaux d ’ une grande
découverte du calm ar super trois découvertes zoologiques renommée dans la littérature,
géant, que beaucoup de savants sensationnelles : le cerf qui q u ’on ne trouve dans aucun zoo
ont tenu pendant des siècles porte son nom, le singe à nez du monde et qui pourtant ne
pour un animal « im possible ». de Parisienne et l'incroyable sont pas nés entièrem ent de
L'énigme de la plume tigrée : panda géant. l'im agination : l’Oiseau-Roc des
Comment une sim ple plume, Quel chant chantaient les Mille et une Nuits, le Dodo
trouvée sur une coiffure de sirènes? A cette question que d'Alice au Pays des Merveilles
La Zoologie
et le Phénix qui renaît sans L A M É D E C I N E
cesse de ses cendres.
Le p u z z le de l'abom inable
Hom m e-des-Neiges : Des traces B ilan du fa n tastiq u e :
de pas énormes, des récits
terrifiants, des scalps truqués, La vie quotidienne
des dents gigantesques tro u du praticien
vées chez un pharm acien c h i
nois, des mains momifiées, Est-il besoin de recourir à des
telles sont quelques-unes des fictio n s d'un autre monde, d ’un
pièces du puzzle zoologique autre âge ou d'une autre échelle
le plus passionnant de notre pour rencontrer le fantastique
temps, que quelques spécia dans la réalité? La fiction,
listes internationaux s’efforcent q u ’elle soit scientifique ou roma
péniblem ent de rassembler. nesque, n ’est-elle pas un moyen
L’école des bêtes : Tant au commode, de ne pas regarder
point de vue technique que p h i une réalité gênante parce que Jacques Ménétrier :
losophique, nous avons beau prosaïque? Le merveilleux est de l'hom m e cet inconnu
coup à apprendre en observant quotidien à notre échelle. Il à l'hom m e cet infini...
et en étudiant les animaux. s u ffit de le voir. De toutesfaçons,
il offre au médecin une ap physique, encore que celle-ci
proche de la vie plus féconde propose plus qu’elle ne réalise.
que n’im porte quelle invention Il est possible aussi d ’y aborder
laborieuse. par la physique et l’expérience,
l’em pirism e et l’observation. Le
Fictions et constatations fantastique est peut-être alors
moins séduisant mais il est plus
N'est-il pas merveilleux, en tangible. A côté des fictio n s
effet, de reconnaître l'absolue à la mode, je proposerai quel
dépendance du physique et du ques constatations vécues par
mental dans to u t individu réel ? le praticien et le chercheur.
N'est-il pas merveilleux de cons
tater l’étroite comm union réelle N euro-physiologie
de l'être et du cosmos ? N’est-il et para-psychologie
pas merveilleux d ’observer l’ab Les liens intim es du physique
solue dépendance de la chair et du mental, du physiologique
et de l’esprit dans toutes les et du psychologique peuvent se
fonctions qui caractérisent dém ontrer expérim entalem ent
l’ hom m e? Cet ém erveillem ent par une comm une mesure élec
n’est pas actuel car il marque tronique, ou plutôt énergétique,
toute œuvre vivante, q u ’elle soit des diverses fonctions d’é
s cientifique ou philosophique. change, d ’adaptation et de ré g u
Mais il domine la Science dans lation organiques. Et cette com
la mesure où celle-ci progresse mune mesure se d é crit aussi
vers les sources mêmes de la bien sur le plan de la clinique
Vie et q u ’elle découvre des liens q u ’elle se prouve sur les plans de
de plus en plus avérés entre la la thérapeutique et de la mesure
nature tout entière et le cas physique. Nos fatigues corpo
p a rticu lie r de l’ Etre humain, relles, nos défaillances in te lle c
il est possible d ’atteindre à tuelles, nos dérèglements psy
cette révélation par la méta- chologiques, nos malaises, nos
La Médecine
du « placebo », c'est-à-dire du fiance, l’envoûtem ent ou la LA P S Y C H O L O G IE
leurre thérapeutique du faux croyance réalisent par hasard.
médicament. Les observateurs Il n’est pas besoin pour cela
les plus dénués d'im agination de machines extraordinaires, Police et parapsychologie
ou de perspicacité adm ettent d'interventions extra-terrestres,
cinquante pour cent d ’actions de forces inconnues, de génies LA BRIGADE
com parables entre la drogue monstrueux mais de beaucoup DES CLAIRVOYANTS
véritable et son simulacre. de patience, de beaucoup de
La vieille dame qui entra dans
Mieux encore, ils reconnaissent connaissances, de pas mal de
le bureau du détective-super
dix-h uit à vin gt pour cent de lu cid ité et d ’ un peu d ’ im agi
nation, intendant Greenwall deScotland
réactivations ou d'intolérances Yard ressem blait à toutes les
pour un produit parfaitem ent vieilles dames anglaises. Elle
inerte. Nous savons aussi que Docteur
n'avait rien de la voyante tra d i
la manière de prescrire, de Jacques MÉNÉTRIER.
tionnelle, elle n ’apportait pas
présenter, de faire adm ettre une de boule de cristal avec elle.
médication quelconque tra n s Cette dame s'appelle lady Iris
form e com plètem ent ses effets. Beaton. Elle a actuellem ent
Je rappellerai enfin qu'un peu 65 ans. Depuis l'âge de 15 ans
d'eau distillée « spécialem ent » elle s’est aperçue qu'en to u
présentée peut faire varier des chant un objet elle voyait
constantes sanguines. apparaître des images et que
Plus merveilleux encore sont ces images correspondaient au
les pouvoirs de la suggestion dernier propriétaire de l'objet.
physique ou m ystique sur des Elle ne chercha jamais à exercer
maladies véritables, des s tig la profession de voyante. Mais
mates hystériques, des lésions son mari, qui connaît le haut-
neurologiques ou viscérales. comm issaire de Scotland Yard,
Les guérisons miraculeuses, lui a à plusieurs reprises
les méthodes de la Christian demandé d ’aider la police
Science, les résultats des gué lorsque celle-ci était tenue en
risseurs, les effets inattendus échec. Ce matin d'avril 1961
de médicaments banaux, les lady Beaton était venue à la
pouvoirs de certains mystiques demande du super-intendant
ne sont plus ignorés que par Greenwall pour exercer une fois
la Science officielle. Mais il de plus ses facultés. Elle ne
peut paraître encore plus demanda pas de marc de café
« fantastique » d ’obtenir ces ré mais très sim plem ent une tasse
sultats surprenants et absurdes de thé. Tout en buvant et en
par l’application des lois de bavardant d'affaires de fam ille
l'atom istique, de l'énergétique avec le super-intendant Green
et de l'électronique, par l'u tili wall la vieille dame serrait dans
sation m éthodique et mesurée sa main une torche électrique
d'élém ents physiquem ent doués qui avait été trouvée aban
pour l'échange et la régulation. donnée sur les lieux d ’ un
Il semble bien que, dans un cam briolage. Elle d it soudain:
avenir lointain ou proche, la « Super-intendant, vous devriez
médecine pénétrera dans les vérifier si on n’a pas trouvé
mystères de la vie par la voie dans la pièce où le cam briolage
scientifique et qu ’elle obtiendra a eu lieu un m iroir retourné
m éthodiquem ent ce que la contre le mur. Je viens d ’avoir
chance, l'em pirism e, la con la vision d'un homme le visage
Informations et critiques
masqué par de grosses lunettes anglaise existe ces pouvoirs Scotland Yard a avoué l'e xis
de motocycliste, retournant un n’ont pas cessé de se m ani tence d e cesm éthodesdusuper-
m iroir contre le mur. » fester. Dès le XIXe siècle, le intendant Francis Carlin. Il y a
Il su ffit d'un coup de téléphone phénomène attira l’attention des trente ans, alors que l'on ne
du super-intendant Greenwall chefs de police. Car à cette parlait pas encore de parapsy
pour vérifier le fait. A près avoir époque le Yard possédait un chologie, ce détective utilisa
remercié lady Beaton et l’avoir détective clairvoyant, l'inspec- d ’une façon m éthodique les
reconduite, le super-intendant teur-détective John Sweeney. facultés divinatoires. Un de ces
ordonna im m édiatem ent des Sweeney est devenu une lé triom phes est l’affaire Dyer,
recherches au fic h ie r M.O. gende, mais un certain nombre vers 1930. Dyer était un escroc
M.O. veut dire modus operandi, de ses aventures ont été vé ri qui se suicida au moment d'être
façon d'opérer, en latin. Le fiées à l’époque et ne peuvent arrêté. Il avait eu un com plice
fic h ie r M.O. contient des rensei être niées. La plus extraor qui portait le nom sinistre de
gnements à la fois sur la façon dinaire arriva le 30 mai 1884 Eric Tombe. Ce Tombe avait
de « travailler » et les petites à 9 h. 20 exactem ent du matin. mystérieusement disparu après
manies de tous les crim inels Depuis une heure Sweeney avoir émis un nombre considé
connus. Les cam brioleurs en se sentait poussé par une force rable de chèques sans pro
particulier ont des manies qui mystérieuse. Cette force, a-t-il vision et de fausses traites.
se répètent à chaque opération. raconté depuis — et ce récit Scotland Yard le recherchait
Certains crachent par terre, est confirm é par deux autres en vain. La mè/e de Tombe
d'autres font des dessins inspecteurs q u 'il rencontra dans alla voir Carlin pour lui d ir e :
obscènes sur les murs avant la ru e —, le fo rça it à q u itte r son « Eric est mort depuis deux ans.
de partir, et quelques-uns re bureau, à s'en aller, à par Vous le trouverez au fond d'un
tournent les m iroirs, Ce détail co u rir les rues de Londres à la puits dans une ferme aban
avait échappé à l’ inspecteur recherche d ’ il ne savait quoi. donnée. J ’en rêve toutes les
chargé de l’enquête. Mais la Sweeney n'avait aucune raison nuits. »
clairvoyance de lady Beaton de q u itte r son bureau. Mais Ce rêve paraissait opposé à
l’avait révélé. Le fic h ie r M.O. la force mystérieuse triom pha tous les faits connus car la
fit apparaître après examen à et il sortit. Il était 9 h. du dernière escroquerie de Tombe
la machine électronique, quatre matin. V ingt minutes plus tard ne datait que de trois mois.
cartes perforées concernant des Scotland Yard sautait I des Mais Carlin s'obstina, décou
cam brioleurs retournant to u terroristes irlandais avaient v rit une ferme abandonnée que
jours un m iroir contre le mur. placé une form idable bombe à Dyer avait achetée il y avait
L'un d'eux était en prison au retardem ent dans le couloir, deux ans. Dans un puit désaf
moment du cam briolage sur à quelques mètres du bureau fecté dans la cour de cette
lequel enquêtait en ce moment de Sweeney. Si celui-ci n'avait ferme le super-intendant Carlin
le super-intendant Greenwall. pas quitté son bureau il aurait découvrit le cadavre de Tombe.
Les trois autres étaient en été littéralem ent pulvérisé. L’enquête montra que Dyer
liberté et une enquête montra A près quelques exploits de après avoir assassiné Tombe
que l'un d'eux, Jim Preston, Sweeney, qui, en plus de ses s'était déguisé en Tombe et
était le coupable. Une fois de pressentim ents, découvrait les avait pendant un an et demi
plus les mystérieuses facultés crim inels en rêve ou en transes, exploité les relations d ’affaires
de clairvoyance avaient aidé la l'on chercha à Scotland Yard de Tombe pour passer des
police anglaise. à systém atiser les recherches chèques sans provision. Sans
a ppliquant la parapsychologie le rêve de la mère de Tombe
à l'a rt du détective. jamais on n'aurait su la vérité.
Une vieille habitude
Le super intendant L'affaire Irène Monroe
On ne s'étonne plus depuis
Francis Carlin Carlin raconte une affaire en
longtem ps à Scotland Yard des
et la mystérieuse affaire Dyer core plus extraordinaire. Le
pouvoirs inconnus de l'e sp rit
humain. Depuis que la police Le prem ier grand policier de 20 août 1920, on retrouvait sur
La Psychologie
la plage d ’ Eastbourne le ca lequel on pose la couronne q u ’ un cam brioleur est en train
davre d’une secrétaire londo avant de la placer pour la pre d ’enfoncer la porte de son
nienne Irène Monroe. La police mière fois sur la tête du nouveau snack-bar situé dans Crumley
ne trouva aucune trace. La souverain. La police ne trouvait Street ; Robinson se lève pré
jeune femme avait été assas aucune trace d'un objet pesant cipitam m ent, sort dans la rue
sinée et dévalisée. Un journal deux tonnes et demie et aussi où il rencontre deux agents en
londonien donna des objets fa m ilie r aux Anglais que l’obé patrouille appelés E.A. Samples
ayant appartenu à Irène Monroe lisque de la place de la Con et D.L. Prince à qui il raconte
à une dame ayant des facultés corde aux Français. C'est alors son rêve. A rriva n t devant le
de clairvoyance. Cette femme q u ’on s'adressa au fam eux c la ir snack-bar, les trois hommes
eut une vision: elle voyait le voyant d ’origine hollandaise, voient que la porte a été en
cadavre d'Irène Monroe, et Peter Hurkos, dit l’homme- foncée. Ils se précipitent et
deux hommes qui s'en allaient, radar. Peter Hurkos déclara m anquent d ’attraper les cam
q uittaient la plage et arrivaient dès l’abord q u ’on trouverait brioleurs qui avaient pris la
à un petit hôtel avec sur la dans un placard à balais de précaution de déverrouiller la
porte le nom « A lberm arle ». On l’abbaye un levier qui avait porte de service pour pouvoir
découvrit un hôtel de ce nom servi à soulever la Pierre du s'échapper. Le récit de Robin
à Eastbourne. Deux hommes y Couronnement. Le levier fu t son et des deux agents de police
avait pris des chambres, avaient retrouvé, et l'analyse chim ique est enregistré au com m issariat
beaucoup bu et montré des décela des traces de calcaire. une demi-heure à peine après
portefeuilles bien garnis le len Après quoi, Peter Hurkos donna le constat. L'histoire n'a pas eu
demain du crime. On retrouva à la Presse la description le tem ps d ’être em bellie et les
les deux hommes qui s’a p exacte des voleurs, Ceux-ci tém oins n'ont pas eu le temps
pelaient Jack Field et Bill Grey. prirent peur et allèrent remettre de « b ro d e r» comme il arrive
On trouva sur eux le livret la pierre au gardien de l’Abbaye trop souvent dans les histoires
de Caisse d'Épargne d'Irène d'Arbroath en Écosse. Celui-ci de ce genre.
Monroe. Ils avouèrent et ils aussitôt alerta la police. Et la Voici un autre cas am éricain,
furent pendus. Sans la c la ir Pierre du Couronnement re plus dram atique puisqu'il y a
voyante, jam ais on aurait relevé gagna W estm inster. Depuis meurtre. Le 10 janvier 1942, dans
la piste. Un an plus tard la cette date, Scotland Yard a la ville de Wadley aux États-Unis,
même clairvoyante découvrait ouvert des dossiers où l’on deux chasseurs revenant la
le coupable dans un meurtre réunit tous les cas de c la ir nuit trouvent sur les marches de
assez semblable com m is à voyance non seulem ent en l'église baptiste le cadavre d ’un
Bournemouth, L'assassin qui A ngleterre mais aux États-Unis propriétaire de poste à essence.
avait tué une fleuriste en va et en général dans les pays de Cet homme, âgé de 42 ans,
cances était un chauffeur de langue anglaise. appelé W.C. Smith, a été tué
taxi appelé Thomas Allaway. Deux cas frappants d’un coup de fusil et dévalisé.
Il fu t jugé, condamné et pendu. Pendant quinze jours la police
Depuis, Scotland Yard a pris Deux de ces cas m éritent d ’être ne relève aucune piste. Au h u i
l’habitude de s'adresser régu rapportés parce q u ’ils ont été tième jour la fille de la victime,
lièrem ent à des clairvoyants. vérifiés avec soin et que les Mary Smith, âgée de 8 ans,
C'est ce qui a permis en p a rti clairvoyants professionnels n’y insiste pour voir le chef de la
culier à la police anglaise d ’évi interviennent pas. Ces cas dé police. Elle lui dit: « J'ai rêvé
ter en 1950 un échec dram atique m ontrent, que la faculté de que mon père a été tué par
qui l'aurait rendue ridicule pour clairvoyance est absolum ent trois hommes dont voici ia
longtemps. Cette année-là des générale et très largem ent ré description. » La description est
nationalistes écossais volèrent pandue. En 1959, au mois de tellem ent précise qu'on arrête
en pleine abbaye de W est juin, le propriétaire d ’un^self- les trois hommes. Deux blousons
minster la fameuse Pierre du service à A tlanta aux États- noirs de 19 ans appelés Alvin
Couronnement. C'est un énorme Unis, nommé A lb e rt Robinson, McKenzie et Morris Mincey et
bloc de marbre naturel sur se réveille en sursaut. Il rêve un adulte de 34 ans appelé
Informations et critiques
Clifford Salters. Les trois cou m eurtres m ultiples dans la M aigret est exagérée, portée à
pables avouent et sont condam fam ille Jackson en V irginie aux la Nième puissance, to u t comme
nés à la prison à vie. Tous les États-Unis au printem ps 1960. peuvent l'être chez d'autres
détails de cette affaire ont été Mais les détectives ne sont pas êtres phénoménaux la faculté
vérifiés et on peut affirm er que in fa illib le s non plus et bien de calcul et la mémoire.
les noms sont vrais et que les souvent une affaire a été résolue
faits sont exacts. seulem ent lorsqu'on a changé
Des centaines de cas de ce de policier. Car tous les policiers
genre sont m aintenant dans les reconnaissent q u ’ il y a des
archives du Yard et celui-ci affaires q u 'ils « sentent » plus
n’ hésite pas à employer des ou moins bien,
clairvoyants dès que l’occasion Et nous voici arrivés à la ques
se présente. tion peut-être la plus im portante
dans toutes ces affaires : quelle
La clairvoyance et la loi est l’explication du phénomène ?
La Psychologie
LA L IT T É R A T U R E tingué, ainsi que l'adaptation du céleste empire, sous la
C H I N O I S E d'autres aventures du juge Dee form e cette fois d ’un cuisinier
q u 'il vient de faire paraître de paquebot. Mais il n'avait
sous le titre de The Chinese plus rien d'exotique, ni de
Bell Murders, ne laisse aucun mystérieux I Fait tro u b la n t : les
Une révélation : doute à ce sujet. Le roman auteurs constatèrent à leur
policier, au sens moderne, corps défendant la solidité des
LE ROMAN POLICIER est un produit de la Chine liens qui unissent le roman
MODERNE ancienne I policier à la Chine. Pourtant
INVENTÉ EN CHINE ils ignoraient tout du juge Dee I
AU XVIIIe SIÈCLE Mais au fa it qui est ce person
Le mythe nage appelé, n'en doutons pas,
Grand branlebas chez les à prendre place en tête de la
spécialistes du roman policier ! du «chinois mystérieux»
galerie des grands détectives,
Edgar A llan Poe ne peut plus à côté des Dupin, Holmes et
être considéré comme le père Robert Van Gulik avance l'hypo Lecoq ? Au contraire de ses
du genre. Les connaisseurs thèse que le genre fu t importé héritiers romanesques, il a réel
tenaient ju sq u 'ici Le Double en Occident, avec d'autres lement existé et s'est illustré,
assassinat de la rue Morgue « chinoiseries », aux débuts du après une longue carrière de
pour le prem ier récit mettant XIXe siècle. Sans vouloir con juge, comme m inistre à la
en scène un détective au sens firm e r ou infirm er cette thèse, cour des empereurs Tang, au
moderne du terme. Certes on je ne puis m ’em pêcher d'évo VIIe siècle de notre ère.
trouvait chez des personnages quer un fa it curieux qui pro Les ouvrages tra d u its ou
historiques de l'an tiq u ité la voquait à la veille.de la guerre, adaptés par Van Gulik, en plus
mise en oeuvre de raison chez les amateurs, ce cri una du suspense, présentent un
nements ou de démarches nime : « De grâce, plus de intérêt historique non moins
scientifiques visant à confondre chinois mystérieux I ». De nom passionnant que celui que pro
des malfaiteurs. On c ita it à breux auteurs, en effet, se digue la détection. Le tra
cet égard l'histoire d 'A rch i- plaisaient à introduire un d ucteur nous apprend que de
mède et de la couronne d ’or élément « chinois » dans leurs nombreux m anuscrits relatant
du roi Hérion. On relevait aussi récits, pour corser le mystère les exploits d'autres juges
çà et là dans les Mille et une ou ajouter une atmosphère exo existent. Tous ces romans dé
Nuits d'épisodiques filatures tique. Oui a oublié les méfaits crivent avec m inutie et couleur
rappelant vaguement les mé du fameux D r Fu-Manchu les mœurs de l'époque. Ils nous
thodes des lim iers modernes. inventé par Sax Rohmer ou le donnent égalem ent une idée
Mais on ne pouvait nommer délicieux langage du super de l'organisation et de l’exer
avant Poe un seul ré cit qui détective Charlie Chan imaginé cice de la justice dans la Chine
rappelât vraim ent le « détec- par Earl D. Biggers. Exaspérés ancienne.
tive-novel ». Pourtant, au début par ces « chinoiseries », Do-
du XVIIIe siècle, un auteur rothy L. Sayers qui est morte
chinois anonyme p u bliait un il y a trois ans, et les membres
Dee, m agistrat et détective.
curieux ouvrage intitué Dee du « Détection Club » de
Goong an ou Trois affaires Londres décidèrent en 1938 de
criminelles éclaircies par le les bannir. Ils écrivirent en Dee était à l'époque de ces
juge Dee, relatant de véritables commun L'AM IRAL FLOTTANT, deux romans m agistrat de
enquêtes qui, à peu de choses chacun se chargeant d ’ un cha d istrict. A ce titre il avait la
près, se m ontrent dignes d'un pitre en ignorant la solution charge entière de l’adm inis
Sherlock Holmes ou d ’un H er imaginée par son collègue. tration dans sa région: il collec
cule Poirot I La traduction en S 'ils évitèrent le « chinois mys ta it les impôts, enregistrait les
anglais de cet ouvrage par térieux », ils ne purent cepen naissances et décès, les ma
R.H. van Gulik, diplom ate dant s’empêcher d'in tro d u ire riages et divorces, s'occupait
hollandais et sinologue dis dans leur roman un citoyen du cadastre, assurait la paix
Informations et critiques
des citoyens... etc. En ta n t que nois) mis de côté, les enquêtes historique donné de la carrière
Président du tribunal local il du juge Dee sont les proches du juge Dee. Les trois histoires
exerçait à la fois les fonctions parentes de celle de n'im porte Viol dans la rue de Demi-Lune,
d 'o fficie r de police, de juge quel détective des romans p oli Le secret du temple boudhiste
d ’ instruction, d’avocat public ciers occidentaux. L'affaire de et Le squelette sous la cloche,
et de président du tribunal. Le la mariée empoisonnée dans n’en contiennent pas moins,
magistrat de d istrict constituait Dee Goong An fera les délices en plus de l'a ttra it « p olicier»,
l’assise de la pyramide gouver de tout amateur. Chaque cas d'innom brables éléments histo
nementale chinoise de l'époque. se déroule dans un milieu riques et sociaux sur la Chine
Au-dessus de lui, se trouvait différent de sorte qu'en ferm ant ancienne.
le Préfet qui supervisait une le livre on a une image vivace La méthode de Dee, je l'ai déjà
vingtaine de districts, puis et haute en couleur de toute dit, ne diffère pas de celle des
le gouverneur provincial, les une ville. Nous suivons les héros de Conan-Doyle, Gaston
ministres de la cour et enfin lieutenants du juge Dee dans Leroux, A gatha Christie. Il passe
l’ Empereur lui-même. Tout c i les caravansérails, restaurants, en revue tous les faits, procède
toyen, riche ou pauvre, pouvait rues, boutiques, maisons, à la à l'examen a tte n tif du théâtre
devenir juge en passant un quête d 'indices ou de rensei du crim e souvent à la reconsti
examen d it de « littérature ». gnements. L'examen des corps, tution du meurtre, é tablit une
Tous les trois ans les juges le relevé des traces de pas, liste de suspects, fa it des é lim i
étaient transférés d'un district l'étude du m ilieu de la victime, nations jusqu'à ce que le
à l’autre. le sondage psychologique des coupable lui apparaisse. Pour
suspects rappellent les m eil l'accom plissem ent des en
Caractères leurs romans policiers d ’aujour quêtes routinières il dépêche
du roman policier chinois d'hui. Tout y est jusqu'à même ses lieutenants en divers lieux.
Le plus souvent les auteurs la form ule consacrée : « le Il y a en Chine d'innom brables
chinois donnent dès le début crim e ne paie pas». L’auteur récits de ce genre décrivant
le nom et le m otif du crim inel chinois anonyme é crit en effet: les aventures des juges du
de sorte que l’ intérêt est centré « A la fin, en règle générale, Vllesiècleau XVIIIesiècle. Le plus
sur la partie d'échecs qui se aucun crim inel n’échappe aux souvent leurs auteurs sem blent
joue entre le détective et l'assas lois de la Terre. » Les trois être eux-mêmes d'anciens juges
sin. Contrairem ent à cette te n aventures de Dee Goong An : préférant garder l'anonym at et
dance, les livres traduits ou Double meurtre à l'aube, puisant dans des récits fo lklo
adaptés par Van Gulik corres L’étrange corps et La mariée riques anciens. Les juges du
pondent au « roman problème » empoisonnée se déroulent dans VIIe siècle sont sans aucun
classique où l’assassin reste la ville de Chang-Ping, prem ier doute les prem iers détectives
poste de Dee. du monde au sens moderne
inconnu jusqu'à la fin. De plus
ils ne contiennent que de très du terme. Ancêtres des Holmes,
Dans Chinese Bell Murders
rares éléments surnaturels, Rouletabille, Poirot, Maigret...
nous retrouvons Dee à l'âge
mettent en œuvre toutes les etc., ils nous captivent autant
de quarante ans dans la cité
recettes habituelles du sus que leurs célèbres héritiers.
de Poo-Yang. C ontrairem ent au
pense et nous offrent enfin un précédent ré cit il ne s’agit pas
savant mélange de tragédie Fereydoun HOVEYDA.
ici d ’ une traduction littérale,
et de comédie. mais d'une adaptation de trois
Une autre o riginalité consiste histoires extraites par Van Gulik
dans le fa it que le juge Dee de recueils différents. L'auteur
mène, dans chacun, trois en en a expurgé certains éléments
quêtes simultanées. et résumé quelques passages.
Les éléments surnaturels et Il a égalem ent procédé à une
les scènes de torture (car la complète élaboration en vue
« question était largem ent pra de pouvoir les situer dans une
tiquée dans les tribunaux c h i même ville et à un moment
La Littérature chinoise
a notamment publié dans son numéro 1.
L’ H istoire in visib le
Extraits d ’un rapport sur l'arme absolue: Le cin ém a / Le ciel et la boue / Le film-essai, vraie nouvelle
les formes nouvelles vague
de la guerre psychologique par XXX
lmp. L. P.-F. L. Danel - Loos-lez-Lille - Nord. les gérants : Louis Pauwels/François Richaudeau.
P arait to u s les 2 m ois
C o n v e rs a tio n a v e c T e ilh a rd de C h a rd in en C h in e IL 1 4 - w •W Ê
C o n fid e n c e s d ’ E ic h m a n s u r le n a z is m e m a g iq u e
L é g e n d e s e t ré a lité s des a n im a u x fa b u le u x
U ne re d é c o u v e rte de R u d y a rd K ip lin g
LE PROCHAIN
D o c u m e n ts s u r le s d e rv ic h e s to u rn e u rs
L u e u rs s u r les s o c ié té s se c rè te s ■ H . -t-
E n tre tie n a v e c le p lu s g ra n d des c a lc u la te u rs p ro d ig e s K ü t e
e t des a rtic le s d ’ A im é M ic h e l / G érald M e ssadié
R o b e rt J u n g k / R ené A lle a u / A ld o u s H u x le y
M
DANS
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