Département de Chimie
CHAPITRE II
LA CHAINE POLYMERE
1. dimensionnalité et fonctionnalité
Une structure macromoléculaire est formée d’un grand nombre d’enchaînements d’unités
constitutives. Pour la décrire, il est utile d’introduire quelques notions propres à la science des
polymères.
• Dimensionnalité
¾ La chaîne principale peut ne pas être purement organique (chaîne minérale) comme les
méthylsilicones ou polydiméthylsiloxanes (PDMS)(figure 2).
¾ Les chaînes peuvent présenter des ramifications sans cesser d’appartenir aux polymères
linéaires. C'est le cas du polyéthylène haute pression ou basse densité (PEbd) (figure 4).
¾ Le cas limite des polymères ramifiés est celui des polymères en étoile (dendrimères et
structures hyperbranchées) dans lesquels plusieurs chaînes rayonnent autour d'un noyau
central. Un exemple de ces structures est représenté dans la figure 5.
Ils sont solubles dans les solvants adéquats. Ils ne peuvent être considérés comme des
polymères réticulés : il n’y a qu’un chemin pour aller d’un bout à un autre.
- Dans deux directions de l’espace : Il n’y a pas à proprement parler de polymères organisés
dans deux directions de l’espace. Le cas du graphite (figure 6) est une exception.
- Dans trois directions de l’espace : Les monomères comportant plus de deux fonctions
réactives conduisent à des macromolécules qui se développent dans les trois directions de
l'espace pour former des réseaux tridimensionnels (network) (figure 7). Les polymères
obtenus sont réticulés, insolubles, mais qui peuvent à faible taux de réticulation gonfler dans
les solvants.
Il est possible de passer des macromolécules linéaires à des macromolécules
tridimensionnelles par des réactions de pontage (ou de réticulation) qui consistent à relier
latéralement les chaînes macromoléculaires linéaires par des liaisons covalentes.
La vulcanisation du caoutchouc (le poly 1,4-isoprène cis) par le soufre en est un exemple
(figure 8).
CH2OH HO CH2OH
CH2 CH O O
O O
HO HO HO
n
Cl O O O
HO CH2OH HO
OR
RO OR
H 3C O O
RO RO
OR OR
O O
NH NH
OR OR
O O
O O
OR OR
NH HN
H 3C CH3 HN NH
OR
Figure 4 : PEbd OR
OR OR
OR OR RO
RO RO
RO
CH3
Figure 5 : exemple de dendrimère
CH2 C CH CH2
CH2 C CH CH2
CH3
+2S
CH3
CH2 C CH CH2
S S
CH2 C CH CH2
CH3
OH
HO OH
HO OH
O O
• • + • •
CHAPITRE-II 2
Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis
Département de Chimie
• Fonctionnalité
f =2, c’est le cas des liaisons doubles, des cycles tendus susceptibles de s’ouvrir et des
molécules difonctionnelles,
C C C C
O
CH2 CH2 O
HOOC R COOH , H2N R' NH2 , HO R" OH , OCN R"' NCO ...
HO
HO OH
H2N NH2
f =4, pour des structures portant par exemple deux doubles liaisons telles que
le divinylbenzène,
H2C
CH2
• Fonctionnalité moyenne f
Pour un mélange de monomères ayant des fonctionnalités fi , c’est le nombre total de
fonctionnalités par le nombre total de moles.
f = ∑n f i i
∑n i
Schématiquement:
+ Extension linéaire
+ Arrêt de l'extension
+ Extension tridimensionnelle
+ Extension tridimensionnelle
Les molécules monofonctionnelles sont utilisées pour arrêter ou limiter la croissance des
chaînes alors que les trifonctionnelles permettent d’introduire un certain taux de réticulation.
− tête à queue
q t
− tête à tête H2C CH
t : tête
q : queue
R
− queue à queue
L'enchaînement tête à queue est généralement prépondérant pour des raisons de résonance et
d'effet stérique.
- résonance
Dans les polymérisations en chaîne ionique ou radicalaire, le centre réactionnel est sur le
carbone substitué en raison des possibilité de stabilisation par résonance et de délocalisation
électronique liées au substituant.
- stérique
Dans les enchaînements tête à queue, les substituants sont séparés par un groupe méthylène:
on évite ainsi les problèmes d'encombrement stérique.
CHAPITRE-II 4
Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis
Département de Chimie
CH3
1 2
Polymérisation 1,2 CH2 C
n
HC CH2
1 2 3 4
H2C C CH CH2
CH3 3 4
CH CH2
Polymérisation 3,4
n
H3C C
CH2
il peut également donner lieu à une polymérisation 1,4:
1 2 3 4 polymérisation 1,4
H2C C CH CH2 CH2 C CH CH2
CH3 CH3 n
C C C C
Tacticité
Dans les polymères vinyliques (PS, PP, PVC…), la présence de carbone sp3 tétra substitué
avec 4 substituants différents induit une activité optique due à ce carbone asymétrique.
Les isomères peuvent être:
- isotactiques : si la configuration relative des centres chiraux est la même le long de la
chaîne. Tous les substituants A seront alors du même côté du plan défini par les atomes de la
chaîne principale.
- syndiotactiques : si la configuration relative alterne le long de la chaîne. Les substituants A
seront alternativement d'un côté et de l'autre de ce même plan.
- atactiques : s'il s'agit d'enchaînement aléatoire sans aucun ordre. (Figure 8)
CHAPITRE-II 6
Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis
Département de Chimie
Ce qui intéressant de noter c’est que tous ces stéréoisomères diffèrent par leur configuration.
Rappelons qu’on ne peut passer d’une configuration à une autre sans briser des liaisons
covalentes de la chaîne principale.
La stéréorégularité joue un rôle important dans la formation de polymères dits cristallins. Un
polymère isotactique présente un taux de cristallinité plus important qu’un syndiotactique.
En raison des libres rotations autour des liaisons σ formant la chaîne principale, un polymère
peut prendre de nombreuses conformations (dans les limites du respect des angles de
valence).
Ci+1
α
α = 109°28'
β
Ci Ci+1 β = 70°32'
Un polymère à l’état fondu ou en solution sera sous forme de pelote statistique (figure 9).
Lors du passage à l’état solide, les chaînes adoptent des formes
plus régulières, de manière à minimiser leur énergie potentielle
(encombrement stérique et interactions électromagnétiques).
Un haut niveau de régularité conduit à la cristallisation.
Le passage d’une conformation à une autre ne nécessite pas la
rupture de liaisons chimiques. Seules les interactions
physiques sont concernées.
Figure 9 : pelote statistique
On définit alors la chaîne par la suite des angles azimutaux que font les liaisons C-C les unes
par rapport aux autres.
Nous présentons dans la figure 10 les conformations des chaînes ainsi que leur noms et
symbols en chimie macromoléculaire.
G+ T G-
Les structures cristallines vont correspondre aux enchaînements suivants : TT, TG+TG- et
T3G+T3G-.
Les états énergétiques correspondants à ces conformations étant très proches, une légère
augmentation de température peut faire passer d’une conformation à une autre.
Il est difficile de caractériser les macromolécules par des données simples comme nous
pouvons le faire avec un produit organique.
Un produit organique peut être défini par une température de fusion, une température
d’ébullition, un diagramme de rayons X à l’état solide, un indice de réfraction, une masse fixe
que l’on peut déterminer par cryométrie. . .
On dira d’un corps qu’il fait partie du domaine des macromolécules lorsque les propriétés
physiques ne varient plus avec le degré de polymérisation.
L’exemple classique est fourni par les hydrocarbures aliphatiques normaux, les
polyméthylènes de formule générale : CH3-(CH2)n-H.
CHAPITRE-II 8
Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis
Département de Chimie
Une des définitions les plus importantes est celle de la masse molaire. Dans un échantillon de
polymère linéaire le nombre de chaînes macromoléculaires est très grand et leur taille
(nombre de motifs) est variable. La détermination des masses molaires se fait alors à l’aide de
moyennes à partir de données statistiques.
N
• la fraction molaire (ou en nombre) de ces chaînes sera : x= ∑
i
i
N i
W NM
• et la fraction massique de ces chaînes : w=∑ i = ∑
i
i i
Wi NM i i
M n
= ∑ xi M i = ∑ x .i M i 0
= M 0 ∑i x
i
∑ i x est le nombre moyen de motifs par chaîne, c’est le degré de polymérisation moyen en
i
M 1∑N M ∑ N .i M
1 0 ∑ i. N
= = = = =
n i i i i
X DP
n n
M 0 M ∑N 0 i M ∑N 0 i ∑N i
c’est le rapport du nombre total de motifs monomères présents dans le système au nombre
total de macromolécules.
∑N M ∑i N
M = = DP . M X = DP =
i i i
et
∑N ∑N
n n 0 n n
i i
Le calcul de la masse molaire moyenne en nombre donne autant d’importance à une chaîne
courte (faible masse) qu’à une longue chaîne. Quand il s’agit de comportement ou propriétés
mettant en jeu la quantité de matière (masse), ce calcul s’avère inadéquat. Une pondération
par la fraction massique wi donne alors une autre moyenne M w > M n
∑N M
2
M = ∑w M =
i i
∑N M
w i i
i i
M = 1 ∑ N M = 1 ∑ N . i M = ∑i N
2 2 2 2
X = DP =
w i i i 0 i
M ∑N M M ∑N i M ∑i N
w w
M 0 0 i i 0 i 0 i
∑N M
2
∑i N 2
M = = DP . M X = DP =
i i i
et
∑N M ∑i N
w w 0 w w
i i i
CHAPITRE-II 10
Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis
Département de Chimie
Wi = N M
w=
i i
Par définition, on a
∑W i ∑ N M
i
i i
N M ×∑N = N M × ∑N = N 1 = M = i
w=
i i i i i i i i
M x x
∑N M ∑N ∑N ∑N M ∑N M
i i i i
i i Mi X i i i i n n n
M = i
w= x
i
i x i i
M X n n
− On peut alors trouver directement la relation entre masse molaire moyenne en poids et
fraction en nombre:
M . = 1
M = ∑w M = ∑x ∑x M
i 2
w M i i i i i i
M M n n
1
M = ∑x M
2
w i i
M n
1 ∑N ∑
= = N i i
M n ∑N M W i i
∑N
=∑N =∑N M =∑ W
i i i i i
W W W M MW i i
1
=∑ w i
M M n i
En résumé :
Masse molaire moyenne Masse molaire moyenne
en nombre en poids
∞ ∞
M =∑x M
n
i =1
i i M = ∑w Mw
1=1
i i
∑N M ∑N M
2
M = M =
i i i i
∑N ∑N M
n w
i i i
M = DP . M
n n 0 M = DP . M
w w 0
1 1
=∑ w M = ∑x M
i 2
w i i
M M n i M n
M = i
avec w= x
i
x i i i
M X n n
Indice de polymolécularité I
I= Mw
Mn
1 de 6 unités : n=1 et i =6
1 de 12 unités : n=1 et i=12
2 de 10 unités : n=2 et i=10
1 1 2 2375
M n = 4 (6 × 62,5) + 4 (12 × 62.5) + 4 (10 × 62,5) = 4
= 593,75
M w = 625
(1× 6) + (1×12) + (2 × 10)
DP n = 4
= 9,5
I = 1,05
(1× 62 ) + (1× 122 ) + (2 × 102 ) 380
DP w = (1× 6) + (1× 12) + (2 × 10)
=
38
= 10
CHAPITRE-II 12
Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis
Département de Chimie
Dans la plupart des cas, les polymérisations sont réalisées dans des conditions loin de
l’équilibre.
Pour qu’il y ait réaction, il faut seulement qu’elle soit possible, c'est-à-dire que la variation
d’enthalpie libre de la réaction monomère → polymère soit négative.
ΔG = ΔH - TΔS
ΔS est généralement < 0 (perte de degrés de liberté lorsqu’on passe de molécules courtes à
une macromolécule) donc ΔH est négatif.
Cependant des problèmes peuvent se poser lorsque les polymérisations sont rapides.
Ce sont celles dont l’énergie de liaison est la plus élevée (580 - 1050 KJ/mol).
Elles sont dues à l’attraction électrostatique s’exerçant entre des ions ou des groupements
ionisés de signes opposés et aux répulsions électrostatiques entre des ions ou des groupements
ionisés de même signe.
Elles sont très importantes dans les réseaux de "polymères minéraux" tels que les silicates
(figure 13), mais aussi dans les polymères organiques du type polyélectrolytes (figure 14) tels
que les résines synthétiques échangeuses d’ions.
Polyvinylamine acidifié
Un autre cas intéressant est celui des ionomères. Les ionomères sont des sels entre un cation
divalent et des fonctions acides appartenant à des chaînes différentes (Figure 15).
CH2 CH CH2
n m
COO 2+
M
COO
CH2 CH CH2
n m
Figure 15: structure d'un ionomère
Copolymère éthylène/Acide méthacrylique modifié
On les regroupe sous le nom générique de forces de Van der Waals. Ce sont des interactions
de type électrostatique dont on distingue;
o Forces de Keesom
O O
+ δ− δ+ δ−
δC O C O
Il y a création d'un dipôle induit par un dipôle permanent. Ces interactions de Debye sont 5 à
10 fois plus faibles que celles de Keesom. (4 à 8 kJ/mole).
Les molécules possédant des doubles liaisons éthyléniques et surtout des cycles aromatiques
sont fortement polarisables (figure 17)
CHAPITRE-II 14
Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis
Département de Chimie
δ− δ+
O CH
C CH
δ+ δ− C
O
Figure 17 : Induction d'un dipôle sur une liaison polarisable
par un dipôle permanent (CO)
Faibles, elles mettent en jeu des interactions entre des dipôles induits, résultant d’une
dissymétrie instantanée de la densité électronique autour des atomes (2 à 4 kJ/mole)
Ces interactions intéressent l'ensemble de la matière. Ces forces sont relativement importantes
pour les polymères hydrocarbonés tels que le PE ou le PP surtout lorsque la masse molaire
augmente; elles deviennent alors un facteur important de cohésion. (figure 18)
Toutes ces énergies d'interaction varient avec 1/r6, r étant la distance entre les sites en
interaction.
Les liaisons hydrogène ont lieu entre un atome d'hydrogène lié à un atome fortement
électronégatif (l'atome d'hydrogène aura de ce fait une forte polarisation positive) et un autre
atome, fortement électronégatif, lié à un carbone.
Elles sont plus fortes que les précédentes. L’énergie mise en jeu est de l’ordre de 40kJ/mole.
Elles sont présentes dans de nombreux polymères : les polyamides, les polyuréthanes, la
cellulose…(figure 19)
Ces liaisons hydrogène ont une grande influence sur les propriétés du matériau obtenu, ainsi
que sur ces propriétés physiques. La forte résistance des polyamides est un exemple bien
connu de l'influence que peuvent avoir les liaisons hydrogène sur le comportement mécanique
d'un matériau.
A titre d'exemple nous présentons dans le tableau I l'influence du taux de
N-méthylation du polyundécanamide (remplacement de l'hydrogène fixé sur l'azote,
responsable des liaisons hydrogène par un groupement méthyle) sur la température de fusion
du polymère.
H H
+ +
δ N O δ N
C C
− −
Oδ Oδ
Hδ + Hδ +
− −
Nδ O Nδ
C C
O O
A B
Figure 19 : liaisons hydrogène s'établissant entre des chaînes
de polyamide (A) et de polyuréthanes (B)
Les liaisons hydrogène sont également très présentes dans les molécules de la vie (protéines,
etc…). Ainsi des ponts hydrogènes intramoléculaires stabilisent la formation hélicoïdale des
chaînes peptidiques (ADN…).
¾ Pour un solide organique, la cohésion spécifique ou densité d'énergie cohésive ecoh par
unité de volume:
ecoh = E coh
Vmol
CHAPITRE-II 16
Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis
Département de Chimie
ecoh peut être reliée au paramètre de solubilité δ dont la détermination fait appel aux
méthodes thermodynamiques (dissolution dans un liquide de ecoh connue…). Eco est supposée
une somme de contributions des groupements qui forment la molécule.
Le paramètre de solubilité δ :
δ = ecoh = E coh = f ( , , )
δd δ p δh
V
avec :
δd = lié à la dispersion (London)
δp = lié à la polarité (dipôles permanents de Keesom et Debye)
δh = lié aux liaisons hydrogène
ecoh est en Kcal/cm3.mol , en Pa ou en KJ/cm3.mol
δ est en Pa½ .