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LE HANDICAP PSYCHIQUE, D'UNE LOI À L'AUTRE

Serge Milano

La Doc. française | « Revue française des affaires sociales »

2009/1 n° 1-2 | pages 17 à 24


ISSN 0035-2985
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Serge Milano, « Le handicap psychique, d'une loi à l'autre », Revue française des affaires
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sociales 2009/1 (n° 1-2), p. 17-24.


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Le handicap psychique, d’une loi à l’autre
Serge Milano*1

Ignoré dans la loi du 30 juin 1975, le handicap psychique a fait l’objet en


1993 d’une reconnaissance à effets limités à l’occasion de la publication
du « Guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des per-
sonnes handicapées ». Mais c’est avec la loi du 11 février 2005 que le han-
dicap psychique acquiert sa pleine reconnaissance, non sans précaution.

■ Le handicap psychique dans la loi de 1975

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Si l’on en croit le Dr Bernard Durand 1, président de la Fédération d’aide à
la santé mentale Croix-Marine, le refus longtemps opposé par une grande
partie des psychiatres français à la reconnaissance du handicap psychique
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est lié à une époque : les années 1970, au cours desquelles plusieurs facteurs
ont joué pour contester l’existence du handicap psychique et tout particuliè-
rement la loi du 30 juin 1975 qui avait organisé les choses de manière telle
qu’il fallait choisir : ou l’on était malade, ou l’on était handicapé. Tenus à
l’écart de l’élaboration de la loi, imprégnés d’une idéologie qui les condui-
sait à vouloir soigner les patients « du début jusqu’à la fin » (la guérison ou
la mort), les psychiatres ne pouvaient admettre l’alternative soins ou assis-
tance liée à la représentation alors dominante du handicap, à un moment où
plus de 100 000 patients étaient hospitalisés dans les hôpitaux psychiatriques.
La loi du 30 juin 1975 ne cite aucun type de handicap en particulier mais elle
exclut implicitement le handicap psychique. Tout au long de la loi, le handi-
cap est pensé sur le modèle médical. C’est ainsi que son article 1er évoque le
« dépistage » du handicap, alors que son article 3 évoque « les enfants chez
qui un handicap aura été décelé ou signalé… », et que dans son article 14,
qui crée un art. L. 3221-11 dans le Code du travail, le 4° dispose : « appré-
cier si l’état de la personne handicapée justifie l’attribution de l’allocation
aux adultes handicapés », etc. Pensé sur le modèle médical, le handicap est
néanmoins distinct de la maladie et justifie une organisation propre (procé-
dures, institutions, prestations, etc.), à l’exception du handicap psychique
que le législateur de 1975 considère comme une maladie relevant de la psy-
chiatrie. On parle de maladie psychique mais pas de handicap psychique. On
ne saurait le lui reprocher. Aurait-il souhaité aller au-delà et reconnaître le

* Directeur de cabinet de Mme Marianne Montchamp, Secrétaire d’État aux personnes handi-
capées, au moment de l’élaboration et du vote de la loi de 2005.
1. Dr Bernard Durand, La question du handicap psychique, Colloque « Handicap et enjeux de
société », Centre de ressources en Sciences médico-sociales d’Île-de-France, 2006.

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RFAS 2009

handicap psychique que cela serait resté largement sans conséquence pra-
tique. En effet, les commissions ad hoc chargées de « dire le handicap 1 »,
de le reconnaître et de l’évaluer, n’ont à leur disposition que « le barème
d’invalidité du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes
de guerre », particulièrement inadapté à certaines catégories de handicaps,
notamment aux affections psychiatriques.

■ Le handicap psychique dans le Guide barème


de 1993
Près de vingt ans plus tard, la situation est différente.
La fermeture accélérée des institutions psychiatriques amorcée dans les
années 1980 est loin d’avoir été suffisamment compensée par la mise en

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place de structures de petite taille et de proximité intégrées dans la ville.
Un très grand nombre de personnes se sont trouvées tout simplement « à la
rue », selon une expression récurrente dans le discours associatif. Face à cette
situation nouvelle, la mobilisation des associations 2 va parvenir progres-
sivement à sensibiliser les pouvoirs publics aux problèmes de ressources,
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de logement, de solitude qui dessinent les contours du handicap psychique.


Par ailleurs, la notion de handicap a elle-même profondément évolué sous
l’influence de la classification de Ph. Wood, qui distingue : la déficience, l’in-
capacité et le désavantage. Datée de 1980, celle-ci ne s’est que très progres-
sivement diffusée en France. Le Dr Azema 3 rappelle qu’il a fallu attendre la
fin de l’année 1988 pour que cette classification fasse l’objet d’un colloque
national à Paris et que c’est au colloque international de Nîmes, en avril
1989, que la question de l’articulation de la maladie mentale et des handi-
caps a été « posée pour la première fois de manière collective ». Le sanitaire
et le médico-social, jusqu’ici en conflit, entrent en résonance.
En outre, cette classification a fortement inspiré la réforme du barème d’éva-
luation des handicaps, entreprise dès 1987 à la demande du ministre en charge
des affaires sociales. Publié en novembre 1993, le « Guide barème pour l’éva-
luation des déficiences et incapacités des personnes handicapées » consacre
son chapitre 2 aux déficiences du psychisme chez l’enfant et chez l’adulte,
distinct du chapitre 1 relatif aux déficiences intellectuelles et difficultés de
comportement. S’agissant des déficiences psychiques, le barème ne prévoit
pas de taux si les troubles de la personne sont jugés mineurs et ne peuvent
s’intégrer dans un ensemble psychiatrique. Le taux est d’au moins 20 % si
les troubles psychiatriques sont repérés par un médecin. Il passe de 20 à

1. COTOREP et CDES. Le handicap n’est pas défini dans la loi de 1975.


2. Plan psychique et clubs de l’UNAFAM, clubs de la Croix-Marine, regroupement de malades
dans la FNApsy.
3. Dr Bernard Azema, « La classification internationale des handicaps et la recherche en santé
mentale », in Classification internationale des handicaps et santé mentale, CTNERHI, mai 2001.

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Le handicap psychique, d’une loi à l’autre

45 % si les troubles restent compensés avec ou sans traitement chimiothé-


rapique ou psychothérapique puis à 50 ou 75 % si l’affection psychiatrique
nécessite un aménagement de la vie familiale ou de la vie professionnelle
et enfin varie de 80 à 95 % lorsque les troubles sollicitent une mobilisation
importante de l’entourage.
Ces taux appellent deux commentaires. D’une part, le guide barème prend
soin de préciser que « ce n’est pas la maladie psychiatrique qui donne lieu
à l’attribution d’un taux d’incapacité mais les limites qu’elle suscite dans
la vie quotidienne ». Le guide barème s’inscrit ainsi dans la continuité de la
loi de 1975 et n’entend pas interférer dans le traitement de la maladie psy-
chiatrique. Mais il tient compte aussi de la nouvelle classification de Wood
et tente de mesurer les désavantages subis par les personnes en raison de
leurs déficiences psychiques. D’autre part, ces taux précis et multiples sont
trompeurs. En réalité, deux taux seulement ont un intérêt :
– le taux de 80 % : Il ouvre droit à un minimum social : l’allocation aux

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adultes handicapés (AAH), sans que la personne ait à apporter la preuve
de son inemployabilité, ainsi qu’à une allocation compensatrice de tierce
personne (ACTP). Mais celle-ci est attribuée par les départements selon
un barème propre à chacun et, de surcroît, un même taux d’incapacité per-
manente de 80 % peut donner droit à une ACTP dont le montant varie du
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simple au double 1 ;
– le taux de 50 % : Il n’ouvre pas droit à l’ACTP mais il permet d’obte-
nir l’AAH lorsque son bénéficiaire apporte la preuve qu’il ne trouve pas
d’emploi en raison de son handicap. Ceux qu’on appelle aujourd’hui les
« handicapés psychiques » constituent la grande majorité de cette deuxième
catégorie de bénéficiaires de l’AAH. Tout au long des années 1990 et au
début des années 2000, les personnes handicapées psychiques fourniront le
plus gros contingent des allocataires au taux de 50 % entraînant une dérive
financière de l’AAH.

■ Le handicap psychique dans la loi


du 11 février 2005
Les évolutions qui viennent d’être évoquées ont progressivement fami-
liarisé les professionnels avec le handicap psychique – l’expression et sa
réalité. À l’été 2002, lorsque débutent les travaux préparatoires de la loi
du 11 février 2005, le nouveau gouvernement a connaissance du Rapport
Charzat, rendu public en mars 2002, qui formule plusieurs propositions
tendant à une reconnaissance du handicap psychique, articulées autour de
l’idée qu’il faut rompre avec la logique de la séparation pour proposer une
articulation de la psychiatrie avec le médico-social. Dans les discussions

1. L’ACTP est exprimée en pourcentage de la majoration pour tierce personne du régime d’in-
validité (MTP). Elle varie de 40 % à 80 % de la MTP.

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engagées entre les pouvoirs publics et les associations, l’UNAFAM évoque


« au moins 600 000 personnes ayant des troubles psychiques graves, dont
90 % vivraient désormais dans la Cité ». La cause du handicap psychique
était entendue. Toutefois, si l’urgence commandait de ne pas différer la
reconnaissance du handicap psychique, la nouveauté et la complexité du
sujet obligeaient à la prudence.
La reconnaissance du handicap psychique résulte de la définition du han-
dicap présentée à l’article 2 de la loi (cf. encadré). Celui-ci cite l’altération
d’une ou plusieurs fonctions psychiques comme facteur de handicap. Cela a
suffit à dire que la loi du 11 février 2005 a « reconnu » le handicap psychique.
Cette reconnaissance a conduit à créer dès l’année 2005 des groupes d’en-
traide mutuelle (GEM), sous l’effet d’une double inspiration. La première
est française : elle est constituée par les structures d’entraide créées par les
associations du secteur 1. Il s’agit de lieux d’activités organisées par les usa-
gers avec l’aide d’encadrants et non pas par les encadrants. La deuxième

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est constituée par les groupes d’entraide ou d’auto-assistance (Selbsthilfe)
qui se sont développés en Allemagne 2. Avec pour point commun le refus
d’une prise en charge quelle qu’elle soit et, par conséquent, le refus de
toute création institutionnelle sur le modèle existant des établissements ou
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des services sociaux et médico-sociaux. C’est là une différence essentielle


avec les propositions du rapport Charzat – très utiles par ailleurs – mais qui
restaient enfermées dans l’approche traditionnelle. Les GEM, en effet, ont
été voulu comme espaces de liberté et d’autonomie, lieux de convivialité.
Distincts des espaces de soins, ils forment la passerelle manquante jusqu’ici
entre le médical, le médico-social et le social. Créés par les usagers eux-
mêmes, aidés dans leur gestion administrative et financière par un parrain
avec lequel ils sont liés par convention, les GEM se sont affirmés comme
une réponse véritablement adaptée aux besoins des personnes souffrant de
troubles psychiques. Leur succès est d’autant plus grand qu’ils sont capables
de créer un réseau de partenariat avec les diverses collectivités locales, les
associations de patients et les familles d’usagers. C’est à travers ce réseau
qu’ils font connaître aux différents acteurs sociaux le handicap psychique,
les capacités et les besoins des personnes, la variété des réponses à leur
apporter pour qu’elles participent pleinement à la vie de la cité. Plus de 300
GEM ont bénéficié de 24 millions d’euros en 2008 3.
Ainsi, par rapport au guide barème de 1993 qui avait permis une recon-
naissance à effets limités du handicap psychique (l’attribution d’un taux
d’incapacité permanente avait pour seul effet d’ouvrir droit à un minimum

1. On doit citer les structures pionnières qu’ont été : le Club des peupliers, à Paris, de la
Fédération Croix-Marine ; le Club Delord, à Bordeaux, donné en exemple par l’UNAFAM ; le
club Les neveux de Rameau, à Paris, créé par la FNApsy.
2. Serge Milano, Auto-assistance, Dossier, Délégation aux affaires européennes et interna-
tionales, juillet 1997.
3. Un bilan 2005-2007 des GEM est présenté dans l’instruction DGAS/3B no 2008-167 du
20 mai 2008, BO Protection sociale-Santé, no 2008-6 du 15 juillet 2008, p. 296.

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Le handicap psychique, d’une loi à l’autre

social), la loi de 2005 opère une pleine reconnaissance en faisant des GEM
un instrument de prévention (article 4 créant un art. L. 114-3 CASF) et de
compensation du handicap (article 11 créant un art L. 114-1-1 CASF).
Face à la nouveauté et à la complexité du sujet, le législateur a cependant
choisi la voie de la prudence. La loi du 11 février 2005 n’emploie pas l’ex-
pression handicap psychique. Elle n’en donne aucune définition. Elle ne
crée aucun dispositif propre au handicap psychique, ni pour l’évaluation
des besoins ni pour leur satisfaction.
– Pas de dispositif particulier d’évaluation, qu’il s’agisse de la composi-
tion des équipes, de la grille d’évaluation ou de l’indispensable coopération
entre équipes de la MDPH 1 et équipes de soins psychiatriques. Or, l’éva-
luation des besoins se heurte ici à des difficultés spécifiques qui tiennent à
la variabilité des troubles et l’imprévisibilité des comportements.
– Pas non plus de dispositif propre de satisfaction des besoins. Les GEM
eux-mêmes, conçus en pensant au handicap psychique, sont, comme le sou-

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ligne le Dr Bertrand 2, ouverts à tous et n’exigent pas de reconnaissance d’un
handicap, quel qu’il soit. Ni de dispositifs propres d’accueil et de compen-
sation pour les personnes ou de formation pour les aidants familiaux et les
professionnels, qui devront apprendre à raisonner en termes de handicap.
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Cette prudence du législateur ne compromet pas la portée de la loi car celle-


ci contient les conditions de son propre dépassement. En particulier, le
principe de personnalisation qui traverse la loi donne un fondement solide
à la création de droits nouveaux dans les différents domaines aujourd’hui
encore lacunaires.

■ Au-delà du handicap psychique


La reconnaissance du handicap psychique a été partiellement liée à la repré-
sentation que l’on a eue du handicap. Paradoxalement, c’est au moment où
l’OMS tente d’imposer un « modèle social » du handicap en faisant une place
déterminante aux « facteurs environnementaux » que le handicap psychique
est reconnu en France. L’élaboration de la loi du 11 février 2005 a été édi-
fiante sur ce point : alors que les associations représentatives du handicap
physique (moteur ou sensoriel) tentaient de faire valoir ce modèle social en
parlant de « personnes en situation de handicap » et en évoquant « les inte-
ractions » de la personne et de son environnement, les associations du han-
dicap psychique et du handicap mental adoptaient un autre point de vue.
L’UNAFAM soulignait que « l’entrée dans le handicap doit être médi-
cale », l’UNAPEI que « nier la part prise par la déficience ou l’incapacité
procède d’une vision peu conforme à la réalité ». Ainsi, tout ne s’épuise
pas dans l’environnement.

1. Maison départementale des personnes handicapées.


2. Op. cit.

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Encadré : La définition du handicap dans la loi du 11 février 2005


Art. 2. – « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limita-
tion d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans
son environnement par une personne en raison d’une altération substan-
tielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sen-
sorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un
trouble de santé invalidant. »
1°) le handicap est défini d’emblée comme limitation d’activité ou restriction de
participation à la vie sociale. Toutefois, la loi ne vise que les personnes dont
le handicap est grave (durable ou définitif) et a pour origine une altération de
certaines fonctions essentielles limitativement énumérées. L’expression « au
sens de la loi », indûment maintenue dans un texte codifié, présente au moins
l’avantage de rappeler que cette définition vise non pas l’ensemble des per-
sonnes handicapées mais seulement certaines catégories de personnes handi-
capées. Cette précision n’est pas inutile lorsqu’on pense à la critique formulée
par le Pr Hamonet 1, peu de temps avant la promulgation de la loi : « […] une
loi trop spécifique et contribuera certainement, si elle est adoptée, à margi-
naliser davantage les personnes qui vivent des situations de handicaps sans

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avoir les retombées positives attendues sur l’ensemble de la population ».
2°) «subie dans son environnement» : en soulignant que cette limitation d’ac-
tivité ou cette restriction de participation est subie, cette définition désigne
clairement l’environnement comme facteur constitutif du handicap et, par
conséquent, comme élément déterminant à prendre en compte pour déter-
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miner le besoin de compensation. S’agissant, par exemple, de l’évaluation


du handicap psychique, le rôle de l’environnement est ainsi mis en valeur
par le Pr Aussilloux, lorsqu’il écrit : « Pour le handicap psychique… les éva-
luations sont dépendantes des informations données par les personnes
elles-mêmes, mais aussi par leurs familles ou aidants et par les profession-
nels du soin ou de l’éducation qui les côtoient, afin de pouvoir prendre en
compte les différentes facettes de leurs capacités selon l’environnement ».
Quelques commentateurs ont souligné la filiation de cette définition avec la
nouvelle CIF de l’OMS tout en regrettant ce qu’ils croient être une référence
implicite au modèle médical ou biomédical. En réalité, cette définition est
dans l’esprit de la classification de Wood (le handicap comme désavantage)
mais elle utilise le vocabulaire positif de la CIF (limitation d’activité ou restric-
tion de participation). Par ailleurs, elle souligne le caractère relatif du handi-
cap 2, qui tient à la fois à la personne et à son environnement 3. Elle refuse
par conséquent aussi bien le modèle médical que le modèle social prôné
par la CIF. On ne peut que souscrire au propos du Dr François Chapireau 4
lorsqu’il souligne que « la rigueur scientifique a été sacrifiée sur plusieurs
points essentiels, afin de créer un outil au service du militantisme ». Car le
principal apport de la CIF n’est pas d’avoir pris en compte les facteurs d’en-
vironnement : ils l’étaient déjà dans la classification de Philippe Wood ; son
principal apport est d’avoir introduit la causalité dans le rapport entre l’envi-
ronnement et le handicap. Le législateur français de 2005 a justement refusé
de substituer une causalité diabolique.

1. C. Hamonet, Les personnes handicapées, PUF, coll. « Que sais-je ? », novembre 2004.
2. Comme l’avait bien vu le Pr Minaire en évoquant le « handicap de situation ».
3. Généralement ignoré, traité par prétérition ou mal compris, ce point distingue la défini-
tion française de l’ensemble des définitions fournies dans les autres législations européennes
depuis la publication de la nouvelle CIF (classification internationale du fonctionnement, du
handicap et de la santé).
4. Dr François Chapireau, « Mort ou renaissance d’une classification », in Classification inter-
nationale des handicaps et santé mentale, CTNERHI, mai 2001.

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