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Serge Milano
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est lié à une époque : les années 1970, au cours desquelles plusieurs facteurs
ont joué pour contester l’existence du handicap psychique et tout particuliè-
rement la loi du 30 juin 1975 qui avait organisé les choses de manière telle
qu’il fallait choisir : ou l’on était malade, ou l’on était handicapé. Tenus à
l’écart de l’élaboration de la loi, imprégnés d’une idéologie qui les condui-
sait à vouloir soigner les patients « du début jusqu’à la fin » (la guérison ou
la mort), les psychiatres ne pouvaient admettre l’alternative soins ou assis-
tance liée à la représentation alors dominante du handicap, à un moment où
plus de 100 000 patients étaient hospitalisés dans les hôpitaux psychiatriques.
La loi du 30 juin 1975 ne cite aucun type de handicap en particulier mais elle
exclut implicitement le handicap psychique. Tout au long de la loi, le handi-
cap est pensé sur le modèle médical. C’est ainsi que son article 1er évoque le
« dépistage » du handicap, alors que son article 3 évoque « les enfants chez
qui un handicap aura été décelé ou signalé… », et que dans son article 14,
qui crée un art. L. 3221-11 dans le Code du travail, le 4° dispose : « appré-
cier si l’état de la personne handicapée justifie l’attribution de l’allocation
aux adultes handicapés », etc. Pensé sur le modèle médical, le handicap est
néanmoins distinct de la maladie et justifie une organisation propre (procé-
dures, institutions, prestations, etc.), à l’exception du handicap psychique
que le législateur de 1975 considère comme une maladie relevant de la psy-
chiatrie. On parle de maladie psychique mais pas de handicap psychique. On
ne saurait le lui reprocher. Aurait-il souhaité aller au-delà et reconnaître le
* Directeur de cabinet de Mme Marianne Montchamp, Secrétaire d’État aux personnes handi-
capées, au moment de l’élaboration et du vote de la loi de 2005.
1. Dr Bernard Durand, La question du handicap psychique, Colloque « Handicap et enjeux de
société », Centre de ressources en Sciences médico-sociales d’Île-de-France, 2006.
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handicap psychique que cela serait resté largement sans conséquence pra-
tique. En effet, les commissions ad hoc chargées de « dire le handicap 1 »,
de le reconnaître et de l’évaluer, n’ont à leur disposition que « le barème
d’invalidité du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes
de guerre », particulièrement inadapté à certaines catégories de handicaps,
notamment aux affections psychiatriques.
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Le handicap psychique, d’une loi à l’autre
simple au double 1 ;
– le taux de 50 % : Il n’ouvre pas droit à l’ACTP mais il permet d’obte-
nir l’AAH lorsque son bénéficiaire apporte la preuve qu’il ne trouve pas
d’emploi en raison de son handicap. Ceux qu’on appelle aujourd’hui les
« handicapés psychiques » constituent la grande majorité de cette deuxième
catégorie de bénéficiaires de l’AAH. Tout au long des années 1990 et au
début des années 2000, les personnes handicapées psychiques fourniront le
plus gros contingent des allocataires au taux de 50 % entraînant une dérive
financière de l’AAH.
1. L’ACTP est exprimée en pourcentage de la majoration pour tierce personne du régime d’in-
validité (MTP). Elle varie de 40 % à 80 % de la MTP.
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1. On doit citer les structures pionnières qu’ont été : le Club des peupliers, à Paris, de la
Fédération Croix-Marine ; le Club Delord, à Bordeaux, donné en exemple par l’UNAFAM ; le
club Les neveux de Rameau, à Paris, créé par la FNApsy.
2. Serge Milano, Auto-assistance, Dossier, Délégation aux affaires européennes et interna-
tionales, juillet 1997.
3. Un bilan 2005-2007 des GEM est présenté dans l’instruction DGAS/3B no 2008-167 du
20 mai 2008, BO Protection sociale-Santé, no 2008-6 du 15 juillet 2008, p. 296.
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Le handicap psychique, d’une loi à l’autre
social), la loi de 2005 opère une pleine reconnaissance en faisant des GEM
un instrument de prévention (article 4 créant un art. L. 114-3 CASF) et de
compensation du handicap (article 11 créant un art L. 114-1-1 CASF).
Face à la nouveauté et à la complexité du sujet, le législateur a cependant
choisi la voie de la prudence. La loi du 11 février 2005 n’emploie pas l’ex-
pression handicap psychique. Elle n’en donne aucune définition. Elle ne
crée aucun dispositif propre au handicap psychique, ni pour l’évaluation
des besoins ni pour leur satisfaction.
– Pas de dispositif particulier d’évaluation, qu’il s’agisse de la composi-
tion des équipes, de la grille d’évaluation ou de l’indispensable coopération
entre équipes de la MDPH 1 et équipes de soins psychiatriques. Or, l’éva-
luation des besoins se heurte ici à des difficultés spécifiques qui tiennent à
la variabilité des troubles et l’imprévisibilité des comportements.
– Pas non plus de dispositif propre de satisfaction des besoins. Les GEM
eux-mêmes, conçus en pensant au handicap psychique, sont, comme le sou-
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1. C. Hamonet, Les personnes handicapées, PUF, coll. « Que sais-je ? », novembre 2004.
2. Comme l’avait bien vu le Pr Minaire en évoquant le « handicap de situation ».
3. Généralement ignoré, traité par prétérition ou mal compris, ce point distingue la défini-
tion française de l’ensemble des définitions fournies dans les autres législations européennes
depuis la publication de la nouvelle CIF (classification internationale du fonctionnement, du
handicap et de la santé).
4. Dr François Chapireau, « Mort ou renaissance d’une classification », in Classification inter-
nationale des handicaps et santé mentale, CTNERHI, mai 2001.
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