En philosophie comme en mathématiques, il faut définir. Les définitions peuvent être le point de départ
d'un raisonnement, elles peuvent constituer un argument. Les variations de définitions d'un même mot permettent
aussi de progresser dans la dissertation. Mais, les définitions des dictionnaires ne sont pas suffisantes : elles sont
générales, et peu adaptées à vos besoins en dissertation. Aussi, pour disposer d’une définition utile à son discours
– il vaut mieux construire soi-même la définition. D'autre part, les définitions, souvent masquent des problèmes.
Les textes suivants permettent de réfléchir à al définition en philosophie.
1 Kant dit qu’on peut à la limite commencer par un essai de définition, mais qu’il faudra finir par une « clarification ». Et en effet, les
définitions initiales sont pour le moins obscures, voire contradictoires. Par exemple : « TEMPS : Milieu indéfini et homogène
dans lequel se situent les êtres et les choses et qui est caractérisé par sa double nature, à la fois continuité et
succession » (source CNRTL) – définition. Quoi ici de confus, et même, de contradictoire ? « Les choses
extérieures, semble-t-il, durent comme nous, et le temps, envisagé de ce dernier point de vue, a tout l’air d’un
milieu homogène […]. Le temps conçu sous la forme d'un milieu indéfini et homogène n'est que le fantôme de
l'espace obsédant la conscience réfléchie » écrit BERGSON (Essai sur les données immédiates de la conscience,
1889).
L’État doit-il éduquer les citoyens ?2
Utilisation d'une définition de la notion de morale sociale
Définissons la morale sociale comme l'ensemble des règles et des conduites qui sont prescrites par la
société, qu'elle transmet par l'intermédiaire de l'éducation, en vue de bien vivre ensemble. Cela devient utile
quand cette définition est « enchâssée » dans une argumentation de la thèse selon laquelle l'éducation est
importante. Elle permettrait, par exemple, d'expliquer que l’État doive éduquer ses citoyens : en vue de la
concorde civile.
Ici, la définition se donne comme un argument . Il ne s'agit pas de définir pour proposer une définition
parfaite, objective (ou parce que la méthode dit qu'il faut définir) ; mais de la proposer pour défendre une thèse.
Cela signifie que les définitions ne sont pas neutres, c’est-à-dire indifférente à une thèse. Il n'y a pas de définition
objective. Implicitement, chacune défend une thèse, ou en nie une autre.
Les définitions ont une utilité, pour une thèse. Une fois qu'elles ont rendu ce service, il faut les critiquer, les
problématiser.
Problématisation de la définition de morale sociale
Comment problématiser la définition de la morale sociale ? Reconnaître qu'elle vaut non pour la société,
mais pour une société : nul ne vit dans la société ; chacun vit dans une société qui est particulière. Ce qui était
positif (prescription sociale) devient négatif (carcan institué par une société particulière). La morale sociale
permettrait de bien vivre ensemble (positif) ; mais après réflexion, elle permet seulement de bien vivre avec ses
concitoyens, et non avec le reste de l'humanité. En fait, la morale sociale particularise : elle n'humanise pas, on
peut aller jusqu'à dire qu'elle isole du reste de l'humanité.
A ce point, la définition invite à une autre thèse, diamétralement opposée : l’État ne doit pas éduquer les
citoyens, dans la mesure, où son éducation ne peut ouvrir les citoyens à l’humanité toute entière, mais doit
privilégier la « mère-patrie » : en temps de guerre, il n’y a aucun doute là-dessus…
2 D’après Marx, « il faut proscrire de l'école au même titre toute influence du gouvernement et de l’Église. Bien mieux, dans
l'Empire prusso-allemand (…), c'est au contraire l’État qui a besoin d'être éduqué d'une rude manière par le peuple. » (Critique du
programme de Gotha)
3 On pourrait ajouter : elle le déshistoricise, le naturalise.