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Résumé
Abstract
Our paper aims at analyzing the case of a large Moroccan company: OCP
(Office Chérifien des Phosphates). First, we present some definitions of CSR
seen in a systemic perspective. We will explain the Moroccan context to
determine the opportunities of CSR’s development in Morocco. The second
part of our work will be focused on the evolution of the OCP in a changing
Moroccan economy. The implementation and evolution of a Corporate Social
Responsibility orientation will be exposed. The case discussion attempts to
show the constraints the company has to deal with in its immediate and
international environment, what are the answers given and the consequences
which could be expected regarding the CSR approach.
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C’est ainsi que l’on peut relier la démarche RSE à la préoccupation d’un
développement durable. En effet, depuis le Sommet de Rio en 1992, les
préoccupations environnementales ont été élargies pour englober les individus et
les sociétés dans un « paradigme sociétal que traduit le concept de Développement
Durable » (Lipietz, 1989 ; Waaub, 1990). Le concept de RSE reste cependant
relativement imprécis et permet de multiples interprétations. Il nous reste à le
cerner.
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Nous nous situons dans une approche systémique visant à concevoir la RSE
comme une fonction de régulation. Cette approche fonctionnaliste, qui vise à
intégrer les buts de la société et ceux des entreprises, présente la RSE comme
un outil de régulation sociale permettant de stabiliser les interactions entre
l’entreprise et la société (Gond et Igalens, 2008).
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63. Ce code malgré ses avancées en matière de concertation sociale, laisse de côté nombre d’éléments tels que la formation
professionnelle, la sécurité sociale, la protection sanitaire ou bien les maladies professionnelles (MHamdi et Trid, 2009). En outre, la
convention 135 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) relative à la protection des représentants du personnel n’a pas été
intégrée au Code (Tlemçani, 2009).
64. Social Accountability Standard 8000
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Les données ont été recueillies dans le cadre d’une formation d’entreprise,
réalisée par un des auteurs. En 2011, la Direction Générale de l’OCP a souhaité
développer un programme de formation et de réflexion à l’usage des cadres
de l’entreprise, confrontés aux profondes mutations de leur organisation. Ce
programme a nécessité la création d’une série de cas internes destinés à être
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utilisés par les formateurs de l’OCP, pour leurs séminaires de formation. Ces cas
ont été conçus à partir de plusieurs séries d’interviews approfondies réalisées
lors de différents séjours en 2011 et 2012. Les rendez-vous avec les cadres de
l’entreprise se sont déroulés tout au long de l’année 201265 et se poursuivent sur
le dernier trimestre de l’année.
Dans le présent article, nous n’avons utilisé qu’une partie des données recueillies,
non confidentielles, au cours de 8 rencontres approfondies de groupes de cadres
et ingénieurs de l’OCP réalisées en avril et mai 2012. Ces rencontres représentent
un total de 30 interviews. L’observation s’est donc située au plus près du terrain
et a permis de recueillir des données primaires de qualité. Chacun des entretiens
collectifs s’est déroulé sur deux journées et a été enregistré. Les entretiens se
sont déroulés de manière informelle, conviviale, sans guide d’entretien détaillé,
mais structurés autour de quatre thématiques sur lesquelles les personnes
pouvaient s’exprimer librement :
- leur perception des enjeux globaux auxquels l’entreprise est confrontée,
- La description de leurs parcours de carrière au sein de l’OCP,
- Leur définition des valeurs de l’entreprise,
- Leur vision de l’évolution de l’entreprise dans un futur proche.
© Management Prospective Ed. | Téléchargé le 08/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.249.120.209)
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Mais cette actualisation avait encore accru la charge des retraites pour l’OCP,
qui comptait 24 000 retraités pour seulement 17 000 actifs, si bien que toute la
valeur ajoutée que l’OCP dégageait de l’exploitation des phosphates, risquait
d’être consacrée à l’avenir à payer les retraites de ses anciens employés.
Les normes IFRS66 appliquées au bilan de l’OCP avaient encore accentué le
problème. Selon ces dernières, il convient en effet d’imputer au passif du bilan la
somme nécessaire pour pouvoir payer les retraités à la date actuelle, comme si
elles devaient être externalisées instantanément.
C’est pourquoi la question fiscale, aussi marginale était-elle dans ses effets
immédiats, posait celle de l’utilisation de la valeur ajoutée de l’entreprise. En
2005, elle conduisit l’OCP à externaliser définitivement sa Caisse de retraite,
dans la mesure où il estimait ne plus pouvoir arbitrer l’usage de sa valeur ajoutée
entre les investissements et les retraites, d’autant que le rapport de plus en plus
défavorable entre le nombre d’actifs et de retraités l’obligeait à dégager des
sommes toujours croissantes pour financer ces dernières.
Au total, force est d’observer que l’OCP vise à réduire le coût financier de sa
responsabilité sociale afin de pouvoir présenter un bilan équilibré. Cette démarche
est conforme à la recommandation du FMI qui « suggère » de nettoyer les
caisses de retraites et les assurances accidents du travail. L’OCP est désormais
en mesure de dégager des bénéfices significatifs, que l’État a d’ores et déjà
anticipés, sans toutefois pouvoir prévoir quel sera le prix des phosphates dans le
futur et donc quel sera le montant de ces bénéfices68.
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L’action sociale et régionale se traduit par des aides au logement, mais aussi
par la construction d’infrastructures en matière d’eau et d’électricité, d’écoles,
de bibliothèques, d’hôpitaux, de mosquées, de foyers, de centres de vacances,
de salles de Cinéma, de hammams, de piscines, de salles de sports, de centres
d’équitation. Elle consiste aussi à fournir des subventions aux équipes sportives,
des aides aux manifestations sportives et culturelles.
C’est encore une fois l’administration fiscale qui a remis en cause le périmètre
de responsabilité de l’OCP, en contestant son droit à financer les collectivités
locales et leur équipement. Les services fiscaux ont en effet contesté qu’un pont
construit à Khouribga par l’OCP puisse donner lieu à un amortissement puisqu’il
ne faisait pas partie du bilan de l’OCP. Ils ont considéré que les dépenses de sa
construction étaient une libéralité imposable. Peu importait pour l’administration
fiscale que ce pont, qui constituait l’entrée principale de la ville de Khouribga,
fut d’utilité publique, permettant d’éviter d’utiliser un passage à niveau souvent
fermé en raison du passage fréquent des nombreux trains de phosphate.
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On retrouve ici le débat sur la taxation de l’OCP qui renvoie à l’État l’arbitrage
entre la part de la valeur ajoutée de l’OCP qui doit revenir à la collectivité nationale
et celle que l’OCP doit légitimement garder pour se développer. D’un côté, une
trop forte contribution de l’OCP à l’Etat peut compromettre sa stratégie, menacer
son avenir, mais d’un autre côté l’OCP bénéficie d’un monopole d’exploitation qui
lui est concédé par l’Etat, dont les prélèvements publics et les œuvres sociales
sont la contrepartie.
Il reste donc à trouver un équilibre entre un coût de production qui soit compétitif
avec celui des entreprises étrangères du secteur et le volet social. Si l’OCP est
contraint d’offrir des prestations suffisantes pour que ses salariés acceptent
d’habiter dans des lieux très éloignés des centres urbains, s’il lui faut participer
au développement économique des régions, ses prélèvements doivent être
réduits en proportion, à moins que l’État n’accepte de se substituer à l’OCP en
ces matières comme il l’a fait pour les retraites. La RSE de l’OCP est donc en
grande partie déterminée par les choix politiques de l’État marocain, mais elle
possède également un effet bivalent sur le fonctionnement de l’OCP.
69. On se souvient encore que la Roumanie de Ceausescu a construit des ports qui ont été payés en phosphates.
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Cet objectif d’efficacité est particulièrement visible dans l’impact que la démarche
RSE peut avoir sur le management des Ressources Humaines (RH) au sein de
l’OCP.
Jusqu’à une période récente, la totalité des cadres de l’OCP étaient des ingénieurs.
Lorsqu’un ingénieur était affecté à la mine ou à la chimie, il y restait un assez
grand nombre d’années avant de rejoindre une fonction support au siège. Ce
modèle d’évolution de carrière est symbolisé par un parcours d’ingénieur parmi
d’autres, décrit ci-dessous.
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Qui dit management, dit culture de l’entreprise. Celle de l’OCP peut être résumée
en quatre dimensions :
- La première est le respect des procédures, des règles. Elle engendre
une certaine tendance au conformisme.
- La seconde est le culte de la performance technique. Il s’agit de se
dépasser, de trouver des solutions, d’innover, de se débrouiller si
nécessaire.
- La troisième est relative au respect hiérarchique, au sens un peu militaire
du terme.
- La dernière concerne le sentiment d’appartenance qui fait qu’ingénieurs
ou agents de maîtrise ne critiquent jamais l’OCP en public, alors qu’ils
n’hésitent pas à le faire entre eux.
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Dans la mine, ces derniers ont évolué fortement. « On se souvient de la fermeture
du souterrain, du volume d’extraction qui s’accroît d’année en année, du passage
généralisé à la flottation. On transporte par train, demain on le fera par pipe-
line, on ne fera plus de séchage, mais on lavera tout. La chimie est passée du
phosphorique aux engrais puis à plusieurs types d’engrais. On a donc changé de
manière de travailler avec la découverte, on a modifié le process avec la flottation,
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Conclusion
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d’adaptation aux forces du marché mondial et non par des principes autocentrés
autour des équilibres marocains.
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