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Les réseaux sociaux sont comparables à l'alcool : doit-on les interdire aux
moins de 16 ans ?
Des États-Unis à la France, ce sont deux tribunes qui viennent coup sur coup sonner l'alarme
sur un fait de société important et inquiétant mais pourtant passablement ignoré par les
responsables politiques : les effets délétères des réseaux sociaux sur les enfants et les
adolescents. Ce 17 septembre 2021, le spécialiste américain des technologies et des médias,
Derek Thompson, a publié un article (en anglais) dans le journal The Atlantic, intitulé : "Les
réseaux sociaux sont l'alcool de l'attention".
A la suite de Derek Thomson, le philosophe et essayiste français Gaspard Koenig s'est fendu
d'une chronique au titre sans équivoque dans Les Echos : "Interdisons les réseaux sociaux aux
ados". Dans les deux articles, les auteurs jettent une lumière crue sur un problème que les
parents d'enfants ou d'adolescents n'osent souvent pas aborder et qui se résume à une phrase :
l'addiction aux réseaux sociaux de leurs progénitures. Un problème qui est passé du stade
individuel, familial, à celui d'un phénomène de société.
Hashtag #Anti2010
Gaspard Koenig débute ainsi sa chronique : "Ma fille, née en 2010, rentre en sixième. Ces
derniers jours, j'ai reçu toute une série d'alertes pour me mettre en garde contre le
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Derek Thompson ne dit pas autre chose dans son article lorsqu'il commence à définir le réseau
social Instagram : "Voici un produit amusant [Instagram] que des millions de personnes
semblent aimer ; c'est malsain à fortes doses ; cela fait qu'une minorité importante se sent plus
anxieuse, plus déprimée et pire à propos de son corps ; et que beaucoup de gens ont du mal à
utiliser avec modération."
Le spécialiste en vient alors à mettre en évidence le parallèle entre les réseaux sociaux et
l'alcool : "A quoi ressemble cette description d'Instagram ? Pour moi, cela ressemble à de
l'alcool : un lubrifiant social qui peut être délicieux mais aussi déprimant, une expérience
populaire qui mêle euphorie à court terme et regret à long terme, un produit qui conduit à un
comportement douloureux et même addictif chez une minorité importante. Comme l'alcool, les
réseaux sociaux semblent offrir un cocktail enivrant de dopamine, de désorientation et, pour
certains, de dépendance. Appelez cela "l'alcool de l'attention".
une drogue distribuée gratos à la sortie de l'école." Il est effectivement prouvé que ces
applications sont conçues et améliorées en permanence par les entreprises qui les développent
pour capter l'attention des utilisateurs afin de les faire rester le plus possible en ligne. Les
cerveaux des plus jeunes sont les plus faciles à toucher par ces techniques — de par leur
immaturité — et il en découle une addiction beaucoup plus facile à obtenir et importante chez
ces publics : L'analogie entre réseaux sociaux et alcool n'est pas une simple figure de réthorique.
Les comportements des adolescents sont similaires dans l'ivresse alcoolique comme dans
"l'ivresse créée par les plateformes numériques" : déshinibition, agressivité gratuite, insultes,
facilité à la déprime, sensations de cohésion sociale ou à l'inverse d'isolement, euphorie, image
dégradée ou surestimée de soi…
Gaspard Koenig estime que les réseaux sociaux — en plus de générer des effets psycho-sociaux
très négatifs — exposent les individus jeunes à une désinformation dont la société a le devoir
de les protéger : "On interdit bien la vente d'alcool aux mineurs (…) Il est temps que le
législateur classe les réseaux sociaux dans la même catégorie. Seize ans, c'est l'âge où l'on peut
entrer seul dans un bar. Il serait logique d'en faire aussi le seuil légal pour pénétrer dans le
grand tripot de la désinformation."
Dans sa chronique, Derek Thomson, s'il ne plaide pas pour une interdiction pure pour les moins
de 16 ans, amène des solutions, pour peu que les réseaux sociaux soient considérés de la même
manière que l'alcool : "Nous devrions apprendre de l'alcool, qui est étudié, étiqueté, taxé et
restreint. Des restrictions similaires décourageraient les abus des médias sociaux chez les
adolescents. Nous devons continuer à étudier exactement comment et pour qui ces applications
sont psychologiquement ruineuses et répondre directement au consensus atteint par cette
recherche. Les gouvernements devraient exhorter ou exiger des entreprises qu'elles créent
davantage d'outils intégrés aux applications pour décourager la surutilisation."
Face à "l'économie de l'attention" créée par les grandes plateformes, peu nombreux sont ceux
en mesure de résister. Les États au premier chef. Et si la population adulte — les parents —
était la seule à même d'agir ? C'est possiblement le cas. Mais comme d'habitude, avec des
inégalités sociales criantes ce que rappelle Koenig : un rapport du Haut Conseil de la santé
publique paru l'année dernière a démontré que "plus le niveau d'étude du représentant de
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l'enfant est élevé, plus le temps passé devant un écran est faible". Il va sans dire qu'inversement,
plus le milieu social est défavorisé, plus l'enfant ou l'adolescent est exposé à l'alcool de
l'attention que sont les réseaux sociaux…
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Alors pour compenser cet état d’isolement, ils se tournent vers les RSN pour tisser des liens
avec leurs pairs.
Se développent des relations interpersonnelles – certes superficielles – qui créent une illusion
d’amitié. Mais les natifs du numérique ont-ils systématiquement recours aux médias sociaux
pour tisser des liens avec leurs pairs ?
Nous avons réalisé un sondage auprès de plus de 400 adolescents français, âgés de 13 à 18 ans,
afin d’estimer leurs capacités d’adaptation. Quel était l’objectif ? Découvrir comment les
adolescents réagissent face à la solitude (gardent-ils leur calme ou ont-ils tendance à agir
immédiatement ?) et dans quelle mesure ils discutent de leurs sentiments personnels et de leurs
angoisses avec leurs amis, sur les RSN et dans la vraie vie.
Les résultats ont mis en évidence deux profils d’adolescents : ceux qui adoptent des stratégies
d’adaptation actives, en s’attaquant directement au problème, et ceux qui adoptent des stratégies
d’adaptation passives, en ignorant le problème. Plus concrètement, les adolescents adoptant des
stratégies d’adaptation actives se tournent vers la communication traditionnelle et authentique
avec leur groupe de pairs, le plus souvent à l’école.
Alors que ceux adoptant des stratégies d’adaptation passives, préfèrent partager leurs émois sur
les réseaux sociaux numériques (Facebook, Instagram, Snapchat).
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Interdire les réseaux sociaux aux adolescents est contre-productif
Une étude montre que cela peut même les rendre anxieux et encore plus accros quand ils y
retournent.
Lors d’un conflit, beaucoup de parents décidaient de priver leur adolescent de sortie avec ses
amis. Aujourd’hui, cette privation s’est reportée sur leur téléphone portable, et donc sur leur
accès aux réseaux sociaux. Un moyen justifié efficace mais qui, selon une nouvelle étude menée
par l’université de Chicago, se révèle inefficace, voire contre-productive.
Sur son site, le Washington Post explique que les chercheurs, en partenariat avec Associated
Press, ont interrogé 790 adolescents sur les éventuelles privations de réseaux sociaux, forcées
ou non. « L’effet secondaire, c’est que ça leur enlève un potentiel soutien émotionnel et l’accès
à l’information, note Amanda Lenhart, experte en comportement sur les réseaux sociaux en
charge de l’étude. Cela ne concerne pas juste ce qu’il se passe dans la vie de leurs amis, qui est
une composante, mais aussi les informations, les événements qui surviennent, ce genre
d’informations. »
De plus, l’effet, s’il est immédiat, se révèle négatif sur le long terme et que les parents ne
réalisent pas forcément. « Les 38% des adolescents qui ont été privés étaient plus à même d’être
anxieux du fait de leur éloignement des réseaux sociaux et plus à même d’augmenter le nombre
de publications une fois qu’ils ont été autorisés à revenir sur leurs réseaux. »
Il est intéressant de noter que ceux qui ont déjà pris la décision eux-mêmes de se priver de
réseaux sociaux (65% des 790 adolescents), ont eu tendance à mieux s’adapter à cette cure que
si on les avait forcés. « Ils ont estimé que cette pause les avait aidés à se connecter avec les gens
importants dans leur vie. » En revanche, seuls 20% de ces adolescents volontaires estiment
avoir baissé leur consommation de réseaux sociaux ; 53% expliquent n’avoir pas observé de
changements dans leurs usages.
Autre problème, un tiers de ces adolescents aimeraient être capable de s’accorder un break de
ce genre, mais ils estiment que cela nuirait trop à leur vie sociale, leurs devoirs et leurs activités
extra-scolaires.
Avec cette étude, et ses prochains travaux, Lenhart espère aider les parents à mieux comprendre
ce qu’« arrêter les réseaux sociaux» signifie. « Ce n’est pas simple. Ce n’est pas juste un endroit
où les adolescents traînent avec leurs amis. Il y a beaucoup de couches quand on parle de
l’utilisation des réseaux sociaux, et c’est important que tout le monde réalise que c’est plus
complexe que cela. »
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4 alternatives à l’interdiction des réseaux sociaux pour les ados