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Biologie générale
UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
Volume 2
Martine VERCAUTEREN
Gisèle VAN DE VYVER
D/2009/0098/139
8e édition – Tirage 2015-16/7
BIOL-F-101_B
En application de l’article 23 du Décret du 31 mars 2004, l’auteur consent à mettre son support de cours obligatoire
àConformément
la disposition àdes étudiants
la loi régulièrement
du 30 juin inscrits.
1994, modifiée par Toute
la loi dureproduction,
22 mai 2005, communication au public,
sur le droit d'auteur, commercialisation
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VERCAUTEREN Martine Biologie générale
CHAPITRE V
MODIFICATIONS DE L’INFORMATION : LES MUTATIONS
5.1 Introduction
5.1 INTRODUCTION
Le phénomène des mutations génétiques a été mis pour la première fois en évidence par Hugo
DE VRIES, vers 1900.
On appelle mutation, toute modification héréditaire de l’information contenue dans l’ADN,
c'est-à-dire toute modification transmissible de l’ADN. Il suffit qu’une des bases azotées de
l’ADN soit transformée en une autre base pour qu’un gène soit muté.
Conséquence : la protéine synthétisée par un gène muté pourra être modifiée (ex. : HbS).
Lorsqu’un seul gène est concerné : on parle de mutations ponctuelles ou géniques. Lorsque
les altérations de l’ADN sont plus importantes et atteignent un segment de chromosome et
même un chromosome entier : on parle alors de mutations chromosomiques. Enfin, des
aberrations dans le nombre des chromosomes constituent des mutations génomiques.
Ces modifications du génome sont stables : elles sont reproduites telles quelles lors de la
réplication des chromosomes ; elles ne pourront à leur tour être changées que si une nouvelle
mutation intervient, qui reconstitue le génome initial ou s’en écarte encore davantage.
La mutation est un événement qui peut se produire dans toutes les cellules d’un organisme.
Les taux de mutation sont du même ordre de grandeurs (10-5) chez tous les êtres vivants.
Le calcul du taux de mutation est aisé pour une maladie dominante : il suffit de recenser tous
les enfants porteurs de la maladie et nés de parents normaux.
Ex. : achondroplasie.
8 sujets sur 94.075 étaient donc porteurs d’une néo-mutation ; soit 8 gènes/(94.075 x 2) =
0,0000425
taux de mutation spontanée au Danemark = 42.10-6
Dans le cas d’un gène récessif : les estimations sont plus difficiles et approximatives.
5.2.1. La polyploïdie
Elle consiste dans le fait qu'une cellule ou un organisme normalement diploïde présente un
nombre d'assortiments chromosomiaux complets supérieurs à deux. La polyploïdie naturelle
existe chez de nombreux végétaux. Les variétés polyploïdes sont généralement plus grandes et
plus productives que leurs ancêtres sauvages et présentent donc un intérêt économique certain.
Un grand nombre de nos plantes cultivées, les céréales par exemple sont tétraploïdes.
Les bananiers triploïdes produisent des fruits plus gros que les diploïdes mais dépourvus de
graines. En règle générale, les organismes qui ne possèdent pas un nombre pair de
chromosomes homologues deux à deux sont stériles car les méioses de gamétogenèse sont
profondément perturbées. C'est le cas pour tous les polyploïdes à nombre impair
d'assortiments chromosomiaux.
Chez les animaux, la polyploïdie est rare. Des organismes polyploïdes existent toutefois chez
quelques organismes inférieurs tels les vers plats, les sangsues et certains crustacés. Chez
beaucoup de ces organismes cependant, la reproduction est parthénogénétique et ne fait donc
pas intervenir de méiose.
La raison de la rareté des espèces polyploïdes chez les animaux réside vraisemblablement
dans la complexité du mécanisme de la détermination du sexe qui dépend surtout du rapport
numérique entre les différents types de chromosomes sexuels.
Chez l'homme, les fœtus polyploïdes avortent en cours de développement dans l'utérus. Il faut
néanmoins noter qu'un type de cellules somatiques : les hépatocytes deviennent spontanément
polyploïdes au cours du temps.
5.2.2. L'aneuploïdie
L’aneuploïdie se caractérise soit par la présence d’un chromosome surnuméraire, soit par la
perte d’un chromosome.
Un organisme (2n - 1) est qualifié de monosomique, un organisme (2n + 1) est qualifié de
trisomique. Les anomalies de type aneuploïdie sont dues, soit à la non disjonction des
chromatides lors de l'anaphase d'une mitose ou de la deuxième division de méiose, soit à la
non disjonction des chromosomes homologues lors de l'anaphase de la première division de
méiose (voir figure).
L'effet de dose est particulièrement marqué dans les cas d'aneuploïdes et ces accidents
provoquent généralement des anomalies phénotypiques importantes. La trisomie du
chromosome 21 par exemple, entraîne chez l'homme, le syndrome de Down qui se traduit par
un grave handicap. Les individus concernés sont retardés mentalement et présentent
généralement un pli épicanthique (mongoloïde), une carrure trapue et une sensibilité accrue
aux infections. La fréquence de la trisomie 21 en Europe est d’environ 0,15 % des naissances.
Toutefois, on sait depuis longtemps que le risque d'engendrer un enfant trisomique pour le
chromosome 21, augmente avec l'âge de la mère. Par ailleurs, des études récentes ont
démontré que les hommes âgés ont plus de chance d'engendrer des enfants trisomiques et cela
quel que soit l'âge de la mère.
La monosomie du chromosome 21 devrait logiquement se présenter avec la même fréquence
que la trisomie, or elle est inconnue. Ceci indique qu'elle entraîne sans doute la mort précoce
de l'embryon, en d'autres termes qu'elle est létale.
Remarque :
Les progrès récents dans la cartographie du génome humain ont permis d'identifier les gènes
qui doivent être trisomiques pour provoquer le syndrome. Il s'agit là d'une information
essentielle car elle doit permettre d'analyser et de comprendre la physiopathologie de
l'affection.
Chez l'homme, seuls deux autres cas de trisomies d'autosome permettent la survie après la
naissance. Il s'agit de la trisomie du chromosome 13, responsable du syndrome de Patau et de
la trisomie du chromosome 18 responsable du syndrome d'Edwards.
En fait, les enfants atteints de l'un de ces deux syndromes sont plus sévèrement handicapés, à
la fois mentalement et physiquement que dans le cas de la trisomie 21 et ne survivent
généralement que jusqu'à l'âge d'un an.
5.2.3. Le mosaïcisme
Si les délétions homozygotes sont généralement létales, ce qui suggère que la plupart des
régions d'un chromosome sont essentielles à la survie, à l'état hétérozygote, les délétions sont
les unes viables, les autres non viables.
Lorsqu'on examine les chromosomes de tels hétérozygotes en cours de méiose, on peut
détecter la région délétée par le défaut d'appariement des chromosomes homologues qui se
manifeste sous l'aspect d'une boucle formée par l'homologue normal.
Des boucles de délétion s'observent également sur les chromosomes polytènes de larves de
diptères où les homologues restent accolés en permanence.
La mutation notch wing est récessive et létale sous la forme homozygote. Dans un individu
hétérozygote délété pour l'allèle normal, le caractère "notch wing" s'exprime sans toutefois
entraîner la létalité. L'expression d'un gène récessif présent à un seul exemplaire est qualifié
de pseudodominance. En relevant l'emplacement de la boucle de délétion qui conduit au
Du point de vue de l'évolution, les duplications revêtent une grande importance parce qu'elles
apportent un surplus de matériel génétique, source éventuelle de nouvelles fonctions. En
outre, lorsqu'une partie du génome se duplique, l'une des régions ainsi dédoublée est libre
d'encourir des mutations car l'autre copie peut prendre en charge les fonctions essentielles de
la région considérée.
Tout comme les délétions, les duplications de certaines régions du génome peuvent produire
des phénotypes spécifiques. Par exemple, chez la drosophile, la mutation dominante Bar, qui
correspond à une duplication de la région 16 du chromosome X, produit un oeil de taille très
réduite. En effet, dans un œil normal, il existe environ 750 facettes pigmentées tandis que
dans un œil Bar, il n’y en a que 68.
Une inversion est un changement d'orientation à 180° d'un segment plus ou moins long de
chromosome.
Chez un hétérozygote contenant un chromosome affecté par une inversion et son homologue
normal, des effets génétiques et cytologiques importants se manifestent. Cependant,
puisqu'une telle anomalie ne provoque ni gain, ni perte de matériel génétique, de tels
hétérozygotes sont d'habitude parfaitement viables. La localisation cytologique du segment
inversé peut être visualisée dans des noyaux en division I de méiose grâce à la formation
d'une boucle d'inversion entre les homologues appariés.
La présence d'une inversion à l'état hétérozygote réduit le nombre de recombinants par deux
mécanismes, d'une part en inhibant l'appariement des chromosomes homologues dans le
voisinage de l'inversion et d'autre part en éliminant de manière sélective les produits des
crossing-over qui se forment au sein de la boucle d'inversion.
Dans le cas des translocations réciproques qui sont les plus fréquentes, l'échange de segments
entre chromosomes non homologues établit de nouvelles liaisons. En outre, les translocations
peuvent modifier considérablement la taille d'un chromosome ainsi que la position relative de
son centromère. De telles modifications provoquent de grosses difficultés d'appariement des
chromosomes homologues au niveau des segments transloqués. En outre, comme dans le cas
des inversions, l'existence de crossing-over dans les régions transloquées entraîne souvent la
formation de gamètes non viables.
Dans certains cas, une translocation réciproque peut produire un phénotype nouveau.
Chez les drosophiles, le gène w (white) responsable de la dépigmentation de l’œil est récessif
par rapport à l'allèle sauvage w+ . Les individus hétérozygotes ont donc le phénotype
sauvage, leurs yeux sont entièrement rouges. Toutefois, après translocation du gène w+ du
chromosome X sur un autre chromosome, les drosophiles hétérozygotes présentent des yeux
panachés rouges et blancs. Cette panachure résulte d'une situation où l'expression d'un gène
devient instable à la suite du changement de position qui résulte du remaniement.
On retrouve de tels effets de position provoqués par des translocations dans certains cancers
humains. Le lymphome de Burkitt, qui correspond à la cancérisation des cellules B,
productrices d'anticorps résulte d'une translocation entre le chromosome 8 cassé au voisinage
du protooncogène c-myc et le chromosome 14 portant certains gènes des immunoglobulines.
Après translocation, le protooncogène myc se retrouve sous le contrôle d’un promoteur du
chromosome 14, ce qui active l'oncogène et provoque le développement d'un cancer.
Autres exemples :
- le chromosome de Philadelphie
- le mongolisme par translocation
Le fait que des translocations ou des inversions puissent avoir des incidences phénotypiques
démontre qu'outre la nature des allèles, leur position sur le chromosome joue un rôle
génétique. C'est ce que l'on appelle "l'effet de position".
Le fait que la répétition d'un segment de chromosome puisse avoir une incidence
phénotypique montre qu'outre la nature des allèles, leur nombre, leur dosage par rapport aux
autres locus joue un rôle génétique. C'est ce que l'on appelle "l'effet de dose".
Lorsque de tels accidents chromosomiaux sont suffisamment étendus, ils sont, nous l'avons
vu, repérables lors de l'examen microscopique du caryotype. Il devient des lors possible de
repérer l'emplacement de certains locus sur les chromosomes métaphasiques.
Pour beaucoup d'espèces et notamment chez l'homme, ce repérage est rendu difficile par le
nombre de chromosomes et la petitesse de leur taille.
Par contre chez les diptères, certains organes larvaires contiennent des chromosomes géants
(polytènes) qui restent visibles en intercinèse. Ces chromosomes sont constitués de centaines
de chromatides jumelles étendues et liées côte à côte. De plus, dans ces noyaux
interphasiques, les chromosomes polytènes homologues restent accolés l'un à l'autre. Il en
résulte que toute anomalie topographique d'un de ces chromosomes : délétion, inversion ou
translocation se manifeste par une torsion de ce chromosome par rapport à son homologue
non muté, ce qui permet de repérer facilement l'étendue de l'anomalie.
Cette propriété permet d'établir la localisation précise d'une série de gènes sur le chromosome
et par conséquent de dresser une carte cytologique ou chromosomique. Compte tenu du
nombre réduit d'anomalies chromosomiques viables qui peuvent être détectées par
l'observation de caryotypes, la carte chromosomique est nécessairement moins complète que
la carte factorielle, mais elle présente l'avantage de reposer sur l'observation directe. En outre,
pour une espèce donnée, et pour la drosophile en particulier, la carte chromosomique a
permis :
- de confirmer la séquence des gènes déterminée par le calcul de fréquence des
crossing-over,
- de corriger et de préciser l'estimation des distances qui séparent les gènes sur un même
chromosome.
Remarque :
Les êtres humains se prêtent mal à l'analyse génétique traditionnelle. Il a donc fallu
développer d'autres méthodes pour cartographier le génome humain. Les techniques utilisées
relèvent de la génétique moléculaire et sont très diversifiées. Elles consistent notamment en
l'utilisation d'une multitude de sondes bien identifiées et clonées, qui hybridées avec de l'ADN
humain permettent de localiser un très grand nombre de gènes. Utopie en 1980, la
cartographie du génome humain est aujourd’hui pratiquement terminée.
Si la femme est enceinte et qu’elle présente une grossesse « à risque », il peut être décidé de
faire un caryotype des parents et du fœtus.
5.5.1. Amniocentèse
Pour pouvoir faire une culture de cellules et établir un caryotype, il faut prélever chez
l’individu des cellules vivantes, capables de se diviser. Chez le fœtus, on prélève des
« fibroblastes » qui proviennent du fœtus et qui baignent dans le liquide amniotique. Pour
prélever ces cellules, on procède à une ponction amniotique.
La ponction amniotique se fait généralement à l’aide d’une seringue qui perce la paroi
abdominale de la mère et pénètre jusque dans le sac amniotique du fœtus. Cette opération
n’est pas douloureuse et peut même se faire sans anesthésie locale.
Pour ne pas blesser le fœtus, il est nécessaire de le localiser avec précision dans la poche des
eaux par ultrasonographie. On prélève 10 à 20 ml de liquide amniotique dans lequel baignent
des fibroblastes.
La période idéale pour faire une ponction amniotique se situe entre la 14ème et la 16ème
semaine de grossesse : à ce moment, la quantité de liquide amniotique est suffisante (environ
125 ml) ; au-delà de cette période l’aptitude des cellules à se diviser en culture décroît
régulièrement.
Une ponction amniotique n’est jamais sans risque (risque de fausse couche : ± 0,5%) : ce
risque doit toujours être mis en balance avec le risque d’avoir un enfant anormal.
5.5.2. Choriocentèse
5.5.3. Cordocentèse
Le prélèvement direct de sang fœtal au niveau du cordon ombilical est réalisable dès la 20ème
semaine de gestation.
La séquence des bases d'une molécule d'ADN peut être mutée par substitution, insertion ou
délétion d'un ou de quelques nucléotides. L'altération la plus commune est la substitution.
Parmi les mécanismes physiques et chimiques qui peuvent causer des mutations, la tautomérie
joue un rôle tout particulier. Certaines molécules et notamment les bases azotées ne présentent
pas en permanence la même structure spatiale, mais peuvent exister sous diverses formes dites
"tautomères".
Dans des conditions définies, une des formes tautomères est cependant plus probable tandis
que la transition vers l'autre forme est un événement rare et fugace.
Les formes tautomères moins probables des bases n'ont pas les mêmes propriétés que les
formes les plus probables notamment en ce qui concerne l'établissement de liaisons hydrogène
entre elles.
Si par exemple la forme habituelle de la guanine, qui est une cétone, constitue trois liaisons
hydrogène avec la cytosine, la forme rare qui est une énol constitue trois liaisons hydrogène
avec la thymine.
Il en résulte que si au moment de la réplication, une guanine se trouve dans la forme énol, la
chaîne complémentaire contiendra un T à la place d’un C (voir schéma).
Remarque :
La fréquence de l’une ou l’autre forme tautomère dépend des caractères physico-chimiques du
milieu. La fréquence relative des deux formes peut être modifiée par certains agents, tels les
UV, les rayons X, l’acide nitreux. De tels agents sont qualifiés de mutagènes.
La tautomérie est à l'origine de nombreuses mutations par substitution dont les conséquences
peuvent être très diverses. En effet, le remplacement d'une base au niveau de l'ADN modifie
le codon correspondant soit en :
- un codon synonyme, c'est-à-dire codant pour le même AA (1)
- un codon définissant un AA différent (2)
- un codon stop.
Dans le premier cas, l'effet de la mutation sur la synthèse de la protéine est nul. La mutation
échappera à toute observation autre que l'analyse séquentielle de l'ADN ou de l'ARN. Une
telle mutation est qualifiée de mutation muette.
Les conséquences du remplacement d'un acide aminé par un autre sont plus ou moins
importantes et dépendent du type de remplacement.
Prenons à titre d'exemple, l'une des maladies graves de l'hémoglobine : la drépanocytose ou
anémie à cellules falciformes. La drépanocytose résulte du remplacement du sixième acide
aminé de la chaîne ß de l'hémoglobine, normalement l'acide glutamique qui est un acide
aminé polaire par la valine qui est un acide aminé non polaire. Au niveau de l'ADN, la
mutation consiste dans la substitution du triplet CTC par le triplet CAC. L'hémoglobine mutée
est appelée HbS et la chaîne mutée S.
Dans ce cas, le remplacement de l'acide glutamique par la valine modifie profondément les
propriétés de l'hémoglobine. En effet, l'HbS désoxygénée forme de longues fibres rigides qui
déforment les globules rouges en faucille. Cette déformation résulte du fait que la valine
insérée en position 6 entre en contact avec d'autres acides aminés non polaires (la leucine en
position 88 et la phénylalanine en position 85) d'une chaîne S appartenant à une autre
molécule d'hémoglobine. Ce contact provoque l'établissement de liaisons hydrophobes,
l'expulsion de l'eau qui entoure les molécules dans la zone de contact et la polymérisation des
molécules d'HbS.
Il faut toutefois noter que la polymérisation ne se produit qu'une fois l'oxygène largué par
l'HbS au niveau des capillaires. C'est dès lors l'obstruction des capillaires par des globules
rouges déformés qui provoque les crises d'anémie.
Le troisième type de substitution entraînant l'apparition prématurée d'un codon stop dans
l'ARNm conduira à la synthèse d'une molécule tronquée à activité modifiée, réduite ou nulle.
Un exemple caractéristique de ce type de substitution est celui de la thalassémie.
La thalassémie est le nom générique donné à un ensemble de maladies génétiques
caractérisées par l'absence ou l'insuffisance de production d'une des deux chaînes de
l'hémoglobine. Parmi les mutations responsables, on en connaît deux qui correspondent soit à
la mutation du codon 17, soit à la mutation du codon 39 de la chaîne ß en un codon stop, ce
qui dans les deux cas entraîne la synthèse d'une protéine fortement tronquée.
La mutation du codon 17 est caractéristique de la thalassémie chinoise, celle du codon 39 de
la thalassémie méditerranéenne.
L'hexosaminidase A est une enzyme lysosomiale qui dégrade le ganglioside GM2. Elle est
constituée d'une sous-unité et d'une sous-unité ß. L'une des 40 formes du syndrome de Tay
Sachs résulte de l'insertion de 4 paires de base dans la sous-unité . Cette insertion entraîne
un décalage de lecture aboutissant à un codon stop, 9 nucléotides en aval, c'est-à-dire de
manière tout à fait prématurée.
Les mutations sont aléatoires, c'est-à-dire qu'elles se produisent au hasard. Ceci ne signifie pas
qu'il existe pour cet événement une cause qui soit le hasard. Dire qu'un événement se produit
au hasard signifie du point de vue scientifique :
a) qu'il est lié à une causalité trop complexe pour qu'il soit possible d'analyser
complètement cette causalité,
b) qu'il survient d'une manière qui n'est pas individuellement prévisible,
c) qu'il survient dans des conditions définies, avec une fréquence reproductible, qui
peut donc être connue par l'observation ou l'expérience.
Tous les rayonnements dont la longueur d’onde est inférieure à une certaine valeur située dans
l’ultraviolet (= radiations ionisantes)
Ex. : ultraviolets, rayons X, rayonnements émis par les substances radioactives.
Sources naturelles
Rayons cosmiques
Radiations produites par les champs magnétiques qui se forment autour des étoiles. Ces
champs magnétiques confèrent une très grande vitesse aux particules interstellaires (protons,
neutrons, électrons, etc.). Lorsque ces particules atteignent l’atmosphère terrestre et la
traversent, elles émettent un rayonnement de haute énergie.
L’intensité de ce rayonnement varie avec l’altitude : elle est deux fois moins forte au niveau
de la mer qu’à 3.000 m. Elle est aussi plus grande aux pôles qu’à l’équateur.
Parmi les éléments chimiques qui constituent notre organisme, certains (en faible
pourcentage) sont radioactifs comme l’isotope 14 du Carbone (14C) ou l’isotope 40 (40K) du
Potassium. Les ossements ont la capacité de concentrer des éléments radioactifs comme le
Radium, le Strontium ou le Césium.
5.8.3. Discussion
Les radiations ionisantes sont les agents mutagènes les mieux connus actuellement, par les
expérimentations que l’on a pu faire sur les animaux et par les observations rassemblées sur
l’homme lui-même, qui concernent plusieurs centaines de milliers de sujets fortement irradiés
(malades traités par radiothérapie, médecins radiologues, manipulateurs d’appareil de
radiologie, survivants de Nagasaki et d’Hiroshima, ouvriers des mines d’uranium, etc.).
Si les irradiations aigues ont des conséquences extrêmement graves, l’exposition à de faibles
doses ne doit pas être considérée a priori comme inoffensive.
La dose de radiations reçue par chacun tout au long de son existence, varie énormément
d’un individu à l’autre. Elle dépend de la région où il habite, du métier qu’il exerce, de son
état de santé, etc.
Il essayera d’établir une dose seuil à ne pas dépasser si l’on veut éviter l’accroissement
du taux de mutation.
La CIPR (1977) et la CEE (1980) recommandent la dose maximale permise pour un membre
du public et pour un travailleur (en plus du fond naturel). En 1987, ces doses ont été
abaissées.
CHAPITRE VI
SELECTION, APTITUDE ET ADAPTATION
La sélection naturelle est le processus dans lequel la reproduction de certains individus ayant
des caractères particuliers est favorisée par les conditions auxquelles la population est
exposée.
Ce mécanisme évolutif a été défini pour la première fois par Darwin en 1856. Il a inventé le
terme de «sélection naturelle » en opposition au terme de « sélection artificielle » utilisé par
les éleveurs.
Dans le domaine de l’évolution, le terme aptitude (fitness en anglais) désigne le rapport entre
le nombre de descendants de l’organisme considéré et le nombre moyen de descendants des
membres de la population.
Si l’excès de fécondité est un phénomène universel, même pour les organismes à très faible
taux de reproduction, d’une manière tout à fait générale, un nombre très restreint de jeunes
arriveront à l’âge de la reproduction.
Citons à titre d’exemples le cas de l’éléphant et celui du cabillaud.
L’éléphant est reconnu comme l’animal dont la reproduction est la plus lente et malgré cela,
l’éléphant produit plus de jeunes qu’il n’en peut survivre. Imaginons qu’une femelle éléphant
commence à se reproduire à 30 ans et continue à procréer jusqu’à 90 ans en ne produisant
dans cet intervalle que 6 jeunes. A ce rythme, un bref calcul permet d’estimer qu’au terme de
750 ans, il y aurait 19 millions d’éléphants descendant de cette femelle et qu’après 1200 ans,
la terre entière serait couverte d’éléphants disposés épaules contre épaules et tête contre
queue.
Chez le cabillaud commun, dont la femelle pond 2 à 5 millions d’œufs par an, le massacre
commence aussitôt après la ponte. Environ 99% des œufs meurent au cours des premiers mois
de leur existence et 90% des survivants avant l’âge de un an.
De fait, dans une population numériquement stable, quelque soit le taux de fécondité, une
femelle ne produit finalement que deux descendants adultes.
C’est l’excès de fécondité qui est à l’origine de la lutte pour la survie, car la nourriture et
l’espace sont limités.
L’excès de fécondité et la compétition qui s’ensuit constituent dans toutes les espèces le point
de départ du processus que Darwin a appelé la sélection naturelle.
Pour qu’il puisse y avoir sélection naturelle, quatre conditions doivent être retenues.
1. Il faut que les organismes se reproduisent pour engendrer une nouvelle génération
(reproduction)
2. Il faut que la génération filiale soit globalement semblable aux parents (hérédité)
3. Il doit exister un certain polymorphisme des caractères héréditaires au sein de la
population.
4. Il faut une différence d’aptitude entre organismes corrélée à la variabilité qu’ils
présentent pour un caractère héréditaire donné, en d’autres termes, il faut que certains
caractères héréditaires confèrent à leur porteur une probabilité de reproduction plus élevée
que celle de ceux qui en sont dépourvus.
Remarque :
L’évolution vers des formes mélaniques s’est produite pour de nombreuses autres espèces de
papillons nocturnes, mais le cas de Biston betularia reste le mieux étudié.
On sait aujourd’hui que la situation est plus compliquée et qu’il n’y a pas un mais trois allèles
du mélanisme. On a constaté par ailleurs que la distribution géographique du mélanisme ne
colle pas tout à fait avec l’hypothèse simple de la prédation.
En 1980, Creed et al. ont rassemblé toutes les mesures faites en laboratoire sur la survie des
phalènes jusqu’à l’âge adulte. Leurs analyses ont fait apparaître qu’au laboratoire, en dehors
de toute prédation, la viabilité de la forme claire est inférieure de 30% à celle de
l’homozygote mélanique. La raison n’est pas connue, mais montre qu’il y a un avantage
“intrinsèque” au génotype mélanique.
Le dernier facteur à prendre en compte est la migration chez les papillons de nuit, les mâles
pouvant parcourir de grandes distances à la recherche des femelles. Cette migration peut
expliquer pourquoi des papillons mélaniques se trouvent dans des régions non polluées et
pourquoi des formes claires persistent dans les régions polluées où elles sont moins bien
camouflées.
L’exemple de la phalène du bouleau nous permet de montrer à propos d’un cas précis que la
sélection naturelle explique tout à la fois l’évolution, en l’occurrence le remplacement
progressif de la forme sauvage par la forme mélanique et l’adaptation qui résulte du degré
supérieur d’aptitude de la forme mélanique.
Dans un milieu changeant, la sélection naturelle conduit donc à l’évolution. Dans un milieu
constant, elle agirait de même pour autant qu’il apparaisse une forme nouvelle dont l’aptitude
dépasse celle des formes existantes.
Une version de la théorie de l’évolution soutient d’ailleurs que la sélection naturelle -que nous
avons vue à l’œuvre durant moins d’un siècle sur la phalène du bouleau- est aussi le processus
qui sur une échelle de temps beaucoup plus vaste (3,5 x 109 années) a mené à toute la
diversification des êtres vivants à partir d’un ancêtre unique.
La croissance d'une cellule bactérienne suivie de sa division en deux cellules filles est le mode
de reproduction usuel chez les bactéries.
Leur temps de génération, c'est-à-dire le temps nécessaire pour engendrer une nouvelle
génération, varie avec les conditions du milieu où elles prolifèrent. A 37°C, il est de l'ordre de
20 à 30 minutes pour E. coli.
Au cours du processus de croissance, tous les constituants de la cellule se sont soit multipliés
(ADN, plasmides, ribosomes) soit étendus (membrane, paroi).
Lorsque la bactérie a atteint un volume critique, elle s'étrangle en son milieu, les deux
écheveaux d'ADN résultant de la réplication se ségrègent tandis que la paroi se cloisonne sans
perdre sa cohésion mécanique.
La vitesse de réplication de l'ADN chez les bactéries mérite d'être soulignée. En effet, la
boucle d'ADN comportant 3,6.106 paires de nucléotides, sa réplication en 20 minutes
implique la copolymérisation de 3000 nucléotides par seconde.
A l'issue de la division binaire, les deux cellules filles auront, sauf mutation, le même
patrimoine génétique, ce patrimoine étant par ailleurs identique à celui de la cellule qui leur a
donné naissance.
Tous les individus descendant d'une même cellule mère et partageant le même matériel
génétique constituent un clone.
La courbe de croissance d'une population bactérienne en fonction du temps affecte une forme
sigmoïde. Elle peut être décomposée en quatre phases : une phase de latence, une phase de
croissance exponentielle, une phase de décélération et une phase de stagnation.
La phase de croissance exponentielle est celle au cours de laquelle les bactéries doublent en
nombre à chaque temps de génération. Cette phase de croissance peut être traduite par
l'équation
Nt
Nt = N02rt ou log2 = rt
N0
dans laquelle
Nt = nombre de bactéries au temps t
No = nombre de bactéries au temps to
r = nombre de générations par unité de temps
t = temps total (exprimé en heures)
dN
Pendant toute cette phase, l'accroissement de la population est proportionnel à son
dt
effectif
dN
= rN
dt
Dans un milieu défini et non renouvelé, on appelle capacité portante K, l'effectif maximum
que la culture peut atteindre.
Pendant la phase exponentielle de la croissance, l'effectif N est petit par rapport à K. Mais au
fur et à mesure que l'effectif augmente et donc se rapproche de la capacité portante, la vitesse
d'accroissement diminue jusqu'à devenir nulle lorsque N = K.
L'équation la plus simple qui rende compte de ce phénomène est appelée "équation
logistique" :
dN K-N
= rN
dt K
La phase de stagnation est celle pour laquelle N=K, c'est-à-dire que l'effectif a atteint la
capacité portante. Cette phase apparaît lorsque un des facteurs essentiels du milieu est épuisé;
ce facteur est qualifié de limitant. A ce stade, la population bactérienne cesse de croître, sauf
si on renouvelle le milieu. Après un certain temps, les bactéries vont suivant les espèces soit
mourir, soit sporuler.
Elle peut subsister à l'état de vie latente pendant des temps parfois considérables. Ce n'est que
lorsque les conditions de milieu redeviennent favorables que la spore "germe".
La sporulation constitue un mode de dissémination bactérienne très important.
Remarques :
1) Dans les meilleures conditions, pour E. coli, l'effectif maximum, c'est-à-dire la capacité
portante est de 5.109 bactéries par millilitre.
2) Il faut noter que s'il n'y avait pas de limitation due à l'appauvrissement du milieu et à son
intoxication par les produits de déchets du métabolisme, pour E. coli, cultivée à 37°C avec un
temps de génération de 20 minutes, on obtiendrait après 24 heures, 272 bactéries et après 48
heures, 2144 bactéries. En d’autres termes, si l’on considère que le poids moyen d’une bactérie
est de 2,10-12 g, après 24h de multiplication exponentielle, la masse bactérienne atteindrait
environ 9000 tonnes et après 48 h, elle serait égale à 10.000 fois la masse de la terre.
Les milieux minimums : ce sont des milieux très simples qui ne comportent que :
H20
les cations : Na+, K+, Mg++, Ca++ et NH4+ comme source d'azote
les anions : Cl-, SO4--, PO4---
Les milieux complets : il s'agit de milieux qui comportent outre les constituants d'un milieu
minimum, tout un assortiment d'acides aminés et de bases azotées.
Les milieux spéciaux : ces milieux sont destinés à tester tantôt la sensibilité d'une souche
bactérienne à un facteur donné, par exemple sa sensibilité à un antibiotique, tantôt sa capacité
à synthétiser un élément essentiel.
Ces milieux sont dès lors de deux types. Dans le premier cas, il s'agit de milieux auxquels on
ajoute la substance à tester, dans le deuxième cas, il s'agit généralement de milieux dont on
soustrait un élément.
Les milieux de culture bactérienne peuvent être soit liquides soit consolidés.
Les milieux liquides sont essentiellement destinés à faire de la culture en masse. Dans de
bonnes conditions, par exemple en chémostat, on peut obtenir jusqu'à 50 litres de culture. Si,
comme c'est le cas pour E. coli, la capacité portante est de 109 bactéries par millilitre, on
pourra obtenir de 1013 à 1014 bactéries au total.
Dans un tel système, la masse de bactéries s'élève à plusieurs dizaines de grammes, ce qui
permet d'effectuer aisément de multiples analyses biochimiques.
Les milieux consolidés sont des milieux de culture auxquels on a ajouté un gel
macromoléculaire. Le gel le plus couramment utilisé est la gélose ou agar agar qui est un
polymère du galactose extrait de certaines algues. Ce polymère présente l'avantage de ne pas
être dégradé par les bactéries.
Si l'on veut analyser ces clones du point de vue biochimique, ou d'une résistance à un
antibiotique, on pourra prendre une empreinte des clones de cette boîte à l'aide d'un tampon de
velours et transplanter cette réplique sur une nouvelle boîte contenant le milieu adéquat.
Remarque :
La technique des dilutions permet également de déterminer la concentration bactérienne d'un
milieu liquide. Pour ce faire, il suffit de prélever des échantillons d'une série de dilutions
séquentielles, de les étaler sur un milieu consolidé en boîte de Petri et de dénombrer les
colonies qui s'y développent.
Exemple : l’achondroplasie
Chez les femmes achondroplases, les malformations du bassin osseux sont telles que la
naissance de leurs enfants s’accompagne d’un risque élevé de mortalité périnatale.
Dans ce cas, il est relativement aisé de quantifier l’importance des forces sélectives. Pour cela,
on utilise le coefficient de sélection.
Ainsi, on a pu calculer pour les achondroplases qu'ils avaient cinq fois moins d'enfants que les
individus normaux.
Soient
aa Aa AA
1 1/5 1/5
Si A = gène dominant anormal
W = 1,0 0,2 0,2
et a = gène récessif normal
- Adaptation à la sécheresse
- Adaptation au froid
- Adaptation à la prédation : mimétisme, camouflage ...
Forme de sélection naturelle qui s’observe lorsqu’il existe des différences entre les individus
en ce qui concerne leur capacité à rivaliser pour se reproduire (compétition sexuelle) ou leur
attractivité pour les membres du sexe opposé (choix du partenaire sexuel).
Quand ces différences sont associées à des différences génétiques, la sélection sexuelle
entraîne des changements de la fréquence des gènes dans la population.
Mécanisme de sélection basé sur la possession de gènes communs qui amène un individu à
favoriser un apparenté en matière de survie ou de reproduction.
(W.D. Hamilton, 1964, 1972).
CHAPITRE VII
GENETIQUE MENDELIENNE
7.8 Epistasie
Dès la haute Antiquité, les hommes ont compris que les plantes et les animaux héritent de
certaines caractéristiques de leurs parents; ils savaient que les enfants ressemblent à leurs
parents, ils sélectionnaient le bétail le plus productif et conservaient le meilleur grain pour les
semailles. Ce n'est toutefois que depuis le début du XXe siècle que la culture et l'élevage se
sont appuyés sur des bases scientifiques.
La génétique des eucaryotes est l'étude des modes de transmission des caractères héréditaires
des parents à leur progéniture. Elle est fondée sur les travaux du moine morave Gregor
Mendel (1822-1884) dont la contribution la plus importante est probablement d'avoir
pressenti que les caractères sont transmis sous forme de facteurs particulaires.
Trois raisons, au moins, expliquent que Mendel réussit à découvrir les lois de l'hérédité, alors
que tant d'autres avant lui avaient échoué.
1) Mendel avait étudié la théorie des probabilités et par conséquent, savait combien il est
important de travailler sur de grands nombres pour minimiser les erreurs d'échantillonnage.
2) Au cours de ses expériences, il commença par étudier la transmission d'un seul trait à la
fois à travers de nombreuses générations.
3) Mendel a travaillé sur un matériel biologique particulièrement favorable : le petit pois
Pisum sativum qui présente au moins sept traits dont l'expression est facile à suivre de
génération en génération et qui existent sous la forme sauvage et sous une forme mutée :
Mendel a conclu de ses expériences d'hybridation artificielle que certains caractères sont
transmis comme s'ils étaient déterminés par des particules existant en deux exemplaires dans
les cellules somatiques et en un exemplaire unique dans les gamètes.
Ces conclusions l'ont amené à énoncer les lois d'association et de dissociation des caractères
qui aujourd'hui encore constituent la base de la génétique des eucaryotes.
Le modèle théorique formulé par Mendel, témoigne d'une intuition d'autant plus remarquable
que lors de la publication de ses travaux en 1866, on ne connaissait ni le mécanisme de la
fécondation des plantes, ni la mitose, ni la méiose, ni les mutations, ni l'existence des gènes.
C'est sans doute la raison pour laquelle il a fallu attendre le début du XXe siècle pour que les
biologistes "redécouvrent" les lois d'association et de dissociation des caractères énoncées
par Mendel. L'un d'eux, le botaniste hollandais Hugo De Vries devait d'ailleurs les enrichir de
la notion de mutation. Toutefois, après Mendel, la contribution majeure à la génétique des
eucaryotes reste celle de l'américain T. H. Morgan (Prix Nobel en 1933) qui, dès 1910,
entreprit l'étude génétique de la mouche du vinaigre : Drosophila melanogaster. Morgan et
son école, en étudiant systématiquement la transmission des mutations de cette espèce ont pu
préciser la localisation des gènes sur les chromosomes. C'est enfin A. H. Sturtevant qui en
1913 découvrit le crossing-over pressenti par Morgan.
7.2.1. Définitions
Les caractères dont nous pouvons étudier la transmission chez les eucaryotes sont très
complexes. Ils peuvent être anatomiques, physiologiques, biochimiques ou même
comportementaux. D'un individu à l'autre, ils peuvent présenter des variations qualitatives
discontinues ou continues.
La grande majorité des cellules somatiques eucaryotes sont diploïdes, ce qui signifie qu'elles
possèdent deux assortiments complets de chromosomes, l'un hérité du père, l'autre de la mère.
Ces deux assortiments sont dits homologues. Deux chromosomes homologues portent les
mêmes locus.
Un locus est le site qu'occupe sur un chromosome, un gène déterminant un trait particulier.
Les gènes forment des paires comme les chromosomes qui les portent.
Un trait génétique peut exister sous 1, 2 ou plusieurs formes différentes dites allèles, comme
par exemple le caractère antigénique des globules rouges; A, B, O.
Les allèles sont donc différentes variantes d'un même gène pouvant occuper un même locus.
La forme la plus fréquente est qualifiée de sauvage, les autres de mutées.
Dans certains cas, le phénotype de l'hétérozygote est semblable à celui de l'un des
homozygotes. L'allèle correspondant à cet homozygote est dit dominant par rapport à l'autre
qui est dit récessif.
Remarque :
La plupart des mutations déterminent des allèles récessifs. Cette situation est souvent difficile
à expliquer au niveau moléculaire sauf dans quelques cas simples comme la couleur du pelage
de la souris par exemple. La synthèse du pigment gris implique la transformation d'un substrat
par une enzyme. Une mutation de cette enzyme empêche la synthèse du pigment. Dès lors,
chez un individu homozygote pour ce gène muté, il n'y aura pas de pigment, la fourrure sera
blanche.
Chez un individu hétérozygote, le gène sauvage dirigera la synthèse de l'enzyme. Si la
production de cette enzyme est suffisante, le phénotype sera sauvage et l'allèle sauvage sera
dominant. Si toutefois, une seule copie du gène sauvage n'assure pas une production
enzymatique suffisante, le phénotype de l'hétérozygote sera différent du phénotype sauvage
dominant. Dans un tel cas, on parle en général de codominance.
On représente un gène par un sigle qui est en général une abréviation du nom de la mutation
qui a permis de le localiser. Chez la drosophile par exemple : "vg" désigne un gène muté
responsable de la formation d'une aile fortement réduite, dite vestigiale. L'allèle non muté de
ce gène, correspondant à l'aile non déformée d'une drosophile sauvage est représenté par le
même sigle, affecté de l'indice " + " : " vg+ ".
On représente par une "barre de fraction" une paire de chromosomes homologues, les gènes
d'un même chromosome s'écrivant d'un même côté de la barre.
vg + b
Exemple : = individu hétérozygote pour vg et pour b.
vg b +
Ces gènes étant portés par la même paire de chromosomes, un des chromosomes porte l'allèle
sauvage "vg+" et l'allèle muté "b" , tandis que son homologue porte l'allèle muté "vg" et
l'allèle sauvage "b+" .
+
(b = black, c'est-à-dire corps noir).
Remarque :
Les gènes « vg » et « b » sont portés par le chromosome 2, le gène « e » est porté par le
chromosome 3.
Si les gènes sont portés par deux paires distinctes de chromosomes, la barre de fraction est
discontinue.
vg + e +
Exemple : = individu hétérozygote pour vg et pour e+
vg e
(e+ = ébony, c'est-à-dire corps d'ébène).
Le phénotype est représenté entre crochets [ ] . Exemple : [vg] désigne un individu qui a les
ailes vestigiales tandis que [vg+] désigne un individu à ailes normales.
Il faut toutefois noter que, vg étant récessif, le phénotype [vg+] peut correspondre à deux
vg + vg +
génotypes différents soit + soit
vg vg
Remarque :
La génétique humaine utilise fréquemment un symbolisme qui lui est propre et qui peut être
schématisé comme suit :
Ayant formulé des hypothèses sur la constitution génotypique des parents, on peut calculer la
fréquence des divers génotypes dans la population des gamètes f (gP) produits par ces
Le point de départ de ces calculs de fréquence est basé sur le fait que dans une méiose
normale, une paire d'allèles se trouve dissociée entre deux gamètes, de telle sorte que si la
cellule diploïde était homozygote pour le gène considéré, la fréquence des gamètes portant le
gène soit égale à 1, tandis que si la cellule diploïde était hétérozygote pour le gène considéré,
les fréquences des gamètes portant l'un allèle ou l'autre sont égales entre elles, donc égales à
1/2
Dans l'exposé qui suit, les lois de la transmission génétique sont exprimées en termes très
abstraits, le plus souvent sans référence à un caractère particulier d'une plante ou d'un animal,
notre but étant de montrer le mode de raisonnement de la génétique.
a+ a
P : [a+] = x [a] =
a+ a
f (gP) : a+ = 1 et a = 1
a+
F1 : = 1 1 = 1
a
a+
c'est-à-dire que tous les descendants seront , donc [a+]
a
Il s’agit là de la première loi de Mendel que l’on peut énoncer comme suit :
« Quand on croise deux individus qui diffèrent par un caractère, tous les produits de première
génération sont tous identiques entre eux et différents des parents »
La 1ère loi de Mendel s’appelle également « loi d’uniformité des hybrides de première
génération »
a+ a+
Les individus et + ont tous le phénotype [a+]
a a
a
P: [a+] [a] =
a
a+ a+
Si [a ] =
+
Si [a ] = +
+
a a
a+ 1 1 + a+
F1 = ×1 = a F1 = 1 × 1 = 1 a+
a 2 2 a
a = 1 1
×1 = a
a 2 2
a+
En d'autres termes si toute la progéniture a le phénotype [a+], le parent était homozygote + .
a
Au contraire, si la moitié de la progéniture a le phénotype [a+] et l'autre moitié le phénotype
a+
[a], le parent était hétérozygote .
a
a+ a+
P: [a+] = x [a+] =
a a
a 1 1 1
= × = a
a 2 2 4
a+ 1 1 1 +
= × 2 = a
a 2 2 2
1 1 1 3
La fréquence des phénotypes est donc a = et a+ = .
4 4 2 4
Cela éclaire la 2ème loi de Mendel sur la ségrégation des caractères selon laquelle « les
hybrides croisés entre eux donnent des descendants différents les uns des autres. A côté
d’individus identiques à leurs parents, on voit réapparaître –dans un pourcentage fixe de cas-
des sujets qui portent les mêmes caractères que les grands-parents ».
En accord avec les deux premières lois de Mendel, on voit donc bien :
- que les deux gènes (ou « facteurs » de Mendel) qui contrôlent un caractère se ségrègent
lors de la formation des gamètes ;
- et que, du fait de la recombinaison des paires de gènes à la fécondation, les phénotypes
des enfants peuvent être différents de ceux des parents, et ce, dans des proportions
particulières qui seront toujours les mêmes suivant les cas.
Par exemple, dans le cas de co-dominance, on aura toujours chez les descendants des
hétérozygotes : ¼ d’homozygotes pour un allèle, ¼ d’homozygotes pour l’autre allèle et ½
d’hétérozygotes.
Introduction
On connaît pour l'espèce humaine plus d'une vingtaine de systèmes sanguins érythrocytaires1.
Le système MN est l'un d'eux.
L'appartenance à un groupe sanguin trouve son origine dans des substances complexes
(macromolécules) qui sont situées sur la surface de la membrane cellulaire des globules
rouges.
Dans le cas du système sanguin MN (découvert en 1927 par Landsteiner et Levine), ces
macromolécules peuvent être de deux types : M ou N.
Elles sont élaborées grâce à l'information génétique contenue sur le chromosome 2.
Certains individus portent uniquement des macromolécules de type M (phénotype M ),
d'autres uniquement de type N (phénotype N ), d'autres encore ont à la fois des
macromolécules M et N (phénotype MN ).
Si on inocule du sang humain à un lapin, il va réagir en fabriquant des anticorps contre les
molécules M et/ou N étrangères. Ces molécules sont donc des antigènes.
Les anticorps produits dans ce cas par le lapin peuvent être de trois types suivant la nature du
sang humain inoculé.
Si on isole ensuite le sérum du lapin et si on mélange ce sérum avec des échantillons de sang
humains à analyser, le mélange s'agglutinera ou ne s'agglutinera pas suivant le cas.
Par ce type de réaction anticorps-antigènes, il est donc aisé de déterminer l'appartenance d'un
individu à l'un des trois groupes sanguins.
Le système sanguin MN est régi par une paire de gènes dont les allèles sont M et N.
Trois génotypes sont possibles : MM, MN et NN.
A chacune de ces génotypes correspond un phénotype ; ces trois phénotypes sont : M , MN
et N .
On dit que les gènes allèles M et N sont codominants : à chaque génotype correspond un
phénotype.
Ces gènes sont transmis héréditairement suivant les lois de Mendel.
3. Si un phénotype peut être réalisé par plusieurs génotypes différents, sa fréquence est égale à la somme
des fréquences de ces génotypes.
Quand on connaît les génotypes des parents participant à un croisement, on peut prédire les
génotypes de leur progéniture, ainsi que le rapport dans lequel ils apparaissent grâce à
l'échiquier de Punnett.
Pour construire cet échiquier, on prépare une colonne pour chacun des groupes d'allèles
présents dans les gamètes d'un parent et une rangée pour chacun des groupes d'allèles présents
dans les gamètes de l'autre parent. On remplit ensuite les cases en combinant les allèles
fournis par les gamètes mâles avec ceux fournis par les gamètes femelles.
vg e+ vg + e+
Exemple : croisons .
vg + e vg e
vg = aile vestigiale (sur le chromosome 2)
e = corps ebony (sur le chromosome 3)
vg e + vg + e + vg e vg + e
vg e
vg + e + ,
vg + e +
vg e +
+ vg + e +
vg e ,
vg + e
vg e vg + e
,
vg e
Les combinaisons obtenues en remplissant toutes les cases montrent les génotypes possibles
de la génération filiale. Si on sait que l'un des allèles domine l'autre ou que les allèles sont
codominants, on peut aussi prédire les phénotypes.
Il s’agit ici de la 3ème loi de Mendel : « Si l’on croise des individus différant non plus par un,
mais par plusieurs caractères, ces caractères sont hérités indépendamment les uns des autres
et se trouvent associés chez les descendants selon les seules lois du hasard ».
Cette loi n’est pas aussi universelle que les deux autres : on sait aujourd’hui qu’elle ne joue
que pour des caractères portés par des paires de chromosomes différentes.
Si cette méthode d’échiquier est commode lorsque l'on étudie la transmission d'un petit
nombre d'allèles, en revanche elle engendre de grandes difficultés dès que n est supérieur à
3 , car le nombre de cas à considérer un par un augmente exponentiellement avec n.
En effet,
- chaque parent peut produire 2n gamètes combinant les allèles considérés de manière
différente,
- ces gamètes peuvent conduire à 22n combinaisons dans les zygotes,
parmi ces combinaisons, chaque paire d'allèles peut se présenter sous trois combinaisons
a+ a+ a
génotypiques +
, et .
a a a
Il y a donc au total 3n génotypes différents.
Ce qui importe en général, lorsque l'on étudie la descendance d'un croisement, c'est de
connaître la fréquence d'un génotype ou d'un phénotype particulier.
Pour ce faire, il suffit de calculer directement la fréquence d'un génotype ou de plusieurs
génotypes débouchant sur un phénotype identique à partir des probabilités d'apparition de
chaque type de gamètes.
Exemple : on veut connaître à partir du croisement
a+ b a + b+
P: , ,
a b a+ b
a+ b
la fréquence du génotype , et la fréquence du phénotype correspondant [a+ b]
a b
a+ = 1/2 et a+ = 1
a = 1/2 b+ = 1/2
b =1 b = 1/2
a+ b 1 1 1
et la fréquence en F1 de , sera égale à 1 1 .
a b 2 2 4
a+ b a+ b
, (fréquence ¼) et , (fréquence ¼)
a b a+ b
Les règles appliquées dans l'exemple développé ci-dessus peuvent s'énoncer comme suit :
1. La fréquence d'un génotype comportant n paires d'allèles indépendants est le produit de la fréquence
de chaque paire d'allèles
2. La fréquence d'un phénotype comportant n caractères indépendants est la somme des fréquences des
génotypes correspondant à ce phénotype.
Le linkage ou transmission des gènes localisés sur un même chromosome a été abondamment
étudié par Morgan et ses élèves chez la drosophile. Leurs observations les ont amenés à
dégager un des concepts génétiques les plus importants : celui de la disposition linéaire des
gènes sur les chromosomes.
7.4.1. Linkage
Soit au départ des individus [a+ b+] et [a b] dont nous savons par une étude antérieure qu'ils
sont homozygotes mais pour lesquels nous ignorons si les locus a et b sont portés par la même
paire de chromosomes ou par des chromosomes indépendants. Quelle que soit la situation, le
croisement donne en F1 100 % d'individus [a+ b+] hétérozygotes.
Croisons ces hétérozygotes avec des [a b] (test du back cross).
Compte tenu de la ségrégation aléatoire des chromosomes, si a et b n'étaient pas liés nous
devrions obtenir en F2, quatre phénotypes différents avec des fréquences égales :
soit [a+ b ] = 1/4
[a+ b+] = 1/4
[a, b ] = 1/4
[a, b+] = 1/4
Si par contre, les locus a et b sont liés sur un même chromosome, les croisements
donneront le résultat suivant :
a + b+ ab
P: a + b+ = + +
× ab =
a b ab
f (gP) a+ b+ = 1 et ab= 1
a + b+
F1 : a + b+ 1 1 1
ab
a + b+ ab
Back cross ×
ab ab
f (gF1) a+ b+ = 1/2 a b = 1
a b = 1/2
a + b+ 1 1
F2 : = ×1 =
ab 2 2
ab 1 1
= ×1 =
ab 2 2
On voit donc que dans ce cas, les phénotypes [a+ b] et [a b+] sont théoriquement
impossibles.
Si nous réalisons sur des drosophiles, l'expérience prévue en 7.3.1., les résultats du croisement
dépendent du choix des partenaires impliqués dans le back cross. Si celui-ci est opéré entre
femelles homozygotes et mâles hétérozygotes, les résultats sont ceux décrits ci-dessus.
Si par contre, le back cross a lieu entre mâles homozygotes et femelles hétérozygotes, les
proportions des phénotypes obtenus sont :
1- p p
a + b+ : a+ b :
2 2
1- p p
ab : a b+ :
2 2
p p
Ces résultats attestent qu'avec une fréquence + = p , la liaison entre a+ et b+ ou entre
2 2
a et b a été rompue et que les allèles se sont recombinés par crossing-over.
Remarque :
Si chez la drosophile, les résultats des croisements diffèrent suivant le sexe du parent
hétérozygote utilisé pour le back cross, c'est parce que, chez cet insecte, les méioses de
spermatogenèse et elles seules, ne donnent pas lieu à des crossing-over. C'est là une situation
exceptionnelle dont les causes nous sont inconnues, mais qui a contribué à faire des
drosophiles un matériel génétique de choix. Chez cet organisme en effet, une étude de back
cross peut non seulement démontrer la liaison de deux locus (mâle hétérozygote) mais en
outre permettre de mesurer la fréquence avec laquelle cette liaison est rompue (femelle
hétérozygote).
Ces caractères n'ont aucune incidence sur la santé des individus : ils sont non pathologiques.
2‰ hypercholestérolémie
1‰ otosclérose (surdité chez l'adulte)
0,8 ‰ polykystose rénale
0,5 ‰ exostoses multiples
0,4 ‰ chorée de Huntington
0,2 ‰ neurofibromatose
0,2 ‰ sphérocitose
0,1 ‰ polypose multiple du colon.
b. Achondroplasie
c. Chorée de Huntington
4 cas / 10.000.
Maladie caractérisée par une détérioration mentale et physique progressive due à une
dégénérescence du système nerveux qui entraîne des spasmes musculaires incontrôlables
(chorée) et des changements de la personnalité tels qu'ils peuvent conduire au suicide.
Les premiers symptômes apparaissent à l'âge adulte entre 30 et 35 ans, la mort survient
généralement 10 à 15 ans après l'apparition de ces symptômes.
On connaît des cas dans le monde entier. Au Japon, la fréquence y est très élevée.
Le drame de cette affection génétique réside dans le fait qu'elle ne se déclare que passé l'âge
de la reproduction, c'est-à-dire quand le malade a déjà pu transmettre le gène anormal à ses
enfants avec une probabilité de 1/2.
Le gène responsable de cette maladie a été un des premiers cartographiés par les nouvelles
techniques de biologie moléculaire (en 1983). Il se trouve à l'extrémité du bras court du
chromosome 4 (4p16).
d. Rétinoblastome
Tumeur maligne héréditaire de la rétine de l'oeil qui atteint essentiellement les enfants de
moins de 5 ans ; elle est fatale en l'absence de traitement chirurgical.
1 naissance / 10.000.
a. Mucoviscidose
La mucoviscidose (ou fibrose kystique) est une maladie caractérisée par un désordre
généralisé de certaines glandes (comme le pancréas et les glandes des voies respiratoires)
entraînant un excès de viscosité des sécrétions muqueuses.
C’est une maladie génétique très répandue parmi les populations eurasiennes (porteurs 1/20,
malades 1/2000) qui correspond à la délétion d’un triplet de nucléotides (AAA) codant un
acide aminé : la phénylamine au niveau d’une enzyme membranaire : la protéine CFTR (pour
cystic fibrosis transmembrane conductance regulator ou canal chlore) qui assure le transport
du chlore à travers la membrane des cellules épithéliales. La protéine CFTR normale
comporte 1480 AA. Dans la protéine mutée, c’est le 508ème acide aminé qui est délété. Les
conséquences dramatiques de cette mutation résultent du fait que la zone délétée correspond
au domaine au niveau duquel se fixe l’ATP dont la protéine a besoin pour être active.
La mucoviscidose se caractérise par la production d’une sueur très salée, car le chlore et le
sodium ne sont pas résorbés par l’épithélium et par des troubles respiratoires liés au fait que le
chlore non résorbé au niveau de la trachée provoque la coagulation du mucus.
En 1985, on a localisé le gène responsable sur le chromosome 7 ; quatre ans plus tard, on
déterminait la séquence des bases de ce gène.
C'est un gène très long, baptisé CF (Cystic Fibrosis), composé de 250.000 pb, dont beaucoup
sont non codantes. On a pu en déduire que la protéine qu'il synthétisait (CFTR) contenait
1.480 AA, et que 70 % des cas de mucoviscidose étaient dûs à une délétion du 508ème AA.
Cette protéine CFTR, lorsqu'elle est défectueuse n'assure plus le transport indispensable du
chlore au travers des membranes cellulaires.
Depuis que le gène est identifié on peut appliquer les techniques d'analyses de l'ADN sur des
cellules foetales : 75 % des foetus atteints peuvent être détectés par dépistage prénatal.
b. Albinisme
Mélanine = pigment brun foncé, de nature protéinique, qui colore la peau, les cheveux et la
choroïde de l'oeil.
La mélanine est produite par des cellules particulières appelées mélanocytes grâce à une
chaîne de réactions biochimiques.
Les individus albinos sont porteurs homozygotes d'un gène anormal qui inhibe la synthèse de
la mélanine ; il s'ensuit une dépigmentation de la peau, associée (chez l'homme) à des cheveux
et à des yeux très clairs.
Or, la mélanine protège l'organisme contre les rayons ultra-violets, mutagènes provoquant à la
longue des ulcérations de la peau et même certains cancers cutanés. L'albinisme est donc plus
grave dans les régions tropicales que dans les régions nordiques.
c. Phénylcetonurie
Maladie (1 naissance sur 10.000 en moyenne) due à un gène anormal récessif (situé sur le
chromosome 12) qui bloque la transformation de la phénylalanine en tyrosine. (La
phénylalanine est un des 20 acides aminés ; elle se retrouve dans notre alimentation).
Il en résulte que la phénylalanine absorbée par ingestion s'accumule d'abord dans le foie,
l'excès passe ensuite dans le sang et est transporté dans tout l'organisme. Un dérivé de la
phénylalanine (l'acide phénylpyruvique) est également produit en concentration trop élevée et
devient alors toxique, ce qui cause des dommages cérébraux irréversibles et entraîne une
débilité mentale profonde.
Grâce au fait que le mécanisme biochimique de cette maladie est maintenant bien connu, on
peut lutter contre elle
en détectant les phénylcétonuriques à la naissance (tests rapides et peu coûteux qui se
font systématiquement dans toutes les maternités de Belgique) ;
en imposant aux patients un régime très strict pauvre en phénylalanine, grâce auquel
ils deviendront des adultes tout à fait normaux.
D'autre part, on peut maintenant détecter les hétérozygotes (1 porteur /50) à l'aide d'analyses
chimiques du sang plus précises qu'autrefois.
Voir aussi gènes pléiotropes : point 7.7.
Outre leur rôle dans le déterminisme du sexe, les chromosomes sexuels portent des gènes
intervenant dans des caractères qui n'ont rien à voir avec la sexualité, ni la reproduction.
Chez les mammifères, une partie seulement du chromosome X trouve son homologue sur le
chromosome Y.
Dès lors, les locus hétérologues se trouvent en deux exemplaires dans le sexe homogamétique
et un exemplaire dans le sexe hétérogamétique.
Les locus hétérologues des chromosomes X et Y sont dits "liés aux chromosomes sexuels".
À l'opposé des gènes autosomiques, les gènes liés aux chromosomes sexuels présentent un
mode de transmission qui dépend du sexe des parents et de celui de la progéniture. Les gènes
liés au chromosome Y sont nécessairement transmis par le père à tous ses fils; ces gènes ne
peuvent se manifester que chez les mâles. C’est notamment le cas du gène codant l’antigène
HY.
La situation est très différente quand il s'agit de gènes liés au chromosome X. Chez les
mammifères mâles, tout allèle récessif situé dans la région hétérologue de X, s'exprimera dans
le phénotype, puisque aucun locus correspondant du chromosome Y ne peut le masquer.
Par conséquent, il est possible pour un allèle récessif unique de s'exprimer chez le mâle. Au
contraire, une femelle devra posséder deux copies d'un tel allèle récessif pour qu'il se
manifeste dans son phénotype. Certaines formes de daltonisme, d'hémophilie et de dystrophie
musculaire sont des caractères récessifs, bien connus, liés au sexe chez l'humain.
A titre d’exemple, développons le cas du daltonisme qui se manifeste par une incapacité à
distinguer les couleurs.
Dans l’espèce humaine, il existe trois types de cellules coniques rétiniennes qui sont sensibles
respectivement au rouge, au vert et au bleu. Les déterminants génétiques des cônes rétiniens
rouges et verts sont localisés sur le chromosome X. Compte tenu du caractère récessif du gène
Xd
responsable du daltonisme et de sa localisation sur le chromosome X, les hommes
Y
présenteront le phénotype muté [d], tandis que seules les femmes homozygotes pour ce gène
Xd
auront le phénotype [d].
Xd
Autres exemples :
- Hémophilie (voir cours)
- Myopathie de Duchenne (voir cours)
- Insensibilité aux androgènes (voir cours).
7.5.3. Réflexions
Pour finir, je voudrais aborder les problèmes que posera l’extension des moyens de
détections intra-utérins. Jusqu’ici nous ne savons déceler que des maladies très graves, mais
les progrès de la génétique sont rapides et nous allons nous trouver devant la possibilité de
diagnostiquer des défauts génétiques responsables de maladies pour lesquelles la médecine
est déjà parvenue à de réels progrès. On aura alors à confronter trois opinions. Celle du
médecin qui mesure les extraordinaires progrès des dernières années. Dans certains cas, la
thérapeutique permet une vie proche de la normale mais au prix de soins astreignants qui
durent toute la vie. Dans d’autres, il est possible d’obtenir une prolongation importante de la
durée de vie au prix d’efforts énormes, mais celle-ci a malheureusement un terme, ce qui fait
que l’issue fatale, qui se présentait vers trois à cinq ans pour ces enfants, se présente
maintenant vers quinze ou vingt ans. Il y a l’opinion des familles qui vivent de façons très
différentes le fardeau moral et financier que représentent ces maladies.
Et puis celle d’un troisième personnage : la société, responsable de la santé et des finances
publiques, et qui a, outre le souci du bien-être des populations, des impératifs d’économie, et
met en rapport le coût des soins actuellement réalisés et celui des dépistages…
Ces trois types d’opinion, avec la banalisation du diagnostic prénatal, vont conduire à des
choix et des priorités difficiles. Il reste, cependant, que le diagnostic prénatal conduit des
couples traumatisés à envisager une nouvelle grossesse, et permet la naissance des enfants
normaux qu’ils désirent.
Si un individu diploïde donné ne peut posséder plus de deux allèles différents d'un gène, la
plupart des gènes comprenant des centaines de nucléotides peuvent subir de nombreuses
mutations différentes qui sont à l'origine des allèles multiples. Chacun de ces allèles peut
produire un phénotype différent.
Le locus d'allèles multiples le plus connu est sans doute celui des groupes sanguins A B O
chez l'être humain. Ce locus peut être occupé par trois allèles différents IA , IB ou i . L'allèle
IA code une enzyme qui attache l'acétylgalactosamine à une protéine de surface des globules
rouges et qui est ainsi responsable de la formation de l'antigène A. L'allèle IB code une
enzyme qui attache le galactose et permet la formation de l'antigène B. L'allèle i n'est
responsable de la formation d'aucun antigène. IA et IB sont codominants, i est récessif.
Les allèles du système A B O ont une grande importance médicale parce qu'ils peuvent être
responsables d'incompatibilité lors des transfusions sanguines.
A IA IA ou IA i A Anti B
B IB IB ou IB i B Anti A
AB I A IB AB Receveur universe
O ii Donneur universel Anti A et anti B
Un autre exemple d'allélisme multiple concerne une série à grand nombre d'allèles
déterminant la couleur de la fourrure chez le lapin.
Les allèles de cette série sont respectivement C (complètement coloré), Cch (chinchilla, de couleur
gris clair), Ch (himalayen, albinos aux extrémités noires) et c (albinos).
Dans cette série, les allèles expriment leur dominance dans un ordre donné C > Cch > Ch > c.
De même qu'il existe à la surface des globules rouges2 des antigènes capables d'induire la
production d'anticorps, toutes les cellules somatiques nucléées possèdent à leur surface des
antigènes.
C'est la présence de ces antigènes qui est à l'origine du rejet des greffes, en relation avec les
phénomènes immunitaires.
Le premier de ces antigènes a été décrit par Dausset en 1958. Pour ses travaux, il a reçu en
1980 le prix Nobel de médecine, avec l'Américain Snell et l'Argentin Benacerral.
Ex. de phénotype :
A9 A3
B5 B12
CW5 CW4
DW1 DW2
Le caractère HLA fait ressortir la quasi-unicité de chaque être humain pour ces marqueurs
génétiques.
Le pourcentage de réussites des greffes sera d'autant plus élevé que l'identité entre le donneur
et le receveur est plus grande ; c'est dans la famille du malade que l'on a le plus de chances de
trouver des caractéristiques HLA qui lui sont proches.
Les phénotypes sont tellement nombreux qu'il peut arriver qu'un malade doive attendre
plusieurs mois avant qu'un donneur ne se présente. Pour remédier aux carences, on a créé des
organismes centraux informatisés tels Euro-transplant (établi à Leyden aux Pays-Bas). Mais
les donneurs sont trop rares. Ainsi en 1984 : sur près de 4.300 malades rénaux d'Euro-
transplant qui attendaient une greffe, 1.700 seulement ont pu la recevoir.
Les gènes du système HLA sont localisés à proximité de gènes responsables d'une série de
maladies mal connues.
Le complexe HLA est connu dans tous les groupes de vertébrés, y compris les reptiles et les
amphibiens.
On peut donc dire que ce complexe, qui est apparu dans l'évolution animale il y a plusieurs
millions d'années déjà et qui a persisté jusqu'aujourd'hui, a une très grande importance
biologique.
Nous avons vu dans ce qui précède, qu'à un locus donné correspond un caractère bien
déterminé. Certains gènes cependant, qualifiés de gènes pléiotropes contrôlent l'expression de
plusieurs caractères. Dans la plupart des cas, un gène pléiotrope ne participe pas directement à
diverses fonctions, mais il code pour la synthèse d'une substance ou d'une enzyme qui elle
intervient à plusieurs niveaux.
Dans le cas de la phénylcétonurie, anomalie héréditaire chez l'homme, les individus affectés
excrètent de l'acide phénylpyruvique dans leurs urines, alors que les individus normaux n'en
excrètent pas. De plus, ces personnes sont retardés mentaux et la pigmentation de leurs
cheveux et de leur peau est réduite.
L'acide phénylpyruvique s'accumule dans le sang jusqu'à des niveaux toxiques et finit par être
excrété dans l'urine à laquelle elle donne une odeur caractéristique. Les reins cependant
n'excrètent pas l'acide phénylpyruvique assez rapidement pour l'empêcher d'endommager
divers organes, en particulier l'encéphale. Par ailleurs, une déficience en tyrosine, un acide
aminé qui entre notamment dans la composition de la mélanine provoque une dépigmentation
plus ou moins prononcée.
Remarque :
On peut aujourd'hui "soigner" la phénylcétonurie en prescrivant, dès la naissance un régime
spécial pauvre en phénylalanine. On prévient ainsi la majeure partie des atteintes cérébrales.
Cette contrainte s'affaiblit vers l'âge de quatre ou cinq ans lorsque l'encéphale est totalement
constitué.
Il faut toutefois noter que, si l'application d'une diète alimentaire sévère peut masquer les
manifestations de la phénylcétonurie, elle ne la guérit pas pour autant. Ceci implique que les
phénylcétonuriques pourront transmettre le trait à leur descendance.
7.8. EPISTASIE
On appelle épistasie l’interaction entre deux gènes situés sur des locus différents (donc non
allèles).
Un gène épistatique est un gène qui détermine l’expression (ou la non-expression) d’un ou
plusieurs autres gènes.
Soucieux, ZEUS s'entretenait avec sa soeur HESTIA3et son épouse HERA : sa fille
(que nous mortels dirions illégitime) PERSEPHONE désirait ardemment un frère ou
une soeur provenant de la même mère et du même père.
Lui, le Roi des Dieux, ZEUS, n'était-il pas né du mariage d'un frère et d'une soeur :
CRONOS et RHEIA, fils et fille d'OURANOS et de GAIA.
Soucieux, ZEUS cependant l'était : deux de ses neveux n'étaient-ils pas nés avec la
forme d'un cheval : AREION, le cheval qui parle, enfant de DEMETER et de
POSEIDON, et PEGASE, le cheval ailé, frère de CHRYASOS et né de l'union de
POSEIDON, toujours lui, et de MEDUSE ; cette dernière, il est vrai, appartenait à
cette divine famille, puisque soeur de CRONOS.
ZEUS décida de réunir ses frères et soeurs : à HERA et HESTIA, vinrent se joindre
DEMETER, POSEIDON et, venant de ses enfers, HADES.
ZEUS, ayant toutes les données du problème, remercia MEMOIRE. Mais ai-je dit
qu'OCEAN était l'oncle de ZEUS, puisque frère de CRONOS ?
Questions
2. Sachant que les formes "cheval" et "centaure" sont dues à l'expression d'un même gêne à
double dose (homozygote) et que seuls AREION, CENTAURE et PEGASE, dans cette
généalogie, possèdent des caractères équins :
a) énumérez les personnages de la généalogie possédant certainement ce gêne que ce soit à
simple dose (hétérozygote) ou à double dose (homozygote),
b) quelle est la probabilité pour que les enfants nés de l'union de ZEUS et de DEMETER aient
la forme d'un cheval ?
Gabriel apprend d'Aloyse, sa nourrice - nous dit Alexandre Dumas dans "Les deux
Dianes" - "que, selon toutes les probabilités, Madame de Castro, fille du Roi Henri II,
est sa soeur ;
Il est probable qu'elle l'est
Il est probable qu'elle le soit".4
Henri II, Roi de France et époux de Catherine de Médicis, a légitimé sa fille Diane de
France et l'a marié, à l'âge de 12 ans, au Duc de Castro.
4 Les phrases en italique sont extraites du roman d’Alexandre Dumas « Les deux Dianes »
Dr Cl. Ropartz, Centre Régional de Transfusion sanguine, 76320 Bois-Guillaume (France).
Diane de France, dite Diane de Castro - nous apprend Alexandre Dumas - serait née de
la liaison bien connue de Diane de Poitiers avec Henri II, ce dernier ayant eu
tardivement de son épouse Catherine de Médicis un fils, François II.
Questions
2.a) Avec l'aide des phénotypes érythrocytaires, colligés dans l'annexe n 1, pouvez-vous
dire si Gabriel peut s'unir avec Diane de France, sans que cette union soit incestueuse, c'est-à-
dire si Gabriel peut l'aimer "avec désir et ardeur et non par un besoin de protection amicale et
fraternelle".
2.b) Les phénotypes des divers membres de cette généalogie sont-ils compatibles avec les
données historiques telles qu'elles sont réunies dans le texte ?
Annexe N° 1
Les autres :
CHAPITRE VIII
GENIE GENETIQUE
8.1. Introduction
8.1. INTRODUCTION
De par sa nature actuelle, la biologie est devenue plus que jamais l’auxiliaire direct de la
médecine, de l’agriculture et de toutes les instances qui se préoccupent de la vie.
Rappelons par exemple que si les grandes épidémies d’origine bactérienne, telles la peste et le
choléra, ou certaines maladies infectieuses comme la tuberculose et la syphilis ont été
largement jugulées, c’est parce que l’on sait maintenant que les antibiotiques bloquent la
machinerie cellulaire des bactéries, mais pas celle des eucaryotes.
Il reste cependant un domaine où la médecine est toujours démunie : c’est le domaine des
maladies génétiques. Or, on en a répertorié plus de 6.000 (exemples : mucoviscidose, maladie
de Tay-Sachs, diabète, phénylcétonurie, drépanocytose, …). Si certaines maladies peuvent
être traitées, c'est-à-dire compensées par des apports extérieurs, c’est le cas notamment de la
phénylcétonurie, néanmoins on ne peut en guérir aucune.
Depuis longtemps, en choisissant les plus beaux épis pour ensemencer leurs champs, ou en
croisant les animaux particulièrement performants pour l’un ou l’autre caractère, les
agriculteurs et les éleveurs ont tiré parti sans le savoir, mais avec bon sens, des mutations pour
obtenir des variétés avantageuses de plantes et d’animaux. Ils ont sélectionné, c'est-à-dire
choisi au sein d’une espèce, les reproducteurs les plus adéquats.
Ce qui est nouveau, dans le domaine du génie génétique basé sur la recombinaison in vitro
d’ADN, c’est que des gènes peuvent être transférés d’une espèce à l’autre et s’y
exprimer.
Si aucune bactérie n’est capable de synthétiser spontanément l’insuline humaine, en revanche
une bactérie recombinée pourra acquérir cette propriété.
Une bactérie recombinée pour le gène de l’insuline humaine par exemple peut produire
jusqu’à 30% de sa propre masse d’insuline.
Jusqu’au début des années 1970, il était impossible d’isoler et d’analyser un gène d’eucaryote.
Cette impossibilité tenait à la disproportion entre la longueur d’un gène, estimé à quelques
milliers de paires de bases et celle du génome estimée pour un ensemble haploïde de
chromosomes humains à plus de 3.109 paires de bases.
Un gène unique représentant chez l’homme de l’ordre d’un millionième de l’ADN total,
l’isoler était une tâche quasi insurmontable.
La naissance du génie génétique au début des années 1970 devait complètement renverser la
situation.
Le génie génétique peut être défini comme l’ensemble des techniques qui permettent
d’identifier et d’isoler des gènes, y compris des gènes d’eucaryotes, de les étudier, de les
modifier et de les transférer de leur organisme d’origine à un autre. La révolution génétique
qui permet de modifier avec précision le patrimoine génétique des êtres vivants est donc
essentiellement d’ordre méthodologique.
Isoler, modifier et transférer des gènes nécessite la conjonction d’un ensemble d’outils
technologiques, qui tous datent du début des années 1970.
On tire également parti du phénomène de crossing-over : lorsque deux gènes se trouvent sur
un même chromosome et localisés très près l'un de l'autre, il est peu probable qu'ils soient
séparés par un crossing-over.
Deux gènes ainsi très proches sont dits "liés". Plus ils sont éloignés, plus ils ont des chances
d'être séparés. Si, dans une famille deux caractères (deux particularités) sont très souvent
associés chez les individus, c'est qu'une courte distance sépare les gènes responsables.
Ces techniques consistent à faire fusionner des cellules somatiques (leucocytes ou fibroblastes
de la peau) de deux espèces différentes (comme la souris et l'homme) par l'intermédiaire d'un
agent de fusion (ex. virus). Cette fusion est un processus analogue au mélange génétique qui
se produit lors de la fertilisation d'un ovule par un spermatozoïde : elle entraîne une
combinaison du matériel génétique de deux cellules différentes.
Les outils les plus importants dans les manipulations génétiques sont les enzymes
bactériennes appelées enzymes de restriction.
Les enzymes de restriction ont été découvertes en 1965 par le suisse Werner ARBER dont les
travaux ont été couronnés parle Prix Nobel en 1978.
Dans la nature, ces enzymes protègent les bactéries contre l’ADN étranger (notamment celui
des phages) selon un mécanisme dit de restriction qui consiste à couper l’ADN de l’intrus en
fragments. Si un phage possède un ou plusieurs sites de restriction correspondant à la cible de
l’endonucléase produite par la bactérie infestée, son ADN sera détruit avant d’avoir pu
s’implanter dans la bactérie hôte. S’il n’en possède pas, il résistera.
Remarque : un palindrome est un mot ou une phrase pouvant se lire indifféremment de gauche
à droite ou de droite à gauche, comme par exemple « Esope reste ici et se repose ».
L’enzyme de restriction Eco RI par exemple, extraite d’E. coli coupe l’ADN bicaténaire entre
G et A, chaque fois qu’une séquence ATTC se trouve du côté 3’ d’une séquence GA.
A cause de la symétrie des séquences, les fragments d’ADN produits par cette enzyme
comportent des extrémités monocaténaires appelées familièrement « bouts collants ».
Les fragments d’ADN obtenus par restriction peuvent être séparés par électrophorèse, puis le
cas échéant, être retraités par d’autres enzymes de restriction.
A partie de l’ADN d’un organisme, on peut ainsi obtenir un grand nombre de fragments bien
définis, dont l’un contient le gène recherché.
La recherche d’un gène spécifique parmi les nombreux fragments d’ADN s’appuie sur l’usage
de sondes génétiques dont le principe d’action est l’hybridation moléculaire. Les sondes
génétiques sont des molécules d’ADN ou d’ARN marquées par un isotope radioactif dont la
fonction, sinon la séquence est connue. Cette technique a été abondamment utilisée pour faire
la cartographie du génome humain.
Recherchons par exemple le gène de l’hémoglobine. Pour ce faire, nous utiliserons des
cellules, telles les précurseurs des globules rouges qui synthétisent de grandes quantités
d’hémoglobine et produisent donc de nombreuses molécules d’ARNm d’hémoglobine. Ces
molécules d’ARNm sont extraites, purifiées et marquées à l’aide d’un traceur radioactif.
La séquence de leurs nucléotides étant évidemment complémentaire du gène dont ils ont été
transcrits, ils pourront être utilisés comme sonde pour pêcher ce gène.
On peut aussi utiliser l’ARNm comme matrices pour synthétiser in vitro des gènes artificiels,
constitués d’ADN complémentaire (ADNc) grâce à une enzyme d’origine virale la
transcriptase réverse.
Ces gènes artificiels, s’ils sont marqués par un traceur radioactif peuvent également être
utilisés comme sondes pour reconnaître ou pêcher des gènes naturels cachés dans les
fragments d’ADN obtenus par restriction.
Si les enzymes de restriction sont capables de couper l’ADN à des endroits spécifiques, il
existe d’autres enzymes appelées ligases qui sont capables de recoller les fragments d’ADN
bout à bout et qui permettent notamment de constituer des molécules composites. Les ligases
stabilisent les liaisons qui s’établissent au niveau des bouts collants de deux ADN restreints.
Théoriquement, on peut ainsi insérer un fragment d’ADN provenant d’un organisme dans
l’ADN d’un organisme différent, par exemple un gène humain dans une bactérie.
Le plus souvent cependant, l’insertion d’un gène étranger notamment dans une bactérie,
nécessite une étape intermédiaire qui fait intervenir un vecteur génétique.
Pour effectuer ces insertions, on dispose de deux systèmes biologiques, les virus, et
notamment les phages, et les plasmides qui l’un et l’autre pénètrent naturellement dans les
bactéries.
Pour insérer un gène étranger dans l’ADN circulaire d’un phage ou d’un plasmide, on ouvre
leur ADN à l’aide d’une enzyme de restriction, la même que celle qui a servi à isoler le
fragment à insérer, puis on recombine la molécule linéaire ainsi obtenue avec le gène étudié.
Une ligase stabilise l’association.
Si l’on arrose une culture de bactéries avec une suspension de phages ou de plasmides
hybrides, ceux-ci pénètrent dans les bactéries et s’insèrent dans leur ADN. Dans ce cas, les
gènes insérés seront répliqués en même temps que l’ADN des phages ou des plasmides.
Les bactéries qui ont incorporé un phage ou un plasmide pourvu d’un gène étranger sont dites
transformées ou recombinées.
Toutes ces méthodes ont permis d'avancer de plus en plus rapidement dans l'établissement des
"cartes génétiques" du génome humain.
Le but du clonage est d’obtenir un grand nombre de copies du gène étudié. Ce travail
implique de sélectionner le clone bactérien recombiné pour le gène recherché. L’ensemble des
clones recombinants constitue une banque. Il existe deux grandes catégories de banques, les
banques génomiques et les banques d’ADNc. Construire une banque génomique consiste à
fragmenter l’ADN d’un organisme et à introduire chaque fragment dans un vecteur, puis dans
un hôte approprié. Si elle est établie correctement, la banque contiendra, sous une forme
morcelée, l’ensemble de l’information génomique d’un individu, d’où le terme de banque
génomique.
Pour distinguer les bactéries recombinées des autres, on a recours aux antibiotiques. Les
plasmides utilisées ont toujours au moins un gène qui confère la résistance à un antibiotique
déterminé. Les bactéries destinées à la recombinaison sont par contre sensibles à cet
antibiotique. La sélection de bactéries est alors simple. Après avoir ajouté l’antibiotique au
milieu de culture, les bactéries qui n’ont pas incorporé de plasmides restent sensibles et
meurent, tandis que les bactéries recombinées se multiplient.
Un ADNc ou ADN complémentaire est la copie sous forme d’ADN d’un ARNm. Pour être
représentative, une banque d’ADNc devra contenir au moins une copie de chaque ARNm
présent dans la cellule d’où proviennent ces messages. Les banques d’ADNc sont donc
spécifiques des types cellulaires puisqu’une cellule donnée ne possède pas tous les ARNm.
8.2.8. Séquençage
Nous savons que l'ADN humain comporte deux types de régions : d'une part les gènes, d'autre
part des régions sans fonction connue. L'ensemble des gènes ne représente que 5 à 10% de
l'ADN total. Ces gènes, qui déterminent la structure des protéines sont quasi identiques d'une
personne à l'autre. En revanche, les 90 à 95% restants contiennent des régions répétitives de
longueur hypervariable qui diffèrent fortement d'un individu à l'autre, à tel point que le profil
de ces régions est unique pour chaque personne, aussi unique que ses empreintes digitales.
Pour déterminer une empreinte génétique, il suffit de cellules quelconques d'un individu :
cellules sanguines, base d'ongle ou de cheveu, spermatozoïdes ou lambeaux de peau. L'ADN
en est extrait et coupé en fragments au moyen d'enzymes de restriction. Les fragments sont
séparés les uns des autres par électrophorèse.
Compte tenu de l'existence des régions répétitives hypervariables, le profil électrophorétique
de l'ADN d'un individu est unique. Toutefois, les fragments obtenus par électrophorèse sont
tels que chaque individu en a donc hérité une moitié de chacun de ses parents. Ceux de
l'enfant, absents chez la mère doivent donc obligatoirement se trouver chez le père.
Ainsi, les empreintes génétiques permettent non seulement d'identifier les individus au même
titre que les empreintes digitales, mais aussi d'établir des filiations (établissement ou
exclusion de paternité par exemple) ce que ne permettent pas les empreintes digitales.
Remarque :
Si la méthode des empreintes génétiques est totalement fiable du point de vue scientifique,
encore faut-il qu'il n'y ait pas d'erreur humaine dans le prélèvement, la transmission ou le
traitement de l'échantillon à analyser ou dans l'interprétation des résultats.
Le diagnostic est basé sur l'usage d'une sonde radioactive qui reconnaît spécifiquement un
gène. Le gène auquel la sonde se lie est isolé, séquencé et comparé au gène normal. Cette
comparaison permet de détecter toute modification dans la composition des nucléotides du
gène mis en cause.
Actuellement, le diagnostic par analyse d'ADN n'est possible que dans un nombre limité de
cas, à savoir les maladies pour lesquelles le gène normal a été cloné et séquencé. Le
diagnostic de la mucoviscidose et de la drépanocytose par exemple peuvent déjà se faire par
cette voie.
Remarque :
Le diagnostic précoce de maladies génétiques pose de très nombreux problèmes éthiques.
ressemble beaucoup à l'insuline humaine, elle ne lui est pas identique et peut provoquer des
réactions de type allergique chez certaines personnes.
Aujourd'hui, on peut obtenir de l'insuline chimiquement identique à l'insuline humaine en la
faisant produire par des bactéries génétiquement modifiées.
Il devient dès lors essentiel de distinguer la thérapie des cellules somatiques et la thérapie des
cellules reproductrices. En effet, dans le premier cas, seule la personne traitée sera
éventuellement guérie, tandis que dans le second cas la modification sera transmise aux
descendants.
Mais compte tenu du caractère encore largement aléatoire de ce type d'opération, leur
application aux cellules germinales est actuellement à proscrire totalement chez
l'homme, compte tenu des risques d'erreur qu'elles comportent.
La préparation de vaccins est sans doute l'un des domaines les plus prometteurs du génie
génétique, en particulier dans le domaine de la virologie. D'une façon générale, ce sont les
protéines de la capside qui constituent l'élément antigénique des virus. Partant de ce principe,
on peut préparer par génie génétique un vaccin antihépatite B en procédant de la manière
suivante. Dans un premier temps, les protéines de la capside du virus sont produites en grande
quantité par des cellules de levure recombinées. Dans un deuxième temps, ces protéines et
elles seulement sont utilisées pour produire le vaccin. Les protéines virales étant en elles-
mêmes inoffensives, les vaccins préparés à partir de ces seules molécules le seront également.
Remarque :
Ce vaccin a été produit pour la première fois par la Société Smith Kline Belgique.
Un autre procédé de vaccination met en œuvre le virus de la vaccine (variole de la vache) qui
est pratiquement inoffensif pour l'homme et lui assure l'immunité variolique.
Au moyen de manipulations génétiques, on remplace certains gènes de la vaccine par d'autres
produisant une immunité contre d'autres maladies et notamment la rage. Les animaux
vaccinés par injection de ce virus hybride sont immunisés non seulement contre la variole
mais aussi contre la rage.
C'est un tel virus recombiné qui permet de vacciner massivement les renards qui sont les
réservoirs du virus de la rage. Dans ce cas particulier, on a mis au point un vaccin oral qui
peut être inséré dans la nourriture.
Dans ce domaine, l'utilisation du génie génétique a pour but d'améliorer la qualité du produit,
la productivité, la résistance aux maladies et aux pesticides.
b) La protection de certaines plantes contre les pucerons peut être réalisée par injection
dans le protoplaste d'un gène correspondant à une protéine qui ingérée par le puceron
lui donne une véritable indigestion.
Nous avons déjà vu que des microorganismes, tels E. coli ou la levure S. cerevisiae,
pouvaient être recombinés pour produire divers types de molécules d'intérêt pharmaceutique
notamment. Cette technique peut être étendue à des organismes transgénotes beaucoup plus
complexes.
Citons à titre d'exemple la production d'un facteur de coagulation humain par le mouton.
Des moutons transgéniques sont produits par microinjection du gène humain, responsable de
la synthèse du facteur IX de coagulation du sang. Après recombinaison, ces moutons
transgéniques produisent la protéine souhaitée dans leur lait. Ce facteur permet de traiter
certaines hémophilies.
CHAPITRE IX
GÉNÉTIQUE ÉVOLUTIVE
9.1 Introduction
9.1. INTRODUCTION
Si en génétique mendélienne, nous avons étudié les lois qui régissent la transmission des
gènes d'un couple de géniteurs à sa descendance, on peut aussi considérer qu'un gène donné
appartient à un ensemble plus vaste, à savoir une population.
Le patrimoine génétique d'une population, encore appelé "pool génique" est constitué par
l'ensemble des gènes que possède cette population à un moment donné.
Il comprend donc tous les allèles occupant tous les locus chez tous les individus de la
population.
La génétique des populations a dès lors pour objectif l'étude de la distribution des allèles au
sein d’une population et l'analyse des facteurs qui la modifie.
Chez tous les organismes vivants, une part essentielle de la variabilité génétique au sein d'une
population, c'est-à-dire son polymorphisme provient de l'existence du polyallélisme de
nombreux locus. Il en résulte qu'une variable fondamentale en génétique des populations est la
fréquence avec laquelle un allèle donné se retrouve au sein d'une population.
La fréquence d'un allèle donné dans une population peut être modifiée par mutation, sélection,
migration. Cette modification de fréquence au cours des générations successives est à la base
de toute forme d'évolution. C'est la raison pour laquelle, la génétique des populations est de
plus en plus souvent qualifiée de génétique évolutive.
Rappelons qu'en 1957, c'est-à-dire une dizaine d'années après la première explosion nucléaire
à Hiroshima, le Comité de l'ONU a chargé un groupe de généticiens de la préparation d'un
rapport qui devait dénoncer les effets biologiques des radiations ionisantes pour l'espèce
humaine. Malgré leurs efforts, les généticiens ne purent répondre à la question, car la
fréquence des gènes responsables de maladies héréditaires n'était connue ni avant, ni après les
explosions nucléaires.
Les radiations ionisantes provoquées par des explosions ou par des catastrophes de centrales
nucléaires ou encore par certains agents chimiques ne sont toutefois pas les seuls agents qui
risquent de multiplier les mutations et la fréquence des gènes délétères.
Une autre cause de l'accroissement des fréquences des gènes nocifs est à rechercher dans les
soins médicaux mêmes qui augmentent l'espérance de vie des porteurs, ceux-ci pouvant
atteindre l'âge de la reproduction et passer les gènes incriminés à la génération suivante. Un
conflit naît ainsi entre le bien être de l'individu traité et celui de la population dans laquelle des
maladies génétiques risquent de se répandre.
C'est donc la population et non plus l'individu qui sera l'objet central de ce chapitre.
De fait, l'essentiel de la génétique des bactéries est une génétique des populations. En effet,
compte tenu de la petite taille des individus et de la nature des caractères observables, nous
nous sommes essentiellement demandé ce que devient une population d'une souche donnée
lorsqu'elle est cultivée dans un certain milieu ou mélangée à une population génétiquement
différente.
Dans la reproduction des bactéries, chaque cellule engendre deux descendants et est elle-
même issue d'un seul ascendant. Si la descendance de chaque cellule est, potentiellement du
moins, en croissance exponentielle, son ascendance par contre est linéaire.
L'ensemble des descendants d'une bactérie constitue un clone. Tous les individus d'un clone
sont génétiquement semblables. Si l'un d'entre eux présente une mutation et si lui-même et sa
descendance survivent, ils constituent un clone nouveau.
Par définition, une population sexuée se compose de tous les organismes d'une espèce qui
occupent une région particulière à un moment donné.
Les membres d'une population ayant beaucoup plus de chance de se reproduire entre eux
qu'avec ceux d'autres populations de la même espèce, chaque population constitue une
communauté de reproduction où les gènes ont tendance à demeurer génération après
génération.
L'ensemble de tous les gènes d'une population, ou plus précisément de tous les allèles, forme
son pool génique. Une population partageant le même pool génique est appelée dème ou
population mendélienne.
Les eucaryotes sont beaucoup plus grands et plus complexes que les bactéries, dès lors leur
temps de génération est beaucoup plus long et leurs populations moins nombreuses. Les
protozoaires sont 103 à 106 fois plus grands que les bactéries, et leur temps de génération se
mesure en heures et non en minutes. Par rapport au colibacille, l'homme a une masse de 1016
fois plus grande et un temps de génération 5.105 fois plus long. La population humaine du
globe n'atteint pas celle que peuvent contenir 2ml de culture bactérienne.
Notons enfin que si dans un clone, les gènes sont transmis de manière linéaire avec fort peu
d'échanges entre les lignées, dans une population sexuée, les gènes circulent par le réseau
complexe des méioses et des conjugaisons successives, si bien qu'ils sont communs à toute la
population.
L'étude de la transmission des caractères au niveau d'une population implique que l'on tienne
compte de trois facteurs qui n'interviennent pas en génétique mendélienne : le
polymorphisme, le facteur temps et la sélection.
Le facteur temps est lié au rôle capital joué par la méiose dans le brassage des gènes. En
effet, pour que la variabilité qu'elle engendre soit significative, elle doit être envisagée au
travers d'un grand nombre de générations.
La sélection. La génétique des populations tient compte des facteurs du milieu qui exercent
une pression sélective sur le pool génique. On appelle facteurs de sélection, l'ensemble des
facteurs susceptibles de modifier la fréquence des gènes dans une population. La sélection est
l’un des mécanismes déterminants de l’évolution. Elle se produit chaque fois que des
individus qui présentent des phénotypes différents n’ont pas de chances égales de survie et /
ou de reproduction.
Comme les lois de Mendel permettent de prédire le résultat du croisement de deux individus
diploïdes, le modèle de Hardy et Weinberg permet de prédire le résultat de croisements se
faisant au hasard dans une population mendélienne idéale, c'est-à-dire : nombreuse,
panmictique, isolée, ne subissant pas de mutations et ne donnant pas prise à la sélection.
Dans ce cas, le modèle de Hardy et Weinberg prévoit que dans une population
mendélienne, la fréquence relative des allèles ne change pas d'une génération à l'autre et
n'est pas directement liée au phénotype des parents.
Démonstration théorique
Envisageons la répartition, dans un dème, d'un gène donné, soit A . Ce gène peut exister sous
diverses formes allèles : a+, a1, a2... an.
Chaque individu diploïde de la population portant deux de ces allèles, le "pool génique"
effectif du gène A sera deux fois celui de la population d'individus.
Dans ce pool génique, nous pouvons définir la fréquence d'un allèle comme le rapport entre
l'effectif de cet allèle et l'effectif de tous les allèles du même gène. Pour un même gène, nous
devrions dès lors définir dans un pool génique autant de fréquences d'allèles qu'il y a d'allèles
différents : f a+ , f a1 , f a2 , f an.
Ceci mènerait, dans la suite de ce que nous allons entreprendre, à des calculs très compliqués.
En pratique, nous pouvons éviter cette complication en considérant d'une part la fréquence
d'un allèle, par exemple, l'allèle sauvage a+ et d'autre part, la somme des fréquences de tous les
autres allèles du même gène, que nous appellerons a .
Par cette définition, f a+ + f a = 1 .
Puisque les gamètes sont haploïdes, les fréquences f a+ et f a sont également les fréquences
des gamètes porteurs de a+ ou de a
si f a+ = p et fa = q et que ( p + q = 1).
p2 + 2 pq + q2 = (p + q)2 = 1
Si tous les individus de la génération F1 survivent jusqu'à l'âge adulte et si nous les laissons se
croiser entre eux, la fréquence des allèles dans leurs gamètes sera
pour a+ : p2 + pq = p (p + q) = p
+
a a
(car la totalité des gamètes produits par les et la moitié des gamètes produits par les portent l'allèle a)
a a
pour a : q2 + pq = q (q + p) = q
On voit donc qu'au terme d'une génération, la fréquence des allèles dans les gamètes n'a pas
été modifiée.
En répétant l'opération pour plusieurs générations successives, on peut démontrer que dans un
dème, le pool génique ne varie pas d'une génération à l'autre.
Application
Soit un dème comportant respectivement 600 mâles et 600 femelles homozygotes pour vg+
ainsi que 400 mâles et 400 femelles homozygotes pour vg. On demande quelle sera en F1, la
proportion des trois génotypes possibles.
vg + vg + vg
Pour = 0,36 pour = 0,48 et pour = 0,16
vg + vg vg
Dans les gamètes de cette nouvelle population qui possède 2000 allèles (2 1000), la
fréquence de
(2 360) + 480
vg + = = 0,6
2000
(2 160) + 480
vg = = 0,4
2000
- la population doit être très grande (condition nécessaire pour que les lois de
probabilités soient vérifiées) ;
- la population doit être isolée (= isolat) : il ne peut y avoir ni perte de gènes par
émigration ni apport de gènes nouveaux par immigration ;
- il ne peut y avoir de sélection naturelle de gènes : tous les gènes doivent avoir des
chances égales d'être transmis à la génération suivante.
Les fréquences des génotypes sont constantes et sont uniquement fonction des fréquences des gènes
dans la génération initiale.
Méthode de calcul
Dans les cas de dominance-récessivité, il est impossible de distinguer les hétérozygotes Tt des
homozygotes TT puisque leur phénotype est T ; au contraire, il est facile de dénombrer les
homozygotes tt.
p2 + 2 pq + q2 = 1
= = =
fréquence relative des fréquence relative des Tt fréquence relative des tt
génotypes TT
N.B. : p + q = 1
Applications
Ex. : Albinisme
Questions
- Quelle est la fréquence q du gène a anormal ?
- Quelle est la fréquence des hétérozygotes ?
Réponses
Il est facile de dénombrer les albinos (aa) = 1/10.000
99
la fréquence génique de l’allèle normal A = p = 1-q =
100
1 99 1
la fréquence des hétérozygotes = 2pq = 2. .
100 100 50
Conclusion
Si une personne sur 10.000 est albinos, une personne sur 50 est porteuse du gène de
l'albinisme.
Les hétérozygotes constituent donc une réserve considérable de gènes récessifs anormaux.
pop. A B O
p q r
pop
A AA AB AO
p pp pq pr
B BA BB BO
q qp qq qr
O OA OB OO
r rp rq rr
O = r2 r= O
or p+q+r=1 p =1- B + O
p = 1 – (q+r) q =1- A + O
et q = 1 – (p+r) r= O
En général, nous constatons que dans les populations naturelles, les conditions de validité du
modèle de Hardy et Weinberg ne sont pratiquement jamais rencontrées.
Dès lors, ce modèle pourrait paraître "inutile" puisqu'il équivaut à démontrer qu'en dehors de
toute cause d'évolution, une population n'évolue pas, alors que précisément nous cherchons à
comprendre les mécanismes de l'évolution et à en mesurer les effets.
Cependant, en constituant la première formulation mathématique de la structure d'une
population sexuée, le modèle de Hardy et Weinberg a joué, dans notre compréhension d'un
phénomène aussi complexe que l'évolution, un rôle comparable à celui du modèle de Bohr
dans notre compréhension de la structure de l'atome.
C'est là le rôle de tous les modèles mathématiques qui en simplifiant à l'extrême tous les
paramètres d'un phénomène permettent de définir ces paramètres de manière plus précise et,
finalement de formuler des lois de plus en plus fines liant ces paramètres à leur effet global.
La panmixie implique qu'il n'y a pas d'assortiment matrimonial pour les gènes considérés. La
fécondation de l'ovule par le spermatozoïde se fait au hasard pour le locus envisagé en
fonction de la fréquence des allèles et non par le choix d'un partenaire donné. En disant qu'une
population est panmictique pour les allèles a+ et a on entend que le choix entre géniteurs
se fait sans aucune corrélation avec le fait que leur génotype soit
a+ a a+
, ou
a+ a a
La notion de panmixie n'a d'utilité -et même probablement de sens- que par rapport à tel ou tel
gène défini, aucune espèce à fécondation croisée n'est sans doute panmictique pour tous ses
gènes.
Même dans une espèce où la reproduction est grégaire et la fécondation externe, disons les
moules ou les oursins, cette reproduction n'est possible que si les femelles et les mâles
émettent leurs gamètes au même endroit et au même moment. Les gènes qui contrôlent le
choix de l'habitat, le moment de la maturité sexuelle et la simultanéité de la ponte et de
l'éjaculation ne peuvent clairement, dans ce cas, être panmictiques.
Dans les espèces où il y a appariement, nous sommes habitués à reconnaître qu'il y a "choix"
des partenaires ou, plus généralement, que tous les individus d'un sexe n'ont pas une
probabilité égale de participer aux appariements, donc de transmettre leurs gènes à une
descendance. On appelle sélection sexuelle la modification de fréquence des allèles qui
résulte de ce processus.
Chez les animaux, les comportements sexuels sont fréquemment si complexes qu'il est très
difficile d'être sûr qu'un gène ne fait pas l'objet d'une sélection sexuelle. Les combats entre
cerfs ou phoques mâles, la défense du territoire par des rouges-gorges ou des épinoches mâles
mettent en jeu toute l'activité de l'organisme. Chez la drosophile, quoique la copulation ne se
fasse pas en vol, les allèles vg et vg+ font l'objet d'une sélection sexuelle, car l'accouplement
est normalement précédé d'une "danse" ritualisée au cours de laquelle la mouche mâle agite
les ailes devant la femelle, ce que ne peut faire un mâle [vg].
Chez l'homme, le choix d'un partenaire sexuel dépend de tant de paramètres physiques,
comportementaux et sociaux, qu'il est très difficile d'affirmer que la fréquence d'un gène n'est
corrélée avec aucun de ces paramètres.
En résumé : un gène fait l'objet d'une sélection sexuelle chaque fois que les porteurs adultes et
a+ a+ a
fertiles des génotypes + , ou ont, en fonction de ces génotypes, des probabilités
a a a
inégales de se reproduire.
Définition
Les mariages consanguins sont une forme particulière d'assortiment matrimonial. Deux
individus sont dits consanguins s’ils ont au moins un ancêtre commun.
Dans les cas de consanguinité, le futur conjoint est choisi parmi des parents (cousin, oncle,
tante, etc.) les deux partenaires se ressemblent donc génotypiquement.
Dans la pratique, le généticien considère rarement un ancêtre commun au-delà des arrières
grands-parents, bien que dans certaines sociétés humaines, cela puisse avoir une signification
sociale.
F = la probabilité qu'un individu reçoive à un locus donné deux fois le même gène, c'est-à-dire
deux gènes identiques par descendance.
Pour mieux comprendre, établissons l'arbre généalogique d'un couple de cousins germains :
L'enfant IV issu du couple de la génération III n'aura que six arrières grands-parents au lieu de
huit, donc un choix réduit de gènes.
Imaginons maintenant un locus A (pouvant porter un des quatre allèles suivants : A1, A2, A3
ou A4) et supposons que l'ancêtre I3 ait comme génotype A1A2 et que l'ancêtre I4 soit A3A4.
la probabilité pour que l'enfant IV soit homozygote A1A1 est plus grande dans un mariage
consanguin que dans un mariage panmictique puisqu'il y a deux voies de passage du même
gène (l'une est la voie maternelle, l'autre, la voie paternelle).
1 1 1 1 1 1 1
( ) ( ) =
2 2 2 2 2 2 64
= prob. de recevoir le gène = prob. de recevoir le gène
par la voie maternelle par la voie paternelle
1
de même, la probabilité d’être A2A2, A3A3 ou A4A4 est de
64
4 1
la probabilité d’être homozygote à un locus donné est donc de F
64 16
Ex. :imaginons une population où les mariages consanguins sont de trois types : 3D, 4D et
6D.
La fréquence des mariages consanguins varie beaucoup d'une population à l'autre et dépend
des coutumes sociales.
Les mariages consanguins très proches (frère-soeur, parent-enfant) sont généralement évités
dans les sociétés humaines (exceptions historiques : dynastie des Ptolémée en Egypte (Fig.),
Maison royale des Incas, etc.) et la plupart d'entre elles considèrent l'inceste comme tabou.
Les naissances d'enfants résultant de relations frère-soeur ou père-fille (les plus fréquentes)
varieraient actuellement entre 1/100.000 et 1/10.000 aux Etats-Unis et en Europe.
Les valeurs supérieures à 1/100 sont rares, et souvent caractéristiques de petites populations
(isolats).
Si un gène est fréquent, le fait d’un mariage consanguin ne modifie guère la probabilité d’être
homozygote.
Plus le gène est rare, plus le mariage consanguin augmente le risque d’homozygotie.
C’est par le biais des croisements consanguins qu’on obtient des « lignées pures » (ex. : souris
de laboratoire).
Voir cours.
Les conséquences sur l’évolution de la structure génétique ne peuvent être étudiées que si on
connaît la liaison existant entre le phénotype et le génotype correspondant (ex. :
achondroplases ou sourds-muets qui se marient entre eux). Ce n’est pas le cas de caractères
comme la taille ou le Q.I. dont le déterminisme génétique est très complexe et dont la
réalisation phénotypique résulte d’une étroite interaction entre les facteurs héréditaires et les
facteurs du milieu.
9.4.2. Il y a mutation
L'absence de mutation dans une population signifie que l'allèle a+ reste a+ au travers de toutes
les générations et ne mute pas vers a ou vers un autre état du gène. Il en est de même pour a.
Même si dans une population, les mutations sont inéluctables et constituent la source
fondamentale de la variation génétique, les écarts au modèle de Hardy et Weinberg qu'elles
entraînent sont faibles. En effet, pour un locus donné, la fréquence des mutations étant très
petite, de 10-5 à 10-7 en général, nous pouvons négliger leur apport au pool génique en l'espace
de quelques générations.
Les mutations modifient les fréquences géniques, et par conséquent les fréquences
génotypiques.
Les mutations, génératrices d'innovations, sont nécessaires et suffisantes pour enclencher les
processus évolutifs. Mais cela s'accompagne d'un lourd tribut :
"Enfantée dans la nuit des temps, la vie s'est vue, au risque de disparaître dès l'aube,
contrainte d'évoluer afin d'affronter le milieu qui l'avait pourtant réchauffée en son sein. Elle
est devenue exigeante, par nécessité. Elle demande à être payée en retour. Cher, très cher.
L'évolution est le fruit de l'instabilité du matériel héréditaire. (...) Il faut cependant, bien
s'entendre sur le sens du mot "instabilité". Si gènes et chromosomes sont l'objet de mutations
et de remaniements, le matériel héréditaire n'en demeure pas moins intrinsèquement le même.
Il est le même aujourd'hui chez l'homme et la bactérie que jadis chez les premiers êtres
vivants. Lorsque l'océan est bouleversé par une tempête, sa surface peut paraître
extrêmement diverse, mais partout l'eau demeure de l'eau. Le matériel héréditaire bouge, lui
aussi, mais il demeure "moléculairement" le même.
Pour un remaniement chromosomique retenu par l'évolution tous les trois millions d'années,
pour une mutation génique retenue avec une fréquence du même ordre de grandeur, un
nombre pharamineux d'aberrations chromosomiques et de mutations sont produites en
permanence dans les populations humaines. Elles sont responsables d'une fraction importante
des avortements spontanés ainsi que des maladies congénitales, qui constituent dès lors une
part de la rançon que nous payons à l'évolution, donc à la vie.
Les mutations sont indispensables pour faire apparaître de nouveaux gènes allèles : ces allèles
peuvent être de "bons" gènes ou au contraire de "mauvais" gènes.
Les mutations sont donc à l'origine de la diversité des êtres vivants. Ce sont cependant des
événements rares et si ce facteur agissait seul, un nouveau gène mettrait énormément de temps
à se répandre dans une population.
9.4.3. Il y a sélection
A. Introduction
Si l’origine de la diversité des organismes repose essentiellement sur les mutations, dans le
contexte de l’évolution, il faut aussi tenir compte de l’adaptation, c’est-à-dire de l’adéquation
entre les phénotypes des espèces et les environnements dans lesquels elles vivent.
L’explication de ce phénomène réside, selon Darwin, dans l’existence d’une lutte constante
pour la survie. En d’autres termes, les organismes dont le phénotype est le mieux adapté à
l’environnement ont une plus grande probabilité de survivre… et de se reproduire. C’est ce
processus de survie et de reproduction différentielle que Darwin a baptisé « sélection
naturelle ».
Il faut noter que l’adaptation «darwinienne » n’a pas de signification au niveau de l’individu.
C’est en effet la valeur adaptative d’un génotype au sein d’une population qui est
déterminante.
Parmi les différentes conditions requises pour que le modèle de Hardy et Weinberg soit
d'application, l'absence de sélection n'est pratiquement jamais rencontrée.
En effet, il faut savoir qu'il y a sélection quand les chances de survie et de reproduction ne
sont pas égales pour des individus présentant des phénotypes différents. Or dans toute
population, les individus présentent un éventail de phénotypes.
Quand une force sélective, comme la prédation ou la compétition agit, certains de ces
phénotypes donnent aux individus qui les possèdent, de meilleures chances de survie et de
reproduction. Il en résulte que les allèles responsables des phénotypes favorisés auront une
fréquence plus élevée dans la génération suivante.
Dans le cas le plus simple, où une seule paire d'allèles est concernée, si la possession de l'un
de ces allèles confère un léger avantage reproductif, sa fréquence dans la population
augmentera d'une génération à l'autre au dépens de l'allèle moins favorisé.
La sélection peut ainsi modifier les fréquences alléliques dans une population et les éloigner
de l'équilibre de Hardy et Weinberg. Par son caractère général et inéluctable, la sélection est
de loin la force évolutive la plus importante et la plus puissante.
Dans le cas de la phalène du bouleau, la sélection naturelle a joué sur les fréquences relatives
de deux types distincts : les phalènes claires et les phalènes mélaniques.
Beaucoup de caractères cependant, tels le poids, la taille, la couleur de la peau, présentent une
variation continue car ils sont polygéniques (voir chapitre X).
Dans ce cas, la sélection naturelle pourra être soit stabilisante, soit directionnelle, soit encore
diversifiante. Les deux formes les plus communes de la sélection sont la sélection
directionnelle qui favorise les phénotypes d’un extrême par rapport aux autres et la sélection
stabilisante.
Si par exemple, dans une population de graines, les graines de taille moyenne ont plus de
chance de germer et de croître que les graines qui sont très grosses ou très petites et si la taille
est un caractère héréditaire, la génération suivante comprendra une proportion plus faible de
graines exceptionnellement grosses ou petites. Dans ce cas, la sélection est de type stabilisant.
Au contraire, si les oiseaux ont tendance à manger les graines plus grosses et à dédaigner les
plus petites, ils exerceront une sélection directionnelle en faveur des petites graines.
La sélection diversifiante se produit quand les extrêmes d’un éventail de phénotypes sont
favorisés par rapport aux phénotypes intermédiaires. Imaginons pour illustrer cette situation,
un coléoptère qui ne mangerait que les graines de taille moyenne et dédaignerait les petites et
les grosses.
Remarque :
Les trois types de sélection naturelle que nous avons mentionnés ci-dessus peuvent également
s’exercer si les accouplements ne se font pas au hasard. Si par exemple, les femelles préfèrent
s’accoupler avec des mâles de génotype AA, elles exercent une sélection directionnelle en
faveur de ce génotype; si elles préfèrent les homozygotes AA et aa aux hétérozygotes Aa,
elles exercent une sélection diversifiante. Enfin si elles favorisent les hétérozygotes par
rapport aux homozygotes, elles agissent comme des agents de la sélection stabilisante. Dans
certaines études effectuées sur la drosophile, on a effectivement constaté que les femelles
préféraient s’accoupler avec des mâles hétérozygotes pour certains gènes plutôt qu’avec des
homozygotes. Ces cas de sélection sexuelle ne sont en réalité qu’une forme de sélection
naturelle, car elle confère un avantage reproductif à un génotype donné.
Vers les années 1930, deux généticiens français : G. Teissier et Ph. L’Héritier, ont mis au
point un dispositif expérimental permettant d’obtenir des populations de quelques milliers de
drosophiles. Le dispositif est constitué de grandes cages percées d’une série de 21 alvéoles
dans lesquelles on peut introduire des godets de nourriture. Chaque jour, un godet de
nourriture fraîche remplace un godet vieux de trois semaines dans lequel, les œufs pondus ont
eu le temps de se développer et de donner des adultes. On peut ainsi conserver des populations
de 2 à 3000 individus totalisant quelques dizaines de générations.
Remarques :
1) Dans la cage, les drosophiles peuvent être soumises à des conditions de milieu aussi sévères
que les conditions naturelles,
2) On peut suivre l'évolution de la population, en prélevant des échantillons que l'on
anesthésie, observe et restitue à la cage.
Au point de départ de l'expérience, la cage comporte une population de drosophiles dont les
individus ne diffèrent phénotypiquement que par la longueur des ailes :
40% des drosophiles sont [vg]
60% des drosophiles sont [vg+]
Dans l'expérience décrite ci-dessus, le modèle de Hardy et Weinberg n'est pas vérifié puisque
la fréquence des drosophiles vestigiales et donc la fréquence de l'allèle vg a fortement
diminué au cours des générations successives.
Trois facteurs au moins expliquent la pression sélective exercée sur l'ensemble des drosophiles
[vg].
1. Les mâles [vg] ne pouvant accomplir leur parade nuptiale sont moins souvent choisis
comme partenaire sexuel que les mâles [vg+].
2. Les femelles [vg] sont moins fertiles que les [vg+].
3. Les larves des drosophiles [vg] ont un taux de survie plus faible que celui des larves [vg+].
Compte tenu de ces éléments qui agissent en synergie, les [vg] devraient disparaître
totalement de la cage après quelques générations. Or ce n'est pas le cas, car au sein de la
population, de nouvelles mutations restituent des [vg]. La pression de sélection est donc
partiellement compensée par la pression de mutation. Toutefois, compte tenu du faible taux de
mutation, cette compensation est faible.
vg +
Par ailleurs, il a été démontré que la survie des hétérozygotes est légèrement supérieure à
vg
vg +
celle des homozygotes sauvages ce qui confère un léger avantage à l'allèle vg.
vg +
Il faut noter que, quelle que soit la durée de l'expérience, la fréquence des [vg] n'atteint
jamais 100%, car il s'établit un équilibre entre les désavantages liés à la mutation vg et les
avantages pour les [vg] liés à l'émigration des [vg+].
A priori, cette deuxième expérience de Teissier et L’Héritier peut paraître paradoxale, elle
prend cependant toute sa valeur lorsque l’on associe les résultats de l’expérience au fait qu’en
bordure de mer, la plupart des espèces d’insectes qui survivent à ces conditions
environnementales très dures, s’y trouvent sous la forme aptère.
Imaginons une population panmictique fermée dont les individus peuvent porter à un locus
donné, soit l'allèle A, soit l'allèle B (A et B étant codominants).
Cependant : la vitesse de disparition du gène défavorisé varie suivant que le gène soit
dominant ou récessif :
- Si s = 0,5 : il faut une vingtaine de générations pour qu'un gène A, au début fréquent à
90%, disparaisse de la population.
- Si s = 0,2 (c'est-à-dire si la sélection contre ce gène est moins forte), il faut plus
longtemps : environ 60 générations.
- Si s est encore plus petit (par ex. : s = 0,01), plus de 1.500 générations seront
nécessaires.
- Plus s est petit, plus la vitesse de disparition du gène ralentit (par exemple, pour s =
0,002, il faudra environ 7.500 générations).
La sélection n'agit que sur le phénotype : seuls les phénotypes a vont subir ses effets.
Elle n'aura pas de prise sur les gènes récessifs cachés des hétérozygotes Aa.
Il arrive parfois que les individus hétérozygotes pour un gène particulier soient plus abondants
dans la population que ne le prédit le modèle de Hardy et Weinberg.
vg +
C'est le cas notamment pour les drosophiles .
vg
Cela semble indiquer que les hétérozygotes jouissent d'un avantage sélectif par rapport aux
homozygotes. Ce phénomène est connu sous le nom "d'avantage de l'hétérozygote" ou
héterosis.
L'exemple le mieux connu chez l'homme est le cas de la drépanocytose ou anémie à cellules
falciformes. L'hétérozygote, dans ce cas, présente un avantage sélectif sur les deux
homozygotes dans les régions où l'incidence du paludisme pernicieux provoqué par
Plasmodium falciparum est élevé. Dans ces régions endémiques, les homozygotes normaux
ont un taux de survie jusqu'à l'âge adulte qui n'atteint que 88% de celui des hétérozygotes. Par
ailleurs, les homozygotes pour l'allèle de l'anémie ont un taux de survie jusqu'à l'âge adulte qui
ne dépasse pas 13% de celui des hétérozygotes.
Nous avons vu précédemment que la drépanocytose résulte d'une mutation ponctuelle, telle
que le 6ème acide aminé de la chaîne de l'hémoglobine qui normalement est l'acide
glutamique, se trouve remplacé par la valine.
La mutation proprement dite résulte du remplacement au niveau de l'ADN du triplet C T C
par le triplet C A C. Elle est appelée Sk (sigle de Sickle Cell Anemia).
Sk
A l'état homozygote, les individus mutés sont atteints d'une anémie grave et meurent en
Sk
bas âge.
A l'état hétérozygote, les gènes Sk+ et Sk étant codominants, les individus possèdent 50%
d'hémoglobine normale et 50% d'hémoglobine mutée. Toutefois, il est essentiel de noter que le
phénotype des individus hétérozygotes varie en fonction des conditions d'oxygénation du
milieu. Dans de bonnes conditions d'oxygénation, les hétérozygotes sont phénotypiquement
sains, tandis que dans de mauvaises conditions d'oxygénation, ils font des crises d'anémie.
Normalement, le gène Sk devrait être maintenu à une fréquence très faible par la voie de la
sélection naturelle, puisque les homozygotes sont presque tous éliminés avant qu'ils n'aient pu
se reproduire.
Or on a constaté que dans certaines régions d'Afrique noire, au Ghana notamment, la
fréquence de l'allèle Sk s'élève à 20%, ce qui signifie qu'il peut y avoir près de 40%
d'individus hétérozygotes.
Dans le cas du paludisme provoqué par Plasmodium falciparum , outre les désagréments
provoqués par les accès de fièvre qui avec cette espèce se produisent toutes les 48 heures, la
surface des globules rouges infestés se couvre de petites protubérances qui les font adhérer à
la paroi des capillaires jusqu'à maturation des parasites.
Quand un grand nombre de cellules se trouvent ainsi séquestrées dans les capillaires d'un
organe d'importance vitale, tel que le cerveau, la mort peut s'ensuivre. Les effets du paludisme
pernicieux sont particulièrement sévères chez les très jeunes enfants. Or, l'une des indications
les plus nettes de l'effet protecteur du gène Sk est que très peu de porteurs hétérozygotes de
ce gène meurent de complications cérébrales lorsqu'ils sont atteints de Plasmodium
falciparum.
Effet protecteur de Sk
Diverses expériences ont montré que cette déplétion en K+ est responsable de la mort des
Plasmodium dans les globules rouges. Mais chez les hétérozygotes il y a peu de globules
rouges déformés par la présence même du parasite.
Cet apparent paradoxe peut s'expliquer de la manière suivante : chez les hétérozygotes, les
globules rouges parasités par Plasmodium falciparum se déforment plus facilement que les
globules rouges normaux car les protubérances des globules parasités les bloquent dans les
capillaires des tissus, c'est-à-dire dans un milieu peu oxygéné. Il en résulte que le manque
d'oxygène provoque la déformation du globule et que cette déformation entraîne la perte de K+
et donc la mort du parasite.
Fardeau génique
9.4.4. Il y a migration
a+ a+ a
Si des individus porteurs des génotypes + , ou avaient, en fonction de chacun de ces
a a a
génotypes, des probabilités différentes d'entrer dans la population ou de la quitter, cette
immigration ou cette émigration créerait un courant génique qui modifierait bien entendu la
fréquence relative des génotypes dans la population.
La condition d'isolement peut, dans les populations naturelles être remplie pour un nombre de
générations plus ou moins grand, et pour des populations plus ou moins nombreuses, suivant
la mobilité des organismes et les caractères géographiques ou écologiques de leur milieu.
Pour un animal aussi mobile que l'homme, l'émigration et l'immigration jouent un rôle capital
dans l'évolution génétique des populations.
C'est ainsi que la fréquence des allèles IA, IB et Io responsables des groupes sanguins A, B,
O, varie dans les populations humaines suivant les régions géographiques. Mais les religions
ont aussi une répartition géographique, et jouent un rôle social très important dans le choix du
conjoint. Il en résulte que, dans les grandes villes, où se côtoient des gens de cultes différents,
les groupes sanguins font indirectement l'objet d'une sélection sexuelle, bien qu'aucun homme,
aucune femme ne se soucie du groupe sanguin, dans le choix d'un partenaire sexuel.
Rappelons par exemple, que dans le Sud de l'Angleterre, la fréquence du gène Io est
particulièrement élevée (environ 0,7) sauf dans les communautés juives originaires d'Asie où
c'est IB qui domine.
En fait, peu de groupes humains constituent de véritables isolats: la plupart des populations
ont des échanges génétiques plus ou moins importants avec l'extérieur. La difficulté des
généticiens des populations réside dans l'estimation de l'importance de ces échanges et dans la
modélisation de leurs conséquences.
Les échanges génétiques avec des populations voisines modifient les fréquences géniques et
donc les fréquences génotypiques.
il est démontrable qu'à la génération suivante (c'est-à-dire en G1), la probabilité p1 pour qu'un
gène soit A est :
p1 = (1-m)p0 + mp'0
Dans le modèle de Hardy et Weinberg, nous passons d'une génération à l'autre par un calcul
de probabilités. Or le calcul des probabilités nous apprend qu'une fréquence observée n'est
égale à une probabilité calculée que si l'effectif de la population est infini. Plus la population
est petite, plus il est probable que la fréquence observée soit différente de la probabilité
calculée.
Nous pouvons comparer cette situation avec le jeu de pile ou face. Dans ce jeu, si nous jouons
une fois avec une pièce, la probabilité d'avoir "face" est de 0,5. Si nous jouons simultanément
avec dix pièces, la probabilité d'avoir dix fois "pile", est de 0,5-10 ± 9,77.10-4 soit 0,001.
Si nous jouons simultanément avec cent pièces, cette probabilité sera de 0,5-100 ± 8.10-31 !
Dans de petites populations, il peut se produire d'une génération à l'autre, des fluctuations
aléatoires de la fréquence des allèles, que le modèle de Hardy et Weinberg ne permet pas de
prévoir. Ces fluctuations peuvent aller jusqu'à l'exclusion complète d'un allèle.
La variation aléatoire de la fréquence des gènes, liée au fait que l'effectif de la population est
petit et qu’il ne ressortit donc pas au modèle Hardy et Weinberg, est appelée la dérive
génique.
La dérive génique joue un rôle dans l'évolution de toutes les espèces qui se trouvent
régulièrement ou fortuitement réduites à quelques représentants. De la même manière, la
dérive génétique joue un rôle dans l'évolution de toutes les populations humaines peu
nombreuses et isolées soit par des barrières physiques : mers, déserts, hautes montagnes, soit
par des barrières sociales : discriminations de « race », de caste ou de religion. Ce fait
explique pourquoi certaines petites tribus, issues d'une origine commune finissent par diverger
génétiquement.
A. La dérive génique
Imaginons une population de 10 individus, dont trois sont homozygotes AA, trois
homozygotes aa et quatre hétérozygotes Aa.
Au départ la fréquence des allèles est donc bien de 0,5 pour A et 0,5 pour a.
Le modèle de Hardy et Weinberg laisse supposer qu’à la génération suivante, la fréquence
allélique sera inchangée. Toutefois, étant donné que les allèles qui constituent le pool génique
constituent un échantillon aléatoire du pool génique de la génération parentale, les fréquences
alléliques peuvent par hasard être différentes de celles de la génération précédente.
L’échantillonnage aléatoire résulte notamment de ce qu’au sein de n’importe quelle espèce,
chaque individu produit infiniment plus de gamètes qu’il n’en sera impliqué dans une
fécondation. Les gamètes efficaces, c’est-à-dire ceux qui produiront des zygotes ne constituent
donc qu’un échantillon de ceux que les parents produisent. Pour les locus homozygotes, cet
échantillonnage est évidemment sans effet, mais il en va tout autrement pour les
hétérozygotes.
Si un parent hétérozygote pour un locus a dix descendants, le plus probable est que cinq
d’entre eux héritent d’un allèle A, les cinq autres d’un allèle a. Mais parce que ces dix allèles
constituent un échantillon tiré au sort, les proportions peuvent être très différentes, par
exemple, six A et 4 a ou trois A et sept a.
On parlera d’échantillonnage aléatoire chaque fois qu’un petit nombre d’individus (ou de
gamètes) sont tirés d’une population plus grande de survivants (géniteurs) potentiels, sans
qu’intervienne une différence d’aptitude entre génotypes.
Si un locus est représenté par deux allèles de même aptitude, un échantillonnage aléatoire peut
modifier leurs fréquences dans la population. De tels changements de fréquence génique sont
appelés dérive génique (ou genetic drift). Cette dérive joue un rôle important par rapport aux
équilibres de Hardy et Weinberg et permet notamment que des allèles se substituent à d’autres
au sein de la population.
Le phénomène de dérive génique est réel dans toutes les populations, quel que soit leur
effectif ; mais quand la population est très grande, l’élimination de certains allèles par l’effet
du hasard est tellement lente qu’elle est masquée par l’effet d’autres facteurs sur les
fréquences géniques, comme les mutations, la sélection, les migrations, …
La vitesse à laquelle la dérive génique modifie les fréquences alléliques dépend donc de
l’effectif de la population : plus la population est réduite, plus l’effet de la dérive est
important.
La dérive génique a pour effet d’appauvrir le patrimoine génétique d’une population. Plus la
population est petite et plus rapide sera l’appauvrissement de son patrimoine héréditaire.
L’importance de la dérive génique dans les populations naturelles est difficile à mesurer, car
son influence est tributaire dans une large mesure de la force de la sélection naturelle et de la
taille de la population.
Il existe beaucoup d’espèces dont les populations reproductrices peuvent compter moins de 50
individus.
On connaît par ailleurs des centaines d’espèces, tel le cabillaud, chez lesquelles la sélection
élimine plus de 95% de la population chaque année.
B. Effet du fondateur
L’importance de la dérive génique dans les populations naturelles est, nous l’avons dit,
difficile à estimer. Toutefois, il est probable qu’elle joue un rôle évolutif très important dans le
cas particulier de l’effet fondateur. En effet, lorsqu’un petit nombre d’individus émigrent, il y
a de fortes chances pour qu’ils ne possèdent pas tous les allèles de la population mère. Si ces
Imaginons un petit groupe qui colonise un nouveau territoire. La population "mère" d'où est
issu ce petit groupe, possède par exemple une fréquence élevée de gènes A et peu de gènes B.
Parmi les émigrants, le hasard peut faire qu'ils soient, au contraire, porteurs de plus de gènes
B que de A.
Exemple :
Au cours de leur processus d'essaimage, ces migrants ont emmené par hasard avec eux un
gène plutôt rare dans la population dont ils sont issus. La région où ils vont faire souche sera,
au terme de plusieurs générations, peuplée par des individus qui seront pour cet allèle très
différents de leur population d'origine.
Le cas extrême est celui où tout un dème est engendré par un procréateur. Un atoll par
exemple peut être peuplé de cocotiers issus d’une seule noix échouée; une île peut être
peuplée de rats descendants d’une seule rate gravide échappée d’un bateau. Dans ce cas, tout
C. Effet d’étranglement
La théorie de l’évolution par la voie de la sélection naturelle prédit qu’au cours du temps, une
population est de mieux en mieux adaptée à son environnement. On pourrait donc s’attendre à
ce que les populations deviennent de plus en plus homogènes du point de vue génétique
puisque les allèles qui ne contribuent pas à cette adaptation sont éliminés par sélection.
Toutefois, l’observation de populations naturelles indique que ce n’est pas le cas, ce qui
signifie que des facteurs favorisant la variation génétique sont constamment à l’œuvre.
Le polymorphisme est transitoire quand un allèle, qui offre un avantage sélectif par rapport
aux autres occupant le même locus, remplace progressivement ces derniers pour finalement se
fixer, c’est-à-dire atteindre la fréquence 1.
Le polymorphisme équilibré ou balancé est plus fréquent. Dans ce cas, les différents allèles
sont conservés dans la population. La sélection diversifiante, les effets opposés de la sélection
et du courant génique, ainsi que l’avantage de l’hétérozygote peuvent tous conduire au
polymorphisme équilibré. Des modifications de l’environnement revenant de façon périodique
et qui favorisent des génotypes différents à des moments différents, conduisent également au
polymorphisme équilibré.
En Grande-Bretagne par exemple, certains merles migrent vers le Sud tous les hivers, alors
que d’autres restent sur place. Si l’hiver est rigoureux en Grande-Bretagne, les merles qui ont
migré auront un taux de survie plus élevé. Au contraire, si l’hiver est doux, le taux de survie
sera plus élevé chez les oiseaux sédentaires qui n’ont pas à affronter les dangers de la
migration.
Le tableau de la page suivante reprend l’ensemble des facteurs qui influencent la variabilité
génétique dans une population naturelle.
CHAPITRE X
CARACTERES QUANTITATIFS OU POLYGENIQUES
10.4. Méthodologie
Un grand nombre de caractères sont régis par une seule paire de gènes et se transmettent
suivant les lois de Mendel qui sont clairement observables, surtout si les phénotypes sont fort
contrastés (par ex. : individus malades et normaux). Mais ce n’est pas le cas pour tous les
caractères phénotypiques : en effet, deux, trois ou plusieurs couples de gènes allèles peuvent
intervenir pour modeler un phénotype : ces caractères sont dits polygéniques ou
multifactoriels.
Les caractères quantitatifs ou polygéniques représentent donc des cas où un seul trait
phénotypique est gouverné par l'interaction de divers allèles qui occupent plusieurs locus
différents soit sur un chromosome, soit sur des chromosomes différents.
Le fait que de nombreux caractères phénotypiques varient d'une façon continue ne signifie pas
que cette variation résulte de mécanismes génétiques différents de ceux établis pour les gènes
mendéliens. La continuité du phénotype résulte de ce qu'il est influencé par des allèles de
plusieurs locus pouvant s'assortir de différentes manières.
Supposons, par exemple que cinq locus d'importance égale soient impliqués dans un caractère
donné et que chaque locus possède deux allèles, que nous appellerons + et - . Pour la
simplicité, supposons aussi qu'un allèle + ajoute une unité au caractère, alors qu'un allèle -
ne le modifie en rien. Ce caractère pourra donc correspondre à 35, soit 243 génotypes
Dès lors, dans le cas des caractères polygéniques, une population se caractérisera par la
répartition des valeurs du caractère au sein de la population et non par la proportion des
individus qui présentent ou non le caractère.
Pour décrire les caractères quantitatifs, on se réfère au concept de distribution statistique.
Remarque :
La fonction de distribution statistique sera étudiée au cours de mathématique.
Les notions les plus utilisées en génétique quantitative sont l'histogramme de fréquences et la
courbe de fluctuations.
Chez l'être humain, la taille, l'intelligence, la corpulence, la couleur de la peau et des cheveux
sont des exemples bien connus de caractères polygéniques.
La couleur de la peau chez l'homme est un caractère quantitatif qui a fait l'objet de
nombreuses études. Chez les personnes dont la peau est très foncée, tous les locus portant des
gènes responsables de la couleur de la peau sont occupés par des allèles déterminant la
production de mélanine. Au contraire, chez les personnes dont la peau est claire, ces locus
sont occupés par des allèles qui ne codent pas pour la synthèse de ce pigment.
Si on admet, que l'effet des allèles est cumulatif, plus une personne possède d'allèles pour la
production de mélanine, plus elle en fabrique et plus sa peau sera foncée (voir figure).
Les dermatoglyphes sont des dessins réguliers et complexes formés par de fines crêtes de
l'épiderme où débouchent les glandes sudoripares. Ils sont situés sur la face interne des doigts
(crêtes digitales) et des paumes (crêtes palmaires).
Cette disposition ridée de la peau permet une meilleure réception des stimuli tactiles ainsi
qu'une meilleure préhension.
Les dermatoglyphes se différencient vers le troisième mois de la vie embryonnaire et, une fois
formés, ils sont immuables.
Ces dessins montrent une telle diversité dans leurs détails, que chaque individu est unique en
ce qui concerne les minuties de ses dermatoglyphes. On peut cependant classer les dessins en
un nombre raisonnable de catégories.
Les dessins digitaux, par ex., peuvent être groupés en trois catégories principales : les arcs, les
boucles et les tourbillons (voir fig.). La dimension d'un dessin digital s'exprime par le nombre
de crêtes totalisées sur les dix doigts (Total Ridge Count = TRC). Le TRC est un caractère à
distribution continue, mais approximativement gaussien.
Comment expliquer qu’un caractère héréditaire, régi par plusieurs paires de gènes, puisse
avoir une distribution gaussienne ?
A B C
F1 [ 66cm ]
a b c
Parmi les 8 types de gamètes possibles, on constate qu' 1/8 d'entre eux comporte 3 facteurs
d'allongement (3f) , que 3/8 d'entre eux en comporte 2 (2f) , que 3/8 d'entre eux en
comporte 1 (1f) et que 1/8 des gamètes ne comporte aucun facteur d'allongement (0f) .
3f 2f 1f 0f
3f 6f
1/8 1/64
2f 4f
3/8 9/64
1f
3/8
0f 0f
1/8 1/64
(Les étudiants sont invités à compléter ce tableau).
Remarques :
1) L'analyse de l'exemple concret comparée aux résultats de l'exemple théorique montre que
plus le nombre d'allèles conditionnant le caractère est grand, plus la dispersion des valeurs
prend un aspect continu.
2) L'histogramme indique clairement que si la taille présente une variation continue, la
variation se situe dans des limites imposées par la taille des parents de la génération initiale.
3) De plus, un autre facteur estompe encore les paliers de l’histogramme : c’est le « milieu ».
Celui-ci a pour effet d’augmenter la variabilité des phénotypes.
10.4. MÉTHODOLOGIE
Pour mieux cerner la part de l'hérédité et la part de l'environnement, on pourrait, par exemple,
comparer deux populations de même patrimoine héréditaire mais vivant dans des milieux
différents (ex. : un groupe de migrants et sa population d'origine).
Si on observe des différences entre ces deux populations, on pourrait les imputer au
changement de milieu.
Mais un biais est introduit par le fait qu'il y a souvent sélection des migrants.
On risque donc de comparer deux groupes qui n'ont pas tout à fait le même patrimoine
génétique.
Une autre méthode, où les paramètres sont mieux contrôlés, est l'étude des apparentés.
A l'aide d'enquêtes familiales, on compare pour un caractère les parents à leurs enfants, ou les
enfants entre eux, ainsi que des témoins non apparentés.
Rappel : Chaque individu a reçu la moitié de ses gènes de l'un de ses parents, l'autre moitié de
son second parent. Cela revient à dire que la parenté génétique parent-enfant est d'un demi. La
parenté génétique frères-soeurs est aussi d'un demi, puisque chaque sujet a une chance sur
deux de recevoir le même gène qu'a reçu son frère ou sa soeur.
L'intensité de la relation qui unit les deux variables considérées (dans l'exemple : la taille des
mères et la taille des filles) peut être exprimée par un paramètre : le coefficient de
corrélation (r) qui peut varier de 0 à 1 :
La fig. suivante montre les résultats d'une enquête dans la région bruxelloise, relative à la
taille des mères et de leurs filles. Quand l'apparentement diminue, le coefficient de corrélation
diminue également, pour devenir nul chez des individus non apparentés. Au contraire, lorsque
l'identité génétique est semblable (cas de vrais jumeaux), le coefficient de corrélation devrait
théoriquement être égal à 1.
Le milieu a pour effet d'augmenter ou de diminuer le coefficient de corrélation suivant que les
membres des couples ont vécu dans des conditions semblables ou différentes.
Autre exemple : les coefficients de corrélation observés pour le Q.I. varient selon les
catégories d'apparentement. Cependant, au sein d'une catégorie d'apparentement, la variation
peut être forte.
Le Q.I. est donc un caractère à variation continue, vraisemblablement régi par plusieurs paires
de gènes allèles et très fortement influencé par le milieu.