Généralités :
- Voltaire dramaturge du 18ème siècle (1694-1778), philosophe français qui écrivit contre l'intolérance.
- Candide ou l'optimisme, 1759.
- Un conte en prose où il critique la vision optimiste. Ceci est une réaction envers certains philosophes de
l'époque comme Leibniz.
Introduction
Le nègre de Surinam constitue une dénonciation de l'esclavage et l'exemple même de l'atteinte aux droits
de l'homme et à la liberté. La rencontre de Candide avec le nègre au sortir de l'Eldorado constitue un choc
brutal et un retour à la réalité du mal: Candide ne peut plus se laisser aller à une quelconque croyance
optimiste.
Les lecteurs, à travers cet épisode vont être confrontés à une réalité historique que Voltaire intègre à sa
démonstration avec efficacité.
L'extrait :
-Candide et Cacambo rencontrent un nègre au bord d'un chemin, il leur raconte sa misérable vie qui se
résume à peu de choses. Ses malheurs sont dus à un commerçant blanc.
La première journée de nos deux voyageurs fut assez agréable. Ils étaient encouragés par l'idée de se
voir possesseur de plus de trésors que l'Asie, l'Europe et l'Afrique n'en pouvaient rassembler. Candide,
transporté, écrivit le nom de Cunégonde sur les arbres. À la seconde journée deux de leurs moutons
s'enfoncèrent dans des marais, et y furent abîmés avec leurs charges ; deux autres moutons moururent de
fatigue quelques jours après ; sept ou huit périrent ensuite de faim dans un désert ; d'autres tombèrent au
bout de quelques jours dans des précipices. Enfin, après cent jours de marche, il ne leur resta que deux
moutons. Candide dit à Cacambo : « Mon ami, vous voyez comme les richesses de ce monde sont
périssables ; il n'y a rien de solide que la vertu et le bonheur de revoir Mlle Cunégonde. -- Je l'avoue, dit
Cacambo ; mais il nous reste encore deux moutons avec plus de trésors que n'en aura jamais le roi
d'Espagne, et je vois de loin une ville que je soupçonne être Surinam, appartenant aux Hollandais. Nous
sommes au bout de nos peines et au commencement de notre félicité. »
En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son
habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main
droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais- tu là, mon ami, dans l'état horrible où je
te vois ? -- J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. -- Est-ce M.
Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? -- Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous
donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et
que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous
coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.
Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon
cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être
esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. " Hélas ! je ne
sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets
sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les
dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si
ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut
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pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.
Etude
I - Un constat
Le récit de la rencontre avec le nègre est fait par le narrateur qui semble ne pas prendre partie et donner
les choses telles quelles se sont passées.
Les paroles de l'esclave ont cette même tonalité d'acceptation de son sort en fonction d'une même
réglementation.
c) Cependant, présence d'une parole vivante, la mère au style direct. Ce n'est pas un constat, c'est un
rappel émouvant du passé.
II - L'ironie
Cette ironie se révèle dans le décalage entre la l'objectivité du constat et l'horreur de la situation décrite.
- Dans la logique de l'usage.
- Dans la relation établie entre l'esclave et l'économie.
a) Une priorité aberrante, l'accent est mis sur " l'absence de la moitié de l'habit ".
Il y a là une distorsion ironique qui insiste sur la situation réelle de l'esclave.
b) L'ironie apparaît aussi dans le choix de certains termes à double sens " fameux " différent au terme
valorisant illustre, célèbre : il est dépréciatif. Vandedendur est rendu célèbre par sa cruauté.
c) Insistance détachée sur les closes du contrat établit par l'usage (= mutilation systématique ) " je me suis
trouvé dans les deux cas ". C'est un formalisme administratif que met en relief Voltaire par le ton
faussement détaché, l'horreur n'en n'est que plus perceptible.
d) Relation entre l'esclave et le sucre. Raccourci efficace " c'est à ce prix que vous manger du sucre en
Europe ". Ici aussi distorsion, décalage entre notion de plaisir en Europe et vie inhumaine pour les
esclaves.
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L'émotion de Candide souligne l'horreur de l'état dans lequel se trouve l'esclave et cette horreur ne peut
inspirer que de la pitié. Voltaire fait ainsi appel à la sensibilité de son héros et à travers lui à celle du
lecteur.
b) Dénonciation de l'illusion Optimiste qui conduit à l'esclavage à cause de l'attitude de sa mère. L'esclave
renverse même le système des valeurs fondamentales : Esclave = honneur. Il est recommandé par la mère.
c) Dénonciation de l'esclavage qui est un système brutal et cruel parce qu'il exploite la souffrance pour la
plaisir de quelques privilégiés : " c'est à ce prix ….. en Europe ".
Voltaire fait passer à travers le nègre un message très fort . Il montre bien les difficultés rencontrées par
les esclaves.
Vision du noir :
Citation péjorative, (l.2)"moitié habit" (l.4)"pauvre Homme" (l.3- Nègre dénigré ? emploi d'adjectifs
vision réductrice. 11)"caleçon de toile" (l.6)"état horrible" péjoratifs.
Traite des noirs
Litote (l.2)"n'ayant plus" (l ;17)"ma mère me vendit
En ce temps-là , la toile était faite
Ton implicite dix écus patagons" (l.3-11)"un caleçon de toile"
pour envelopper la marchandise.
Enumération Les noirs sont moins bien traités que
(l.23)" les singes , les chiens , les perroquets "
les animaux qui eux sont respecté
(l ;24)"sont mille fois plus heureux que nous"
Litote pour leur obéissance.
(l.29 à 30)"Or vous m'avouerez qu'on ne peut
Cela montre qu'un noir n'est pas
Ironie pas en user d'une manière plus horrible avec ses
respecté en tant qu'homme .
parents"
Parallélisme (l .12à14)"quand la meule nous attrape le doigt Code noir de 1685
on nous coupe la main , quand nous voulons Cela va à l'encontre des préceptes de
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nous enfuir on nous coupe la jambe" la bible
Répétition Voltaire insiste une fois de plus sur
(l ;1,8,10)"le nègre"
expressive le thème de l'esclavage.
La vision du noir est très sombre, morbide. On se demande comment ils font pour vivre.
Conclusion :
Ce texte est basé sur le constat de l'infamie de la traite négrière. Il décrit de manière authentique la
cruauté des négociants. Au premier abord, le fait que le point de vue soit externe tend à nous faire penser
que le constat est neutre; L'étude de ce texte nous montre que c'est Voltaire qui s'exprime à travers le
nègre. C'est pourquoi on peut dénoter de l'ironie, notamment quand Voltaire traite de la religion. Comme
nous l'avons dit auparavant, le constat paraît neutre. Pourtant la description très crue de la mutilation des
nègres et du négoce de ceux-ci suscite un sentiment de révolte et d'indignation chez le lecteur. Toutes les
figures de styles montrent une très bonne organisation du texte. C'est pourquoi nous pouvons déduire que
ce texte participe fortement au combat de Voltaire contre l'intolérance et l'injustice.