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Consommation
Le comportement
et développement durable :
vers une segmentation des sensibilités
et des comportements
par Anne-Sophie Binninger et Isabelle Robert
E
mergeant au tournant des années 90 en bénéficiant de
la mondialisation de la société civile et économique, le
développement durable est un concept brandi aujourd’hui
par une multitude d’acteurs différents : Etats, entreprises, ONG
ou institutions internationales. Si la plupart des chercheurs
déplorent une absence normative des approches théoriques et
applicatives du développement durable, sa vulgarisation auprès
du grand public est néanmoins en marche. En effet, la multipli-
cation des problèmes environnementaux et sociaux (travail des
enfants, catastrophes climatiques, pollution, crises alimentaires,
peak oil…), l’intégration contrainte ou choisie des valeurs du
Anne-Sophie Binninger développement durable au sein des entreprises (rapport de
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Dossier
52 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing
Cet article constitue une étape exploratoire nécessaire qui doit 1.1. La consommation éthique,
permettre de mieux circonscrire la compréhension du concept et
sa traduction dans la sphère de consommation. Une première
un mouvement précurseur
partie permettra de resituer les différents courants théoriques, Dans la mouvance du courant de l’éthique des affaires et de
mettant en avant l’évolution d’une consommation plus socié- l’entreprise observé aux Etats-Unis durant la décennie 1990,
Le comportement
tale. Deux phases d’études qualitative et quantitative serviront de nombreuses recherches conceptuelles et empiriques sur les
de références à la partie trois, et permettront de préciser de questions liées à l’éthique se sont multipliées en privilégiant
quelle manière les valeurs du développement durable s’intègrent une approche firme ou management. Cependant, si l’approche
aujourd’hui dans les esprits et les comportements. L’objet de consommateur est restée minoritaire, les travaux de N.C. Smith
cette contribution est de proposer des éléments de réflexion pour (1990), de J.A. Muncy et S.J. Vittel (1992) et de Holbrook (1994)
les acteurs économiques, qu’ils soient collectivités, associations ont permis de circonscrire le concept de consommation éthique,
ou entreprises, face à un mouvement fortement médiatisé dont mais également d’initier des questionnements sur la responsa-
les contours sont encore à construire. bilité du consommateur vis-à-vis de la société en général. Selon
N.C. Smith (1990), consommer « éthique » signifie consommer
en accord avec les principes d’une société, et implicitement agir
1. Cadre théorique : conformément à ce qui est reconnu comme « bien ». Pour J.A.
Le développement durable, Muncy et S.J. Vittel (1992), la consommation éthique se mesure
par le degré d’honnêteté du comportement d’un individu dans
concept unificateur la sphère de consommation. Pour ses auteurs, l’éthique de la
des courants de consommations consommation désigne « les principes et standards moraux qui
plus responsables guident le comportement d’individus ou de groupes lorsqu’ils
acquièrent, utilisent ou disposent de biens et services. ». Quant
Depuis quelques années, une ré-appropriation de la sphère micro- à Holbrook (1994) il propose une définition plus restrictive : « la
économique par les citoyens est constatée. Ces nouvelles appro- consommation a une valeur éthique lorsque le consommateur a
ches se déclinent sous différentes bannières comme l’économie un comportement actif de poursuite de moralité, orienté vers les
solidaire, la finance responsable ou encore le développement local. autres et intrinsèque, dans la mesure où la vertu est sa propre
Parallèlement, des mouvements plus globaux de consommation récompense ». Bien que la littérature portant sur la consomma-
responsable émergent. Au-delà des deux formes historiques tion éthique reste en grande partie normative et vise essentiel-
distinctes de consumérisme politique que sont le commerce de lement à établir les comportements éthiques et non-éthiques
solidarité Nord-Sud orchestré par les communautés religieuses, de consommateurs, les recherches effectuées ont permis de
et les pratiques de boycott, la consommation responsable investit soulever certains questionnements relatifs aux liens existants
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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing 53
sur le rôle de la consommation personnelle de l’individu dans la sées en sociologie sur la responsabilité sociale des individus (L.
détérioration de l’environnement. Ces auteurs adaptent le concept Berkowitz et K.G. Lutterman 1968). Selon F. Webster (1975), le
de responsabilité sociale à l’environnement et tentent d’identifier consommateur socialement responsable est « une personne qui
la conscience sociale de l’individu à l‘égard de l’environnement. prend en compte les conséquences publiques de sa consommation
Ils définissent le consommateur préoccupé par l’écologie comme privée, et qui essaie d’utiliser son pouvoir d’achat pour induire
Le comportement
un individu devant « adopter un comportement d’achat cohérent des changements dans la société ». À partir de cette recherche,
avec la conservation des écosystèmes » et explorent la relation les travaux sur ce thème se segmentent entre les chercheurs
entre les caractéristiques socio-économiques et psychologiques qui exposent une vision large de la consommation socialement
des consommateurs et leur préoccupation pour l’environnement responsable prenant en considération plusieurs dimensions (F.
(PPE). Cependant, les résultats des recherches sur le concept de Webster 1975, J. Roberts 1995, A. François-Lecompte 2003) et
préoccupation pour l’environnement sont loin d’être homogènes. les autres qui réduisent cette notion à l’achat selon le degré de
Conjointement, d’autres chercheurs, (S.C. Grunert et H.J. Juhl responsabilité sociale de l’entreprise (L. Mohr, D. Webb et K. Harris
1991) faisant référence à l’attitude pour caractériser la PPE 2001, M. Carrigan et A. Attala 2001, S. Sen et C.B. Bhattacharya
s’appuient sur la notion d’externalité propre aux économistes, 2001, T. Brown et P. Dacin 1997). Estimant que les échelles de
en démontrant que l’individu préoccupé par l’environnement, mesure se concentrent sur les attitudes et les comportements
essaie par son comportement de minimiser les coûts négatifs des consommateurs liés à l’environnement, J. Roberts (1995)
pour l’environnement. Ces différentes approches vont donc envisage donc la consommation socialement responsable sous
au-delà du simple acte d’achat. Comme le résume J.-L. Giannelloni deux dimensions : la dimension environnementale et la dimension
(1998), « la consommation est un acte dont les conséquences sociale, et définit le consommateur socialement responsable
sur l’environnement peuvent être multiples, et le consommateur comme étant « celui qui achète des biens ou des services qu’il
préoccupé pour l’environnement intègre cette complexité dans sa perçoit comme ayant un impact positif (ou moins mauvais) sur son
décision ». Au sein de ce courant, sont également développées environnement, et qui utilise son pouvoir d’achat pour exprimer ses
des recherches portant sur la conceptualisation du marketing vert préoccupations sociales ». Néanmoins, malgré la multiplication des
sous ces différents aspects (W.E. Kilbourne 2004). Le second recherches se focalisant sur l’étude des déterminants de l’achat
courant de recherche fait référence à l’approche conservationniste et des typologies de consommateurs, ce concept reste flou du
qui privilégie l’arrêt de la croissance économique et le retour à un fait de l’hétérogénéité des mesures et de l’absence de stabilité
état stationnaire. Le concept de société de conservation repose sur des résultats d’une recherche à une autre. En outre, les objets de
la perception d’un monde fini bénéficiant de ressources limitées recherche se sont essentiellement polarisés sur la fidélité (achat
et non renouvelables. Ainsi, ce courant propose l’avènement de produits engagés), sur le boycott (N.C. Smith 1987, M. Friedman
d’une société de conservation, où l’on pourrait maintenir, voire 1999) ou sur le boycott au détriment des recherches sur les
améliorer, son niveau de vie, tout en consommant moins ou comportements de défection (Ozçaglar- Toulouse 2005).
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mation verte, éthique du consommateur, intégration des valeurs regroupements potentiels entre les items comportementaux,
de RSE dans le choix des produits), il permet de transcender ces l’analyse exploratoire en composante principale a été menée
approches et d’inscrire les nouvelles formes de consommation avec rotation Varimax et normalisation de Kaiser. Par la suite, la
dans un environnement qui va au-delà de la simple sphère de la fiabilité inter-items a été calculée pour chaque dimension identi-
consommation. En considérant en effet les trois piliers conceptuels fiée en utilisant l’alpha de Cronbach2 (1951), calculé à partir
Le comportement
classiques de ce mouvement (économique, social et environne- des résultats des analyses factorielles réalisées. Afin d’étudier
mental), la référence directe faite à ce concept doit replacer le la force des relations entre les variables, des analyses de corré-
consommateur dans un contexte de citoyenneté et de principes lations (coefficient de corrélation de Pearson, significativité de
collectifs suffisamment vaste. Elle doit aussi amener à mieux la relation par un test en t, et probabilité inférieure ou égale à
appréhender les dissonances observées entre les attitudes d’un 5 %) ont ensuite été menées. Plusieurs tests de comparaison de
citoyen et les comportements du consommateur. moyenne entre les variables ainsi identifiées (test en t et Anova
à un facteur entre les variables de sensibilité et les caractéristi-
ques socio-démographiques des individus ont été réalisés pour
2. Méthodologie de la recherche approfondir les résultats obtenus, mais n’ont finalement donné
aucun résultat significatif.
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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing 55
premier aux énergies renouvelables », « cela évoque pour moi qu’aujourd’hui l’environnement devient la nouvelle nature du
tout ce qui est tri, effet de serre », « la notion de développement développement (G. Rist 2001). Comme le soulignent Corinne
durable consiste à pouvoir développer l’économie sans entamer Gendron et Jean-Pierre Reveret4, «… Dans l’expression, la
les ressources à long terme et la survie de la planète », « c’est durabilité semble n’être qu’un qualificatif accroché à un substantif
la protection de l’environnement pour les générations futures », qui a fait, et fait toujours l’objet d’une abondante littérature en
Le comportement
« tout ce que l’on peut faire aujourd’hui pour éviter la pollution sciences sociales. Or, étonnamment, la notion de développement
de la planète », « c’est la possibilité de donner aux générations durable s’est propagée de façon autonome, sans que l’arrimage
futures la même possibilité de jouir des ressources de la planète avec le substantif soit toujours fait. Il semble exister un ancrage
que nous », « l’utilisation raisonnée de l’énergie et des matières plus fort avec le monde de l’environnement qu’avec celui du dével-
premières », « le développement des industries tout en respec- oppement. ». Cette primauté des questions environnementales
tant l’environnement et en réduisant les émissions toxiques et identifiée est aussi le reflet des discours des hommes politiques
les déchets »… Cette sur-représentation écologique est très et des instances internationales qui disqualifient aujourd’hui le
probablement le fruit d’une forte mobilisation médiatique et concept même de développement5. »
d’une inquiétude grandissante relayée par les crises récentes :
gestion de la catastrophe de Tchernobyl, multiplication des
nuisances et des catastrophes environnementales (canicules, 3.2. La sensibilité au développement
inondations, pollution de l’air et de la mer…). Ces résultats durable comme clé d’entrée
vont dans le sens de nombreuses observations, qui mettent
en avant la coexistence d’une double crise dans la conscience des comportements responsables
collective (crise de confiance dans la science et crise dans la
régulation publique des risques notée par Y. Barthe, M. Callon, Dans cette partie, nous présentons les résultats des statistiques
et P. Lascoumes 2001), à « une décapitalisation sur le futur » descriptives, de l’analyse en composante principale, et des
(O. Badot et B. Cova 1992), ou encore à une « dés-idéalisation » matrices de corrélation, permettant de valider la mesure de la
provoquée par le fait que le progrès technique n’est plus synonyme sensibilité au développement durable ainsi que ses influences
de « mieux vivre ». sur des modes d’actions et de comportements responsables.
En revanche, bien que primordiale dans la vie quotidienne des Les approches théoriques du consommateur par le biais de dimen-
individus, « la dimension sociale intérieure », focalisée sur les sions psychologiques ne sont pas nouvelles en soi, même si elles
problèmes socio-économiques nationaux (chômage, déloca- n’abordent que partiellement le thème du développement durable
lisations…) est en partie occultée et reste peu associée au en tant que tel. Pour faire le lien entre la compréhension psycholo-
concept. Toutefois, une partie non négligeable des définitions gique de l’individu/consommateur et le développement durable, il
se centralisent sur l’aide aux pays en voie en développement, est donc nécessaire de se référer aux courants parallèles étudiés
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56 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing
fait généralement référence à une conscience de certaines idées et les distributeurs. Il faut noter que chacune de ces dimensions
ou valeurs, à l’expression d’une sensibilité réelle et à un désir s’appuient sur l’un des trois piliers théoriques et fondateurs du
d’agir (A.G. Christensen 1999, M. Le Gall 2002, L. Draetta 2003). concept (économique, environnemental et social). Le fait de
Même s’il reste logique de penser qu’une certaine ambivalence retrouver un axe économique homogène sous cette forme montre
entre les discours et les actes, ou encore la sensibilité et les que, pour une partie des individus, une prise de conscience
Le comportement
comportements persiste, le fait de considérer la sensibilité comme concernant l’inadéquation de notre mode de développement
un déclencheur central du comportement peut difficilement être actuel tend à se développer.
remis en cause (H. Gierl et S. Stumpp 1999). La compréhension Dans un second temps, les relations entre la sensibilité au
d’une sensibilité basée sur les valeurs du développement durable développement durable et les comportements identifiés comme
peut donc légitimement être considérée comme une clef d’entrée « responsables », ont été testées. Sur la base des entretiens
potentielle de la compréhension des comportements d’achat dits qualitatifs, deux groupes de comportement ont été constitués.
« responsables ». D’un côté, on distingue les comportements « non marchands »
Dans cette perspective, les entretiens qualitatifs ont permis de relevant de la vie quotidienne et ne nécessitant pas une démarche
générer un ensemble d’items représentatifs d’une sensibilité sélective d’achat à l’égard d’un tiers (comme les actions relatives
générale au développement durable, et d’actions et comportements aux économies d’énergie et aux petits gestes quotidiens qui ont
s’y référant. Ces items de sensibilité montrent un individu conscient été conservées dans cette catégorie). De l’autre côté, les actes
des problèmes écologiques, qui s’oriente vers une recherche ayant un lien direct avec des produits et des acteurs opérant sur
d’équité dans les rapports Nord / Sud, les échanges commerciaux le marché sont considérés comme « marchands ».
internationaux et les droits de l’Homme. Ils présentent aussi un Le premier constat montre que des relations significatives existent
individu tout à fait capable d’envisager un changement politique bien entre la variable générale « sensibilité au développement
et économique dans le mode de développement actuel. Pour les durable » et l’ensemble des actions et comportements répertoriés
items comportementaux, il est apparu impératif d’intégrer non (voir tableau 2). Pour le groupe des « non marchands », il faut
seulement des actes liés à la consommation, que l’on peut qualifier noter que les items les plus significativement corrélés avec la
de « marchands », et des modes de fonctionnement s’intégrant variable de sensibilité sont d’abord les actions sociales, puis
dans la vie quotidienne plutôt « non marchands ». dans une moindre mesure les actions écologiques, qui deman-
L’analyse des résultats de la phase quantitative fait ensuite dent un degré d’effort personnel globalement supérieur. Pour
apparaître clairement trois formes d’orientations distinctes le groupe des items « marchands », on retrouve en premier lieu
de la sensibilité, qui confirment son caractère non homogène des actions relevant d’une forme de vigilance de consommation
(tableau 1). Le premier facteur qui revêt un poids très supérieur (boycott de marques, lecture des étiquettes, sélectivité des
aux deux autres montre un individu orienté vers la dimension fournisseurs), puis des engagements plus impliquants, notam-
sociale et les problèmes de pauvreté. Le second se focalise sur ment en terme de prix supérieur à payer ou de limitation de sa
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Tableau 1. Les trois dimensions de la sensibilité au développement durable (résultats de l’analyse en composante principale)
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Classement selon la valeur du coefficient de corrélations, et Des analyses plus détaillées ont ensuite été menées entre les
avec un degré de significativité inférieur à 0,01 (sauf pour l’item trois facteurs de la sensibilité au développement durable et
marqué d’une étoile (*) : p < 0,05). les items de comportement. Elles montrent que la nature de la
Le comportement
Tableau 2. Les comportements responsables (marchand / non marchand) et leur relation avec la variable générale « sensibilité au développement durable »
Classement
Non marchands Marchands
par ordre croissant
1 Je m’informe et je soutiens les organisations qui luttent Je pense que si je boycotte les marques qui ne respectent
contre la pauvreté pas les droits de l’homme, j’ai un pouvoir d’action réel
2 Je m’investis dans les associations qui luttent contre Je prends toujours le temps de lire les étiquettes pour
l’exclusion mieux m’informer sur les produits et leur fabrication
3 J’évite de faire du tourisme dans les pays qui ne respectent J’essaye de privilégier les producteurs locaux
pas les droits de l’Homme
4 J’essaye d’avoir des petits gestes quotidiens (arrêter l’eau, Je suis prêt à payer plus cher pour avoir des produits sans
éteindre l’électricité, rouler moins vite…), pour préserver risque pour la santé
l’environnement
5 Pour limiter la pollution en ville, j’évite de prendre ma J’essaie de limiter ma consommation à ce dont j’ai
voiture quand c’est possible vraiment besoin
6 Je recycle les produits et leur conditionnement dès que je Je suis prêt à payer plus cher les produits pour que se
peux mette en place un commerce plus équitable entre tous les
pays
7 Je participe au tri sélectif en triant le mieux possible mes Je privilégie les produits issus de l’agriculture biologique
déchets
8 Je privilégie les magasins qui proposent des produits du
commerce équitable*
Tableau 3. Les comportements responsables selon leur relation avec chacune des trois dimensions de la « sensibilité au développement durable »
Classement par
Orientation sociale Orientation environnementale Orientation économique
ordre croissant
1 S’informer et soutenir les organisations Recycler les produits et leur conditionne- Essayer de privilégier les producteurs
qui luttent contre la pauvreté ment dès que c’est possible locaux
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58 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 229 – Marketing
sensibilité conditionne des types de comportement plus marqués. L’exploration de la dimension psychologique du développement
Sans surprise, la sensibilité sociale est directement corrélée avec durable permet aussi d’identifier des relations positives avec une
une majorité d’actes sociaux (relations avec les associations liste de comportements que l’on peut qualifier de responsables.
luttant contre la pauvreté, être prêt à payer plus cher les produits Il est incontestable que la nature de ces comportements reste
pour un commerce plus équitable…). De même, la sensibilité majoritairement orientée vers des actions quotidiennes et simples
Le comportement
environnementale se retrouve reliée à des comportements plutôt déconnectées des produits (ex : économie d’énergie, tri sélectif,
écologiques (recyclage, gestes d’économie, limitation de sa investissement associatif, recherche d’informations…). Cependant,
consommation, tri sélectif). Par contre, la dimension « sensibilité l’établissement de liens directs avec certains comportements
économique » qui se rapproche significativement du plus d’items, d’achat laisse supposer qu’une intégration plus transversale du
reste inopérante pour le commerce équitable, le tri sélectif ou concept est en marche. Même s’il reste nécessaire de minimiser
les efforts financiers. Elle revêt un caractère plus général, sans la portée des comportements actuels, la recherche laisse entrevoir
orientations comportementales trop colorées, contrairement aux une capacité de mobilisation des individus à la fois en tant que
deux autres. Il faut noter aussi que certains items se retrouvent citoyen et consommateur.
indifféremment dans chacune des sensibilités (par exemple, Les implications managériales accréditent l’intérêt d’une mise en
éviter de prendre sa voiture). Ce qui montre aussi une certaine place effective de structures ou de fonctions travaillant sur une
transversalité des attitudes et comportements. Le tableau 3 met meilleure connaissance du client/citoyen. Il paraît envisageable
en évidence l’ensemble de ces résultats. de trouver des interactions stratégiques et marketing sur la base
Enfin, pour vérifier les modes d’interaction des variables étudiées, de segmentations nouvelles basées sur ces sensibilités et sur les
l’influence de chacune de ces trois dimensions sur trois groupes comportements identifiés. L’intégration organisée de cette nouvelle
de comportement différents (comportements non marchands donne du marché au sein des processus d’innovation devient une
sociaux, comportements non marchands écologiques, comporte- piste qu’il semble aujourd’hui judicieux de ne pas occulter. Sur le
ments marchands) a été testée. Les résultats vont dans le sens plan de la communication, les entreprises et les sociétés devront
des résultats précédents et montrent que les comportements composer avec une prise de conscience qui devient tangible, et
non marchands, sociaux et écologiques, sont respectivement peut se traduire en actes d’achat ou de non achat. Par extension,
expliqués par la sensibilité sociale et environnementale. Par il paraît important de bien doser l’utilisation du concept en tant
contre, les comportements marchands sont plus directement qu’outil de communication pour ne pas engendrer des réactions
relatifs à la sensibilité sociale d’une part, et économique d’autre négatives de la part des consommateurs/citoyens.
part. Ce qui donne à la sensibilité environnementale un carac- Sur le plan conceptuel, la représentation classique des parties
tère plus « citoyen », orientée vers des actions tangibles de la prenantes peut s’envisager sous le jour nouveau de ces nouveaux
vie quotidienne, et qui reste moins directement reliée à des comportements. Le client redécouvert dans les années 90 comme
comportements d’acheteur. centre stratégique de l’entreprise, mérite ainsi d’être pris sous un
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Le comportement
Damish Teachers, Workshop on Value and Lifestyle Research in
comportements jugés jusqu’alors épars et sans liens directs. Il Marketing, EIASM, Brussels, Oct 14-15.
montre encore des modes d’action prédominants plutôt citoyens,
Holbrook (1994), Ethics in Consumer Research : an overview and
mais commencent peu à peu à être reliés aux entreprises et à prospectus, Advances in Consumer Research, vol. 21 p. 566-571.
leur mode de fonctionnement. S’il paraît encore nécessaire de
Kilbourne William E. (2004), Sustainable communication and the
minimiser la portée actuelle des comportements, notamment dominant social paradigm : can they be integrated ?, Marketing
en matière de répétitions d’actes et d’habitudes d’achat, il est Theory, Vol. 4, n° 3, p. 187-208.
judicieux de considérer que des répercussions comportementales Kinnear Thomas C. and James R. Taylor (1973), The effect of Ecological
sont à même de se révéler, et qu’elles méritent donc d’être Concern on Brand Perceptions, Journal of marketing Research vol X,
anticipées et accompagnées par les organisations. May, p. 191-197.
Le Gall M. (2002), De la préoccupation pour l’environnement à la
Carrigan M. and Attala A. (2001), The myth of the ethical consumer Özçaglar-Toulouse N. (2005), Apport du concept d’identité à la
ethics matter in purchase behaviour ?, Journal of Consumer marketing, compréhension du comportement du consommateur responsable :
vol 18, Issue 7, p. 560-577. une application à la consommation des produits issus du commerce
équitable », Thèse pour le doctorat en sciences de gestion, Université
Christensen A.G. (1999), Towards sustainable consumption in a risk
society, 12th EMAC Doctoral Colloquium, Berlin, 9-11 mai. de Lille II, Décembre.
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