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DE LA DANSE
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« Les danseurs, ces musiciens par le corps » (Maurice Béjart)
LE PIANISTE-ACCOMPAGNATEUR DE LA DANSE
SOMMAIRE
Introduction ............................................................................................................ 7
LE MUSICIEN / IMPROVISATEUR-COMPOSITEUR-INTERPRÈTE-ACCOMPAGNATEUR 9
Accompagnement musical des cours de danse .............................................. 9
Accompagnement des projets chorégraphiques ............................................ 16
Accompagnement de l’évaluation continue et des examens .......................... 16
L'ENSEIGNANT ........................................................................................................ 17
La Formation Musicale du Danseur ................................................................ 17
Atelier de composition en Danse Classique .................................................... 18
Formation à l’accompagnement musical de la danse ..................................... 18
LE MÉDIATEUR ........................................................................................................ 19
Coordination de l’accompagnement musical de la danse ............................... 19
Participation à la réflexion pédagogique ....................................................... 19
Séances de travail et de réflexion sur le rapport à la musique ....................... 19
Architecture ............................................................................................................. 23
OBSERVATION ......................................................................................................... 31
PRATIQUE EN TUTORAT ........................................................................................... 31
PRATIQUE EN RESPONSABILITÉ .............................................................................. 31
Conclusion ............................................................................................................... 32
Annexes ................................................................................................................... 33
7
INTRODUCTION
L'apprentissage et la pratique de l'art de la danse ont pour large objectif de proposer à l'élève
de dépasser une motivation première pour :
– découvrir, définir et apprivoiser sa singularité corporelle par la maîtrise de son corps,
– découvrir, façonner et utiliser les outils intellectuels permettant de se situer de façon
critique face aux propositions pédagogiques qui lui sont faites,
– découvrir, révéler et exprimer une sensibilité artistique unique et sienne,
pour lui permettre d'affirmer son identité, de construire son autonomie et son projet de
vie.
Pourquoi cela ?
Bien que revalorisé depuis peu, l'accompagnement musical de la danse reste un métier obscur,
mal connu. Il ne s'agit pourtant plus de pianoter inlassablement des arrangements indigents
de valses de Chopin, couvert par une scansion de comptes et de vocables incompréhensibles.
Loin de cette perspective ingrate, ce métier propose une expérience artistique et humaine
exigeante, enrichissante, dans des situations variées, intéressantes, souvent surprenantes... et
il offre des possibilités de création infinies.
Certes, l'accompagnateur reste le pianiste de l'ombre, mais il lui arrive de connaître ces
moments jubilatoires où le son va épouser le mouvement, ou même susciter la danse, en un
rapport vivant et réel. C'est alors qu'il réalise dans son coin combien son métier est
exceptionnel.
La persistance de cette image erronée est certainement due à l'isolement du musicien dans la
structure où il exerce, à sa position un peu marginale.
Il souffre aussi d'un manque de communication autour de sa spécificité et de son rôle.
Considérant cet intérêt inattendu comme une occasion à saisir, l'écriture d'un document de
synthèse m'a semblé nécessaire en octobre 2009, pour :
Je tiens à préciser que cet écrit présente une réalité propre à un lieu et à une personne,
et non la norme du métier. Il n’a finalement d’autre prétention que d’initier le partage avec
d'autres, provoquer de nouvelles initiatives, et contribuer à une réflexion de fond, pour
servir et valoriser cette spécialité de l'accompagnement musical.
LE MUSICIEN / IMPROVISATEUR-COMPOSITEUR-INTERPRÈTE-ACCOMPAGNATEUR
Le professeur de danse conçoit pour ses élèves des exercices ou des enchaînements de pas,
visant un objectif précis. Le musicien-accompagnateur lit le mouvement et propose un
soutien musical révélant la musicalité qui y était "sous-entendue" : les aspects
expressifs de mélodie, de phrasé, de dynamique, de rythme, de forme musicale... sont
exprimés visuellement par le corps humain en mouvement, et exprimés de façon sonore par
l’accompagnateur de danse.
Le propos est commun. Ce qui est dit en langage dansé est traduit en langage musical. La
traduction sonore aide à la compréhension du mouvement et de son sens musical.
Éventuellement, l'accompagnateur est amené à le traduire aussi en langage verbal, mais dans
un vocabulaire musical toujours en rapport avec la danse.
Chaque point précis d'un aspect du mouvement sur lequel l'élève est invité à porter son
attention est illustré musicalement.
De même, le professeur attire l'attention des élèves et met en valeur par sa danse des aspects
musicaux particuliers selon les propositions musicales.
C'est un état d'écoute et de dialogue permanent, qui doit forger une collaboration artistique
et pédagogique intense, et dans l’idéal, une parfaite compréhension mutuelle, au service de
l'élève et de la danse.
Cependant, servir ("être utile, profitable à quelqu'un") n'est pas asservir ("réduire à un état de
dépendance absolue" – Larousse). La musique et la danse sont deux disciplines distinctes, et
elles ne sont pas reliées de manière à ce que l'une obéisse aux variations de l'autre. Elles
peuvent être dans une concordance parfaite et une traduction littérale. Elles peuvent aussi
s’émanciper jusqu’à trouver la distance optimale entre elles.
Les deux arts s'emploient alors à faire preuve d’autonomie : partager et faire converser deux
points de vue différents dans le même temps, le même espace et une écoute réciproque... À
chaque question chorégraphique est apportée une réponse musicale, et inversement.
Un cercle de communication "œil du musicien/oreille du danseur" s’installe et prend vie.
Tout l'enjeu de la relation est d'explorer sans cesse la question : comment rester soi-même
tout en étant relié ? "Comment entrer en relation avec l'Autre sans laisser écraser par l'Autre
son soi-même ?" dirait Lévinas (Le Temps et l'Autre).
Pour le musicien, l'équilibre est donc à chercher entre soutenir, mettre en valeur, et rester
activement présent à lui-même, pour exister aussi en tant que soliste.
Dans tous les cas, il est en situation de responsabilité : il se doit d’apporter à la danse un
"DYNAMISME RELATIONNEL"1, c’est-à-dire une ÉNERGIE VITALE2, générée par la mise en relation
d’énergies différenciées.
Pour le dire plus simplement, le musicien-accompagnateur dynamise le cours : il insuffle de
l'énergie propulsive, il donne le rythme à la classe de danse.
Donner le rythme… Que recouvre exactement ce terme d’usage si courant, mais finalement
complexe et mystérieux3 ?
Le retour régulier d’un temps fort suivi d'un nombre également régulier de temps faibles, va
déterminer un deuxième cycle : celui de la mesure.
Englobant le premier cycle du temps, il constitue une nouvelle unité de durée, un deuxième
niveau d'organisation, avec le point de repère du temps fort.
Ces unités de durée vont poser pour la musique et la danse "un cadre de temporalité
analogue à celui que le temps du monde prête à notre existence quotidienne"4.
En effet, la pulsation et la mesure sont organiques, elles ont leur vie propre, ni métrée, ni
chronométrée. C’est le Rythme Vital.
Le Rythme Vital, c’est, au sein d'une action donnée, une structure ternaire dont les
trois temps sont indissociables : Préparation / Action / Détente-récupération.
Autrement dit, en termes de respiration : Inspir / Expir prolongé / Silence.
Au bout de l'expir et de l'action déclenchée, le temps de silence à vide est, non pas perte de
temps, mais temps de recharge d’énergie.
Dans ce cadre de temporalité corporelle, nos sentiments et émotions, nos idées et pensées
sont mouvantes, fluctuantes, elles se temporalisent tout autrement.
Cependant, la temporalité psychique est étroitement liée, conditionnée par notre cadre de
temporalité corporelle. C'est en fait sur les fondements d'une mesure organique du Temps
qu'elles prennent forme dans notre corps et le transcendent, pour devenir musique et
mouvement.
C’est un troisième niveau d'organisation enclavant les deux premiers : l'énergie psychique
s'accumule, se libère et se récupère pour constituer une phrase, suivant le Rythme Vital.
1
Expression empruntée à E. ANSERMET, Les fondements de la musique dans la conscience humaine, notes, éd. La
Baconnière, 1961, p. 7.
2
terme un peu fourre-tout dont j’userai ici au sens le plus proche de son étymologie : "l'énergie (du grec : ενεργεια,
energeia, force en action) est la capacité d'un système à produire un travail entraînant un mouvement, de la lumière
ou de la chaleur".
3
Ce point condense un chapitre extrait du livre co-écrit avec ma mère, praticienne du mouvement dans une visée
psychocorporelle :
Annelise GALLAND-PEERBOOM, Le Travail Corporel Peerboom, Un chemin vers l'unité de l'être, autoédition Autres
Talents, 2011, chapitre 5, p. 141-161. Disponible sur internet : www.travail-corporel-peerboom.eu
4
E. ANSERMET, op. cité, p. 11.
La phrase est une unité de langage (verbal, musical, corporel, chorégraphique…) qui
correspond à un énoncé complet formant un sens se suffisant à lui-même.
Chaque phrase suit une courbe reliant trois états d’énergie différents :
– amorce, éventuellement précédée d'une anacrouse (accumulation d’énergie),
– évolution vers un "climax" (libération d’énergie),
– désinence vers la cadence (retombée de l’énergie).
La succession des phrases s'organise en une forme, également en trois parties : exposition
(présentation du thème), développement (exploitation du thème), réexposition (réintégration
du thème enrichi par l'écoute du développement).
Chaque sous-ensemble comporte donc trois phases, et se trouve englobé progressivement
dans des ensembles les comportant aussi.
Cette triade faisant loi pour tout ce qui est vivant, elle s’impose donc quand il s’agit d’un
mouvement, d’une phrase chorégraphique, d’un exercice, d’une séance...
Obtenir et affiner le "phrasé", c'est se familiariser peu à peu à capter, ressentir et décoder
au fur et à mesure les variations de l’énergie engagée de manière organique, sans
interférence avec l'intellect, au point de parvenir à une présence instantanée et réactive à
celles-ci.
C’est vivre alors intensément les phrases chorégraphiques et musicales avec une perception
aiguisée de la nature et de la qualité des élans et impulsions, et de leurs conséquences dans
l'apogée et la retombée de l'énergie.
Les durées dissymétriques de sons, de mouvements, dont les modalités et les proportions
se modulent à l’infini, s'organiseront alors en relation avec les durées symétriques de la
pulsation et de la mesure (telles que suggérées par son propre ressenti corporel, puis
extériorisées par le son, vocal ou instrumental).
Sur l'axe de la ligne du Temps, les "temps" s'expriment en longueurs rectilignes pour
structurer l'arc curviligne de la phrase :
Le Rythme est une force motorique5, issue de la relation organisée, dans le temps et
dans l'espace, d'énergies différenciées relevant d’un ou plusieurs registres
sensoriels.
5
néologisme utilisé avec précaution en le rattachant moins au français "moteur", qui évoque la mécanique, qu'au
"moto" italien qu'on trouve sur les partitions musicales : con moto, "avec mouvement", "d'une manière animée" (au
sens de "doté d'une âme", c'est-à-dire doté d'un principe vital et moteur, d'une "force énergétique". Ainsi se nomme
en charpente la partie verticale, centrale, médiane et principale d'une poutre. Et ainsi se nomme la petite baguette,
elle aussi verticale, l'âme, placée à l'intérieur de l'instrument à cordes, qui communique les vibrations à toutes les
parties).
Pour le musicien et le danseur, je propose donc d'aller au-delà d'une perception rythmique en
termes de "fractionnement et organisation du son en valeurs (noires, blanches, rondes,
croches et doubles-croches) d'une durée déterminée par rapport au nombre de temps" pour
les uns, et en "fractionnement et organisation du mouvement en durées déterminées par
rapport aux comptes chorégraphiques", pour les autres.
Le rythme est une force motorique, issue de la relation organisée, dans le temps et dans
l'espace, entre les paramètres du son (hauteur, durée, intensité, phrasé, et timbre de
l'instrument) et les paramètres du mouvement (espace, durée, poids/force, flux, et nature de
l'instrument-corps).
En définitive, le rythme est la relation entre cadre et évolution dans le cadre, entre
répétition et nouveauté, entre stabilité et imprévisibilité, entre structure et mouvement, entre
règle et chaos, entre ordre et désordre, entre semblable et différent, entre le même et l'autre !
L’essentiel, ce qui définit vraiment le rythme, n’est donc pas l’un ou l’autre des termes en
présence, ni même les deux, mais bien la relation entre eux.
L'étymologie du mot "rythme" traduit bien cette relation en apparente contradiction : il vient
du mot grec ruthmos : mesure, proportion, mais dont la racine rhéô suggère l'écoulement et le
devenir : une fluidité, donc, qui appelle une continuité.
Et si nous ressentons que "Ça manque de rythme !", cela indique que l'un des termes de la
relation est déficient : s'il vient à manquer de structure, le rythme devient flou, sans relief, s'il
vient à manquer de souplesse, le rythme devient trop sec et rigide.
Idéalement, il faut l'un ET l'autre, une souplesse structurée, une structure souple, pour que le
"dynamisme relationnel" puisse produire son effet.
L'entrée dans le rythme peut se faire par l'un ou l'autre terme, autrement dit par des "portes
d'entrée en relation" différentes, dont le choix est à se formuler explicitement :
On peut laisser le rythme spontané du mouvement apparaître, et le préciser ensuite dans un
cadre de temporalité. Ici, le contenu provoquera la forme.
Il est aussi possible de prédéterminer un cadre mesuré et d'organiser le mouvement en
rapport. La forme sera alors progressivement habitée du contenu.
Quand elle intervient et pour le faire avec justesse, la proposition musicale doit donc prendre
une forme lui permettant de remplir son "cahier des charges" :
– produire et cadrer une énergie physique, soit générer une force organisatrice,
– produire et inspirer une énergie psychique, soit générer une force expressive,
– créer et ajuster la relation entre les deux, soit générer une force motorique,
c’est-à-dire rendre fécond le couple "rigueur et liberté" qui va porter, soutenir, accompagner le
mouvement.
L'accompagnateur doit saisir la pulsation, choisir une mesure et des formules rythmiques en
fonction des indications visuelles et verbales relevées.
Il doit être capable de tenir le tempo, même et surtout dans la durée, et affirmer de façon
claire et précise les changements de tempi et/ou de décomposition de la pulsation.
Il veille à l'adéquation appuis/temps forts, et si nécessaire confirme ou contrarie un élève qui
hésite ou s'égare.
Il doit poser les balises de début et de fin de la phrase chorégraphique avec des "marqueurs"
(éléments musicaux et manière de les jouer) : anacrouses et formules de début (incipits),
motifs de transition, formules de fin cadentielles, formules de relance.
Les formules rythmiques sont puissamment actives, elles ont le pouvoir d'influer la manière de
mettre en mouvement. Chacune a un sens, chacune est porteuse d'une signification, d'un
message, qui la rend expressive.
Pour que le rapport au temps ne soit pas un rapport de soumission et de contrainte, voire un
rapport conflictuel avec le danseur, l'accompagnateur doit choisir et manier les formules
rythmiques en conscience. Une formule rythmique commune inscrite dans la mesure (soit au
2ème niveau d’organisation de la durée) reste selon mon expérience le meilleur point de
rencontre : chacun peut ainsi vivre sa phrase en autonomie sans être happé par la pulsation,
dans le respect du Rythme Vital – ce rythme organique en trois phases d'égale importance.
La musique a pourtant pu perdre une prise directe avec l’organicité, sous l'effet d'un
découpage artificiel du temps par la mesure, ou un usage trop rigide du métronome. La phase
du climax n'est alors pas assez dilatée, et la phase de la détente franchement tronquée.
Or, une pulsation trop stricte contraint et dénature le mouvement.
Ici, l'accompagnateur va quitter le temps du métronome et reprendre contact avec le
temps du corps. Il va "se mettre dans la peau" du danseur pour prendre en compte les
contraintes corporelles, pour permettre au danseur d'aller jusqu'au bout du mouvement et le
rendre juste, confortable, (et ce faisant, permettre à la musique de retrouver la dimension
purement physique qu'elle a pu perdre).
À l'intérieur du "bon" tempo, trouvé et tenu, il doit placer judicieusement ralentis et relances
pour suivre le "rubato du mouvement" et surtout respecter une phase de détente,
pleine et entière.
Le but est que le rapport au temps soit, non une "contrainte à la conformité, mais une
évolution vers une convergence"6.
Les intentions du professeur de danse, exprimées par le corps et par la voix, visent à mettre
l'élève dans un certain état psychologique, permettant au danseur d'interpréter le
mouvement, autrement dit de laisser libre cours à son expressivité, voire de l'induire chez les
plus jeunes.
C'est le "caractère", autrement dit la personnalité donnée au mouvement, définie par une
ambiance et un état de corps : un état tonique général qui inspire une tonique à la proposition
musicale…
En effet, le caractère est déterminé par le choix de la tonalité, des couleurs et rythme
harmoniques, par la tessiture, et par-dessus tout, par la qualité cantabile de la mélodie.
Le danseur doit pouvoir la retenir, s'en servir de repère et "chanter le mouvement".
(Exemple. caractère serein : mélodie dans une tonalité plutôt majeure, rythme harmonique
lent, résolution des tensions harmoniques, formule rythmique sans contretemps, tessiture
plutôt grave).
Mais bien sûr, ce caractère s’exprime en humeurs variables. Chaque mouvement, chaque
exercice a ainsi un "profil dynamique" : un relief avec des contours caractéristiques, résultat
de la synergie entre le poids, la force, le flux, l'espace et la vitesse. En bref, la dynamique est
la fluctuation de l’énergie dans le temps.
6
Annelise GALLAND-PEERBOOM, op. cité, p. 274.
La mise en relation de forces contrastées dans la proposition musicale produit une énergie
qui induit le rythme chez le danseur.
L'accompagnateur va ajuster plus ou moins l'énergie : plus l'exercice est actif et plus
l'accompagnement est épuré, dépouillé, pour équilibrer les forces en présence, selon le
principe de l'homéostasie.
L'accompagnement musical ainsi conçu est proposé dans le but de réaliser une éducation
progressive de l'oreille. Son contenu devra être non seulement adapté au mouvement, mais
aussi à l'âge de l'élève et à son degré d'acculturation musicale. Les propositions, claires et très
intelligibles en début de cursus, vont se diversifier et se complexifier progressivement tout au
long de la formation, jusqu'à atteindre la plus grande variété de situations et de propositions
possible.
La finalité est d’amener les élèves danseurs vers un état permanent d'écoute (qui sera
systématiquement attendu avant toute proposition) et de prise de repères par rapport à
une référence extérieure : les élèves s’appuient en premier lieu sur l’exemple donné par le
professeur de danse, puis sur la proposition musicale qui vient s’y substituer.
Le musicien enseigne alors lui aussi par l’exemple : le danseur va danser la qualité entendue,
le sentiment, le ressenti perçus – à son insu au début de sa formation, puis de plus en plus
consciemment.
L’interprète doit faire comprendre à l'élève, et lui permettre de sentir et d'exprimer par sa
danse, toute la vie de la musique avec son caractère, son énergie, ses respirations, ses reliefs
et son amplitude, pour qu'il puisse lui aussi interpréter la vie du mouvement et devenir
un danseur "musical".
La communication est intense et non-verbale, des informations sont émises et reçues par les
yeux et encore plus par tout le corps.
libérer le regard du clavier pour qu'il englobe tout le studio, un regard doux et de tout le
corps,
être avec les danseurs, commencer ensemble, respirer avec eux, amener les retours,
relancer, apaiser les fins, rester avec eux jusqu'au bout, finir ensemble,
relever tous les indices (souffles, bruit des pieds, circulation d'air et d'énergie, mimiques et
langage du corps) pour être à même d'évaluer la justesse des propositions.
Suivre souplement les fluctuations, entretenir complicité et fluidité dans la relation triangulaire
professeur-pianiste-danseur(s).
réagir promptement aux injonctions (elles sont soit directement adressées, soit
indirectement par certaines remarques aux élèves qui peuvent être appuyées
musicalement), gestes ou regard du professeur,
réagir promptement à l'imprévu (corriger un décalage musique/danse, étirer un compte,
rajouter ou enlever x comptes, faire un équilibre sur 2x8 plutôt que le 1x8 prévu...).
installer la connexion, capter l'écoute de l'élève avec une proposition simple et claire, la
maintenir le temps que tous – accompagnateur et élèves – se sentent en sécurité, puis au
fur et à mesure, varier et faire évoluer la connexion : relâcher, distancier, réaffirmer.
7
Est-ce pour cela que nombre de professeurs ne parviennent pas à passer tout à fait la main, en continuant de
"surcompter" par-dessus la musique, de la paraphraser de la voix ?
Dans une visée encore plus large, il est important de souligner que la "référence extérieure",
que représentent le professeur de danse et l’accompagnateur, n’est ni modèle, ni prescription
arbitraire et autoritaire.
L'écoute et un accord entre soi et soi sont d’abord nécessaires. Puis vient l'écoute et l'accord à
autre que soi, où chacun devient "référence extérieure" pour l’autre...
Danser en musique, c’est installer une relation horizontale et non verticale, où il est moins
question de réussir à "faire en même temps", que de sortir de soi pour "vivre ensemble".
L’expérience de cette relation écarte le risque de n’avoir pour repères que ses propres
ressentis, et en conséquence celui d’être dirigé par des pulsions ou des instincts. La
distanciation prépare des adultes capables de se décentrer, d’entendre et de tenir compte d’un
autre point de vue ou ressenti que le leur, des adultes capables de respecter autrui, de
s’adapter et de négocier la part commune.
Avec une attention équilibrée qui englobe simultanément l’écoute de soi et l’écoute de l’autre,
ils pourront fonctionner en collectif, en équipe, en société, savourer l’équation : Je+Je=Nous…
~~~
Accompagnement des projets chorégraphiques
Au cours de l'année, pour chaque niveau, 1 ou 2 œuvres seront ainsi étudiées en profondeur.
Dans certains cas, le musicien-accompagnateur est amené à sélectionner ces œuvres dans
le répertoire ou à en composer pour la circonstance. Elles sont choisies ou construites en
fonction de la nature du projet, selon les besoins et souhaits émis par le
professeur/chorégraphe et les buts pédagogiques fixés en commun.
Il est là musicien-interprète et/ou compositeur.
Dans d'autres cas, peuvent être menés des projets chorégraphiques développant les liens
musique/danse, mais avec un support enregistré, des formations instrumentales autres que le
piano solo ou la percussion, ou avec des musiciens extérieurs au département Danse.
Dans tous les cas, le musicien-accompagnateur est référent et conseiller sur toutes les
questions musicales et le rapport musique/danse.
Le 3ème trimestre de l'année scolaire est consacré à la préparation des épreuves d'évaluations
de fin d'année. Sur cette période, et pendant l'épreuve, le musicien-accompagnateur joue les
partitions imposées par le ministère de la Culture et de la Communication, pour les examens
de passage de Cycle, ou sélectionnées ou composées par lui, pour les évaluations intra-cycle.
Le jour J, il fait ainsi bénéficier l'élève d'un accompagnement personnalisé et sur mesure, ainsi
que de la relation de continuité et de confiance instaurée pendant l'année.
~~~
Il faut profiter des moments de cours où la musique n'intervient pas (temps de marquage,
corrections individuelles...) pour se former : chercher et tester pour soi, éprouver soi-même le
mouvement dansé, apprendre le vocabulaire de la danse (le professeur ne dira jamais de
reprendre sur une mesure ou un accord, mais sur le "piqué attitude" ou "en seconde"), repérer
les élèves et échanger avec eux, observer et écouter pour saisir les besoins des danseurs en
général ou de tel élève en particulier (tempo, placement d'un accent ou d'un étirement...) afin
de donner une réponse juste et efficace le moment venu.
Afin de se ressourcer, de continuer à être nourri, pour garantir un certain niveau de qualité et
d'exigence, le travail personnel en piano "pur" est indispensable.
L'ENSEIGNANT
Pendant les cours de danse, seront donc abordées les notions musicales de :
Rapport au temps
- durée
- pulsation, division naturelle temps/contretemps, décomposition binaire/ternaire
(2 moitiés égales ou 3 tiers égaux)
- tempo
- mesure, battue, élans et appuis (anacrouse et crouse)
- les rythmes, rythmiques et formules/cellules rythmiques, leur sens expressif
- carrure, phrases et ponctuations musicales
- comptes, phrases chorégraphiques
- rythme vital d'une phrase, d'une section, d'une œuvre
- le Rythme
Les notions musicales sont introduites en fonction de l'âge des élèves, de leur niveau de
danse, de la thématique du cours et/ou du projet en cours d'élaboration.
Elles seront données à vivre, c'est-à-dire expérimentées, explorées, éprouvées, ressenties par
le corps et le mouvement, puis verbalisées, nommées et expliquées seulement dans un second
temps, pour intellectualiser une connaissance d'abord sensorielle, vécue de l'intérieur.
La Formation Musicale du Danseur est ici une "formation musicale à travers le corps dans
l'espace".
ses finalités
Apprendre à répondre par le corps à une proposition musicale.
Révéler et exprimer sa propre musicalité du mouvement.
Définir et maîtriser sa relation à la musique, vivre consciemment la musique : apprendre à être
disponible pour une écoute active du son, percevoir et comprendre les éléments du langage
musical, déterminer des choix (les utiliser ou non à bon escient dans son propos
chorégraphique).
Comprendre les conventions de notation musicale, en dégager l'essentiel et établir des
rapports avec la notation chorégraphique de Laban (les notions d'espace, de temps et de
dynamique étant communes aux deux écritures).
Apprendre à faire le lien entre la perception des éléments musicaux sur lesquels s'appuient la
danse, leur écriture et leur lecture en en retrouvant le tracé sur une partition, outil de
symbolisation et de communication.
LE MÉDIATEUR
Finalités :
Selon moi, il est possible d'avancer une comparaison entre l'accompagnement musical et les
fonctions parentales.
Il est paternant : il représente l'autorité, la règle, la contrainte en organisant le temps (durée,
pulsation, mesure, carrure et phrase).
Il est maternant : il représente l'affectivité par la mélodie et les couleurs harmoniques, le
timbre, les nuances.
Les deux garantissent un cadre, à l'intérieur duquel elles protègent, propulsent, portent et
soutiennent (rythme).
Pour parvenir à l'âge adulte, l'enfant a dû traverser une étape d'adolescence pendant laquelle il
s'est construit ses propres règles et valeurs en "contre".
En s'attaquant au cadre jusque-là défini et imposé, il détruit, met à l'épreuve pour rejeter ou
s'approprier ce qu'il a reçu en héritage.
L'accès à l'âge adulte est possible lorsque l'adolescent a remis en question, réinterrogé
l'ensemble de son rapport avec les fonctions parentales, puis réussi à régler ses comptes, en
"se déterminant de l'intérieur", comme le disait Abraham Maslow, en ayant "sa propre colonne
vertébrale", jusqu’à l’autonomie de pensée, de ressenti et d'action.
Par cette fonction implicitement exercée, le musicien fait revisiter au danseur l'ensemble des
questions induites par le rapport aux fonctions parentales :
quel est mon rapport à la règle ? la contrainte est-elle vécue comme confort et sécurité ? est-
elle menace ? si oui, que menace-t-elle ? le cadre temporel qui m'était imposé était-il mien ?
était-il contrariété, source de frustration et de colère ? le cadre affectif était-il absent,
suffisant, étouffant ? l'émotion était-elle permise ? niée, comme inconvenante ou terrorisante ?
suis-je libre de penser ce que je pense ? doutant de moi, est-il plus rassurant de me fondre
dans une autre pensée que la mienne ? etc.
Dès qu'elle intervient, la musique renvoie le danseur à ces questions fondamentales et des
plus intimes.
8
Je m’appuie ici sur ma formation et mon expérience de psychologue (études à l’Université de Rennes II et l’Université
de Bougogne – Master de Psychologie obtenu en janvier 2003).
9
Ontogenèse : développement de l'individu, de la fécondation à l'état adulte.
Phylogenèse : évolution d'une espèce, de la formation au devenir.
10
Ceci à lire sans aucun jugement de valeur. Je parle bien d’une discipline, et à un niveau métaphorique, non des
pratiquants de cette discipline ! Je considère le danseur classique et le danseur contemporain comme le même danseur
à deux moments différents de son Histoire, dans un continuum (ce qui supprime définitivement toute mise en
opposition, parfois conflictuelle, entre les deux esthétiques...).
Tout danseur qui s'interroge sur son rapport à la musique interroge son vécu par rapport aux
fonctions parentales. Ce vécu détermine un profil, par la manière dont il répond à la musique.
Chaque profil sera unique, chaque tandem musicien/danseur sera original, et par conséquent
l'accompagnement devra être individualisé.
Tout l'enjeu de la relation musique/Danse Contemporaine, ce qui est en jeu, est de parvenir à
une relation d'Adulte à Adulte, de dépasser une fixation à l'étape Adulte/Adolescent en une
éternelle "adulescence".
L'objectif est d'atteindre une forme de relation musique/Danse Contemporaine qui ne soit ni
fusion et concordance parfaite, ni alternance de phases régressives/répulsives (ni enfance, ni
adolescence).
À ce stade, le Parent n'est plus Éducateur : le danseur contemporain danse toujours en
musique, mais peut le faire sans musicien, ayant intégré les valeurs, développé les facultés,
acquis les capacités, épanoui les qualités que le Parent lui a inculquées. Il les a fait siennes, il
se les est appropriées jusqu’à les incorporer…
Là, le musicien doit tendre son accompagnement vers un non-accompagnement : une simple
(et difficile) présence. Le musicien ponctue, colore, "piqûre" d'énergie si nécessaire, et "est là"
le reste du temps.
Cela ouvre vers les questions : qu'est-ce qu'être adulte ? Qu'est-ce qu'un musicien adulte ? un
danseur adulte ? une relation adulte ?...
Une relation de collaboration horizontale, en réciprocité, sans dominant ni dominé, sans
rapport de force, sans infantilisation, sans mise en dépendance ni aliénation, sans repli sur soi
dans l’ignorance ou l’indifférence, sans une simple juxtaposition ou cohabitation des points de vue ?
Être en relation, c’est être dans une communication vraie. Elle s’atteint avec beaucoup
d’échange, de dialogue, où on exprime au présent des idées et ressentis et où on entend des
idées et ressentis différents. Non pour les affronter ou les mettre en opposition, mais dans un
climat de partage et de mise en commun, avec une écoute active et non réactive, pour
négocier et trouver un accord…
"Être autonome, c’est en quelque sorte un moyen terme entre dépendance et indépendance.
C’est vivre en relation, c’est trouver des solutions dans l’interdépendance, dans un rapport à
l’autre"11. (Nunge)
11
O. NUNGE, Être autonome : à l’écoute de ses vrais besoins, Les Éditions Jouvence, 1998, p. 14.
ARCHITECTURE
1ère année : 1h de cours seuls, suivie d'1h en observation pendant un cours de danse
Le plus difficile pour un accompagnateur débutant est la gestion du temps : dans le cadre d'un
cours, il dispose de très peu de temps pour comprendre la situation, pour chercher et trouver
une réponse pertinente. C'est une situation de stress, très fatigante au début par la
concentration qu'elle exige. Or, le respect du rythme du cours est essentiel.
C'est pourquoi acquérir un certain niveau de connaissance du langage chorégraphique et de
maîtrise en improvisation est nécessaire avant d'intervenir en cours, pour ne pas avoir trop de
paramètres à gérer simultanément.
2ème année : 30' de cours seuls, suivies d'1h30 en tutorat pendant un cours de danse
Les étudiants sont placés directement dans un cadre d'exercice professionnel, en situation de
responsabilité.
Le collectif permet d'être moins sous pression en alternant observation et action,
l'accompagnement des exercices leur échéant à tour de rôle.
Il leur permet aussi de s'entraider : chercher ensemble, s'inspirer les uns des autres, bénéficier
des commentaires et ressentis de chacun.
COMPRENDRE LA DANSE
observation des exercices et écoute de propositions musicales avec une grille de lecture
intitulé de l’exercice
dynamique (un état d’esprit va s’incarner dans un état de corps, dont l’union engendre un état
de danse, déclinaison et combinaison des 4 facteurs principaux du mouvement)
relevé de thèmes
relevé de rythmiques
carrure et comptes
but visé et attentes du professeur
Pour une compréhension vécue, pour ressentir "de l'intérieur" les différentes dynamiques, les
besoins propres aux danseurs, pour mieux situer sa place en se mettant dans la leur :
quand on danse, comment écoute-t-on ? qu'est-ce qu'on écoute ? a-t-on besoin de compter ?
comment se sent-on accompagné ? quelle est la plage d'attention disponible selon ma maîtrise
du mouvement ?
lecture du mouvement
La connaissance et la compréhension par l’intellect et par le corps des fondamentaux du
mouvement vont permettre la lecture du mouvement, c’est-à-dire d’être capable de décoder
une phrase chorégraphique et d’en dégager un sens.
(Une « lecture » seulement par le regard peut fausser le jugement : un dégagé semble léger
mais demande de la fermeté, un adage est lent mais soutenu…)
TRADUIRE LA DANSE
Chaque accompagnateur a sa propre méthode et ses préférences pour faire une proposition
musicale.
La méthode qui sera explorée et utilisée ici sera l'improvisation. Pourquoi improviser ?
Pour le pianiste ayant suivi un parcours classique traditionnel, le cas le plus fréquent est de
n'avoir jamais eu l'occasion d'improviser. Et quand cette occasion se présente tard dans le
parcours, elle suscite bien souvent crainte et réticence. Art de l'instant, du moment présent,
l'improvisation déstabilise.
Un changement de posture mentale est donc nécessaire en tout premier lieu, avant d'aborder
l'improvisation proprement dite.
Il va falloir supporter et s'habituer à jouer en ne sachant pas ce qui est à venir, et donc lutter
contre l'envie – légitime – de prévoir et de planifier le plus loin possible avant de jouer.
Une trop grande prévision intellectuelle, pour sécurisante qu'elle apparaît, met en fait le
musicien en difficulté. En improvisation, il n'y a "fausse note" ou faute d'harmonie que lorsque
ce qui vient est différent de ce qu'on a prévu. On se crispe et on se coupe alors de la situation
en cours de déroulement. On s'accroche à ce qu'on a prévu et non à ce qui est en train de se
passer. Réfléchir, prendre du recul avant et pendant la situation présente ne favorise que la
fuite de la concentration et la perte de la foi : on n'y croit plus !
Or, il s'agit d'accompagner le réel, le vivant, imprévisibles par nature. La seule position
possible (et très instructive) pour y parvenir, c'est "tout est bon !" : lâcher mentalement prise,
accepter l’incertitude, rester dans le clavier, ne jamais sortir ni du mouvement ni de la
musique, accepter (et aimer) ce qui vient, trouver quoi faire avec, utiliser les "erreurs" pour les
muter en "nouvelle idée"...
Il va falloir supporter et s'habituer à la sobriété des moyens utilisés, que l'on juge pauvres par
rapport aux grandes œuvres du répertoire pianistique travaillées par ailleurs.
Le pianiste doit se décentrer et faire taire ses estimations selon ses critères de musicien quant
à la valeur de ses improvisations. Les attentes et besoins de la danse sont autres. Il doit donc
proposer et laisser le danseur évaluer la qualité de la proposition selon ses propres critères.
Il pourra ainsi découvrir que le "beau" peut être ailleurs que là où on l'attend, et pas forcément
dans la richesse et la complexité...
Cette disposition d’esprit au moins admise avant d’être acquise (elle peut représenter une
sorte de révolution !) permet à l'étudiant-accompagnateur d’aborder l'improvisation pour la
danse, dont le principe est l’illustration du mouvement : les paramètres du mouvement
ressentis et analysés vont être traduits en paramètres du son : hauteur, durée, intensité,
phrasé et timbre de l’instrument.
Très schématiquement, on peut dire que la main gauche, rythmique, illustrera les jambes et
que la main droite, expressive, illustrera les bras.
Mais pour être dans la juste énergie, il faut plus globalement une implication de tout le corps,
un engagement physique total. Oser aller jusqu'au bout du geste, dans toutes les dimensions :
oser la profondeur, oser lâcher le clavier, oser tous les registres...
Les éléments constitutifs de ces forces seront explorés, d'abord séparément et sans les
danseurs, puis combinés en conditions et temps réels.
pulsation/tempo
saisir un tempo et se l'inscrire dans le corps
maîtriser les contre-temps, utiliser et souligner les "et"
tenir un tempo : acquérir une maîtrise physiologique du tempo en repérant les facteurs de
perturbation et en les contrant par la variation du remplissage du temps et de l’amplitude du
geste instrumental
On presse sous l’effet du stress, de la peur du vide, si on n’est pas assez connecté au danseur,
si le temps n’est pas assez rempli, mais aussi sous l’effet excitant du mouvement, ou de sa
propre imagination ("partir dans son trip")…
On tire le tempo en arrière également sous l’effet du stress, d’un tempo lent qu’on ramollit au
lieu de le soutenir…
indices de non-tenue du tempo
mesure
exploration et choix de formules rythmiques avec :
– temps binaire et mesure binaire (2/4 ou 4/4)
– temps binaire et mesure ternaire (3/4)
– temps ternaire et mesure binaire (6/8 ou 12/8)
– temps ternaire et mesure ternaire (9/8)
intégration de la carrure de 8
Se mettre en position de danseur : situer le mouvement dans la phrase avec des indices
visuels et sentir les comptes dans son centre de force. Dans le silence, ils continuent à vivre
sans une énumération intellectuelle ou un geste pulsatile dans les mains.
Disponibilité et lâcher-prise par rapport à la "peur de se perdre" sont seuls nécessaires, car
tout pianiste arrivé à ce niveau de compétence possède déjà la carrure de 8 en lui, pour l'avoir
entendue et pratiquée depuis toujours. Il s'agit simplement de prendre conscience et de libérer
ce qui est déjà.
Poids-Force-Flux/Intensité-Phrasé
ACCOMPAGNER LA DANSE
Dans la situation qui nous concerne, apprendre à accompagner la danse, c'est apprendre à
concevoir et réaliser une "composition spontanée". Plus qu'une improvisation, il s'agit plutôt de
la construction d'une proposition musicale (poser des bases solides et architecturer sur ces
bases) dans le même temps que sa réelle interprétation : inspirée, investie et généreuse, qui
révèle et exprime la musicalité du mouvement. On improvise et on interprète vraiment,
comme une partition de musique de chambre déjà écrite qui se révèlerait au fur et à mesure !
Elle pourrait être écrite et reproduite une fois jouée.
La proposition musicale sera simple, claire, propre et efficace (et c'est très difficile de faire
simple...), qualités obtenues en recherchant l'économie de moyens, la cohérence et la
pertinence :
Clarté et cohérence
Les éléments de cohérence sont donnés par la forme, un thème caractérisé, une phrase
musicale, un plan tonal (ton principal et modulations en rapport), l'utilisation du retour d'un
thème avec le retour d'un même module chorégraphique.
Efficacité et pertinence
Elles résultent de l'adéquation au mouvement.
L'étudiant va donc utiliser peu de matériel, mais très ciblé, à l'intérieur duquel il va jouer avec
la texture du son. Il pose un cadre et varie à l'intérieur de celui-ci. Si la dynamique du
mouvement ne change pas, il continue à travailler l'idée, et n'en change pas par lassitude ou
impatience en fonction de critères musicaux.
Le cadre est sécurisant pour tous, élèves danseurs, professeur de danse et accompagnateur,
et rend disponible à la connexion entre ces acteurs.
poser le cadre
se donner des contraintes dont la nature est déduite de la lecture du mouvement
– une tonalité et un enchaînement harmonique simple,
– une formule mélodique (incipit),
– une formule rythmique.
L'étudiant les cherche et les teste avant l'exécution de l'exercice. C'est la seule chose qui est
prévue, mais le musicien créatif peut s'imposer des contraintes musicales d'un autre type,
presque en forme de défi : par exemple, la mélodie à la main gauche, tout l'exercice en
octaves redoublées, etc.
Les exercices à accompagner sont plutôt courts, mais les déplacements (diagonales et
traversées, notamment) sont effectués par petits groupes ou individuellement, et répétés
jusqu'à acquisition du mouvement. La durée de l'exercice s'allonge en proportion au nombre
de danseurs et il faut organiser le discours musical en fonction de l’espace : nombre de lignes
et nombre de passage des danseurs.
autres possibilités
déchiffrage de partition puis recherche d'autres propositions à partir de la base proposée :
extraire une trame d'une partition et s'en servir de fondation, d'idée de départ pour
improviser.
~~~
Il y a un point de départ (comprendre la danse). Il y a une destination (accompagner la danse
par l’improvisation). Entre les deux, il y a un chemin (traduire la danse), pour faire émerger,
se reconnecter et, finalement, accéder à l’état créatif.
Pourtant, être créatif, improviser, tout le monde l’est, tout le monde sait le faire. Qui, quand il
était gamin, a suivi un mode d’emploi pour manipuler son nouveau jouet, pour explorer tout ce
qu’il était possible d’en faire ? Qui n’a improvisé un repas fantastique en assemblant les
quelques ingrédients du placard ? À l’âge adulte, et a fortiori avec un "passif" de musicien
classique, il s’agit de révéler quelque chose d’enfoui, retrouver quelque chose qui s’est perdu
en route… : des facultés dont tout humain est doté, qui ne demandent qu’à être (r)éveillées,
développées, fructifiées.
OBSERVATION
visites sur les plages horaires transmises, à la convenance de l'étudiant après en avoir
averti les personnes concernées
Période 1 :
– 5 semaines : Cycle 1 Contemporain / Cycles 3 et COP Classique
– 5 semaines : Cycle 2 Contemporain / Cycle 3 et COP Classique
Période 2 :
– 5 semaines : Cycle 3 Contemporain / Cycle 1 Classique
– 5 semaines : COP Contemporain / Cycle 2 Classique
PRATIQUE EN TUTORAT
PRATIQUE EN RESPONSABILITÉ
Les expériences seront consignées dans le "livret de l'étudiant" (Voir Annexe 3).
Bilan dans la semaine précédent les vacances de printemps.
mai : préparation à l'épreuve du DEM d'accompagnement.
~~~
modalités d'évaluation
épreuve de 15'. L'étudiant est placé en situation de cours reconstituée et accompagne en
improvisation les différents exercices qui lui sont présentés :
– 3 exercices en Danse Classique (2 à la barre et 1 au milieu)
– 3 exercices en Danse Contemporaine (1 au sol, 1 debout sans déplacement, 1 avec
déplacement)
Les exercices sont choisis de manière à proposer des carrures, caractères, dynamiques et
rythmiques très contrastés.
CONCLUSION
Aimer la danse ! Un tempérament d'interprète soliste ne trouvera pas son bonheur ici : Le
musicien-accompagnateur est un traducteur et un passeur entre la danse et la musique, entre
le professeur et l'élève. La production musicale n'est pas une fin en soi, mais un moyen au
service d'un but qui concerne plus l'éducation et le développement de l'enfant, la construction
et le travail de la relation humaine.
Être doté de beaucoup d'imagination, de créativité, alliées à une certaine abnégation, un sens
de l’observation aigu, être perspicace, fin, subtil, et sensible, être souple, flexible, ouvert, mais
aussi réactif, énergique et endurant... tel me semble être le profil du pianiste-accompagnateur
de la danse.
Au-delà d'un titre et d'une fonction, être accompagnateur, "celui-qui-accompagne", est une
posture générale impliquant certaines valeurs, appliquée jusque dans les petits détails
quotidiens, comme être là dans le studio pour accueillir les élèves à leur arrivée et ne partir
qu'après eux, pour les raccompagner...
Toute une philosophie de vie déclinant à sa manière le Miteinandersein, pour emprunter un
terme à Heidegger, le "être-l'un-avec-l'autre".
Annexe 1 :
DÉROULEMENT DU COURS DE DANSE CLASSIQUE
Annexe 2 :
ÉVALUATION DU STAGE EN RESPONSABILITÉ À MOUVANCES
Annexe 3 :
FICHE DE SUIVI 3ème année
Annexe 4 :
CRITÈRES D'ÉVALUATION
1. BARRE
Les exercices sont suivis de passage à l'équilibre (relevé, petit retiré, retiré,
arabesque... 2x8 au minimum).
Allongement d'écarts
2. MILIEU
Dégagés et battements
Port de bras ou Adage
Préparation pirouettes et pirouettes
Petite batterie
Grands tours et grands sauts
Pas de pointes (traversées, diagonales, manège)
Révérence
Discipline chorégraphique :
Nombre de séances
Durée des séances
Dates des séances
Situations
expérimentées
Projets aboutis
Pistes de travail
suggérées
Commentaires
Comprendre la danse :
lecture du mouvement
Traduire la danse :
illustration sonore du
mouvement, cohérence
musique/danse :
respect de la phrase
chorégraphique, qualités
expressive, dynamique et
rythmique de la
proposition musicale
Accompagner la danse :
relation
musicien/professeur/élèves
attitude, réactivité,
dialogue, aide à la
compréhension du sens
musical
Évolution
progression au cours du
stage
OBSERVATION
Danse Classique
........ ........
........ ........
........ ........
........ ........
........ ........
Danse Contemporaine
........ ........
........ ........
........ ........
........ ........
........ ........
BILAN
L'accompagnateur doit saisir la pulsation, choisir une mesure et des formules rythmiques en
fonction des indications visuelles et verbales relevées.
Il doit être capable de tenir le tempo, même et surtout dans la durée, et affirmer de façon
claire et précise les changements de tempi et/ou de décomposition de la pulsation.
Il veille à l'adéquation appuis/temps forts, et si nécessaire confirme ou contrarie un élève qui
hésite ou s'égare.
Il doit poser les balises de début et de fin de la phrase chorégraphique avec des "marqueurs"
(éléments musicaux et manière de les jouer) : anacrouses et formules de début (incipits),
motifs de transition, formules de fin cadentielles, formules de relance.
L'accompagnateur doit respecter le rythme vital, ce rythme organique en trois phases d’égale
importance (Préparation/Action/Détente-récupération), c'est-à-dire prendre en compte les
contraintes corporelles, pour permettre au danseur d'aller jusqu'au bout du mouvement et le
rendre juste, confortable.
A l'intérieur du "bon" tempo, trouvé et tenu, il doit placer judicieusement ralentis et relances
pour suivre le "rubato du mouvement" et surtout respecter une phase de la détente, pleine et
entière.
Les intentions du professeur de danse, exprimées par le corps et par la voix, visent à mettre
l'élève dans un certain état psychologique, permettant au danseur d'interpréter le
mouvement, autrement dit de laisser libre cours à son expressivité, voire de l'induire chez les
plus jeunes.
C'est le "caractère", autrement dit la personnalité donnée au mouvement, définie par une
ambiance et un état de corps : un état tonique général qui inspire une tonique à la proposition
musicale…
En effet, le caractère est déterminé par le choix de la tonalité, des couleurs et rythme
harmoniques, par la tessiture, et par-dessus tout, par la qualité cantabile de la mélodie.
Le danseur doit pouvoir la retenir, s'en servir de repère et "chanter le mouvement".
La mise en relation de forces contrastées dans la proposition musicale produit une énergie
qui induit le rythme chez le danseur.
L'accompagnateur va ajuster plus ou moins l'énergie : plus l'exercice est actif et plus
l'accompagnement est épuré, dépouillé, pour équilibrer les forces en présence, selon le
principe de l'homéostasie.
Sens rythmique.
Présence et conviction.
La communication est intense et non-verbale, des informations sont émises et reçues par les
yeux et encore plus par tout le corps.
libérer le regard du clavier pour qu'il englobe tout le studio, un regard doux et de tout le
corps,
être avec les danseurs, commencer ensemble, respirer avec eux, amener les retours,
relancer, apaiser les fins, rester avec eux jusqu'au bout, finir ensemble,
relever tous les indices (souffles, bruit des pieds, circulation d'air et d'énergie, mimiques et
langage du corps) pour être à même d'évaluer la justesse des propositions.
réagir promptement aux injonctions (elles sont soit directement adressées, soit
indirectement par certaines remarques aux élèves qui peuvent être appuyées
musicalement), gestes ou regard du professeur,
réagir promptement à l'imprévu (corriger un décalage musique/danse, étirer un compte,
rajouter ou enlever x comptes, faire un équilibre sur 2x8 plutôt que le 1x8 prévu...).