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LE PIANISTE-ACCOMPAGNATEUR

DE LA DANSE

PROJET PÉDAGOGIQUE d'Anne-Claire GALLAND


ASEA – spécialité Accompagnement de la Danse / CRR de Rennes
Janvier 2012
LE PIANISTE-ACCOMPAGNATEUR
DE LA DANSE
PROJET PÉDAGOGIQUE d'Anne-Claire GALLAND
ASEA – spécialité Accompagnement de la Danse / CRR de Rennes
Janvier 2012
© Anne-Claire GALLAND – 2012

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soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux
termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. »
« Les danseurs, ces musiciens par le corps » (Maurice Béjart)
LE PIANISTE-ACCOMPAGNATEUR DE LA DANSE

SOMMAIRE

Introduction ............................................................................................................ 7

MISSIONS ET COMPÉTENCES ATTENDUES

LE MUSICIEN / IMPROVISATEUR-COMPOSITEUR-INTERPRÈTE-ACCOMPAGNATEUR 9
Accompagnement musical des cours de danse .............................................. 9
Accompagnement des projets chorégraphiques ............................................ 16
Accompagnement de l’évaluation continue et des examens .......................... 16

L'ENSEIGNANT ........................................................................................................ 17
La Formation Musicale du Danseur ................................................................ 17
Atelier de composition en Danse Classique .................................................... 18
Formation à l’accompagnement musical de la danse ..................................... 18

LE MÉDIATEUR ........................................................................................................ 19
Coordination de l’accompagnement musical de la danse ............................... 19
Participation à la réflexion pédagogique ....................................................... 19
Séances de travail et de réflexion sur le rapport à la musique ....................... 19

FORMATION À L'ACCOMPAGNEMENT DE LA DANSE

Architecture ............................................................................................................. 23

PROGRAMME 1ère et 2ème année (initiation)

COMPRENDRE LA DANSE ......................................................................................... 24


TRADUIRE LA DANSE ............................................................................................... 25
ACCOMPAGNER LA DANSE ....................................................................................... 29

PROGRAMME 3ème année (spécialisation)

OBSERVATION ......................................................................................................... 31
PRATIQUE EN TUTORAT ........................................................................................... 31
PRATIQUE EN RESPONSABILITÉ .............................................................................. 31

Modalités d'évaluation ............................................................................................. 31

Conclusion ............................................................................................................... 32

Annexes ................................................................................................................... 33
7

INTRODUCTION

Le Conservatoire de Rennes propose une formation initiale à la pratique artistique de la


danse, en lien direct avec des actions de développement culturel, en direction d'une
grande majorité de danseurs se destinant à une pratique en amateur, et pour quelques uns à
une pratique professionnelle.

L'apprentissage et la pratique de l'art de la danse ont pour large objectif de proposer à l'élève
de dépasser une motivation première pour :
– découvrir, définir et apprivoiser sa singularité corporelle par la maîtrise de son corps,
– découvrir, façonner et utiliser les outils intellectuels permettant de se situer de façon
critique face aux propositions pédagogiques qui lui sont faites,
– découvrir, révéler et exprimer une sensibilité artistique unique et sienne,
pour lui permettre d'affirmer son identité, de construire son autonomie et son projet de
vie.

Il est en cela constitutif d'une démarche éducative.


Au sein de cette démarche, quelle est la place de l'accompagnement musical ?
Quel rôle joue le pianiste-accompagnateur de la danse ?

L'accompagnement musical de la danse est un métier relativement récent.


En France, le ballet a conquis ses lettres de noblesse en tant qu'art à part entière à la cour du
roi Louis XIV, qui créa en 1661 l'Académie Royale de Danse (dont l'évolution donna l'Opéra
National de Paris). C'est à cette époque que le ballet devient une discipline exigeant la
formation de danseurs professionnels.
La technique de danse classique a été mise au point par les Français, dont le premier fut Pierre
Beauchamp, danseur et chorégraphe à la cour. Les maîtres de Ballet ont inventé des exercices
pour un entraînement quotidien à l'instar des gammes et études qui façonnent la technique de
l'instrumentiste, et accompagnaient eux-mêmes les classes avec le petit violon "pochette".
Le pianiste de danse n'apparaît que beaucoup plus tard, en même temps que les cours privés
qui se sont multipliés pour les petites filles rêvant de rejoindre l'archétype même de la féminité :
la danseuse étoile. Relégué dans un coin du studio, le pianiste jouait alors, jusqu'à satiété, les
réductions d'orchestre des grands ballets.

Son statut a bien changé.


Aujourd'hui, le pianiste de danse est devenu dans la majorité des cas un fonctionnaire
municipal diplômé, inséré dans des établissements d'enseignement artistique qui accueillent
des publics de tous âges et horizons, et offrent le choix de différentes esthétiques.
Cependant, il a souvent encore du mal à se défaire de cette image négative totalement
obsolète.

Pourquoi cela ?
Bien que revalorisé depuis peu, l'accompagnement musical de la danse reste un métier obscur,
mal connu. Il ne s'agit pourtant plus de pianoter inlassablement des arrangements indigents
de valses de Chopin, couvert par une scansion de comptes et de vocables incompréhensibles.
Loin de cette perspective ingrate, ce métier propose une expérience artistique et humaine
exigeante, enrichissante, dans des situations variées, intéressantes, souvent surprenantes... et
il offre des possibilités de création infinies.
Certes, l'accompagnateur reste le pianiste de l'ombre, mais il lui arrive de connaître ces
moments jubilatoires où le son va épouser le mouvement, ou même susciter la danse, en un
rapport vivant et réel. C'est alors qu'il réalise dans son coin combien son métier est
exceptionnel.

La persistance de cette image erronée est certainement due à l'isolement du musicien dans la
structure où il exerce, à sa position un peu marginale.
Il souffre aussi d'un manque de communication autour de sa spécificité et de son rôle.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


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Par-dessus tout, du fait de l'inexistence quasi-totale de formations longues, sérieuses et de


qualité, les pianistes ignorent la réalité actuelle du métier et ne l'envisagent pas comme une
perspective professionnelle attirante, alors même qu'en plus d'être passionnant, il offre de
nombreuses opportunités d'heures et de postes à saisir.

En ce qui me concerne, l'accompagnement était une vocation de longue date, mais la


spécialisation dans ce domaine a été le fruit d'un heureux hasard. Et malgré une formation sur
le tas (autrement dit un apprentissage par essai/erreur et dans la douleur !), sans aucune
expérience préalable en matière d'improvisation, la rencontre avec la danse a été une
révélation.

Il m'est devenu possible de la partager et de la transmettre auprès d'étudiants accompagnateurs.


Pour leur proposer un cursus de formation incluant tous les domaines, une U.V.
"Accompagnement de la danse", formule originale de cours et de tutorat en situation concrète,
a été mise en place depuis septembre 2006, en lien avec la classe d'Accompagnement.
D'expérimentale et confidentielle, cette option de cursus attise maintenant une curiosité et un
intérêt sans cesse croissants auprès des étudiants.

Considérant cet intérêt inattendu comme une occasion à saisir, l'écriture d'un document de
synthèse m'a semblé nécessaire en octobre 2009, pour :

– venir en complément du projet pédagogique du département Danse,


– donner une vision personnelle de l'exercice du métier, sur la base des constats issus de
ma pratique, pour emmener les publics fréquentant ou désirant fréquenter le
Conservatoire vers une perception et une compréhension justes de la fonction
du pianiste-accompagnateur de la danse,
– faire connaître l'existence d'une formation à l'accompagnement de la danse
devenue organisée et réfléchie,
– et aider les pianistes à s'orienter éventuellement en connaissance de cause.

Parvenue au terme de 8 ans d'accompagnement de la danse, et de 5 ans à modeler son


enseignement, ce premier document est ici complété et actualisé.

Je tiens à préciser que cet écrit présente une réalité propre à un lieu et à une personne,
et non la norme du métier. Il n’a finalement d’autre prétention que d’initier le partage avec
d'autres, provoquer de nouvelles initiatives, et contribuer à une réflexion de fond, pour
servir et valoriser cette spécialité de l'accompagnement musical.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


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MISSIONS ET COMPÉTENCES ATTENDUES

LE MUSICIEN / IMPROVISATEUR-COMPOSITEUR-INTERPRÈTE-ACCOMPAGNATEUR

Accompagnement musical des cours de danse

Au Conservatoire de Rennes, des supports enregistrés sont utilisés, d'autres formations


instrumentales peuvent être invitées dans le cadre d'un projet spécifique, ou les danseurs
travaillent seuls, notamment pendant les ateliers de Danse Contemporaine en lien avec
l'écriture du mouvement, mais le principal cas de figure (soit 75% du temps) est que le cours
de danse est accompagné de musique vivante par un musicien-accompagnateur (pianiste ou
percussionniste).

Le professeur de danse conçoit pour ses élèves des exercices ou des enchaînements de pas,
visant un objectif précis. Le musicien-accompagnateur lit le mouvement et propose un
soutien musical révélant la musicalité qui y était "sous-entendue" : les aspects
expressifs de mélodie, de phrasé, de dynamique, de rythme, de forme musicale... sont
exprimés visuellement par le corps humain en mouvement, et exprimés de façon sonore par
l’accompagnateur de danse.
Le propos est commun. Ce qui est dit en langage dansé est traduit en langage musical. La
traduction sonore aide à la compréhension du mouvement et de son sens musical.
Éventuellement, l'accompagnateur est amené à le traduire aussi en langage verbal, mais dans
un vocabulaire musical toujours en rapport avec la danse.

Chaque point précis d'un aspect du mouvement sur lequel l'élève est invité à porter son
attention est illustré musicalement.
De même, le professeur attire l'attention des élèves et met en valeur par sa danse des aspects
musicaux particuliers selon les propositions musicales.
C'est un état d'écoute et de dialogue permanent, qui doit forger une collaboration artistique
et pédagogique intense, et dans l’idéal, une parfaite compréhension mutuelle, au service de
l'élève et de la danse.

Cependant, servir ("être utile, profitable à quelqu'un") n'est pas asservir ("réduire à un état de
dépendance absolue" – Larousse). La musique et la danse sont deux disciplines distinctes, et
elles ne sont pas reliées de manière à ce que l'une obéisse aux variations de l'autre. Elles
peuvent être dans une concordance parfaite et une traduction littérale. Elles peuvent aussi
s’émanciper jusqu’à trouver la distance optimale entre elles.
Les deux arts s'emploient alors à faire preuve d’autonomie : partager et faire converser deux
points de vue différents dans le même temps, le même espace et une écoute réciproque... À
chaque question chorégraphique est apportée une réponse musicale, et inversement.
Un cercle de communication "œil du musicien/oreille du danseur" s’installe et prend vie.

Tout l'enjeu de la relation est d'explorer sans cesse la question : comment rester soi-même
tout en étant relié ? "Comment entrer en relation avec l'Autre sans laisser écraser par l'Autre
son soi-même ?" dirait Lévinas (Le Temps et l'Autre).
Pour le musicien, l'équilibre est donc à chercher entre soutenir, mettre en valeur, et rester
activement présent à lui-même, pour exister aussi en tant que soliste.

Le matériau musical est laissé à l'entière appréciation du musicien-accompagnateur,


selon sa sensibilité propre, son style et son bagage musical.
Autant de façons de faire qu'il y a d'accompagnateurs : utilisation d'un répertoire fixe,
arrangement de partitions ou improvisation.
La musique s'adapte la plupart du temps à la danse, mais le musicien-accompagnateur peut
aussi proposer la démarche inverse : prendre l'initiative à son compte et faire une proposition
musicale à partir de laquelle une improvisation ou à un travail de composition sont élaborés.

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Dans tous les cas, il est en situation de responsabilité : il se doit d’apporter à la danse un
"DYNAMISME RELATIONNEL"1, c’est-à-dire une ÉNERGIE VITALE2, générée par la mise en relation
d’énergies différenciées.
Pour le dire plus simplement, le musicien-accompagnateur dynamise le cours : il insuffle de
l'énergie propulsive, il donne le rythme à la classe de danse.

Par opposition à la statique, la dynamique est un phénomène d'évolution vers un but, un


mouvement (au sens large de "variation de la position d'un point, action de passer d'une place
à une autre").
On qualifie ainsi une personne qui fait preuve d'efficacité, d'entrain et de goût d'entreprendre.
On parle aussi de dynamique de groupe.
Chaque mouvement, chaque exercice, chaque séance de travail, chaque groupe et chaque
membre du groupe auront leur dynamique propre.

Donner le rythme… Que recouvre exactement ce terme d’usage si courant, mais finalement
complexe et mystérieux3 ?

1. l'énergie physique : la pulsation et la mesure

Le temps et son contretemps, unité de durée, forment un premier cycle, le niveau


élémentaire d'organisation de la durée, avec le point de repère de la pulsation.

Le retour régulier d’un temps fort suivi d'un nombre également régulier de temps faibles, va
déterminer un deuxième cycle : celui de la mesure.
Englobant le premier cycle du temps, il constitue une nouvelle unité de durée, un deuxième
niveau d'organisation, avec le point de repère du temps fort.

Ces unités de durée vont poser pour la musique et la danse "un cadre de temporalité
analogue à celui que le temps du monde prête à notre existence quotidienne"4.
En effet, la pulsation et la mesure sont organiques, elles ont leur vie propre, ni métrée, ni
chronométrée. C’est le Rythme Vital.

Le Rythme Vital, c’est, au sein d'une action donnée, une structure ternaire dont les
trois temps sont indissociables : Préparation / Action / Détente-récupération.
Autrement dit, en termes de respiration : Inspir / Expir prolongé / Silence.
Au bout de l'expir et de l'action déclenchée, le temps de silence à vide est, non pas perte de
temps, mais temps de recharge d’énergie.

2. l'énergie psychique : la phrase

Dans ce cadre de temporalité corporelle, nos sentiments et émotions, nos idées et pensées
sont mouvantes, fluctuantes, elles se temporalisent tout autrement.
Cependant, la temporalité psychique est étroitement liée, conditionnée par notre cadre de
temporalité corporelle. C'est en fait sur les fondements d'une mesure organique du Temps
qu'elles prennent forme dans notre corps et le transcendent, pour devenir musique et
mouvement.
C’est un troisième niveau d'organisation enclavant les deux premiers : l'énergie psychique
s'accumule, se libère et se récupère pour constituer une phrase, suivant le Rythme Vital.

1
Expression empruntée à E. ANSERMET, Les fondements de la musique dans la conscience humaine, notes, éd. La
Baconnière, 1961, p. 7.
2
terme un peu fourre-tout dont j’userai ici au sens le plus proche de son étymologie : "l'énergie (du grec : ενεργεια,
energeia, force en action) est la capacité d'un système à produire un travail entraînant un mouvement, de la lumière
ou de la chaleur".
3
Ce point condense un chapitre extrait du livre co-écrit avec ma mère, praticienne du mouvement dans une visée
psychocorporelle :
Annelise GALLAND-PEERBOOM, Le Travail Corporel Peerboom, Un chemin vers l'unité de l'être, autoédition Autres
Talents, 2011, chapitre 5, p. 141-161. Disponible sur internet : www.travail-corporel-peerboom.eu
4
E. ANSERMET, op. cité, p. 11.

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La phrase est une unité de langage (verbal, musical, corporel, chorégraphique…) qui
correspond à un énoncé complet formant un sens se suffisant à lui-même.

Chaque phrase suit une courbe reliant trois états d’énergie différents :
– amorce, éventuellement précédée d'une anacrouse (accumulation d’énergie),
– évolution vers un "climax" (libération d’énergie),
– désinence vers la cadence (retombée de l’énergie).

La succession des phrases s'organise en une forme, également en trois parties : exposition
(présentation du thème), développement (exploitation du thème), réexposition (réintégration
du thème enrichi par l'écoute du développement).
Chaque sous-ensemble comporte donc trois phases, et se trouve englobé progressivement
dans des ensembles les comportant aussi.

Cette triade faisant loi pour tout ce qui est vivant, elle s’impose donc quand il s’agit d’un
mouvement, d’une phrase chorégraphique, d’un exercice, d’une séance...
Obtenir et affiner le "phrasé", c'est se familiariser peu à peu à capter, ressentir et décoder
au fur et à mesure les variations de l’énergie engagée de manière organique, sans
interférence avec l'intellect, au point de parvenir à une présence instantanée et réactive à
celles-ci.
C’est vivre alors intensément les phrases chorégraphiques et musicales avec une perception
aiguisée de la nature et de la qualité des élans et impulsions, et de leurs conséquences dans
l'apogée et la retombée de l'énergie.

3. la relation entre énergie physique et énergie psychique : le rythme

Les durées dissymétriques de sons, de mouvements, dont les modalités et les proportions
se modulent à l’infini, s'organiseront alors en relation avec les durées symétriques de la
pulsation et de la mesure (telles que suggérées par son propre ressenti corporel, puis
extériorisées par le son, vocal ou instrumental).

L'énergie physique au rythme régulier canalise l'énergie psychique au rythme mouvant et


fluctuant. Entre l’"état d’esprit" (le contenu) et l’"état de corps" (la forme), il y a une relation
qui devient force motrice et génère, non plus "un rythme", mais LE RYTHME, "état de
danse"…

Sur l'axe de la ligne du Temps, les "temps" s'expriment en longueurs rectilignes pour
structurer l'arc curviligne de la phrase :

C’est pourquoi je propose une tentative de définition en ces termes :

Le Rythme est une force motorique5, issue de la relation organisée, dans le temps et
dans l'espace, d'énergies différenciées relevant d’un ou plusieurs registres
sensoriels.

5
néologisme utilisé avec précaution en le rattachant moins au français "moteur", qui évoque la mécanique, qu'au
"moto" italien qu'on trouve sur les partitions musicales : con moto, "avec mouvement", "d'une manière animée" (au
sens de "doté d'une âme", c'est-à-dire doté d'un principe vital et moteur, d'une "force énergétique". Ainsi se nomme
en charpente la partie verticale, centrale, médiane et principale d'une poutre. Et ainsi se nomme la petite baguette,
elle aussi verticale, l'âme, placée à l'intérieur de l'instrument à cordes, qui communique les vibrations à toutes les
parties).

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Pour le musicien et le danseur, je propose donc d'aller au-delà d'une perception rythmique en
termes de "fractionnement et organisation du son en valeurs (noires, blanches, rondes,
croches et doubles-croches) d'une durée déterminée par rapport au nombre de temps" pour
les uns, et en "fractionnement et organisation du mouvement en durées déterminées par
rapport aux comptes chorégraphiques", pour les autres.

Dans le cadre de la relation musique/danse, on peut préciser ainsi la définition, en soulignant


la trilogie fondamentale commune espace/temps/énergie :

Le rythme est une force motorique, issue de la relation organisée, dans le temps et dans
l'espace, entre les paramètres du son (hauteur, durée, intensité, phrasé, et timbre de
l'instrument) et les paramètres du mouvement (espace, durée, poids/force, flux, et nature de
l'instrument-corps).

En définitive, le rythme est la relation entre cadre et évolution dans le cadre, entre
répétition et nouveauté, entre stabilité et imprévisibilité, entre structure et mouvement, entre
règle et chaos, entre ordre et désordre, entre semblable et différent, entre le même et l'autre !
L’essentiel, ce qui définit vraiment le rythme, n’est donc pas l’un ou l’autre des termes en
présence, ni même les deux, mais bien la relation entre eux.

L'étymologie du mot "rythme" traduit bien cette relation en apparente contradiction : il vient
du mot grec ruthmos : mesure, proportion, mais dont la racine rhéô suggère l'écoulement et le
devenir : une fluidité, donc, qui appelle une continuité.

Et si nous ressentons que "Ça manque de rythme !", cela indique que l'un des termes de la
relation est déficient : s'il vient à manquer de structure, le rythme devient flou, sans relief, s'il
vient à manquer de souplesse, le rythme devient trop sec et rigide.
Idéalement, il faut l'un ET l'autre, une souplesse structurée, une structure souple, pour que le
"dynamisme relationnel" puisse produire son effet.

L'entrée dans le rythme peut se faire par l'un ou l'autre terme, autrement dit par des "portes
d'entrée en relation" différentes, dont le choix est à se formuler explicitement :
On peut laisser le rythme spontané du mouvement apparaître, et le préciser ensuite dans un
cadre de temporalité. Ici, le contenu provoquera la forme.
Il est aussi possible de prédéterminer un cadre mesuré et d'organiser le mouvement en
rapport. La forme sera alors progressivement habitée du contenu.

Quand elle intervient et pour le faire avec justesse, la proposition musicale doit donc prendre
une forme lui permettant de remplir son "cahier des charges" :
– produire et cadrer une énergie physique, soit générer une force organisatrice,
– produire et inspirer une énergie psychique, soit générer une force expressive,
– créer et ajuster la relation entre les deux, soit générer une force motorique,
c’est-à-dire rendre fécond le couple "rigueur et liberté" qui va porter, soutenir, accompagner le
mouvement.

1. UNE FORCE ORGANISATRICE

Par la musique, l'accompagnateur rend sensibles les trois niveaux d’organisation de la


durée : la pulsation, la mesure et la phrase, qu’il a saisies progressivement au cours du
marquage par l’écoute du langage corporel du professeur de danse, précisé vocalement.
La phrase est éventuellement inscrite dans une carrure (découpage du mouvement en phrases
chorégraphiques avec un compte de danseur, typiquement 8 sans être systématique, avec une
décomposition possible – Exemple. 7 = 2+2+3).
Il organise ainsi le temps, et ce faisant, propose à chaque élève de s’y situer en rapport.

L’inscription du mouvement dans le temps englobe le tempo et ses changements, la


décomposition binaire ou ternaire de la pulsation, les accents, et suggère une formule
rythmique.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


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L'accompagnateur doit saisir la pulsation, choisir une mesure et des formules rythmiques en
fonction des indications visuelles et verbales relevées.
Il doit être capable de tenir le tempo, même et surtout dans la durée, et affirmer de façon
claire et précise les changements de tempi et/ou de décomposition de la pulsation.
Il veille à l'adéquation appuis/temps forts, et si nécessaire confirme ou contrarie un élève qui
hésite ou s'égare.
Il doit poser les balises de début et de fin de la phrase chorégraphique avec des "marqueurs"
(éléments musicaux et manière de les jouer) : anacrouses et formules de début (incipits),
motifs de transition, formules de fin cadentielles, formules de relance.

Les formules rythmiques sont puissamment actives, elles ont le pouvoir d'influer la manière de
mettre en mouvement. Chacune a un sens, chacune est porteuse d'une signification, d'un
message, qui la rend expressive.
Pour que le rapport au temps ne soit pas un rapport de soumission et de contrainte, voire un
rapport conflictuel avec le danseur, l'accompagnateur doit choisir et manier les formules
rythmiques en conscience. Une formule rythmique commune inscrite dans la mesure (soit au
2ème niveau d’organisation de la durée) reste selon mon expérience le meilleur point de
rencontre : chacun peut ainsi vivre sa phrase en autonomie sans être happé par la pulsation,
dans le respect du Rythme Vital – ce rythme organique en trois phases d'égale importance.

La musique a pourtant pu perdre une prise directe avec l’organicité, sous l'effet d'un
découpage artificiel du temps par la mesure, ou un usage trop rigide du métronome. La phase
du climax n'est alors pas assez dilatée, et la phase de la détente franchement tronquée.
Or, une pulsation trop stricte contraint et dénature le mouvement.
Ici, l'accompagnateur va quitter le temps du métronome et reprendre contact avec le
temps du corps. Il va "se mettre dans la peau" du danseur pour prendre en compte les
contraintes corporelles, pour permettre au danseur d'aller jusqu'au bout du mouvement et le
rendre juste, confortable, (et ce faisant, permettre à la musique de retrouver la dimension
purement physique qu'elle a pu perdre).
À l'intérieur du "bon" tempo, trouvé et tenu, il doit placer judicieusement ralentis et relances
pour suivre le "rubato du mouvement" et surtout respecter une phase de détente,
pleine et entière.

Le but est que le rapport au temps soit, non une "contrainte à la conformité, mais une
évolution vers une convergence"6.

2. UNE FORCE EXPRESSIVE

Les intentions du professeur de danse, exprimées par le corps et par la voix, visent à mettre
l'élève dans un certain état psychologique, permettant au danseur d'interpréter le
mouvement, autrement dit de laisser libre cours à son expressivité, voire de l'induire chez les
plus jeunes.
C'est le "caractère", autrement dit la personnalité donnée au mouvement, définie par une
ambiance et un état de corps : un état tonique général qui inspire une tonique à la proposition
musicale…

En effet, le caractère est déterminé par le choix de la tonalité, des couleurs et rythme
harmoniques, par la tessiture, et par-dessus tout, par la qualité cantabile de la mélodie.
Le danseur doit pouvoir la retenir, s'en servir de repère et "chanter le mouvement".
(Exemple. caractère serein : mélodie dans une tonalité plutôt majeure, rythme harmonique
lent, résolution des tensions harmoniques, formule rythmique sans contretemps, tessiture
plutôt grave).

Mais bien sûr, ce caractère s’exprime en humeurs variables. Chaque mouvement, chaque
exercice a ainsi un "profil dynamique" : un relief avec des contours caractéristiques, résultat
de la synergie entre le poids, la force, le flux, l'espace et la vitesse. En bref, la dynamique est
la fluctuation de l’énergie dans le temps.

6
Annelise GALLAND-PEERBOOM, op. cité, p. 274.

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La dynamique dépend de la quantité d'énergie : du plus détendu (faible contraction


musculaire, consentement au poids, abandon/lâcher-prise, laisser faire) au plus tendu (forte
contraction musculaire, lutte contre la gravité, don/volonté, faire), un jeu entre poids
(sensation lourd/léger) et force (action fort/faible), avec toutes les augmentations et
diminutions progressives d'amplitude de la tension musculaire. La force emmène le poids dans
l’espace.
C'est le facteur intensité de l'activité et sa gamme de nuances (ou plan dynamique de la
proposition musicale).

Elle dépend aussi de la qualité de flux (écoulement de l'énergie), c’est-à-dire de la nature de


son débit, du plus libre (continu, délié, fluide, "dans le sens du courant") au plus empêché
(soutenu jusqu'à maintenue, position figée, "à contre-courant") en passant par le débit
contrôlé (discontinu, saccades, vif, soudain).
C'est le facteur phrasé et accentuation de l'activité.

La dynamique dépend de la substance à déplacer. Pour obtenir les mêmes déplacements


d'énergie qu’un corps d’une certaine masse et donc d’une certaine puissance, le son – par
comparaison infiniment plus léger – doit être plus labile, plus volubile. Quand l'un parle
naturellement fort, l'autre doit parler d’abondance.

La proposition musicale va donc combiner le tempo, le phrasé (legato, accentuations, léger


staccato, accords lourés…) et l'intensité sonore (les nuances) qui correspondent précisément
à la dynamique du mouvement à accompagner.

L’accompagnateur suit les fluctuations de l’énergie dans le temps, en donnant du relief à la


proposition musicale : selon les cas, en phrasant avec soin, en dessinant des inflexions à la
phrase, en installant des plans sonores, en faisant un plan dynamique, en usant d'une grande
variété rythmique, en soulignant par un jeu d'accentuations affirmées, même si elles peuvent
sembler musicalement choquantes...
L'énergie est dosée et modulée. Une énergie éteinte, par des nuances trop douces et
uniformes ou par l'absence de relief, se reflète immédiatement chez le danseur. Trop de son
constamment fort et très nourri provoque saturation, asphyxie et annihile l'état d'écoute.

3. UNE FORCE MOTORIQUE

La mise en relation de forces contrastées dans la proposition musicale produit une énergie
qui induit le rythme chez le danseur.
L'accompagnateur va ajuster plus ou moins l'énergie : plus l'exercice est actif et plus
l'accompagnement est épuré, dépouillé, pour équilibrer les forces en présence, selon le
principe de l'homéostasie.

L'accompagnateur garantit un rythme au cours lui-même. Le musicien a le pouvoir


d'insuffler la joie, de "donner la pêche", mais aussi de "plomber" un cours...
Plus spécialement, il va "porter le mouvement", c'est-à-dire à la fois soutenir l’effort physique
et le transcender en lui donnant une couleur expressive.
Il doit donc être très présent : affirmer ses propositions avec conviction, les assumer quelle
qu'en soit la qualité, investir et donner une intention sur chaque note... et développer son
endurance pour donner de plus en plus d'énergie au fur et à mesure du cours, alors qu'il y a de
plus en plus de fatigue.

L'accompagnement musical ainsi conçu est proposé dans le but de réaliser une éducation
progressive de l'oreille. Son contenu devra être non seulement adapté au mouvement, mais
aussi à l'âge de l'élève et à son degré d'acculturation musicale. Les propositions, claires et très
intelligibles en début de cursus, vont se diversifier et se complexifier progressivement tout au
long de la formation, jusqu'à atteindre la plus grande variété de situations et de propositions
possible.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


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En élargissant la "mise en relation", on voit que la responsabilité principale de


l’accompagnateur est d’être le relais des intentions du professeur de danse : en sonorisant ce
qui était "sous-entendu", il rend perceptible un vécu intérieur dans une forme extérieure. La
proposition musicale corrobore la pensée du professeur.
C’est une question de grande confiance, car il y a prise de risque au moment du passage de
relais7 :
Pour le professeur de danse, celui de ne pas être assez clair dans ses intentions et donc le
risque de ne pas réussir à se faire entendre, à être entendu, à être compris.
Pour l’accompagnateur, celui de trahir.

La finalité est d’amener les élèves danseurs vers un état permanent d'écoute (qui sera
systématiquement attendu avant toute proposition) et de prise de repères par rapport à
une référence extérieure : les élèves s’appuient en premier lieu sur l’exemple donné par le
professeur de danse, puis sur la proposition musicale qui vient s’y substituer.

Le musicien enseigne alors lui aussi par l’exemple : le danseur va danser la qualité entendue,
le sentiment, le ressenti perçus – à son insu au début de sa formation, puis de plus en plus
consciemment.
L’interprète doit faire comprendre à l'élève, et lui permettre de sentir et d'exprimer par sa
danse, toute la vie de la musique avec son caractère, son énergie, ses respirations, ses reliefs
et son amplitude, pour qu'il puisse lui aussi interpréter la vie du mouvement et devenir
un danseur "musical".

Cela dépendra de la qualité de l’improvisation dans l'adéquation au mouvement et à l'intention


pédagogique du professeur de danse, de la force de conviction de l’accompagnateur, de
l'interprétation inspirée et soignée de son jeu, de la subtilité dans son attitude et dans sa
manière d'accompagner. Il lui faudra pour cela :

Être en connexion constante avec les acteurs en présence.

La communication est intense et non-verbale, des informations sont émises et reçues par les
yeux et encore plus par tout le corps.
libérer le regard du clavier pour qu'il englobe tout le studio, un regard doux et de tout le
corps,
être avec les danseurs, commencer ensemble, respirer avec eux, amener les retours,
relancer, apaiser les fins, rester avec eux jusqu'au bout, finir ensemble,
relever tous les indices (souffles, bruit des pieds, circulation d'air et d'énergie, mimiques et
langage du corps) pour être à même d'évaluer la justesse des propositions.

Suivre souplement les fluctuations, entretenir complicité et fluidité dans la relation triangulaire
professeur-pianiste-danseur(s).

réagir promptement aux injonctions (elles sont soit directement adressées, soit
indirectement par certaines remarques aux élèves qui peuvent être appuyées
musicalement), gestes ou regard du professeur,
réagir promptement à l'imprévu (corriger un décalage musique/danse, étirer un compte,
rajouter ou enlever x comptes, faire un équilibre sur 2x8 plutôt que le 1x8 prévu...).

Doser l'accompagnement en faisant preuve de perspicacité et de discernement, sur un large


continuum allant du suivi pas à pas, terme à terme le plus strict jusqu'à l'autonomie (voire
l'indépendance) la plus totale, en fonction des cours et de la discipline, mais aussi au cours de
l'exercice.

installer la connexion, capter l'écoute de l'élève avec une proposition simple et claire, la
maintenir le temps que tous – accompagnateur et élèves – se sentent en sécurité, puis au
fur et à mesure, varier et faire évoluer la connexion : relâcher, distancier, réaffirmer.

7
Est-ce pour cela que nombre de professeurs ne parviennent pas à passer tout à fait la main, en continuant de
"surcompter" par-dessus la musique, de la paraphraser de la voix ?

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


16

Dans une visée encore plus large, il est important de souligner que la "référence extérieure",
que représentent le professeur de danse et l’accompagnateur, n’est ni modèle, ni prescription
arbitraire et autoritaire.
L'écoute et un accord entre soi et soi sont d’abord nécessaires. Puis vient l'écoute et l'accord à
autre que soi, où chacun devient "référence extérieure" pour l’autre...
Danser en musique, c’est installer une relation horizontale et non verticale, où il est moins
question de réussir à "faire en même temps", que de sortir de soi pour "vivre ensemble".
L’expérience de cette relation écarte le risque de n’avoir pour repères que ses propres
ressentis, et en conséquence celui d’être dirigé par des pulsions ou des instincts. La
distanciation prépare des adultes capables de se décentrer, d’entendre et de tenir compte d’un
autre point de vue ou ressenti que le leur, des adultes capables de respecter autrui, de
s’adapter et de négocier la part commune.
Avec une attention équilibrée qui englobe simultanément l’écoute de soi et l’écoute de l’autre,
ils pourront fonctionner en collectif, en équipe, en société, savourer l’équation : Je+Je=Nous…

~~~
Accompagnement des projets chorégraphiques

La pratique scénique est développée de manière progressive au fur et à mesure du cursus de


l’élève danseur au travers de présentations de travaux, spectacles et échanges
chorégraphiques, organisés pour certains en partenariat avec les structures culturelles de la
ville de Rennes (CCNRB, Triangle, Théâtre de La Paillette, Théâtre du Vieux-Saint-Etienne ou
salle Guy Ropartz).

Au cours de l'année, pour chaque niveau, 1 ou 2 œuvres seront ainsi étudiées en profondeur.
Dans certains cas, le musicien-accompagnateur est amené à sélectionner ces œuvres dans
le répertoire ou à en composer pour la circonstance. Elles sont choisies ou construites en
fonction de la nature du projet, selon les besoins et souhaits émis par le
professeur/chorégraphe et les buts pédagogiques fixés en commun.
Il est là musicien-interprète et/ou compositeur.

Dans d'autres cas, peuvent être menés des projets chorégraphiques développant les liens
musique/danse, mais avec un support enregistré, des formations instrumentales autres que le
piano solo ou la percussion, ou avec des musiciens extérieurs au département Danse.

Dans tous les cas, le musicien-accompagnateur est référent et conseiller sur toutes les
questions musicales et le rapport musique/danse.

Accompagnement de l'évaluation continue et des examens

Le 3ème trimestre de l'année scolaire est consacré à la préparation des épreuves d'évaluations
de fin d'année. Sur cette période, et pendant l'épreuve, le musicien-accompagnateur joue les
partitions imposées par le ministère de la Culture et de la Communication, pour les examens
de passage de Cycle, ou sélectionnées ou composées par lui, pour les évaluations intra-cycle.
Le jour J, il fait ainsi bénéficier l'élève d'un accompagnement personnalisé et sur mesure, ainsi
que de la relation de continuité et de confiance instaurée pendant l'année.

C'est une période éprouvante, mais (jusque-là) incontournable, pendant laquelle


l'accompagnateur devra être doté de beaucoup de patience. En effet, d'une part le temps
d'apprentissage de la variation est beaucoup plus long que le travail de la partition, et d'autre
part, il s'agira de répéter énormément la même musique en sachant que l'intensité et la
fréquence de la répétition aura pour inévitable conséquence de nuire à l'état d'écoute du
danseur : vigilance et pédagogie imaginative seront nécessaires pour le maintenir.

~~~

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


17

S'il est en situation de responsabilité, s'il a des missions à sa charge, le pianiste-


accompagnateur a aussi des responsabilités envers lui-même et le devoir de se prendre en
charge. Il est en effet en position d'autoformation :
Seul musicien parmi les danseurs, quand le professeur exprime ses attentes avec des mots de
danseur, ou dit que la proposition ne convient pas, il ne peut compter que sur ses propres
ressources pour en faire une traduction musicale concrète.
Il doit prendre sans cesse des risques : oser, essayer, voir l'effet produit... et des initiatives :
ne pas se contenter de valeurs sûres, avoir et renouveler une palette de propositions la plus
large possible, faire preuve d'originalité pour surprendre, ne pas lasser et se lasser.

Il faut profiter des moments de cours où la musique n'intervient pas (temps de marquage,
corrections individuelles...) pour se former : chercher et tester pour soi, éprouver soi-même le
mouvement dansé, apprendre le vocabulaire de la danse (le professeur ne dira jamais de
reprendre sur une mesure ou un accord, mais sur le "piqué attitude" ou "en seconde"), repérer
les élèves et échanger avec eux, observer et écouter pour saisir les besoins des danseurs en
général ou de tel élève en particulier (tempo, placement d'un accent ou d'un étirement...) afin
de donner une réponse juste et efficace le moment venu.
Afin de se ressourcer, de continuer à être nourri, pour garantir un certain niveau de qualité et
d'exigence, le travail personnel en piano "pur" est indispensable.

L'ENSEIGNANT

Le rôle pédagogique du musicien-accompagnateur, déjà très important mais implicite dans le


cadre de l’accompagnement du cours, s’exprime aussi de façon plus explicite dans des
situations particulières :

La Formation Musicale du Danseur

Le choix clairement affirmé et revendiqué du département Danse de Rennes est de ne pas


désolidariser la culture musicale de l'apprentissage de la danse, conformément aux
préconisations de la DMDTS (annexe 5 de l'arrêté du 23/02/2007 relatif à l'organisation du
CEPI de danse).
Si "cultiver" est travailler un terrain en vue de le faire produire, de l'entretenir avec soin et
patience en vue de la récolte, si "se cultiver" est acquérir des connaissances et enrichir son
esprit dans un domaine donné, la culture dont il s'agit ici sera plutôt une acculturation :
ce terme emprunté à l'ethnologie désigne le processus par lequel un individu entre en contact
avec une culture différente de la sienne et l'assimile en partie. Ainsi en est-il du danseur qui
s'acculturera par l'imprégnation d'un contact constant et profond avec la musique.
Le travail de culture musicale n'est donc pas dissocié en une matière théorique, exportée dans
un autre lieu, à un moment distinct et présentée par une personne étrangère au monde de la
danse. Ce travail est réalisé à chaque cours en binôme indissociable professeur de
danse/musicien-accompagnateur.

Pendant les cours de danse, seront donc abordées les notions musicales de :

Rapport au temps

- durée
- pulsation, division naturelle temps/contretemps, décomposition binaire/ternaire
(2 moitiés égales ou 3 tiers égaux)
- tempo
- mesure, battue, élans et appuis (anacrouse et crouse)
- les rythmes, rythmiques et formules/cellules rythmiques, leur sens expressif
- carrure, phrases et ponctuations musicales
- comptes, phrases chorégraphiques
- rythme vital d'une phrase, d'une section, d'une œuvre
- le Rythme

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


18

Perception des lignes mélodiques, des thèmes


Perception des couleurs harmoniques
Caractères expressifs
Plans dynamiques
Accentuations et phrasés
Chant
Lecture et écriture de partitions

Les notions musicales sont introduites en fonction de l'âge des élèves, de leur niveau de
danse, de la thématique du cours et/ou du projet en cours d'élaboration.
Elles seront données à vivre, c'est-à-dire expérimentées, explorées, éprouvées, ressenties par
le corps et le mouvement, puis verbalisées, nommées et expliquées seulement dans un second
temps, pour intellectualiser une connaissance d'abord sensorielle, vécue de l'intérieur.
La Formation Musicale du Danseur est ici une "formation musicale à travers le corps dans
l'espace".

ses finalités
Apprendre à répondre par le corps à une proposition musicale.
Révéler et exprimer sa propre musicalité du mouvement.
Définir et maîtriser sa relation à la musique, vivre consciemment la musique : apprendre à être
disponible pour une écoute active du son, percevoir et comprendre les éléments du langage
musical, déterminer des choix (les utiliser ou non à bon escient dans son propos
chorégraphique).
Comprendre les conventions de notation musicale, en dégager l'essentiel et établir des
rapports avec la notation chorégraphique de Laban (les notions d'espace, de temps et de
dynamique étant communes aux deux écritures).
Apprendre à faire le lien entre la perception des éléments musicaux sur lesquels s'appuient la
danse, leur écriture et leur lecture en en retrouvant le tracé sur une partition, outil de
symbolisation et de communication.

les compétences attendues


Accorder différents paramètres d'écoute : soi-même, l'autre, l'environnement, le son.
Argumenter des choix chorégraphiques par rapport à une musique.
Repérer et analyser des styles et des formes musicaux différents.
Situer et exécuter précisément le mouvement dans le temps.
Phraser le mouvement (le "chant" du corps).
Lire et écrire une partition simple.

modalités et critère d'évaluation


Lors des évaluations continues à l'intérieur des cycles, et plus encore tout au long de l'année,
le musicien-accompagnateur exprime son point de vue sur l'état et la qualité du rapport à la
musique de chaque élève.
La "musicalité" du danseur est un critère évalué à chaque examen de fin de cycle par les
membres du jury extérieur.

Atelier de composition en Danse Classique

Propositions de situations permettant de saisir différents paramètres d'une œuvre musicale,


pour aller vers une analyse de la partition et la conception d'une chorégraphie s'attachant à
traduire et à mettre en valeur ces paramètres.

Formation à l’accompagnement musical de la danse

Une formation à l'accompagnement musical de la danse est proposée aux étudiants de la


classe d'Accompagnement (à partir du Cycle 3), ainsi qu'aux pianistes-accompagnateurs non
spécialistes de la discipline ou extérieurs à l'établissement : voir page 23.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


19

LE MÉDIATEUR

Coordination de l’accompagnement musical de la danse

Au CRR de Rennes, 5 pianistes (3 en spécialité, 2 en polyvalence) et 2 percussionnistes se


répartissent environ 45 heures hebdomadaires d'accompagnement.
Pour qu'une étroite collaboration et une parfaite compréhension mutuelle existent entre
professeur de danse et musicien-accompagnateur, et pour que confiance et complicité
s'installent entre élèves et musicien, la répartition des accompagnements par cours est fixée
pour l'année.

Afin de mettre en œuvre cette volonté de qualité et d’exigence pédagogique et artistique,


exprimée et revendiquée par l’ensemble du département Danse, le coordonnateur réalise la
répartition des accompagnements au début de la saison.
Cela signifie que l’on confie des groupes de personnes (venant plusieurs fois par semaine) à un
accompagnateur donné, en fonction de sa personnalité, de son expérience, de ses
compétences et de son style musical, pour que soit possible avec chacun des groupes
l’établissement d’un projet pédagogique en binôme avec le professeur de danse et le montage
d’un projet artistique pour les présentations de travaux.
La répartition est donc réfléchie et soignée, et les accompagnateurs non interchangeables.

Participation à la réflexion pédagogique

Le musicien-accompagnateur travaille avec l'ensemble des professeurs de danse et connaît


tous les élèves. Par la position centrale qu'il occupe, et la place privilégiée d'observateur que
lui permet sa fonction, il propose au professeur de danse un point de vue différent et
complémentaire.
La vision globale et le recul dont il dispose peuvent contribuer à faire un diagnostic précis et à
ajuster l'enseignement proposé et la réponse des élèves.
Ils s'associent pour concevoir des situations d'apprentissage, pour aider l'élève à progresser et
à surmonter d'éventuelles difficultés. La confiance instaurée entre professeur de danse et
musicien rejaillit sur le climat de la classe et participe au bien-être et à la réussite des élèves.

Séances de travail et de réflexion sur le rapport à la musique

Pour des danseurs, enseignants ou futurs enseignants en tutorat, sur demande.

Finalités :

– clarifier et actualiser ses connaissances et sa maîtrise de la dimension musicale d’une


proposition dansée,
– faire accéder à la conscience le ressenti musical de son mouvement, pour le rendre
communicable au musicien-accompagnateur et aux élèves danseurs,
– outre l'affinement des techniques et de leurs relations, définir son positionnement par
rapport à la musique, avancer dans la clarification des places et des rôles que nous
sommes amenés à occuper, avec l'impact non négligeable sur nos émotions et nos
évolutions personnelles et professionnelles,

pour servir la création artistique et l’épanouissement des acteurs de la classe de danse.

En effet, la relation accompagnant/accompagné que vivent les deux disciplines de la musique


et de la danse peut – et même sans doute doit – donner lieu à une exploration plus délibérée,
interactive et audacieuse. Des romanciers s'y sont essayés, des philosophes parfois, les
personnes concernées beaucoup moins alors (parce) qu'elles le vivent au jour le jour !

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


20

Proposition de lecture sur ce qui se joue dans la relation musique/danse8

Selon moi, il est possible d'avancer une comparaison entre l'accompagnement musical et les
fonctions parentales.
Il est paternant : il représente l'autorité, la règle, la contrainte en organisant le temps (durée,
pulsation, mesure, carrure et phrase).
Il est maternant : il représente l'affectivité par la mélodie et les couleurs harmoniques, le
timbre, les nuances.
Les deux garantissent un cadre, à l'intérieur duquel elles protègent, propulsent, portent et
soutiennent (rythme).

On peut appréhender la phylogenèse comme répétant les étapes de l'ontogenèse9, autrement


dit concevoir l'évolution de l'humanité comme traversant les mêmes étapes que le
développement de l'humain : une conception, une prime enfance, une enfance, une
adolescence, (une "adulescence"), un âge adulte, une vieillesse.
L'histoire des arts peut se lire avec ce regard, et vues sous cet angle, partant de la fusion
musique/danse originelle, de l’unité indissoluble des temps primitifs, la Danse Classique se
situerait à un stade d’"enfance" dans l'histoire de la danse et la Danse Contemporaine à un
stade "adulte".

Si l'on considère le musicien-accompagnateur dans sa fonction tacite de Parent-Éducateur, son


accompagnement du danseur classique diffèrera profondément du danseur contemporain.
Pour le premier, il est le Parent d'un Enfant10 et la relation musique/danse est simple : nous
sommes à un âge où le Parent définit et impose les règles, dans un enveloppement maternant.
C'est lui qui décide, le cadre est vécu comme évident, implicite et non remis en cause. Il est
confortable.
Pour le deuxième, il est le Parent d'un ex-Enfant devenu Adulte, et la relation est aussi
complexe que celle, dans la vie courante, de l'ancien enfant devenu homme face à ses parents.

Pour parvenir à l'âge adulte, l'enfant a dû traverser une étape d'adolescence pendant laquelle il
s'est construit ses propres règles et valeurs en "contre".
En s'attaquant au cadre jusque-là défini et imposé, il détruit, met à l'épreuve pour rejeter ou
s'approprier ce qu'il a reçu en héritage.

L'accès à l'âge adulte est possible lorsque l'adolescent a remis en question, réinterrogé
l'ensemble de son rapport avec les fonctions parentales, puis réussi à régler ses comptes, en
"se déterminant de l'intérieur", comme le disait Abraham Maslow, en ayant "sa propre colonne
vertébrale", jusqu’à l’autonomie de pensée, de ressenti et d'action.

Par cette fonction implicitement exercée, le musicien fait revisiter au danseur l'ensemble des
questions induites par le rapport aux fonctions parentales :
quel est mon rapport à la règle ? la contrainte est-elle vécue comme confort et sécurité ? est-
elle menace ? si oui, que menace-t-elle ? le cadre temporel qui m'était imposé était-il mien ?
était-il contrariété, source de frustration et de colère ? le cadre affectif était-il absent,
suffisant, étouffant ? l'émotion était-elle permise ? niée, comme inconvenante ou terrorisante ?
suis-je libre de penser ce que je pense ? doutant de moi, est-il plus rassurant de me fondre
dans une autre pensée que la mienne ? etc.

Dès qu'elle intervient, la musique renvoie le danseur à ces questions fondamentales et des
plus intimes.

8
Je m’appuie ici sur ma formation et mon expérience de psychologue (études à l’Université de Rennes II et l’Université
de Bougogne – Master de Psychologie obtenu en janvier 2003).
9
Ontogenèse : développement de l'individu, de la fécondation à l'état adulte.
Phylogenèse : évolution d'une espèce, de la formation au devenir.
10
Ceci à lire sans aucun jugement de valeur. Je parle bien d’une discipline, et à un niveau métaphorique, non des
pratiquants de cette discipline ! Je considère le danseur classique et le danseur contemporain comme le même danseur
à deux moments différents de son Histoire, dans un continuum (ce qui supprime définitivement toute mise en
opposition, parfois conflictuelle, entre les deux esthétiques...).

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


21

Elle le fait instantanément et puissamment, non pas seulement en raison de la nature de


l'objet sonore, mais aussi parce qu'en raison de ce qu'elle représente, elle touche directement
l'Enfant que nous étions, l'Adulte que nous sommes et met en lumière l'état de relation, en
chantier ou pacifiée et harmonieuse, entre les deux.
Réciproquement, le danseur interpelle le musicien, au minimum sur la pertinence et la qualité
de son accompagnement, tout comme peut l'être un parent porteur en permanence de la
remise en cause de ses apports et de sa présence même.
Dans les deux cas, cela peut stimuler plus ou moins intensément, plus ou moins
douloureusement, des zones de fragilité et d'intolérance, mais par là même nous propose de
les explorer et d'y travailler.

Tout danseur qui s'interroge sur son rapport à la musique interroge son vécu par rapport aux
fonctions parentales. Ce vécu détermine un profil, par la manière dont il répond à la musique.
Chaque profil sera unique, chaque tandem musicien/danseur sera original, et par conséquent
l'accompagnement devra être individualisé.

Tout l'enjeu de la relation musique/Danse Contemporaine, ce qui est en jeu, est de parvenir à
une relation d'Adulte à Adulte, de dépasser une fixation à l'étape Adulte/Adolescent en une
éternelle "adulescence".
L'objectif est d'atteindre une forme de relation musique/Danse Contemporaine qui ne soit ni
fusion et concordance parfaite, ni alternance de phases régressives/répulsives (ni enfance, ni
adolescence).
À ce stade, le Parent n'est plus Éducateur : le danseur contemporain danse toujours en
musique, mais peut le faire sans musicien, ayant intégré les valeurs, développé les facultés,
acquis les capacités, épanoui les qualités que le Parent lui a inculquées. Il les a fait siennes, il
se les est appropriées jusqu’à les incorporer…
Là, le musicien doit tendre son accompagnement vers un non-accompagnement : une simple
(et difficile) présence. Le musicien ponctue, colore, "piqûre" d'énergie si nécessaire, et "est là"
le reste du temps.

Cela ouvre vers les questions : qu'est-ce qu'être adulte ? Qu'est-ce qu'un musicien adulte ? un
danseur adulte ? une relation adulte ?...
Une relation de collaboration horizontale, en réciprocité, sans dominant ni dominé, sans
rapport de force, sans infantilisation, sans mise en dépendance ni aliénation, sans repli sur soi
dans l’ignorance ou l’indifférence, sans une simple juxtaposition ou cohabitation des points de vue ?

Être en relation, c’est être dans une communication vraie. Elle s’atteint avec beaucoup
d’échange, de dialogue, où on exprime au présent des idées et ressentis et où on entend des
idées et ressentis différents. Non pour les affronter ou les mettre en opposition, mais dans un
climat de partage et de mise en commun, avec une écoute active et non réactive, pour
négocier et trouver un accord…

"Être autonome, c’est en quelque sorte un moyen terme entre dépendance et indépendance.
C’est vivre en relation, c’est trouver des solutions dans l’interdépendance, dans un rapport à
l’autre"11. (Nunge)

11
O. NUNGE, Être autonome : à l’écoute de ses vrais besoins, Les Éditions Jouvence, 1998, p. 14.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


23

FORMATION À L'ACCOMPAGNEMENT DE LA DANSE

Une formation à l'accompagnement musical de la danse est proposée aux étudiants de la


classe d'Accompagnement (à partir du Cycle 3), ainsi qu'aux pianistes-accompagnateurs non
spécialistes de la discipline ou extérieurs à l'établissement.

ARCHITECTURE

cours collectif de 2 ou 3 étudiants

répartition par groupes de niveaux : débutant/avancé/confirmé

40 heures dispensées en 2 heures hebdomadaires sur 2 périodes de 10 semaines


période 1 : accompagnement de la Danse Contemporaine
période 2 : accompagnement de la Danse Classique

durée : de 1 an pour une initiation à 3 ans pour une spécialisation

1ère année : 1h de cours seuls, suivie d'1h en observation pendant un cours de danse

Découverte du monde de la danse (Voir Annexe 1) et écoute de propositions musicales


Approche de l'improvisation sans les danseurs

Le plus difficile pour un accompagnateur débutant est la gestion du temps : dans le cadre d'un
cours, il dispose de très peu de temps pour comprendre la situation, pour chercher et trouver
une réponse pertinente. C'est une situation de stress, très fatigante au début par la
concentration qu'elle exige. Or, le respect du rythme du cours est essentiel.
C'est pourquoi acquérir un certain niveau de connaissance du langage chorégraphique et de
maîtrise en improvisation est nécessaire avant d'intervenir en cours, pour ne pas avoir trop de
paramètres à gérer simultanément.

2ème année : 30' de cours seuls, suivies d'1h30 en tutorat pendant un cours de danse

Développement de l'habileté et de l'aisance en improvisation


Développement des habiletés en accompagnement

Les étudiants sont placés directement dans un cadre d'exercice professionnel, en situation de
responsabilité.
Le collectif permet d'être moins sous pression en alternant observation et action,
l'accompagnement des exercices leur échéant à tour de rôle.
Il leur permet aussi de s'entraider : chercher ensemble, s'inspirer les uns des autres, bénéficier
des commentaires et ressentis de chacun.

Stage en responsabilité de 3x1h30 à Mouvances, centre de Danse Contemporaine en


partenariat avec le CRR de Rennes (Voir Annexe 2).

Gestion individuelle des situations, avec la contrainte du temps


Créer et travailler une relation avec le professeur de danse qui accueille l'étudiant

En exportant ses compétences dans un autre lieu, l'étudiant va rencontrer d'autres


personnalités du monde de la danse. Il va pouvoir réinvestir et tester ses compétences dans
un nouveau cadre, et en retour, faire bénéficier les professeurs d'un accompagnement de
musique vivante.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


24

PROGRAMME 1ère et 2ème année (initiation)

COMPRENDRE LA DANSE

Pour l’étudiant-accompagnateur, rencontrer la danse est une expérience nouvelle, inédite.


À la différence de l'accompagnement instrumental ou vocal, on ne partage plus le même
matériel (la partition), on ne contrôle ni n'ajuste plus avec les oreilles, on ne partage plus le
même vocabulaire. C'est une contrée étrangère à découvrir, et une nouvelle langue à
apprendre.
La première étape est donc de faire connaissance avec la discipline à accompagner.
Avant d'amener les danseurs à la musique, le musicien doit aller vers la danse. Que chacun
fasse sa part du chemin vers l'autre, pour que la rencontre soit possible...

notions d'esthétique de la discipline


les rôles sexués, le masculin et le féminin : image de la femme vers toujours plus de légèreté,
d’élévation, image de l’homme "porteur"…
la construction et l’étirement de l’axe : alignement des volumes du corps humain, placement
du bassin, des hanches, allongement du genou, tenue du pied
l’équilibre en statique et en dynamique : les équilibres, les tours
l’en-dehors : ouverture coxo-fémorale
l’activité du pied et la virtuosité du bas de jambe (aller dans le monde)
l’expression des bras, lignes et directions (rencontrer les autres, relation à autrui)

intégration du vocabulaire de la danse


vocabulaire + grammaire (coordination jambes/bras/tête) = langage
positions, codification des pas
la forme qui doit "passer par le ressenti"
signification par rapport à un public
ouvert/croisé
ouvrir/descendre/remonter…

familiarisation avec le déroulement du cours


• la barre, les exercices et enchaînements du milieu en Danse Classique
+ les cas spéciaux : pointes, échauffement au sol des 1C1
• la barre, les enchaînements et ateliers en Danse Contemporaine
sol : étirements, mobilisation douce, mobilité hanches
assis : mobilité colonne et bras
debout sans déplacement : mobilité colonne, travail du pied
debout avec déplacement
enchaînements

observation des exercices et écoute de propositions musicales avec une grille de lecture
intitulé de l’exercice
dynamique (un état d’esprit va s’incarner dans un état de corps, dont l’union engendre un état
de danse, déclinaison et combinaison des 4 facteurs principaux du mouvement)
relevé de thèmes
relevé de rythmiques
carrure et comptes
but visé et attentes du professeur

découverte et connaissance des paramètres du mouvement :


espace, durée, poids/force, flux, nature de l’instrument-corps.

pratique des mouvements mettant en jeu ces fondamentaux


marches
avec variations de tempo, arrêts, changements d’orientation et de direction…
maintien et entretien de la force (résister, soutenir l’effort)
étirement
développés

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


25

rapport à la gravité, élans et appuis


accents (arrêtés ou prolongés) : rebonds, sauts, balancés, repoussés, lancés, percés, brossés,
relevés, piqués…

enchaînements simples de différentes qualités

Pour une compréhension vécue, pour ressentir "de l'intérieur" les différentes dynamiques, les
besoins propres aux danseurs, pour mieux situer sa place en se mettant dans la leur :
quand on danse, comment écoute-t-on ? qu'est-ce qu'on écoute ? a-t-on besoin de compter ?
comment se sent-on accompagné ? quelle est la plage d'attention disponible selon ma maîtrise
du mouvement ?

lecture du mouvement
La connaissance et la compréhension par l’intellect et par le corps des fondamentaux du
mouvement vont permettre la lecture du mouvement, c’est-à-dire d’être capable de décoder
une phrase chorégraphique et d’en dégager un sens.
(Une « lecture » seulement par le regard peut fausser le jugement : un dégagé semble léger
mais demande de la fermeté, un adage est lent mais soutenu…)

La lecture du mouvement commence pendant le temps de marquage (quand le professeur


montre l'exercice en s'accompagnant de la voix). C'est un moment crucial pour le musicien-
accompagnateur : il dispose seulement là des quelques minutes pour répondre aux bonnes
questions, réponses qui vont définir le matériau musical proposé ensuite pendant l'exécution
de l'exercice.

Il s'agit d'apprendre à utiliser à bon escient ce temps de marquage : regarder, écouter et


ressentir le mouvement dans son corps entier, jusqu’à se mettre dans les mêmes "état
d’esprit" et "état de corps" que le danseur, pour "signifier" le mouvement, relever des indices,
prendre des repères et faire ses choix.
quelle est la dynamique ? qu'est-ce qui fait saillance ? que dois-je soutenir et mettre en valeur ?
quels repères vais-je choisir ? qu’est-ce que cela m’inspire ?

TRADUIRE LA DANSE

Chaque accompagnateur a sa propre méthode et ses préférences pour faire une proposition
musicale.
La méthode qui sera explorée et utilisée ici sera l'improvisation. Pourquoi improviser ?

Pour être comme la danse, dans une réalisation unique et instantanée.


Pour renouer avec la spontanéité, avoir un rapport immédiat à la musique avec pour seul guide
l'instinct musical.
Pour libérer le regard, sans le mur de la partition entre soi et les danseurs.
Pour s'ajuster au plus près du mouvement.
Pour véritablement suivre et accompagner les danseurs.
Pour être disponible au dialogue, à la communication non-verbale.
Pour être vraiment là, "présent au moment présent" ! (K.G. von Dürkheim)

Pour le pianiste ayant suivi un parcours classique traditionnel, le cas le plus fréquent est de
n'avoir jamais eu l'occasion d'improviser. Et quand cette occasion se présente tard dans le
parcours, elle suscite bien souvent crainte et réticence. Art de l'instant, du moment présent,
l'improvisation déstabilise.

Un changement de posture mentale est donc nécessaire en tout premier lieu, avant d'aborder
l'improvisation proprement dite.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


26

abandonner des a priori


L'improvisation pour la danse n'est pas celle des jazzmen ou des organistes.
Ce n'est pas non plus laisser libre cours au flot de son imagination, dans une fuite en avant
perpétuelle ou une démonstration brillante et virtuose.
La danse n'a pas besoin d'une telle musique. D'inappropriée, elle peut même nuire :
monopoliser et saturer l'écoute, détourner du mouvement, capter et surcharger l'état
émotionnel. Il ne s'agit pas de proposer un concert. La musique de danse a une fonctionnalité
qu'on ne doit pas perdre de vue. Ce n'est pas une fin en soi, mais un moyen au service d'un
but. L'improvisation naît et se nourrit du mouvement, et le sert.

quitter un comportement de pianiste soliste et un jugement de musicien


Le travail d'un pianiste interprète consiste à monter pendant des semaines ou des mois des
œuvres du répertoire. Il est habitué – conditionné – au respect du texte, à faire "ce qui est
marqué", à répéter et reprendre autant qu'il est nécessaire, à un haut niveau de complexité et
avec une certaine idée de ce qui est "beau".

Il va falloir supporter et s'habituer à jouer en ne sachant pas ce qui est à venir, et donc lutter
contre l'envie – légitime – de prévoir et de planifier le plus loin possible avant de jouer.
Une trop grande prévision intellectuelle, pour sécurisante qu'elle apparaît, met en fait le
musicien en difficulté. En improvisation, il n'y a "fausse note" ou faute d'harmonie que lorsque
ce qui vient est différent de ce qu'on a prévu. On se crispe et on se coupe alors de la situation
en cours de déroulement. On s'accroche à ce qu'on a prévu et non à ce qui est en train de se
passer. Réfléchir, prendre du recul avant et pendant la situation présente ne favorise que la
fuite de la concentration et la perte de la foi : on n'y croit plus !
Or, il s'agit d'accompagner le réel, le vivant, imprévisibles par nature. La seule position
possible (et très instructive) pour y parvenir, c'est "tout est bon !" : lâcher mentalement prise,
accepter l’incertitude, rester dans le clavier, ne jamais sortir ni du mouvement ni de la
musique, accepter (et aimer) ce qui vient, trouver quoi faire avec, utiliser les "erreurs" pour les
muter en "nouvelle idée"...

Il va falloir supporter et s'habituer à la sobriété des moyens utilisés, que l'on juge pauvres par
rapport aux grandes œuvres du répertoire pianistique travaillées par ailleurs.
Le pianiste doit se décentrer et faire taire ses estimations selon ses critères de musicien quant
à la valeur de ses improvisations. Les attentes et besoins de la danse sont autres. Il doit donc
proposer et laisser le danseur évaluer la qualité de la proposition selon ses propres critères.
Il pourra ainsi découvrir que le "beau" peut être ailleurs que là où on l'attend, et pas forcément
dans la richesse et la complexité...

Cette disposition d’esprit au moins admise avant d’être acquise (elle peut représenter une
sorte de révolution !) permet à l'étudiant-accompagnateur d’aborder l'improvisation pour la
danse, dont le principe est l’illustration du mouvement : les paramètres du mouvement
ressentis et analysés vont être traduits en paramètres du son : hauteur, durée, intensité,
phrasé et timbre de l’instrument.

exploration du principe d' « illustration du mouvement »


Il s'agit de condenser, de densifier et de traduire littéralement le mouvement dansé en geste
musical, en une expression de la chorégraphie réduite aux proportions du clavier.
C’est ce que le musicien voit et ressent, en se mettant dans la même énergie que celle du
danseur, qui va générer et inspirer l'improvisation. Elle devient impossible in abstracto.

Très schématiquement, on peut dire que la main gauche, rythmique, illustrera les jambes et
que la main droite, expressive, illustrera les bras.
Mais pour être dans la juste énergie, il faut plus globalement une implication de tout le corps,
un engagement physique total. Oser aller jusqu'au bout du geste, dans toutes les dimensions :
oser la profondeur, oser lâcher le clavier, oser tous les registres...

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


27

La proposition musicale doit répondre à trois objectifs précis :


– générer une force organisatrice,
– générer une force expressive,
– générer une force motorique.

Les éléments constitutifs de ces forces seront explorés, d'abord séparément et sans les
danseurs, puis combinés en conditions et temps réels.

La force organisatrice : l’énergie physique (inscription dans le temps)


Temps/Durées

pulsation/tempo
saisir un tempo et se l'inscrire dans le corps
maîtriser les contre-temps, utiliser et souligner les "et"
tenir un tempo : acquérir une maîtrise physiologique du tempo en repérant les facteurs de
perturbation et en les contrant par la variation du remplissage du temps et de l’amplitude du
geste instrumental
On presse sous l’effet du stress, de la peur du vide, si on n’est pas assez connecté au danseur,
si le temps n’est pas assez rempli, mais aussi sous l’effet excitant du mouvement, ou de sa
propre imagination ("partir dans son trip")…
On tire le tempo en arrière également sous l’effet du stress, d’un tempo lent qu’on ramollit au
lieu de le soutenir…
indices de non-tenue du tempo

mesure
exploration et choix de formules rythmiques avec :
– temps binaire et mesure binaire (2/4 ou 4/4)
– temps binaire et mesure ternaire (3/4)
– temps ternaire et mesure binaire (6/8 ou 12/8)
– temps ternaire et mesure ternaire (9/8)

gestion du passage du binaire à ternaire, temps=temps et croche=croche

intégration de la carrure de 8
Se mettre en position de danseur : situer le mouvement dans la phrase avec des indices
visuels et sentir les comptes dans son centre de force. Dans le silence, ils continuent à vivre
sans une énumération intellectuelle ou un geste pulsatile dans les mains.
Disponibilité et lâcher-prise par rapport à la "peur de se perdre" sont seuls nécessaires, car
tout pianiste arrivé à ce niveau de compétence possède déjà la carrure de 8 en lui, pour l'avoir
entendue et pratiquée depuis toujours. Il s'agit simplement de prendre conscience et de libérer
ce qui est déjà.

les marqueurs de carrure


choix d’un "pôle de stabilité" (rôle de tonique)
anacrouses et formules de début (incipits)
motifs de transition
formules de fin cadentielles
formules de relance

exploration d'autres cas de figure


gestion d'un nombre impair de carrures
gestion des autres carrures, symétriques, asymétriques et leurs combinaisons
gestion des modules de transition ou breaks
p. ex. : carrures de 3/6/10/12, 8/6/8/6, 8+2 de break, décompositions de 5, 6, ou 7, passer
de 4 à 3 à 2…

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


28

Ce sont les enchaînement harmoniques qui "tiennent" les carrures.

construction d'enchaînements harmoniques simples à partir de grilles et marches


harmoniques (I-IV-II-V-I, grille d’anatole, du canon de Pachelbel…), à 2 et 4 mains.
mise en correspondance du rythme harmonique avec les durées de chaque mouvement

La force expressive : l’énergie psychique (caractère et dynamique)


Espace/Hauteurs

travail de l'aspect horizontal de la proposition musicale (Mélodie)


création de la cellule thématique (incipit)
apprendre à construire un thème (mélodique/harmonique/rythmique, énergique "alimentaire")
développer une mélodie : sortir du déploiement d'arpèges, utilisation des notes de passage,
broderies et chromatismes
renouer avec les évidences : les contours mélodiques vocaux instinctifs, "dérouler la pelote" du
fil de la mélodie, au "fil de la mélodie" comme au fil de l'eau
réagir à ce qui naît seconde par seconde de ses doigts, suivre et s'écouter pour ajuster ou
corriger une proposition musicale inadéquate

travail de l'aspect vertical de la proposition musicale (Harmonie)


maîtriser toutes les tonalités pour pouvoir choisir une tonalité et un mode en fonction d'une
ambiance et non d'une commodité personnelle
sortir de la tonalité
utilisation de tout le clavier pour pouvoir choisir une tessiture et ajuster l'ambitus en fonction
du résultat sonore
recherche de couleurs et d'effets sonores
créer des ambiances
créer un fond sonore pour des exercices non mesurés, de relaxation, ou un retour au calme

Poids-Force-Flux/Intensité-Phrasé

recherche des dynamiques correspondant à chaque exercice


combiner le tempo, le phrasé (legato, accentuations, léger staccato, accords lourés…) et
l'intensité sonore (nuances) qui correspondent à la dynamique du mouvement à accompagner
choisir le débit de notes : monnayage de l’unité de durée en fonction du flux et de la qualité du
mouvement (continu/discontinu, délié/accentué) : plus c'est délié, plus on décompose le temps
placement d'accents précis
travail du son par la recherche du "geste juste" : obtenir un certain son en fonction de la
hauteur, de la vitesse, du poids et de la force donnés au geste
utilisation de la pédale

La force motorique : le Rythme


faire apparaître le rythme
inscrire un mouvement dans un rythme et éventuellement une carrure sans marquage vocal

respect du rythme vital


La question cruciale du rubato et des respirations en fonction de la fluctuation de l’énergie est
ici abordée. Il faut du vide pour créer le plein !

alternance tension/détente ou la nourriture du temps : comment "remplir" et ne pas remplir le


temps, actif (faire, moment-feu)/passif (laisser faire, moment-eau): donner et enlever du son,
utiliser les silences et les résonances
dominante/tonique, Fort/Piano, dissonance/consonance, son/silence ou résonance
impulser puis laisser faire : laisser l'inspir (l'inspiration) se manifester spontanément, se laisser
le temps de s'écouter, de chercher, de façonner... et d'apprécier
casser les formules, interrompre le flux pour les respirations et relâchements préparatoires (le "rien")

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


29

cas particuliers de certains exercices de la barre classique


préparation en 4 comptes. Tout doit être clair sur les 2 premiers comptes : rapport avec le
thème, tempo, couleur, phrasé, induisant une dynamique et un état de corps.
sostenuto final
rubato au changement de position dans les pliés et dans les détournés
passage à l'équilibre avec/sans changement de tempo, avec/sans respiration, avec/sans
relance, avec/sans ralenti

ACCOMPAGNER LA DANSE

Dans la situation qui nous concerne, apprendre à accompagner la danse, c'est apprendre à
concevoir et réaliser une "composition spontanée". Plus qu'une improvisation, il s'agit plutôt de
la construction d'une proposition musicale (poser des bases solides et architecturer sur ces
bases) dans le même temps que sa réelle interprétation : inspirée, investie et généreuse, qui
révèle et exprime la musicalité du mouvement. On improvise et on interprète vraiment,
comme une partition de musique de chambre déjà écrite qui se révèlerait au fur et à mesure !
Elle pourrait être écrite et reproduite une fois jouée.

La proposition musicale sera simple, claire, propre et efficace (et c'est très difficile de faire
simple...), qualités obtenues en recherchant l'économie de moyens, la cohérence et la
pertinence :

Simplicité et économie de moyens


Il faut savoir justement doser ses moyens : trop maigre, la proposition musicale n'inspire et ne
porte pas assez. Trop dense, elle nuit à l'efficacité et à la fluidité. Trop ambitieuse, elle met en
péril. Le matériau musical est somme toute assez élémentaire, mais toujours mis en œuvre en
fixant une barre haute d'exigence de musicalité.

Clarté et cohérence
Les éléments de cohérence sont donnés par la forme, un thème caractérisé, une phrase
musicale, un plan tonal (ton principal et modulations en rapport), l'utilisation du retour d'un
thème avec le retour d'un même module chorégraphique.

Efficacité et pertinence
Elles résultent de l'adéquation au mouvement.

L'étudiant va donc utiliser peu de matériel, mais très ciblé, à l'intérieur duquel il va jouer avec
la texture du son. Il pose un cadre et varie à l'intérieur de celui-ci. Si la dynamique du
mouvement ne change pas, il continue à travailler l'idée, et n'en change pas par lassitude ou
impatience en fonction de critères musicaux.
Le cadre est sécurisant pour tous, élèves danseurs, professeur de danse et accompagnateur,
et rend disponible à la connexion entre ces acteurs.

poser le cadre
se donner des contraintes dont la nature est déduite de la lecture du mouvement
– une tonalité et un enchaînement harmonique simple,
– une formule mélodique (incipit),
– une formule rythmique.
L'étudiant les cherche et les teste avant l'exécution de l'exercice. C'est la seule chose qui est
prévue, mais le musicien créatif peut s'imposer des contraintes musicales d'un autre type,
presque en forme de défi : par exemple, la mélodie à la main gauche, tout l'exercice en
octaves redoublées, etc.

évoluer dans le cadre


Les fondations posées, on peut raconter l'histoire.
Tel le sculpteur qui, en quelques coups de burin grossiers, fait apparaître à grands traits l’objet
final déjà entièrement reconnaissable avant de le façonner, l’étudiant produit un objet sonore à
l’état brut, où tout est là qui sera développé, affiné, approfondi.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


30

Certains moyens de développement (toujours simples et efficaces) seront explorés :


modulation au ton relatif,
majorisation ou minorisation de la tonalité initiale du thème,
changer le renversement de l'accord de départ,
changer de tessiture,
changer le monnayage,
jouer avec le relief : les accents et les nuances, obstiné vers varié,
enrichir la mélodie avec les notes de passage, broderies, chromatisme,
amplification ou diminution du thème,
créer une marche harmonique basée sur le thème...

Les exercices à accompagner sont plutôt courts, mais les déplacements (diagonales et
traversées, notamment) sont effectués par petits groupes ou individuellement, et répétés
jusqu'à acquisition du mouvement. La durée de l'exercice s'allonge en proportion au nombre
de danseurs et il faut organiser le discours musical en fonction de l’espace : nombre de lignes
et nombre de passage des danseurs.

Arrive parfois (souvent, toujours ?) un moment où le pianiste-accompagnateur s'épuise et se


sent "tourner en rond". On n'a plus d'idées… L'insatisfaction musicale est déjà un bon moteur
pour en générer de nouvelles, mais il faut aussi savoir garder juste l'état de corps et le geste
instrumental, se fondre dans le corps du danseur en attendant avec confiance que l'issue se
présente d'elle-même...

autres possibilités
déchiffrage de partition puis recherche d'autres propositions à partir de la base proposée :
extraire une trame d'une partition et s'en servir de fondation, d'idée de départ pour
improviser.

arrangement de partitions : conserver le texte mais l'adapter à la danse.

déchiffrage et réduction d’orchestre des variations du répertoire.

~~~
Il y a un point de départ (comprendre la danse). Il y a une destination (accompagner la danse
par l’improvisation). Entre les deux, il y a un chemin (traduire la danse), pour faire émerger,
se reconnecter et, finalement, accéder à l’état créatif.

Pourtant, être créatif, improviser, tout le monde l’est, tout le monde sait le faire. Qui, quand il
était gamin, a suivi un mode d’emploi pour manipuler son nouveau jouet, pour explorer tout ce
qu’il était possible d’en faire ? Qui n’a improvisé un repas fantastique en assemblant les
quelques ingrédients du placard ? À l’âge adulte, et a fortiori avec un "passif" de musicien
classique, il s’agit de révéler quelque chose d’enfoui, retrouver quelque chose qui s’est perdu
en route… : des facultés dont tout humain est doté, qui ne demandent qu’à être (r)éveillées,
développées, fructifiées.

Pendant la formation, l’étudiant n’apprend pas l’improvisation, il apprend à se mettre dans


l’état qui lui permet d’improviser. C’est avant tout se mettre en confiance, en disponibilité et
en réceptivité. Il faut d’abord enlever tout ce qui fait entrave à l’imagination, pour devenir une
"feuille blanche" sur laquelle viendront s’inscrire les sons et les mouvements. Puis en présence
de la danse, quelque chose se passe pendant le marquage, l’instant fondateur, le moment de
la rencontre. Naît alors un désir de communication : il y a à dire, et le moyen de s’exprimer
par le son.

Par conséquent, je n’enseigne pas l’accompagnement de la danse, pas plus que


l’improvisation. Je trace la route, je balise l’itinéraire, puis j’accompagne les futurs
accompagnateurs sur le chemin, je crée l’état créatif, en leur donnant les moyens qu’ils en
trouvent eux-mêmes les moyens… En tant que pédagogue, c’est une mise en abîme
vertigineuse, une mission périlleuse, et une joie enivrante !

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


31

PROGRAMME 3ème année (spécialisation)

OBSERVATION

observer, faire connaissance, interroger les différentes personnalités, styles, esthétiques et


expériences
– des 4 professeurs de danse
– des autres accompagnateurs de la danse

visites sur les plages horaires transmises, à la convenance de l'étudiant après en avoir
averti les personnes concernées

observer, définir, expérimenter les 4 Cycles de niveau dans les 2 disciplines :

Période 1 :
– 5 semaines : Cycle 1 Contemporain / Cycles 3 et COP Classique
– 5 semaines : Cycle 2 Contemporain / Cycle 3 et COP Classique

Période 2 :
– 5 semaines : Cycle 3 Contemporain / Cycle 1 Classique
– 5 semaines : COP Contemporain / Cycle 2 Classique

lire le Projet Pédagogique du département Danse


initiation à la SMD

PRATIQUE EN TUTORAT

sur rendez-vous individuel avec la responsable


10 cours dans chaque discipline entre le 30 septembre et le 30 avril de l'année scolaire

PRATIQUE EN RESPONSABILITÉ

stage de 3x1h30 minimum à Mouvances, centre de Danse Contemporaine en


partenariat avec le CRR de Rennes

accompagner un projet spécifique musique/danse avec les Cycles 3 et COP, présenté en


situation publique (spectacle et examen)

abord du rôle pédagogique de l'accompagnateur : proposer et conduire un atelier sur


un aspect au choix de la relation musique/danse avec les Cycles 1 ou 2, discipline au
choix

Les expériences seront consignées dans le "livret de l'étudiant" (Voir Annexe 3).
Bilan dans la semaine précédent les vacances de printemps.
mai : préparation à l'épreuve du DEM d'accompagnement.

~~~
modalités d'évaluation
épreuve de 15'. L'étudiant est placé en situation de cours reconstituée et accompagne en
improvisation les différents exercices qui lui sont présentés :
– 3 exercices en Danse Classique (2 à la barre et 1 au milieu)
– 3 exercices en Danse Contemporaine (1 au sol, 1 debout sans déplacement, 1 avec
déplacement)

Les exercices sont choisis de manière à proposer des carrures, caractères, dynamiques et
rythmiques très contrastés.

critères d’évaluation : Voir Annexe 4.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


32

CONCLUSION

Aimer la danse ! Un tempérament d'interprète soliste ne trouvera pas son bonheur ici : Le
musicien-accompagnateur est un traducteur et un passeur entre la danse et la musique, entre
le professeur et l'élève. La production musicale n'est pas une fin en soi, mais un moyen au
service d'un but qui concerne plus l'éducation et le développement de l'enfant, la construction
et le travail de la relation humaine.
Être doté de beaucoup d'imagination, de créativité, alliées à une certaine abnégation, un sens
de l’observation aigu, être perspicace, fin, subtil, et sensible, être souple, flexible, ouvert, mais
aussi réactif, énergique et endurant... tel me semble être le profil du pianiste-accompagnateur
de la danse.

La spécificité du métier d'accompagnateur de la danse est de devoir élaborer son propre


matériau musical, tout en exprimant ses qualités de musicien et d'accompagnateur. Cette
situation, qui peut être anxiogène, donne toute son originalité au métier et offrira un immense
sentiment de liberté (voire de libération !...) : tout est possible du moment qu'on respecte
l'adéquation au mouvement.
C'est aussi une expérience de développement personnel : l'idée en improvisation ne surgit pas
de nulle part. Elle est issue de la culture dans laquelle nous avons baigné, de ce que nous
avons déjà dans les oreilles et dans les doigts, de ce que nous aimons. Finalement, malgré
l'emploi de techniques, nous improvisons ce que nous sommes. Ne pas avoir d'autre choix que
d'accepter ce qui vient sous les doigts et s'employer à le rendre beau, c'est aussi s'accepter
positivement. Expérience instructive, constructive, voire reconstructive...
Entre le musicien et le danseur, la rencontre et le travail de la relation, le détour par le point
de vue de l'autre différent conduit à une remise en question, un réaménagement de ses
connaissances, à une ouverture d'esprit, un enrichissement de sa culture.

La musique et la danse, connaît-on d'autres exemples de compagnonnage quasi-permanent


entre deux disciplines artistiques différentes ? Diffèrent-elles tant que cela ?
Arts de l'instant toutes deux, c'est dans l'instant que tout se joue, existe et disparaît. La
régulation se fait en bonne partie dans la trace, la résonance intérieure des protagonistes et
des spectateurs.
L'accompagnateur est le "co-pain" : celui qui partage le pain. Il y a en effet partage et échange
entre le danseur et le musicien. Le musicien est certes au service du danseur, mais celui-ci lui
renvoie le message. Il y a dialogue. Un dialogue entre gens qui, chacun dans leur langue,
usent d’un même langage universel.
Ce compagnonnage est d'une richesse immense à explorer, et en même temps d'une grande
fragilité qui en fait le prix.

Au-delà d'un titre et d'une fonction, être accompagnateur, "celui-qui-accompagne", est une
posture générale impliquant certaines valeurs, appliquée jusque dans les petits détails
quotidiens, comme être là dans le studio pour accueillir les élèves à leur arrivée et ne partir
qu'après eux, pour les raccompagner...
Toute une philosophie de vie déclinant à sa manière le Miteinandersein, pour emprunter un
terme à Heidegger, le "être-l'un-avec-l'autre".

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


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ANNEXES POUR L’U.V. ACCOMPAGNEMENT DANSE

Annexe 1 :
DÉROULEMENT DU COURS DE DANSE CLASSIQUE

Annexe 2 :
ÉVALUATION DU STAGE EN RESPONSABILITÉ À MOUVANCES

Annexe 3 :
FICHE DE SUIVI 3ème année

Annexe 4 :
CRITÈRES D'ÉVALUATION

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


U.V. ACCOMPAGNEMENT DANSE
DÉROULEMENT DU COURS DE DANSE CLASSIQUE

1. BARRE

Préparation face à la barre


Pliés
Dégagés
Battements à la mi-hauteur
Ronds de jambe à terre
Fondus
Frappés
Petits battements sur le cou de pied
Ronds de jambe en l'air et développés
Jambe sur la barre et/ou pied dans la main
Grands battements et battements cloche
Petits sauts

Les exercices sont suivis de passage à l'équilibre (relevé, petit retiré, retiré,
arabesque... 2x8 au minimum).

Allongement d'écarts

2. MILIEU

Dégagés et battements
Port de bras ou Adage
Préparation pirouettes et pirouettes
Petite batterie
Grands tours et grands sauts
Pas de pointes (traversées, diagonales, manège)
Révérence

Il y a des cours spéciaux :

– garçons : portés, grands sauts


– filles : portés, pointes
– pas de deux
– barre à terre

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


U.V. ACCOMPAGNEMENT DANSE
STAGE EN RESPONSABILITÉ À MOUVANCES

Fiche d’évaluation pour l’élève accompagnateur


année 2011 / 2012

Nom de l’élève accompagnateur :

Nom de l’enseignant tuteur :

Discipline chorégraphique :

Nombre de séances
Durée des séances
Dates des séances

Situations
expérimentées

Projets aboutis

Pistes de travail
suggérées

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


Évaluation

Commentaires

Comprendre la danse :
lecture du mouvement

Traduire la danse :
illustration sonore du
mouvement, cohérence
musique/danse :
respect de la phrase
chorégraphique, qualités
expressive, dynamique et
rythmique de la
proposition musicale

Accompagner la danse :
relation
musicien/professeur/élèves
attitude, réactivité,
dialogue, aide à la
compréhension du sens
musical

Évolution
progression au cours du
stage

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


U.V. ACCOMPAGNEMENT DANSE
FICHE DE SUIVI 3ème année

OBSERVATION

□ observer, faire connaissance, interroger les différentes personnalités, styles, esthétiques et


expériences
– des 4 professeurs de danse
– des 4 autres accompagnateurs de la danse

nom dates des visites

□ observer, définir, expérimenter les 4 Cycles de niveau dans les 2 disciplines :

niveau discipline dates des visites


Cycle 1 Danse Classique
Danse Contemporaine
Cycle 2 Danse Classique
Danse Contemporaine
Cycle 3 Danse Classique
Danse Contemporaine
COP Danse Classique
Danse Contemporaine

□ lire le Projet Pédagogique du département Danse


□ initiation à la SMD
PRATIQUE EN TUTORAT

Danse Classique
........ ........
........ ........
........ ........
........ ........
........ ........

Danse Contemporaine
........ ........
........ ........
........ ........
........ ........
........ ........

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


PRATIQUE EN RESPONSABILITÉ

□ stage de 3x1h30 minimum à Mouvances (voir évaluation de stage)


□ accompagner un projet spécifique musique/danse avec les Cycles 3 et COP, présenté en
situation publique (spectacle et examen) :

□ proposer et conduire un atelier sur un aspect au choix de la relation musique/danse avec


les Cycles 1 ou 2, discipline au choix :

BILAN

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


U.V. ACCOMPAGNEMENT DANSE
CRITÈRES D'ÉVALUATION

La proposition musicale sera simple, claire, propre et efficace.


Elle doit répondre à trois objectifs précis :
– générer une force organisatrice,
– générer une force expressive,
– générer une force motorique.

1. UNE FORCE ORGANISATRICE

Par la musique, l'accompagnateur rend sensibles les trois niveaux d’organisation de la


durée : la pulsation, la mesure et la phrase, qu’il a saisies progressivement au cours du
marquage par l’écoute du langage corporel du professeur de danse, précisé vocalement.
La phrase est inscrite dans une carrure : découpage du mouvement en phrases
chorégraphiques avec un compte de danseur, typiquement 8 sans être systématique, avec une
décomposition possible – Exemple. 7 = 2+2+3).
Il organise ainsi le temps, et ce faisant, propose à chaque élève de s’y situer en rapport.

L’inscription du mouvement dans le temps englobe le tempo et ses changements, la


décomposition binaire ou ternaire de la pulsation, les accents, et suggère une formule
rythmique.

L'accompagnateur doit saisir la pulsation, choisir une mesure et des formules rythmiques en
fonction des indications visuelles et verbales relevées.
Il doit être capable de tenir le tempo, même et surtout dans la durée, et affirmer de façon
claire et précise les changements de tempi et/ou de décomposition de la pulsation.
Il veille à l'adéquation appuis/temps forts, et si nécessaire confirme ou contrarie un élève qui
hésite ou s'égare.
Il doit poser les balises de début et de fin de la phrase chorégraphique avec des "marqueurs"
(éléments musicaux et manière de les jouer) : anacrouses et formules de début (incipits),
motifs de transition, formules de fin cadentielles, formules de relance.
L'accompagnateur doit respecter le rythme vital, ce rythme organique en trois phases d’égale
importance (Préparation/Action/Détente-récupération), c'est-à-dire prendre en compte les
contraintes corporelles, pour permettre au danseur d'aller jusqu'au bout du mouvement et le
rendre juste, confortable.
A l'intérieur du "bon" tempo, trouvé et tenu, il doit placer judicieusement ralentis et relances
pour suivre le "rubato du mouvement" et surtout respecter une phase de la détente, pleine et
entière.

Adaptation des formules rythmiques aux propositions. Tenue du tempo. Clarté


des changements. Accompagnement des appuis.
Stricte concordance entre la phrase chorégraphique et la phrase musicale par
rapport à une pulsation donnée. Clarté à l'audition.
Respect du rythme vital.

2. UNE FORCE EXPRESSIVE

Les intentions du professeur de danse, exprimées par le corps et par la voix, visent à mettre
l'élève dans un certain état psychologique, permettant au danseur d'interpréter le
mouvement, autrement dit de laisser libre cours à son expressivité, voire de l'induire chez les
plus jeunes.
C'est le "caractère", autrement dit la personnalité donnée au mouvement, définie par une
ambiance et un état de corps : un état tonique général qui inspire une tonique à la proposition
musicale…

En effet, le caractère est déterminé par le choix de la tonalité, des couleurs et rythme
harmoniques, par la tessiture, et par-dessus tout, par la qualité cantabile de la mélodie.
Le danseur doit pouvoir la retenir, s'en servir de repère et "chanter le mouvement".

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes


Mais bien sûr, ce caractère s’exprime en humeurs variables. Chaque mouvement, chaque
exercice a ainsi un "profil dynamique" : un relief avec des contours caractéristiques, résultat
de de la synergie entre le poids, la force, le flux, l'espace et la vitesse. En bref, la dynamique
est la fluctuation de l’énergie dans le temps.

La proposition musicale va donc combiner le tempo, le phrasé (legato, accentuations, léger


staccato, accords lourés…) et l'intensité sonore (les nuances) qui correspondent précisément
à la dynamique du mouvement à accompagner.

L’accompagnateur suit les fluctuations de l’énergie dans le temps, en donnant du relief à la


proposition musicale : selon les cas, en phrasant avec soin, en dessinant des inflexions à la
phrase, en installant des plans sonores, en faisant un plan dynamique, en usant d'une grande
variété rythmique, en soulignant par un jeu d'accentuations affirmées, même si elles peuvent
sembler musicalement choquantes...

Musicalité donnée au mouvement par le choix de la tonalité, de la tessiture, de


couleurs (et pas nécessairement par leur nombre et leur richesse), par la
variation du rythme harmonique, et par la beauté de la mélodie.
Qualité de l'illustration sonore du mouvement. Relief donné.

3. UNE FORCE MOTORIQUE

La mise en relation de forces contrastées dans la proposition musicale produit une énergie
qui induit le rythme chez le danseur.
L'accompagnateur va ajuster plus ou moins l'énergie : plus l'exercice est actif et plus
l'accompagnement est épuré, dépouillé, pour équilibrer les forces en présence, selon le
principe de l'homéostasie.

L'accompagnateur garantit un rythme au cours lui-même. Le musicien a le pouvoir


d'insuffler la joie, de "donner la pêche", mais aussi de "plomber" un cours...
Plus spécialement, il va "porter le mouvement", c'est-à-dire à la fois soutenir l’effort physique
et le transcender en lui donnant une couleur expressive.
Il doit donc être très présent : affirmer ses propositions avec conviction, les assumer quelle
qu'en soit la qualité, investir et donner une intention sur chaque note... et développer son
endurance pour donner de plus en plus d'énergie au fur et à mesure du cours, alors qu'il y a de
plus en plus de fatigue.

Sens rythmique.
Présence et conviction.

La qualité de l'accompagnement est aussi et surtout dans la qualité de la relation triangulaire


professeur-pianiste-élèves :

La communication est intense et non-verbale, des informations sont émises et reçues par les
yeux et encore plus par tout le corps.
libérer le regard du clavier pour qu'il englobe tout le studio, un regard doux et de tout le
corps,
être avec les danseurs, commencer ensemble, respirer avec eux, amener les retours,
relancer, apaiser les fins, rester avec eux jusqu'au bout, finir ensemble,
relever tous les indices (souffles, bruit des pieds, circulation d'air et d'énergie, mimiques et
langage du corps) pour être à même d'évaluer la justesse des propositions.
réagir promptement aux injonctions (elles sont soit directement adressées, soit
indirectement par certaines remarques aux élèves qui peuvent être appuyées
musicalement), gestes ou regard du professeur,
réagir promptement à l'imprévu (corriger un décalage musique/danse, étirer un compte,
rajouter ou enlever x comptes, faire un équilibre sur 2x8 plutôt que le 1x8 prévu...).

Connexion constante avec les acteurs en présence.


Souplesse et fluidité dans la relation triangulaire.

Le pianiste-accompagnateur de la danse Anne-Claire GALLAND / CRR de Rennes

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