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GESTION - FINANCE
Gestion de portefeuille,
et des risques
6e é d i t i o n
https://marketingebooks.tk/
© Dunod, Paris, 2014
ISBN 9782100710645
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Chapitre
Introduction 1
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Table des matières
IV
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Table des matières
V
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Table des matières
Bibliographie 429
Index 449
VI
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Introduction
« L’âge de la chevalerie a pris n; celui des sophistes, des économistes et des calcula-
teurs lui a succédé ».
Edmond Burke, 1756.
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Introduction
C’est la concurrence acharnée que se font les investisseurs entre eux pour maxi-
miser leurs gains qui rend les cours des actifs nanciers proches de leur valeur
intrinsèque. Les résultats de recherches à la fois nombreuses et sérieuses ont
conrmé la valeur de l’hypothèse d’efcience des marchés. Ces recherches ont trait
à la fois à la vérication de l’indépendance des taux de rentabilité successifs des
actifs nanciers, à leur comportement à la suite de l’annonce par les sociétés d’évé-
nements nanciers occasionnels – tels que la distribution d’actions gratuites, l’an-
nonce des résultats – et à l’évaluation de la performance des gérants de portefeuille.
Certes, nous n’irons pas jusqu’à dire que tous les marchés nanciers sont parfaite-
ment efcients et que la réalisation de prots est purement aléatoire; c’est justement
l’action de ces investisseurs à la recherche de prots exceptionnels qui rend le mar-
ché plus efcient. Toutefois, les résultats des études statistiques et l’observation de
tous les professionnels montrent que les marchés sont sufsamment proches de
l’efcience pour utiliser la théorie nancière comme base de toute analyse nancière
et structuration d’une gestion des risques.
Les évolutions technologiques récentes qu’ont connues les marchés nanciers,
comme le trading à haute fréquence ont conduit les prix des titres à converger plus
rapidement vers leur valeur d’équilibre. Cependant, en présence de frictions, cer-
tains déséquilibres ne pourront pas être exploités par les investisseurs: il s’agit des
limites de l’arbitrage. De plus, en pratique, la psychologie des investisseurs peut
également expliquer certaines déviations du concept d’efcience. Celles-ci font
l’objet de la nance comportementale.
La volatilité importante des marchés et l’accent mis sur la gestion des risques ont
entraîné le développement d’instruments adaptés à la gestion des risques. Ces nou-
veaux instruments nanciers ont révolutionné les méthodes de gestion et ce, que ce
soit dans le domaine de la gestion de portefeuille, de la gestion de trésorerie d’entre-
prise, de la gestion bancaire et plus généralement de toute stratégie nancière. De
plus, de nombreuses évolutions récentes ont modié en profondeur les marchés
nanciers: l’émergence du shadow banking et de la désintermédiation nancière
(nancement des entreprises directement sur les marchés et non plus par les
banques); la croissance soutenue des ETF et de l’investissement passif; le spectre
du risque systémique qui a suivi la crise nancière et la crise des dettes souveraines
en Europe; l’augmentation continue de la complexité des produits nanciers offerts
aux entreprises et aux investisseurs. En réaction, le cadre réglementaire a dû être
renforcé en profondeur au niveau national et supranational.
Ces diverses réexions justient le plan qui a été retenu pour cet ouvrage dont
cette sixième édition a été profondément actualisée et refondue.
Le chapitre1 est consacré à la présentation des institutions boursières françaises
et étrangères et à leur environnement. Il permet de familiariser le lecteur avec le
cadre institutionnel des marchés nanciers.
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Introduction
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Introduction
Les quatre chapitres qui suivent sont consacrés aux produits dérivés: contrats à
terme (futures), options, swaps, dérivés de crédit, etc. Ces instruments permettent
une gestion ne des risques en fonction d’anticipations particulières ou de craintes
soudaines. Le levier nancier apporté par ces instruments, leur souplesse d’utilisa-
tion associée à des frais de transaction très faibles, permettent une gestion des
risques très précise. Le chapitre9 présente le rôle et l’importance des produits déri-
vés dans l’économie et décrit également comment ces produits sont utilisés concrè-
tement par (1) les entreprises françaises pour gérer leur risque de change et (2) les
gestionnaires d’actifs.
Le chapitre 10 traite des contrats à terme et notamment ceux négociés sur des
marchés organisés (contrats futures). Outre les contrats classiques sur marchandises,
devises, taux d’intérêt et indices boursiers, plusieurs types de contrats à terme
récemment développés sont discutés : contrats sur variables météorologiques,
indices immobiliers et volatilité. Les principes de valorisation des contrats à terme
sont présentés, ainsi que la manière dont ces contrats peuvent être utilisés en pra-
tique par un investisseur ou un trésorier d’entreprise.
Le chapitre11 est consacré aux marchés conditionnels, c’est-à-dire aux options
sur actions, indices boursiers, change, or et taux d’intérêt. La théorie de l’évaluation
des options est présentée avec le modèle de Black et Scholes ainsi que ses applica-
tions à d’autres instruments tels que les obligations convertibles. Sont également
discutées les mesures de risques propres aux produits dérivés et des stratégies de
portefeuille basées sur les options.
Le chapitre12 examine plusieurs classes de produits dérivés, tels que les swaps,
les dérivés de crédit et les produits structurés. Ce chapitre montre également que les
produits dérivés sont également utilisés comme outil de rémunération des salariés.
Le domaine de la gestion de portefeuille étant devenu très concurrentiel et très
professionnel, les résultats des gestions sont de plus en plus évalués, contrôlés et
comparés. Dans cet esprit, le chapitre13 traite de la mesure de performance.
Le chapitre14 intègre tous ces concepts et techniques et présente leur application
dans la pratique de la gestion de portefeuille, compte tenu des différents styles de
gestion: globale, passive, active, alternative et garantie.
Enn, le chapitre15 a pour objet la mesure et la gestion des risques de marché. En
particulier, il décrit les méthodes utilisées en pratique an de mesurer les risques de
marché, les procédures de validation des modèles de risque, et nalement les cri-
tiques et extensions des mesures de risques actuelles. Nous verrons entre autre
comment mesurer la contribution d’une institution au risque du système nancier.
L’ambition de cet ouvrage, à travers cette nouvelle édition profondément remaniée
par rapport à la précédente, est de présenter les concepts et les techniques modernes
d’analyse des marchés nanciers et leurs applications à la gestion de portefeuille et
à la gestion des risques. Le souci de rendre sa compréhension claire, en allégeant la
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Introduction
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Chapitre
Marchés
1 et titres financiers
SOMMAIRE
Section1 Les fonctions des marchés financiers
Section2 Les catégories de titres financiers
Section3 Les indices boursiers
Section4 Panorama des principales Bourses mondiales
Section5 La réglementation des marchés financiers
Section6 Performances à long terme des classes d’actifs
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
transactions de gré à gré qui font courir un important risque de contrepartie aux
opérateurs.
Ce chapitre a pour objet de présenter l’essentiel du cadre institutionnel dans lequel
s’insère la gestion de portefeuille1.
Section
1 LES FONCTIONS DES MARCHÉS FINANCIERS
La fonction primordiale d’un marché nancier est de faciliter une allocation ef-
cace des ressources à la fois dans le temps et dans l’espace.
Au niveau le plus agrégé, le marché nancier assure six fonctions essentielles. Il
permet le transfert des ressources économiques dans le temps et dans l’espace; la
mutualisation des ressources; l’allocation et la gestion des risques; la liquidité des
investissements; le transfert d’informations par les prix; le contrôle et la discipline
des équipes dirigeantes.
miques.
Tous les ux nets partent des agents ayant des capacités de nancement pour aller
vers les agents ayant des besoins de nancement. Seuls les ux les plus signicatifs,
numérotés de 1 à 8, sont reproduits sur la gure1.1.
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
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Entreprises
Administrations Ménage
Les ux nets partant des particuliers sont au nombre de trois. Le ux 1 représente
les capitaux placés par les ménages auprès des institutions nancières: dépôts à vue
ou à terme auprès des banques et des caisses d’épargne, dans les SICAV et autres
fonds d’investissements, dans des contrats d’assurance-vie et des régimes de retraite.
Le ux 2 concerne les souscriptions de titres effectuées sur le marché nancier par
les SICAV (sociétés d’investissement à capital variable) et autres fonds d’investisse-
ments. Le ux 3 représente pour l’essentiel les dépôts des particuliers auprès de la
banque postale et leurs souscriptions de bons du Trésor.
Les ux nets partant des institutions nancières sont aussi au nombre de trois. Le
ux 4 concerne les crédits accordés par les institutions nancières aux entreprises,
le ux 5 les souscriptions d’actions et d’obligations effectuées par les institutions
nancières sur le marché (les entreprises d’assurances et, dans de nombreux pays,
les fonds de pension représentent le principal souscripteur net). Le ux 6 représente
essentiellement les bons du Trésor souscrits par les banques et les autres intermé-
diaires nanciers ainsi que les prêts directs accordés par les institutions nancières
aux collectivités locales et aux organismes publics de construction.
Le marché nancier met en présence demandeurs et offreurs de capitaux à long
terme. Les ux partant du marché nancier sont doubles. Le ux 7, le plus impor-
tant, concerne les émissions d’actions et d’obligations effectuées par les entreprises
tant du secteur public que du secteur privé. Le ux 8 représente le nancement des
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
C’est ce qu’on appelle «l’économie du pooling», qui peut être considérée tant du
point de vue des entreprises que de celui des investisseurs.
Du point de vue des entreprises, il y a inadéquation entre la richesse individuelle,
aussi importante soit-elle, et la taille des entreprises.
En tout état de cause, les tailles optimales des entreprises sont incomparablement
plus élevées que les richesses familiales. S’ils n’étaient reliés à un grand nombre
d’investisseurs, les entrepreneurs ou les dirigeants à la tête d’entreprises demandeurs
de capitaux seraient contraints de faire fonctionner ces entreprises à une échelle
largement inférieure à l’échelle optimale. Par conséquent, la possibilité de mettre
des capitaux en commun est nécessaire à l’efcacité du processus de production et
les entreprises ont besoin d’instruments de mutualisation élaborés pour pouvoir
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Les analyses traditionnelles du système nancier insistent sur son rôle dans l’allo-
cation efcace du capital au sein de l’économie. Mais une autre fonction tout aussi
importante du système nancier, l’allocation efcace du risque au sein de l’écono-
mie, est moins bien comprise.
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
On peut d’autant plus s’engager dans des activités risquées que l’on peut se défaire
aisément de son engagement, c’est-à-dire s’il existe un marché liquide des engage-
ments. La liquidité d’un titre est caractérisée par un ensemble de propriétés telles
que l’achat ou la vente puissent être réalisés sans délai et que la transaction ne pro-
voque pas de décalage de prix. La liquidité signie la possibilité de revenir sur une
décision d’investissement, prise antérieurement, à un coût de transaction aussi faible
que possible.
Les marchés nanciers offrent la liquidité et donnent ainsi la possibilité aux inves-
tisseurs de raccourcir, s’ils le souhaitent et pour toutes sortes de raisons, l’horizon
de leur engagement d’investissement, réduisant ainsi l’incertitude inévitablement
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
liée aux actifs nanciers à long terme. Dans ces conditions, les investisseurs sont
prêts à prendre davantage de risque et exigent une rentabilité plus faible de leurs
investissements, ce qui a pour conséquence que les entreprises peuvent se nancer
à moindre coût.
Les marchés nanciers représentent une mine d’informations pour et sur les entre-
prises, de par les prix des actifs nanciers qui y sont cotés.
Ainsi, les marchés des bons du Trésor et des obligations du Trésor Public ren-
seignent sur le rendement exigé par les investisseurs pour emprunter et prêter des
fonds à court terme et à long terme (par ailleurs une des composantes essentielles du
coût du capital pour une entreprise). Les écarts de rendement (spread) entre les OAT
(obligations assimilables au Trésor) classiques et les OATi (obligations assimilables
du Trésor indexées sur l’ination) permettent d’estimer l’ination anticipée à
l’échelle de l’économie tout entière pour toutes sortes d’échéances. L’écart de ren-
dement entre les obligations émises par les entreprises privées et les OAT renseigne
sur le risque de ces entreprises tel qu’il est perçu.
De même, les cours des actions constituent, compte tenu de certaines hypothèses,
un indicateur de la prime de risque demandée par les investisseurs pour accepter le
risque inhérent à ces produits (autre aspect déterminant pour calculer le coût du
capital d’une entreprise).
Quant aux marchés dérivés ayant pour sous-jacents les actions, les niveaux des
indices boursiers et d’autres classes d’actifs, ils recèlent aussi énormément d’infor-
mations, notamment sur l’incertitude et la volatilité anticipée des cours des titres des
sociétés cotées en Bourse, des indices boursiers, des taux d’intérêt, des taux de
change, des matières premières, etc. (cf. chapitre 11). Ces informations agrégées
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sont utiles à la fois pour les investisseurs et les entreprises. Quelle que soit leur acti-
vité, ces dernières peuvent extraire et analyser ces données et s’en servir notamment
pour prendre des décisions d’investissement. En dénitive, par le transfert d’infor-
mations sur les prix qu’ils permettent, les marchés nanciers facilitent la coordina-
tion de la prise de décision décentralisée dans les différents secteurs de l’économie.
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
Section
2 LES CATÉGORIES DE TITRES FINANCIERS
Les titres nanciers prennent différentes formes: action, obligation, warrant, cer-
ticat d’investissement, option, tracker, etc. Les titres nanciers sont émis par les
entreprises pour lever des fonds nouveaux (actions, obligations, certicats d’inves-
tissement, par exemple), ou par des organismes nanciers comme outils facilitant la
gestion des risques (warrants, options) ou la gestion de portefeuille (trackers)2.
Jusqu’à une époque récente, les titres nanciers étaient représentés essentielle-
ment par deux catégories de titres qui matérialisaient les droits acquis par ceux ayant
apporté des capitaux à une collectivité émettrice publique ou privée. Ceux-ci se
différenciaient selon la nature des droits qu’ils représentaient et partant, selon leurs
caractéristiques économiques:
– les actions qui confèrent à leurs possesseurs la qualité d’associé dans une société de
capitaux;
– les obligations représentatives d’un droit de créance.
Ces deux catégories de titres se sont diversiées, à tel point qu’elles sont devenues
des familles de titres, à l’intérieur desquelles des formes hybrides de titres nanciers
se sont développées.
1. «As the industrial units tend to grow, the management tends more and more to be divorced from
ownership», Schumpeter (1927).
2. Voir aussi Hamon et Jacquillat (2013).
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
1 Les actions
L’action se dénit ainsi comme un titre de participation dans une société de capi-
taux qui confère à son possesseur la qualité d’associé et, sauf exception, lui donne
un droit proportionnel sur la gestion de l’entreprise, sur les bénéces réalisés et sur
l’actif social.
Droit de regard sur la gestion de l’entreprise, dans la mesure où l’assemblée des
actionnaires élit et contrôle l’organe responsable de la gestion de la société, conseil
d’administration ou conseil de surveillance, lequel dans ce dernier cas nomme le
directoire. Droit à l’information, dans la mesure où les actionnaires ont droit à la
communication des documents indispensables à leur information sur l’activité et les
résultats de la société. Droit sur les bénéces, qui sont répartis entre la mise en
réserve et la distribution de dividendes aux actionnaires de la société, le montant du
dividende étant donc fonction de l’évolution des résultats de la société et de
l’affectation qui leur est donnée. Pour ce motif, l’action est une valeur à «revenu
variable». Enn, droit sur l’actif net de la société, c’est-à-dire sur l’ensemble de son
patrimoine, déduction faite de ses dettes, en cas de liquidation.
Une des manifestations de ce droit s’exerce à travers les augmentations de capital
pour lesquelles, sauf s’ils y ont explicitement renoncé, les actionnaires jouissent en
France d’un droit préférentiel matérialisé par un droit de souscription (émission
d’actions en numéraire) ou par un droit d’attribution (émission d’actions gratuites).
Ce droit possède en lui-même une valeur et peut être, au choix de l’actionnaire, soit
utilisé pour participer aux augmentations de capital, soit vendu en Bourse où il est
négocié en même temps que les actions de la société pendant la période d’émission.
Il existe par ailleurs d’autres catégories d’actions ayant sur le plan juridique des
droits différenciés par rapport à ceux des actions ordinaires. Les actions de priorité
ou actions préférentielles confèrent des avantages par rapport aux actions ordinaires
qui concernent essentiellement la répartition des bénéces, dividende plus élevé ou
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dividende prioritaire. Les actions à dividende prioritaire sans droit de vote en consti-
tuent une variante. En échange d’un dividende plus élevé ou prioritaire, ces actions
sont sans droit de vote.
Le tableau 1.1 reproduit un extrait de la présentation en temps reel de la cote pour
deux groupes français, Accor et EADS. On y lit les données d’identication des
valeurs, leurs cours, et des informations propres à l’entreprise (dividende, PER,
rendement, ainsi que le consensus des analystes nanciers).
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
2 Les obligations
Pour trouver les capitaux nécessaires au développement de ses activités, une col-
lectivité peut également émettre des titres de créance. Appelés «obligations», ces
titres donnent à leurs détenteurs la qualité de créancier de la collectivité émettrice
qui s’engage à les rembourser à une échéance déterminée et à leur verser un intérêt
annuel xe, d’où leur nom de valeurs à «revenu xe».
Les caractéristiques principales de chaque obligation sont décrites dans le contrat
d’émission, qui précise le prix d’émission, l’intérêt ou coupon versé chaque année,
sa périodicité (année, semestre ou trimestre), le prix de remboursement et ses moda-
lités.
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
tembre 1998. En juillet 1999, l’État émet l’OAT 2029, échéance 25 juillet 2029,
d’une coupure nominale de 1€ et rapportant un coupon réel de 3,4%. Le principal
est protégé contre l’ination, grâce à une indexation sur une référence quotidienne
calculée en fonction de l’indice français des prix à la consommation hors tabac
publié tous les mois par l’INSEE.
– Le coupon versé annuellement, appelé coupon réel, est également protégé contre
l’ination, car il est calculé en pourcentage, xe, du principal indexé. Le principal
est par ailleurs garanti au pair, ce qui signie que, dans l’hypothèse d’une baisse des
prix sur un an, la clause d’indexation ne joue plus et que le montant du rembourse-
1. Une obligation démembrée est une obligation classique qui est transformée en autant d’obliga-
tions coupon zéro qu’il y a de ux de coupon et de remboursement dans l’obligation classique. Les
opérations de démembrement des OAT sont organisées avec des intermédiaires nanciers appelés
Spécialistes en Valeurs du Trésor (SVT). La première obligation démembrée a été émise en mai 1991,
l’OAT 8,5%, échéance octobre 2019.
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
ment ne peut être inférieur à la mise de fonds initiale. D’autres emprunts avec pro-
tection contre l’ination européenne ont été émis par l’État français (OATei).
– Les obligations à taux variable ou ottant dont le coupon est indexé sur un taux à
court terme (taux LIBOR notamment). De telles obligations existent dans de nom-
breux pays.
Ce sont des titres qui possèdent certaines caractéristiques des actions et des obli-
gations. Citons notamment les obligations convertibles en actions, les obligations
remboursables en actions (ORA), les obligations à bons de souscription d’actions
(OBSA), les obligations à bons de souscription d’actions remboursables (OBSAR),
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
Même s’ils ne sont pas à proprement parler des titres nanciers, les paniers d’ac-
tions peuvent faire l’objet d’une négociation directe et d’une cotation : certaines
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SICAV et les fonds indiciels cotés, qui ont un indice particulier pour référence, sont
dans cette situation.
Les SICAV et les FCP (fonds communs de placement) sont des OPCVM
(Organismes de placement collectif en valeurs mobilières) réglementés par l’Auto-
rité des Marchés Financiers (AMF). Ce sont des portefeuilles de titres gérés par une
institution nancière qui émet des parts en nombre variable au gré des souscriptions
du public et des rachats (suite à des ventes de parts du public). Les OPCVM cotés
ont un cours résultant de la confrontation entre l’offre et la demande. La réglemen-
tation française impose toutefois que ce cours ne s’écarte pas de plus de 1,5% de la
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
Il existe trois grandes familles de produits dérivés: les contrats forward et futures,
les swaps et les contrats d’options qui ont beaucoup d’éléments communs (cf. cha-
pitres 9, 10, 11 et 12).
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
Section
3 LES INDICES BOURSIERS
Les indices boursiers sont apparus dès 1884, avec la création du célèbre indice
Dow Jones Industrials Average (DJIA) de 30 valeurs. Conçus au départ pour donner
une idée de l’évolution générale d’un marché particulier, le marché des actions du
New York Stock Exchange avec l’indice Dow Jones par exemple, les indices se sont
multipliés et leur utilisation s’est généralisée à de nombreuses applications, au point
que la production des indices et la dissémination de leur valeur en temps réel sont
devenues une véritable industrie.
Trois aspects sont particulièrement déterminants : les modalités de calcul des
indices, la détermination de leur composition et leur utilisation.
– Calcul d’un indice. La plupart des indices sont pondérés par les capitalisations bour-
sières ottantes. À son introduction à la Bourse de Shanghai le 5novembre 2007,
Petrochina est devenue la première capitalisation boursière mondiale avec $ 965
Mds contre $ 488 Mds à la 2e, Exxon. Toutefois, l’essentiel du capital de Petrochina
étant détenu par l’État chinois, son ottant est inférieur à 15%. À un instant donné,
la valeur de l’indice pondéré (indice) est le rapport entre la somme des capitalisa-
tions ottantes des titres (CB) de l’indice rapportée à la capitalisation ottante de
base ajustée (CBA), le tout multiplié par une constante (BASE). Par dénition, la
valeur de la base ajustée à l’origine (CBA0) est celle de la capitalisation ottante des
titres de l’indice au même moment.
Ainsi, à la création d’un indice, en date 0, la capitalisation boursière de base ajus-
tée et l’indice ont pour expression:
N
CBA 0 = CB j, 0
j
N
CB j, 0
j
INDICE 0 = BASE
CBA 0
Ainsi l’indice français CAC 40 étant en base 1000 au 31décembre 1987, sa valeur
à cette date est égale à la base, soit 1000.
Ensuite, à chaque instant au numérateur, la valeur de la capitalisation boursière
ottante évolue à la fois par un effet prix (variation du cours) et occasionnellement
par un effet volume. Cet effet volume résulte de l’émission d’actions nouvelles
contre numéraire, de la modication de la part de ottant de la capitalisation bour-
sière ou d’un changement de sociétés dans la composition de l’indice.
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
Encore une fois, l’objectif est que l’indice reète les variations de valeur et fasse
abstraction des effets volumes.
Ainsi, lorsque Vinci entre dans l’indice CAC 40 le 3avril 2002 et qu’Alstom en
sort, la capitalisation de l’indice augmente d’un peu plus de 3milliards d’euros par
pur effet de volume. L’ajustement consiste à modier CBA pour tenir compte des
effets volume.
Le poids maximal d’un titre dans l’indice peut faire l’objet d’un plafonnement,
xé à 15% pour les titres participant à l’indice CAC40. Par ailleurs, la plupart des
indices ne tiennent pas compte des dividendes distribués et sous-estiment ainsi les
rentabilités boursières.
•Composition d’un indice. La plupart des indices comportent un nombre xe de
valeurs de telle sorte que l’inclusion d’une nouvelle valeur dans l’indice s’accom-
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
pagne de l’exclusion d’une autre. Un délai est possible entre les deux événements,
ainsi l’indice CAC40 a pu temporairement comprendre 39 titres.
Les indices généralistes ont pour objectif de reéter les évolutions boursières de
l’ensemble des titres cotés dans une zone géographique donnée. Les indices natio-
naux restent très populaires, mais les indices régionaux et mondiaux gagnent en
importance 1 . Un indice généraliste peut comporter un petit nombre des valeurs les
plus importantes de la Bourse et très liquides. Un tel indice étroit permet de suivre
à tout instant l’évolution du marché car les titres qui le composent font l’objet de
nombreuses transactions avec des prix qui reètent rapidement l’état du marché.
Lorsqu’ils sont pondérés par les capitalisations, les évolutions d’un indice compor-
tant les 40 valeurs les plus importantes (CAC 40) ou les 120 valeurs les plus impor-
tantes sont très fortement corrélées (SBF 120). Les critères d’inclusion dans les
indices généralistes sont d’abord la capitalisation boursière ottante et la liquidité,
puis accessoirement la représentativité sectorielle.
Les indices spécialisés se sont multipliés dans un passé assez récent. Ils sont sou-
vent déclinés suivant la taille des entreprises cotées (les midcap, smallcap et autres
microcap excluent les titres les plus fortement capitalisés) et suivant un classement
distinguant les valeurs de croissance (growth stock) et de substance (value stock) ou
bien l’activité industrielle des entreprises. Cette déclinaison d’indices est faite pour
suggérer des références aux gestions de portefeuille.
Parmi les indices spécialisés, il faut ranger les indices socialement responsables
(ISR) qui servent de référence au développement de fonds d’investissement dits
éthiques ou socialement responsables ou de développement durable.
•Utilisation des indices. Les indices demeurent toujours un élément d’apprécia-
tion synthétique de l’évolution de la tendance d’un marché ou de l’un de ses com-
partiments. À ce titre, dans tous les pays sont calculés et publiés un ou plusieurs
indices, pour la plupart en temps réel. Les indices sont devenus un élément fonda-
mental de l’appréciation d’une gestion de portefeuille.
La plupart des gérants de portefeuille proposent à leur clientèle une gestion dont
les performances doivent s’évaluer et s’apprécier par rapport à un benchmark, à une
référence comparative, qui la plupart du temps est représentée par un indice. De plus
certaines gestions, dites passives ou indicielles (cf. chapitre 14) ont strictement pour
objectif de répliquer ou de dupliquer l’évolution des indices.
Pour des raisons de gestion, d’arbitrage ou de couverture de portefeuille, les
gérants professionnels utilisent des produits dérivés, et notamment des options ou
futures dont le sous-jacent est précisément un indice boursier. Les institutions nan-
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
cières émettent des warrants, notamment sur indices boursiers. L’utilisation des
indices à de telles ns commerciales donne lieu au paiement d’une licence ou au
versement de royalties de la part de l’utilisateur au producteur d’indices.
Dans tous les pays sont publiés des indices, calculés par les Bourses nationales
elles-mêmes comme en France ou coexistent plusieurs indices d’actions, le CAC40,
le SBF 120, CACNext20, le CACMid60, le CAC Large60, le CAC Mid et Small
(271titres), le CACSmall (211titres), le CAC All Shares (523titres), le CAC All
Tradable (SBF250), l’Alternext All Shares (179titres).
Au-delà des Bourses qui produisent leurs propres indices des valeurs dont elles
assurent la cotation, plusieurs organisations produisent et assurent la diffusion et la
commercialisation d’indices à l’échelon mondial, indices nationaux, régionaux,
sectoriels ou congurés selon d’autres attributs: Dow Jones et Standard et Poor’s
(groupes d’informations économiques et nancières américains), Pearson avec les
indices FTSE (groupe de presse britannique), Morgan Stanley Capital International
pour les indices MSCI.
Section
4 PANORAMA DES PRINCIPALES BOURSES
MONDIALES
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
Même si la taille des marchés nanciers (mesurée, par exemple, par leur capitali-
sation boursière) est en rapport avec l’importance des économies (mesurée, par
exemple, par le produit national brut) dans lesquelles ils s’insèrent, le ratio de la
capitalisation boursière des actions au produit national brut est très variable d’un
pays à l’autre.
Parmi la cinquantaine de pays pour lesquels la World Federation of Exchanges
(WFE) publie cette statistique (tableau1.3), on remarque la position intermédiaire
de la France avec un total de capitalisation des actions nationales égal à 69,8% du
produit intérieur brut. Le ratio est nettement supérieur pour les États-Unis (119,0 %)
mais bien plus faible qu’en Allemagne (43,7 %).
Le ratio a eu tendance à augmenter depuis 1992, sans que les classements en soient
bouleversés. L’augmentation a toutefois été particulièrement sensible dans le cas de
la France qui, en 1992, était seulement 21e (sur 32 pays classés) avec un ratio de
27,3%.
Le degré de développement des marchés selon les pays est partiellement expliqué
par le niveau de protection des droits des actionnaires et l’importance du secteur
public; il a par ailleurs un impact sur la croissance et le développement économique.
Dans un pays où les droits des actionnaires sont inexistants, le nancement par
actions est logiquement impossible. Si les revenus des actionnaires ne sont pas pro-
portionnels aux apports en capitaux, et si un actionnaire exerçant le contrôle a la
possibilité de capturer à son prot une part substantielle des ux générés par l’entre-
prise, cela encourage la vocation d’actionnaire majoritaire et décourage celle d’ac-
tionnaire passif ou minoritaire.
La valeur du droit de vote est inversement liée au degré de protection offert aux
actionnaires minoritaires. En revanche, un actionnariat dispersé et une faible valeur
des droits de vote se retrouvent dans les pays offrant le cadre légal de protection des
actionnaires minoritaires le plus efcace.
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
Section
5 LA RÉGLEMENTATION DES MARCHÉS FINANCIERS
La réglementation doit avoir pour objectif la nature et la qualité des informations
fournies au marché, le respect des règles de concurrence entre les intermédiaires
nanciers et sur le marché du contrôle, et doit donner la priorité à la protection des
actionnaires minoritaires. La réglementation concerne les États, qui doivent promul-
guer des lois et les faire appliquer, elle concerne aussi la profession nancière qui
doit mettre en place un ensemble de codes de conduite, d’interdits et se donner les
moyens de veiller à ce qu’ils soient appliqués.
L’Autorité des marchés nanciers (AMF) contrôle et réglemente les marchés fran-
çais. Par ailleurs la construction européenne nécessite une réponse adaptée et une
coopération forte, sinon une intégration entre les différentes instances nationales. Ce
besoin est devenu particulièrement incontournable depuis la fusion des Bourses
françaises, belges, hollandaises et portugaises dans Euronext. Les missions de
l’AMF sont de veiller au respect des obligations de diffusion des informations par
les sociétés cotées, à la protection de l’épargne via notamment la tutelle des
OPCVM, à la surveillance des marchés et à la réglementation et l’approbation des
opérations nancières (notamment en matière d’offre publique). Les membres de
l’AMF sont désignés par différentes instances de l’État et le nancement assuré par
des redevances perçues sur certaines activités nancières.
L’AMF a un pouvoir de sanction administrative et disciplinaire. La procédure de
sanction administrative est contradictoire et la décision susceptible de recours
devant la cour d’appel de Paris. Elle concerne les délits relatifs à la manipulation des
cours ou à l’utilisation frauduleuse d’informations (délit d’initié).
Au niveau européen, l’AEMF (Autorité européenne des marchés nanciers) rédige
des directives que les États membres doivent appliquer. La Directive sur les services
d’investissement (DSI) transposée en droit français en 1997 a mis n au monopole
des transactions, a institué un passeport européen qui réduit l’impact des barrières
frontalières dans l’exercice des métiers nanciers. Elle dénit les marchés réglemen-
tés qui sont astreints à une plus grande transparence, notamment concernant la
publicité des transactions, et à des contrôles plus stricts des transactions.
La directive sur l’abus de marché (DAM) réglemente depuis n 2004 les profes-
sions d’analystes nanciers et dénit les délits d’initiés. Elle introduit l’obligation
de déclaration et de publication de toutes transactions, par les dirigeants et les per-
sonnes qui leur sont liées, sur les actions des entreprises qui les emploient. Dubois,
Frésard et Dumontier (2013) ont montré empiriquement que l’application de la
Directive DAM a eu comme effet de réduire de façon signicative l’excès d’opti-
misme des analystes nanciers en Europe. Ces derniers ont en effet souvent été
accusés de biaiser leurs recherches, ainsi queleurs recommandations en faveur des
entreprises ayant des liens commerciaux avec la banque qui emploie l’analyste (Lin
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
30
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
naires, ou le mécanisme français des droits de vote double sous condition de déten-
tion des actions pendant une durée de 2 à 4 ans.
Sous l’expression anti-director rights, la littérature anglo-saxonne recense
diverses dispositions visant à offrir des protections légales contre les tentatives
d’expropriation des actionnaires minoritaires, par la direction et/ou les actionnaires
majoritaires. Ces dispositions concernent les conditions d’exercice du droit de vote
et les possibilités de recours.
Le gouvernement d’entreprise est un ensemble de règles de conduite éventuelle-
ment encadrées par des textes de lois visant à limiter les captures de bénéces par
les dirigeants éventuellement associés à un groupe d’actionnaires au détriment des
actionnaires minoritaires. Le rôle, la composition et l’organisation du conseil d’ad-
ministration qui nomme et révoque les dirigeants sont autant d’éléments de la qua-
lité du gouvernement d’entreprise.
Le droit des sociétés doit être conçu de manière à protéger les droits des action-
naires minoritaires et ce, de telle façon que la meilleure des protections pour les
dirigeants de l’entreprise soit la qualité de leur gestion.
trois mois (placements monétaires), les emprunts d’État à 10 ans, et les actions. Les
deux premiers types d’actifs sont des obligations émises par le gouvernement amé-
ricain qui diffèrent par leur maturité. Ces taux de rentabilité ont été calculés
entre1872 et2012, ainsi que sur différentes sous-périodes an de pouvoir évaluer
leur stabilité dans le temps. De plus, ces taux ont été défalqués de l’ination et cor-
respondent donc aux rentabilités réelles, et non nominales, de l’actif: ils mesurent
l’accroissement du pouvoir d’achat de son détenteur.
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Chapitre 1 ■ Marchés et titres financiers
Si la hiérarchie des rentabilités est identique au sein de chaque pays, elle recouvre
cependant des niveaux absolus assez disparates entre pays: les rentabilités réelles
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Marchés et titres financiers ■ Chapitre 1
s’étagent entre 3% et 6,3% l’an pour les actions, et entre –1,7% et 2% pour les
obligations, selon les pays.
En raison notamment des deux guerres mondiales et des périodes de forte ination
qu’ils ont connues, les pays d’Europe continentale (France, Allemagne) et le Japon
sont ceux où les rentabilités réelles ont été les plus faibles, aussi bien sur les actions
que sur les obligations. Les placements monétaires ont eu une rentabilité réelle néga-
tive en France, en Allemagne et au Japon, ainsi que les obligations pour les deux
derniers.
Les investisseurs n’aiment pas le risque. Ils veulent bien malgré tout en prendre
mais avec l’espoir d’une espérance de rentabilité supplémentaire. Les placements ne
peuvent donc être hiérarchisés sans faire référence au risque. Les actions procurent
en moyenne la rentabilité la plus élevée, mais c’est également le placement le plus
risqué. La valeur d’un portefeuille placé en actions connaîtra en moyenne une évo-
lution plus heurtée que celle d’un placement obligataire. Si en moyenne, la valeur
des actions progresse davantage, des pertes de valeur sont également plus fréquentes
sur certaines périodes particulières. D’ailleurs, les Bourses non américaines ont
connu des périodes beaucoup plus longues qu’aux États-Unis, durant lesquelles la
rentabilité réelle des actions est restée négative.
L’ESSENTIEL
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•Le rôle fondamental des marchés nanciers est d’allouer les ressources nan-
cières dans l’économie. Ce rôle crucial est rendu possible grâce à l’existence
d’un cadre institutionnel adapté qui facilite les échanges entre les opérateurs. Ce
chapitre a présenté la palette actuelle des produits nanciers ainsi que les indices
boursiers, et a offert un panorama des principales Bourses mondiales.
•Récemment, les marchés nanciers ont été profondément modiés par, entre
autres, la globalisation nancière, la crise nancière de 2008 et les nombreux
changements réglementaires qui l’ont suivi. Ces modications ont considérable-
ment transformé le cadre institutionnel des marchés nanciers et, comme nous le
verrons dans le prochain chapitre, ont également eu un impact majeur au niveau
opérationnel (coûts de transaction et liquidité des marchés).
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Chapitre
Organisation des
2 marchés financiers
SOMMAIRE
Section1 Le marché des actions Euronext Paris
Section2 Modèle d’organisation de marché: principes généraux
Section3 Modèle d’organisation de marché: ordres et cotations
Section4 Les coûts de transaction
Section5 Marchés organisés de produits dérivés
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
Section
1 LE MARCHÉ DES ACTIONS EURONEXT PARIS
1 Architecture du marché
Relit RGV
Euronext
Donneur d’ordre
Membres PSI
MTF : CHI-X,
E-courtier Turquoise, Tradegate
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
Les ordres transitent par des membres du marché. Les membres du marché sont
des prestataires de services d’investissement (PSI) reconnus par les plateformes de
négociation et ayant reçu l’agrément de l’ AMF. Les PSI sont les établissements de
crédit (banques, caisses d’épargne) ou les entreprises d’investissement. Les uns et
les autres peuvent exercer sur les marchés les activités de leur choix: collecte et/ou
transmission d’ordres de clients, exécution des ordres, gestion de portefeuille, prise
ferme et placement, sous réserve d’y avoir été agréés.
Les frontières s’estompent, et la partie de la gure2.1 décrivant pour Euronext la
confrontation entre offre et demande n’est plus exclusivement française. La fusion,
entre les Bourses de Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne implique l’utilisation
d’une plateforme de cotation commune (UTP, Universal Trading Platform) et une
intégration croissante entre ces Bourses. Euronext a localisé ses serveurs dans la
banlieue de Londres pour satisfaire le trading à haute fréquence (High Frequency
Trading, HFT) en réduisant le temps de latence dans l’exécution des ordres.
Deux métiers peuvent être exercés séparément par un «membre» : celui de négo-
ciateur et celui de compensateur. Le négociateur met en contact l’offre et la demande
mais peut également prendre des positions pour compte propre, notamment dans des
activités d’animateur de marché ou de contrepartie. Le compensateur transmet un
ux net, et non le détail des ordres passés, à l’organisme de compensation-conser-
vation de titres. Chacun des deux métiers nécessite un agrément spécique.
Parmi les autres métiers permettant l’acheminement des ordres des investisseurs
vers les membres, celui de collecteur nécessite une habilitation donnée par l’AMF,
alors que le transmetteur d’ordres est un prestataire de services entre le teneur de
compte client et le collecteur ou le négociateur; ce dernier métier s’est développé
avec le courtage en ligne.
Une centrale de dépôt de titres (Central Securities Depositary, CSD) gère les opé-
rations post-négociation. Sur le marché européen, le CSD le plus important est
Euroclear qui est le CSD choisi par Euronext. Les nouvelles plateformes peuvent
opter pour d’autres Chambres de Compensation telles que EuroCCP qui est une
liale de Depository Trust & Clearing Corporation (DTCC), le compensateur amé-
ricain. Les CSD organisent le règlement-livraison qui consiste à s’assurer que
l’acheteur règle et que le vendeur livre, et à réaliser les écritures et les mouvements
de comptes-titres pour les intermédiaires ayant un compte auprès duCSD.
Des opérations annexes ou complémentaires peuvent être assurées telles que cer-
taines opérations sur titres (OST) ou le suivi et l’identication de l’actionnariat des
sociétés cotées, voire même le prêt de titres.
Les Chambres de Compensation organisent la gestion des dépôts de garantie et des
paiements en cas d’appels de marges, ainsi que le prêt de titres.
LesCSD offrent le plus souvent un service livraison contre paiement (Delivery ver-
sus Payment, DVP) qui consiste à rendre simultanées les opérations de paiement et de
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
livraison sans qu’aucune des deux puisse être unilatéralement annulée en cours d’opé-
ration. LeDVP permet d’annuler le risque de non-livraison.
L’automatisation du routage des ordres permet d’obtenir immédiatement ou en
quelques fractions de seconde, si le marché est sufsamment liquide et l’ordre com-
patible avec les conditions du marché, l’avis d’opéré ou bordereau d’exécution pour
un particulier gérant par Internet son compte-titres. L’automatisation des opérations
de règlement-livraison s’effectue via Relit, acronyme de règlement-livraison titres,
et Relit grande vitesse – RGV – en France.
Le marché gère de nombreux circuits d’information:
– la publication des cours du système de cotation à destination de toutes les parties
prenantes et, bien sûr, des donneurs d’ordres;
– la publication des opérations sur titres, décidées par les entreprises cotées à destina-
tion de toutes les parties prenantes. Les dépositaires qui doivent ajuster lessoldes,
par exemple dans le cas d’une division d’actions ; les établissements gérant les
comptes-titres de façon à leur permettre de créditer leurs clients, en cas de versement
de dividendes par exemple; les titulaires d’un compte-titres, qui doivent en réponse
faire connaître leur choix: souscrivent-ils par exemple à la prochaine augmentation
de capital en numéraire?
2 Segments de marché
Les titres cotés sont regroupés en segments, les critères de segmentation les plus
courants étant la liquidité, les caractéristiques des titres, la localisation géographique
de l’émetteur et la qualité des informations diffusées par l’émetteur.
Mais, le premier critère de segmentation est la capitalisation et le degré de liqui-
dité des titres, ce qui correspond à la classication des compartiments A (très
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
SRD 1365,3 97,8 125 28,2 2,0 68 3,0 0,2 36 1396,5 100,0 229
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
1 Intermédiation
Lorsqu’un intermédiaire nancier ne peut que transmettre les ordres des investis-
seurs et que les opérations de contrepartie sont inexistantes, les transactions sont
faites exclusivement entre donneurs d’ordres naux. Un tel marché, qui centralise
les offres et les demandes des investisseurs naux, est dit dirigé par les ordres. Les
intermédiaires nanciers construisent un carnet d’ordres (ou feuille de marché) à
partir des ordres des investisseurs.
Lorsqu’un investisseur doit s’adresser à un ou plusieurs teneurs de marché en
concurrence et qui afchent des fourchettes de prix (achat-vente), le marché est dit
dirigé par les prix. C’est un marché de contrepartie, où les intermédiaires nanciers
prennent des positions pour compte propre.
Les deux modalités d’intermédiation se retrouvent aujourd’hui sur la plupart des
marchés, ce qui en fait des marchés mixtes:
– Paris Actions Euronext est un modèle d’organisation de marché dirigé par les prix,
la plupart des transactions sont de fait conclues entre investisseurs naux. Mais la
contrepartie est possible notamment sous forme d’animation de marché ou via le
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marché des blocs qui fonctionne en parallèle du marché central. C’est également le
modèle retenu sur Xetra à Francfort ou sur le Stock Exchange Electronic Trading
Service (SETS) du LSE.
– Le NASDAQ, qui était un marché de market makers et donc dirigé par les prix, s’est
vu imposer par laSEC la gestion, depuis n 1997, d’un carnet d’ordres en concur-
rence avec les market makers.
– Le NYSE était un marché dirigé par les prix. Face à laconcurrence des marchés
électroniques et sous la contrainte réglementaire (Reg-NMS), la cotation assistée
dirigée par les ordres s’est considérablement développée depuis 2006. Toutes les
actions sont négociées sous NYSE-Hybrid et les négociations sur le parquet sont en
1. Sur la microstructure des marchés nanciers, voir notamment Biais, Davydoff et Jacquillat
(1997), Biais, Foucault et Hillion (1997), O’Hara (1997) et Foucault, Pagano et Roell (2013).
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
net recul de même que le rôle du spécialiste qui est un teneur de marché en situation
de monopole sur le ux d’ordres.
Si un seul marché existe dans un pays donné, ce marché unique réalise seul le
listage (admission des titres des sociétés à la cote «ofcielle») et la négociation des
titres. Lorsque plusieurs systèmes de cotation sont en concurrence effective, ce qui
est le cas de plus en plus fréquent, il en résulte une fragmentation du ux des ordres.
Un titre sera alors admis sur un marché national (par exemple le NYSE) et négocié
sur de nombreuses autres plateformes sans y être ofciellement admis: on observe
ainsi une dissociation entre listage et négociation. Aux États-Unis, les lieux de négo-
ciation et de listage des actions se répartissent ainsi:
– les marchés nationaux avec le NYSE, l’AMEX, le NASDAQ ;
– les marchés régionaux (Boston, Chicago, National, Pacic et Philadelphia Stock
Exchange);
– les marchés de gré à gré (OTC markets), qualiés de third market, et les marchés de
crossing;
– les transactions de blocs entre investisseurs institutionnels sont qualiées de fourth
market,
– l’internalisation des transactions au sein même des institutions nancières (in house
matching) est également possible.
Le développement des Multilateral Trading Facilities, MTF (aux États-Unis, on
parle plutôt d’ATS, Alternative Trading System), c’est-à-dire des marchés électro-
niques (ECN) ou à prix importés (crossing), a multiplié les cas de négociation sans
listage ofciel.
Le développement du National Market System (NMS) aux États-Unis, qui
concerne d’abord les actions, a encore avivé la concurrence entre marchés. Le sys-
tème réalise l’interconnexion des marchés et impose à un marché recevant un ordre
dont les caractéristiques permettent une exécution immédiate (ordre au marché par
exemple) l’exécution dans les meilleures conditions. Dans ce cas, l’ordre est exécuté
sur le marché qui le reçoit, à condition que le prix qui y est coté soit le plus avanta-
geux pour l’investisseur (à l’achat le ask est le plus faible de tous ceux afchés par
les marchés américains interconnectés, et à la vente le bid le plus élevé). Sinon, le
marché recevant l’ordre doit le transmettre pour exécution au marché le mieux placé.
Du fait de cette concurrence exacerbée, la part de marché des transactions sur
actions n’était plus en 2007 que de 45% pour le NYSE et de 30% pour le NAS-
DAQ.
En dénitive, avec le développement de l’informatique et des moyens de commu-
nication, une très nette tendance est à la suprématie de la cotation assistée par ordi-
nateur qui présente de nombreux avantages en termes de coût de fonctionnement, de
rapidité, de transparence et d’évolutivité. La surveillance du marché, et notamment
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
2 Le degré de transparence
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
Ces aménagements répondent aux besoins exprimés par les investisseurs institu-
tionnels et sont allés de pair avec le développement des marchés de Crossing et des
Darkpools (cf.la directive MiFiD ci-après).
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
La deuxième obligation imposée par la directive MiFiD est la diffusion des infor-
mations post marché. Elle est éclatée entre plusieurs canaux de transmission et
laissée à la discrétion des intermédiaires en termes à la fois de critères (les critères
sont xés par la directive) et de canaux d’information.
Les conséquences pratiques de MiFiD sont à rechercher au niveau d’une nouvelle
cartographie des intermédiaires nanciers et de leurs clientèles.
Les banques ont le choix entre internaliser les ordres, ce qu’ont fait les plus
grandes d’entre elles, ou passer par des marchés réglementés, ce que feront les petits
intermédiaires. Mais les banques ont la possibilité d’acheter aux petits intermé-
diaires leurs ux d’ordres. La concurrence vient aussi des MTF. En 2013 CHI-X
afche des parts de marché supérieures à 20 % sur les grandes valeurs les plus
liquides. Actuellement, 45% des ux en valeur de la zone euro proviennent d’une
quinzaine de grandes banques internationales, américaines et européennes.
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
Face à cette nouvelle concurrence, les Bourses réglementées ne sont pas dému-
nies. Elles gardent en principe les ux d’ordres de la clientèle des petits intermé-
diaires, mais aussi celle des grands intermédiaires dans la mesure où elles sont en
mesure d’offrir la meilleure exécution. En effet, MiFiD autorise les marchés régle-
mentés à avoir directement pour clients les clients des banques, c’est-à-dire les
grands investisseurs institutionnels, qui ont la possibilité, ce qui est interdit aux
États-Unis, de placer leurs ordres de Bourse directement auprès des marchés régle-
mentés.
Une nouvelle concurrence s’est instaurée entre le «Clear Pool » (les Bourses) et
le « Dark Pool » (les banques), avec de possibles conits d’intérêt des grandes
banques. Celles-ci n’ont pas la propriété des ux d’ordres de leurs clients, lesquels
sont en concurrence avec ceux dont les banques sont propriétaires dans leur gestion
pour compte propre, avec donc le risque de conits d’intérêt entre les clients des
banques et celles-ci.
Près de six ans après la mise en service de MiFiD, le bilan est contrasté. Certes,
l’accroissement de la concurrence a réduit les coûts de transaction pour certaines
catégories d’investisseurs et a réduit le temps de traitement des ordres. Plusieurs
plateformes de négociation proposent une gamme de titres des pays européens, ce
qui a favorisé une certaine unication des marchés nanciers européens. En
revanche, la multiplication des plates-formes de négociation a entraîné une opacité
grandissante. L’actualisation de la directive MiFiD est toujours attendue.
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
tous les cas, le public a accès aux cinq meilleures limites du carnet d’ordres ou
feuille de marché (cf.tableau2.2) et peut même, chez certains diffuseurs, accéder à
tout le carnet.
Tableau 2.2–Carnet d’ordres de Accor
Quantité Achat Vente Quantité
268 28,895 28,910 1032
Note : Le 4 septembre 2013 à 10h 36, les cinq meilleures limites affichées par
Boursorama.
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
28,94
28,93
28,92
28,91
Offre (vendeur)
28,90 Demande (acheteur)
28,89
28,88
28,87
0 1000 2000 3000 4000 5000 6000
Ce sont des courbes en escalier et donc discontinues puisque les cours (prix) en
carnet sont ceux (et uniquement ceux) exprimés par les investisseurs via le libellé
des ordres transmis. De plus, on constate l’absence de point d’intersection des deux
courbes, ce qui reète le fait qu’à cet instant aucun échange n’est possible. La four-
chette est matérialisée par l’écart vertical entre les courbes d’offre et de demande au
point d’abscisse inférieur. La gure retrace les courbes d’offre et de demande à un
instant donné. Toute modication du carnet d’ordres a un impact sur l’allure de ces
courbes qui doivent être redessinées. Comme indiqué ci-dessus, l’écart de prix entre
l’acheteur le mieux disant (bid) soit 30,09, et le vendeur le mieux disant (ask) soit
30,115, est appelé fourchette (bid-ask spread).
La fourchette de Accor est de 0,025 €, soit une fourchette en pourcentage de
0,0408% par rapport au milieu de la fourchette (mid):
as k – bi d 0.025
Fourchette % = ----------------------- = ------------------- = 0.0408 %
milieu 30.1025
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
Note: La courbe supérieure (en trais épais) repère les prix ask successifs, la
courbe inférieure (en trait fin) repère les prix bids successifs et les triangles les
cours auxquels les titres sont échangés.
La représentation dans le temps des valeurs des meilleures limites de prix à l’achat
(limite supérieure) et à la vente (limite inférieure) permet de représenter l’évolution
de la fourchette de prix.
Ainsi, la gure2.3 représente un peu plus d’une dizaine de minutes de transactions
(les cours auxquels une transaction a effectivement eu lieu sont symbolisés par des
triangles) et les meilleures limites de prix (en gras, la trajectoire du ask) pour Accor
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
milieu de la fourchette est d’ailleurs le prix retenu dans les systèmes dits de crossing
mis en place sur certainsMTF.
Tous les ordres doivent spécier l’identication précise du titre (son code valeur),
le sens de la transaction (achat ou vente), la quantité de titres faisant l’objet de la
transaction (la quantité minimale ou quotité est de1 à Paris). La durée de validité de
l’ordre est par défaut la séance, mais une durée peut être spéciée jusqu’à une année
sur Euronext (ordre dit à révocation). D’autres mentions sont à ajouter éventuelle-
ment en fonction du type d’ordre que l’on passe:
– l’ordre au marché peut être exécuté sur plusieurs limites de prix du carnet. C’est
l’équivalent du market order anglo-saxon : il est le fait des demandeurs de
liquidité1 ;
– l’ordre à la meilleure limite (anciennement au prix du marché) peut être exécuté
partiellement. Il est exécuté sur la meilleure limite en attente, le solde entre en carnet
comme ordre à cours limité.
Lorsque l’ordre stipule un prix, il doit être choisi dans l’ensemble des prix pos-
sibles pour le titre en question. Cet ensemble est déni par l’échelon de cotation
(tick). À Paris, l’échelon de cotation pour les actions varie entre 0,5 centime et
5 centimes selon le niveau unitaire du cours de Bourse.
Les ordres comportant une mention de cours sont les suivants:
– l’ordre à cours limité stipule l’achat d’un titre à un prix maximum ou la vente à un
prix minimum à spécier. L’ordre peut être exécuté partiellement. Le prix spécié
est généralement inférieur au cours coté à l’achat et supérieur au cours coté à la
vente : ce type d’ordre est le fait des offreurs de liquidité;
– l’ordre à seuil de déclenchement spécie un prix minimum à l’achat d’un titre ou un
prix maximum à la vente. Le prix libellé à l’achat est supérieur au cours coté, et à la
vente inférieur au cours coté. L’ordre n’est exécuté que lorsque le marché touche la
limite de prix;
– l’ordre à plage de déclenchement est caractérisé par un seuil de déclenchement
assorti d’un seuil limite. Par exemple, un achat de 1000Renault à plage de déclen-
chement 31 €/ 33€ est déclenché à partir du moment où le cours de l’action cote
31€ comme dans le cas de l’ordre à seuil de déclenchement mais prendra n si le
cours dépasse 33€. Le solde de l’ordre entre en carnet comme ordre à cours limité
à 33€. L’ordre peut n’être exécuté que partiellement ;
– l’ordre à cours moyen pondéré (Vwap order) permet l’exécution au cours moyen
pondéré par les volumes d’échange sur une tranche horaire donnée future. Cet ordre
1. Sur la demande et l’offre de liquidité selon le type et le libellé des ordres, voir Hamon, Handa,
Jacquillat et Schwartz (1994).
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
a le plus souvent une exécution assistée par ordinateur et est très prisé des investis-
seurs institutionnels.
À tous les ordres placés en carnet s’applique la règle de priorité temporelle: de
deux ordres placés en carnet avec les mêmes caractéristiques, notamment de limite
de prix, celui placé en carnet le premier sera exécuté avant l’autre.
Parmi les mentions qui peuvent compléter un ordre:
– «quantité cachée»: les ordres de grande taille peuvent être à quantité partiellement
cachée. Cela permet l’exécution automatisée d’un ordre de grande taille qui pourra
être libellé ainsi: «Vendre 100000 actions de Total à 42€, par tranche de 10000»
et qui apparaîtra sur la feuille de marché comme ordre de vente de 10000actions à
42€;
– «exécuté et éliminé»: la partie non immédiatement exécutée est éliminée;
– la mention «quantité minimale» n’est recevable qu’en phase de marché continu.
L’exigence d’une quantité minimale n’est valable qu’au moment de l’introduction
de l’ordre. Si la quantité minimale spéciée est immédiatement et totalement exécu-
tée, le solde de l’ordre reste sur le marché; à défaut, l’ordre entier est éliminé;
– un ordre stipulé «au cours d’ouverture» est un ordre à la meilleure limite placé en
carnet en pré-ouverture ;
– «modication d’un ordre en carnet» indique qu’il s’agit de modier un ordre entré
précédemment. Une modication d’ordre conduit surNSC à une modication de la
priorité temporelle si la limite est modiée ou si la modication a un impact sur la
priorité d’exécution des autres ordres présents dans le carnet d’ordres (par exemple
une augmentation de la quantité de l’ordre existant). La priorité temporelle reste
inchangée si la quantité de l’ordre existant est diminuée1 ;
– règlement-livraison et transfert de propriété sur NSC. Toute action est cotée au
comptant; le règlement (pour l’acheteur) et la livraison (pour le vendeur) ne sont pas
instantanés mais différés de trois séances de Bourse (J +3). ÀParis, depuis le 1eravril
2006, la transmission de propriété est effective en J+3, les droits pécuniaires (tels que
les dividendes) restent acquis à l’acheteur dès la date de négociation.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Sur SETS, l’ordre doit être annulé et les nouvelles caractéristiques souhaitées entrées comme un
nouvel ordre avec, bien sûr, perte de la priorité temporelle.
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
Le déroulement d’une séance n’est pas identique d’un titre à l’autre. Sur Euronext,
les titres sont répartis en groupes de cotation à l’intérieur desquels les modalités de
cotation et donc le déroulement de la séance sont identiques. Sous la pression de la
concurrence entre Bourses, la tendance est à l’allongement des plages de cotation,
allongement qui ne pose pas de réels problèmes au niveau du marché en raison de
la forte automatisation, mais dont le coût est en revanche élevé pour toutes les socié-
tés et intermédiaires intervenant dans la chaîne de transmission des ordres.
Pour les titres cotés en continu, une séance se déroule en enchaînant les étapes
suivantes:
– La pré-ouverture: dans une première étape, le marché est ouvert mais aucune tran-
saction n’est réalisée. Les ordres transmis sont accumulés en carnet. Le marché
calcule et afche à chaque instant un cours théorique et diffuse à destination de ses
membres les ordres qui seraient restés en carnet si la transaction avait eu lieu (carnet
dit écrasé). À destination du public, le marché afche en continu le cours théorique
d’équilibre et les cinq meilleures limites de prix du carnet écrasé. À titre indicatif, la
pré-ouverture va de 7h15 à9heures en continu.
– L’ouverture en xing (call auction pour les Anglo-Saxons) se fait à9heures; l’offre
et la demande en carnet à cet instant sont confrontées suivant une démarche précisée
ci-après, il en résulte le premier cours de la séance, sauf événement exceptionnel dû
à un déséquilibre important entre l’offre et la demande.
– Le marché continu prend place immédiatement après le xing d’ouverture et hérite
des ordres en carnet non exécutés. De nouveaux ordres parviennent sur le marché et
enrichissent le carnet ou provoquent des transactions suivant le mécanisme décrit
ci-dessus. Le marché continu en février 2014 s’étend de9heures à17h30.
– La pré-clôture a lieu à 17h30, les carnets d’ordres restent ouverts jusqu’au xing
de clôture à17h35. Durant ces cinq minutes, les ordres s’accumulent en carnet mais
aucune transaction ne peut avoir lieu.
– Le xing de clôture est lancé à 17h35 et confronte tous les ordres en carnet à cet
instant pour dégager le dernier cours.
– Les transactions au dernier cours sont possibles de17h35 à17h40.
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
– Les transactions hors marché sont ensuite possibles dans un tunnel de prix déni à
1% de la dernière fourchette de prix afchée.
D’autres règles sont utilisées pour les actions cotées en xing biquotidien de
même pour les droits, bons ou obligations convertibles qui cotent à 11 h 30 et
16h30 (en répétant les étapes1 et2 deux fois dans la séance).
5 Le cours en fixing
Une ouverture en xing est une caractéristique commune à la plupart des marchés
dans le monde. Le prix xé s’applique à tous les ordres exécutés au même instant.
Le cours du xing est celui qui maximise le volume échangé. Le cours ne doit pas
être en contradiction avec un ordre en carnet non exécuté, mais les ordres à cours
touché peuvent être réduits. En cas de réduction, la règle premier entré, premier ervi
est appliquée. Cette première série de règles suft dans bien des cas à déterminer un
cours sur les trois principaux marchés européens dont les règles de fonctionnement
sont proches, même si l’exemple ci-dessous est tiré du SETS (Londres).
99 90000 285000 0 0 0
Source: documentation du SETS. L’application des règles en vigueur sur Xetra ou sur UTP
donnerait ici strictement les mêmes résultats.
Seuls des ordres à cours limité sont parvenus sur le marché, ils ont été agrégés puis
rangés par limite de prix décroissante dans le tableau2.3. Le cumul des quantités
demandées (à l’achat) est fait du haut vers le bas et celui des quantités offertes (à la
vente) du bas vers le haut, de façon à obtenir les courbes d’offre et de demande. On
lit qu’à 103£, il existe 30000acheteurs qui désirent payer ce prix ou plus cher et
90000vendeurs qui désirent céder leurs titres à ce prix ou moins cher. Ainsi donc,
à 103£, il est possible d’échanger 30000actions, soit le minimum des deux quan-
tités précédentes (dernière colonne).
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
Le prix qui maximise le volume d’échange est également celui qui correspond au
croisement des courbes d’offre et de demande (gure 2.4), ce qui amène à coter
102£ et à échanger 50000actions à ce prix.
99 90000 235000 0 0
Le tableau 2.4 donne l’état du carnet après cette première cotation. Les ordres
exécutés ont été supprimés. On remarque que 20000 ordres d’achat à 102£ restent
en carnet. Ce sont des ordres réduits, ce qui est autorisé car la limite de prix touche
(est égale à) le cours du xing. La réduction sera faite en appliquant une priorité
temporelle (premier entré premier servi), si les 50 000 actions sont demandées à
102£ par deux investisseurs ou plus.
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
Section
4 LES COÛTS DE TRANSACTION
Les coûts de transaction comprennent les frais de transaction proprement dits,
(commissions, taxes), la fourchette et l’impact (éventuel) de l’ordre sur les condi-
tions de l’échange.
La partie explicite des frais de transaction qui est celle, facturée au client et qui
gure sur les avis d’opéré, n’a cessé de se réduire. La fourchette représente une
partie non négligeable des coûts de transaction dans la mesure où l’achat se fait au
ask et la vente au bid. Un achat suivi d’une vente appauvrit le donneur d’ordres du
montant des frais facturés et de celui de la fourchette qui représente le prix de
l’immédiateté.
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
Section
5 MARCHÉS ORGANISÉS DE PRODUITS DÉRIVÉS
Sur les marchés organisés de produits dérivés sont négociés des contrats à terme
de type futures et des contrats d’options 1. Les principaux marchés européens sont
LIFFE et Eurex.
Les marchés organisés de produits dérivés, sur lesquels des transactions à terme
sont conclues, ont mis en place un ensemble de mécanismes propres à assurer que
les engagements pris par les acheteurs comme par les vendeurs soient effectivement
tenus. Il en va de la crédibilité du marché et de sa sécurité.
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
– L’évaluation des positions ouvertes et le calcul des gains et pertes potentiels sont
réalisés à chaque arrêt de marché et systématiquement à chaque clôture quotidienne.
La référence de prix retenue pour cette évaluation est le cours de compensation xé
par les autorités du marché suivant des règles publiques: ce peut être une moyenne
de cours pour éviter des tentations de manipulation, par exemple. Le cours de com-
pensation n’est pas un cours auquel des échanges ont lieu, c’est une référence comp-
table. L’évaluation des positions en options est réalisée avec un modèle d’évaluation
à partir d’hypothèses extrêmes sur l’évolution du cours du sous-jacent (forte baisse
pour l’acheteur de call, forte hausse pour l’acheteur de put) et la volatilité du sous-
jacent (forte baisse de volatilité pour les acheteurs d’options, forte hausse de volati-
lité pour les vendeurs d’options).
– Des appels de marge (margin requirement) sont adressés aux intermédiaires en
compte à la chambre de compensation à chaque arrêt de marché et à chaque clôture
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Chapitre 2 ■ Organisation des marchés financiers
quotidienne. Le montant théorique que doit verser le détenteur d’une position per-
dante est égal à la perte potentielle entre deux arrêts consécutifs. Le montant théo-
rique encaissé par le détenteur d’une position gagnante est égal au gain potentiel
entre deux arrêts consécutifs. Le montant effectivement appelé en marge pourra être
différent pour éviter les virements de faible montant et dépendra d’une marge de
maintenance.
Le réglage du marché consiste à xer les dépôts de garantie au niveau le plus faible
possible, de manière à susciter les échanges et améliorer la liquidité. Mais, bien sûr,
ils doivent être xés à une valeur minimale telle que l’on puisse être raisonnable-
ment sûr que les acheteurs comme les vendeurs tiendront effectivement leurs enga-
gements. Le montant des dépôts de garantie peut être revu à la hausse comme à la
baisse à tout moment, de même que les seuils déclenchant les arrêts de cotation.
Le dépôt de garantie est de 2350€ par contrat, montant xé par LCH Clearnet. Il
peut être constitué d’espèces en euros ou en devises, de bons du trésor (BTF et
BTAN), d’OAT, de titres support ou de titres entrant dans la composition de l’indice
CAC40.
La limite de variation quotidienne du contrat futures sur l’indice CAC 40, de
nominal 10€, est xée à ± 275points d’indice par rapport au cours de compensa-
tion de la veille. Lorsque cette limite est franchie sur une des deux échéances les
plus proches sur le contrat le plus liquide, les cotations peuvent être momentané-
ment suspendues sur les contrats à terme ferme et d’option. Il peut, par ailleurs, être
procédé à un appel de garantie supplémentaire. Si le cours de compensation de la
veille est de 4000, le seuil de réservation potentielle à la hausse est: 4000 +275
=4275; leseuil de réservation potentielle à la baisse est 4000 – 275 =3725. De
même, ce dispositif de coupe-circuit peut trouver à s’appliquer en cas de déséqui-
libre du marché entraînant une réservation des cotations sur un échantillon de
valeurs de l’indice CAC40. D’autre part, la saisie d’un ordre pouvant provoquer un
décalage de cours excédant un seuil de précaution, xé par rapport à un cours de
référence exprimant les conditions de marché du moment, entraîne une interruption
temporaire des négociations, inférieure à deux minutes, pour permettre à l’initiateur
de l’ordre de corriger une éventuelle erreur de saisie.
Les cotations du futures CAC40 s’effectuent en continu de 8heures à18h15 avec
compensation le jour même puis en continu dans la séance du soir de 18 h 15 à
20heures avec compensation le lendemain.
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Organisation des marchés financiers ■ Chapitre 2
L’ESSENTIEL
• Lors de la crise nancière commencée à l’été 2007, et qui a connu son
paroxysme en 2008, les marchés d’actions et les marchés organisés n’ont pas
vraiment connu d’interruption de cotation, sauf à de très rares exceptions dues à
des incidents techniques. La liquidité y a été constamment assurée, ce qui a été
loin d’être le cas d’autres marchés de titres nanciers qui se sont trouvés assé-
chés, ni même du marché monétaire, même si les variations de cours ont pu être
violentes et la volatilité exacerbée.
•Cette (relative) accalmie n’a pu se produire que parce que les marchés d’actions
sont des marchés organisés, dont le cadre a été sans cesse amélioré et correspond
à des règles de fonctionnement précises et sans cesse améliorées au l du temps.
Le passage des ordres et leur exécution, ainsi que les cotations, sont parfaitement
codiés. Les modèles d’organisation de marché, qui tendent à s’uniformiser sur
les différentes places boursières, obéissent à des principes d’équité entre les
intervenants, de transparence dans les informations que les marchés leur four-
nissent, et de sécurité grâce à l’intercession d’une chambre de compensation
entre les acheteurs et les vendeurs.
•Cette amélioration continue du cadre opérationnel des marchés nanciers, avi-
vée par la concurrence entre plateformes de transaction, a eu pour effet la dimi-
nution des coûts de transaction, ce qui entraine l’arrivée de nouveaux investis-
seurs et partant l’amélioration de la liquidité.
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Chapitre
L’efficience des
3 marchés financiers
SOMMAIRE
Section1 La définition du concept de marché efficient
Section2 Les tests de l’efficience des marchés
Section3 La finance comportementale (Behavioral Finance )
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
I l est une théorie généralement bien acceptée par les universitaires comme par un
grand nombre de praticiens, celle de l’efcience des marchés nanciers. Le
concept d’efcience a de nombreuses acceptions, mais dans sa version la plus
simple, l’efcience implique qu’il est difcile de prévoir l’évolution future des cours
boursiers et donc de « battre » le marché.
Cette théorie a été validée empiriquement sur les principaux marchés d’actifs
nanciers du monde, qu’il s’agisse des actions, des taux de change, des taux d’inté-
rêt, etc. Certes, les tests les plus nombreux portent sur les cours des actions, et c’est
de ceux-là dont il est fait état dans ce chapitre. La plupart d’entre eux avaient été
effectués dans les années soixante-dix et la cause de l’efcience des marchés parais-
sait alors entendue.
Cependant, deux séries de phénomènes ont redonné une actualité certaine à ce
thème et suscité de nouvelles controverses. D’abord un nombre croissant d’études,
effectuées principalement aux États-Unis, mais aussi sur les grands marchés euro-
péens et asiatiques, ont mis en évidence certaines anomalies, allant apparemment à
l’encontre du concept d’efcience des marchés nanciers.
Par ailleurs, et à la suite de la grande volatilité des grandeurs macronancières, et
notamment des cours des actions, un certain nombre d’économistes, et non des
moindres, ont mis en doute la rationalité du comportement des opérateurs et des
investisseurs, et la capacité des marchés nanciers à évaluer correctement les actifs
qui y sont cotés. Dans la mesure où ce sont de nouvelles informations pertinentes
pour évaluer les perspectives des sociétés qui sont le ressort des changements d’an-
ticipation et donc des variations des cours boursiers, on en est encore à se demander
aujourd’hui quelles sont les informations qui ont pu faire baisser l’ensemble des
Bourses de l’ordre de 30% lors du krach de 19octobre 1987. Aussi, l’accélération
de la hausse des cours des valeurs technologiques à partir de 1997 et leur forte chute
à partir de mars2000, ou l’apparition d’une bulle immobilière aux États-Unis lors
des années 2000 et son explosion en 2007 ont largement contribué à ces interroga-
tions.
Il n’en demeure pas moins que le concept de marché efcient reste le fondement
de toute la théorie nancière moderne. Les travaux fondateurs d’Eugene Fama sur
l’efcience des marchés ont d’ailleurs été récompensés par le prix Nobel d’écono-
mie en 2013. Cependant il règne quelque confusion sur sa signication, voire sur sa
validité. C’est pourquoi, nous commençons ce chapitre en précisant ses différents
sens. La deuxième section présente les études qui ont testé différents aspects de
l’efcience des marchés. La troisième section introduit certaines justications à la
non-efcience des marchés basées sur la psychologie des investisseurs et souvent
regroupées dans le terme nance comportementale (behavioral nance). Nous rap-
pelons ce que ces résultats impliquent pour la gestion de portefeuilles et des risques
nanciers.
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Section
1 LA DÉFINITION DU CONCEPT DE MARCHÉ EFFICIENT
Le concept d’efcience des marchés nanciers porte généralement sur l’efcience
informationnelle, c’est-à-dire sur le fait que les cours boursiers reètent instantané-
ment toute l’information disponible. Toutefois, le concept d’efcience est aussi lié
au concept de rationalité des investisseurs et à celui de l’efcacité économique des
marchés.
1 L’efficience informationnelle
1.1 Définition
Selon cette acception, un marché sera efcient si l’ensemble des informations
pertinentes à l’évaluation des actifs nanciers qui y sont négociés se trouve instan-
tanément et complètement reété dans les cours.
Un tel marché incorpore donc instantanément les conséquences des événements
passés et reète précisément les anticipations exprimées sur les événements futurs.
Ainsi, le cours d’une action est à tout instant une estimation non biaisée de sa valeur
intrinsèque. Il est totalement impossible de prévoir ses variations futures puisque
tous les événements connus ou anticipés sont déjà intégrés dans le cours actuel; seul
un événement imprévisible pourra le modier, et ce instantanément. Notons que
l’incorporation d’informations nouvelles dans le prix des titres a été facilitée par les
nombreuses évolutions technologiques qui ont eu lieu sur les Bourses d’échange
(ordinateurs, Internet, trading algorithmique, carnet d’ordre électronique, etc.).
Puisqu’il est par construction impossible de prévoir l’imprévisible, la prévision des
cours est illusoire. La concurrence est telle entre les investisseurs que, rapidement,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
toute action sera cotée à son «juste prix» qui dépend de ses caractéristiques, ses
«attributs» et son risque: dès lors, même le plus ignorant des investisseurs peut
faire conance au marché, et simplement choisir les attributs et le niveau de risque
de son portefeuille qui lui convient.
Selon l’hypothèse d’efcience informationnelle des marchés nanciers, dans sa
formulation la plus simple, les cours des actions reètent à tout moment toute l’in-
formation disponible. Dans un modèle théorique, Grossman et Stiglitz (1980)
montrent que l’efcience des marchés peut être obtenue si les coûts d’information
et de transaction sont nuls. Selon une version similaire, mais qui a économiquement
davantage de sens, les cours reètent toute l’information disponible jusqu’au point
où les bénéces marginaux que 1’on peut tirer à partir d’informations sont supé-
rieurs aux coûts marginaux d’obtention de ces informations (Jensen, 1978). Bien
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
1580,00
1578,78
1578,00
1576,00
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1574,00
1572,00
1570,00
1568,00
1566,00
1564,00
15:00 15:30 16:00 16:30 17:00 17:30 18:00 18:30 19:00 19:30 20:00 20:30 21:00
Note – L’axe vertical indique la valeur de l’indice S&P 500 et l’axe horizontal
indique l’heure à Londres (GMT).
Figure3.1 – Effet d’une fausse nouvelle sur l’indice l’indice S&P 500
(23avril 2013)
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
1. Voir chapitre7.
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
les unes les autres. Enn, les investisseurs irrationnels pourraient avoir en face d’eux
des contreparties rationnelles, aux moyens puissants, tels que les arbitragistes pro-
fessionnels, dont le comportement corrige celui des investisseurs irrationnels et qui
ramènent les cours des actions à leur valeur intrinsèque. L’argument central de
Shleifer 1 est qu’aucune de ces conditions n’est vériée: les investisseurs ne sont pas
rationnels, leurs erreurs sont corrélées parce qu’ils sont moutonniers, et donc ne
s’annulent pas et l’arbitrage étant risqué, il est loin d’être parfait.
De telles anomalies ont donné lieu au développement de la nance comportemen-
tale (behavioral nance) développée dans la troisième section. Il ne s’agit pas d’un
corps théorique à proprement parler mais plutôt d’un ensemble de faits stylisés
illustrant/décrivant l’irrationalité des investisseurs.
Si cette hypothèse d’inefcience des marchés nanciers était fondée, cette consta-
tation aurait une grande importance en gestion de portefeuille. Elle appellerait à
utiliser des méthodes fondées sur la science des comportements de groupe davan-
tage que sur des modèles nanciers rationnels.
De telles théories requièrent d’être testées par l’utilisation d’un test conjoint de
l’efcience des marchés et d’une certaine forme de rationalité des investisseurs.
Notons toutefois qu’il est difcile de vérier les assertions mentionnées ici. Ceux
qui considèrent que les investisseurs sont irrationnels supposent que le cours observé
dévie de la «vraie» valeur d’un titre de manière signicative et prolongée. Pour s’en
assurer, il faudrait connaître la «vraie» valeur d’un titre et c’est là une tâche bien
difcile.
Une autre approche de l’efcience des marchés nanciers concerne les fonctions
proprement économiques de l’industrie nancière. Comme on l’a vu au chapitre
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
précédent, les marchés nanciers prennent une place de plus en plus grande dans le
système nancier et productif de chaque pays. Leur utilité provient du fait qu’ils
facilitent la mutualisation des risques et leur transfert vers ceux qui sont les plus
capables ou les plus disposés à les supporter. Par ailleurs, ils permettent de mobiliser
l’épargne vers les emplois les plus productifs (à condition que les marchés soient
informationnellement efcients), tout en lui permettant de rester liquide, etc. Cet
ensemble de fonctions entraîne des transactions volumineuses tant au niveau du
marché primaire qu’à celui du marché secondaire. L’industrie nancière qui assure
ces fonctions, et notamment les marchés nanciers, le font-ils de manière efcace?
Si tant est qu’il est difcile de répondre à cette question, il n’en demeure pas moins
1. Shleifer (2000).
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
que les coûts de transaction qu’ils prélèvent pour assurer leurs fonctions n’ont cessé
de baisser depuis trente ans.
Section
2 LES TESTS DE L’EFFICIENCE DES MARCHÉS
Les marchés nanciers sont-ils efcients au sens informationnel? C’est une ques-
tion importante pour tous les praticiens car la réponse inuence la stratégie d’inves-
tissement à adopter. Cette section passe en revue une partie des innombrables tests
qui ont été consacrés à ce sujet.
Fama (1965), dans son article fondateur, identiait trois types de tests pour vérier
empiriquement si les marchés nanciers étaient efcients: les tests de forme faible,
les tests de forme semi-forte et les tests de forme forte.
Dans un marché efcient de forme faible, les cours des titres reètent tout ce qu’on
pourrait déduire de leur historique. L’observation des cours et des volumes de tran-
sactions passés ne serait d’aucune utilité pour battre le marché ou obtenir des taux
de rentabilité ajustés pour les risques supérieurs. L’analyse technique, très présente
dans la couverture rédactionnelle de la presse nancière grand public ou sur les sites
Internet d’information boursière, ressortirait davantage du folklore et ne présenterait
aucune utilité.
Dans un marché efcient de forme semi-forte, les cours boursiers réagissent ins-
tantanément à l’annonce d’informations dès que celles-ci deviennent publiques. Ces
informations peuvent être des informations macroéconomiques et nancières, les-
quelles affectent l’ensemble des valeurs ou concerner un secteur ou une société
particulière (annonce des bénéces, dividendes, chiffre d’affaires, etc.), auquel cas
elles affectent principalement ladite société. Un investisseur serait meilleur que les
autres s’il savait mieux interpréter ces informations publiques que les autres
investisseurs.
Enn, un marché sera efcient de forme forte si toutes les informations non
publiques sont reétées dans les cours. Les tests en cette matière se sont focalisés
sur la mesure des performances des gérants professionnels, les mieux placés pour
proter des informations plus diverses, plus riches ou moins répandues que celles
dont disposent les investisseurs individuels dont la Bourse ne constitue qu’un passe-
temps.
Dans une nouvelle classication, Fama (1991) regroupe ces tests différemment en
distinguant les tests de prévisibilité des rentabilités boursières, les études d’événe-
ments et les tests de performance des investisseurs initiés. Nous adoptons cette
dernière classication dans la suite de ce chapitre.
70
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Au lieu de tests de forme faible, qui ne sont concernés que par le pouvoir prédictif
des rentabilités boursières du passé, cette nouvelle catégorie inclut tous les tests de
prévisibilité des rentabilités boursières. Cela comprend, outre les tests de forme
faible, les tests qui vérient dans quelle mesure les cours boursiers futurs peuvent
être prévus par certaines variables publiquement disponibles, telles les dividendes,
les bénéces ou les taux d’intérêt. Nous passons en revue successivement les tests
d’efcience de la forme faible basés sur les rentabilités à court terme, les tests
d’efcience de la forme faible basés sur les rentabilités à long terme et les tests
d’efcience utilisant d’autres variables.
Les travaux empiriques des années soixante-dix portaient sur la prévisibilité des
rentabilités futures à partir des séries passées de rentabilités boursières. Ces travaux
vériaient accessoirement dans quelle mesure les méthodes d’analyse technique
fondées sur l’évolution des cours passés permettent aux investisseurs d’obtenir des
résultats de gestion supérieurs à ceux qui résultent d’une stratégie naïve d’investis-
sement par laquelle l’investisseur suit une politique d’achat-conservation d’un
échantillon diversié d’actions.
De plus, les tests des années soixante-dix se concentraient sur la prévisibilité bour-
sière sur des horizons courts de 1 jour, 1 semaine ou 1 mois. Les nouveaux tests
envisagent aussi la prévisibilité des rentabilités boursières à plus long terme. Ils
évaluent aussi le pouvoir prédictif de variables telles que le rendement en dividende
(D/P) ou le ratio bénéce par action/cours (E/P).
Il y a eu depuis une quinzaine d’années une résurgence de tests sur la prévisibilité
des rentabilités boursières à partir de séries historiques, c’est-à-dire en fait sur la
variation des rentabilités boursières au cours du temps qu’elle soit ou non ration-
nelle, laquelle pourrait être mise à prot pour prévoir les rentabilités boursières
futures.
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1.1 Les tests d’efficience de la forme faible basés sur les rentabilités
àcourt terme
Les tests d’efcience de la forme faible basés sur les rentabilités boursières à court
terme regroupent les tests d’autocorrélation, les tests d’analyse technique et les tests
d’anomalies.
Les tests anciens de la forme faible de l’efcience faisaient l’hypothèse que les
cours boursiers suivaient une marche au hasard. Formellement l’hypothèse de
marche au hasard peut être représentée de la manière suivante:
R̃it = µ i + ε it
71
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
1. Une discussion sur la « marche au hasard » des cours boursiers conduit souvent à se poser la
question de la forme de la distribution statistique des cours. Comme le souligne Fama, une telle ques-
tion n’a rien à voir avec l’hypothèse de marche au hasard, car celle-ci peut s’accommoder de n’importe
quelle forme de loi de probabilité.
72
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
période t + 1
période t + 1
Variation
Variation
Variation Variation
période t période t
Pour ce qui est de la célèbre étude de Fama (1965) sur les variations relatives
quotidiennes des trente valeurs du Dow-Jones de 1957 à 1962, aucune autocorréla-
tion importante n’a pu être décelée même en considérant des changements hebdo-
madaires, bi-hebdomadaires, etc., ou des décalages (lags) de plusieurs jours dans le
processus d’ajustement.
Lo et McKinley (1988) et Conrad et Kaul (1988) ont répliqué la méthodologie et
les tests de Fama sur toutes les valeurs cotées au NYSE et sur une période plus
longue, 1962-1985, en les regroupant en portefeuilles en fonction de la taille des
sociétés. Les deux études font état d’autocorrélations positives des rentabilités bour-
sières hebdomadaires, surtout pour les portefeuilles constitués de sociétés de petite
taille. Ces derniers résultats ne sont cependant pas signicatifs compte tenu du
fameux problème de l’asynchronisme temporel des cotations et des cours des socié-
tés de petite taille pour lesquelles les volumes de transaction sont faibles et les
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transactions peu fréquentes. Pour les sociétés de grande taille, le coefcient d’auto-
corrélation moyen est de seulement 0,09. Par ailleurs, le niveau des coefcients
d’autocorrélation, qui semble traduire une non-constance dans le temps des taux de
rentabilité anticipés, ne permet sans doute pas d’exploiter ces résultats empiriques
pour les transformer sur le plan pratique en stratégies de portefeuille gagnantes.
Les fonds spéculatifs, ou hedge funds, ont souvent un niveau élevé d’autocorréla-
tion. Dans une étude portant sur 2701 fonds spéculatifs et couvrant la période 1977-
2007, Lo (2008) trouve que le coefcient d’autocorrélation des rentabilités men-
suelles est de 12,9%. Le niveau d’autocorrélation s’élève à 20,7% pour les fonds
spéculatifs de type event driven et même à 38,8% pour les fonds basés sur des
stratégies d’arbitrage sur titres convertibles (convertible arbitrage). Cette apparente
prédictibilité de la rentabilité est due en fait à la faible liquidité des titres dans les-
quels les fonds spéculatifs investissent, à savoir dans des entreprises non-cotées ou
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
en détresse nancière, des pays émergents, dans l’immobilier, ou dans des produits
dérivés négociés de gré à gré (Getmansky, Lo et Makarov, 2004). Dans la mesure où
il n’existe pas de prix de marché able pour ces titres, les gérants de fonds spécula-
tifs ont une certaine liberté lors de la détermination de la valeur d’actif net de leur
fond. Par exemple, un gérant ayant investi dans un produit dérivé dont la valeur
dépend des prix de l’immobilier résidentiel en France peut réévaluer son produit en
faisant des hypothèses optimistes. De façon identique, lorsque les prix de l’immobi-
lier s’emballent, le gérant peut recourir à des hypothèses conservatrices an de faire
apparaître une appréciation modérée du prix des produits. Ce faisant, le gérant peut
limiter la variabilité de la performance du fonds, ce qui augmente mécaniquement
les mesures de performance de type «rentabilité moyenne/volatilité» qui sont sou-
vent utilisées pour comparer les fonds entre eux (voir chapitre 13). Ce phénomène
de lissage, appelé en anglais return smoothing, est maintenant bien connu par les
investisseurs des fonds spéculatifs. Ces diverses observations illustrent que les résul-
tats des tests d’indépendance peuvent simplement traduire l’illiquidité des marchés.
■■ Les tests d’analyse technique
Les techniques d’analyse graphique visent à utiliser la connaissance du comporte-
ment passé d’une succession de cours pour en prévoir le comportement futur. Un
statisticien dirait de telles techniques qu’elles supposent que les changements suc-
cessifs des cours sont des événements dépendants. Le recours à de telles méthodes
est incompatible avec la croyance en une évolution aléatoire (ou « marche au
hasard») des cours.
Aujourd’hui des logiciels informatiques permettent de détecter très rapidement
des tendances boursières ou des retournements. Ces modèles plus ou moins sophis-
tiqués, reposent sur l’analyse des moyennes mobiles des titres et du momentum, et
sont représentés sur la gure3.3.
–X%
Vente
Cours (C)
Cours (C)
MMCT
Ct /Ct–n
1.0
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Les chartistes utilisent comme signal d’achat ou de vente d’un titre l’observation
conjointe du cours avec sa (ou ses) moyenne mobile, et plus précisément l’intersec-
tion entre la courbe représentative de l’évolution des cours et la (les) moyenne
mobile.
On peut ainsi dénir une moyenne mobile arithmétique:
τ=t
L 1
Mt = ---
L ∑ Cτ
τ = t–L+1
L
Où M t représente la moyenne mobile calculée en t, avec L la taille ou longueur
de la moyenne mobile et Cτ le cours de l’action au jour τ. On peut calculer deux
moyennes mobiles, par exemple une courte (sur 50 jours de Bourse par exemple) et
une longue (200 jours de Bourse).
Avec cette technique, les signaux à l’achat sont les suivants: le cours franchit du
bas en haut la moyenne mobile longue et/ou la moyenne mobile courte, les pentes
des deux moyennes mobiles sont positives, la moyenne mobile courte franchit la
moyenne mobile longue de bas en haut. Les signaux à la vente sont à l’inverse les
suivants : le cours franchit du haut en bas la moyenne mobile courte et/ou la
moyenne mobile longue, les pentes des deux moyennes mobiles sont négatives, la
moyenne mobile longue franchit la moyenne mobile courte de bas en haut.
70
Cours UBS
9 août 2007 :
60 vente à CHF 54,31 MA (50)
MA (200)
50
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40
30
14 septembre 2005 :
achat à CHF 40,68
20
10
0
août 05 août 06 août 07 août 08 août 09 août 10 août 11 août 12 août 13
75
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
La gure 3.4, représentant entre août 2005 et septembre 2013, l’évolution des
cours (ligne heurtée) et de la moyenne mobile courte (MA(50)), et longue (MA(200))
d’UBS cotée à Zurich, constitue un cas d’école de signal d’achats puis de vente par
cette méthode. Un signal d’achat apparaît en septembre2005 lorsque la moyenne
courte dépasse la moyenne longue. Le prix d’acquisition est alors de CHF 40,68.
Alors que les deux moyennes mobiles se rapprochent, mais ne se croisent pas, en
septembre2006, le titre est détenu jusqu’en août2007. L’action est alors vendue à
un prix de CHF 54,51 et l’investisseur échappe ainsi à la chute du cours qui a lieu
pendant les deux années suivantes. Cet exemple montre que le recours aux moyennes
mobiles peut être très efcace lors de retournements de tendance. Cependant, les
signaux sont plus difciles à exploiter en absence de tendance forte comme lors de
la période 2009-2013.
Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. Une observation réussie ne valide pas
une méthode; seuls le peuvent des tests sur un grand nombre de données.
La première étude signicative a été réalisée aux États-Unis par Alexander (1961,
1964). Il a notamment testé la méthode dite des ltres, qui s’inspire de la célèbre
théorie de Dow. Cette théorie a été par la suite testée plus en détail par Fama et
Blume (1966). Cette méthode d’achat-vente peut être décrite de la façon suivante:
lorsque le cours d’une action monte d’au moins x %, acheter et conserver cette
position jusqu’à ce que le cours tombe de plus de x % d’un sommet suivant; à ce
moment-là, il faut à la fois liquider sa position et se porter vendeur à découvert
jusqu’à ce que le cours remonte d’au moins x % d’un creux ultérieur.
Nombre de ltres furent utilisés sur différents titres américains, de 0,5% à 50%
en utilisant différents intervalles de cours boursiers. Les résultats de l’application
journalière de la stratégie aux 30 valeurs du Dow-Jones sur une période de cinq ans
nissant en 1962 sont très médiocres. Pendant la période considérée, une stratégie
naïve de détention ininterrompue des mêmes titres (Buy and Hold) aurait rapporté
9,9%. Seule l’adoption d’un très petit ltre s’avère plus protable que la stratégie
naïve. Cependant, si l’on tient compte des frais de transaction, dans tous les cas la
rentabilité de la méthode des ltres est inférieure à la rentabilité de la stratégie naïve
de détention des titres.
La même stratégie de ltres appliquée aux valeurs de l’indice Standard and Poor’s
sur la période 1928-1961, a donné d’aussi piètres résultats. La seule consolation
d’une telle stratégie aurait été la gratitude de son courtier.
Et pourtant, l’analyse technique perdure! Ses partisans considèrent en effet les
tests présentés comme peu convaincants du fait que les techniques statistiques utili-
sées seraient inappropriées. Les relations linéaires simples qui sous-tendent le
modèle de corrélation statistique seraient beaucoup trop grossières pour saisir les
relations compliquées que l’analyste technique appréhende dans l’évolution des
cours. De même, les tests à partir des séquences sont beaucoup trop rigides dans leur
manière de déterminer la durée d’un mouvement ascendant.
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Il n’est pas possible de prouver une fois pour toutes qu’aucune méthode technique
n’est rentable. Tout au plus peut-on continuer à étudier scientiquement les résultats
de celles qui ont la faveur des « chartistes ». Pour l’instant, ces tests ont eu des
résultats négatifs.
bien performé sur les douze derniers mois continuent de sousperformer sur les douze
mois suivants (voir aussi Carhart, 1997).
– L’effet lundi, selon lequel les rentabilités boursières le lundi sont plus faibles que les
autres jours de la semaine. Aussi, dans le même ordre d’idées, les rentabilités la
veille d’une fête et le dernier jour du mois sont en moyenne plus élevées que celles
des autres jours. De plus, les taux de rentabilité au mois de janvier sont plus élevés
que ceux des autres mois, avec une concentration des rentabilités élevées sur le der-
nier jour boursier de décembre et les cinq premiers jours boursiers de janvier. Ces
effets calendaires ont été documentés pour la France par Hamon et Jacquillat (1992),
et sur de nombreux marchés autres que le marché boursier américain.
La plupart de ces «anomalies» peuvent s’expliquer en terme de risque, de liqui-
dité, de limite d’arbitrage, ou de biais cognitifs (voir section 3). Par exemple, Fama
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
and French (1992, 1993, 1995) afrment que les titres valeur sont plus risqués que
les titres de croissance dans la mesure où ils sont plus exposés au risque de détresse
nancière.La surperformance identiée n’est par conséquence qu’une juste com-
pensation des actionnaires pour les risques qu’ils supportent.
Différemment, la surperformance des sociétés dont la capitalisation boursière est
faible s’explique en tout ou partie par des phénomènes de liquidité ou de microstruc-
ture. Les rentabilités des petites capitalisations boursières évoquées plus haut sont
du même ordre de grandeur que la taille de la fourchette (le coût d’un aller et retour).
Cette surperformance apparente ne fait donc que reéter l’illiquidité du titre.
Sur un marché nancier sans friction, les investisseurs (traders) sophistiqués éli-
minent tout écart entre le prix de marché et la valeur fondamentale du titre. En
pratique cependant, certains déséquilibres ne peuvent pas être exploités par les arbi-
tragistes, ce qui peut générer des anomalies. En effet, des contraintes, des frictions
ou des coûts empêchent parfois les arbitragistes de faire converger les prix de mar-
ché vers leurs niveaux d’équilibre, un phénomène appelé limites d’arbitrage (Gromb
et Vayanos, 2010). Parmi ces limites on peut citerles contraintes de ventes à décou-
vert qui peuvent empêcher un investisseur de vendre un titre surévalué, ou des
contraintes d’emprunt et d’exigences de collatéral (appels de marge).
Notons pour terminer que la plupart des effets discutés ci-dessus se sont fortement
atténués depuis qu’ils ont été découverts. Récemment, McLean et Pontiff (2013) ont
analysé 82 anomalies identiées par des chercheurs en nance. Ils montrent que la
performance des portefeuilles basés sur ces anomalies est signicativement positive
avant la publication des résultats dans une revue scientique, mais qu’elle n’est plus
signicative après la publication. Les volumes de transaction des titres sur lesquels
portent une anomalie, par exemple les petites capitalisations et les titres ayant la
rentabilité la plus élevée, voient leur niveau augmenter signicativement après que
l’anomalie ait été documentée. De manière cohérente avec l’idée que certaines ano-
malies existent et perdurent à cause de limites d’arbitrage, les chercheurs trouvent
que la rentabilité anormale se réduit moins pour les titres difciles à arbitrer, comme
par exemple les titres peu liquides.
1.2 Tests d’efficience faible sur les rentabilités boursières à long terme
Les tests d’efcience faible sur les rentabilités à long terme recouvrent àla fois les
tests d’autocorrélation à long terme, les tests de suréaction, de volatilité et de prime
de risque.
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
simple dans lequel les cours boursiers s’éloignent lentement de leur valeur fonda-
mentale avec des rentabilités boursières à court terme sans autocorrélation. Pour
eux, le marché est très inefcient, même si les tests de court terme n’arrivent pas à
capter ce phénomène.
Ces modèles ont suscité un ot de recherches empiriques dont les résultats sont
ambigus. Fama et French (1988) montrent que le prol des rentabilités successives
de portefeuilles diversiés d’actions américaines cotées au NYSE correspond bien
aux modèles de Shiller et Summers, avec des autocorrélations proches de zéro à
court terme mais très négatives entre – 0,25 et – 0,4 pour les autocorrélations des
taux de rentabilité mesurés sur des périodes de 3 à 5 ans. Mais si ces résultats valent
pour la période 1926-1985, ils ne valent plus pour la seule période 1940-1985.
20 %
Rentabilité anormale cumulée
15 %
10 %
Portefeuille perdant
5%
0%
Portefeuille gagnant
–5%
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
– 10 %
0 5 10 15 20 25 30 35
Dans le même ordre d’idées, De Bondt et Thaler (1985, 1987) semblent avoir
identié une inefcience majeure, liée à la surréaction des cours boursiers. Ils
montrent que les actions américaines ayant eu les plus mauvaises rentabilités bour-
sières au cours de n’importe quelle période passée comprise entre trois et cinq ans
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
(portefeuilles «perdants») avaient les rentabilités les plus élevées les années sui-
vantes (celles-ci étant par ailleurs concentrées pendant le mois de janvier) et inver-
sement les titres des sociétés ayant le plus monté au cours d’une période passée de
trois à cinq ans (portefeuilles «gagnants»), sont ceux qui baissent le plus subsé-
quemment, comme illustré sur la gure3.5.
Du fait de son caractère spectaculaire, cette «anomalie» a fait l’objet d’une atten-
tion particulière sous forme de tests complémentaires. Contrairement à l’afrmation
de De Bondt et Thaler, Zarowin (1989) montre que le phénomène ne peut être attri-
bué à la surréaction des investisseurs à des informations particulièrement bonnes ou
particulièrement mauvaises émanant des sociétés en question, mais serait plutôt une
autre manifestation de l’effet taille. En effet, les petites capitalisations boursières
sont devenues telles, pour une grande partie d’entre elles, du fait de leurs difcultés
ayant entraîné la chute de leurs cours boursiers (songez à la constitution en jan-
vier2001 d’un portefeuille américain formé exclusivement de petites capitalisations
boursières. Il contiendrait toutes les dot.com du NASDAQ américain qui ont presque
toutes perdu plus de 90% de leur valeur entre mars2000 et 2001). Ces petites socié-
tés sont souvent en détresse nancière (pensez de nouveau aux dot.com du NASDAQ
en 2001), et commandent donc une prime de risque élevée, qui conduit à une exi-
gence de rentabilité élevée de la part des investisseurs, qui se traduira par des renta-
bilités subséquentes élevées dans la mesure où elles recouvrent plus tard une santé
opérationnelle et nancière satisfaisante. Cette explication de «l’anomalie» consta-
tée par De Bondt et Thaler est cohérente avec l’hypothèse d’efcience des marchés
nanciers et de modélisation du prix du risque (cf. chapitre6).
80
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
130
120
110
100
90
80
Prix
70
60
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50
40
30
20
10
0 20 40 60 80 100 120
Temps
Source: Shiller (1981).
Figure3.6 – Indice déflaté Standard and Poors des prix boursiers 1926-1979
complété par l’indice des actions de la Commission Cowles 1871-1925
(ligne en trait plein) et série correspondante desprix
en parfaite certitude P*t (ligne en pointillé)
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Quel est le niveau de la prime de risque sur le marché des actions françaises?
Même si l’indice CAC40 a lourdement chuté depuis 2007, la prime de risque réali-
sée demeure élevée et comparable au niveau observé sur le marché américain. Sur
la période 1900-2010, Dimson, Marsh et Staunton (2013) estiment que la prime de
risque en France est de près de 6% par année (une fois corrigé l’effet de l’ination).
À l’instar de l’Allemagne ou du Japon, le niveau de la prime de risque du marché
français s’explique en partie parla rentabilité réelle négative des obligations d’État
de courte maturité (–3% sur la période 1900-2010).
Alternativement, le montant de la prime de risque de marché peut être étudié en
interrogeant directement les dirigeants d’entreprises, analystes nanciers, etc.
Fernandez, Aguireamalloa et Corres (2013) ont interrogé 7192 professionnels de la
nance venant de 82 pays différents et leur ont demandé quelle était la valeur de la
prime de risque requise pour investir dans un portefeuille diversié d’actions domes-
tiques. Il s’agit donc du montant qu’ils utilisent concrètement dans leurs calculs de
coût du capital par exemple, ou dans leur choix d’investissement (voir chapitre6).
La valeur moyenne trouvée pour la France est de 5,9% (la médiane est de 6% et
l’écart type de 1,5%). Les valeurs moyennes trouvées pour les autres pays sont de
5,5% en Allemagne, 5,5% aux États-Unis, 7,9% au Brésil et 8,7% en Chine.
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
12
moyenne + 3 écarts-types
10 moyenne + 2
écarts-types
moyenne - 1 écart-type
4
moyenne - 2 écarts-types
Chacun des points extrêmes de cet indicateur a signalé une situation anormale de
valorisation des actions, qui s’est ensuite corrigée par un mouvement de hausse des
cours lorsque la prime de risque du marché actions était particulièrement élevée
(début 2003), ou, à l’inverse, par un mouvement de baisse ultérieure des indices
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
prix des actifs nanciers et notamment les cours des actions se conforment à ces
modèles, sont à la fois une vérication de leur validité en même temps qu’ils repré-
sentent un test de l’efcience des marchés présupposée et une condition de l’archi-
tecture de ces modèles.
L’exposé de ces modèles et de leur validation empirique font l’objet du chapitre6
de cet ouvrage.
La première et l’une des plus célèbres études d’événement est celle de Fama,
Fisher, Jensen et Roll (1969), consacrée à l’incidence sur son cours d’une société qui
annonce qu’elle compte diviser le nominal de son titre d’un certain nombre (stock
split), ce qui a pour effet mécanique de diminuer son cours en proportion de ce
nombre.
Les études d’événements sont représentées par des tests aux conuents de plu-
sieurs disciplines de l’économie. D’abord, ce sont des tests d’efcience des mar-
chés. Mais là encore, ce sont des tests joints, car pour mettre de l’ordre dans la
quantité exubérante de ces études d’événements et leur impact sur les cours bour-
siers, il vaut mieux avoir une théorie de l’impact de ces décisions sur la valeur. Ces
théories font partie de la théorie de la nance d’entreprise et de celle de l’économie
des organisations.
Aussi, nous ne pouvons être exhaustifs sur ces tests, à la fois à cause de leur quan-
tité impressionnante et de leur connexité avec les théories qui font par ailleurs
l’objet d’ouvrages entiers plus épais que celui-ci. Les principaux résultats sont rap-
pelés dans un premier temps, puis rapprochés du thème de l’efcience des marchés
nanciers dans un deuxième temps.
86
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
tats ont été obtenus au terme de démonstrations rigoureuses, qui ont donné lieu aux
deux plus célèbres «théorèmes» de la nance dus à Modigliani et Miller (1958).
Les résultats des tests empiriques, en matière de nancement comme en matière
de dividende, ne sont pas conformes à ces théorèmes.
En matière de nancement, les augmentations de capital sont préjudiciables aux
cours de Bourse. À l’inverse, l’annonce par une société du rachat de ses propres
actions, donc d’une réduction de ses fonds propres, s’accompagne d’une augmenta-
tion statistiquement signicative du cours de ses actions. Plus généralement, une
augmentation du levier d’endettement s’avère généralement créatrice de valeur pour
l’actionnaire.
Ces résultats sont conformes aux développements théoriques plus récents, et
s’expliquent à la fois par l’asymétrie d’information et la théorie du free cash ow.
Compte tenu de l’asymétrie d’information entre les dirigeants mieux informés et
les investisseurs extérieurs, les premiers font appel au marché et émettent de nou-
velles actions quand ils estiment celles-ci surévaluées ou lorsqu’ils craignent que les
cash ows futurs ne soient insufsants. Selon la théorie du free cash ow de Jensen
(1986), les coûts d’agence et de surveillance des dirigeants par les investisseurs
externes seront plus faibles si les ux de trésorerie excédentaires sont utilisés à
réduire les fonds propres, au lieu d’être utilisés dans des projets d’investissement
hasardeux et potentiellement destructeurs de valeur.
La décision de dividende donne lieu aux mêmes résultats empiriques; contraire-
ment au second théorème de Modigliani et Miller, une hausse non anticipée du
dividende s’accompagne en général d’une hausse des cours. Ce résultat est d’autant
plus surprenant que si la réalité devait se départir de Modigliani et Miller, on s’atten-
drait plutôt que ce soit dans l’autre sens, dans la mesure où dans la plupart des pays
les dividendes sont davantage imposés scalement que les plus-values boursières.
Or, c’est l’inverse qui se produit, justié à la fois par l’asymétrie d’information – les
dirigeants mieux informés sur les perspectives bénéciaires augmentent le divi-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
dende pour signaler au marché ces perspectives – ou par la théorie du cash ow libre
pour laquelle plus les dividendes sont élevés, plus élevé sera le niveau d’endettement
(retour à l’argument précédent).
Par ailleurs, l’économie industrielle et l’économie nancière avancent toute une
série de raisons pour lesquelles les transactions aboutissant à une modication du
contrôle et du pouvoir dans les entreprises – fusions, acquisitions, OPA, OPE, etc.
– sont créatrices de valeur. Un grand nombre d’études d’événements vérient que
c’est effectivement le cas, même si les gains de telles transactions ne sont pas éga-
lement partagés dans la mesure où ils protent essentiellement aux actionnaires des
sociétés cibles.
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
1995), les annonces de bénéces (Ball et Brown, 1968 et Bernard et Thomas, 1990),
les rachats d’actions (Ikenberry et al., 1995 et 2000, Grullon et Michaely, 2004), les
divisions d’actions (Ikenberry et al., 1996). Dans ces études, les auteurs distinguent
la période suivant immédiatement l’annonce de ces opérations, d’une période sui-
vante plus longue, ce qui permet de distinguer une rentabilité boursière à court terme
d’une rentabilité boursière à long terme.
L’objet de ces études est l’efcience des marchés à plus long terme. Si les marchés
étaient efcients à long terme, on devrait constater des rentabilités à court terme
positives (négatives) selon le critère de la création (destruction) de valeur, et des
rentabilités «anormales» à long terme nulles. En fait, ce n’est que rarement le cas.
Pour chaque paire de rentabilités boursières anormales (court terme et long terme),
on trouve des paires de même signe que les auteurs interprètent comme une sous-
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
réaction et des paires de signe opposé que les auteurs interprètent comme une sur-
réaction des cours boursiers au moment de l’annonce.
Barberis, Shleifer et Vishny (1998) et Daniel, Hirschleifer, Subramanyam (1998),
dont les modèles sont résumés dans Shleifer (2000), ont élaboré des modèles de
comportement des investisseurs correspondant à ces observations empiriques pour
les justier. C’est l’avènement de la nance comportementale (Behavioural Finance)
qui tournerait le dos à la théorie nancière classique élaborée depuis plus de qua-
rante ans sur la base de la rationalité des agents.
Comme le rappelle Fama (1998), ces résultats ne sont pas convaincants, et ceci
pour trois raisons.
D’abord, à peu près autant de surréactions que de sous-réactions sont observées
dans les études, alors que les modèles comportementaux évoqués ci-dessus modé-
lisent intelligemment soit la surréaction, soit la sous-réaction mais pas les deux en
même temps. Le modèle des marchés efcients n’aurait donc pas de modèle alter-
natif «pour toutes les saisons». Le modèle des marchés efcients offre, lui, une
réponse simple à ces contradictions dans la mesure où autant de sur que de sous-
réactions sont observées: ce ne serait que le fruit du hasard.
Aussi, et plus important, en regardant de près chacune des études précitées, Fama
montre que leurs résultats sont extrêmement sensibles à la méthodologie qu’elles
utilisent. En utilisant des modèles d’évaluation à la fois plus riches et plus réalistes
tels que ceux présentés dans le chapitre7 d’une part, et en étudiant les mêmes phé-
nomènes sur d’autres périodes d’autre part, toutes ces anomalies apparentes dispa-
raissent en ce sens que les rentabilités boursières anormales de long terme ne sont
pas signicativement différentes de zéro.
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
les gérants des SICAV et autres fonds mutuels, des compagnies d’assurance, des
fonds de pension, etc., c’est-à-dire tous ceux qui participent à l’industrie de la ges-
tion collective pour compte de tiers.
Les résultats des gestions des professionnels sont transparents et publiés pour la
plupart.
L’hypothèse, qui serait contraire à celle de l’efcience des marchés est que les
investisseurs professionnels auraient de meilleures performances que les investis-
seurs amateurs. Comme globalement l’ensemble des gestions ne peut afcher que
les performances des indices (aux coûts de transaction et d’information près), les
premiers, selon cette hypothèse auraient des performances supérieures à celles des
indices tandis que les seconds obtiendraient, si tel était le cas, des performances
inférieures.
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
Les études empiriques pour tester cette hypothèse sont innombrables. Les résultats
semblent indiquer que tel n’est pas le cas. Mais comme le thème de la mesure de
performance est au cœur de la gestion de portefeuille, il lui est consacré un chapitre
à part (chapitre13).
1 Prospect theory
1. Voir par exemple, Kahneman et Tversky (1979), Kahneman (2003) et Barberis (2013a).
Kahneman a obtenu le Prix Nobel en Sciences Economiques en 2002, après la mort de Tversky.
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
une fonction valeur (fonction d’utilité) schématique avec les gains/pertes en abscisse
et la valeur dérivée en ordonnée. Le point de référence est la richesse actuelle. La
courbe est continue, mais au point de référence la tangente à la fonction valeur a une
pente plus forte à gauche (pertes) qu’à droite (gains). On parle alors «d’aversion aux
pertes» (loss aversion) plutôt que d’aversion au risque. En fait, il s’agit d’une aver-
sion au risque très forte, du fait de la discontinuité dans la pente de la tangente.
– La fonction valeur est concave pour les gains (aversion au risque) et convexe pour
les pertes (amour du risque). Une telle forme expliquerait pourquoi les investisseurs
sont averses au risque sur leurs placements patrimoniaux mais sont prêts à jouer à
une loterie telle que le loto qui a pourtant une espérance de gain négative. Cela
expliquerait pourquoi des agents achètent simultanément une assurance et un ticket
de loterie.
– Les agents sous-évaluent les petites probabilités et surévaluent les fortes probabili-
tés. Par exemple, s’il y a 1% de chance de perdre (ou gagner), l’agent se comportera
comme s’il n’avait aucune chance de perdre (ou gagner). Et si la probabilité est de
99%, l’agent se comportera comme si le gain (ou perte) était certain.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
La prospect theory est descriptive et non pas normative. Elle tente de décrire com-
ment les individus se comportent et non pas comment ils devraient investir, comme
c’est le cas de la nance traditionnelle basée sur la maximisation de l’espérance
d’utilité. Toutefois, certains auteurs ont tenté de modéliser mathématiquement une
version simpliée de la prospect theory, en n’en gardant que quelques éléments.
Ainsi, Benartzi et Thaler (1995) justient la forte prime de risque des actions (equity
premium puzzle) par l’aversion aux pertes. Barberis et Huang (2008) proposent un
modèle de maximisation d’espérance d’utilité avec un terme additionnel d’aversion
aux pertes pour certains actifs. L’aversion aux pertes est décrite par une fonction
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
valeur du type de celle de la gure 3.8, mais avec la simplication que la fonction
consiste en deux demi-droites jointes au point de référence et avec des pentes diffé-
rentes. Ce modèle peut expliquer l’existence d’une forte prime de risque et divers
autres phénomènes, par exemple le fait que de nombreux individus n’investissent
pas dans les marchés d’actions.
1. Par exemple, vous devez vous rendre en voiture de Cergy à l’Opéra de Paris et avez choisi un
itinéraire qui s’avère fort embouteillé: vous n’êtes pas heureux. Toutefois un collègue parti en même
temps que vous a utilisé un itinéraire différent et il arrive trente minutes après vous. Votre déplaisir se
transforme en joie et votre collègue éprouve un grand regret.
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
I should have computed the historical covariance of the asset classes and drawn an ef-
cient frontier. Instead I visualized my grief if the stock market went way up and I wasn’t
in it--or if it went way down and I was completely in it. My intention was to minimize
my future regret, so I split my [pension scheme] contributions 50/50 between bonds and
equities.
Harry Markowitz, cité par Zweig, 1998, «America’s
top pension fund», Money, 27, p.114.
À partir de ce concept de regret, Loomes and Sugden (1982) et Bell (1982) ont
derivé une théorie économique du regret. C’est une théorie des choix en incertitude
qui est parcimonieuse mais néanmoins plus riche que la théorie d’utilité classique.
Dans la théorie classique, un agent ne dérive d’utilité que de sa consommation et
donc indirectement de sa richesse (fonction d’utilité indirecte). Il cherche donc à
optimiser son portefeuille et n’est concerné que par la valeur future du portefeuille
qu’il a choisi. Dans la théorie du regret l’investisseur se préoccupe aussi de la ren-
tabilité d’autres portefeuilles qu’il aurait pu choisir. Une application de la théorie du
regret peut être le benchmarking où un investisseur se préoccupe non seulement de
la rentabilité absolue de son portefeuille mais aussi de la différence de rentabilité
avec des benchmarks (indices boursiers, prix de l’immobilier, etc.).
La théorie du regret peut expliquer des choix d’allocation d’actifs tels ceux de
Markowitz 1. Elle peut aussi être une explication de l’effet «disposition». De nom-
breux auteurs, dont Odean (1998), suggèrent que les investisseurs individuels
tendent à vendre les titres qui ont bien performé (winners) mais conservent les titres
qui sont perdants (losers). Cet effet disposition a été vérié dans de nombreux pays
dont la France (Broihanne, Merli et Boolel-Gunesh 2008). Une explication plausible
est basée sur le concept de dissonance cognitive. Tant que l’individu ne vend pas ses
titres perdants, il ne reconnaît pas vraiment la perte et le regret d’avoir choisi ces
titres.
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3 Comptabilité mentale
1. Voir aussi Michenaud et Solnik (2008) pour l’inuence du regret sur la décision de couverture de
change.
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
L’ESSENTIEL
•Les économistes nanciers croient à l’efcience des marchés ne serait-ce parce
que ce sont des institutions et des mécanismes qui transmettent avec succès,
c’est-à-dire très rapidement, les informations pertinentes aux actifs nanciers
cotés. De plus, la création de plateformes de trading électronique et l’expansion
rapide du trading à haute fréquence ont favorisé l’incorporation immédiate des
informations dans les prix de titres nanciers.
•Cependant, un certain nombre d’économistes ont remis en question ce para-
digme sur la base d’éléments psychologiques et comportementaux et ont avancé
le fait que les cours boursiers sont en partie prévisibles en se servant judicieuse-
ment de certaines variables de valorisation fondamentale. Les tenants de cette
thèse soulignent que les activités d’arbitrage d’investisseurs rationnels sont dif-
ciles, voire impossibles à exécuter, ou dans certains cas, tellement risquées
qu’elles sont forcément limitées.
• Ces critiques de l’efcience des marchés sont loin d’être convaincantes.
Certaines des anomalies rencontrées peuvent avoir des explications rationnelles;
d’autres ne sont que fallacieuses. Aucune n’est systématique au cours du temps
et il n’existe que peu de preuves que des investisseurs rationnels peuvent exploi-
ter de telles anomalies de manière protable et systématique.
•Par ailleurs, la plupart de ces anomalies ont disparu avec le temps après que leur
existence a été identiée et utilisée. C’est bien la manifestation de l’efcience
des marchés qui incorpore avec le temps ces nouvelles «informations» concer-
nant des anomalies du passé.
•Le message principal de ce chapitre, ainsi que de l’ensemble de cet ouvrage, est
que les marchés nanciers sont proches de l’efcience. Il convient d’en tenir
compte lors de la conception d’une stratégie rationnelle d’investissement, et cela
d’autant plus que le marché est désormais dominé par des investisseurs institu-
tionnels, domestiques et étrangers, tous en forte concurrence. Rares sont ceux qui
prétendent que les marchés sont totalement efcients et que les prix reètent
exactement toutes les informations disponibles. Mais l’efcience des marchés
nanciers est telle qu’elle enseigne la modestie aux investisseurs. L’objectif de la
majorité des investisseurs est de détecter des déviations par rapport à l’efcience
par le biais de «meilleures» prévisions que celles des autres investisseurs, mais
il semble prioritaire de d’abord structurer son portefeuille sur la base du précepte
d’efcience, avant de jouer, à la marge, sur des prévisions différentes de celles
du marché.
La suite de cet ouvrage va donc développer l’étude du comportement des cours
et de la gestion de portefeuille dans le cadre des marchés efcients.
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Chapitre
Risque,
diversification et
4 frontière efficiente
SOMMAIRE
Section1 Rentabilité, risque et diversification
Section2 La frontière efficiente
Section3 Value at Risk et autres mesures du risque
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
Section
1 RENTABILITÉ, RISQUE ET DIVERSIFICATION
1 La rentabilité
100
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
2 Le risque
101
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
avec précision. Il pourra s’étager entre – 100 % (perte totale) et un pourcentage très
élevé, éventuellement. Le premier investissement, de par la faible variabilité de son
taux de rentabilité, peut être déni comme relativement peu risqué, au contraire du
second dont le taux de rentabilité peut être très variable.
Ainsi, on peut assimiler le risque d’un investissement à la dispersion ou variabilité
de sa rentabilité1 autour de la valeur anticipée. Bien que l’on puisse concevoir
diverses méthodes pour calculer et mesurer la variabilité d’une série statistique
(comme une série de cours passés, par exemple), la mesure de la variabilité la plus
utilisée est l’écart-type (ou identiquement son carré: la variance).
La variabilité d’une action sur une période déterminée est donnée par l’écart-type
de la série des taux de rentabilité de cette action sur un nombre de sous-périodes à
dénir. Ainsi, la variance de la rentabilité d’une action sur un an peut être calculée
à partir des observations passées des 52 taux de rentabilité hebdomadaires.
Statistiquement, la variance d’une série de taux de rentabilité passés est dénie
comme la moyenne des carrés des écarts entre ces taux de rentabilité et le taux de
rentabilité moyen.
Pour illustrer le concept de variabilité mesuré par l’écart-type, prenons l’exemple
schématique d’une action dont les quatre taux de rentabilité trimestriels sur la der-
nière année auraient été ceux qui sont indiqués dans la deuxième colonne du tableau
4.1.
Deuxième trimestre + 10 % 7% 49
R=3% 166
1. En toute rigueur, la variabilité, du fait de la symétrie des écarts par rapport à une tendance, est à
la fois une mesure de risque (écart en baisse) et de rentabilité (écart en hausse). Mais dans la mesure
où les distributions des taux de rentabilité sont symétriques, la variance ou l’écart-type des taux de
rentabilité constituent une bonne mesure de la variabilité potentielle et donc du risque.
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
■■ Loi normale
L’assimilation des concepts de rentabilité et de risque au couple moyenne-variance
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suppose que la distribution du taux de rentabilité suive une loi normale (Laplace-
Gauss), laquelle possède des propriétés très utiles. En effet, si une série de taux de
rentabilité suit une loi normale, et ceci quelle que soit la durée servant à calculer les
taux, la répartition de ces taux autour de la moyenne est symétrique et ne dépend que
de l’écart-type comme l’indique la gure 4.1. Dans ce cas, 38,3 % de ces taux
s’écartent de la moyenne de moins de la moitié de l’écart-type, à peu près 2/3 des
observations sont à un écart-type autour de la moyenne et plus de 95% des obser-
vations sont compris entre deux écarts-types autour de la moyenne. Ces propriétés
de la loi normale sont illustrées sur la gure4.1.
103
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
38,3 %
15,0 15,0
9,2 9,2
4,4 4,4
1,7 1,7
0,5 0,5
0,2 0,2
0,003 0,003
0,00003 0,00003
–5 –4 –3 –2 – 1– 1 1 11 1 2 2 1 3 4 5
2 2 2 2
Écart -type par rapport à la moyenne
3 La diversification
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
105
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
pente positive, comme sur la gure 4.2a. L’axe des abcisses correspond aux taux de
rentabilité du titre A et l’axe des ordonnées à ceux du titre B pour une même période
de mesure. Si celle-ci correspond à la semaine, chaque point de la diagonale repré-
sente une paire d’observations hebdomadaires des taux de rentabilité des titres A et
B pour cette semaine particulière.
Quel est l’effet sur le risque lorsque les deux titres sont combinés dans un même
portefeuille? Puisque par construction ρAB = + 1, le risque du portefeuille devient:
σp 2 = xA 2 . σA 2 + xB2 . σB2 + 2 xA x B σA σ B
soit: σp 2 = (xA σ A + xB σ B)2
σp =xA σ A + xB σB
Ainsi, lorsque les taux de rentabilité de deux titres sont parfaitement corrélés, le
risque de leur combinaison en un portefeuille mesuré par l’écart-type des taux de
rentabilité du portefeuille est simplement la moyenne arithmétique des risques des
titres individuels qui le composent, en utilisant comme pondération les valeurs de
marché respectives des deux titres.
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
Rentab ilité
de l’action A
Rentabilité
de l’ac t i o n A
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
car la variabilité reste la même que si l’on s’était concentré sur l’une des deux
actions.
Une corrélation parfaite existe rarement dans la réalité. Considérons par exemple
deux sociétés européennes du même secteur industriel, leur corrélation est inférieure
à un car elles sont en concurrence. Même si elles sont toutes les deux portées par la
croissance du même secteur, toute part de marché de l’une est, en partie, acquise aux
dépens de l’autre. Par ailleurs des facteurs spéciques (qualité du management, de
la politique de marketing et de l’innovation, différence de coûts, mouvements
sociaux…) affectent chacune d’entre elles différemment. Les cours de deux actions
seront d’autant moins corrélés que ces actions appartiennent à des régions géogra-
phiques et à des secteurs différents.
Cours Cours
Temps Temps
Supposons maintenant que les deux actions sont parfaitement mais négativement
corrélées entre elles, comme sur la gure4.4. Lorsque le cours de l’une monte, le
cours de l’autre descend et vice-versa. Lorsqu’on combine ces deux titres dans un
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portefeuille, la variabilité est réduite. On peut même trouver une proportion d’inves-
tissement dans chaque action qui annule totalement la variance du portefeuille.
Des corrélations très négatives peuvent être créées par des arbitrages. Par exemple,
on peut envisager un portefeuille acheteur à terme d’une mine d’or A et vendeur à
terme d’une mine d’or B. La motivation d’une telle stratégie est que la mine A est
bien «meilleure» que la mine B.En cas de uctuation du cours de l’or, la position
«longue» (acheteur) sur la mine A aura une rentabilité de signe opposé à la renta-
bilité sur la position «short» (vendeur) sur la mine B.Toutefois, la corrélation ne
sera pas parfaitement négative car les deux sociétés ne sont pas vraiment identiques.
Dans la pratique, la seule façon de créer un portefeuille de deux titres avec une cor-
rélation égale à – 1 est d’être simultanément acheteur et vendeur du même titre.
Mais la rentabilité du portefeuille résultant ne sera pas positive car seul le broker
s’enrichira!
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
Section
2 LA FRONTIÈRE EFFICIENTE
Risque (σ)
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
2 Frontière efficiente
Rentabilité B
Rentabilité espérée
espérée
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4
3
1
A
2
111
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
qu’il n’y a pas de ventes à découvert sur les titres et donc que la proportion du por-
tefeuille investie dans un titre ne peut pas être négative. Toutefois, cette frontière
efciente peut être calculée sous différentes contraintes de placement, avec possibi-
lité de vente à découvert, de contrainte minimale ou maximale sur certains titres ou
groupe de titres, etc.
Les portefeuilles efcients sont tels qu’ils minimisent le risque pour un niveau de
rentabilité espérée donné. Mathématiquement, cela correspond à choisir les propor-
tions x qui minimisent la variance du portefeuille sous contraintes:
N
min = ∑ ∑ x ix j σij
x i=1 j
sous les contraintes: N
∑ xi = 1
i=1
112
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
plus de 125 000 termes de risque. Si on peut envisager qu’un département d’analyse
nancière puisse formuler des anticipations sur la rentabilité d’une centaine de
titres, l’estimation de 5000 variances et corrélation est forcément basée sur le passé.
Or, l’optimisation moyenne-variance est fort sensible à une faible variation des para-
mètres qui sont rentrés. Par ailleurs, la programmation quadratique rencontre des
problèmes de convergence algorithmique lorsque le nombre de termes est trop élevé.
Ainsi, pour mieux saisir la relation entre un grand nombre de titres, les praticiens
se concentrent sur les principaux facteurs qui affectent le cours de tous les titres.
Cette approche multi-facteurs, qui réduit grandement le nombre de termes de risque
à estimer, est présentée dans le chapitre suivant.
L’optimisation moyenne-variance est surtout utilisée pour l’allocation d’actifs
(asset allocation). Les différents placements sont généralement répartis en classes
d’actifs. Une classe d’actifs comprend des placements relativement homogènes qui
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
ont tendance à avoir des cours inuencés par les mêmes facteurs. Des exemples de
classe d’actifs peuvent être:
– actions françaises;
– actions européennes;
– actions japonaises;
– actions américaines;
– obligations gouvernementales en euro;
– obligations du Trésor américain.
Chaque classe d’actifs sera résumée par un indice ou benchmark spécique. Il
convient de formuler des prévisions sur chaque classe d’actifs et d’estimer leurs
différentes covariances, en tenant compte éventuellement de différents scénarios
économiques. L’optimisation moyenne-variance permet alors de déterminer une
politique de répartition internationale optimale des actifs. Nous reviendrons sur
l’application de l’approche moyenne-variance à l’optimisation de la politique de
placement internationale au chapitre14.
En pratique, les termes de variance et de covariance peuvent être estimés d’une
multitude de façons différentes. La manière la plus simple est de calculer, comme
indiqué dans la section1 de ce chapitre, un estimateur historique basé sur un échan-
tillon de taux de rentabilité passés. An de réduire l’effet des erreurs d’estimation,
Ledoit et Wolf (2004) proposent d’utiliser un estimateur shrinkage qui va atténuer
les valeurs extrêmes (qui sont souvent le fruit de grossières erreurs d’estimation).
Une approche alternative est d’utiliser un modèle économétrique de type GARCH
(Generalized Autoregressive Conditional Heteroscedasticity) qui modélise de
manière dynamique la matrice de variance-covariance des taux de rentabilité.
Lorsque le nombre d’actifs est grand, des stratégies d’estimation ont été proposées
par Engle (2002) et Engle et Kelly (2008). Alternativement, les termes de volatilité
peuvent être extraits à partir de prix d’options, comme indiqué au chapitre11.
3.2 Limitations
De nombreuses critiques ont été adressées à ce modèle d’optimisation.
Comme nous l’avons indiqué plus haut, les résultats de l’optimisation moyenne-
variance sont très sensibles aux paramètres de rentabilité et de risque qui sont pris
en compte. Comme le rappelle Michaud (1989, 1998), une faible variation de renta-
bilité espérée d’un des actifs considéré peut considérablement affecter la composi-
tion des portefeuilles efcients. Étant donné que les prévisions de rentabilité sont
assez aléatoires, cette forte sensibilité de l’optimisation moyenne-variance rend son
utilisation pratique délicate.
D’aucuns utilisent la rentabilité passée, estimée sur longue période (par exemple
les dix dernières années) au lieu de la rentabilité anticipée. Ceci permet d’intéres-
santes analyses sur le passé. On peut ainsi voir, ex post, quelles auraient été les
114
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
meilleures stratégies de placement sur une période donnée. S’il est possible de déri-
ver du passé certaines conclusions opérationnelles pour le futur, il serait néanmoins
dangereux de postuler que les rentabilités passées vont se répéter exactement. Un
titre ou classe d’actifs qui a eu une «chance» exceptionnelle dans le passé a peu de
raisons de voir ce même événement heureux se reproduire dans le futur. Une utili-
sation automatique et exclusive de données passées pour élaborer une politique de
placement future est critiquable.
Différentes méthodes ont été proposées pour améliorer l’approche moyenne-
variance. Il s’agit d’une approche de révision bayesienne des prévisions de rentabi-
lité. Black et Litterman (1992) basent leur approche de l’optimisation de l’allocation
d’actifs sur une vision « neutre » de l’allocation. Ils postulent qu’en l’absence
d’information un investisseur devrait détenir un portefeuille passif correspondant au
portefeuille de marché (voir aussi chapitre6). Les proportions investies dans chaque
actif devraient donc correspondre aux capitalisations boursières relatives. Connaissant
les capitalisations et la matrice de covariance estimée, ils en déduisent les espé-
rances de rentabilité implicites qui seraient cohérentes avec un marché en équilibre.
Si un investisseur a des idées personnelles sur la rentabilité future de certains actifs,
il peut dévier de ces proportions «neutres» en révisant les prévisions de rentabilité
implicites prises comme point de départ. Dans le même état d’esprit, Grinold (1999)
propose de se concentrer sur les déviations par rapport à un benchmark présélec-
tionné. Supposons qu’un investisseur français se xe comme objectif de battre
l’indice CAC 40. Le risque et les prévisions de rentabilité seront alors mesurés par
rapport à ce benchmark, qui constitue le portefeuille «neutre» en l’absence d’infor-
mations particulières. Nous reviendrons sur l’importance des benchmarks dans les
chapitres suivants.
Les problèmes inhérents d’estimation des rentabilités espérées ont incité les ges-
tionnaires de portefeuilles à développer des méthodes qui ne requièrent pas ce para-
mètre. Un exemple célèbre est le portefeuille à variance minimale dont la composi-
tion ne dépend pas des rentabilités espérées. Au niveau graphique, le portefeuille à
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variance minimale correspond au portefeuille qui est le plus à gauche sur la frontière
efciente (voir gure 4.8). Dans le cas de deux actifs risqués A et B, la valeur mini-
mum de la volatilité du portefeuille (σP) est obtenue en égalisant à zéro la dérivée
première de σP par rapport à xA , la part du portefeuille investie dans le titreA:
115
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
Rentabilité
espérée B
Risque (s)
min
Section
3 VALUE AT RISK ET AUTRES MESURES DU RISQUE
L’écart-type (ou son carré la variance) est une mesure du risque très simple qui se
prête bien à la modélisation. Comme nous l’avons indiqué plus haut, son utilisation
est parfaitement justiée si les rentabilités suivent une loi de distribution normale.
Dans ce cas la distribution est symétrique, c’est-à-dire que la probabilité de réaliser
une rentabilité supérieure de x % à la rentabilité espérée est identique à la probabilité
de réaliser une rentabilité inférieure de x % à cette rentabilité espérée. Par ailleurs,
toute la distribution de rentabilité est connue dès que l’on connaît son espérance et
son écart-type. Certains considèrent que, dans la pratique, les distributions de taux
de rentabilité ont des «queues épaisses» (c’est-à-dire que la probabilité d’un mou-
vement extrême est plus élevée qu’indiqué par la loi normale) et que les distributions
sont asymétriques (c’est-à-dire que les probabilités de hausse et de baisse sont dif-
férentes). Il est difcile de modéliser de telles lois de distribution et notamment pour
116
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
La Value at Risk (VaR)1 suit une démarche inverse de la précédente. Plutôt que de
mesurer la probabilité de perdre un montant xé a priori, VaR mesure combien peut
être perdu avec une probabilité xée a priori (par exemple 5%). La deuxième dif-
férence de l’approche VaR par rapport à l’approche moyenne-variance est qu’elle
mesure la perte en capital (par exemple en euros) plutôt qu’en pourcentage. C’est-
à-dire que le taux de rentabilité, utilisé précédemment, est multiplié par le montant
117
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
investi pour calculer un gain ou une perte en capital. Il ne s’agit que d’une différence
dans la présentation des résultats.
Cette approche a connu un grand succès, car elle est utilisée par toutes les banques
pour évaluer leur risque global, conformément aux accords de Bâle sur le capital des
banques. Par ailleurs elle est présentée en termes simples, et donc plus compréhen-
sibles par le non-initié que les dénitions statistiques généralement employées dans
cet ouvrage. Toutefois, cette apparente simplicité conduit souvent à des erreurs
d’interprétation.
La VaR est également fréquemment utilisée par les gestionnaires de fonds d’inves-
tissement ou de fonds spéculatifs an de quantier le niveau de risque de marché de
leurs fonds.
118
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
Probabilité
5%
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–6 –4 –2 0 2 4 6
– 1,645
119
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
sT = T ⋅ s1
E(RT ) = T. E(R1)
On voit que le risque de perte croit moins vite que l’espérance de gain. Toutefois,
l’espérance de gain anticipée sur une journée est très faible par rapport à son écart-
type. Aussi, la VaR augmente avec T pour les horizons habituellement utilisés pour
le calcul de la VaR.
Des applications de la VaR sont détaillées dans le chapitre 15.
120
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
L’ESSENTIEL
•La quantication du risque est un préalable nécessaire à sa gestion. L’analyse
moyenne-variance offre un cadre conceptuel et opérationnel indispensable.
L’écart-type est une mesure simple et opérationnelle de la rentabilité d’un place-
ment. Il permet de mesurer l’incidence de la diversication sur le risque d’un
portefeuille. Le bénéce de la diversication dépend grandement de la corréla-
tion entre différents placements.
•L’optimisation moyenne-variance de Markowitz permet d’élaborer des straté-
gies de placement optimales. Toutefois ce modèle souffre de deux problèmes. Il
n’est pas opérationnel lorsqu’on considère un grand nombre de placements.
L’analyse de titres individuels tels que des actions ou des obligations nécessite
des outils d’analyse du risque particuliers. C’est ce que nous verrons dans des
chapitres suivants. Par ailleurs, ce modèle d’optimisation est très sensible à des
variations dans la valeur des inputs utilisés, et surtout les prévisions de rentabi-
lité.
•D’autres mesures du risque ont été proposées (shortfall risk) pour remédier à
l’hypothèse de normalité (loi de distribution de Laplace Gauss) sur laquelle
repose l’analyse moyenne-variance. À l’usage, ces mesures s’avèrent peu opéra-
tionnelles. L’analyse moyenne-variance reste un cadre simple et opérationnel
privilégié par les professionnels. Toutefois, l’analyse détaillée d’instruments
spéciques (actions, obligations, options…) requiert le développement d’outils
plus spéciques.
•L’analyse Value at Risk (VaR) connaît un grand succès, notamment pour l’ana-
lyse du risque global d’une institution nancière comme cela est évoqué en détail
au chapitre15. Elle traduit l’incidence sur les capitaux d’une institution du risque
de ses actifs ou passifs. Il s’agit surtout de traduire en termes monétaires l’ana-
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Chapitre
Les modèles
5 à facteurs
SOMMAIRE
Section1 Le modèle de marché
Section2 Les modèles à plusieurs facteurs
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
Section
1 LE MODÈLE DE MARCHÉ
1 Présentation du modèle
124
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
R it = ai + bi R mt + eit
Variation
du titre %
Pente = 1,35
15 %
10 %
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5%
1
2 2
5% 10 % 15 % Variation
2
du marché %
2
3 2
2
3
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
R it
Rmt
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
Automobiles et
RENAULT 17 814 0,469 1,350 0,576 0,305
équipementiers
Ingénierie
VALLOUREC 6 376 0,444 1,187 0,466 0,325
industrielle
Bâtiments et
SAINT GOBAIN 20 830 0,426 1,391 0,696 0,235
construction
Ingénierie
ALSTOM 8 316 0,424 1,255 0,570 0,278
industrielle
Automobiles et
MICHELIN 15 322 0,400 1,137 0,526 0,276
équipementiers
STMICROELECTRONICS Technologie 6 411 0,397 1,006 0,419 0,302
Bâtiments et
LAFARGE 15 253 0,394 1,198 0,603 0,248
construction
SCHNEIDER ELECTRIC Électronique 36 427 0,386 1,265 0,700 0,212
Aéronautique
EADS Espace 36 483 0,382 0,904 0,365 0,304
Armement
VEOLIA Services aux
6 962 0,381 0,945 0,401 0,295
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ENVIRONNEMENT collectivités
BOUYGUES Banques 8 553 0,379 1,119 0,569 0,249
Aérospatiale et
SAFRAN 18 603 0,375 0,840 0,327 0,308
Défense
Services
CAP GEMINI 7 167 0,372 1,036 0,505 0,262
informatiques
Voyages et
ACCOR 7 018 0,364 1,019 0,511 0,255
loisirs
Distributeurs
KERING 21 823 0,361 1,037 0,539 0,245
généralistes
GEMALTO Électronique 7 299 0,350 0,712 0,269 0,299
Bâtiments et
VINCI 25 605 0,347 1,187 0,762 0,169
construction
Services aux
GDF SUEZ 44 721 0,331 0,942 0,528 0,227
collectivités
127
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
Risque
Classification Capitalisation Risque
Entreprise Beta R2 spéci-
sectorielle boursière total
fique
Distribution -
CARREFOUR 18 686 0,328 0,889 0,477 0,238
Alimentation
LEGRAND Électronique 11 061 0,319 0,866 0,481 0,230
Médias et
VIVENDI 22 990 0,279 0,806 0,543 0,189
publicité
TOTAL Pétrole & Gaz 101 938 0,275 0,920 0,728 0,144
Médias et
PUBLICIS GROUPE 12 870 0,270 0,712 0,451 0,200
publicité
SANOFI Santé 99 928 0,265 0,702 0,457 0,195
Produits de soin
L’OREAL 78 047 0,256 0,705 0,494 0,182
personnel
Télécom-
ORANGE 23 233 0,255 0,664 0,442 0,190
munications
128
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
Rit Rit
R mt Rmt
Epsilon est une variable aléatoire résiduelle; son écart-type constitue une mesure
de risque spécique. Pour reprendre l’exemple de Renault et de la gure 5.1, si le
cours du titre suivait exactement le marché (au coefcient de volatilité près), tous les
points seraient parfaitement alignés sur la droite de régression. La dispersion autour
de cette droite donne donc une mesure de la variabilité propre.
Les statisticiens ont un autre outil qui permet de déterminer dans quelle mesure les
observations divergent de la droite de régression: c’est le coefcient de détermination.
Le coefcient de détermination R2 est le carré du coefcient de corrélation entre
l’action i et le marché. Il peut prendre toute valeur entre 0 et 100 % et indiquer dans
quelle mesure les variations des actions sont expliquées par les variations du marché.
Un coefcient de détermination de 100 % signierait que toutes les observations sont
sur la droite de régression, ce qui voudrait dire que les variations de l’action sont inté-
gralement et exclusivement expliquées par les variations du marché.
Pour Renault, par exemple, 55 % du risque lié à cette valeur est dû à sa relation de
dépendance directe avec le marché (volatilité) et 45 % est expliqué par des caracté-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
ristiques propres au titre (risque spécique). Comme nous le voyons dans le tableau
5.1, la part de risque de marché est en moyenne de l’ordre de 50% pour les valeurs
françaises (le R2 moyen est de 51,5 % pour les rmes du CAC 40), comme pour les
valeurs américaines ou les valeurs britanniques. Le même phénomène d’interdépen-
dance apparaît donc sur toutes les Bourses mondiales.
Si l’on utilise la dénition de la rentabilité de l’action telle qu’elle est donnée par
le modèle de marché, les risques systématique et non systématique (ou spécique)
sont égaux aux écarts-types (variabilités) de chacune des composantes de la rentabi-
lité.
Le risque systématique d’une action est égal à bêta fois l’écart-type du taux de
rentabilité du marché:
Risque systématique: b i . sm
129
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
Action 1
Action 2
Action 1 Action 2
l
Risque tota Risque tal
ue ue to
systématique
Risq systématique
Risq
130
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
Rj%
Rentabilité
de la valeur
15 % Droite de régression
ou droite caractéristique σ
10 %
β = pente
4%
} α Rm %
5% 10 % Rentabilité
du marché
La gure 5.7 représente les variations des taux de rentabilité d’un portefeuille
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
131
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
Rentabilité
du portefeuille
(%)
15 % Pente = 0,97
10 %
5%
2 2
2 3
43
4
2 2 2
3
5% 10 % 15 % Rentabilité
3 du marché (%)
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
N
où 1 et
βp = ----∑ βi
N
N i=1
2 1 2
sε = ----2 ∑ sε , risque spécique du portefeuille.
P N i
i=1
2
Soit σε la valeur moyenne des risques individuels de chaque titre:
N 2
2 1 1 2
σ εp = ------ ∑ σ εi = ---- σε
N i=1
2 N
Le rapport tend vers 0 quand N devient grand.
133
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
Risque %
Risque %
100 États-Unis
100 France
90
90
80 80
70 70
60 60
50 50
43,8
40 40
34,5 32,67
30 30
27
20 20
10 Nombre d'actions 10 Nombre d'actions
1 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 1 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
134
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
3 Utilisations pratiques
ler leur performance et pour discuter d’une stratégie de placement avec ses clients.
Les objectifs de risque sont xés à deux niveaux dans le cadre du modèle de mar-
ché:
– niveau de risque relatif au marché (bêta). On décide par exemple d’adopter une
stratégie agressive en xant un bêta de 1,25 c’est-à-dire visant à amplier de 25%
les mouvements du marché;
– niveau de risque spécique. Le gérant va chercher à sélectionner des titres qui sur-
performent le marché. Ce faisant, son portefeuille ne sera pas parfaitement diversié
et subira un risque spécique (se) non négligeable. Le montant de risque spécique
qui est accepté dans le cadre de cette recherche de performance est souvent appelé
tracking error ou active risk et se mesure par l’écart-type de l’epsilon du
portefeuille.
135
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
10
5
0
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
137
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
une période donnée, mais a peu de chance de se reproduire dans le futur. Ainsi,
Blume (1975) a constaté que les bêtas avaient tendance à retourner vers la moyenne,
c’est-à-dire vers un. Par exemple, si le bêta d’une société a été estimé à deux sur l’an
passé, il est probable qu’il sera compris entre deux et un l’année suivante. Une
méthode d’ajustement Bayesien permet d’améliorer l’estimation du bêta futur.
Il est également possible d’utiliser des données «fondamentales» sur l’entreprise
pour améliorer l’estimation des bêtas et leur stabilité. Ainsi, l’analyste nancier peut
contribuer à afner l’estimation du risque futur d’un titre.
Toutefois le problème fondamental du modèle de marché est qu’il tente de résu-
mer en un seul facteur, identique pour tous les titres, une réalité bien plus complexe.
Le facteur de marché n’est pas l’unique facteur inuençant simultanément un
ensemble de titres boursiers. La séparation simplement en deux facteurs d’inuence,
le marché et des facteurs purement spéciques au titre concerné, peut sembler une
simplication exagérée de la réalité1 .
D’ailleurs, ce facteur de marché n’explique qu’environ 20 à 50% des variations
de cours de chaque titre (cf. tableau 5.1). D’autres facteurs inuencent périodique-
ment l’évolution du cours d’un ensemble de titres. Ainsi, certains mois, les titres à
haut rendement (c’est-à-dire versant un dividende élevé) semblent exhiber une meil-
leure performance que les titres à faible rendement; d’autres mois c’est l’inverse.
De même, certains titres semblent être plus sensibles aux mouvements de taux
d’intérêt que d’autres et ce quelle que soit l’évolution du marché. Bien que la notion
de secteur d’activité soit oue pour certaines entreprises diversiées, il n’empêche
que les cours des sociétés appartenant à une industrie spécique ont tendance à être
inuencés par des causes communes. Ainsi, le cours des sociétés pétrolières tend à
subir l’évolution du cours du pétrole, les cours des sociétés liées à l’Internet
subissent les aléas des modes d’évaluation de ce genre de titres. Dès lors, on peut
vouloir décrire le comportement du cours d’un titre par un modèle à plusieurs fac-
teurs. Un tel modèle descriptif postule que le taux de rentabilité d’un titre est
inuencé par plusieurs facteurs communs; chaque titre pouvant avoir une sensibilité
différente à chacun des facteurs. Ainsi, il n’existe pas seulement un seul facteur
commun, le marché, mais plusieurs facteurs tels: le marché, le taux d’intérêt, le
rendement…
1. Cette critique a été reprise par Fama et French (1992) en se concentrant sur l’explication des
différences de rentabilité des titres en coupe instantanée.
138
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
Section
2 LES MODÈLES À PLUSIEURS FACTEURS
Un modèle à plusieurs facteurs peut s’écrire sous la forme:
Rit =αi + β1i f1t + β2i f2t +… + βki fkt +eit
où f1t à f kt sont les k facteurs (le premier pouvant être le facteur de marché) et les
constantesβ 1i àβki sont les sensibilités du titre i à chaque facteur. Comme précédem-
ment, ai est une constante spécique au titre i eteit est un terme spécique au titre i,
différent pour chaque observation t mais de moyenne nulle.
Ce modèle est donc une extension du modèle de marché avec maintenant k+1
sources de risque correspondant aux k+1 termes aléatoires (fonction de t), f1, f2, ...,
fk. Les nanciers utilisent parfois le terme «exposition» pour désigner la sensibilité
à chaque facteur (bêta).
Dans la pratique, trois types différents de modèles à facteurs ont été proposés que nous
passerons successivement en revue en terminant par celui le plus couramment utilisé.
1 Facteurs statistiques
En utilisant une base de données historiques sur les rentabilités boursières d’un
grand nombre de titres, il est possible d’«extraire» des facteurs par des méthodes
purement économétriques. On utilise généralement des méthodes statistiques
connues sous le nom d’analyse factorielle ou d’analyse en composantes principales
pour estimer un petit nombre de facteurs qui offrent la meilleure explication des
rentabilités passées de l’univers de titres (voir Goyal, Pérignon et Villa, 2008). Le
modèle statistique estime simultanément les facteurs eux-mêmes et les sensibilités de
chaque titre à ces facteurs. Ces facteurs statistiques souffrent de plusieurs problèmes.
Ils sont très difciles à interpréter car ce sont simplement des concepts statistiques
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
2 Facteurs macroéconomiques
Une autre approche consiste à postuler les facteurs a priori comme sources de
risque communes à toutes les sociétés. Cela conduit à privilégier deux types de fac-
teurs. Il s’agit d’une part de variables économiques qui affectent l’activité de toutes
139
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
les entreprises. Il s’agit d’autre part de variables qui affectent le comportement des
investisseurs dans ces sociétés et donc les règles de valorisation des sociétés sur le
marché nancier. On utilise généralement le terme «macroéconomique» pour dési-
gner ces facteurs.
Le choix des facteurs macroéconomiques à prendre en compte est un art tout
autant qu’une science. Ces facteurs doivent être des candidats logiques dont l’inter-
prétation économique est claire, robustes au cours du temps, et pouvant expliquer
une part importante des uctuations des cours boursiers des titres. Certaines
variables économiques sont des candidats potentiels comme facteur mais souffrent
du problème rédhibitoire de ne pouvoir être mesurées avec précision et d’une
manière instantanée. Par exemple, l’évolution de l’indicateur de la production indus-
trielle est un candidat logique, mais il est très difcile d’obtenir une mesure précise,
able et instantanée de cet indicateur. Or, c’est la variation de cours d’un titre de la
semaine ou du mois en cours qu’il convient d’expliquer. Il faut donc trouver des
indicateurs qui peuvent être mis à jour très rapidement.
Burmeister, Roll et Ross (1994) proposent un ensemble de cinq facteurs 1. Un
modèle pour les actions américaines basé sur des données mensuelles utilise les cinq
facteurs suivants, dont nous conserverons le nom en anglais an d’éviter le risque de
mauvaise interprétation:
– condence factor (f1). Ce facteur est mesuré par la différence de rentabilité observée
entre les obligations émises par les entreprises (Corporates) et les emprunts d’État
(Treasuries). Le taux d’intérêt sur les emprunts d’entreprises est plus élevé que sur
les emprunts d’État; la différence est une prime de risque de défaut (default risk
premium) car les investisseurs demandent un taux de rendement supérieur pour
compenser le risque de défaut. Une réduction de cette prime de risque de défaut est
le signe que les investisseurs ont davantage conance dans l’économie et engendre
techniquement une rentabilité supérieure sur les emprunts d’entreprises2. Ainsi, ce
facteur traduit la conance des opérateurs de marché à investir dans des placements
à risque. La plupart des actions ont une exposition positive à ce facteur de conance
(b 1 > 0) et donc leur prix a tendance à augmenter lorsque le facteur de conance est
positif sur la période (f1 >0). Toutefois, certains titres sont beaucoup plus sensibles
que d’autres. Cela dépend notamment du secteur d’activité;
– time horizon factor (f2 ). Ce facteur est mesuré par la différence entre la rentabilité
observée sur une obligation d’État à 20 ans et un bon du Trésor à un mois. Le taux
d’intérêt sur une obligation à long terme (20 ans) est généralement, mais pas tou-
jours, supérieur à celui sur une obligation à court terme (un mois). Cela correspond
à une prime de liquidité suggérant que les investisseurs demandent un taux de ren-
dement plus élevé pour détenir des investissements à long terme. Une réduction de
1. Chen, Roll et Ross (1986) avaient introduit cette approche en proposant quatre facteurs.
2. Comme on le verra plus tard, une baisse du taux de rendement requis par le marché se traduit par
une hausse des cours des anciennes obligations qui payent contractuellement un taux de coupon xé
lors de l’émission de l’emprunt.
140
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
cette prime de liquidité va favoriser la rentabilité observée sur les obligations à long
terme par rapport à celle sur les bons à court terme (f2 >0). Ainsi, ce facteur horizon
traduit le désir des opérateurs de marché à investir à long terme. Les sociétés de
croissance, qui ont peu de bénéces immédiats mais prévoient de générer de gros
bénéces dans le futur, sont plus exposées à ce facteur horizon (fort b 2) que les
sociétés de rendement ;
– ination factor (f 3). Ce facteur est mesuré par la différence entre le taux d’ination
observé pour le mois et sa valeur anticipée le mois précédent en utilisant un modèle
économétrique de prévision de l’ination. Une augmentation non anticipée de l’in-
ation (f3 >0) a tendance à avoir une inuence défavorable sur la plupart des titres
qui ont une exposition négative au risque d’ination (b3 < 0). Les sociétés du secteur
du luxe ont tendance à être très sensibles à ce facteur, alors que les secteurs de l’ali-
mentaire ou des biens de grande consommation sont moins sensibles. Les sociétés
foncières tirent prot d’une hausse de l’ination;
– business cycle factor (f 4 ). Ce facteur est mesuré par la variation mensuelle d’un
indicateur du cycle des affaires (niveau d’activité des entreprises). Une augmenta-
tion de la croissance économique (f4 >0) a tendance à favoriser toutes les sociétés
(b4 > 0), mais certains secteurs (commerce, etc.) sont beaucoup plus sensibles à ce
risque cyclique car leur activité (ventes) suit les aléas de la conjoncture;
– market timing factor (f 5). Ce facteur est mesuré par la partie de la rentabilité de
l’indice S&P 500 qui n’est pas expliquée par les quatre facteurs précédents. Ce fac-
teur représente les mouvements globaux de marché qui ne sont pas déjà pris en
compte par les quatre facteurs macroéconomiques. La plupart des titres ont une
sensibilité positive à ce facteur (f 5 > 0). Ce facteur fait le lien avec le modèle de
marché. Il n’y aurait pas besoin de ce facteur de marché résiduel si tous les facteurs
macroéconomiques pertinents avaient été pris en compte.
Des modèles à facteurs macroéconomiques ont également été proposés pour les
marchés européens et asiatiques, ainsi que pour des portefeuilles diversiés interna-
tionalement. Les critiques adressées à cette approche sont de trois types. Comme
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
nous l’avons indiqué ci-dessus, il n’est souvent pas possible de quantier de manière
able et instantanée les indicateurs économiques qui semblent a priori pertinents.
Les expositions à ces facteurs (bêtas) doivent être estimées statistiquement et ils sont
instables. C’est plutôt dans les caractéristiques fondamentales de chaque entreprise
qu’il faudrait trouver une explication des différences de comportement des titres
traités sur un même marché.
Cette approche considère que les caractéristiques d’une société, ses attributs, sont
des éléments importants permettant d’expliquer les différences de rentabilité entre
titres. Par exemple, la taille d’une entreprise est un attribut: les cours boursiers des
141
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
142
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
Ainsi, l’exposition moyenne à chaque facteur est xée à zéro. Une société avec
une valeur de l’attribut inférieure à la moyenne aura une exposition négative à ce
facteur.
Les rentabilités sur un facteur donné sont estimées en construisant des porte-
feuilles ayant une exposition égale à zéro pour tous les facteurs sauf celui estimé.
Ces portefeuilles dits de réplication (mimicking portfolios) peuvent avoir des propor-
tions d’investissement négatives dans certains titres.
Grinold et Kahn (1994, 1995) proposent un ensemble de facteurs caractéristiques
tiré de leur expérience à BARRA, société spécialisée dans le domaine de la modéli-
sation du risque boursier. Nous donnons ci-dessous une liste des facteurs utilisés aux
États-Unis, en conservant le nom en anglais an d’éviter le risque de mauvaise
interprétation, et parce qu’elle correspond à l’appellation généralement utilisée par
les praticiens à travers le monde:
– industry. Cet attribut distingue les sociétés selon leur secteur d’activité industrielle.
L’exposition est souvent binaire, c’est-à-dire égale à 1 si la société appartient à
l’industrie considérée et à 0 dans le cas contraire. Lorsqu’une société a des activités
dans plusieurs secteurs industriels, l’exposition est égale au pourcentage d’activité
dans ce secteur;
– size. Cet attribut distingue les sociétés selon leur taille. La taille est généralement
mesurée par le logarithme de la capitalisation boursière;
– value. Cet attribut mesure si une société est «chère» sur le marché boursier, par
rapport aux données comptables fondamentales (résultat, cash ow, valeur
comptable);
– growth. Cet attribut distingue les sociétés selon le taux de croissance passé et prévi-
sible de leurs bénéces;
– earnings volatility. Cet attribut distingue les sociétés selon la volatilité passée de
leurs bénéces;
– nancial leverage. Cet attribut distingue les sociétés selon les ratios d’endettement
et l’exposition au risque de taux d’intérêt;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
– currency. Cet attribut distingue les sociétés selon leur exposition au risque de change
en se fondant sur un indicateur de leur pourcentage d’activité à l’étranger;
– volatility. Cet attribut distingue les sociétés selon la volatilité de leur cours boursier.
Ce facteur est lié au facteur du modèle de marché;
– liquidity. Cet attribut distingue les sociétés selon le volume de transaction en Bourse
de leur titre;
– momentum ou success. Cet attribut distingue les sociétés en fonction de la perfor-
mance boursière récente de leur titre.
Pour une présentation des dernières évolutions des modèles BARRA, voir les
publications MSCI sur le sujet, comme Menchero, Orr et Wang (2011).
Une alternative extrêmement populaire aux modèles issus de l’industrie de la ges-
tion d’actifs (type BARRA) est le modèle de Fama et French (1992, 1993, 2012). Ce
143
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
Dans le tableau5.2, les petites capitalisations (Small) regroupent toutes les entre-
prises dont la capitalisation boursière est inferieure à la médiane des capitalisations
boursières. De manière similaire, les grandes capitalisations (Big) sont les entre-
prises dont la capitalisation boursière est supérieure à la médiane.
Le ratio Book/Market est dit élevé (Value) s’il dépasse le 70e percentile de la dis-
tribution des ratios Book/Market, il est dit faible (Growth) s’il est inférieur au 30e
percentile de cette même distribution et il est dit neutre (Neutral) s’il est entre le 30e
et le 70e percentile.
Les facteurs SMB et HML sont alors obtenus à partir des rentabilités des six por-
tefeuilles:
SMB =1/3 (Small Value + Small Neutral + Small Growth)
–1/3 (Big Value + Big Neutral + Big Growth).
HML =1/2 (Small Value + Big Value)
–1/2 (Small Growth + Big Growth)
Le modèle de Fama-French énonce que le taux de rentabilité de l’action i pendant
la période t, Rit, dépend de trois facteurs1:
Rit =α i + bm,i (Rmt – Rft) + bSMB,i SMB t + bHML,i HMLt + e it
1. Les séries temporelles des facteurs de Fama-French peuvent être téléchargées depuis le site
internet de Kenneth French: http://mba.tuck.dartmouth.edu/pages/faculty/ken.french/data_library.html
144
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Les modèles à facteurs ■ Chapitre 5
L’utilisation des modèles à plusieurs facteurs est semblable, dans son esprit, à celle
du modèle de marché. Il s’agit d’abord d’une gestion du prol de risque d’un porte-
feuille. Il s’agit également d’une aide à la structuration d’un portefeuille an de
rentabiliser certains paris sur le futur.
L’exposition d’un portefeuille aux différents facteurs est simplement la moyenne
pondérée de l’exposition de chaque titre à ces facteurs. Le gérant de portefeuille peut
estimer les risques qu’il prend et l’exposition du portefeuille aux différentes sources
de risque. Si le gérant s’est xé un benchmark, c’est-à-dire un indice de référence
qu’il tente de battre (par exemple l’indice CAC 40), il peut de la même manière
145
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Chapitre 5 ■ Les modèles à facteurs
L’ESSENTIEL
•Les modèles à facteurs traduisent l’inuence d’un certain nombre de facteurs
sur la rentabilité d’un titre. La rentabilité d’un titre dépend donc de la sensibilité
de ce titre à ces facteurs communs ainsi que d’un composant spécique à ce titre.
Une bonne diversication de portefeuille permet de réduire le risque du porte-
feuille en éliminant les risques spéciques à un titre.
•Historiquement, le modèle de marché comprenait un seul facteur, le comporte-
ment global du marché. Chaque titre est alors plus ou moins sensible (fort ou
faible bêta) aux mouvements de marché. Ce modèle reste d’actualité car il a
conduit au développement d’une théorie du prix du risque présenté dans le cha-
pitre suivant. Toutefois, il serait illusoire de croire que tous les titres sont unique-
ment inuencés par un seul facteur. Les modèles à plusieurs facteurs sont donc
beaucoup plus riches et opérationnels.
•Dans tous les cas, les modèles à facteurs ont deux utilisations principales: la
gestion du risque et la structuration du portefeuille an d’exploiter des prévisions
sur les facteurs.
146
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Chapitre
Les modèles
d’équilibre des
6 actifs financiers
et le prix du risque
SOMMAIRE
Section1 Le prix du risque: un modèle d’équilibre
Section2 L’ extension internationale
Section3 APT
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers…
T out investisseur professionnel sait que les marchés nanciers sont très ef-
cients. Pourtant, il prend généralement des risques pour tenter de «battre» le
marché. Pour le théoricien comme pour le praticien, il est important de
connaître les conditions de marché qui prévaudraient, si effectivement les marchés
étaient totalement efcients et les investisseurs rationnels. Pour tenter de «battre»
le marché, le praticien doit d’abord savoir comment s’établiraient les prix sur un
marché totalement efcient, c’est-à-dire s’il ne disposait pas d’informations ou de
méthodes privilégiées. Il s’agit là du modèle «naïf» qui doit guider la politique de
placement d’un investisseur moyen qui ne dispose pas d’informations meilleures
que celles dont disposent ses concurrents.
Sur un marché nancier, les risques d’un placement sont généralement compensés
par une rentabilité associée à ce risque. Un placement dans un bon du Trésor à court
terme est dénué de risque et sa rentabilité est certaine, il s’agit tout simplement du
taux d’intérêt sans risque. Par contre, l’achat d’une action fait courir un risque de
perte important qui doit être compensé par une espérance de rentabilité plus élevée.
On peut résumer celle ci comme la somme du taux sans risque plus une prime de
risque. Les deux questions qui se posent sont alors: 1) quel est le type de risque qui
justie la compensation par une prime de risque et 2) quel est le montant de cette
prime de risque?
La première section de ce chapitre sera consacrée au modèle d’équilibre des actifs
nanciers (MEDAF ou CAPM en anglais). Ce modèle, qui a valu le prix Nobel à
William Sharpe en 1990, postule que les investisseurs cherchent tous à maximiser la
rentabilité anticipée et à minimiser le risque de leur portefeuille (mesuré par l’écart-
type des rentabilités) et qu’ils disposent des mêmes informations. Dans la deuxième
section, nous présentons l’extension internationale de ce modèle qui tient notam-
ment compte du risque de change. La troisième section introduit l’arbitrage pricing
theory (APT) qui est une théorie du prix du risque basée sur l’arbitrage.
Section
1 LE PRIX DU RISQUE : UN MODÈLE D’ÉQUILIBRE
1 Le modèle
148
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers… ■ Chapitre 6
être développé ici, se propose de déterminer les prix des valeurs mobilières qui
permettent à l’offre et à la demande pour chacun des titres de s’équilibrer et donc de
dégager l’équilibre général du marché.
Il convient tout d’abord de rappeler que l’analyse précédente ne considérait que
les placements risqués. Or, il est possible de placer son argent dans un actif dénué
de risque au taux Rf (taux d’intérêt à court terme). Le modèle d’équilibre suppose
que ce taux sans risque est le même pour l’emprunt et le prêt. Il s’agit là d’une
hypothèse peu réaliste pour un investisseur privé, mais qui peut être relâchée dans
une version plus sophistiquée de cette théorie. Un certain nombre d’autres hypo-
thèses sont nécessaires au développement de cette théorie1 proposée par Sharpe
(1964) et Lintner (1965):
– le marché est composé d’investisseurs qui essaient d’éviter le risque et de maximiser
leur espérance d’utilité sur la période. En particulier, pour un niveau de rentabilité
espérée chaque investisseur essaye de minimiser la variance en n de période. Cette
période est la même pour tous les investisseurs;
– les anticipations de rentabilité et de risque sont les mêmes pour tous les
investisseurs;
– les marchés de capitaux sont parfaits en ce sens que tous les actifs sont indéniment
divisibles; il n’y a aucun frais de transactions et pas d’impôts, aussi les taux d’em-
prunt et de prêt sont égaux et les mêmes, quel que soit l’investisseur.
En conséquence, la frontière efciente des portefeuilles d’actifs risqués est iden-
tique pour chaque investisseur.
Choisissons un portefeuille de référence P.
En combinant un placement dans l’actif sans risque (rentabilité Rf) et un porte-
feuille d’actions (rentabilité espérée E(R p), risque σ p), l’investisseur anticipe une
rentabilité E(R) sur l’ensemble de ses placements, telle que :
E(R) = (1 – x) Rf + xE(R p)
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et:
σ2 = x 2σ 2p
1. Ces hypothèses sont sufsantes, mais pas nécessaires. Certaines peuvent être facilement assou-
plies, et de nombreuses recherches vont dans cette direction (voir par exemple Black, 1972, Merton,
1973, etc.). En fait, il a été montré que l’on obtenait le même résultat avec des hypothèses beaucoup
moins contraignantes.
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers…
E ( R p) – R f
d’où, en éliminant x: E ( R ) = R f + -------------------------
-s (3)
s p
Rentabilité
espérée
Rf
Risque total σ
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers… ■ Chapitre 6
par dénition, parfaitement diversié puisqu’il inclut toutes les actions dans les
proportions de leurs capitalisations boursières. C’est là le théorème de séparation.
Revenons un instant à la gure 6.1. L’équation de la droite RfM s’écrit:
E ( R m ) – Rf (4)
E ( R ) = R f + --------------------------
-s
sm
E (R ) – R
La pente de cette droite --------------------------
m
-f donne une mesure de la rémunération du
risque. sm
Toutefois, cette formule ne s’applique qu’aux portefeuilles situés sur cette droite.
Que peut-on dire des portefeuilles moins bien diversiés ou des actions indivi-
duelles, lesquels sont tous en dessous de cette droite?
2 Le «prix» du risque
Il est montré en annexe 1 qu’il doit exister une relation entre la rentabilité espérée
sur chaque action ou chaque portefeuille et sa covariance avec le marché. Plus pré-
cisément, on démontre que pour une action ou un portefeuille i:
sim
E ( Ri ) = R f + --------
- [E( R m) – R f ] (5)
sm2
sim
Au chapitre précédent, nous avions appelé bêta le rapport --------- . Donc (5) peut
s’écrire: s 2m
E(Ri) – R f = βi [E(Rm ) – R f ] (6)
Si nous voulons comparer cette relation à celle que nous avions établie précédem-
ment, uniquement valable pour les portefeuilles efcients (4), on peut la réécrire
sous la forme:
E (R m ) – Rf
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- β i sm
E ( R i) – R f = -------------------------- (7)
sm
m E (R ) – R
-f , mais le risque qui
On retrouve bien la pente de la droite précédente: --------------------------
sm
est rémunéré n’est pas le risque total de l’action: c’est son risque systématique, tel
qu’il a été déni au chapitre précédent (bi sm ). Ainsi, tout investisseur qui sera prêt
à courir un risque plus élevé devrait obtenir une rentabilité plus forte, mais il ne sera
compensé que pour le risque systématique qu’il assumera, et non pour le risque
diversiable.
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers…
Tous les portefeuilles de la droite R fM de la gure 6.1 sont parfaitement diversiés
et pour ceux-là le risque total se réduit au risque systématique (ou de marché)1.
Intuitivement, on pourrait dire qu’il n’y a pas de raison que le marché rémunère le
risque non systématique, puisqu’on peut l’éviter par une bonne diversication de
son portefeuille (voir chapitre 5).
Beaucoup préfèrent désormais parler en termes de bêta et utilisent la formulation
(6) de détermination des rentabilités des actions :
E (Ri ) – Rf = bi [E (R m) – Rf ]
Le bêta d’une action est son risque systématique exprimé en unités de risque de
marché. Ainsi, les rentabilités espérées sur chaque action et portefeuille sont propor-
tionnelles à leur bêta, le coefcient de proportionnalité étant égal à la rentabilité
espérée sur le marché en excès du taux d’intérêt sans risque. Seul le bêta devrait
ainsi déterminer le cours d’une action. Cela peut être représenté sur la gure 6.2 qui
représente le taux de rentabilité escompté en ordonnée et le bêta en abscisse.
Rentabilité
espérée
M
E(Rm)
Rf
β
1
La droite RfM dans le plan rentabilité-bêta s’appelle la droite de marché. Tous les
portefeuilles et actions gurent sur cette droite. On appelle généralement prime de
risque la différence de rentabilité anticipée entre un actif risqué et un actif sans
risque. E(Rm) – R f est la prime de risque du marché.
Cette théorie a un contenu intuitif évident. Il est toujours facile de choisir un por-
tefeuille qui se situe sur la droite de marché. Il suft de placer son argent en partie
dans un fonds indiciel et en partie dans l’actif sans risque. Par exemple, un porte-
feuille investi pour moitié dans un fonds indiciel et pour moitié dans un fonds de
trésorerie (actif sans risque) aura un bêta de 0,5 et une rentabilité égale à la moyenne
1. On peut facilement montrer que pour ces portefeuilles efcients x = b et donc, d’après la relation
(1), s =xsm = bs m = risque systématique.
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers… ■ Chapitre 6
de celle sur le marché et l’actif sans risque. Dès lors, n’importe quel investisseur
«passif» peut se situer sur la droite de marché pour le niveau de risque désiré. Dans
un marché efcient, la théorie nous dit qu’on ne peut pas faire mieux en termes de
rentabilité/risque. C’est au gérant de montrer par des qualités de gestion particu-
lières ou de meilleures informations qu’il peut créer des portefeuilles qui se situent
au-dessus de la droite de marché.
3 Implications pratiques
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers…
1. Ces ETF portent des noms divers tels que: trackers, ishare, master shares, etc. Voir chapitre14
pour plus de détails sur les ETF.
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers… ■ Chapitre 6
4 Validation empirique
Une simple observation des portefeuilles détenus par bon nombre d’investisseurs
montre que ceux ci sont moins diversiés que ne le suggère la théorie. Cela ne veut
pas nécessairement dire que les marchés nanciers ne sont pas efcients ou que le
MEDAF ne fournit pas des indications utiles et robustes sur le prix des titres. La
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers…
théorie peut très bien être robuste, même si certaines de ses hypothèses sont violées.
Une vérication directe des conclusions du MEDAF consiste donc à tester la rela-
tion linéaire entre la rentabilité anticipée sur chaque titre et son risque systématique.
Il s’avère malheureusement très difcile, voire impossible, de mettre en place un
tel test. Il est déjà difcile de mesurer le risque actuel d’un placement car une esti-
mation du bêta est forcément basée prioritairement sur des données passées. Par
exemple, on utilise deux ans de cours hebdomadaires pour estimer le bêta, mais le
risque perçu dans l’environnement économique actuel peut être bien différent. Le
problème est encore plus sérieux pour la mesure des rentabilités anticipées.
L’alternative fréquemment utilisée est d’approximer la rentabilité anticipée sur un
titre par la moyenne passée de sa rentabilité. Malheureusement, les rentabilités sont
très volatiles et la répétition d’événements passés qui ont exceptionnellement affecté
une société n’a pas de raisons d’être anticipée dans le futur. Ainsi, la mode des nou-
velles technologies à la n des années 1990 a généré des rentabilités boursières
annuelles de plus de 100% sur nombre de valeurs technologiques. Un investisseur
qui considérait placer de l’argent dans de telles sociétés en 2000 devait-il anticiper
une répétition de cette rentabilité sur les années à venir? En fait, il est quasiment
impossible de tester un modèle basé sur des anticipations, faute de pouvoir les mesu-
rer de façon précise.
Toute une série de tests anciens a tenté de mettre en évidence une relation entre les
rentabilités passées et le bêta des titres1 . Les méthodologies sont trop complexes
pour être présentées ici et les résultats sont mitigés. Une approche alternative
(Harvey, 1991) fait l’hypothèse que les rentabilités espérées varient au cours du
temps en fonction d’un certain nombre de variables économiques et nancières. Il
s’agit alors d’un test conditionnel du MEDAF. Les conclusions sont plutôt positives.
(voir aussi Jagannathan et Wang, 1996, Lettau et Ludvigson, 2001 et Ang et Chen,
2007). Toutefois, la relation entre anticipations de rentabilité et variables écono-
miques est faible et instable dans le temps, et donc la puissance statistique du test
est très faible (Levellen et Nagel, 2006).
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, Fama et French (1992, 1998, 2012) ont
trouvé que certains attributs d’une société offraient une meilleure explication de la
différence de rentabilités historiques entre les sociétés que leur niveau de risque. Par
exemple, les valeurs de rendement (value) ou les petites sociétés avaient une meil-
leure performance que les valeurs de croissance (growth) et les grandes sociétés.
Cette étude célèbre conduirait à un rejet du MEDAF, car cette théorie suggère que
la différence de bêta doive être la cause principale de différence de performance
boursière entre les entreprises. Une critique fondamentale est que ce test utilise la
rentabilité passée comme proxy de l’espérance de rentabilité.
1. Voir notamment Blume et Friend (1973), Black, Jensen et Scholes (1972), Fama et McBeth
(1973).
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers… ■ Chapitre 6
Une expression analogue à celle du MEDAF peut être obtenue en suivant une
approche basée sur la consommation1 . Dans ce type de modèle, l’objectif d’un agent
économique est de maximiser la valeur présente de son utilité espérée découlant de
sa consommation future: ∞
MaxE t ∑ δU ( Ct + k )
k=0
oùδ est un facteur d’actualisation et U(Ct+k) est l’utilité de l’agent générée par sa
consommation à la date t+k. La condition du premier ordre de ce programme d’op-
timisation est:
U ’ ( C t ) = δ E t[ (1 + R i, t + 1 ) U ’( C t + 1) ]
1. Voir Lucas (1978), Breeden (1979) et Grossman et Shiller (1981), Cochrane (2005), Ludvigson
(2013).
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers…
1. Ludvigson (2013) offre une tour d’horizon très complet de la littérature récente sur le sujet.
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers… ■ Chapitre 6
Section
2 L’EXTENSION INTERNATIONALE
Les marchés nationaux sont de plus en plus intégrés. Les investisseurs étrangers
dominent souvent le volume des transactions sur toutes les places européennes. Il
n’est pas rare de voir de grandes sociétés françaises majoritairement possédées,
directement et indirectement, par des investisseurs étrangers, notamment des fonds
de pension. Il est donc logique de penser que les principaux marchés des pays déve-
loppés sont intégrés et que la valorisation des titres suit une logique globale.
1 Un MEDAF international
Les investisseurs de différents pays utilisent comme numéraire des monnaies dif-
férentes. Le risque de change vient donc compliquer l’analyse. Si les taux de change
reétaient simplement un ajustement aux différences d’ination entre les pays
(«parité des pouvoirs d’achat»), le risque de change serait un phénomène purement
nominal sans grande incidence. Malheureusement, les taux de change réels varient
fortement et parfois rapidement. Un MEDAF international1 peut être dérivé en sup-
posant que chaque investisseur mesure la rentabilité et le risque dans sa propre
monnaie et qu’il peut couvrir le risque de change par des contrats à terme ou par des
opérations de prêt/emprunt (voir une présentation de ces instruments aux chapitres
10 et 11). Comme précédemment deux conclusions se dégagent.
Ce portefeuille mondial est exactement le même pour tout investisseur, quelle que
soit sa nationalité. Il est couvert optimalement contre le risque de change. Le ratio
de couverture varie pour chaque actif et dépend de la structure de covariance entre
les actions et les taux de change.
E(Ri)=R f0 +βi [E(Rm) – Rf0 ] + γi1 x PR1 +γi2 x PR2 +... + γik x PR k
Où E(R m) est la rentabilité anticipée sur le portefeuille de marché mondial, Rf0
est le taux sans risque en monnaie 0, γ i1 à γik sont les sensibilités de l’actif i à cha-
cun des taux de change et PR1 à PRk sont les primes de risque sur chaque devise.
Pour tout actif dont la rentabilité n’est pas corrélée aux variations de change, et
donc pour tous les actifs et portefeuilles couverts contre le risque de change, la rela-
tion du prix du risque se réduit à celle du MEDAF classique. Si les marchés bour-
siers sont faiblement corrélés avec les taux de change, la relation classique reste
valide. Sinon, il faut tenir compte des primes de risque de change. Le concept de
prime de risque de change est parfois difcile à comprendre. Prenons l’exemple de
la prime de risque du dollar par rapport à l’euro. Si la rentabilité anticipée d’un
placement en dollar est supérieure à celle d’un placement en euro, il y a une prime
de risque de change positive sur le dollar (et négative sur l’euro). Pour un Européen,
la rentabilité d’un placement en dollar est égale au taux d’intérêt en dollar plus la
variation de change anticipée, alors que la rentabilité en euro est simplement le taux
d’intérêt en euro. Le calcul de la prime de risque dollar/euro résulte donc de la com-
paraison du différentiel de taux d’intérêt et de la variation de change anticipée.
Il n’est pas facile de déterminer quel devrait être le niveau escompté de ces primes
de risque de change, qui peuvent d’ailleurs être positives ou négatives. L’idée de
base est que la position nette d’investissement d’un pays joue un grand rôle. Par
exemple, les Suisses ont une position nette d’investissement à l’étranger fortement
positive. Comme ils souhaitent couvrir ces investissements contre le risque de
change contre franc suisse, ils sont prêts à payer une prime de risque de change pour
réaliser cette couverture.
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers… ■ Chapitre 6
Black (1989, 1990). Toutefois, cette universalité ne signie pas que chaque actif
devrait être couvert de la même manière. Le ratio de couverture pour une action
américaine peut être très différent du ratio de couverture pour une action britan-
nique. Malheureusement, les ratios de couverture optimaux ne sont pas directement
observables, car ils dépendent des corrélations entre les rentabilités des actifs et des
changes, mais aussi de l’aversion au risque relative des investisseurs des différents
pays. Pour illustrer l’importance de cette corrélation Bourse/change de manière
intuitive, supposons qu’un investisseur américain achète pour un million de livres
d’actions de la société britannique British Petroleum (BP). BP est cotée à Londres
en livres britanniques mais une forte partie de ses revenus sont dérivés aux États-
Unis ; par ailleurs, les prix des produits pétroliers sont déterminés en dollar. Si
l’investisseur vend à terme un million de livres pour couvrir le risque de change, il
sera trop couvert. En effet, les cours, en livres, de BP bénécient d’une dépréciation
de la livre par rapport au dollar. Les revenus en livres de BP augmentent si le dollar
s’apprécie par rapport à la livre. Le cours de BP est donc corrélé à l’évolution du
taux de change livre/dollar. Le ratio de couverture devrait être très inférieur à l’unité.
Le résultat est différent pour des sociétés britanniques du secteur du commerce de
détail et ayant peu d’activités aux États-Unis (par exemple Marks & Spencer): leur
valeur est peu corrélée au taux de change et il faudra adopter un ratio de couverture
proche de l’unité.
Par ailleurs, un investisseur qui détiendrait un portefeuille qui diffère du porte-
feuille de marché n’a pas de raison d’appliquer les ratios de couverture optimaux
dérivés dans le MEDAF international. Un exemple illustrera ce propos. Considérons
un investisseur américain qui n’investit que 5% de ses actifs à l’étranger. Il investit
ainsi dans des monnaies étrangères qui constituent un bon élément de diversication
de la politique monétaire et budgétaire américaine. Jorion (1989) montre qu’un tel
investisseur aurait peu de raisons de couvrir ses placements étrangers contre le
risque de change et que le ratio de couverture optimal devrait varier en fonction de
la proportion des actifs investis en devises étrangères.
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3 Validation empirique
Un test du MEDAF international peut être considéré comme un test joint de nom-
breuses hypothèses. La principale est bien sûr l’hypothèse d’intégration des marchés
nationaux. Beaucoup considèrent que les marchés étaient segmentés dans le passé
du fait de diverses barrières à l’investissement international telles que:
– réglementations contrôlant les mouvements de capitaux et les investissements réali-
sés par des étrangers ou bien vers l’étranger;
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers…
– risque d’expropriation;
– impôts plus élevés pour les étrangers;
– frais de transactions plus élevés;
– accès privilégié à l’information pour les investisseurs nationaux.
Toutefois, la libéralisation des marchés nanciers constatée dans tous les pays
développés a fait disparaître la plupart de ces éléments de segmentation. Dès lors, la
validation du MEDAF international tourne autour des questions suivantes:
– Est-ce que le risque de marché international est le seul pris en compte dans les prix
des titres, ou est-ce le risque de marché national qui domine?
– Y-a t-il d’autres éléments de risque (non indiqués par la théorie) qui sont pris en
compte dans le prix des titres?
– Le risque de change est-il valorisé?
Les tests du MEDAF international souffrent des mêmes problèmes que ceux du
MEDAF classique. Toutefois, les recherches entreprises semblent suggérer que les
marchés nanciers sont effectivement intégrés, du moins pour les principaux pays
développés. C’est la conclusion de De Santis et Gérard (1997) et Dumas et Solnik
(1995). Sur la période 1980-2005, Bekaert, Hodrick et Zhang (2009) montrent que
c’est en Europe que la corrélation entre marchés actions a le plus augmenté sur la
période 1980-2005. Par contre, Bekaert et Harvey (1995) considèrent que les mar-
chés émergents sont souvent segmentés par rapport aux marchés développés, mais
que cette segmentation s’atténue au cours du temps (voir aussi Carrieri, Errunza et
Hogan, 2007). Bekaert et al. (2011) trouvent que le degré de segmentation augmente
avec le risque politique du pays et diminue avec le niveau de développement du
marché local. En se concentrant sur le risque de pertes extrêmes, Christoffersen et
al. (2012) concluent pour leur part que le potentiel de diversication internationale
s’est réduit de manière signicative depuis 1973. Enn, Dumas et Solnik (1995), De
Santis et Gérard (1998), Brennan et Xia (2006) et Sarno, Schneider et Wagner
(2012) concluent à l’existence de primes de risque de change.
Section
3 L’APT
Le MEDAF est une théorie micro-économique classique partant d’une maximisa-
tion de l’utilité de chaque investisseur. Au contraire, l’APT (Arbitrage Pricing
Theory) procède d’un raisonnement d’arbitrage également utilisé dans la valorisa-
tion d’instruments à terme tels que les options ou les futures (voir chapitres 9, 10 et
11). Cette théorie de l’APT a été présentée par Ross (1976).
L’hypothèse de base de l’APT est que le cours de chaque titre est inuencé par un
nombre limité de facteurs communs à l’ensemble des titres et par un facteur spéci-
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers… ■ Chapitre 6
163
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers…
facteur de marché. Sous certains aspects l’APT est plus opérationnelle et riche. Elle
admet plusieurs sources de risque, et étant dérivée uniquement par un raisonnement
d’arbitrage, elle échappe à la majorité des critiques adressées au MEDAF.
Notamment, ce modèle ne requiert pas l’identication exacte du portefeuille de
marché et peut parfaitement être utilisé pour un sous-segment du marché total.
Toutefois, l’APT est essentiellement une théorie empirique au plan économique
alors que le MEDAF identie quel est le facteur commun (l’indice de marché) qui
implique une prime de risque, tel n’est pas le cas de l’APT qui ne dit rien sur l’ori-
gine de ces facteurs communs.
Les méthodologies statistiques mises en place pour les tests de l’APT s’inspirent
de l’analyse factorielle. Dans une première étape, on extrait les facteurs communs
qui inuencent le comportement des cours. Il s’agit de facteurs purement statis-
tiques. Dans une deuxième étape, on cherche si une prime de risque signicative est
associée à ces facteurs. Pour être opérationnel, il convient enn d’associer chaque
facteur commun à une variable économique avec laquelle ce facteur est fortement
corrélé.
L’APT a été étendu au cadre international avec risque de change (voir Solnik,
1983). Cette extension internationale pose peu de problèmes.
L’APT a connu son heure de gloire dans les années quatre-vingt. Toutefois, il
s’agit d’une méthode purement empirique et les facteurs identiés sont instables.
Dans la pratique, on utilise surtout les modèles factoriels à attributs (voir chapitre
précédent) pour modéliser et gérer le risque d’un portefeuille, mais le MEDAF reste
un outil conceptuel précieux pour une gestion sur le long terme qui privilégie une
estimation des primes de risque relatives des différents types d’actifs.
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers et le prix du risque ■ Chapitre 6
L’ESSENTIEL
•Aucun modèle théorique ne peut donner une représentation exacte et complète
de la réalité. Face à la complexité des décisions de gestion nancière, il est
cependant indispensable d’avoir un modèle de base, une vision du monde simpli-
ée, pour structurer son processus de décision et de gestion.
•La première étape consiste à comprendre le comportement des marchés nan-
ciers. Ce comportement se situe entre deux extrêmes. D’un côté, un marché
totalement efcient où les prévisions de variation de cours des actifs nanciers
sont essentiellement impossibles; d’un autre côté, un marché de professionnels
où il est facile de faire des prots sur la base d’informations plus ou moins pri-
vilégiées, de différents modèles de prévision ou de montages particuliers. Les
tests statistiques présentés dans ce livre, ainsi que l’observation quotidienne des
praticiens, montrent que la réalité est plus proche du premier modèle. C’est d’ail-
leurs la concurrence intense entre de très nombreux professionnels qui rend le
marché efcient. Dans ce cadre, il est important d’étudier quels devraient être les
prix des actifs nanciers selon des hypothèses d’équilibre du marché nancier.
Avec des hypothèses relativement restrictives sur l’efcience du marché, le com-
portement rationnel des investisseurs et leurs anticipations, il est possible de
dériver le modèle d’équilibre des actifs nanciers (MEDAF). Ce modèle spécie
tout à la fois la mesure du risque d’un actif (le bêta) qui devrait être prise en
compte par le marché pour déterminer son prix ainsi que la prime de risque qui
doit y être associée. Ce modèle est très utile sur un plan conceptuel et ne requiert
pas, en tant que théorie, la stabilité du coefcient de risque puisque seul le risque
futur est pertinent, pas l’estimation du risque passé.
•L’extension internationale du MEDAF prend en compte le risque de change.
• L’Arbitrage Pricing Theory (APT) a pour base les modèles à facteurs présentés
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers et le prix du risque
Annexe 1
Le prix du risque
Démonstration directe
Le vecteur des proportions x i est de dimension N + 1, l’indice 0 faisant référence à l’actif
sans risque et les N autres indices (i = 1 à N) faisant référence aux N actifs risqués. Un
portefeuille particulier aura pour rentabilité anticipée E(RP) et pour risque σp2:
x0 + ∑x i = 1
i
x 0R f + ∑ x i E( Ri ) = E ( R )
i
Ces deux dernières contraintes peuvent être combinées en une contrainte unique :
∑ [x i E ( R i – R f )] = E( R ) – R f (3)
i
2VX – λE = 0
d’où : X = λ
--- V –1E (4)
2
La somme de tous les portefeuilles détenus par l’ensemble des investisseurs doit obligatoi-
rement être le portefeuille de marché M puisque, par définition, c’est l’offre globale de
titres. En sommant cette dernière équation (4) à travers tous les investisseurs et puisque V –1
E est le même pour tous les investisseurs, on trouve :
M = λ m V –1 E (5)
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Les modèles d’équilibre des actifs financiers et le prix du risque ■ Chapitre 6
σ2m
λ m = ------------------------------
E( R m ) – R f (10)
Annexe 2
APT et prix du risque
L’APT postule que le taux de rentabilité de chaque titre est influencé par k facteurs com-
muns f j et un facteur purement spécifique à ce titre ei. D’où:
R i = αi + b 1i f1 + b2i f 2 + … + bki fk + e i (1)
avec E (e i) = 0, E (f j) = 0
cov (ei, ej) = 0
cov (ei, fj) = 0 pour tout j = 1, … k
L’hypothèse importante est qu’il n’existe que k facteurs communs, k étant un petit nombre,
très inférieur au nombre de titres N. Nous allons construire des portefeuilles d’arbitrage,
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c’est-à-dire des portefeuilles ayant un capital investi égal à zéro et totalement sans risque.
Un capital investi nul est obtenu en achetant et vendant, pour un même montant, différents
titres. Par exemple, j’emprunte 1 000 (vente de l’actif sans risque) et je les place dans
l’action Total. Soit x = (x1 … x N) le vecteur des proportions investies dans chaque titre. Le
portefeuille sera de capital nul si:
x1 + x2 + … + xN = 0 (2)
Nous le construisons de manière à ce que son élasticité aux facteurs communs, bjp, soit
nulle:
b1p = x1 b11 + x2 b12 + … + x N b 1N = 0 (3)
b2p = x 1 b21 + x2 b22 + … + xN b 2N = 0
bkp = x1 bk1 + x2 b k2 + … + x N bkN = 0
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Chapitre 6 ■ Les modèles d’équilibre des actifs financiers et le prix du risque
Enfin, nous construisons ce portefeuille tel que son risque spécifique soit nul. Comme tous
les e i sont indépendants, cela est possible en diversifiant ce risque, puisque le nombre de
titres N est supposé grand ; il suffit d’investir des proportions d’ordre 1/N , dans chaque
titre. En fait, il existe une infinité de portefeuilles bien diversifiés qui satisfont les k +1
contraintes linéaires (2) et (3) puisque N > k. La rentabilité anticipée sur un tel portefeuille
doit être nulle puisque ce portefeuille est sans risque et sans capital. Donc, pour chacun
de ces portefeuilles, on doit avoir:
E (Rp ) = x1 E(R1) + x 2 E(R2) + … + xN E(R N) = 0 (4)
Donc tout vecteur portefeuille (x 1 … x N) qui vérifie ces k+1 équations linéaires (2) et (3)
doit aussi vérifier l’équation linéaire (4). On démontre en algèbre que cela implique que
les coefficients de (4) sont une combinaison linéaire des coefficients des k+1 premières
équations. Donc:
E(R1 ) = l0 + l1 b11 + l 2 b21 + … + l k bk1
E(R2) = l 0 + l1 b 12 + l2 b22 + … + l k b k2
E(RN) = l 0 + l1 b 1N + l2 b 2N + … + l k b kn
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Chapitre
Les modèles
7 d’évaluation
SOMMAIRE
Section1 Le modèle d’évaluation par actualisation des dividendes
Section2 Le modèle d’évaluation par la valeur d’entreprise
Section3 Le taux d’actualisation approprié
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Chapitre 7 ■ Les modèles d’évaluation
1 Le principe du modèle
1. On pourra se reporter à des manuels de nance qui traitent plus à fond de l’évaluation: Brealey,
Myers et Allen (2013), Charreaux (2000), Damodoran (2006), Levasseur et Quintard (1998), Portrait
et Noubel (1991), Stern et Chen (1987), Vernimmen avec Quiry et Le Fur (2014).
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Les modèles d’évaluation ■ Chapitre 7
171
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Chapitre 7 ■ Les modèles d’évaluation
Et de manière générale:
∞
Dt
P0 = ∑ -----------------
( 1 + k )t
- (3)
t=1
Ce modèle est généralement appelé DDM (Dividend Discount Model). Pour pou-
voir l’utiliser, il convient d’estimer les dividendes futurs et de déterminer le taux
d’actualisation approprié (section 3). Les dividendes futurs seront payés à partir des
bénéces ou earnings générés par l’entreprise.
Ainsi l’équation (3) devient:
E1 ( 1 – b1 ) E2 ( 1 – b2 ) E 3 (1 – b 3 ) En( 1 – b n)
P 0 = -------------------------
- + -------------------------- + -------------------------- + … + -------------------------
-+… (4)
1+k ( 1 + k )2 (1 + k)3 ( 1 + k )n
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Les modèles d’évaluation ■ Chapitre 7
173
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Chapitre 7 ■ Les modèles d’évaluation
– on formule des anticipations sur les bénéces futurs et on utilise le cours boursier de
l’action observé sur le marché. On déduit donc du DDM le taux d’actualisation
approprié k;
– étant donné le cours boursier observé P et le taux d’actualisation approprié pour ce
type de société, on déduit du DDM les hypothèses de croissance des bénéces qui
sont implicites.
Pour conclure sur la validité d’un PER observé pour une société, il convient de se
livrer à une approche plus ne des perspectives de croissance de cette entreprise.
Nous présentons ci-dessous plusieurs modélisations de la croissance d’une com-
plexité croissante. La question du taux d’actualisation approprié sera discutée dans
la section 3.
2 Utilisations pratiques
Pour une société cotée en Bourse, le PER est facilement calculable. Il résulte du
rapport entre le cours de Bourse et le dernier bénéce par action publié par la société
(éventuellement retraité par l’analyste) ou du rapport entre le cours de Bourse et le
bénéce par action estimé pour l’exercice en cours ou le prochain exercice.
L’approche par le PER correspond en fait à une méthode traditionnellement utili-
sée par les praticiens. Ceux-ci sélectionnent un échantillon de sociétés comparables
dans les attributs les plus essentiels (même secteur ou industrie, taille, notamment)
puis comparent leurs PER pour en tirer certaines conclusions quant à leur valorisa-
tion relative. Récemment, d’autres ratios sont apparus qui relient la capitalisation
boursière ou la valeur d’entreprise (voir infra) à d’autres variables comptables clés
des entreprises: l’excédent brut d’exploitation (EBITDA), le résultat d’exploitation
(EBIT) ou le chiffre d’affaires (notamment pour les jeunes sociétés en perte).
Cette méthode est particulièrement appropriée pour l’évaluation des sociétés non
cotées par référence à un échantillon de sociétés comparables déjà cotées.
Certes, le PER est fonction d’un petit nombre de variables, mais celles-ci résultent
elles-mêmes de relations complexes à la fois opérationnelles et nancières de l’en-
treprise comme on le verra dans la section 2. Aussi, des différences de PER entre
sociétés apparemment proches peuvent être parfaitement justiées et de ne pas
résulter d’une inefcience de marché que l’on pourrait arbitrer de manière pro-
table. En soi, un faible niveau de PER ne permet pas de repérer une valeur maltraitée
par le marché (et qu’il faudrait donc acheter) et un fort PER, une valeur avec une
bulle d’évaluation (qu’il faudrait vendre avant que la bulle n’éclate).
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Les modèles d’évaluation ■ Chapitre 7
Prenons l’exemple d’une société qui a un bénéce par action de 10€ avec un taux
de distribution de 50% et un taux de croissance de 8%. Le taux de rentabilité appro-
prié pour ce type de titre est de 10%. Son prix devrait alors être égal:
10 × 50 %
P = ---------------------------- = 250 €
10 % – 8 %
D’où un PER de 25.
Bien sûr, une telle approche ne se justie que pour le cas particulier de sociétés
stables à croissance continue. Mais de nombreuses sociétés connaissent une période
de forte croissance liée au lancement de nouveaux produits, suivie par une période
de croissance plus faible, notamment lorsque des concurrents sont entrés sur le
même marché. On peut alors utiliser des DDM à deux phases de croissance.
5%, et ce jusqu’à l’inni (g5 –∞ =5 %). Pour connaître le cours théorique aujourd’hui,
et donc le PER théorique, il faut raisonner par itération. Le bénéce dans 5 ans
devrait être égal à:
E5 = E0 (1 + g1 – 5) 5 = 10 (1 + 15%) 5 = 20,11 e
La valeur théorique dans 5 ans peut être obtenue à cette date (dans 5 ans), en
sachant que le taux de croissance des bénéces sera constant à l’inni et égal à 5%
avec un taux de distribution des dividendes égal à 50%:
D5 E 5(1 – b ) 20,11 × 50 %
P 5 = ---------------------
- = ----------------------
- = -------------------------------- = 201,10
k – g5 – ∞ k – g5 – ∞ 10 % – 5 %
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Chapitre 7 ■ Les modèles d’évaluation
Ayant estimé le prix de l’action dans 5 ans on en déduit son prix aujourd’hui:
E 0 ( 1 + g1 – 5 ) E0 ( 1 + g 1 – 5 ) E0 ( 1 + g1 – 5) 5 P5
P0 = ---------------------------------- + ---------------------------------- + … + ------------------------------------ + ------------------
-
(1 + k) (1 + k)2 (1 + k) 5 ( 1 + k )5
D’où:
P0 = 182,14e et PER0 = 18,2
Les évaluateurs et les analystes nanciers peuvent être tentés de simuler des
valeurs d’actions en faisant varier l’une ou l’autre des variables clé du modèle de
valorisation (taux de croissance et taux de distribution des bénéces ou taux d’actua-
lisation) de manière indépendante. Ceci peut être dangereux et aboutir à des conclu-
sions erronées. En effet, il existe entre ces variables des relations économiques
implicites, que l’on ne peut pas ignorer.
L’un des paramètres clé qui relie ces variables entre elles est la rente ou « fran-
chise value 1 ». La rente se dénit comme la différence entre la rentabilité des capi-
taux employés (ROCE) et le coût du capital. Cette rente résulte des avantages
concurrentiels qu’a une entreprise d’investir dans des activités et des projets d’inves-
tissement rentables, au-delà du coût des capitaux nécessaires pour les nancer. Elle
est liée à l’organisation de l’entreprise, ses brevets, ses capacités, son savoir-faire, sa
culture, etc. Ainsi, une société pharmaceutique qui vient d’obtenir un brevet sur un
médicament extrêmement prometteur dispose d’une rente. Bien sûr elle devra inves-
tir des capitaux pour exploiter ce brevet, mais la rentabilité des fonds investis sera
très forte et bien supérieure à la rentabilité qu’attendent normalement les apporteurs
de capitaux. Cette rente agit à la fois sur la croissance des bénéces (g) et le taux de
rétention des bénéces (b). Même si elle n’apparaît pas directement dans l’équation
d’évaluation du PER, la rente constitue donc indirectement un déterminant fonda-
mental de la valeur d’une société. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement
dans la mesure où la rente étant positive, les capitaux investis auront une rentabilité
supérieure à leur coût de nancement?
Dans une modélisation à deux périodes, la première période correspond à une
phase de rente, c’est-à-dire de croissance des bénéces et de taux de rétention éle-
vés, nécessairement limitée dans le temps. Dans la seconde période, la rente existe
toujours mais elle est plus limitée, compatible avec un environnement plus concur-
rentiel. De fait, la croissance des bénéces est plus faible.
Par exemple, dans dix ans, n de la première période, les paramètres «normaux»
d’une entreprise, c’est-à-dire sur longue période, peuvent être les suivants :
k =10%, g =6%, (1 – b) =0,5. Le PER terminal sera alors de 12,5 [0,5/(0,10-
0,06)]. Un PER terminal de 12,5 dans 10 ans est compatible avec un PER de 25
aujourd’hui, dans la mesure où l’entreprise a un taux de croissance annuel des béné-
176
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Les modèles d’évaluation ■ Chapitre 7
ces pour les dix prochaines années de 15%, la valeur des deux autres paramètres
k et (1– b) restant la même.
Dans la pratique, on utilise généralement un modèle plus riche avec trois phases
de croissance qui correspondent à la qualité des prévisions de bénéces. Ces prévi-
sions sont généralement liées à un modèle pour chaque entreprise développé par
l’analyste nancier. Chaque phase a une durée variable.
Dans la première phase, l’analyste peut formuler des prévisions précises, année
après année.
Dans la deuxième phase, l’analyste prévoit un taux de croissance spécique à
l’entreprise, compte tenu de celui de son secteur.
Dans la troisième phase, on considère que la visibilité est faible et que le taux de
croissance va se rapprocher progressivement de celui de la moyenne des entreprises
du marché.
La décomposition du futur en plusieurs périodes, en donnant de la exibilité au
modèle de valorisation par actualisation des dividendes, permet de lever en partie les
objections évoquées au paragraphe précédent. Il n’en reste pas moins que les PER
et donc les prix d’équilibre sont très sensibles à une modication des hypothèses.
,
177
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Chapitre 7 ■ Les modèles d’évaluation
Pour tenir compte des effets de l’ination sur la valorisation des actions, les ana-
lystes s’efforcent de déterminer dans quelle mesure les ux liés à l’ination se
trouvent répercutés dans les bénéces.
Prenons l’exemple d’une société dans un environnement inationniste, sans crois-
sance réelle, avec un taux de distribution des bénéces de 100%, et qui peut réper-
cuter intégralement l’ination. Dans ce cas, les bénéces augmentent chaque année
du taux d’ination I, supposé constant année après année:
E 1 =E 0(1+I)
La valeur théorique de l’action de cette société, compte tenu d’un taux normal de
rentabilité requis de r est:
E1 E 0( 1 + I )
P 0 = ---------
- = ----------------------
r–I r–I
Dans cette équation, on voit que plus la société peut répercuter l’ination, plus sa
valeur sera élevée. Selon qu’elle peut répercuter intégralement ou pas du tout l’ina-
tion, son P/E sera d’un maximum de 1/ρ ou d’un minimum de 1/r. Si ce taux d’ina-
tion annuel est de 5%, le taux réel requis de 6% et le taux de répercussion l de
l’ination de 100% le PE sera de 1/0,06 =16,67. Avec un taux de répercussion de
l’ination de seulement 50%, le PE passe à
1
----------------------------- 1 - = 11,7
- = ------------
0,06 + 0,025 0,085
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Les modèles d’évaluation ■ Chapitre 7
Le modèle d’évaluation par l’actualisation des dividendes est de plus en plus remis
en cause au sein des départements de recherche comme dans les travaux universi-
taires. Ceux-ci lui préfèrent le modèle d’évaluation par l’actualisation des cash ows
libres ou ux de trésorerie disponibles, et ceci pour plusieurs raisons, même si in
ne les deux approches doivent aboutir au même résultat.
D’abord, la politique des dividendes a un caractère discrétionnaire de la part des
directions générales d’entreprises et de leurs conseils d’administration. La variation
des dividendes est lissée par rapport à celle des bénéces et des cash ows parce que
les directions générales répugnent à baisser le dividende par action d’une année sur
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Chapitre 7 ■ Les modèles d’évaluation
1. L’excédent brut d’exploitation représente la différence entre la valeur ajoutée produite et les frais
de personnel, les impôts versés (hors impôt sur les sociétés), diminués éventuellement des provisions
pour dépréciation d’actifs circulants et pour risques et charges d’exploitation (Voir Jacquillat, 2013).
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Les modèles d’évaluation ■ Chapitre 7
ne sera probablement pas celui qu’ils auront subséquemment réalisé. Cette adéqua-
tion dépendra pour partie des performances de l’entreprise selon un mécanisme
représenté sur la gure7.1.
Cours t – 1
: Variation du cours
de l’action
PER ×
Variation du bénéfice
par action
BPA t – 1 –
BPA
Actif net ×
par action ROE
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Levier fiscal ×
ROE avant impôts
Levier
financier × ROCE
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Chapitre 7 ■ Les modèles d’évaluation
Le dernier terme de l’équation, parce qu’il est en général très petit par rapport au
premier, est souvent ignoré en première approximation. D’où l’on retrouve l’expres-
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Les modèles d’évaluation ■ Chapitre 7
sion traditionnelle du levier nancier, le rapport des capitaux permanents aux capi-
taux propres fois le ROCE.
La gure7.1 passe ensuite au ROE avant impôts par le «levier scal» (1 - le taux
de l’impôt sur les sociétés). Le produit du ROE après impôts par l’actif net par
action conduit au BPA (bénéce par action). La différence du BPA entre deux
périodes, exercices scaux par exemple, conduit à la variation du bénéce par action
d’une période à l’autre.
Le reste de la gure7.1, c’est-à-dire la partie supérieure, via le PER, conduit au
taux de rentabilité réalisé par l’actionnaire.
Certaines de ces variables ne sont pas du ressort exclusif de l’entreprise. Il n’em-
pêche que le taux de rentabilité réalisé dépend aussi et fortement des performances
économiques de l’entreprise. À long terme, ce sont même elles qui l’emportent sur
les autres facteurs.
Les deux ratios en bas de la gure7.1 synthétisent les performances économiques.
Ce sont d’ailleurs les deux ratios que les Anglo-Saxons appellent value drivers,
c’est-à-dire littéralement les ratios sources de valorisation : le ratio de marge
BAICF/chiffre d’affaires et le ratio de rotation des capitaux employés. Les deux
ratios peuvent être par ailleurs décomposés de manière comptablement plus détail-
lée, voire même par activité de l’entreprise. Aucun de ces deux ratios n’a une norme
absolue. Une société de la grande distribution aura un ratio de marge faible et un
ratio de rotation des capitaux employés élevé, à l’inverse d’une bijouterie. Mais le
produit des deux ratios qui représente la rentabilité des capitaux employés, devrait
être le même ou voisin d’une industrie à l’autre.
En dénitive, ces deux ratios constituent, avec la croissance du capital employé
(via le taux de rétention des bénéces), les règles de décision nancière qui s’im-
posent dans les choix de gestion et d’investissement dans les entreprises, si celles-ci
veulent faire converger au l du temps les anticipations de rentabilité des action-
naires avec celle qu’ils réaliseront effectivement.
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Chapitre 7 ■ Les modèles d’évaluation
ROCE
7,5% 10 % 12,5 % 15 % 20 %
g
Section
3 LE TAUX D’ACTUALISATION APPROPRIÉ
Comme on l’a vu au chapitre 6, la théorie moderne des marchés nanciers établit
que le risque d’une action ou d’un portefeuille est rémunéré. Toutefois, quel que soit
le degré de diversication des portefeuilles détenus par les investisseurs, ceux-ci ne
peuvent espérer de leurs investissements en actions (en plus du taux de rentabilité
que leur rapporte un placement sans risque) que la rémunération de la part du risque
dépendant du marché: c’est-à-dire qu’il existe une relation linéaire entre la rentabi-
lité anticipée par le marché sur un titre E(Ri) et le risque de ce titre (b i), relation qui
a déjà été démontrée au chapitre 6 (le «prix» du risque), et présentée sous la déno-
mination de Droite de Marché.
Le modèle de la Droite de Marché a été mis en œuvre pour la première fois au sein
du département de gestion de la banque de Californie Wells Fargo, Wells Fargo
Investment Advisors (WFIA) dès le début des années soixante-dix. Toutes les
grandes banques anglo-saxonnes l’ont mis en œuvre à l’appui et dans la continuation
des travaux d’évaluation de leurs départements de recherche. Associés en Finance
en France a été l’un des pionniers de ce concept (1977) qu’il a étendu en 2001 au
modèle du Plan de Marché TRIVAL.
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Les modèles d’évaluation ■ Chapitre 7
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Chapitre 7 ■ Les modèles d’évaluation
18
Équation du plan
16 Rentabilité espérée = 6,07 % x risque relatif
Pente de risque
+ 2,45 % x illiquidité relative – 0,05 %
14
Rentabilité espérée
12
0
0 0,5 1 1,5 2
Risque relatif ou illiquidité relative
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Les modèles d’évaluation ■ Chapitre 7
L’ESSENTIEL
•L’évaluation d’une société, et plus particulièrement de ses actions, se fait selon
les mêmes principes que celle de tout (ou presque) actif nancier et correspond
à la valeur actuelle des ux qu’elle est susceptible de générer dans le futur. Selon
les approches, ces ux correspondent aux dividendes, aux bénéces ou aux cash
ow libres. La difculté d’évaluer les actions d’une société provient du fait que
l’estimation des ux futurs, qui sont particulièrement incertains, est une tâche
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
extraordinairement complexe.
•Il n’en demeure pas moins que la valeur d’une action dépend d’un très petit
nombre de variables au premier rang desquels gurent la croissance des ux
(dividendes, bénéces ou cash ows libres) et le taux auquel ceux-ci sont actua-
lisés. La croissance des ux résulte elle-même de relations complexes à la fois
opérationnelles et nancières de l’entreprise, difciles à estimer. Les change-
ments d’anticipations quant à l’estimation de ces ux futurs expliquent pour
partie la volatilité observée des cours boursiers.
•Le taux auquel les ux futurs sont actualisés est en moyenne la somme d’un
taux sans risque, d’une prime de risque et d’une prime d’illiquidité. Le modèle
du Plan de Marché qui intègre à la fois l’estimation des ux, le risque et l’illiqui-
dité est un outil utile à la fois pour l’évaluation et la gestion.
187
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Chapitre
Obligations
8 et taux d’intérêt
SOMMAIRE
Section1 Les caractéristiques d’une obligation
Section2 Les bases du calcul actuariel
Section3 La structure des taux d’intérêt
Section4 Le risque de taux d’intérêt
Section5 Le risque de crédit
Section6 Le risque de liquidité
Section7 Diverses obligations
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
Section
1 LES CARACTÉRISTIQUES D’UNE OBLIGATION
Une obligation est un titre qui matérialise la dette d’un emprunteur à l’égard du
prêteur qui détient cette obligation. Il s’agit donc d’un titre de créance qui peut être
librement négocié en Bourse.
Au moment de l’émission, cette obligation se caractérise par un certain nombre
d’aspects et notamment:
– la valeur nominale;
– l’échéancier des remboursements;
– les coupons versés (date de coupon et montant);
– la qualité de l’emprunteur.
Ainsi, l’État français a émis le 7novembre 2013 un emprunt de 2,210milliards
d’euros matérialisé par des obligations assimilables du trésor (OAT). Ces obliga-
tions portent un coupon de 3,25%, soit 3,25euros pour 100euros investis, payable
le 25mai chaque année jusqu’à l’échéance, le 25mai2045. Ces obligations appa-
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
raissent sous le titre OAT3,25% 25MAY2045 et sont traitées sur NYSE Euronext
(code: FR0011461037). Elles sont décrites pour un euro de valeur nominale et sont
remboursables au pair à l’échéance. Le coupon C s’élèvera donc dans cet exemple à
3,25% d’un euro.
Les obligations sont généralement remboursées in ne, c’est-à-dire en une seule
fois. Toutefois, certaines obligations sont remboursées («amorties») progressive-
ment au cours du temps jusqu’à l’échéance nale. On détermine généralement celles
des obligations qui seront «amorties» à chaque échéance de remboursement par
tirage au sort.
Le coupon représente le paiement des intérêts. Historiquement, chaque obligation
était matérialisée par un titre en papier et il fallait détacher un coupon pour recevoir
le paiement de l’intérêt. À chaque date de coupon, correspondait un coupon numé-
roté différent. Cette matérialisation papier a disparu, mais le terme coupon est tou-
jours utilisé.
La grande majorité des obligations sont des obligations classiques qui sont rem-
boursées au pair et versent des coupons constants au cours du temps. La périodicité
de paiement des coupons varie selon les pays. Traditionnellement, les coupons sont
annuels en Europe continentale mais semestriels au Royaume-Uni, en Amérique et
au Japon.
D’autres obligations ont un coupon qui varie en fonction de l’évolution d’un taux
d’intérêt de marché; il s’agit d’obligations à taux variable ou à taux ottant (oa-
ting rate notes ou FRN). D’autres obligations ont leurs coupons et/ou une valeur de
remboursement indexés sur le prix d’un bien (or, pétrole, etc.) ou sur l’ination.
D’autres obligations peuvent être échangées contre d’autres titres, par exemple des
actions de la société emprunteuse ( obligations convertibles en actions). Nous pas-
sons en revue les principaux types d’obligations non classiques à la n de ce cha-
pitre, qui est principalement consacré aux obligations classiques. L’étude des obli-
gations à clause optionnelle sera abordée au chapitre 11.
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An de faire appel à l’épargne publique, un emprunteur doit présenter une taille
et une situation nancière raisonnables. Les émetteurs d’obligations sont donc des
États mais aussi des entreprises. Le risque de défaut d’une obligation dépend de la
«qualité» de l’émetteur. Des sociétés spécialisées (Moody’s, Standard & Poor’s,
Fitch…) fournissent des évaluations du risque de crédit qu’on appelle généralement
notation ou rating.
Traditionnellement, les obligations étaient émises sur un marché national et cotées
sur la Bourse de ce pays. Un marché international des capitaux s’est également
développé, généralement appelé marché obligataire international. Il s’agit d’un
marché sans frontière où les obligations sont placées par un syndicat multinational
de banques et sont achetées ou revendues auprès de banques contrepartistes (market
makers) plutôt que sur une Bourse nationale. Les opérateurs du marché international
sont regroupés au sein de l’ICMA (International Capital Market Association).
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
1. Les seules exceptions sont des obligations dont le coupon futur n’est pas encore connu et qui
doivent être cotées en valeur totale (dirty price), c’est-à-dire en euros, coupon attaché. Parmi ces excep-
tions, on peut mentionner certaines obligations à taux variable et les obligations convertibles en actions.
192
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
Dans la suite de ce chapitre, nous raisonnons toujours sur le prix (ou valeur totale)
de l’obligation, c’est-à-dire sur la somme du cours coté et du coupon couru.
Section
2 LES BASES DU CALCUL ACTUARIEL
Nous avons évoqué ci-dessus le taux d’intérêt nominal d’une obligation à son
émission, 3,25 % dans notre exemple. Un investisseur qui achète une obligation
souhaite connaître le taux de rendement global qu’il réalisera sur son titre étant
donné le prix P auquel il l’a payé. Il convient de calculer un taux de rendement
actuariel.
P (1 + r n) n = 100
ou: 100
P = ---------------------
-
( 1 + r n) n
(1)
Par exemple, une obligation qui promet un remboursement de 100 dans un an avec
un prix de P=90,91 a un taux de rendement r1 donné par:
100 -
90,91 = ---------------------
( 1 + r1 )1
D’où: r1 = 10%.
De la même manière, une obligation zéro-coupon payant 100 dans deux ans, avec
un prix de 81,16 aura un taux de rendement r 2 donné par:
193
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
100 -
81,16 = ---------------------
( 1 + r2 ) 2
Soit r2 = 11%.
Enn, si le prix est de P=32,2 et la durée n=10 ans, on aura r=12%.
On a bien sûr une relation inverse entre le taux d’intérêt de marché et le prix de
l’obligation. Si le taux d’intérêt baisse, le prix de l’obligation monte, et vice-versa.
1. Nous ne considérons ici que des obligations sans risque de défaut. Nous présentons plus loin, les
obligations avec risque de défaut.
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
13
12
Taux d’intérêt (%)
11
10
9
8
7
6
5
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Maturités (années)
Figure 8.1 – Structure de taux d’intérêt
Les obligations zéro-coupon permettent d’établir très simplement la structure de
taux. À chaque date d’échéance correspond un taux. Les emprunteurs émettent rare-
ment des obligations zéro-coupon car les investisseurs préfèrent généralement des
coupons réguliers. Toutefois, les principaux émetteurs que sont les gouvernements
ont permis aux spécialistes de réaliser un démembrement ou stripping de leurs obli-
gations à coupon. Prenons l’exemple d’une obligation d’État remboursée dans cinq
ans et payant un coupon annuel pendant cinq ans. Cette obligation peut être consi-
dérée comme une série de 5 obligations zéro-coupon correspondant à chaque cash
ow payé sur l’obligation, c’est-à-dire chaque coupon annuel plus le remboursement
nal. Un spécialiste en valeur du trésor (SVT) pourra souscrire à ces obligations
d’État et émettre à leur place cinq obligations zéro-coupon correspondant exacte-
ment aux cinq cash ows de l’obligation d’État.
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2.1 Valorisation
La valeur théorique d’une obligation qui paye des coupons réguliers est un peu
plus difcile à établir. Il s’agit de la valeur actuelle d’une série de cash ows corres-
pondant à chaque coupon et au remboursement. Comme les cash ows ont lieu à des
dates différentes, ils doivent être actualisés au taux d’intérêt correspondant à la date
de paiement. Ainsi un coupon C1payé dans un an doit être actualisé au taux à un an
r1 . Un coupon C2payé dans deux ans doit être actualisé au taux à deux ans r 2 et ainsi
de suite. En fait, une obligation à coupons est une combinaison d’obligations zéro-
coupon de maturités différentes. Par exemple, une obligation à 5 ans est la combi-
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
Il est très important de comprendre qu’il ne s’agit là que d’un taux moyen sur toute
la durée de vie de l’obligation. Il est généralement appelé en France, le taux actua-
riel brut. Un gérant obligataire qui détient en portefeuille des centaines d’obliga-
tions aura besoin d’avoir une vue synthétique sur chaque obligation et donc une
mesure simple du taux de rendement et de la durée de vie (appelée «duration» ci-
dessous) de chaque obligation en portefeuille. Toutefois, pour valoriser avec préci-
sion un titre à revenus xes, il convient d’utiliser la structure de taux zéro-coupon.
2.3 Duration
La maturité d’une obligation n’est dénie sans ambiguïté que si elle verse un ux
de trésorerie unique à une date spéciée. En général, la question à laquelle il
convient de répondre est : quelle est la maturité de l’obligation en question ? Si
l’obligation est une zéro-coupon, la réponse est claire, il s’agit de son échéance
nale puisqu’il n’y a qu’un seul ux à cette date unique. Pour toute autre obligation,
la réponse est moins évidente car la valeur de l’obligation est fonction de n ux qui
interviennent tous à des dates différentes. Comme on le voit dans l’équation (2), la
valeur de l’obligation est en fait la somme de n obligations démembrées qui, cha-
cune, promettent un paiement de Ct à une échéance t. Une méthode traditionnelle en
France est de prendre comme maturité la durée de vie moyenne qui est la moyenne
linéaire des dates de remboursement pour une obligation à remboursement progres-
sif et donc l’échéance nale pour une obligation à coupon mais remboursée in ne.
Cette méthode est erronée et incohérente avec la technique actuarielle utilisée. En
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
effet, des cash ows correspondants aux coupons sont payés tous les ans et devraient
être pris en compte. Il convient d’utiliser le calcul actuariel pour déterminer à la fois
la maturité moyenne de l’obligation, son taux de rendement actuariel moyen et sa
sensibilité aux mouvements de taux d’intérêt. En fait, la maturité moyenne d’une
obligation est la moyenne des échéances de chacun de ses ux pondérés par la part
de ce ux dans la valeur de l’obligation. Ainsi, l’échéance n est pondérée par le ratio
[Cn / (1+r)n ] / P. Cette mesure de la maturité moyenne d’une obligation est généra-
lement appelée duration par les gérants obligataires (Macaulay, 1938). Elle est
donnée par l’équation:
1 C1 C2 Cn
D = --- 1------------------
- + 2 ------------------
- + … + n ------------------
- (5)
P ( 1 + r )1 (1 + r)2 ( 1 + r )n
197
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
La mesure de duration est d’autant plus intéressante qu’elle nous permet égale-
ment de mesurer le risque de taux ou sensibilité de l’obligation. On montrera plus
bas que la sensibilité de l’obligation aux mouvements de taux d’intérêt est égale à la
duration divisée par le facteur d’actualisation (1 + r).
198
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
Section
3 LA STRUCTURE DES TAUX D’INTÉRÊT
2 Taux à terme
La théorie des taux d’intérêt indique en première analyse que dans un marché
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intégré les «taux à long terme reètent les anticipations sur les taux d’intérêt à court
terme futurs».
Cette théorie est souvent appelée théorie des anticipations pures.
Considérons un marché nancier parfaitement intégré et dans lequel les taux
d’intérêt présents et futurs sont connus avec certitude. Ainsi, les anticipations sont
forcément exactes. Supposons, par exemple, que le 31décembre 2020 le taux à un
an soit de 6% et que l’on prévoit que ce taux à un an sera égal à 8% en 2021 et à
8,5% en2022 et2023. Il s’agit de savoir quel est le taux qui devrait normalement
être coté en 2015 pour une maturité de deux et trois ans an d’assurer l’équilibre sur
le marché des capitaux. Cela peut être déterminé par un raisonnement d’arbitrage.
Un investisseur qui désire placer son argent à deux ans peut le faire directement en
2020 en obtenant le taux à deux ans ou placer à un an en 2020 (taux 6%) et encore
199
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
à un an en 2021 (taux 8%). On voit que le taux à deux ans coté en 2020 doit être
égal à environ 7%. En effet, si r est ce taux, les deux placements rapportent la même
chose, donc avec l’approximation linéaire 1:
6+8@2r et r @ 7 %
On en déduit pareillement le taux à trois ans qui doit être égal à 7,5% et ainsi de
proche en proche. Le tableau8.1 reproduit ces taux (avec l’approximation linéaire).
Coté en
2015 2016 2017 2018
Échéance en
2020 6 – – –
2021 7 8 –
2022 7,5 8,25 8,5 –
2023 7,75 8,33 8,5 8,5
La première colonne de taux (cotés en 2020) donne les taux d’intérêt cotés
«aujourd’hui» pour diverses échéances; c’est donc la structure de taux cohérente
avec les taux futurs prévus. Le même raisonnement est valable lorsque les taux
futurs ne sont pas connus avec certitude, mais simplement estimés. Plus générale-
ment, le taux d’intérêt coté aujourd’hui pour une maturité n, rn , sera égal à la
moyenne géométrique des taux à court terme anticipés dans le futur. Si on note j a1,
le taux d’intérêt à un an anticipé de prévaloir l’année j, on aura:
1 + r = 1 + 0a1
(1 + r2 )2 = (1 + 0 a1 ) (1 + 1a 1)
(1 + rn )n = (1 + 0 a1 ) (1 + 1a 1) … (1 + n–1a 1)
Ainsi, lorsqu’on anticipe une hausse des taux à court terme, la structure des taux
aura une forme telle que celle de la gure8.1, et les taux à long terme seront supé-
rieurs aux taux courts actuels et inférieurs aux taux courts prévus pour le futur. Si on
anticipe une baisse des taux, la courbe sera descendante (au lieu d’ascendante) avec
également une asymptote horizontale.
Les taux ja1 sont fréquemment appelés les taux forward/forward. Connaissant la
structure de taux, on peut en déduire ces taux forward/forward implicites dans la
structure. Ainsi, aujourd’hui (an 0), le taux à un an implicite pour dans un an 1a 1 est
donné par:
( 1 + r 2) 2
1 + 1 a1 = ---------------------
-
(1 + r 1 )
200
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
Maturité
0
Puisque les taux d’intérêt semblent reéter les anticipations sur les taux à court
terme futurs, il est important d’en étudier les déterminants et notamment l’ination.
Il est facile d’observer que les taux d’intérêt à court terme sont plus élevés en
période d’ination qu’en période de stabilité des prix. La relation entre les taux
d’intérêt et l’ination a été sérieusement étudiée pour la première fois par Fisher
(1930). Il en a déduit que le taux d’intérêt nominal sur un emprunt est égal au taux
d’intérêt réel plus le taux d’ination anticipé sur la période considérée.
L’idée qui sous-tend la relation de Fisher est très simple. Le taux d’intérêt réel est
égal à la quantité de biens qu’un individu désire recevoir (avec certitude) dans le futur
201
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
pour accepter de prêter une quantité unité de ces biens. Supposons en plus que l’on
connaisse le prix des biens durant les deux périodes. Alors le rapport des valeurs des
biens échangés d’une période à l’autre est égal à un, plus le taux nominal. Par consé-
quent, le taux d’intérêt nominal est égal au taux d’intérêt réel multiplié par le rapport
des prix des biens pendant les deux périodes, autrement dit le taux d’ination.
Notons:
– I t le taux d’ination anticipé sur la période t;
– ρt le taux d’intérêt réel sur la même période;
– rt le taux d’intérêt nominal.
La relation peut s’écrire:
(1 + rt ) = (1 + ρ t) (1 + It) (8)
La théorie de Fisher postule que le taux d’intérêt réel est constant, ou du moins
très stable, sur le court terme car il dépend de facteurs réels tels la productivité des
investissements. Ainsi le taux d’intérêt (nominal) évolue comme l’ination antici-
pée. Cette théorie est en contradiction avec l’approche keynésienne qui considère
que tout changement de croissance de la masse monétaire se répercute en priorité
sur les taux d’intérêt réels. Ainsi, une expansion soudaine de la masse monétaire
entraîne une plus grande liquidité et une baisse immédiate du loyer de l’argent. Dans
l’équation (8) c’est le taux d’intérêt réel qui baisse car l’expansion de la masse
monétaire n’entraînera une accélération de l’ination qu’à long terme. À court
terme, ce sont donc les taux d’intérêt réels qui varient selon Keynes. Au contraire,
si la relation de Fisher était vériée, les uctuations de taux d’intérêt à court terme
et de taux de rendement sur les obligations seraient essentiellement expliquées par
les variations du taux d’ination (prévu). Il est donc important de vérier cette rela-
tion qui explique la rentabilité d’un placement en valeurs à revenu xe.
Malheureusement, il est bien difcile de trouver de bonnes estimations pourρt et
pour It dans l’équation (8). Comment estimer un taux d’ination anticipé?
Dans les travaux économétriques, la solution la plus fréquemment utilisée est un
décalage pondéré des taux passés observés1. D’autres ont employé des estimations
de taux d’ination anticipés obtenus par des sondages (Chernov et Mueller, 2012).
Certains ont essayé de mesurerρ t en utilisant le taux sur une obligation indexée sur
l’ination (Chen, Liu et Cheng, 2010 et voir ci-dessous). Certaines banques cen-
trales, comme la Federal Reserve américaine, extraient les taux d’ination anticipés
à partir de swaps d’ination (Haubrich, Pennacchi et Ritchken, 2012). Ces derniers
sont des produits dérivés où une partie s’engage à verser un taux xe sur un montant
et une période prédénis et sa contrepartie s’engage à verser le taux d’ination réa-
lisé (voir chapitre11).
1. C’est-à-dire que le taux futur anticipé est une sommation des taux passés dans laquelle les obser-
vations les plus récentes ont des pondérations plus importantes.
202
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
Dans une série d’articles, Fama (1984 et 1986) a montré que, bien que l’ination
soit un déterminant fondamental des taux d’intérêt à court terme, le taux d’intérêt
réel est loin d’être constant. Toutefois, les différences de niveau de taux d’intérêt en
différentes devises s’expliquent essentiellement par des différentiels d’ination
entre les pays1 .
En résumé, la théorie économique indique quel devra être le taux actuariel des obli-
gations dans un marché intégré des capitaux. Le taux d’intérêt à long terme doit être
égal à la somme composée des taux à court terme futurs (anticipés) et d’une prime de
risque, fonction du terme considéré. De par la relation entre l’ination et les taux à
court terme, le taux d’intérêt à long terme peut se décomposer en trois éléments:
– un taux réel (qui peut être négatif, notamment en période de récession);
– le taux d’ination anticipé sur la période;
– une prime de risque, fonction du terme (et liée à la volatilité).
4 Comparaison internationale
Il existe une structure des taux d’intérêt dans chaque devise. Les taux d’intérêt
sont généralement différents selon la devise, comme on peut le voir sur la gure8.3
qui donne les taux d’intérêt pour des emprunts gouvernementaux en euro, yen, livre
et dollar en novembre 2013. Comme on le voit, les taux au Japon sont bien inférieurs
à ceux dans les principales autres devises.
4 Dollar US
Livre britanique
3
Euro
Taux (en %)
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2
Yen
0
2 ans 5 ans 10 ans 20 ans
203
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
Les différences entre les taux d’intérêt de même maturité mais dans des devises
différentes proviennent des anticipations de change. Cela sera mieux perçu sur un
exemple simple. Supposons que le futur est connu avec certitude et que les taux
d’intérêt à un an sont égaux à 5% en euro et 1% en yen. La dépréciation future de
l’euro par rapport au yen doit compenser cette différence de taux d’intérêt, sinon un
arbitrage rentable est possible. Si la dépréciation, future et prévisible, de l’euro n’est
que de 2%, il convient d’acheter des obligations en euro et de vendre des obligations
en yen, ce qui permettra d’empocher environ 2% sans risque et sans capital investi.
En fait, la dépréciation anticipée doit être d’environ 4% pour compenser le différen-
tiel de taux d’intérêt. Plus précisément, si on note S0 le taux de change aujourd’hui
(par exemple 100 yens par euro) et S1 le taux de change dans un an, supposé connu
avec certitude, l’absence d’arbitrage implique que:
S1 (1 + 1 %)
----- = ------------------------ = 0,9619
S0 (1 + 5 %)
D’où S1 = 96,19 yens.
Dans un monde d’incertitude, on appellera S 1 le taux de change à terme implicite
ou le taux de change d’équilibre (« breakeven exchange rate »). C’est le taux de
change futur qui rendra un investissement en obligations yen ou euro indifférent.
Certains le considèrent comme une prévision de change implicite dans les taux du
marché obligataire. Pour des structures de taux zéro-coupon, la formule générale à
n années s’écrit:
Sn (1 + r yen) n
----- = ----------------------------- (9)
S0 ( 1 + reuro) n
Section
4 LE RISQUE DE TAUX D’INTÉRÊT
Le détenteur d’une obligation est confronté à deux principaux risques:
– le risque de défaut de l’émetteur;
– le risque de taux d’intérêt.
La première source de risque sur une obligation provient du risque de faillite de
son émetteur. Nous y consacrons la section suivante. Ce risque est moins important
pour les émissions ayant la garantie de l’État, du moins dans la monnaie nationale1.
1. Un pays, qui émet des obligations dans une devise étrangère, peut courir le risque d’une dévalua-
tion galopante de sa propre monnaie qui ne lui permet pas d’assumer ses dettes en devise étrangère (cas
de certains pays émergents). Par contre, il est toujours possible de faire marcher la planche à billet pour
assumer des dettes en monnaie nationale. Cependant, les défauts constatés en 1998 sur les obligations
russes en rouble et en 2012 sur les obligations grecques en euros nous rappellent que les obligations
d’État peuvent exposer leur détenteur au risque de défaut.
204
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
1 Le calcul de la sensibilité
205
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
instant donné (tous les taux sont égaux à r) et étudions l’impact d’un mouvement dr
dans le niveau général des taux.
Comme nous l’indiquions précédemment, l’équation de valorisation donnée ci-
dessus n’est pas une relation théorique hypothétique, mais bien une relation exacte
et nécessaire qui lie des variables dont les valeurs sont connues avec certitude (prix
coté, coupons, valeur de remboursement et le taux d’intérêt du marché).
Lorsqu’il est question de taux d’intérêt en vigueur sur le marché, il ne s’agit pas
bien entendu du taux nominal (coupon/valeur nominale) ou du taux de coupon (cou-
pon/valeur boursière), mais du taux actuariel qui tient compte de toutes les caracté-
ristiques de l’obligation et qui intervient dans l’équation (3). Ce taux devrait être le
même, à un moment donné, pour toutes les obligations de mêmes caractéristiques et
de même maturité.
Considérons une variation de prix dP engendrée par une variation de taux d’intérêt
dr. Le changement instantané de prix est donné par la dérivée dP ------- :
dr
n
dP C1 2C2 nCn tC t
------- = –------------------- – -------------------… – --------------------------- = – ∑ -------------------------
dr (1 + r) 2 (1 + r) 3 (1 + r) n + 1 (1 + r)t + 1
t=1
Comme tout nancier, nous sommes intéressés par la variation de prix rapportée
au capital investi dP
------- . On en déduit:
P
dP
------- = – D *d r
P
avec: tCt
1
∑ ( 1 + r )-t
-----------------
D* = ---------------- ------------------------- (10)
(1 + r) Ct
∑ -----------------
( 1 + r )t
-
Comme on l’a indiqué plus haut, la sensibilité D* est donc égale à la duration D
divisée par le facteur d’actualisation (1 +r).
Le coefcient D*, souvent appelé «duration modiée» (modied duration) dans
les pays anglo-saxons, indique la plus-value en capital réalisée lors d’un abaisse-
ment du taux du marché de 1%. Ainsi, une uctuation du taux d’intérêt à long terme
dr entraînera une rentabilité proportionnelle, le coefcient de proportionnalité étant
–D*. Nous prenons ici une dénition de la sensibilité d’une obligation par rapport
à une uctuation en valeur absolue du taux d’intérêt. C’est la dénition la plus
logique. D’une part, nous sommes intéressés par des rentabilités (par euro ou par
dollar investi) sur le placement en obligations, il est donc naturel de considérer la
variation de valeur de l’obligation en fonction du capital investi dP/P et non en
valeur absolue dP. D’autre part, dr est homogène à une rentabilité comme dP/P (et
non à un prix comme dP). Il est donc intéressant de connaître la perte en termes de
206
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
rentabilité dP/P engendrée par une hausse du taux de rendement actuariel (par
exemple une hausse de 1%, r passant de 2 à 3%).
Il est intéressant d’étudier les variables qui inuencent cette sensibilité et notam-
ment l’échéance nale n de l’obligation et le taux de coupon. Cela peut être illustré
en choisissant deux exemples extrêmes: l’obligation zéro-coupon et la rente perpé-
tuelle.
• Pour une obligation zéro-coupon telle qu’aucun coupon n’est payé jusqu’au
remboursement, sa valeur est:
Cn
P = ------------------
-
( 1 + r )n
On en déduit:
dP nCn
------- = – --------------------------
-
dr ( 1 + r) n + 1
et: D* = 1
---
r
La sensibilité d’une rente perpétuelle est indépendante du taux de coupon et égale
à l’inverse du taux d’intérêt à long terme sur le marché. Si le taux d’intérêt est de
5%, la sensibilité est de 20. Donc, une hausse des taux de 10 points de base (0,10%)
engendrera mathématiquement une perte de 2% sur la rente.
Plus généralement, la sensibilité peut être calculée pour une obligation quelconque
(coupon xe progressif, etc.).
On peut donner quelques conclusions générales:
– pour les rentes perpétuelles, la sensibilité, par rapport aux uctuations, du taux
d’intérêt du marché est indépendante du taux de coupon et égale à l/r;
207
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
– pour les obligations sans coupon, la sensibilité est égale à l’échéance nale n (divi-
sée par 1 + r). Pour toutes les autres obligations, la sensibilité est inférieure à
l’échéance nale; la relation entre les deux est toutefois complexe. Néanmoins, la
maturité est l’élément prépondérant qui inuence le risque d’une obligation;
– en général1 , la sensibilité croît avec l’échéance nale mais à un taux décroissant.
Ainsi la différence entre sensibilité et échéance nale est-elle faible pour des obliga-
tions dont l’échéance est proche, mais elle augmente avec l’échéance considérée. En
fait, ce résultat provient de ce que l’échéance nale n’est pas une bonne mesure de
la durée de vie moyenne d’une obligation. C’est la duration qui mesure cette durée
de vie, et la sensibilité d’une obligation aux uctuations de taux d’intérêt est propor-
tionnelle à sa duration, pas à son échéance nale;
– la sensibilité varie en raison inverse du taux de coupon (C/P). Cet effet est toutefois
secondaire par rapport à l’effet maturité.
dP
------- = – D* dr+ 1
--- CONVEX ( dr )2 (11)
P 2
2
où CONVEX = 1---- ∂--------P- traduit la convexité de la relation entre le prix de chaque
2 ∂r 2
obligation et le taux du marché r.
Cette convexité, qui est différente pour chaque obligation, est utilisée pour afner
la mesure de la sensibilité.
La sensibilité est une mesure simple et synthétique du risque de taux d’intérêt. Elle
permet une gestion rapide du risque à un gérant obligataire qui détient généralement
1. Cette conclusion n’est strictement vériée que pour des obligations cotées au pair ou au-dessus.
Si l’obligation se vend au-dessous du pair, c’est-à-dire si le taux nominal de l’obligation est inférieur
au taux du marché, la volatilité atteint un maximum pour une maturité élevée.
208
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
en portefeuille un grand nombre de titres. Comme toute mesure simple, elle a des
limites fondées sur les hypothèses utilisées pour son calcul:
– c’est une mesure instantanée qui n’est exacte que pour des petites variations du taux
d’intérêt;
– elle ne requiert pas que la structure de taux soit plate, mais suppose que toute la
structure de taux se déplace uniformément d’un petit montant dr. Ses conclusions ne
s’appliquent que pour des uctuations dans le niveau général des taux qui se tra-
duisent par une translation parallèle de la structure des taux (les taux à court, moyen
et long terme varient du même montant dr). Comme les variations du niveau général
des taux d’intérêt constituent la plus importante source de risque pour les placements
obligataires, il est naturel de se concentrer sur cette variable. Comme les taux d’inté-
rêt de diverses maturités ne sont pas parfaitement corrélés (la structure de taux se
déforme), le coefcient de sensibilité, et donc la duration ne donne qu’une idée
approximative du risque relatif de toutes les obligations.
An de compléter les mesures de sensibilité, il est possible de simuler diverses
déformations de la structure de taux et en déduire l’évolution prévisible du cours de
toutes les obligations par un calcul actuariel direct (type équation (2)), sans utiliser des
indicateurs simpliés type sensibilité.
209
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
Section
5 LE RISQUE DE CRÉDIT
Les obligations émises par des entreprises présentent un risque de crédit, parfois
appelé risque de défaut ou risque de signature. Une obligation représente une créance
à long terme. Il n’est pas impossible qu’un émetteur rencontre des difcultés dans les
10 ou 20 ans à venir. En cas de faillite de l’émetteur, le détenteur de l’obligation risque
de ne recouvrer qu’une faible partie de sa créance. Pour compenser ce risque, le mar-
ché requiert un taux de rendement actuariel plus élevé. La différence entre le taux de
rendement actuariel d’une obligation émise par une entreprise, emprunt privé (corpo-
rate), et celle ayant la garantie de l’État se chiffre par un spread qui dépend du niveau
de risque de crédit supporté par l’investisseur. Bien sûr, un pays émergent qui
emprunte dans une devise étrangère, par exemple le dollar, doit également payer un
taux plus élevé et le spread compense le risque de défaut de ce pays sur sa dette exté-
rieure.
210
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
notation BB, les obligations sont considérées comme risquées (speculative grade) et
ne peuvent être détenues par certains investisseurs institutionnels, notamment aux
États-Unis. On réserve parfois l’appellation d’obligations à fort rendement (high
yield) ou junk bonds à de telles obligations.
Ces agences de notation utilisent divers critères pour apprécier le risque. Il s’agit
tout d’abord d’évaluer la situation nancière de l’entreprise en utilisant divers ratios
nanciers tels que sa taille, son ratio d’endettement, la structure par échéance de ses
dettes, le niveau de ses charges nancières par rapport à ses revenus et à sa marge
d’autonancement… Il s’agit également d’étudier le ou les secteurs dans lesquels
opère l’entreprise an d’analyser sa situation de concurrence nationale et internatio-
nale et la volatilité de ses bénéces. Certains critères plus subjectifs entrent égale-
ment en ligne de compte, tels qu’une évaluation de la qualité de son management.
Lorsqu’une agence décide de réétudier le risque de crédit d’une société, elle émet
un avertissement (warning) an que le marché sache que des informations nouvelles
peuvent entraîner une révision de la notation dans un futur proche. Bien sûr, une
révision à la baisse d’une notation entraîne une chute de la valeur de l’obligation,
car le taux requis par le marché, c’est-à-dire le spread, augmente corrélativement.
Bien avant qu’un émetteur ne fasse faillite, c’est le risque de migration vers une
qualité de crédit plus faible qui peut inuencer le prix d’une obligation.
AA Aa2 AA
Investment AA- Aa3 AA-
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A+ A1 A+
grade A A2 A
A- A3 A-
Speculative - B1 B+
B B2 B
Grade - B3 B-
211
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
Standard &
Moody’s Fitch
Poor’s
CCC+ - CCC+
CC Ca CC
C C C
CI - -
- - DDD
Default - - DD
D - D
4
A
AA
3
Taux (en %)
Gourvernement
0
2 ans 5 ans 10 ans 20 ans
Maturités
212
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
qui ne font pas défaut compense la perte réalisée sur celles qui font défaut. Un
exemple simple illustrera ce propos.
Considérons des obligations à un an émises par des emprunteurs BB au taux de
10 % plus un spread m %. Supposons qu’il y ait une probabilité de 1 % qu’un tel
émetteur fasse faillite en un an et que l’investisseur fasse une perte totale, capital plus
intérêt, dans ce cas. Sur 99% des obligations l’investisseur touchera dans un an (110
+ m) %. Sur 1% des obligations il récupérera 0%. Un investisseur neutre au risque
sera satisfait s’il est équivalent de placer dans des obligations sans risque qui lui rap-
porteront 110 % dans un an ou dans ces obligations risquées qui lui rapporteront
99
--------- × (110 + µ ) :
100
d’où: m = 1,11 %
213
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
1. Pour une analyse détaillées de tels modèles, on pourra consulter Crouhy, Galai et Mark (2000,
2014), ainsi que les sites web très complets des différents vendeurs de modèles.
214
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
Section
6 LE RISQUE DE LIQUIDITÉ
pays émergents. Cette faible activité s’explique en partie par l’absence de Bourse
concentrant l’activité de négoce et assurant un niveau convenable de liquidité. C’est
un aspect désagréable pour les investisseurs qui ne peuvent se défaire rapidement
des positions et demandent donc à être compensés pour ce risque de liquidité par un
surcroît de rendement. Schématiquement, nous obtenons:
Spread = Taux sans risque +Prime de risque de défaut
+Prime de risque de liquidité
L’étude de Friewal, Jankowitsch et Subrahmanyam (2012) est particulièrement
intéressante. À l’aide d’un échantillon de plus de 20 000 obligations couvrant la
période 2004-2008, les chercheurs ont trouvé que 14% de la variabilité des yields
pouvaient être attribués au risque de liquidité. En contrôlant systémiquement pour
des changements de ratings pour une obligation donnée, les variables capturant les
215
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
Pour une notation donnée, par exemple AAA, le spread évolue au cours du temps
pour deux raisons. D’une part le cycle des affaires fait que la probabilité de défail-
lance uctue. Les entreprises classées comme très risquées voient leur probabilité de
défaut se réduire en période de forte expansion mais augmenter en période de réces-
sion. Le spread varie corrélativement. D’autre part, les primes de risque de défaut et
de liquidité requises par le marché uctuent au cours du temps. En période de forte
incertitude, le marché requiert une prime de risque plus importante, un phénomène
particulièrement aigu en période de crise.
Ainsi, la crise russe de l’été 1998, l’explosion de la bulle internet en 2000 et, de façon
encore plus prononcée, la crise du crédit de 2007-2009 ont fortement affecté toutes les
obligations privées1 . L’appréciation du risque de défaut sur tous les émetteurs et l’assè-
chement de la liquidité sur les marchés obligataires ont amené une forte tension sur les
spreads de toutes les classes de risque, comme on le voit sur la gure8.5.
4
Spread (en %)
Spread BAA
3
Spread AAA
0
1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012
216
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Obligations et taux d’intérêt ■ Chapitre 8
Section
7 DIVERSES OBLIGATIONS
Les obligations classiques ont un coupon xe et constituent la grande majorité des
obligations émises en terme de capitalisation. Toutefois, de très nombreux types
d’obligations existent, parfois avec des clauses très complexes. Nous détaillons ci-
dessous les obligations indexées et les obligations à taux variable. Par ailleurs,
divers types d’obligations avec des clauses optionnelles ont également été émis,
ainsi qu’il a été évoqué au chapitre1. De même, le marché obligataire international
a connu de nombreuses émissions en deux devises, à option de change, des obliga-
tions dans une monnaie convertible en actions d’une société cotée dans une autre
monnaie, etc. Ces diverses obligations qui surgissent puis passent de mode, sont trop
nombreuses pour être étudiées en détail ici1 .
Une obligation indexée est telle que ses coupons et/ou sa valeur de remboursement
sont indexés sur la valeur d’un bien ou d’un indice de prix. Ces obligations étaient
très prisées en France et à l’étranger, notamment en période d’ination2 . Ainsi, les
emprunts indexés sur l’or (emprunt Pinay indexé sur la pièce d’or le Napoléon,
emprunt Giscard indexé sur le lingot d’or) ont permis au gouvernement français
d’emprunter à des périodes où les craintes inationnistes rendaient difcile l’émis-
sion d’obligations classiques. Les exemples d’obligations indexées abondent à tra-
vers le monde, avec par exemple les petrobonos mexicains (indexés sur le prix du
pétrole et garantis par la production nationale).
Toutefois, les plus importantes obligations indexées émises récemment sont
indexées sur l’ination, ou plus exactement sur l’indice des prix à la consommation.
De telles obligations existent dans de nombreux pays (Australie, Canada, France,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
217
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Chapitre 8 ■ Obligations et taux d’intérêt
Comme le remboursement est également indexé sur l’indice des prix, on peut
facilement vérier que le taux de rendement effectivement réalisé sera égal au taux
de coupon réel plus le taux d’ination.
Toutefois, le taux d’intérêt réel requis par le marché uctue au cours du temps.
Connaissa