14-031-A-10

Biomécanique de l’os, application

au traitement et à la consolidation
des fractures
N. Reina, J.M. Laffosse

L’os est un tissu complexe dont les propriétés mécaniques résultent de l’association d’une morphologie
externe, macroscopique, et d’une morphologie microarchitecturale liée à un réseau trabéculaire. Cette
organisation doit permettre au squelette d’être solide, élastique et léger pour autoriser la locomotion. En
effet, l’os subit d’importantes sollicitations et contraintes, et pour les supporter, il possède des qualités
mécaniques qu’il est nécessaire d’appréhender dans différents contextes (compression, traction, flexion,
etc.). Par ailleurs, il s’agit également d’un tissu vivant qui se forme mais aussi se résorbe en fonction des
contraintes mécaniques qu’il subit. De même, après une fracture, il est le siège d’une série de processus
mécaniques et biologiques très complexes aboutissant à la consolidation osseuse. Cette dernière est
influencée notamment par des facteurs mécaniques. On doit alors, lors de sa prise en charge, choisir le
type de fixation le plus pertinent en fonction du contexte : stable/instable, dynamique/statique, etc.
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Mots-clés : Os ; Biomécanique ; Consolidation ; Ostéosynthèse ; Statique ; Dynamique

Plan  Introduction
■ Introduction 1 L’os est un tissu vivant, complexe, dont les propriétés
■ Biomécanique et tissu osseux 2 mécaniques résultent de l’association d’une macrostructure géo-
Généralités biomécaniques 2 métrique avec une morphologie microarchitecturale liée à un
Déformation irréversible des matériaux 2 réseau trabéculaire et cortical. Les sollicitations et les contraintes
Influence de la biomécanique sur un tissu vivant 3 que reçoivent les os lors de la locomotion nécessitent résistance
Application des lois biomécaniques à un tissu complexe 3 mécanique et élasticité. Cette organisation doit permettre au sque-
Complexe os-muscle 4 lette d’être solide, élastique et léger pour se déplacer lors de la
Différents types de déformation et biomécanique des fractures 4 marche, la course, les sauts mais aussi, le cas échéant, répondre
■
à des contraintes plus inattendues en torsion ou cisaillement.
Biomécanique et consolidation osseuse 5
C’est donc un cahier des charges exigeant que doit remplir notre
Influence du cal osseux 5
squelette. Il s’agit également d’un tissu adaptatif et évolutif selon
Influence de la mise en charge 6
l’âge, le sexe, les sollicitations physiques (aussi bien sportives que
■ Application au traitement des fractures 6 professionnelles), ou encore hormonales et métaboliques.
Traitement orthopédique 6 Cependant, cet équilibre mécanique peut être interrompu
Traitement chirurgical 6 lors de traumatismes entraînant des fractures lors de lésions
■ Autres traitement adjuvants et voies de recherche : macro- ou microstructurales engendrant des fractures patholo-
implications mécaniques et biologiques 14 giques. Le processus de consolidation osseuse permet alors de
Ondes de choc 14 réparer la fracture, ce qui impose non seulement de restaurer
Ondes électromagnétiques ou champs électromagnétiques la continuité de la pièce osseuse mais aussi de recouvrer ses
pulsés 14 qualités biomécaniques. Ce processus va évoluer sur plusieurs
Ultrasons pulsés 14 semaines avant de permettre sa remise en charge et plusieurs
■ Conclusion 14 mois, voire des années, avant obtenir une restitution ad integrum
de sa structure macro- et microscopique ainsi que de ses qualités
biomécaniques.
Bien que longtemps traitées uniquement de façon orthopé-
dique par l’immobilisation et le repos, le traitement des fractures
a connu les bénéfices de l’intervention médicale dès la plus
haute Antiquité. Les techniques d’ostéosynthèse améliorées au fil

EMC - Appareil locomoteur 1

Volume 9 > n◦ 2 > avril 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0521(14)62010-6
 14-031-A-10  Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures
des découvertes en biomécanique osseuse et en matériaux pour
l’ostéosynthèse permettent aujourd’hui d’optimiser la fixation
des fractures par des moyens moins invasifs, de réduire la durée
d’immobilisation, de faciliter la remise en charge précoce et de
limiter les risques de complications telles que les infections, les
pseudarthroses ou les cals vicieux.
 Biomécanique et tissu osseux
Généralités biomécaniques
Les propriétés mécaniques d’une structure dépendent, d’une
part, des propriétés du ou des matériaux qui la composent et,
d’autre part, des propriétés liées à l’architecture de la structure.
Tout matériau a un comportement intrinsèque, indépendant de
la géométrie de la structure étudiée. Ce comportement est défini
grâce à plusieurs paramètres qui le caractérisent. Ainsi, parmi ces
paramètres, il est essentiel de connaître le module d’élasticité du
matériau. Ce module d’élasticité (module de Young) traduit la rela-
tion qui existe entre la déformation du matériau et la contrainte
qui lui est appliquée. Il est déterminé lors d’un test biomécanique
en rupture. Pour cela, on considère une éprouvette du matériau
à étudier (cette éprouvette correspond à un échantillon de maté-
riau dont la taille et la forme sont telles que l’on peut la considérer
comme homogène). Durant ce test, on mesure la déformation (ε)
(strain) qui correspond à la modification de la longueur (l) en
fonction de la longueur initiale (l0 ), telle que ε = l/l0 . Parallèle-
ment, on enregistre la contrainte (σ) (stress) subie par l’éprouvette
durant le test. Cette contrainte est la pression (exprimée en N/m−2 )
subie par le matériau. La relation entre ces deux variables (défor-
mation et contrainte) est définie par l’équation : σ = E.ε où le
module d’élasticité (ou module de Young), noté E, correspond à
la pente de la courbe (Fig. 1) ; il s’agit d’une caractéristique propre
et unique du matériau.
Si les contraintes appliquées demeurent dans la zone de défor-
mation élastique, la déformation subie est réversible et la structure
retrouve sa forme et ses dimensions initiales lorsque la contrainte
aura cessé. Plus ce module est élevé (et la pente « abrupte »), plus le
matériau est dit « rigide » (Tableau 1). Au-delà du point de « limite
élastique » (zone rouge [yield point]), le matériau entre dans la
« zone de déformation plastique », non réversible. L’éprouvette
conserve la déformation imposée, même si la contrainte cesse.
Cela signifie que les propriétés du matériau ont changé. Un nou-
veau test en traction sur l’objet définirait une autre zone de
déformation élastique puis plastique propre.
4 Il existe également des propriétés structurales qui sont liées à
1 6
Contrainte σ
2
5 la forme de l’objet.
3 pertinent est fonction de l’os à étudier et des contraintes qu’il
Déformation ε
Figure 1. Courbe de déformation en fonction de la contrainte appli-
quée à un matériau. 1. Déformation élastique ; 2. limite élastique ; 3. limite
haute d’élasticité ou contrainte de rupture ; 4. déformation plastique ;
5. point de rupture ; 6. module d’élasticité (module de Young).
2 EMC - Appareil locomoteur
Tableau 1.
Modules d’élasticité (en gigapascal [GPa]) de différents matériaux utilisés
en orthopédie.
Alumine 400
Acier inoxydable 200
Titane 100
Os cortical 7–21
Ciment chirurgical 2,5–3,5
Os spongieux 0,7–4,9
Polyéthylène hautement réticulé (UHMW-PE) 1,4–4,2
2 2
Figure 2. Test en flexion trois points. La charge (1) est appliquée sur le
matériau et crée une déformation (flèches) au point d’application. Cette
charge peut être également appliquée en deux points pour le test en
flexion quatre points (deux points de charge plus deux points d’appui [3] ).
Déformation irréversible des matériaux
Le comportement des matériaux en zone de déformation plas-
tique est régi par des caractéristiques intrinsèques. Elle varie
également d’un matériau à l’autre. Un matériau « ductile » a la
capacité de subir une déformation plastique sans se rompre, il
s’oppose à un matériau « cassant ». La déformation se poursuivant,
la contrainte augmente jusqu’à ce qu’elle atteigne la contrainte
maximale, qui détermine la « limite d’élasticité haute ». Au-delà,
la section transversale diminue régulièrement. Puis le matériau
atteint sa « limite de rupture ». La céramique, par exemple, est très
rigide mais très cassante avec une très faible distance entre la limite
d’élasticité et le point de rupture.
La déformation plastique n’est cependant pas le seul mode de
déformation irréversible. En effet, si une contrainte constante,
sous le seuil de la limite d’élasticité, est appliquée à un objet, le
fluage entraîne une déformation irréversible. C’est, avec le module
d’élasticité, une propriété intrinsèque des matériaux. Les tests
en fluage sont des essais réalisés en quasi statique et permettent
d’étudier les matériaux ductiles ou fragiles.
la géométrie de l’objet et à la répartition de la matière autour
du point d’application des contraintes. Une force appliquée à
un objet détermine une déformation. La courbe qui lie force et
déformation représente la « raideur » de l’objet, notion qui est à
différencier de la rigidité, seulement liée au matériau qui compose
cet objet. La raideur est fonction du moment d’inertie et donc de
Le module de Young d’un matériau est défini classiquement
par un test de rupture en traction. Des essais en flexion, torsion
et compression peuvent être réalisés pour observer le comporte-
ment et définir les autres modules caractéristiques du matériau
lors de différentes déformations. Le choix du type d’essai le plus
subit in vivo. Les essais en flexion peuvent se faire selon plusieurs
types d’appui, trois ou quatre points (Fig. 2). Le matériau subit
alors des contraintes en compression dans sa concavité et en ten-
sion dans sa convexité, s’échelonnant selon un gradient linéaire
dans l’épaisseur de l’objet. Les essais en torsion font subir à l’objet
un couple de forces de sens opposé qui s’exercent en spirale sur sa
longueur. L’os diaphysaire s’assimile à un cylindre creux et ses pro-
priétés en torsion sont améliorées par l’augmentation du diamètre
extérieur. Ainsi, les comportements de résistance aux contraintes
 Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures  14-031-A-10
1 travées osseuses au niveau de l’extrémité supérieure du fémur
2 des contraintes prédominant en cisaillement sur le col fémo-
Contraintes
3 ogival. L’éventail de sustentation céphalique et les travées tro-
4 microstructure osseuse également. L’exercice physique et le sur-
Déformation
Figure 3. Anisotropie de l’os d’après Burstein. Les tests en traction
réalisés dans différentes directions montrent des comportements biomé-
caniques et des modules d’élasticité différents. 1. Traction longitudinale ;
2. traction selon un axe de 30◦ ; 3. traction selon un axe de 60◦ ; 4. traction
selon un axe orthogonal à l’axe de l’os.
de torsion, compression axiale, flexion ou encore cisaillement
découlent des propriétés intrinsèques mais également structurales
de l’objet étudié.
Lorsque l’on analyse les mécanismes de rupture d’une structure,
on peut distinguer :
• la rupture en charge : c’est l’application continue d’une force
jusqu’à la rupture. Il s’agit du mode classique de fracture osseuse
dans le cadre de traumatisme aiguë ;
• la rupture de fatigue : il s’agit d’une rupture secondaire à
l’application de contraintes qui demeurent sous la limite
d’élasticité, mais qui sont appliquées de manière cycliques.
C’est le cas des fractures d’implants après pertes de stabilité
d’une ostéosynthèse.
L’étude du comportement mécanique des objets est fondée
sur la « théorie des poutres », modèle utilisé en résistance des
matériaux. Certains prérequis sont nécessaires pour l’utilisation
de ces principes, et notamment le fait que le matériau doit
être homogène, élastique et isotrope (c’est-à-dire que les proprié-
tés mécaniques du matériau soient identiques quelle que soit
la direction d’application de la contrainte). D’emblée, on doit
admettre cette approximation, car l’os a de nombreuses proprié-
tés intrinsèques qui en font un tissu complexe d’un point de vue
mécanique. En effet, l’os est « anisotrope » (Fig. 3) ; son module
d’élasticité (E) dépend de la direction de la contrainte subie. L’os
a par exemple une plus faible résistance en cisaillement qu’en
traction, elle-même plus faible qu’en compression. Pour l’os cor-
tical, la contrainte de rupture peut être évaluée à 210 N/m2 en
compression, 150 N/m2 en traction et 80 N/m2 en cisaillement. Il
est également « viscoélastique » ; lors de la mise en charge, sa défor-
mation va dépendre de la contrainte subie mais également de la
vitesse d’application de cette contrainte. Plus le vecteur vitesse est
important, plus l’os réagit avec une rigidité élevée. Ainsi, l’os tra-
béculaire devient plus rigide en compression lorsque la vitesse de
mise en charge augmente. Ce mécanisme est bien connu pour la
rupture ligamentaire. À faible énergie, la résistance d’un ligament
est inférieure à celle de l’os. Le ligament se rompt généralement
en plein corps. Si la vitesse du traumatisme augmente, la raideur
du ligament augmente et la rupture se fait préférentiellement au
niveau de l’enthèse ou par avulsion osseuse.
Influence de la biomécanique
sur un tissu vivant
La loi de Wolff a été énoncée au XIXe siècle par un anatomiste
chirurgien allemand Julius Wolff. Il considérait l’os trabéculaire
comme ayant une organisation non aléatoire et anisotrope. Cette
EMC - Appareil locomoteur
architecture était, selon lui, la résultante des contraintes qu’il
subit [1] . Elle fait de l’os un organe vivant dont l’adaptation se
fait à plusieurs échelles. D’une part, une sollicitation répétée ou
spécifique rend la macrostructure différente. L’organisation des
en est un exemple très illustratif. Le bras de levier généré par
le déport des contraintes axiales sur les membres inférieurs crée
ral. Ainsi, les travées s’organisent en faisceaux sur un modèle
chantériennes fonctionnent en traction, tout comme les réseaux
arciformes. D’autre part, ce mécanisme agit sur la densité et la
poids accroissent la masse osseuse du fait de l’hypersollicitation
du complexe ostéotendinoligamentaire [2] . À l’inverse, une dimi-
nution des contraintes appliquées à l’os et les expériences de
microgravité illustrent la déminéralisation relative induite [3] .
Cette loi, largement réinvestie et étudiée, a permis de faire émer-
ger la théorie des méchanostats, décrite et développée par Frost [4]
dès 1960. Les méchanostats détectent les variations de contraintes
auxquelles l’os est soumis. L’os s’adapte ensuite à ces nouvelles
contraintes par des modifications architecturales tout au long
de la vie [5] . Les contraintes appliquées à l’os ont un effet sur
l’homéostasie osseuse via des phénomènes non mécaniques et des
rétrocontrôles cellulaires. Cette optimisation mécanique résulte
d’un couplage entre la charge et l’activité cellulaire [6] , mais les
mécanismes de transduction restent encore à ce jour mal connus.
Application des lois biomécaniques
à un tissu complexe
L’os peut être observé selon différentes échelles d’organisation,
chacun apportant sa part d’explication concernant ses propriétés
biomécaniques. Sur le plan histologique, l’os est composé de colla-
gène et d’hydroxyapatite. Le collagène, principalement de type I,
qui représente l’essentiel de la trame organique (90 %), a une
mécanique en traction supérieure à sa résistance mécanique en
compression [7] . L’hydroxyapatite, constituée de cristaux de phos-
phate de calcium, représente, pour sa part, l’essentiel de la trame
inorganique minéralisée. C’est un matériau rigide mais cassant,
résistant à la compression. L’os humain est minéralisé à 45 % selon
Seeman [8] , il s’agit d’une valeur optimale. En effet, si cette valeur
diminue, l’os devient trop flexible en charge et rompt ; s’il est trop
minéralisé, il devient cassant (brittleness). Il faut considérer le fait
qu’une faible variation de densité et de la minéralisation osseuse
peut entraîner une variation importante du module d’élasticité de
l’os [9] . L’âge, des paramètres biologiques et hormonaux (patholo-
gies endocriniennes, ménopause), l’hydratation du tissu [10] , des
pathologies osseuses [11] et le sexe sont des facteurs influençant la
résistance de l’os aux contraintes. La compétence de l’os peut aussi
être modifiée par des facteurs extrinsèques modifiables comme
l’activité physique et sportive [2] comme on l’a vu précédemment,
mais aussi les rayonnements ou certaines molécules à visée théra-
peutique qui interfèrent dans le métabolisme osseux.
Au niveau microarchitectural, il existe l’os cortical et le réseau
trabéculaire. L’os spongieux est quatre fois moins dense, dix
fois moins rigide et cinq fois plus élastique que l’os cortical.
L’organisation des ostéons est l’une des raisons expliquant la rigi-
dité de l’os cortical. Il s’agit de l’association de fibres de collagène
calcifiées organisées en lamelles pour former les canaux du réseau
haversien (Fig. 4). Les propriétés biomécaniques pour chaque type
de tissu osseux (cortical et spongieux) varient en fonction de la
contrainte (Tableau 2). Les courbes de déformations sont très diffé-
rentes entre ces différents tissus. Bien que les modules élastiques
de l’os cortical en traction et en compression soient proches, la
phase plastique en compression avant la rupture est très courte par
rapport aux essais en traction. L’os est donc plus ductile en trac-
tion. Les propriétés de l’os évoluent en fonction de contraintes en
intensité mais également en répétition. Si l’os a dépassé son point
de limite d’élasticité, son module d’élasticité se modifie lors des
futures contraintes (Fig. 5). C’est le fait de microfractures qui vont
peu à peu diminuer la rigidité [10] .
3
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3 4 5 6 7
1

10-500 µm 3-7 µm 0,5 µm 1 nm

Figure 4. Structure de l’os cortical. L’organisation en lamelles concentriques de fibres de collagène associées à la trame minérale crée le réseau haversien.
1. Os spongieux ; 2. os cortical ; 3. osteon ; 4. canal haversien ; 5. lamelle ; 6. fibre de collagène ; 7. fibrille de collagène ; 8. molécule de collagène ; 9. cristaux.

Tableau 2. Tableau 3.
Module élastique (gigapascal [GPa])/contrainte de rupture (mégapascal Forces de rupture pour différentes pièces osseuses en fonction des types
[MPa]) selon le type d’os en fonction du type de contrainte [11] . de contraintes [12] .
Os cortical Module élastique Contrainte de rupture Col fémoral Compression latérale 1000–4000 N
Compression verticale 725–10 570 N
Traction [12, 13] 11,4–19,1 107–146
Compression [5] 15,1–19,7 156–212 Fémur Compression axiale 6000–17 000 N
Cisaillement [13] 73–82 Flexion 2000–3000 N
Torsion 183 Nm
Os spongieux
Patella Impact sagittal 7000–10 000 N
Traction [14] 0,2–5 3–20
Compression [15] 0,1–3 1,5–50 Tibia Compression 2500–12 000 N
Cisaillement [16] 6,6–8 Flexion 1500–2 500 N
Torsion 100 Nm
Rachis lombaire Compression axiale 1400–9000 N

σy
muscles agissent comme des haubans qui permettent d’augmenter
le module de Young du complexe. L’ensemble os-muscle constitue
une poutre composite qui est plus résistante que chaque élément
considéré séparément. Ainsi, pour Nordsletten et Ekeland [13] , la
contraction musculaire augmente de 23 % la rigidité du tibia en
flexion et de 60 % la résistance à la rupture, sur un modèle animal
Contrainte

in vivo. Pool-Goudzwaard et al. [14] , dans une étude cadavérique,

Eo détaillent la capacité des muscles du plancher pelvien à mettre en
tension la charnière sacro-iliaque pour rigidifier l’anneau pelvien.

E Différents types de déformation

εp
Déformation
Figure 5. Modification du module d’élasticité (E) au-delà de la limite
élastique, d’après Nyman et al. [10] .
Au niveau macroscopique, la forme globale de l’os est un élé-
ment clé, ainsi que sa section. L’étude de l’os est assimilée à la
théorie des poutres quand on considère l’os diaphysaire, corti-
cal, dont la section peut être considérée comme continue. Il s’agit
d’une approximation, car chaque os long a une forme, une cour-
bure, une section, une longueur différentes tandis qu’au niveau de
chaque pièce osseuse, on décrit des zones anatomiques (épiphyses,
métaphyses et diaphyse) dont l’architecture est singulière, etc. On
peut cependant rappeler les principales propriétés biomécaniques
pour quelques os étudiés [12] (Tableau 3).
Complexe os-muscle
Un autre élément est à considérer, il s’agit de l’association des os,
et plus généralement de l’environnement musculaire des os. Les
et biomécanique des fractures
Les différents types de déformations que peut subir l’os sont
généralement décrits séparément dans un but didactique. Mais
les phénomènes de compression, traction, flexion, cisaillement
et torsion sont bien sûr le plus souvent associés à des degrés très
divers en fonction de l’activité ou du type de traumatisme.
Fractures par fragilisation de l’os
Les contraintes nécessaires pour générer une fracture dépendent
également de la qualité de l’os. Par exemple, après ablation d’un
matériel d’ostéosynthèse ou de fiches de fixateur externe, les ori-
fices laissés dans l’os perturbent la structure mécanique de l’os.
Burstein et al. [15] ont étudié l’influence des trous créés pour
la mise en place des vis chez le lapin. Ils ont montré que l’os
perdait 70 % de sa rigidité et donc de sa capacité à résister aux
contraintes en créant une zone de fragilité. Cet effet est aussi
présent à l’ablation des vis mais moins marqué.
Fractures de fatigue
L’os peut, par ailleurs, se fragiliser lors de contraintes phy-
siologiques répétées. La fréquence, l’amplitude des contraintes
auxquelles est soumis le squelette, lors de la pratique sportive par
exemple, peut entraîner un phénomène de fatigue du tissu qui
peut mener à la survenue de microfractures. Le nombre de séances,

4 EMC - Appareil locomoteur

 Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures  14-031-A-10
1 3 5 7
2 4 6 8
Figure 6. Traits de fracture et principales contraintes subies par l’os.
1. Traction ; 2. transversale ; 3. compression ; 4. oblique ; 5. flexion ; 6. aile
de papillon ; 7. torsion ; 8. spiroïde.
leur intensité ainsi que des temps de repos limités renforcent cette
tendance. L’os qui subit des microtraumatismes répétés s’adapte
en se déformant par un mécanisme de remodelage jusqu’à sa
limite de déformation élastique. Le phénomène est réversible si
les contraintes cessent. Cependant, si les contraintes se pour-
suivent, une fracture de fatigue peut survenir. L’inadaptation du
tissu osseux à des contraintes répétées et inhabituelles nécessite
un remodelage rapide. L’action combinée ostéoclastique et ostéo-
blastique crée des zones de fragilité du tissu osseux cortical et/ou
trabéculaire qui favorisent la survenue des microfractures par sur-
menage.
Fractures traumatiques
Une fracture fait le plus souvent suite à un traumatisme. On
peut généralement identifier un mécanisme principal en fonction
de la fracture résultante. D’autres éléments influencent le type de
fracture comme l’énergie cinétique au moment du traumatisme
et on peut ainsi distinguer :
• les fractures à faible cinétique : chute de la hauteur du patient
ou traumatisme mineur ;
• les fractures à haute cinétique : accident de la voie publique,
chute d’un lieu élevé ;
• les fractures à très haute cinétique : traumatismes balistiques.
Ils entraînent des fracas majeurs par transfert de cette énergie
cinétique à l’os.
Chaque contrainte fondamentale induit une déformation pré-
visible. La compression raccourcit, la traction allonge, la flexion
entraîne une incurvation au milieu du segment osseux tandis
que la torsion entraîne la rotation de l’os selon un axe défini.
Ainsi, on peut raisonner de la manière inverse où, en analysant
le trait de fracture, on déduit la contrainte principale en cause
(Fig. 6). Un trait de fracture transversal résulte plutôt d’un méca-
nisme principal en traction. Une compression pure de l’os a pour
conséquence un trait de fracture oblique. Si cette compression est
associée à de la flexion, la fracture se caractérise par l’apparition
d’un troisième fragment dit « en aile de papillon ». Enfin, un trait
spiroïde est le résultat d’une contrainte en torsion. Ces considé-
rations décrivent le comportement des os longs. D’autres types
de fractures sont typiques de certaines régions anatomiques. Sans
décrire tous les types de fractures que l’on peut rencontrer, certains
sont remarquables, car ils illustrent un mécanisme dominant. Les
fractures avulsions apophysaires, les fractures rachidiennes dites
« de chance » surviennent par traction alors que le mécanisme des
tassements vertébraux est une compression.
Les fractures de l’enfant sont traitées dans un chapitre dédié et
leur biomécanique est très particulière en raison de l’existence
d’un périoste très épais et très résistant ainsi que d’un proces-
sus de maturation osseuse incomplet. On peut cependant décrire
les « fractures en bois vert » qui correspondent à la rupture d’une
seule corticale à la convexité de la fracture et associée à une défor-
mation élastique de la concavité, la « motte de beurre », qui est
une compression plastique métaphysaire, ou l’arcuature, qui est
une déformation plastique de la diaphyse. Ce sont des fractures
EMC - Appareil locomoteur
typiques d’un tissu osseux immature. Enfin, les décollements épi-
physaires concernent les plaques de croissance métaphysaires et
sont également traitées dans un autre chapitre.
 Biomécanique et consolidation
osseuse
La consolidation osseuse est un processus biologique et méca-
nique. Considérer le défaut de consolidation seulement du seul
point de vue mécanique néglige l’effet conjoint de l’ostéosynthèse
et de la cicatrisation cellulaire et tissulaire sous l’effet de fac-
teurs locaux chimiques (bone morphogenetic proteins, insulin growth
factors [IGF], platelet derived growth factors [PDGF], équilibre acido-
basique, etc.) et environnementaux (lésion vasculaire, contusion
tissulaire, œdème, etc.).
La consolidation osseuse, d’un point de vue biologique, débute
dès la fracture. La phase initiale de la consolidation est la phase
inflammatoire. Un hématome fracturaire se crée par microtrauma-
tismes vasculaires locaux. Cette phase durant jusqu’à la troisième
semaine se caractérise par une réaction inflammatoire locale et va
permettre le recrutement et l’activation des précurseurs via une
cascade enzymatique impliquant des facteurs de croissance et acti-
vateurs de l’activité cellulaire. Il résulte la création d’un tissu de
granulation fibrovasculaire. Cette organisation précoce explique
l’importance de la conservation de l’hématome fracturaire et la
conséquence de sa déstablisation dans les fractures ouvertes.
La phase suivante permet la création du cal primaire ou « cal
mou ». Il s’agit d’un tissu osseux et conjonctif immature. Des
lamelles précoces d’os pontent le foyer fracturaire afin de stabi-
liser les fragments osseux, et ce jusqu’à la fin du premier mois.
Ce tissu s’organise progressivement sur le plan histologique et
permet la phase suivante de minéralisation du cal. Cette ossifica-
tion se caractérise par la formation d’un tissu lamellaire primaire
multidirectionnel non orienté.
La phase de remodelage adapte l’os aux contraintes mécaniques
en organisant l’os lamellaire secondaire. Sur le plan histologique,
il s’agit de reconstituer l’architecture osseuse haversienne de
lamelles concentriques et le canal médullaire. Cette phase s’étale
sur plusieurs mois (12 à 18 mois) et permet de restituer les carac-
téristiques morphologiques mécaniques de l’os. Ce processus est
d’autant plus important que le squelette est immature, que la frac-
ture se situe proche d’une épiphyse fertile et que le trait fracturaire
se situe dans le plan du mouvement : pas de correction des défauts
de rotation.
Influence du cal osseux
La restauration des qualités biomécaniques de l’os est un pro-
cessus évolutif. Le cal osseux augmente initialement et la rigidité
avec lui. La rigidité atteint un niveau physiologique en environ
28 jours chez l’homme. Cette restauration évolue de façon paral-
lèle à l’augmentation de volume du cal et à la réorganisation
tissulaire. L’étude de la surface de section du cal osseux sur des
fémurs de rats montre un pic de formation autour de la qua-
trième semaine après la fracture [16] . Le volume du cal diminue
lentement pour retrouver un niveau normal après plusieurs mois
par le remaniement selon la loi de Wolff. Dans ce modèle, la crois-
sance osseuse est plus rapide que chez l’homme, mais il permet de
souligner que l’augmentation du cal se fait de façon concomitante
à la récupération des qualités mécaniques (Fig. 7).
Le moment d’inertie d’un tube cylindrique est proportionnel à
la puissance 4 du rayon. Il peut s’écrire : I = (R–r)4 /4 où I est la rigi-
dité ; R étant le diamètre externe de l’os et r le diamètre interne.
L’augmentation du volume du cal osseux augmente considérable-
ment le moment d’inertie et par conséquent la rigidité du segment
osseux, même s’il est vrai qu’il faille différencier différents types
de cal. Selon la position du cal, cette rigidité varie dans un sens
opposé. En effet, plusieurs types de cal existent et leur propriétés
diffèrent [17] (Tableau 4). Müller [18] rapportait qu’un cal par appo-
sition périostée a un effet positif alors qu’un cal médullaire peut
même diminuer la rigidité quand une consolidation corticale pure
n’a pas d’influence sur ce paramètre (Fig. 8). Un parallèle peut être
5
14-031-A-10  Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures

Tableau 4.
Les différents types de cals et leurs caractéristiques, d’après McKibbin [17] .
Type de Vitesse Comblement d’un Tolérance à la Tolérance à la Importance des
consolidation espace stabilité stabilité absolue tissus mous
Cal périosté +++ +++ +++ – +++
Cal cortical + – – ++++ –
Cal médullaire ++ ++++ (lent) ++ +++ –

même que celle du montage, la gestion des tissus mous sont autant
25 de facteurs de décision. Bien que la stabilité soit un des éléments
clés de la consolidation, l’absence de contrainte au niveau du
Apposition osseuse en coupe (mm2)

foyer n’est pas un facteur favorisant. Après une fixation optimale

20 (dont les critères ont été décrits ultérieurement), des contraintes
de faibles amplitudes et générant seulement des micromouve-
ments permettent une accélération de la consolidation osseuse [20] .
15 Cela est optimal après une compression répétée et cyclique de l’os
comme le décrivent White et al. [21] . La traction a une influence
moins importante, mais cette propriété est un des fondements de
10 la technique de callotasis pour l’allongement osseux, développée
par Ilizarov [22] .

5 p < 0,05
 Application au traitement
0 des fractures
1 2 3 4 5 6
Délai après fracture (semaines) Les premiers traitements des fractures remontent à la plus haute
Figure 7. Évolution du diamètre de l’os après fracture sur un rat (d’après Antiquité. Les procédés d’immobilisation apparaissent en Égypte
Aro et al.). ancienne avec l’aide d’attelles en bois enveloppées dans des linges.
Hippocrate décrivit la nécessité de la mise en traction pour les
fractures des membres afin d’obtenir une réduction à l’aide d’un
banc équipé de treuil (scamnum). Il recommandait déjà d’éviter
l’atrophie musculaire par l’exercice pendant l’immobilisation.
L’immobilisation se faisait ensuite par des résines et de la cire.
40 Celse, juste avant notre ère, rigidifiait des bandages avec de
l’amidon. Ambroise faisait des moulages de tissu, de parchemin
ou de cire qui durcissaient en séchant. Le plâtre de Paris ne fut
utilisé qu’à partir de 1852 par Antonius Mathijsen, chirurgien
A hollandais. Cette technique connut cependant un essor et un
développement très important et fut un des progrès majeurs dans
la prise en charge des fractures.
16 32
Traitement orthopédique
C’est le traitement le plus ancien et encore le plus répandu. Il
B
reste le traitement de choix pour les fractures non ou peu dépla-
cées des os longs. La consolidation autonome de l’os est favorisée
par le réalignement des segments osseux. L’objectif est de conser-
8 ver tous les éléments biologiques nécessaires à la consolidation,
aujourd’hui encore partiellement identifiés. Sarmiento et al. [23]
montrent la présence d’un cal plus actif lorsque l’hématome frac-
turaire et la vascularisation sont conservés intacts.
C
Figure 8. Cal et rigidité osseuse relative.
A. Cal périosté. Rigidité relative/mm2 (2).
Traitement chirurgical
B. Cal cortical. Rigidité relative/mm2 (1). Toutes les techniques et types d’ostéosynthèse tendent vers
C. Cal endosté. Rigidité relative/mm2 (1/4). un but : obtenir la consolidation osseuse [24] . Chaque fracture
associe, à un degré variable, en fonction de l’énergie trauma-
tique, des lésions tissulaires, musculaires, vasculaires dont on doit
fait avec les clous utilisés en ostéosynthèse. Les clous pleins étant tenir compte pour choisir le type d’ostéosynthèse. La rééduca-
moins résistants que les clous creux, à diamètre extérieur iden- tion et, en particulier, l’appui postopératoire, autorisé ou non,
tique. D’après Aro et Chao [19] , les deux éléments qui stimulent doivent être anticipés pour optimiser le traitement et son résultat
le plus le cal périosté sont l’espace interfragmentaire et la charge fonctionnel. Le traitement chirurgical a longtemps impliqué une
physiologique, ce qui correspond au poids du sujet. Ce cal péri- ouverture du foyer fracturaire et, par conséquent, une « agression »
osté est ensuite remodelé simultanément à la constitution du cal vis-à-vis des voies biologiques du processus de consolidation.
cortical qui n’est, pour sa part, pas lié aux contraintes. L’amélioration des connaissances sur le cal biologique, d’une part,
et des techniques et matériels chirurgicaux, d’autre part, ont per-
Influence de la mise en charge mis de faire apparaître les principes de techniques minimales
invasives ou de pontage de fractures. La réduction anatomique
La décision de la reprise de l’appui après une fracture dépend de de la fracture reste cependant le primum movens. La réduction
nombreux paramètres. En effet, le type de fracture, sa stabilité de par manœuvres externes est ainsi un préalable indispensable pour

6 EMC - Appareil locomoteur

 Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures  14-031-A-10
Figure 9. Haubanage d’olécrane.
1 2
3 de serrage huit fois supérieur. Le diamètre externe est défini par
4
5 le diamètre du filetage. Le diamètre du filetage détermine la résis-
Figure 10. Anatomie d’une vis. 1. Tête ; 2. filetage ; 3. pas de vis ;
4. diamètre externe ; 5. diamètre interne.
éviter l’ouverture du foyer. Cela peut être obtenu par l’utilisation
par exemple, des tables orthopédiques pour la mise en traction.
Moyens de l’ostéosynthèse
Ostéosynthèse par haubanage
Ce principe repose sur les contraintes différentielles qui peuvent
exister au sein d’un foyer fracturaire. Comme on va le voir plus
tard dans la localisation préférentielle des plaques, il existe, par le
jeu des courbures osseuses et des tensions musculaires, une zone
dans la concavité qui subit des contraintes en compression et une
zone dans la convexité qui subit plutôt des contraintes en trac-
tion lors de la mise en charge ou de la contraction musculaire.
Cette technique est particulièrement indiquée pour le traitement
de fractures non comminutives, épiphysaires instables par la trac-
tion musculaire comme l’olécrane ou la patella. C’est une fixation
dynamique. Le principe est de convertir les forces de traction
du triceps brachial ou du quadriceps en forces de compression
au niveau du foyer fracturaire. Pour le traitement d’une fracture
transversale simple de l’olécrane, deux broches de Kirschner sont
introduites perpendiculairement au trait de fracture jusqu’à la
corticale antérieure de l’ulna (Fig. 9). La nécessité de pénétrer
la corticale ou de laisser l’extrémité dans le canal reste discutée.
Un fil métallique réalise un montage en « huit » par la réalisation
d’un forage distal de la corticale postérieure de l’ulna. Cela per-
met le transfert des forces de traction en compression le long de
l’axe des broches. Le traitement est similaire pour une fracture
transversale patellaire. Le fil métallique est passé en avant de la
patella et autour des saillies proximales et distales des broches. La
mobilisation précoce est indiquée et favorise la consolidation.
Ostéosynthèse par vis
Une vis est définie par une tête présentant une empreinte pour
le tournevis, une tige filetée avec un diamètre interne et externe et
une pointe (Fig. 10). Il en existe de nombreuses formes et tailles.
L’utilisation de l’acier est le matériau le plus répandu, mais il existe
également des vis en titane. Elles peuvent être canulées, autota-
raudeuses, présenter un filetage incomplet ou même deux filetages
différents permettant une compression intraosseuse (principe de
la vis de Herbert). Certaines vis sont spécifiques à l’os cortical,
d’autres à l’os spongieux. Le diamètre interne (d) de la vis (ou
âme de la vis) correspond au diamètre du forage nécessaire avant
EMC - Appareil locomoteur
Figure 11. Mise en place d’une vis à compression interfragmentaire.
L’axe de forage doit se trouver entre l’axe perpendiculaire à l’os et l’axe
perpendiculaire au trait fracturaire.
la mise en place de la vis. Elle détermine la résistance de la vis. La
résistance en torsion est proportionnelle à d3 donc une augmenta-
tion de ce diamètre d’un facteur II permet de supporter un couple
tance en traction de la vis. En effet, plus le diamètre est important,
plus la quantité d’os retenu par le filetage augmente. C’est égale-
ment dépendant de la qualité de l’os (os spongieux ou cortical, os
dense ou ostéoporotique) et de la longueur du filetage.
L’ostéosynthèse d’une fracture par une vis seule est peu fré-
quente, car cela nécessite une très bonne tenue mécanique. Dans
un contexte fracturaire, la qualité mécanique de l’os traité est par-
fois très difficile à évaluer. Elle reste cependant l’ostéosynthèse
de choix pour les extrémités tant en traumatologie (fractures
de phalanges, scaphoïde) qu’en orthopédie, notamment dans
la chirurgie du pied (hallux valgus). Elle est aussi répandue
pour l’ostéosynthèse des fractures des plateaux tibiaux unicon-
dyliennes, des épines tibiales chez l’enfant ou encore de la
fracture cervicale vraie stable du col fémoral [25] , ou d’une fracture
sacrée [26] . Ces indications ont été étendues du fait de l’existence de
vis canulées. La mise en place d’une vis interfragmentaire peut ser-
vir à mettre le foyer fracturaire en compression avant de compléter
le montage par une plaque. La stabilité du montage est alors amé-
liorée et les contraintes subies par la plaque sont diminuées, le
risque de fatigue du matériel est donc réduit. Pour être optimal, la
mise en place de cette vis en compression doit respecter des règles
strictes tant dans le forage que dans la direction de la vis (Fig. 11).
Le forage se fait en deux étapes. La fracture est d’abord réduite
et maintenue à l’aide de daviers. Un trou du diamètre interne du
filetage de la vis est réalisé en bicortical (par exemple, forage au
diamètre de 2,7 mm pour une vis de 3,5 mm) puis le trou de la pre-
mière corticale est agrandi avec une mèche du diamètre externe
du filetage (forage à 3,5 mm dans notre exemple). La vis n’a pas de
prise sur le premier fragment et met ainsi le deuxième fragment en
compression. L’orientation de cette vis est capitale pour favoriser
son efficacité. Les études mécaniques montrent que la meilleure
compression est obtenue lorsqu’elle est introduite selon un axe
perpendiculaire au trait de fracture. En pratique, la vis se situe
entre cet axe et l’axe perpendiculaire à la corticale osseuse [27] .
Ostéosynthèse par plaque
La plaque demeure le gold standard pour l’ostéosynthèse des
fractures articulaires, épiphysométaphysaire, ainsi que pour cer-
taines en région diaphysaire.
Une plaque d’ostéosynthèse est avant tout une attelle interne
qui permet l’alignement des segments osseux. Son rôle dans la bio-
mécanique de la consolidation passe par la stabilisation du foyer
fracturaire et par la mise en compression de ce dernier.
Plusieurs principes s’opposent, mais il existe des facteurs com-
muns biomécaniques.
Optimisation de la localisation de la plaque. Chaque
os présente une courbure particulière. La courbure principale
des os longs permet d’absorber une partie des forces en trac-
tion/compression. Cela crée une asymétrie biomécanique avec
une corticale recevant des contraintes en compression (conca-
vité de la courbe) et une corticale en miroir qui va subir des
contraintes en traction (convexité de la courbe) lors de la mise
7
14-031-A-10  Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures
Figure 12. La convexité d’un os reçoit des contraintes en traction et sa
concavité des contraintes en compression. Une plaque doit être mise en
place dans la convexité de l’os fracturé pour favoriser la compression du
foyer.
2
Figure 13. Principe de fixation d’une plaque classique. Les vis rap-
prochent la plaque de l’os grâce à une prise bicorticale. L’objectif est de
créer une friction (1) entre la plaque et l’os. Le montage est stable si les
forces de friction sont supérieures aux contraintes subies lors de la mise
en charge (2).
en charge (Fig. 12). Le positionnement de la plaque doit donc
tenir compte de cette asymétrie. En effet, si elle est placée du
côté des forces en compression, la mise en charge va favoriser
l’ouverture du foyer fracturaire et donc diminuer la capacité de
consolidation (comme expliqué plus haut). La plaque subit éga-
lement des pics de contraintes au niveau du foyer et cela peut
générer une fracture par fatigue de l’implant. Il est donc capital
d’essayer d’optimiser le positionnement de la plaque ; malheureu-
sement, ce dernier peut être guidé par des impératifs anatomiques
(trajets vasculonerveux, accès difficile, etc.) qui sont à l’opposé des
grands principes biomécaniques, etc.
Plaques classiques. Le choix du type de plaque répond au
principe de stabilité absolue ou relative et donc du type fractu-
raire. Gurlt, dès 1862, donne les bases de l’ostéosynthèse moderne
et Danis en 1949 le concept de soudure per primam [28] . C’est
l’arbeitsgemeinschaft fur osteosynthesefragen (AO) (sous l’impulsion
d’un groupe de chirurgiens, au premier rang desquels Maurice
Müller) qui a développé et diffusé les principes de Danis : réduc-
tion, fixation et stabilité absolue [29] .
Dans la fixation par plaque classique, les vis sont serrées contre
la plaque après avoir réalisé un prétrou. Les vis appliquent la
plaque sur l’os et ainsi une force de frottement est générée entre
la plaque et l’os. Cette force doit être suffisante pour maintenir
la stabilité de la fracture. Tant que la charge résultant du poids
du corps et du complexe muscle-tendon-ligament ne dépasse pas
ce que la force de friction peut prendre en charge, la construc-
tion reste stable et évite le démontage de l’ostéosynthèse (Fig. 13).
Tout espace laissé au niveau du foyer entraîne une transmission
des forces en compression par la plaque et non plus par l’os. Cela
entraîne une instabilité et des contraintes accrues sur l’implant.
Il est donc important de réduire au mieux la fracture et de créer
une compression entre les fragments osseux, afin d’augmenter la
rigidité du montage. Le principe de créer de la compression grâce
8 EMC - Appareil locomoteur
Figure 14. Mise en compression du foyer fracturaire par glissement de
la plaque lors du serrage de la vis dans le trou ovale.
1
2
3
Figure 15. La vis crée une zone de contrainte au niveau de la corticale
osseuse lors de la mise en charge. En effet, la plaque n’est pas parfai-
tement appliquée à l’os et la friction est insuffisante pour assurer une
stabilité absolue. Cette zone d’hyperpression osseuse génère une nécrose
osseuse localisée qui compromet la tenue de la vis. 1. Centre de rotation ;
2. contrainte axiale ; 3. zone de stress cortical.
au matériel d’ostéosynthèse date de 1957, grâce à des vis à tête
conique décrite par Bagby et Janes [30] . La compression peut aussi
s’obtenir avec un davier spécifique, permettant de tracter la plaque
et de générer la compression, dérivé du coapteur de Danis. Les
plaques à trous ovales dynamic compression plate (DCP), universal
compression plate (UCP), self compression plate (SCP) sont ensuite
apparues afin de créer la compression par glissement de la plaque
sur l’os lors de la mise en place d’une vis excentrée dans le trou
ovale (Fig. 14). Si les forces de frottement ne sont pas suffisantes,
les vis peuvent être mobiles et entraîner un échec mécanique de
la fixation (Fig. 15).
Le dessin des plaques a progressé avec une évolution vers des
plaques anatomiques et adaptées à chaque localisation fracturaire.
Il existe également des plaques limited contact (LC-DCP) qui dimi-
nuent la surface de contact sous la plaque tout en maintenant
le frottement. Cette moindre surface de contact vise à respecter
la vascularisation périostée de l’os, favorable à la consolidation
osseuse.
Le montage et l’ostéosynthèse doivent être adaptés à chaque
site et type fracturaire qui reçoivent des contraintes différentes.
De la même manière, la taille de la plaque doit être adaptée ainsi
que la taille et le nombre de vis (Tableau 5).
Perren a déterminé, expérimentalement, qu’une ostéosynthèse
fémorale par des vis classiques de 3,5 mm de diamètre génère un
couple de frottement entre la plaque et l’os entre 3 et 5 N.m [31] . Un
 Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures  14-031-A-10

Tableau 5.
Nombre de vis et de corticales recommandées pour différents sites
fracturaires.
Nombre de vis Nombre de corticales
Avant–bras 3 5–6
Humérus 3–4 6–8
Tibia 4 7–8
Fémur 4–5 8

os ostéoporotique permet de générer, au mieux, 3 N.m de couple

grâce à un montage similaire, ce qui n’autoriserait pas une mise
en charge correspondant à 500 N selon Borgeaud et al. [32] . Aussi, A
en cas de fractures chez ces patients ostéoporotiques, les ostéosyn-
thèses « classiques » ne sont donc pas adaptés si l’on souhaite une
reprise d’autonomie rapide, car elles n’autorisent pas la mise en
charge sans risquer une faillite mécanique par perte de fixation.
Les fractures comminutives posent également une difficulté
dans ce modèle d’ostéosynthèse. La réduction anatomique de
la fracture est parfois très difficile ou au risque d’une dévas-
cularisation des fragments avec la constitution de séquestres et
l’augmentation du risque de pseudarthroses.
Plaque à vis verrouillées. Créées devant les limites des
plaques standard pour les fractures comminutives, la mécanique
des os porotiques et le décryptage des processus de consolida-
tion biologique, les plaques à vis verrouillées ont pris une grande
place dans l’arsenal actuel de l’ostéosynthèse. C’est au début des B
années 1980 que se développent wave plate (Brunner, 1980) et Figure 16. Stabilité du complexe vis-plaque-corticales dans un mon-
bridge plate [33] afin de préserver l’hématome et la vascularisation tage à vis classique (A) et à vis à tête verrouillées (B).
périostée. Stoffel et al. [34] montrent, dans une étude mécanique et
histologique, différents montages de plaques associés à des vis de
compression. Les lésions par stripping du périoste entraînent une
ostéoporose relative sous la plaque par atteinte de la microvascu-
larisation. Ils démontrent aussi que le montage avec une stabilité
absolue (plaque anatomique et vis de compression) permet une 1
consolidation plus rapide qu’un montage plus instable. En effet,
la consolidation corticale se fait par contact osseux direct sans la
cascade biologique du remaniement de l’hématome puis du cal
périfracturaire.
Sur le plan biomécanique, il s’agit d’augmenter la rigidité du
complexe plaque/vis afin de faire transmettre les contraintes
non plus par l’os mais par les implants. C’est donc un principe
1
fondamentalement opposé qui est à l’origine du concept de la
plaque à vis verrouillées. Les fractures comminutives n’autorisent
pas la mise en compression. L’intégralité des forces passe donc
par le matériel d’ostéosynthèse. La fracture est « pontée » par Figure 17. Mobilisation des vis classiques par bascule lors de la mise en
le matériel d’ostéosynthèse et la consolidation osseuse est dite charge axiale (1). Les vis à tête verrouillées forment un complexe unitaire
« secondaire » et non plus per primam, car elle est s’organise à avec la plaque.
partir de l’hématome fracturaire avec le développement d’un cal,
d’abord mou puis dur ; ce cal étant lui-même le témoin d’une sta-
bilité relative. Afin de ne pas augmenter le frottement entre l’os importante que la distance entre les deux corticales l’est aussi. Les
et la plaque et donc de favoriser l’ischémie locale par la lésion mouvements induits par cette force peuvent entraîner un agran-
du périoste, la plaque à vis verrouillées crée une unité mécanique dissement du trou dans l’os et donc la perte de la tenue de la vis
entre la plaque et la corticale la plus proche en solidarisant la vis d’abord au niveau de la deuxième corticale. Dès que la prise de
à la plaque par le biais d’un filetage au niveau de la tête de vis la vis est compromise et, avec elle, la stabilité angulaire du mon-
(Fig. 16). C’est le concept du « fixateur externe interne ». tage, le mécanisme se propage à la vis adjacente entraînant peu
Lors de l’ostéosynthèse d’une fracture, il est recommandé à peu la faillite mécanique de l’ostéosynthèse avec démontage et
d’abord de réduire la fracture suivie de la mise en place d’une déplacement secondaire (Fig. 18).
ou de plusieurs vis à compression au niveau du ou des sites frac- La forme des plaques à vis verrouillées a théoriquement un peu
turaires, et ce avant la plaque. Ensuite, la mise en place de vis moins d’importance que pour les plaques standard, car la plaque
bicorticales induit une précontrainte pour appliquer la plaque sur ne s’applique pas sur l’os. La rigidité de l’interface os–implant est
l’os, pour créer le phénomène de frottement. Lors de la mise en obtenue ainsi sans compromettre la vascularisation locale et la
charge (ou lors de la contraction musculaire), l’os subit déjà une plaque agit comme un véritable « fixateur externe interne ». Des
force de cisaillement qui s’ajoute au stress induit par le poids du outils d’aide à la pose par voies mini invasives ont été dévelop-
patient (Fig. 17). Cette contrainte n’existe pas dans le cadre d’une pés pour limiter le traumatisme des parties molles, et notamment
vis verrouillée où la plaque et les vis agissent comme une unité pour conserver l’hématome fracturaire. Ces ancillaires de pose
mécanique, ce qui permet l’ostéosynthèse dans un os porotique. avec des systèmes de visée permettent ainsi la réduction et la mise
Lorsque la charge augmente (essentiellement par le biais du poids en place des vis [35] . C’est le principe de la technique dite minimal
du patient), dans le cas de plaque à vis verrouillées, le vecteur invasive plate osteosynthesis (MIPO). Le système less invasive stabi-
résultant reste en compression axiale. À l’inverse, dans le cas des lization system (LISS) a été, quant à lui, développé initialement
plaques à vis non verrouillées, comme par définition, la vis est pour l’ostéosynthèse des fractures distales du fémur. Puis sont
libre dans la plaque, le poids du corps va agir sur la vis avec apparus des systèmes hybrides, plaques locking compression plate
un bras de levier créant ainsi une force angulaire, d’autant plus (LCP) permettant d’associer vis verrouillées et non verrouillées

EMC - Appareil locomoteur 9

14-031-A-10  Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures
1
Figure 18. Perte de stabilité séquentielle des vis. La mobilité du foyer
en flexion (1) entraîne une mobilisation de la vis proximale la plus proche
du foyer dont l’empreinte osseuse s’agrandit et crée une chambre de
mobilité. Cet effet s’étend à la vis suivante de façon séquentielle.
Figure 19. La présence de vis à tête verrouillées épiphysaires ne néces-
site pas l’application stricte de la plaque à l’os et permet une solidité de
l’ostéosynthèse en zone trabéculaire.
pour utiliser les meilleures possibilités de chaque système en
fonction du contexte [36] . Cette approche permet une moindre
morbidité et une mise en charge immédiate [37] . C’est également
le cas pour les fractures épiphysométaphysodiaphysaire où de
nombreux modèles de plaques anatomiques, pouvant être utili-
sées avec des vis épiphysaires verrouillées, ont été développés. La
résistance que confère l’unité vis-plaque permet une stabilité du
montage dans de l’os spongieux épiphysaire (Fig. 19). Dans les cas
de fractures articulaires, une ostéosynthèse mixte peut associer des
vis en compression par vissage direct ou à travers la plaque avec
des vis verrouillées pour la stabilité angulaire [38] .
Matériaux : un débat biologique et mécanique. De nom-
breux métaux ont été utilisés dès les débuts de l’ostéosynthèse
(aluminium, argent, laiton, cuivre, acier, etc.), mais ils présen-
taient une résistance mécanique trop faible et étaient soumis à la
corrosion ainsi qu’à une biocompatibilité médiocre qui entraînait
des lyses osseuses importantes par le biais de réactions inflam-
matoires conduisant à l’échec du montage. Différents travaux
ont été réalisés au début du XXe siècle autour des alliages et
des matériaux utilisés pour les ostéosynthèses afin de trouver
le matériau optimal. L’avènement des concepts de l’école suisse
dans les années 1950 a consacré les implants en acier inoxy-
dable puis des implants en titane ont été développés. Le module
d’élasticité du titane (100 gigapascals [GPa]) est deux fois moins
important que celui de l’acier inoxydable (200 GPa), et présente
des propriétés mécaniques plus proches de celle de l’os. Gau-
tier et al. [39] ont montré sur un modèle ovin qu’une plaque
modifie de façon majeure les contraintes physiologiques appli-
quées à l’os en redistribuant les forces au niveau de l’os cortical.
L’influence du matériau d’ostéosynthèse sur ce phénomène est
en fait relativement faible et l’utilisation du titane n’aurait donc
10
que peu d’avantage sur l’acier inoxydable sur le plan bioméca-
nique. L’os qui ne supporte plus les contraintes subit en revanche
d’importants changements montrés par Uhthoff et al. [40] sur un
modèle canin d’ostéotomie fémorale traité par fixation rigide. Cer-
tains auteurs ont donc prôné l’utilisation de matériau avec un
module d’élasticité plus faible et l’ablation précoce du matériel.
Woo et al. recommandent un matériau avec une résistance modé-
rée à la flexion et à la torsion et faible à la compression, permettant
à l’os de recevoir l’essentiel des contraintes physiologiques [41] .
Par ailleurs, le titane a soulevé le problème de l’ablation du
matériel par apparition d’une soudure à froid qui peut survenir
entre la plaque et les vis [42] . Les difficultés chirurgicales poten-
tielles relatives à ces ablations augmentent le temps opératoire
avec une morbidité associée et nécessitent une instrumentation
particulière pour retirer le matériel de manière sûre et efficace [43] .
De nouveaux matériaux sont également apparus récemment
avec comme objectif principal de se rapprocher du module
d’élasticité de l’os. Les implants en polyaryléthercétones (PEEK),
très développée dans l’implantologie dentaire sont utilisés en
traumatologie [44] . Ce sont des polymères thermoplastiques d’une
excellente biocompatibilité. Leur comportement mécanique per-
met un usage comme interface entre vis et plaque afin de
diminuer la rigidité des montages, implants segmentaires pour
défects osseux ou depuis de nombreuses années en chirurgie rachi-
dienne [45] . D’excellents résultats cliniques et radiologiques ont été
obtenus à six ans de recul sur des prothèses de hanches (tige et
cupule) par Akhavan et al. [46] . Il s’agit d’une voie de recherche
intéressante dont l’évaluation à long terme est nécessaire.
La conception de la fixation et de la reconstruction en ortho-
pédie a porté principalement sur les propriétés mécaniques et la
fonction des implants. Comme exposé précédemment, l’aspect
biomécanique de l’ostéosynthèse n’est pas le seul facteur de la
consolidation. Le titane présente une meilleure biocompatibilité
que l’acier inoxydable et diminue le risque d’infection et le dépôt
de biofilm [47] . C’est une conséquence de l’organisation atomique,
décrite dès 1987 par Gristina [48] . Les capacités d’adhésion des bac-
téries au matériau sont le fait de propriétés physicochimiques
de l’implant, chaque alliage ayant une interaction spécifique.
L’infection est une complication majeure et fréquente en trau-
matologie, ce qui a nécessité l’évolution vers l’amélioration des
matériaux. Les alliages contenant du cuivre ou la production
de titane nanotexturé diminue l’adhésion bactérienne [49] . De
nouvelles voies de recherche introduisent la possibilité d’avoir
des implants avec revêtements biologiques. La diffusion depuis
l’implant d’agents organiques, de molécules bioactives comme les
cytokines [50] ou les chemokines [51] , d’antibiotiques sont à l’étude.
Il existe probablement dans ces options des solutions pour la lutte
contre l’infection [52] et les pseudarthroses chroniques. Enfin, des
implants résorbables sont à l’étude, les données manquent encore
sur le plan biomécanique et les résultats cliniques.
Enclouage centromédullaire
L’enclouage trouve son intérêt dans la conservation de
l’hématome fracturaire et de la position idéale de ce type
d’ostéosynthèse, celle-ci étant la plus proche, anatomiquement
et biomécaniquement, de l’os long. L’enclouage moderne a été
développé par Kuntscher dans les années 1940 [53] , il fondait son
concept sur un verrouillage du clou par la déformation élas-
tique de l’os. L’idée initiale de rainurer le clou avait pour objectif
l’amélioration des propriétés biomécaniques afin de se rapprocher
au plus près de la structure osseuse. Le clou était légèrement plus
flexible et avait un meilleur comportement en torsion. Cette ini-
tiative a dû être abandonnée par la difficulté de l’ablation de ce
type de clou. L’apparition du verrouillage a par la suite permis le
traitement de fractures plus complexes en contrôlant la rotation
et la stabilité de l’ostéosynthèse pour les fractures comminutives.
Le clou agit comme un tuteur des fractures diaphysaire en rigidi-
fiant le foyer fracturaire (Fig. 20). L’enclouage se fait maintenant,
dans la quasi-totalité des cas, à foyer fermé. Cela nécessite un
contrôle à l’amplificateur de brillance pour la pose, notamment
pour le contrôle des troubles de rotation et du point d’insertion
du clou [54] . Ses indications sont très larges dans les fractures
diaphysaires des os longs. Les nouveaux dessins de clous, avec
un verrouillage proximal et distal très proche des épiphyses,
EMC - Appareil locomoteur
 Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures  14-031-A-10
Figure 20. Ostéosynthèse d’une fracture diaphysaire par clou
centromédullaire.
Figure 21. Radiographie de tibia. Ostéosynthèse par clou et poller
screw.
permettent le traitement de fractures métaphysoépiphysaires,
voire articulaires, et des fractures instables ou à large perte de sub-
stance osseuse. Dans les fractures métaphysaires, la réduction de
la fracture et la stabilité du système peuvent être améliorées par
des vis insérées dans le plan frontal ou antéropostérieur, appelées
poller screws [55] (Fig. 21).
Cette méthode d’ostéosynthèse s’envisage comme étant « à sta-
bilité relative » et la consolidation se fait grâce à la formation d’un
cal. Le moment d’inertie d’un clou augmente avec son diamètre.
Selon Tencer et al., un clou de 16 mm est 2,5 fois plus rigide qu’un
clou de 12 mm [56] . Le diamètre du clou est en fait surtout limité
par le diamètre du canal médullaire de l’os ainsi que du diamètre
d’alésage. L’alésage a pour but de calibrer la cavité médullaire de
l’os fracturé (passage de la forme d’un sablier à celle d’un cylindre)
afin d’augmenter la surface de contact et donc le frottement entre
le clou et l’os cortical. Le rôle de l’alésage est plus discuté sur le
EMC - Appareil locomoteur
plan biologique : favorable pour certains par la mobilisation des
progéniteurs de la consolidation [57] , défavorable pour d’autres, car
il détruit la vascularisation endostée mécaniquement et induit
un échauffement. Ce risque de nécrose thermique osseuse est
aussi favorisé par l’utilisation d’un garrot pneumatique [58, 59] . Les
modèles animaux suggèrent, en effet, une diminution de la vas-
cularisation médullaire après alésage, mais elle est réversible [60] .
Il a été ainsi proposé l’utilisation de clous pleins, rigides, intro-
duits sans alésage. Mais leurs propriétés mécaniques entraînaient
des taux de pseudarthrose plus importants et ils ont donc été
écartés [61, 62] . Finkemeier et al. montraient une amélioration signi-
ficative du temps de consolidation après alésage [63] . On peut aussi
augmenter la rigidité par le verrouillage, ce d’autant que plus un
clou est de gros diamètre, plus il accepte, en principe, des vis
de verrouillage de plus gros diamètre, donnant au montage une
meilleure rigidité et stabilité.
Fixateur externe
Le principe du fixateur externe repose sur une réduction et une
fixation du foyer de fracture sans nécessité d’aborder ni de modi-
fier l’environnement fracturaire. Il est le traitement de choix pour
les fractures ouvertes, du moins de façon temporaire, car il permet
d’éviter la mise en place de matériel d’ostéosynthèse au contact
d’un foyer potentiellement septique.
Lambotte, en 1902, décrivit le premier fixateur monoplan. Hoff-
man, en 1938, introduisit le mécanisme de rotule et autorisa ainsi
la réduction de la fracture et la mise en compression dans les trois
plans de l’espace. D’autres modèles suivirent mais une innovation
est apparue lors de la création de cadres circulaires permettant de
mettre en tension des fiches de faible calibre par Ilizarov dans les
années 1950. Les fixateurs externes modernes autorisent des fixa-
tions hybrides mais permettent également d’utiliser les principes
initiaux de fixations monoplan, multiplan et circulaire.
Ces différents modèles ont chacun des caractéristiques méca-
niques différentes comme l’illustre l’étude de Behrens et al. [64] . Les
fixateurs bilatéraux multiplans présentent une plus grande rigidité
en flexion et torsion que la majorité des autres montages (Fig. 22).
Mais d’autres facteurs ont un impact sur cette stabilité qui
repose sur les caractéristiques des fiches (diamètre, nombre, loca-
lisation) mais aussi sur le cadre (type de montage, type et nombre
de connections) et son positionnement.
La fiche est un élément capital de la stabilité. La rigidité d’un
élément cylindrique est fonction de son diamètre à la puissance 4.
Le diamètre des fiches est donc essentiel. Cela permet une inter-
face entre l’os et la fiche plus importante et diminue le risque de
mobilisation. L’augmentation du diamètre d’un facteur 2 permet
une rigidité 16 fois supérieure mais avec lui augmente le risque
fracturaire par fragilisation de la corticale. Si le diamètre de l’axe
de la fiche est supérieur à 30 % par rapport à celui de l’os, le risque
de fracture augmente significativement [65] . Afin d’augmenter la
tenue des fiches, de nombreuses modifications ont été apportées
(partie filetée conique, fiches autoforeuses, autotaraudeuses, cou-
verture d’hydroxyapatite). Le nombre de fiches est un autre facteur
essentiel. Deux fiches sont nécessaires pour empêcher la rotation
du fragment, généralement dans le même plan. Bien qu’une troi-
sième fiche modifie peu les propriétés mécaniques du montage,
il est utile d’avoir une fiche supplémentaire en cas de mobilisa-
tion ou d’infection. L’augmentation du nombre de fiches peut être
bénéfique pour la rigidité si l’espacement entre elles est augmenté.
Les fiches sont situées en dehors du foyer fracturaire et en peau
saine pour limiter les risques infectieux. Ensuite, le montage est
d’autant plus rigide que des fiches sont proches du foyer de frac-
ture. C’est un autre élément majeur de la stabilité, car cela diminue
d’autant le bras de levier de déplacement fracturaire supporté par
le montage. Mais leur localisation doit permettre une éventuelle
intervention future, la réalisation d’un lambeau de couverture ou
un geste vasculaire comme une aponévrotomie de décharge, une
revascularisation par pontage, etc. Il est donc nécessaire de trou-
ver un compromis. Par ailleurs, la résistance des fiches dans leur
plan est limitée, ainsi, la rigidité dans le plan antéropostérieur est
optimale par des fiches dans le plan frontal. On comprend dès
lors que des montages multiplans ou hybrides augmentent la rigi-
dité. Enfin, la diminution de la distance entre le cadre ou le corps
du fixateur et l’os augmente la stabilité du système. La mobilité
11
14-031-A-10  Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures

Figure 22. Rigidité en fonction du type de fixa-

Flexion Compression Torsion teur externe et du type de déformation en flexion
compression et traction, d’après Behrens [64] .

Hoffmann Vidal

Bilatéral - 2 plans

1 plan

Unilatéral - 2 plans

1 plan

1 plan
300 4
20
500 2
10

Nm/deg N/mm Nm/deg

fracturaire est en relation avec cette distance à la puissance 4. Tableau 6.

La limite à ce principe est la place nécessaire à respecter en cas Facteurs de rigidité d’une ostéosynthèse par fixateur externe. Ils peuvent
d’œdème postopératoire et pour permettre le soin des plaies. La être liés au patient, au type fracturaire ou aux différents éléments du
jonction entre les fiches et le corps du fixateur doit être le plus fixateur (fiches, barres, type de montage).
direct possible afin de diminuer le couple déformant et ainsi Facteurs Rigidité
compromettre la stabilité.
Il y a donc de nombreux paramètres à observer pour favoriser Fiches Nombre
la rigidité du montage qui doit permettre, de manière optimale, Diamètre
la consolidation et mise en charge (Tableau 6). Matériau
La possibilité de dynamiser le cadre facilement, en déplaçant Distance entre deux fiches
le corps du fixateur plus loin de l’os, permet de corriger ulté- sur un fragment
rieurement les imperfections de réduction ou de favoriser la Distance du foyer
consolidation, bien que les avis divergent sur la période appro- Cadre ou barres Nombre
priée [66–68] . En effet, la fixation externe utilise le principe de Distance de l’os
stabilité relative pour la consolidation osseuse. Il n’y a pas de Longueur (barres)
consensus en ce qui concerne l’intérêt d’une dynamisation du sys- Diamètre
tème ou le délai avant dynamisation, mais il est cependant accepté Matériau
que la mobilité du foyer se fasse en compression pour favoriser la Plans de fixations (mono/multiplan) Multiplans
consolidation osseuse. La littérature est riche à ce sujet et les avis
Compression du foyer
sont contradictoires. Quand Claes et al. montrent une ineffica-
cité de la dynamisation précoce à une semaine sur un modèle Densité osseuse
ovin [69] , Arazi et al. statuent dans le sens opposé sur un modèle Comminution fracturaire
canin [70] . Les études in vivo chez l’homme souffrent de difficul-
tés méthodologiques, mais la dynamisation avant la quatrième
semaine semble bénéfique selon Foxworthy dans une étude rétros-
pective après appariement selon le type de fracture et d’ouverture osseuse. Des contraintes en traction peuvent entraîner une conso-
cutanée [71] . lidation, même si cet effet est plus limité. Les corrections des
Concernant les fixateurs de type Ilizarov, les broches nécessitent déformations et l’allongement osseux utilisent ce principe. Selon
un passage transfixiant répondant à des contraintes anatomiques les principes d’Ilizarov [73] , une ostéotomie suivie de la mise
et mécaniques. La meilleure stabilité est obtenue avec des broches en traction progressive du foyer permet de ralentir la conso-
perpendiculaires à l’axe du segment osseux. Ce montage est moins lidation osseuse en autorisant un allongement progressif. Ces
rigide que les fixateurs monoplans, notamment en compression contraintes doivent donc être suffisamment importantes pour la
axiale [72] , ce qui est, en théorie, favorable à la consolidation distraction osseuse, mais un allongement trop rapide entraînerait

12 EMC - Appareil locomoteur


l’organisation d’une pseudarthrose. Ces travaux se fondent sur les
phases successives de la consolidation. La formation du cal mou
initial subit une minéralisation progressive. Tant que ce foyer subit
des contraintes, la consolidation est retardée. La gestion de la rapi-
dité et de la force de traction est importante pour ne pas dépasser
les capacités de l’os à consolider.
Choix du type d’ostéosynthèse
Stabilité absolue/relative de l’ostéosynthèse
Le principe de stabilité absolue est apparu dans les années 1950.
Perren décrit la stabilité en relation avec l’espace fracturaire. C’est
la quantité de contraintes au niveau du foyer qui va déterminer la
mobilité (L/L0) de ce dernier. La consolidation corticale est obte-
nue si cette mobilité est maintenue en dessous de 2 % de l’espace
interfragmentaire ; entre 2 et 10 %, la stabilité relative autorise une
consolidation secondaire ; au-delà de 10 %, l’os ne peut pas conso-
lider et la fracture évolue vers une pseudarthrose [74] (Fig. 23). Une
stabilité absolue donne une excellente consolidation dans les frac-
tures simples avec un espace interfragmentaire faible (inférieur à
2 mm). Dans une situation de contrainte périfracturaire impor-
tante, comme une fracture diaphysaire d’un os long, la stabilité
est capitale et l’utilisation de vis à compression et d’une plaque
est préférable. Le cal est essentiellement cortical.
Un montage stable doit permettre le transfert des contraintes
mécaniques à l’os. Le matériel doit supporter seulement une
faible partie des contraintes, c’est l’os lui-même qui protège
l’ostéosynthèse. C’est le fondement de l’enseignement de l’AO.
La consolidation osseuse s’obtient per primam en favorisant la
formation du cal cortical. Le montage permet la stabilité par les
forces de frottement entre l’os et la plaque. Une bonne tenue des
vis est donc capitale pour augmenter ce frottement et favoriser
les forces de compression. De plus, une vis mise en compres-
sion initialement peut permettre d’obtenir une stabilité du foyer.
Quel que soit le type de plaque utilisé, la longueur de la plaque,
son épaisseur ainsi que la distance entre les vis les plus proches
de la fracture améliorent la stabilité. Concernant le positionne-
ment des vis, Ellis et al. [75] montrent qu’en effet les vis les plus
proches du foyer reçoivent le plus de contraintes (Fig. 24). Elles
diminuent ensuite progressivement pour atteindre un plancher
ΔI
I0
Figure 23. Stabilité du foyer fracturaire et consolidation. Selon Per-
ren [74] , l/l0 décrit la stabilité du montage. Moins de 2 % : stabilité
absolue ; entre 2 et 10 % : stabilité relative ; et au-delà de 10 % : risque
de pseudarthrose.
3500
2, 3, 4, 5 7, 8, 9, 10 2, 6, 9
3000
2500
Microcontrainte
2000
1500
1000
500
0
8 7 6 5 4 3 2 1 0 1
Trou de vis/foyer
EMC - Appareil locomoteur
Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures  14-031-A-10
après le septième trou, et cela quel que soit le nombre de vis
et leur distribution. Leur distribution est préférablement repar-
tie le long de la plaque et non groupée [76] . La totalité des trous ne
nécessitent pas la mise en place d’une vis. La rigidité du montage
diminuant peu si l’on supprime jusqu’à 40 % de leur nombre selon
Field et al. [77] .
Dans le cadre des fractures comminutives, une stabilité relative,
autorisant des micromouvements est préférable afin de favoriser
la formation d’un cal périosté (clou centromédullaire verrouillé,
plaque de pontage, fixateur externe). En revanche, l’utilisation
d’un système trop rigide avec des écarts fragmentaires importants
peut évoluer vers un retard de consolidation si la réduction est
insuffisante [78] .
La stabilité d’un montage dépend donc du type de
l’ostéosynthèse, mais peut aussi être améliorée par une attelle,
un plâtre, afin d’immobiliser les articulations adjacentes. Dans
tous les cas, le choix final des moyens mis en œuvre résulte d’une
réflexion du chirurgien entre la nécessité de stabilité et le souci
de conserver la vascularisation par les tissus mous et l’hématome
fracturaire pour la consolidation biologique.
Ostéosynthèse statique/dynamique
La fixation statique peut être définie par la conservation de la
rigidité du montage du début à la fin du traitement. Les plaques
permettent un montage statique, qu’il soit à stabilité absolue ou
relative. Le clou permet un montage statique ou dynamique selon
la situation. Selon les auteurs, le verrouillage n’est pas nécessaire
pour tous les montages. Il permet de maîtriser les contraintes en
torsion et en compression. En effet, outre la possibilité de ne pas
réaliser de verrouillage distal pour certaines fractures simples, des
trous oblongs autorisent un verrouillage dynamique en permet-
tant une impaction du foyer fracturaire (Fig. 25). En effet, une
réduction imparfaite en période opératoire avec persistance d’un
écart interfragmentaire, et ce d’autant que l’usage de tables ortho-
pédiques facilite la traction, peut être améliorée lors de la mise en
charge. Il existe cependant des artifices et des ancillaires dédiés
pour réaliser de la compression en peropératoire. Selon Hahn
et al. [79] , l’absence de verrouillage peut représenter une zone de
faiblesse du clou. Bucholz et al. recommandaient 5 cm entre la
fracture et le verrouillage [80] . Ce risque est diminué avec les des-
sins modernes des clous et la littérature rapporte en fait peu cette
complication dans les séries récentes où les ruptures de clou font
le plus souvent suite à une absence de consolidation.
Cette possibilité d’impaction du foyer après l’acte chirurgical
est à distinguer de la dynamisation par ablation de la ou des vis
de verrouillage. Cette technique a été proposée, notamment en
cas de retard de consolidation après trois mois. Les résultats sont
variables [81] . Tigani et al. rapportent une augmentation du taux de
pseudarthrose quand le verrouillage est retiré lors de l’apparition
d’un cal radiographique [82] , mais il n’existe pas de consensus sur
le temps nécessaire avant la dynamisation et ses indications.
Figure 24. Contraintes reçues par les vis en
fonction de leur éloignement du foyer de frac-
ture et de la distribution sur la plaque avec un
écart interfragmentaire selon différents types de
montage (d’après Ellis [75] ).
2 3 4 5 6 7 8
13
14-031-A-10  Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures
1 technique utilise un courant électrique afin de générer un
A B
Figure 25. Fixation distale d’un clou centromédullaire.
A. Statique.
B. Dynamique. Mise en place de la vis de verrouillage bicorticale en per-
opératoire.
C. Après mise en charge et compression du foyer (1).
 Autres traitement adjuvants
et voies de recherche : [83]
implications mécaniques
et biologiques
La fixation mécanique des fractures peut conduire à des échecs,
notamment en termes de retard de consolidation osseuse. Des
méthodes alternatives ou utilisées en complément existent. À
côté des traitements concernant la modification de la biologie de
la consolidation (bone morphogenetic proteins, platelet-rich plasma,
etc.), seules les techniques récentes non invasives, dont les méca-
nismes d’action restent encore peu définis, sont abordées.
Ondes de choc
Le traitement des fractures par ondes de choc n’est pas utilisé
en pratique courante. Répandue pour le traitement des lithiases,
des études récentes montrent de bons résultats. Bien que les
mécanismes d’actions restent incompris, Hsu et al. montrent un
taux de consolidation supérieur à un groupe témoin de lapins
pour le traitement de fractures récentes [84] . Chez l’homme, cette
méthode a été évaluée pour le traitement de retard de consolida-
tion. Wang et al. ont appliqué un protocole défini en fonction de
la localisation (6000 impulsions de 28 kV pour le fémur et tibia,
3000 impulsions de 28 kV pour l’humérus, 2000 impulsions de
24 kV pour radius et ulna) [85] .
Ils retrouvent un taux de 80 % de consolidation à 12 mois et
comparent ces résultats aux résultats chirurgicaux sans ses risques
malgré l’absence de groupe témoin.
L’utilisation des ondes de choc comme adjuvant montre aussi
des résultats encourageants avec des taux de consolidation signi-
ficativement supérieurs dans une étude randomisée chez des
patients mono-traumatisés du membre inférieur traités par plaque
associée ou non à des ondes de choc [86] .
Ondes électromagnétiques
ou champs électromagnétiques pulsés
L’étude de l’électricité osseuse remonte à Paracelse au XVe siècle,
mais l’étude scientifique moderne date des années 1950 par
14
Fukada précisant l’influence sur la croissance osseuse. Cette
champ magnétique. Dans une méta-analyse d’études randomi-
sées, Mollon et al. montrent l’absence de preuves en faveur d’un
effet significatif sur le traitement des pseudarthroses et retard
de consolidation [87] . Il s’agit d’une technique qui a été large-
ment popularisée par un marketing « agressif » mais qui manque
d’études à fort niveau de preuve avec assez de puissance pour sup-
porter leur intérêt en termes fonctionnels ou de réduction de la
douleur comme le précise Griffin [88] .
Ultrasons pulsés
Les ultrasons pulsés low intensity pulsed ultrasonography (LIPUS)
sont appliqués selon un protocole défini, variable en fonction du
laboratoire. Il peut s’agir d’un traitement quotidien unique de
20 minutes par jour qui délivre des impulsions à une fréquence
de 1,5 MHz, chacune de 200 ␮s, à une intensité de 30 mW/cm2 .
Dans une méta-analyse, qui regroupe notamment des essais en
double aveugle, Busse et al. montrent un raccourcissement de la
durée de consolidation d’environ un tiers par rapport aux groupes
contrôles [89] . Elle est donc acceptée comme outil dans l’arsenal du
traitement des retards de consolidation et des pseudarthroses bien
C que les modalités d’une utilisation optimale restent à déterminer
(début du traitement, intensité et fréquences optimales).
 Conclusion
Le tissu osseux, charpente anatomique, est soumis à des
contraintes mécaniques majeures en conditions physiologiques.
Il est doué d’adaptation, de remodelage mais, au-delà de cer-
taines contraintes, les déformations entraînent des fractures ou
des microfissures par fatigue.
Le traitement des fractures nécessite une approche de l’os
dans ses diverses dimensions. La connaissance du processus de
consolidation sur le plan biologique est nécessaire et vient en
complément des notions de biomécanique. L’indication d’un
“ Points essentiels
• Le module d’élasticité longitudinale ou de Young d’un
matériau est la constante représentant la relation entre
déformation et contrainte en traction. Un matériau ayant
un module élevé est dit rigide.
• L’os est anisotrope et viscoélastique. Son comportement
dépend de la vitesse d’application de la contrainte. Le type
et la direction des contraintes appliqués à un os influencent
l’importance du traumatisme nécessaire pour entraîner
une fracture.
• Chaque fracture est analysable comme association de
contraintes simples. Ces déformations entraînent des traits
fracturaires remarquables et reproductibles.
• La consolidation osseuse se fait par un jeu de cal médul-
laire, cortical et périosté. Chaque type est influencé par la
stabilité absolue ou relative de l’ostéosynthèse.
• La stabilité d’une plaque d’ostéosynthèse classique est
obtenue par friction de la plaque sur la corticale osseuse
quand la plaque verrouillée crée un complexe vis-plaque
rigide.
• L’enclouage centromédullaire permet la conservation
de l’hématome fracturaire. C’est une ostéosynthèse à sta-
bilité relative dont la rigidité dépend du diamètre du clou.
• La stabilité d’une ostéosynthèse par fixateur externe est
fonction des fiches, du type de cadre ou barres de jonction
et de la configuration tridimensionnelle du montage.
EMC - Appareil locomoteur
 Biomécanique de l’os, application au traitement et à la consolidation des fractures  14-031-A-10
traitement chirurgical et le choix du type de matériel utilisé pour
la fixation est une décision fondée sur ces connaissances, le patient
et la balance entre les bénéfices attendus et les risques.
La maîtrise de ce processus décisionnel est une des clés de la
récupération la plus précoce possible de l’autonomie après un
traumatisme.
Déclaration d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts
en relation avec cet article.
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