Pr Amadou KAH
INTRODUCTION :
Genèse :
Comme toutes les branches du droit, le DIH répond au besoin de réglementation d’un
secteur de l’activité humaine. Il a la particularité de réglementer un secteur spécifique : les conflits
armés. Se pose alors le problème de la pertinence à poser des règles de conduite à observer dans le
domaine des conflits. Ne serait-il pas plus judicieux de les éviter. Pour beaucoup d’auteur, l’idée
de fixer un cadre législatif à une situation régie par la force brute a pu paraître incongrue, voire
absurde. Cette opinion, quoique respectable, reste cependant discutable pour deux raisons. Parce
qu’il est des cas où la loi permet ou autorise le recours à la guerre (légitime défense par exemple).
La deuxième raison voudrait que pour des considérations d’humanité, soit défini un cadre de
régulation juridique des hostilités.
La relation belliqueuse écrit Pierre Marie DUPUY, étant l’une des plus naturelles au monde, la
réglementation des conditions de son exercice devient elle aussi naturelle, donc utile.
Appellée traditionnellement droit de la guerre ou droit des conflits armés, et depuis peu
DIH, cette discipline traduit le besoin né entre Etats de définir un ensemble de règles dont la
finalité est de limiter la liberté de recourir à la force ou une fois que les hostilités sont déclenchées,
d’encadrer l’usage de la force.
L’idée de réglementation des conflits armés est ancienne, mais c’est surtout dans la
deuxième moitié du XIXe siècle que vont émerger de véritables règles. Aux dispositions isolées,
va se substituer un effort de systématisation des différents textes relatifs au dit domaine.
Définition :
Le DIH peut être défini comme une branche du droit international qui limite l’usage de la
violence dans les conflits armés, soit :
Les règles qui s’appliquent dans le cadre des conflits armés non-internationaux (CANI) ne
peuvent être celles du droit international classique dans le processus de formation duquel la
centralité de l’Etat en premier chef est indiscutable.
Le DIH entretient des rapports avec le droit des organisations internationales. En effet,
beaucoup d’OI sont au cœur de l’application du DIH. C’est le cas des Nations Unies avec des
instances que sont l’AGNU et le CS. On peut également citer le CICR.
Le DIH entretient des rapports avec les droits de l’homme. Comme les DH, le DIH a pour
substancele respect de la dignité humaine. Le champ d’application de ces deux disciplines peut
coïncider. C’est le cas dans le domaine des droits dits fondamentaux. Ces droits, comme le droit à
la vie - la prohibition des traitements inhumains et dégradants - l’interdiction de la torture, réputés
entre autres comme le noyau dur des DH sont aussi garantis par le DIH. C’est ce qui ressort de
l’article 75 du Protocole I de Genève.
Le DIH se distingue néanmoins des DH. D’abord, explique Jean COMBACCU, le DIH
répond à des situations exceptionnelles alors que la discipline des DH est une réponse à des
préoccupations quotidienne. En effet, le DIH s’inscrit dans un contexte de crise, de violence et
d’atteinte à la paix et repose sur une répression pénale des coupables, et non sur l’affirmation des
droits à la disposition des individus.
Ensuite l’autre point de divergence se retrouve dans la précision des règles. Si les DH
sont caractérisés par une certaine généralité des règles, celles du DIH apparaissent plus
complètes ; elles indiquent en effet, avec une certaine précision les comportements que les parties
belligérantes doivent observer dans la conduite des hostilités.
Le DIH entretient des rapports avec le droit pénal international (cf : chapitre 3).
L’étude du DIH nous conduira dans trois directions essentielles : aussi traiterons-nous
d’abord des sources et des principes du droit international dans unchapitre premier, ensuite dans le
deuxième chapitre des règles applicables dans la conduite des hostiliités et enfin dans un chapitre
3 la mise en œuvre des règles du DIH.
Avant même que les droits de la Haye et de Genève ne soient consacrés, les parties à un conflit
avaient même adhéré à l’idée que les belligérants « n’ont pas un droit illimité quant au choix des
moyens de nuir à l’ennemie ». Pour mettre en œuvre ce principe qui sera repris sous la forme
précitée par le droit de la Haye, des gardes-fou sont aménagés pour protéger les victimes des
conflits armés. Il s’agit certes de comportements isolés que des parties à un conflit ont observés,
comportements qui a force d’être respectés, sont devenus une coutume humanitaire.
Ces coutumes traduisent la volonté de définir un code de conduite. C’est dans ce sen qu’il
faut comprendre la clause MARTENS : «les personnes doivent rester sous la sauvegarde et sous
l’empire des principes du droit des gens tel qu’il resulte des usages établis, des principes de
l’humanité et des exigences de la conscience publique ».
Il s’était agi de protéger les victimes des conflits dans l’hypothèse d’absence de
réglementation. En d’autres termes, le vide juridique ne pouvait en aucune façon être préjudiciable
aux victimes des conflits armés.
En conséquence un Etat, même non signataire d’un instrument international, n’en est pas pourtant
autant à franchir du respect et des règles qu’il édicte. A côté des sources coutumières on distingue
les sources conventionnelles.
On distingue souvent les lois de Genève mais cette distinction a perdu sa pertinence au lendemain
de la 2nd guerre mondiale. En effet, en aout 1949, 48 Etats réunis à Genève, ont adopté de façon
unanime 4 conventions qui constituent le socle du DIH.
Le Droit de Genève renvoi d’abord à la 1 ere convention signé le 22 aout 1864, plusieurs remaniée
et qui porte sur « l’amélioration du sort des blessés et des malades de forces armées en
campagne » elle ne s’applique sur terre
C’est une 2nd convention de Genève qui étendra le dispositif aux blessés et aux naufragés de forces
armées sur mer.
La 3eme convention concerne le traitement des prisonniers de guerre ; et enfin, une 4ieme
convention concerne la protection des personnes civiles en temps de guerre. Toutes les
conventions qui ont été adoptées ont la même finalité, il s’agit de limiter la conduite des hostilités
tant dans le domaine terrestre que dans le domaine maritime.
Aux conventions de Genève de 1949 et à leur protocole additionnel (1er protocole 1977- 2 nd 77-
3eme 2005) on peut souligner l’existence de d’autres conventions, la convention de Haye de 1954
pour la protection de biens culturels en cas de conflits armés, on peut citer aussi la convention sur
l’interdiction des armes biologiques, la convention d’Ottawa de1997 sur les mines antipersonnel,
le traité de Rome de 1998 sur la Cour Pénal International.
On peut aussi citer le protocole de 2000 se rapportant à la convention relative aux droits de
l’enfant, concernant l’implication des enfants dans des conflits armés.
Il faut en réalité distinguer deux catégories de principe, il y a d’abord, les principes du DIH
proprement dits, que nous traiterons dans un 1er paragraphe et qu’il faut distinguer des principes du
mouvement international de la Croix rouge et Croissant Rouge, objet du 2nd paragraphe.
Ces principes sont nombreux dans leur ouvrage un droit dans la guerre Marcos Sassoli et Antoine
bouvier énonce un certain nombre de principes. Il y a d’abord le principe d’humanité qui est
considéré comme le 1er des mouvements international de la Cr et Croissant R. il postule le
caractère sacré de la personne humaine et l’obligation d’en assurer la protection en tout temps. Il
s’en suit que tous les actes de nature à portée atteinte à la vie et à la santé doivent être proscrit. Ce
principe est considéré comme pouvant favoriser l’amitié entre le peuple.
Le principe de nécessité en 2nd lieu, il est au cœur du DIH il signifie que dans la conduite des
hostilités celle l’objectif militaire doit être visé pour affaiblir le potentiel de l’ennemi. Il faut donc
distinguer le bien civil de l’objectif militaire pour pouvoir déterminer ce qui est nécessaire. L’art
52-para2 du Protocol 1 de 1977 exige pour qu’un objectif puisse être considéré comme militaire la
réunion de deux conditions :
- 1er l’objet doit contribuer effectivement à l’action militaire d’une partie et sa destruction
doit offrir un avantage militaire précis à l’autre partie, il faut rappeler que le protocole 1 er
dresse une liste de biens du civil et qui sont donc présumé n’est pas constitué des OM
3eme principe la distinction entre civil et combattant : ce principe signifie que dans la conduite des
hostilités, seul les actes qui contribuent à affaiblir le potentiel militaire de l’ennemi qui compte. En
d’autre terme toute personne impliquée dans un conflit doit distinguer les combattants et les
civiles. Ces derniers ne participent pas aux conflits et ne peuvent en conséquence être attaqués. Ce
pose donc la nécessité de distinguer les combattants de civiles pour l’ennemi puissent les
distingués comme telle
4eme l’interdiction de causé des maux superflu et des souffrances inutiles. Ce principe résulte de
l’art35 du Protocole 1 relatif aux méthodes et aux moyens de guerre. Aussi au terme de ladite
disposition est-il préciser que dans tout conflit armé, le droit des parties au conflit de choisir les
méthodes et moyens de guerre n’est pas illimité et qu’il était interdit d’employer des armes des
projectiles et des matières ainsi que de méthodes de guerre de nature à poser des maux superflu ».
Ce principe qu’on le réalise contient une dimension de proportionnalité qui est considéré comme
un principe du DIH. En fin, l’indépendance du jus in Bello (un droit dans la guerre) et jus ad
bellum (droit de recourir à la force armée), s’il est vrai que ce droit est aujourd’hui remplacé par
un jus contra bellum c’est-à-dire, il en demeure pas moins que des exceptions sont prévues
(légitime défense individuelle ou collective, application d’une résolution du conseil de sécurité,
droit à l’autodétermination par une guerre de libération). Le DIH doit être respecté
indépendamment de tout argument de jus ad bellum.
Les théories de guerre juste ne s’appliquent. Une fois les hostilités déclenchées les belligérants ont
l’obligation de respecter les règles du DIH
Abdel Wahab Biad distingue 2 sous-catégories : les principes d’action et les principes identitaires.
Les principes d’action sont constitués du bénévolat, de l’unité et de l’universalité. La CR est une
institution de secours volontaire et désinterressé. Les personnels de la CR et du Croissant Rouge
sont des volontaires qui doivent consacrer leur temps à des activités humanitaires et ne doivent
exiger rien en retour en termes de rémunération.
Le principe d’unité contient une double signification. Premièrement, il ne saurait exister dans une
Etat plus d’une société de la CR ou du Croissant Rouge. La deuxième signification est que cette
société doit être disponible pour tous ceux qui ont besoin d’aide sur l’ensemble du territoire
considéré.
L’universalité pose que toutes les sociétés nationales sont dans une égalité de droits et devoirs et
qu’elles ont l’obligation de s’entraider.
Les principes dits identitaires sont constitués des principes d’indépendance, de neutralité et
d’impartialité :
L’indépendance signifie que les organismes de secours aux bléssés, aux victimes des conflits
armés ne doivent pas dépendre de considérations philosophiques, religieuses ou politiques. Cette
mise à distance est plus que nécessaire et sa non-observation pollue la sincérité du principe
d’humanité et fragilise la crédibilité de l’action humanitaire.
La DIH est composé d’un ensemble de règles d’origine conventionnelle ou coutumière qui, pour
des raisons spécifiquement humanitaires cherche à encadrer les conflits armés afin de limiter leurs
effets néfastes. A ce titre, bien qu’on a souvent tendance à l’assimiler au « droit de la guerre », le
DIH présente pourtant une certaine spécificité par rapport à ce dernier. Alors que le droit de la
guerre vise plus largement à réglementer, dans le cadre des conflits armés, le droit d’usage des
armes et de tout autre moyen de guerre, le DIH a ce but particulier de protection de certains biens
ou de certaines personnes qui ne participent pas ou ne participent plus au combat. Le DIH peut
règlementer l’utilisation des armes dans les conflits armés mais il ne détermine pas si un Etat a le
droit ou non de recourir à la force, cette question est réglementée par ce que l’on appelle plus
largement le droit de la guerre dont l’essentiel des règles sont contenues dans la charte des NU.
On pourrait ainsi considérer que le DIH est cette partie du droit de la guerre qui poursuit un but
spécifique : La protection des victimes des conflits armés (CA). C’est dire que le champ des règles
du DIH se limite aux seuls problèmes humanitaires résultant directement des CA.
SECTION I : les critères matérialiste dans les conflits armés –CA-
Pour déterminer le champ d’application du DIH, il est avant tout nécessaire d’identifier les
activités que cette branche du DI vise à régir. En tant qu’élément du DI, le DIH s’applique
spécifique aux situations dites de CA. La notion de CA révèle une certaine complexité et qu’il faut
au préalable qualifier afin de distinguer les situations qu’elle englobe des situations voisines (P1)
une fois le concept précisé il alors possible d’envisager les différents types des CA qui appellent
l’application du DIH
La notion de CA est marquée par une certaine ambiguïté pouvant conduire à confondre certaines
situations qu’il implique avec des cas tensions qui ne relèvent pas du DIH. Jusqu’à récemment, la
définition de la notion était restée problématique. C’est l’article 2 communs aux conventions de
Genève et l’article 1er du Protocol additionnel 2 qui ont d’abord fourni une 1ere définition des CA.
L’articulation combinée de ces différentes dispositions font apparaitre que le conflit armé est une
« guerre déclaré ou de tout autre conflit surgissant entre 2 ou plusieurs Etats même si l’état de
guerre n’est pas reconnue par une ou l’autre partie ».
Mais ces instruments juridiques internationaux ne prenaient en compte que les hostilités entre Etat
dans la définition de la notion des CA. Or, il n’est pas évident que les CA soient du ressort
exclusif des Etat, un CA peut bien concerner des cas d’affrontement entre des forces armées
régulières d’un Etat et des groupes armés rebelles. Il n’est pas nécessaire que toutes les parties en
conflit soient des Etats, c’est la raison pour laquelle à partir de 1995, les juridictions pénales
internationales tenter de compléter les lacunes du droit en proposant une définition plus réaliste
voir à ces propos Tribunal Pénal International pour l’ex Yougoslavie dans l’affaire TADIC ; dans
cette le TIPY avait estimé qu’un conflit armé existe chaque fois « il y a recours à la force armée
entre Etat ou un CA prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés
ou entre des tels groupes dans un Etat»
Il en résulte qu’un CA peut correspondre à des situations d’hostilités entre groupes et factions
rivales susceptible de conduire à l’effondrement d’un Etat. La complexité de la notion a conduit le
DIH à distinguer des cas de CA à des situations qui ne les sont pas. C’est le cas de simple trouble
ou tension interne pouvant se produire à l’intérieur d’un Etat, et l’art1er du PA2 en fournit des
exemples tels que les émeutes, les actes isolés et sporadique de violence ou acte analogue qui ne
constituent que des simples tensions interne. Le PA2 ne les considèrent pas comme faisant partie
des CA et c’est le Droit interne de l’Etat concerné qui trouve à s’appliquer dans des telles
circonstances, exemple : les émeutes de 2005 dans les banlieues Française ou ceux de 2012 au
Sénégal.
Cependant, avec l’évolution du DIH, on considère que ces situations de trouble interne peuvent
être qualifiées de conflits armés lorsque leur évolution conduit à l’installation de groupes armés
posant des actes de violences.
En définitive, il apparaît que la notion de conflit armé recouvre une multitude de situations dans
lesquelles l’exigence d’un affrontement entre Etats n’est pas du tout absolue, les situations de
trouble interne pouvant même à certains égards conduire à la reconnaissance de conflit armé. Ce
qui impose d’identifier les différentes situations de conflit qui appellent l’application des règles du
DIH.
L’existence d’un conflit armé est une réalité objective qui commande l’application des règles du
DIH. Ces règles s’appliquent donc exclusivement en temps d’austérité que l’on pourrait qualifier
de guerre armée. Ces ainsi quel’on peut distinguer deux types de conflits armés : les conflits armés
internationaux (CAI) et les conflits armés non-internationaux (CANI).
Les CAI sont définis à l’article 2 commun aux conventions de Genève de 1949. Celle-ci dispose
que la convention s’appliquera en cas de « guerre déclarée ou de toutautre conflit armé surgissant
entre deux ou plusieurs Etats, même si l’état de guerre n’est pas reconnue par l’une ou l’autre des
parties ». L’emploi de l’expression ‘’ou de tout autre conflit’’ sous entend qu’une déclaration de
guerre n’est pas nécessaire pour la qualification d’un CAI.
L’article 1er alinéa 4 du Protocole 1 dispose qu’ « un conflit armé sera qualifié d’international, si
les peuples parties au conflit luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et
contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux même ».
Les individus participant alors à un CAI pourront bénéficier d’un statut de combattant, ou en cas
d’arrestation de prisonniers de guerre tels qu’ils sont définis par la convention de Genève et le
protocole 1.
Quant aux CANI, ils correspondent à des situations de conflits intra-étatiques, c.à.d. à l’intérieur
d’un même Etat, opposant les forces armées régulières d’un Etat à des groupes rebelles et qui
peuvent déboucher à des atteintes avérées de stabilité de cet Etat et affecter l’intégrité de ses
populations (le cas typique : la RDC ; des groupes armés qui s’opposent un peu partout à l’autorité
centrale intervention Monusco ; En Centrafrique on a récemment les anti-balakas contre les
forces de la Seleka).
On distingue ainsi des CANI de haute intensité et des CANI de basse intensité (Casamance).
Cependant l’intensité ne se mesure pas par référence au combat, mais au degré d’atteinte à la
souveraineté de l’Etat concerné et à l’intégrité de sa population. Les CANI doivent donc opposer
un Etat à un ou des groupes armés ou un groupe armé contre un autre groupe armése trouvant tous
deux à l’intérieur de l’Etat concerné.
L’intérêt de la distinction réside dans les règles matérielles applicables. Alors que pour ce qui est
des CAI, ce sont les 2 conventions de Genève de 1949 qui sont applicables ; les CANI ont
longtemps été exclu du champ d’application du DIH en raison du principe de non-ingérence posé
par la Charte des NU.
Par ailleurs, cette dichotomie CAI-CANI n’est pas absolue car la distinction peut paraître malaisée
dans certaines circonstances. D’ailleurs, les CANI posent souvent des questions de protection des
personnes innocentes et de violations des dispositions du DIH. C’est ce qui rend la distinction
malaisée. En effet, diverses situations peuvent amener à un changement de qualification d’un
CANI à un CAI. C’est le cas des guerres de libération nationale que l’article 1 er du protocole 1 de
1977 qualifie de CAI.
Il s’agit d’une forme d’internationalisation d’un conflit armé intra-étatique menaçant le droit des
peuples à disposer d’eux même. Cette transition d’un CANI à un CAI peut se réaliser à la suite de
l’intervention d’un Etat tiers dans un conflit intra-étatique. L’internationalisation se produit dès
lors que l’Etat tiers a envoyé par exemple des forces militaires ou des experts techniques aux côtés
de l’une des parties.
Cependant, deux conditions doivent être ici réunies pour qu’on puisse parler d’internationalisation
du conflit :
- D’une part, les forces militaires, conseillers ou experts envoyés, doivent prendre
directement part aux hostilités, ne serait-ce qu’en apportant des conseils stratégiques à la
partie qu’ils assistent.
- Ils doivent d’autre part, agir en cette qualité et au nom de l’Etat étranger qui les a envoyés.
Ces situations sont particulièrement complexes pour le DIH et rendent difficile l’application de ses
règles. En 1986, la CIJ avait donc tenté d’apporter une solution dans l’affaire opposant le
Nicaragua aux Etats Unis. Aussi, la Cour avait-elle énoncé que la responsabilité des USA ne
pouvait être engagée que s’il avait été établi qu’ils avaient « le contrôle effectif des opérations
militaires ou paramilitaires au cours desquelles les violations en question se seraient produites ».
Mais la difficulté, c’est que la CIJ n’avait pas pu apporter une définition de ce qu’elle appelle un
contrôle effectif et sa position sur cette question reste encore flou. Toutes ces difficultés sont
symptômatiques de la complexitéé de la distinction entre CAI et CANI. C’est ce qui a conduit la
communauté internationale à déclecher un processus d’unification des règles applicables aux
conflits armés.
De toute évidence, si le critère matériel peut paraître insuffisant à quelques égard pour justifier
l’application des règles du DIH aux situations de conflit armé, l’existence de problèmes de nature
humanitaire posés par un conflit armé reste quant à elle un élément déterminant.
L’intérêt pour les acteurs du DIH de prendre en charge les questions humanitaires que posent les
conflits armés s’est considérablement développé au fil des années. L’engouement pour les
questions humanitaires a été favorisé par la prolifération d’ONG travaillant aux côté de la Croix
Rouge Internationale et par les initiatives prises par le CS des NU. Cependant, l’ambiguité et
l’imprécision qui caractérisent le concept humanitaire ont été à l’origine de vives controverses
autour du DIH. Alors que d’aucuns fustigent le phénomène de ‘’sur-idéologisation’’ des droit de
l’homme et de l’Etat de droit qu’entraine le développement du mouvement humanitaire, d’autres
pensent que les liens qui les unissent sont inexplicables et qu’il est nécessaire de prendre en
compte les questions de droit de l’homme et d’Etat de droit pour résoudre les problèmes
humanitaires. C’est en effet ce lien entre problème humanitaire et violation des DH (paragraphe 1)
et la nécessité d’une solidarité internationale (paragraphe 11) qui permet de distinguer aujourd’hui
l’humanitaire de ce qui ne l’est pas.
Le DIH a pour but premier la protection des victimes de conflits armés et de leur porter assistance.
Il tend à réglementer le déroulement de la guerre afin de limiter ses effets nocifs sur les personnes
vivant dans les zones de tension. Le DIH ne peut pas résoudre les questions humanitaires sans
faire face aux questions de violations des DH. A l’occasion de conflits armés, les victimes ainsi
que les acteurs de guerre mis hors d’état de combattre doivent être protégés. Cette protection
implique d’assurer leur intégrité physique, leur honneur et leur sécurité.
Lors de la 1ère Conférence des NU sur les DH de 1968 à Téhéran, les participants ont reconnu que
le DIH est un instrument de garantie des droits fondamentaux dans les situations de conflits armés,
car les traitements inhumains et dégradants qu’entraînent souvent les conflits armés sont des
questions humanitaires qui interpellent la communauté internationale (voir à ce propos la
résolution n°23 ‘’protection des droits de l’homme en cas de conflits armés’’ à Téhéran 12 mai
1968). Ainsi se forme une convergence entre violation des droits de l’homme et intervention de
problèmes humanitaire et que l’atteinte portée au premier peut constituer un heurt à l’humanité
(article 75 protocole 1 de 1977).
La référence à des actes inhumains et barbares par les belligérants est le critère déterminant pour
faire le lien entre violation des DH et problèmes humanitaires.
De plus, les personnes visées par le DIH sont les blessés de guerre, les malades, les naufragés et
les populations civiles se trouvant dans les zones de conflit. La nécessité de secourir et de protéger
ces personnes est reconnue par les conventions de Genève et le Protocole additionnel 1. Ces textes
posent d’une part, le principe de l’inviolabilité des blessés de guerre, des malades, des prisonniers
de guerre et naufragés, et d’autre part celui de l’immunité des services et des personnels chargés
de les soigner. La nécessité de protéger le droit de ces personnes constitue des questions
humanitaires qui impliquent le respect des règles du DIH.
Les conventions 1 et 2 de Genève ainsi que le Protocole 1 proclament que « tous les blessés,
malades et naufragés, à quelque partie qu’ils appartiennent seront respectés et protégés » contre les
injustices et dangers liés aux effets des hostilités, ainsi que des atteintes à l’intégrité physique ou
morale. Enfin, notons que l’exigence du respect des droits de ces personnes incombe non
seulement aux protagonistes, mais également aux civiles qui ne doivent exercer aucun acte de
violence à leur égard. A cette obligation négative, s’ajoute un devoir positif d’assurer l’assistance
et le soin que requiert l’état de ses victimes.
Il apparaît enfin que les questions humanitaires sont intimement liées à la notion de protection des
DH dans la mesure où la violation de certains droits touche directement des aspects du DIH. C’est
la raison pour laquelle le rapprochement entre violation des DH et DIH peut permettre d’apporter
quelques éléments de précision sur ce qu’il convient d’appeler « l’humanitaire » à l’occasion de
conflits armés.
Au-delà, l’étude des questions de sécurité collective en période de guerre peut également être utile
pour circonscrire les problèmes humanitaires.
La paix et la sécurité collective sont des concepts structurant des relations internationales. Les
évolutions récentes que connaît la société internationale, les problèmes nouveaux auxquels elle est
constamment confrontée conduisent à élargir les actions en faveur de la paix et de la sécurité
collective pour englober des réalités très éloignées de leur signification initiale.
Les notions de paix et de sécurité collective ne cessent d’être évoquées par la communauté
internationale pour fustiger et condamner les actes de violence qu’encouragent les conflits armés.
L’analyse de la récurrence de conflits armés dans certaines zones telles qu’en Somallie (1992-
1993), en Angola (1989-1991), en Bosnie Herzegovine (1992-1995), ou en Afrique centrale et
sub-saharienne, signes manifestes de l’effondrement de la paix et de la sécurité collective, incitent
à réorienter l’action humanitaire en faveur de la paix et de la sécurité.
L’intérêt de cette approche est qu’elle permet de garantir la paix et la sécurité internationale sous
tous les angles en montrant comment elles sont liées aux impératifs d’ordre humanitaire, au point
de former un ferment commun. De ce point de vue, la prise enconsidération de la complexité de la
paix et de la sécurité, élargie aux problèmes humanitaires, permet à la communauté internationale
de mieux garantir les droits de l’homme et la sécurité humaine tout en luttant contre le terrorisme
étatique et celui initié par les groupes rebelles.
Il s’agit en clair d’organiser de façon rationnelle la gestion de la paix en associant les menaces
subjectives de la sécurité aux dimensions objectives de la paix (une agression armée par exemple).