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II/ 13 juillet 2009

7h00. Les chiffres rouges se mirent à clignoter,


comme toujours, au rythme de l’alarme. Loïc émergea
rapidement. « Oh merde ! » – Il avait laissé la lumière
allumée toute la nuit.
Aujourd’hui il devait aller à l’usine pour prendre en
main un petit groupe de personnes en formation. Il se
leva et se dirigea vers la salle de bain, toujours avec la
même façon de pester contre le carrelage gelé. Il prit
une douche rapidement et une vingtaine de minutes
plus tard, il descendit à la cuisine pour le petit
déjeuner. Funky l’attendait avec impatience. Loïc lui
mit vite fait une boite de pâté dans sa petite gamelle.
Le chien se jeta dessus comme à son habitude, à croire
que cela faisait des jours qu’il n’avait pas mangé. Puis
son maître alluma la radio … Rien … De la neige.
« C’est quoi ce binz ?! ». Il changea de fréquence,
mais toujours rien à part cette neige. « Rooo … qu’est-
ce qui se passe ?! ». Il donna quelques coups dessus
mais rien n’y fit.

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Très étrange ce moment-là. Car il prit conscience
que l’on n’entendait rien même aux alentours. Silence
complet. Pas même une voiture, « On est lundi
pourtant … ». Il prit son petit déjeuner à une vitesse
incroyable, très curieux de voir ce qu’il se passait
dehors.
Quelques instants plus tard, il attrapa le collier et la
laisse de Funky et décida de le sortir. Une belle
journée s’annonçait … Les oiseaux chantaient … pas
l’ombre d’un nuage … et … et une voiture était
encastrée dans un des arbres qui bordait la route. Loïc
de mit à courir vers elle. Pauvre Funky. Il fut entraîné
par son maître et ne put que le suivre à toute allure.
La majeure partie du véhicule était intact. Mais
l’avant était complètement déformé. L’arbre dans
lequel il avait foncé était courbé presque à 45 degrés.
A l’intérieur, personne. Etaient-ils partis ? Aucune
idée. Loïc ouvrit la portière côté passager, le pare-brise
était fendu en son milieu et les airbags pendaient de
part et d’autre de l’habitacle, complètement dégonflés.
Il y avait toujours les clefs sur le contact, et les deux
ceintures avant n’étaient pas retirées, toujours
enclenchées. « Mais c’est quoi ça ?! C’est une
blague ? ». A l’arrière sur la banquette était posée, ou
plutôt balancé en vrac, un sac à main. La moitié des
choses qu’il contenait était rependue un peu partout
dans toute la voiture, sous les sièges, dans les vide-
poches … Finalement il trouva une carte d’identité.
Mme Rachel Lefèvre. Elle venait du Nord, et
effectivement, la voiture était immatriculée du Nord.
« Mais où est-ce qu’ils sont passés ?! ». De plus, chose
étrange, il remarqua qu’il n’y avait personne dans les
rues, absolument personne. En temps normal, un

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accident de ce genre aurait ameuté la moitié du
quartier. Il prit son portable et appela les pompiers.
Cela sonna un moment … pendant quelques secondes
… quelques dizaines de secondes … « Mais qu’est-ce
qui se passe à la fin ?! ». Personne ne répondit. Il fini
par raccrocher. Il essaya de klaxonner pour faire signe
à une quelconque personne de ce qu’il se passait, mais
le klaxon ne fonctionnait plus. Un peu agacé de la
tournure des choses, il se dirigea alors vers chez M
Lavan, un autre de ses voisins. Il sonna, encore
personne ? Quelques secondes passèrent, il se mit à
frapper fort sa porte tout en criant :
- OH !! Y A QUELQU’UN ?!! M LAVAN !!!
Mais toujours personne. « Mais c’est la quatrième
dimension ! C’est pas vrai ! »
Finalement il retourna chez lui et termina de se
préparer pour partir au travail. « C’est bon … je suis
déjà assez en retard, quelqu’un d’autre devra s’en
occuper ! ». Malgré tout, il était complètement
abasourdi. Personne et encore personne. Il ne put
s’empêcher de penser à Eveline. Il l’aurait bien
appelée d’ailleurs, mais il se dit que ce n’était pas
vraiment l’heure.
Il rentra donc Funky pour ensuite sortir sa voiture.
Monta au volant de celle-ci et parti sur la route de
l’usine, laissant un dernier regard à la voiture
abandonnée …

Incroyable ! Absolument personne dans les rues.


Mais vraiment pas un chat ! Pas âme qui vive …
Quelques voitures étaient arrêtées au beau milieu de la
route … Toujours pareil. Loïc ralentissait quelques
fois, pour mieux voir l’intérieur et à chaque fois, les

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ceintures étaient toujours enclenchées, comme dans la
voiture accidentée près de chez lui. Il commença à
paniquer. « Mais c’est quoi ce truc Bordel ! » Il se mit
à klaxonner et à crier dans les rues désertes.
- OH ! …. OHE !! Y A QUELQU’UN ?! …
QU’EST-CE QUI SE PASSE A LA FIN !!!
BORDEL !!! QUELQU’UN REPONDEZ !!
MERDE !!

Rien … A part l’écho de sa voix. Il accéléra et prit


la direction de l’autoroute. Partout, tout le long de la
route, les voitures abandonnées étaient renversées sur
le bas côté, contre les barrières de sécurités ou bien
mêmes certaines étaient encastrées dedans. D’autres
avaient eu le temps de s’arrêter complètement avant
d’avoir percuté quelque chose et gisaient au milieu du
bitume. Certaines même étaient fumantes, signe
d’incendies, ou d’explosions pour d’autres. Notre
héros fonça à toute allure, slalomant entre les voitures
encore au milieu de son passage. 110, 120, 130, 140,
150, jamais il n’avait roulé aussi vite. Au passage, il se
fit flasher quatre ou cinq fois, mais quelle
importance ?
Pour un voyage qui durait normalement une
vingtaine de minutes, il arriva en dix minutes.

Les grilles du parking de l’usine étaient fermées.


Toujours aucune âme qui vive. Il klaxonna de nouveau
puis sorti de sa voiture. Tout en courant, il cria :
- OH !!! Y A QUELQU’UN !!??? REPONDEZ
MERDE S’IL VOUS PLAIT !! …… Non …
Il fondit en larmes, à genou sur le bitume. Quel
choc pour Loïc. Puis dans ses sanglots, un bruit

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s’échappa de sa voiture. C’était la sonnerie de son
téléphone portable. Il se précipita dans sa direction
pour le récupérer et décrocha.
- OUI ?! ALLO !? cria-t-il à travers le combiné.
C’était Eveline qui l’appelait. Quel soulagement
pour Loïc d’entendre une voix familière. Sa femme
s’était réveillée toute seule ce matin. Personne dans la
maison ni dans les rues. Incroyable disait-elle. Elle
avait tellement peur que Loïc ne réponde pas, qu’il
soit lui aussi disparu. D’après elle, les téléphones fixes
ne fonctionnaient plus, elle avait essayé d’appeler chez
eux, mais il n’y avait même plus de tonalité. Loïc lui
exposa sa situation aussi. La voiture écrasée devant la
maison, personne ni en ville ni sur l’autoroute à part
toujours ces voitures laissées comme si les gens
s’étaient jetés sur la route pendant qu’elles roulaient.
Finalement il décida d’aller la chercher. Il lui dit qu’il
devait retourner à la maison chercher quelques petites
affaires et qu’il se mettrait en route à la seconde où il
aurait fini. Quelques minutes plus tard, il raccrocha.
Aussi, il lui dit de ne surtout pas bouger.
Il s’installa dans sa voiture. Il alla retirer le frein à
main lorsqu’il pensa : « Les portables fonctionnent ! »
Sur cette pensée, il décida d’appeler ses parents, pour
savoir s’ils étaient encore là, eux.
Le téléphone sonnait … Et continuait de sonner …
Bien trop longtemps, ça ne servait à rien d’insister.
« Ils sont sûrement sorti faire un tour …»
- Oui c’est ça ! Eux aussi ont vu qu’il n’y avait
plus personne, alors ils sont sortis …
« T’as raison … C’est forcément ça … »
- Oui mais son portable ! … Pourquoi il ne l’aurait
pas avec lui ?!

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« Mais ne t’inquiète pas … Il a sûrement dû l’oublier
… ça arrive … »
- Ok … Calmons-nous … On respire … … …
Allez go …
Puis il retira le frein à main.

Comme à l’allée, il traça, le plus vite possible, entre


quelques voitures. Le soleil montait, de plus en plus
haut dans le ciel. Il était 8h25. Du moins c’est ce
qu’indiquait l’horloge de sa voiture. Quelques
centimètres à droite, l’aiguille du compteur de vitesse
pointait entre 150 et 155 kilomètres à l’heure. Et Loïc
avait l’air d’adorer ça !
8h30. Loïc fut de retour chez lui. Chose
intéressante, il eu le réflexe de fermer sa Nissan à clef
en s’éloignant. Pourtant parfaitement conscient
maintenant qu’il était complètement seul. Il rentra
donc chez lui, monta quatre à quatre les escaliers
menant au premier pour aller jusqu’à sa chambre. Puis
il alluma le vieil ordinateur. Il y avait encore du
courant, Loïc avait déjà remarqué que quelques
maisons avaient encore des ampoules, des télévisions
allumées. « Bon c’est cool ! ». Le téléphone fixe ne
fonctionnait plus, mais les mobiles si … Il priait pour
qu’internet, lui, fonctionne toujours. Il attendit que
cette machine se mette en route … C’était long, trop
long à son goût, mais il ne pouvait rien y faire. « Mais
plus vite bon sang ! ».
La machine en route, il cliqua sur Firefox en
croisant les doigts … Et la chance lui souri,
« Enfin ! ». Internet était encore là. Google, recherche
Michelin, itinéraires, départ Viry-Châtillon, arrivée
Cholet. « Voilà ! ».

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Un voyage de 3h20 quand même. « Eh ben ! C’est
pas la porte à côté … ». 350 kilomètres. Il imprima la
feuille d’itinéraire et pile au moment où le papier sorti,
tout s’éteignit. Ordinateur … imprimante … même la
petite lumière rouge de la rallonge. Notre ami tenta
d’allumer la lampe de chevet, mais ce fut bien ce qu’il
pensait. Il n’y avait plus de courant du tout.
Il descendit, pris un petit sac de nourriture, fruits,
légumes, tout ce qui était frais et qui ne pouvait pas
être conservé longtemps. Il ajouta dans son sac
quelques boites de pâté pour Funky, car bien sûr, il
emporta son chien avec lui. Aussi, il descendit à la
cave prendre un sac entier de disques. Il prit ses
préférés, ainsi que tous ceux qu’il pouvait trouver qui
appartenaient à Eveline. Il chercha bien, mais ils
étaient éparpillés partout dans la maison. Le tout dans
la voiture et le voilà reparti, aussi vite qu’il était venu.
9h05 …

Sur le chemin, il commença à voir le nouveau


monde qui l’entourait d’un autre œil. Il se dit que
finalement, ce n’était pas si mal, « les villes désertes et
tout ce bazar ». C’était même magnifique, « plus
aucune contrainte, plus d’horaires, plus de règles, plus
d’argent, plus de prises de tête … »
Il quitta la ville pour l’autoroute. Mais, une
vingtaine de minutes plus tard, la jauge d’essence
s’illumina. « Ah problème ! Y faut que je ralentisse un
peu sinon ça va … Hum … Non ça ne coûte plus
rien ! ». Il rigola dans sa tête. Funky par contre,
n’avait pas l’air d’apprécier autant la vitesse que son
maître. Il ne bougeait pas d’un poil dans sa caisse, la
queue entre les jambes.

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Il trouva rapidement une aire d’autoroute avec une
station. Bien sûr, elle était déserte. Tout en
ralentissant, il contemplait les poids lourds et autres
semi-remorques. Imposants … C’était le mot pour les
décrire. Maintenant qu’il n’y avait plus personne, dans
ce silence, ils paraissaient bien plus impressionnants
qu’auparavant, du temps où il y avait encore du
monde. Ils gisaient là, Loïc prit conscience, que plus
personne n’allait les faire rouler. Non … Plus
personne … Ils allaient se décomposer, ici, faire partie
du paysage jusqu’à ce qu’ils ne tiennent plus sur leurs
roues.
Il continua jusqu’aux pompes, mais décida de
passer à la boutique avant de prendre du carburant. Il y
entra donc et se dirigea sans hésitations vers le
comptoir où étaient les barres de chocolat. Pourquoi ne
se ferait-il pas plaisir après tout ?
Les pompes fonctionnaient encore et le carburant
coulait. Il rigolait intérieurement. Combien de temps
cela faisait qu’il n’avait pas fait un véritable plein ?!
Vraiment longtemps. Sa joie s’extériorisa peu à peu,
puis il se mit à rire aux éclats, seul dans ce lieu. On
pouvait entendre l’écho de ses rires jusqu’à des
dizaines de centaines de mètres. Il commença à
prendre ses marques dans ce nouveau monde.

Il était temps de repartir. 9h38. Seulement, il y eu


un petit problème. Une voiture, ou plutôt ce qu’il en
restait, bloquait l’embranchement qui menait à la
sortie de l’aire de repos. Elle était complètement
calcinée et ne ressemblait maintenant qu’à un amas de
ferraille recouvert de cendres. Loïc cogita un instant.
« Purée … Comment je fais moi ? » … … … …

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« Mais t’es vraiment con ! ». Il fit demi-tour et sorti
par l’entrée, repassant devant la zone réservée aux
poids lourds. « Adieu cimetière de camions ! ». Et il
reparti à bonne allure.
Pendant un moment, il n’y eu plus de voitures, ni en
travers, ni sur les bords de la route. Il n’y avait que la
sienne et lui, seul à rouler. Les autres seraient
condamnées à contempler à jamais le bitume et à finir
par s’enraciner, coincées dans la végétation qui, peu à
peu, ira reprendre possession de ce qui lui appartenait
jadis.
Loïc fonçait comme jamais. Il établit un nouveau
record de vitesse. 163 kilomètres à l’heure. Il manqua
de peu de se tuer pour de bon. Une semi-remorque se
trouvait couchée, étalée sur la quasi-totalité de la
largeur de la route. Elle bloquait pratiquement tout
l’espace et il n’y avait qu’un petit passage sur la bande
d’arrêt d’urgence. Cela lui remit la tête sur les épaules,
du moins pour un moment, car par la suite, il
recommença à forcer sur l’accélérateur.
Arriva un moment où il fut coincé à un péage.
L’endroit était pratiquement désert, quatre ou cinq
voitures tout au plus. Il n’y avait plus de courant ici.
Les grands panneaux lumineux n’étaient plus
lumineux. Et les barrières bloquaient le chemin. Loïc
recula un peu, puis il s’arrêta … contemplant la
construction, il respirait lentement … Puis, quelques
secondes plus tard, il accéléra d’un coup, fonçant vers
une des barrières, il retenait sa respiration, et
finalement il passa. La peinture, sur le capot était
désormais toute rayée. Et pauvre Funky, il était secoué
dans tous les sens.

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10h30. Le soleil montait peu à peu dans le ciel,
lentement mais sûrement. Abreuvant de lumière les
innombrables champs qui cernaient l’autoroute. Et au
loin, dans la direction de Cholet, l’on pouvait voir
d’immenses nuages noirs, d’un noir menaçant. Quel
contraste … « C’est magnifique ! ». Mais il lui
manquait quelque chose. Il y avait comme une sorte de
vide. Soudain, il remarqua qu’il avait passé, jusqu’ici,
la totalité du voyage dans le silence. Un silence de
mort. Il fut jusqu’ici dans ses pensées. Sur le coup, il
prit un disque complètement au hasard. « Bon allez !
Peu importe ! » … « Hum ? GY!BE ? » … « C’est
quoi ce truc ? » … « Bah allons-y ! ».
– Pour je ne sais quelle raison, il commença
directement le CD à la piste 2, intitulée Blaise Bailey
Finnegan III.
Sa première impression sur cette musique fut
« Qu’est-ce que c’est que c’machin ?! ». Il y avait de
quoi ! Pendant les cinq premières minutes un mec ne
faisait que de parler … Eveline lui avait déjà parlé de
ce groupe. Le nom entier était Godspeed You ! Black
Emperor … Anticapitalistes, ils enregistraient des
morceaux d’une vingtaine de minutes, complètement
désorganisés. Etrange, oui. Cela commençait toujours
très calmement, puis des instruments venaient
s’ajouter au fur et à mesure, ça s’amplifiait et au final,
tout s’assemblait dans une superbe harmonie. Ce
n’était que de l’instrumental. Loïc tomba peu à peu
amoureux de cette musique. Après dix bonnes minutes
d’écoute, il adorait ça. Il vibrait littéralement au son de
ces morceaux, il montait toujours un peu plus le
volume et klaxonnait parfois en rythme. Tant mieux

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pour lui, mais encore une fois Funky ne pouvait que
subir.

11h45. Loïc ne vit pas le temps passer. Il s’étonna


de voir qu’il était déjà arrivé. Il avait fait le voyage en
seulement 2 heures et 40 minutes au lieu de 3 heures
20, comme l’avait prédit le guide. « Bah, y avait
beaucoup moins de trafic que prévu ! ». En cours de
route, il était entré dans l’énorme orage. Il pleuvait à
verse et sans les phares de la voiture, on ne pouvait
pas y voir à plus de dix mètres. Loïc était juste en
dessous de l’orage. Un éclair et juste le temps de
cligner des yeux plus tard, Tonnerre. Comme dans
toutes les villes qu’il eu à traverser et comme chez lui,
la plupart des habitations avaient les volets fermés.
Mais contrairement à Viry-Châtillon, il y avait encore
du courant ici. Les feux de signalisation jonglaient
encore entre le rouge, l’orange et le vert. Les
enseignes de certains magasins étaient encore
illuminées.
Il tourna un peu dans la ville, assourdit par le
tonnerre. Funky poussait quelques aboiements à
chaque fois que l’un d’eux retentissait. Il fallait qu’il
appelle Eveline pour connaitre l’adresse exacte. Mais
voilà … La batterie l’avait lâché. « Ah merde ! »
Comment faire ? … Il fallait qu’il se fasse entendre,
mais c’était peine perdue dans le vacarme de la pluie
et des coups de tonnerre. Et de plus, la ville est assez
grande. « J’ai une idée … ». Il tourna encore dans les
rues puis sorti à l’extérieur de la ville. En retournant
sur ses pas, il vit exactement ce dont il avait besoin.
Un Darty. Il roula donc vers le parking, mais une fois
arrivé, il se retrouva face à un obstacle qu’il n’avait

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pas prévu … Evidemment, il était fermé. Et les grilles
avaient l’air robuste. « Purée ! On n’est pas aidé ! ».
Il n’y avait qu’un seul moyen de toute façon. Il
sortie de sa voiture, pris la caisse de funky, et la posa
assez loin sur le bitume, à l’abri. Puis retourna dans sa
Nissan verte … prit un peu d’élan … respira un
moment … et comme au péage, fonça vers la façade.
Bien sûr, il ouvra un grand passage dans la vitrine,
mais il déforma complètement l’avant du véhicule et
brisa le pare-brise. Sur le coup, l’airbag se gonfla en
un clin d’œil, mais il le creva d’un coup de couteau –
Il en avait toujours un sur lui, par précaution. Il ne se
préoccupa pas des dégâts pour le moment. Il recula
puis sorti avec grande peine de la voiture par la fenêtre
– La portière étant bloquée. Il courue ensuite récupérer
son chien. Et une fois tout arrangé, entra dans la
grande surface.
Les différentes alarmes retentissaient. Il faisait trop
sombre, on n’y voyait rien. Mais Loïc continua tant
bien que mal. Il arriva vite au coin des téléphones
portables, et trouva aussi vite les batteries – Il avait
une très bonne vision. Il chercha celles qui pouvaient
aller dans son mobile et une fois trouvé, recouru vers
la sortie.
Une fois de retour dans sa voiture, et bien au sec,
« Qu’est-ce qui faut pas faire ! », il prit cette fois tout
son temps pour remettre la pile. Une petite minute plus
tard il composa le numéro d’Eveline. 12h20.
- Allo !
- Oui chérie ? C’est moi ! dit-il très calmement. Je
suis arrivé …
- Super !

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- Mais je connais pas l’adresse, ajouta-t-il avec un
petit rire.
- Ah ! Euh … oui bon ! ben c’est au 10 rue Jean
Batiste Kléber, tu verras c’est près de … hum …
Bah dis moi, t’es où là ?
- Euh, près d’un Darty, répondit-il en se raclant un
peu la gorge.
- Ah oui ! Ok ! je vois où c’est ! … Mmm … Bah
écoute, tu continus toujours tout droit, vers le
centre. Tu devrais passer à côté d’une grande
place, avec une grande cathédrale. Tu devrais pas
la louper de toute façon.
- Ok …
- Pis après tu continus encore tout droit, et tu
arriveras à un grand carrefour en étoile. Avec un
parking juste en face.
- Oui je vois …
- Et là t’auras qu’à donner un coup de klaxon, et je
te ferais signe.
- Ok ça marche !
- C’est bon ?
- Oui oui !
- Bon ! à tout de suite ! Je t’aime …
- Moi aussi je t’aime ! A tout de suite !

Après ce bref appel, Loïc repensa à ses parents. Il


retenta de les appeler … mais comme ce matin, aucune
réponse. Il commença à s’angoisser « Mais attend …
pourquoi je serais encore là et pas eux ?! ».
Finalement, il se remit de suite en route. Ce ne fut qu’à
cet instant qu’il mesura l’ampleur des dégâts. Il était
désormais impossible de voir correctement à travers le
pare-brise. Il était complètement brisé comme si une

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araignée avait tissé une grande toile. De plus, il n’était
même pas sûr qu’elle puisse encore démarrer et rouler
étant donné l’état général de l’avant. Il essaya
toutefois de mettre le contact. Et elle démarra ! – Loïc
était vraiment chanceux ces temps-ci …
Il ramassa un torchon sous le siège, en enveloppa sa
main et tout en se protégeant les yeux, il donna de
grands coups au pare-brise, afin de le retirer
complètement. « De toute façon, si j’en veux une
autre, j’aurais qu’à me servir ! »
Il pleuvait des trombes d’eau dans la voiture
maintenant. Loïc n’allait pas tarder à être
complètement trempé.
Sur ce, il reprit la route … Comme prévu, il passa à
côté de la cathédrale … Majestueuse cathédrale. Avec
la météo actuelle, il était presque impossible de
discerner le sommet des clochers. Aussi, vous auriez
eu du mal à croire qu’il n’était que 12h15.
Loïc continua tout droit, comme lui avait indiqué sa
femme. Le tonnerre grondait toujours, inlassablement.
Notre héros était trempé jusqu’aux os. Et la voiture,
quant à elle, n’avançait que très lentement. Loïc avait
la nette impression d’être pied au plancher. Et à
mesure qu’il roulait, cela allait de mal en pis. Elle
commença à faire un étrange bruit. Une sorte de
frottement, mêlé à un grincement strident. Funky
semblait détester ce bruit.
Une dizaine de minutes plus tard, il arriva enfin. Un
grand carrefour, avec cinq rues dans chaque coin, qui
formaient une sorte d’étoile. Aussi, il y avait bien le
parking droit devant … Avec une légère peur que le
véhicule ne produise plus aucun son, il klaxonna … Le
tonnerre retentit, à la suite de quoi, un silence de mort

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s’installa. Seul le bruit assourdissant de la pluie …
Rien ne se passa … Il retenta de klaxonner et, à la
seconde où il se fit entendre, quelqu’un cogna à la
vitre, du côté passager.
Loïc sursauta …
- Eh ben ?! Je t’ai fais peur ?! lança Eveline,
moqueuse.
- Oh ! Ma puce ! Qu’est-ce que tu m’as manqué !
Loïc ouvra la portière de l’intérieur et Eveline entra
… Ils s’embrassèrent alors et s’enlacèrent. Eveline se
mit à rire.
- Waouh ! Y a eu un pépin avec la voiture ? Et c’est
tout trempé !
- Euh … Rien de grave t’inquiète pas … Je te
raconterai. Le bébé va bien ? demanda-t-il.
- Oui oui … Il à été sage … hum … Ben je te
propose de ne pas rester là comme ça, on va
choper la crève.
- Ben oui ! répondit Loïc.
- Allez ! Fais demi-tour et c’est la rue de gauche.
- Ok …
Loïc mit la marche arrière et recula … Très
lentement … Lorsqu’il tourna le volant pour faire son
demi-tour, on pouvait entendre les roues qui raclaient
la carrosserie toute déformée. Le véhicule se mit alors
à trembler de toute part. Funky, lui, aboya de tous ses
poumons.
- Ah ? Bah tu l’as amené aussi ?! s’étonna Eveline.
- Ben oui … J’allais quand même pas le laisser tout
seul.
Il prit la rue Jean-Baptiste Kléber et continua
jusqu’au 10.

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- Stop ! C’est là ! dit Eveline en montrant du doit
l’entrée du bâtiment.
Loïc arrêta le moteur et celle-ci produisit alors une
sorte de soupir.
- Allez ! Viens ! On va monter les affaires.
Eveline sortie du véhicule par la portière encore en
bon état, tandis que son mari fut contraint de sortir par
la fenêtre.
- Ouh ! quelle souplesse ! rigola Eveline.
- T’as vu ça !

Ils amenèrent les affaires que Loïc avait emmené


avec hâte dans le hall d’entrée. Ils furent désormais
tous les deux complètement trempés.
Un étage plus haut, se trouvait l’appartement de
Maeva. Très belle décoration. Très zen … très simple.
Dès qu’il fut rentré, Loïc retira ses chaussures. Il jubila
de bonheur.
- Mmm !! … ça fait trop du bien la moquette sous
les pieds …
- Ah ça oui ! lui répondit sa femme.
Il n’y avait rien de superflu dans la maison.
Beaucoup de plantes, soit des pots à même le sol, soit
suspendus au plafond. La couleur dominante était le
beige très clair. Les portes s’ouvraient comme celles
de ces maisons asiatiques, en les faisant coulisser. Le
seul signe apparent de technologie moderne fut cette
télé. Une petite télévision, posée sur un meuble
d’appoint dans ce qui semblait être le salon. Dans la
chambre, Loïc remarqua tout de suite que la moquette
était encore plus douce dans cette pièce que dans tout
le reste de la maison. Il n’y avait qu’un lit double et
quelques plantes … rien d’autre. Au-dessus de la tête

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de lit, sur le mur, était peinte une énorme tête de
bouddha.

- Bienvenue dans la maison du bonheur ! dit


Eveline en posant les sacs dans l’entrée.
- Eh ben ! … C’est … ben c’est propre ! Et j’adore
la moquette ! lui répondit-il en ouvrant la caisse
de funky.
Ce dernier se précipita en dehors de sa petite boîte et
couru faire le tour du propriétaire.
- Alors … Raconte-moi … demanda Eveline.
- Te raconter quoi ?
- Ben tout ! au téléphone on s’est pas beaucoup
parlé si on y repense. Tient ! Qu’est-ce qui s’est
passé avec la voiture ?! demanda-t-elle en
souriant.
- Oulà ! … hum … comment te dire … j’ai fais des
trucs, si hier tu m’avais dit que je les ferais ! …
- Ben je veux bien, oui ! mais quoi ? insista-t-elle
- Eh ben … tout à l’heure, quand j’ai voulu
t’appeler, je me suis aperçu que je n’avais plus de
batterie. Alors j’ai fais un petit détour par le
Darty. Mais le hic, il était fermé, les grilles et
tout ! Alors bon tu vois quoi …
- Oui, je crois que je comprends.
Pendant les minutes qui suivirent, ni l’un, ni l’autre
ne dit un mot. Ils se fixèrent.
- Tu m’as manqué tu peux même pas imaginer, finit
par dire Loïc.
- J’ai cru, ce matin, que je ne te reverrai jamais,
ajouta Eveline.
Et sur ces paroles ils s’embrassèrent. Passionnément
… Au bout de cinq minutes, Funky fit irruption,

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haletant, la queue plus agitée que jamais. Loïc et
Eveline se levèrent.
- Hum … ahem … Il doit avoir faim, dit Eveline.
T’as faim toi ?
- J’ai la dalle …
Nos héros se rendirent à la cuisine, Loïc appela son
chien. Eveline expliqua qu’il n’y avait pas de viande,
seulement quelques filets de poisson. Elle sortie aussi
deux bols et en remplie un d’eau qu’elle déposa
ensuite au sol. Loïc prit l’autre et alla chercher une des
boîtes de pâté.

Ils mangèrent légumes à la vapeur et poisson à la


plancha.
13h30 … Après ce déjeuner fort bon, la petite
famille se reposa dans le salon, sur le canapé.
- Va falloir y aller, dit Eveline.
- Aller où ?
- Bah, rentrer chez nous …
- Et pourquoi ? demanda Loïc.
- Je sais pas …
- Moi je propose qu’on reste ici tant qu’il y a du
courant. Après on verra …
- Ouais, pas con, conclu Eveline.
Un nouveau silence s’installa …
- Tu m’excuse, faut que j’aille aux toilettes, dit
Loïc.

Il se dirigea vers les toilettes et s’enferma dedans.


Puis il sortie son téléphone et composa une nouvelle
fois le numéro de ses parents.
Malheureusement, comme les deux autres fois,
personne ne répondit …

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« Purée … pourquoi tu t’obstine … ça sert à rien de se
voiler la face » … « Non … mais quand même ! Si
moi je suis encore là, eux aussi, ya pas de raison ! »

Il ressorti des latrines, encore plus angoissé.


- Ça va pas chéri ? demanda Eveline.
- Non si, ça va ça va, dit Loïc en se réinstallant sur
le sofa.
Il pleuvait moins fort dehors, et l’orage était passé.
- Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda Loïc.
- Comment-ça ?
- Bah, qu’est-ce qu’on va faire, maintenant qu’il y a
plus personne ?
Eveline se redressa et fixa Loïc d’un air étonné.
- Ben c’est évident non ? On peut tout faire ! Ce
qu’on veut ! Tu te rends pas compte … y a plus
personne. C’est tout ce que je rêvais, quand j’étais
encore jeune.
- Si tu le dit.
- Toi … t’aimerais faire quoi ? demanda Eveline.
- Ben je sais pas trop … Déjà, je voudrais retourner
voir mes parents. Y doivent êtres encore là.
- Ok ! On va rester ici un peu, et après on ira là
bas ! dit-elle en se levant … … Moi je sais pas
trop ce que je veux faire. En fait, j’ai jamais su …
Déjà du temps où je faisais du stop j’allais nulle
part.
- Mmm …

Ils ne firent rien de l’après-midi. Ils écoutèrent de la


musique sur le poste. Gimme Danger d’Iggy Pop,
Angel de Massive Attack ou même Differente de
Gotan Project. Le ciel s’éclaircit, les nuages se

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dissipèrent, les rues, détrempées, séchèrent et le temps
passa. Loïc sorti le chien et eu ainsi l’occasion de faire
le tour du voisinage. Pas trop loin non-plus … Il
n’appréciait toujours guère la marche. Il rentra un peu
plus tard, dansa avec sa femme et tous deux
discutèrent de choses qui n’avaient d’importance que
du temps des humains.
Le soleil fini par se coucher. Les lumières des
habitations qui étaient toutes restées allumées
commencèrent à se faire vraiment remarquer. Le ciel
rougit puis s’assombri de plus en plus. Les réverbères
au dehors s’illuminèrent.
Loïc et sa femme dînèrent en musique. Notre héros
avait parlé à Eveline de Godspeed You ! Black
Emperor. Et ce fut le morceau Storm qui tournait.
22h23 … Ils finirent par se coucher. Ils passèrent
une longue nuit d’amour …

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