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(3) LA CONSTITUTION ET LES CONTRÔLES DE CONSTITUTIONNALITÉ

 La soumission de l’ad au principe de légalité :


o Les autorités admin sont tenues de se conformer au principe de légalité.
o Notion plus large que la loi, elle vise l’ensemble des normes écrites ou non, qui s’imposent
à l’ad au moment où elle prend la décision :
 les normes constitutionnelles,
 les normes internationales,
 les lois et règlements
 et les principes généraux de droit.
o Constitue une limitation du pvr admin car permet aux administrés de contrôler
l’observation de la loi par l’ad (principe libéral de l’État de droit).
o JA est le gardien du contrôle de légalité : censure les AA illégaux.
 B. Stirn, Les sources constitutionnelles du droit administratif : « une société connaît un Etat de
droit lorsque les rapports entre ses membres sont organisés selon des règles qui définissent les
droits de chacun et assurent les garanties nécessaires au respect de ces droits ». L’existence
d’un Etat de droit est donc inséparable de l’existence de normes et implique la soumission
de l’Etat lui-même au droit (au principe de légalité).
 La structuration de l’Etat de droit suppose une hiérarchie des normes (théorisée par Kelsen
dans une pyramide des normes), où la norme inférieure doit respecter la norme qui lui est
supérieure. Hiérarchie sanctionnée par la justice : il doit, dans un Etat de droit, exister un juge
susceptible d’assurer le respect, par chaque norme, des normes qui lui sont supérieures.
 Au sommet : la Constitution, dont bcp de principes définissent l’org et le fct de l’ad.

I. LA CONSTITUTION (4 oct 1958, 5e Rep)

A. Une norme suprême et évolutive

- La Constitution est la norme suprême dans l’ordre juridique national.


o Reconnu par le CE : supériorité de la Constitution sur les engagements internationaux
 CE, Koné, 1966 relatif à l’extradition d’un malien. Contradiction de la loi fr
d’extradition et l’accord franco-malien, qui lui est supérieur. Mais JA a considéré que
le refus d’extrader, lorsque l’extradition est demandée dans un but politique, n’est
pas seulement un principe législatif, mais aussi un principe fondamental reconnu par
les lois de la République, ayant valeur constitutionnelle. La Constitution étant
supérieure aux normes internationales, l’accord franco-malien de 1962 ne saurait
empêcher le pouvoir de l’État fr de refuser l’extradition.
 CE, Sarran, 1998 relatif à la contestation d’un décret de 1998 portant sur
l’organisation de consultation des populations de Nouvelle-Calédonie prévue par l’art
76 Const. Le requérant invoquait la violation de conventions internationales par ce
décret. Le CE juge le décret légal car respectueux des termes de la loi de 1988, loi
élevée au rang de norme constitutionnelle par le fait que l'art 76 de la Const s'y
réfère.
o Reconnu par la Cass, Pauline Fraisse, 2000
o Reconnu par le CC, Traité établissant une Constitution pour l’Europe, 2004
o Conséquence : il n’existe pas de « supraconstitutionnalité » (CC, 2003, « Organisation
décentralisée de la Rép ») : une révision constitutionnelle est une norme insusceptible
d’être contrôlée, car suprême : après une telle révision de la Constitution, la question est
fermée.
- Bien que suprême, elle est aussi une norme évolutive, donc pas intangible.
o Modalités de révision prévues par art. 89.

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 L’initiative de révision appartient au PR sur proposition du PM et au Parlement
 Le projet de révision n’est pas présenté au référendum qd le Président décide de le
soumettre au Parlement : doit recueillir 3/5 des suffrages exprimés.
 Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les 2 chambres du Parlement.
o De plus en plus évolutive : révisée que 5 fois jusqu’en 1992, et 19 fois depuis (ex : on a
consacré l’indépendance de la justice (1993), la parité (1999), la charte de l’environnement
(2005) et l’interdiction de la peine de mort (2007) comme des DF).
o Si cette évolutivité semble remettre en cause sa « suprématie », car elle démontre l’impact
grandissant du droit euro et international, elle montre aussi la présence accrue de cette
norme dans le droit appliqué quotidiennement.

B. Rôle
- Organiser les pouvoirs publics (exécutif, législatif, judiciaire) et le fonctionnement des
différentes institutions composant l’Etat.
o Donc texte très institutionnel : établit des règles de compétence, et de procédure et des
principes de fond relatif à la souveraineté.
o Art 20 place l’ad sous l’autorité du gvt.
- Garantir les droits et libertés essentiels (ou DF qu’on trouve notamment dans la DDHC,
Préambule de 46, Charte de l’environnement).
- Garantir l’ensemble des principes qui font une société

C. Le Préambule de la Constitution
- Renvoie à 3 textes qui posent des droits fondamentaux, à valeur constitutionnelle.
o Déclaration de 1789 : 17 articles toujours d’actualité, qui a donné lieu à une
jurisprudence constitutionnelle riche. Ex art. 1 : liberté et égalité des droits.
o Préambule de 1946 :
 Énonce les « principes particulièrement nécessaires à notre temps » (principes
pol et sociaux) ex : égalité des hommes et des femmes, droit d’asile, liberté
syndicale, droit de grève.
 Consacre les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la Rép »
mais n’en liste aucun. Ils semblent se référer aux grandes lois de la 3 e Rép sur
les libertés publiques (liberté de la presse, liberté d’association, laïcité etc).
o Charte de l’environnement de 2004 
- CC, Liberté d’association, 1971 : ce renvoi confère une valeur constitutionnelle à ces 3
textes, qui font ainsi pleinement partie des normes constitutionnelles. Le tout forme le ‘bloc de
constitutionnalité’, qui dépasse le strict texte de la Constitution.
- Le CC fait parfois une interprétation extensive de ces textes.

Au total, on trouve donc plusieurs types de principes à valeur constitutionnelle :


- Les principes énoncés dans les textes de la Constitution, de la Déclaration de 1789, du
Préambule de 1946 (« principes particulièrement nécessaires à notre temps ») ou de la Charte
de l’environnement
- Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, auxquels renvoie le
Préambule de 1946 et identifiés par le CC (ex décision 1971 reconnaissant le principe de liberté
d’association) ;
- Les principes dégagés par la jurisprudence du CC de façon purement prétorienne : c’est le cas
unique du principe de continuité du service public, consacré par la décision Droit de grève à
la radiotélévision française, 1979.

II. CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ

En vertu de la hiérarchie des normes, il convient de faire sanctionner le respect de la Constitution par la
norme inférieure. D’où l’existence des contrôles de constitutionnalité, principalement assurés par le CC.

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A. Compétence exclusive du CC
 Création du CC en 1958 marque la rupture avec la tradition fr légicentriste
- La France avait adopté un dogme de la souveraineté de la loi (légicentrisme exacerbé), au
détriment des RDV marginalisées (réticence au contrôle de la constitutionnalité des L) : la
hiérarchie des normes était construite autour de la L, acte voté par le Parlement et exprimant la
volonté générale.
- Aussi, elle n’adopte un tel contrôle contre la L qu’avec la Constitution de 1958, qui crée aussi le
CC.

 Le contrôle limité du JA
- Tous les juges sont gardiens de la Constitution. Mais en vertu de la théorie de la loi écran, le JA
ne peut pas tjrs sanctionner lui-même la violation de la Const par l’ad.
- Le JA contrôle la constitutionnalité des AA, mais pas la constitutionnalité des lois (CE, 6 nov
1936, Arrighi), car le JA n’est pas juge de la loi, mais seulement censeur des AA. Donc quand un
AA se borne à appliquer une L, le JA ne peut pas en contrôler sa constitutionnalité, car cela
reviendrait à contrôler la constitutionnalité de la L : la loi fait écran entre l’AA contesté et la
Const.
- Théorie contournée par la révision constitutionnelle de juillet 2008 (art. 61-1, Const) : le CE
(ou JA) et la CC (ou JJ) ne peuvent se prononcer sur la question de la constitutionnalité de la loi,
mais jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre du contrôle de constitutionnalité, en
transmettant la QPC au titre d’une procédure de renvoi ouverte devant eux.

B. Organisation et fonctionnement du CC
- Art. 56 :
o 9 membres nommés pour un mandat de 9 ans non renouvelable.
o Le PR, les présidents de l’AN et du Sénat nomment chacun un membre. Les anciens PR
sont membres de droit. Le président du CC est nommé par le PR et dispose d’une voie
prépondérante en cas de partage des voix.

C. Contrôle par voie d’action (art. 61, Const)


- Un contrôle a priori et par voie d’action : la norme dont on conteste la constitutionnalité est au
centre du litige.
o a priori car il intervient avant la promulgation des lois, donc avant leur entrée en
vigueur ;
o par voie d’action car la contestation porte directement sur la loi devant le CC.
- Les lois organiques et les règlements des assemblées sont obligatoirement soumis au CC.
o Lois organiques = lois expressément prévues par la Constitution qui en précise les
dispositions. Elles ont une valeur supérieure aux lois ordinaires.
- Les lois ordinaires ne sont pas obligatoirement soumises au CC, mais il peut être saisi par le
PR, le PM, les présidents de l’AN et du Sénat, ou depuis la réforme constitutionnelle de 1974, par
60 députés ou 60 sénateurs (ce qui a changé radicalement l’exercice du contrôle de
constitutionnalité).
- CC incompétent pour contrôler les lois référendaires, résultant de « l’expression directe de la
volonté du peuple » (CC, 6 nov 1962, Election du PR).
- Doit statuer dans un délai de 1 mois ou 8 jours en cas d’urgence (demandée par le gvt).
- Peut examiner tous les griefs qu’il souhaite, saisine ou non (d’office).

D. Contrôle par voie d’exception = la QPC (art. 61-1, Const)


- Introduit par la révision constitutionnelle de 2008.
- Définition : un contrôle a posteriori, par voie d’exception : le contrôle de la constitutionnalité
de la norme est secondaire à un problème juridique.

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o a posteriori car il intervient une fois que la loi est en vigueur ;
o par voie d’exception car la contestation est soulevée à l’occasion d’un litige présenté
devant un juge ordinaire.
- Buts :
o Renforcer la prééminence de la constitution, au sommet de la hiérarchie des normes.
o Assurer une meilleure protection des droits et libertés garanties par la constitution, en
faisant de la micro-constitutionnalité (=une analyse constitutionnelle sur un point particulier,
pas générale).
o Permettre une logique de droit vivant (en facilitant un dialogue entre les juges) : CC
contrôle la loi telle qu’interprétée par le JJ et l’invalide que si elle n’est manifestement pas
susceptible d’une interprétation conforme à la C.
- Fonctionnement :
o Le JA ou JJ, saisi de la QPC, procède à un premier filtre. Il doit examiner 3 conditions et
statuer ‘sans délai’ (délai aussi bref que possible). La disposition doit être :
 Applicable au litige
 Non déclarée conforme auparavant par le CC
 Sérieuse
o Si conditions remplies, il renvoie la question au CE (si JA) ou à la Cass (si JJ) qui
procèdent à un second filtre : en tant que juge de renvoie, CE/Cass prennent donc part
au contrôle de constitutionnalité en relevant une question de conformité de la loi à la C,
mais ils ne peuvent soulever d’office le moyen, doivent être saisies par les parties qui ont
l’initiative.
 Doit examinant les mêmes conditions à l’exception que la disposition doit être
sérieuse ou nouvelle.
 Nouvelle si fondée sur des dispositions constitutionnelles dont le CC n’a pas
encore eu l’occasion de préciser la portée ou si le CE/Cass estime nécessaire
que le CC.
 Sérieuse si elle soulève une réelle question de constitutionnalité de la loi.
 Doit statuer dans un délai de 3 mois, sinon question transmise automatiquement au
CC.
o Si conditions remplies, la question est renvoyée au CC
 Doit statuer en 3 mois.
 3 issues possibles (toutes ont effet erga omnes = vaut pour tous). Le CC peut
déclarer une disposition :
 Conforme sans réserve à la constitution
 Conforme à la constitution en émettant une réserve d’interprétation (40%
des cas): la disposition n’est conforme que si elle est interprétée de la façon
indiquée par le CC.
 Contraire à la Constitution (25% des cas) => art. 62 : sanction de la loi
inconstitutionnelle est son abrogation.
 Aucun recours possible contre les décisions du CC.

E. Contrôle de constitutionnalité des traités par le CC (art. 54)


- CC aussi compétent pour contrôler la constitutionnalité des traités.
- CC peut être saisi d’un traité avant sa ratification ou son approbation, par le PR, PM, les
présidents de l’AN, Sénat, 60 députés ou 60 sénateurs.
- Doit examiner si l’engagement international porte atteinte aux « conditions essentielles
d’exercice de la souveraineté nationale » (CC, 22 mai 1985, Protocole additionnel à la CEDH
concernant la peine de mort).
- Si traité contraire à la Constitution, le traité ne peut être adopté sans la révision de la
Constitution.

Nicolas Rousselier, « La force de gouverner »

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- En 150 ans, on est passé de la ‘République du Parlement’ à la ‘République du Président’
- La ‘République du Parlement’, 3e-4e république :
o Régime républicain visant l’affaiblissement de l’exécutif au profit de la délibération
parlementaire : le pvr exécutif est un simple exécutant.
o Car méfiance à l’égard du gvt et phobie du ‘pouvoir personnel’ due au pvr fort
monarchiste et bonapartiste du 19e ; considéré comme la condition même de la
démocratie.
- La ‘République du PR’, 5e rép :
o Une ‘démocratie exécutive’ avec un état gvt central, stable et puissant, légitimé par un
présidentialisme électif (élection populaire) : PR pas dépendant des parlementaires pour
être élu.
o Désormais, le pvt exécutif exécute les lois mais monopolise aussi quasi toutes les
initiatives et contrôle le passage des lois au Parlement.
- Un renforcement progressif du pouvoir exécutif :
o Déjà à l’œuvre avant 1958 (qui n’apporte que la nouveauté de l’élection du PR au
suffrage universel direct).
o Trouve aussi son origine dans les projets constitutionnels de Broglie, Thiers durant la 3 e
Rép et rôle clé des guerres mondiales.
o Avant consistant seulement à exécuter les lois. Aujourd’hui, exécute les lois mais
monopolise aussi quasi toutes les initiatives et contrôle le passage des lois au Parlement.
- On peut se demander si ce renforcement conséquent de l’exécutif n’a pas pour effet de remettre
en cause le caractère républicain de la 5e Rép.

III. SOURCES NON ECRITES : LES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT

- Règles non écrites consacrées par le JA (il les reconnaît comme faisant partie du patrimoine
juridique) et qui s’imposent à toutes les autorités admin.
- Supérieures aux R mais inférieures aux L (le JA est juge de la légalité des R mais pas de la L,
‘théorie de la loi écran’).
- Permet de combler des lacunes législatives.
- Exemples de PGDD consacrés par le CE (certains à valeur constitutionnelle)
o Le principe du respect des droits de la défense (CE, 5 mai 1944, Trompier-Gravier) 
o Le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires (CE, 25 juin 1948, L’Aurore)
o L’existence du REP contre tout AA (CE, 17 février 1950, Dame Lamotte) 
o Le principe de sécurité juridique (CE, 24 mars 2006, KPMG).
o Le principe que l’Etat doit refuser l’extradition d’un étranger si elle est demandée dans un
but politique (CE, Koné, 1996).

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