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Leçon n° 3

Les modalités de l’obligation

La modalité est une technique de précision. C’est une particularité qui, affectant une
obligation dans l’un de ses éléments, modifie les effets normaux de celle-ci.
L’obligation est donc en principe pure et simple et ne comporte qu’un seul débiteur et qu’un
seul créancier. Elle doit être exécutée sans d’autres considérations particulières.
Mais l’obligation peut avoir plusieurs créanciers et/ou plusieurs débiteurs. L’obligation est
dite ‘plurale’. Là la question se pose de savoir, qui est obligé à quoi ? qui a droit à quoi ?
En outre, les parties (ou la loi, ou le juge) peuvent prévoir des modalités qui vont affecter soit
l’existence, soit l’exigibilité de l’obligation. Ce sont la condition et le terme. Dans ce cas,
l’obligation est liée à un événement futur (certain, cas du terme ou incertain, cas de la
condition). La question qui se pose ici est de savoir quand l’obligation sera-t-elle considérée
comme existante ou exigible.
Ce sont là deux types de modalités que le D.O.C prévoit : D’une part, les modalités qui font
dépendre l’obligation d’un événement futur (la condition et le terme) et d’autre part, la
pluralité des obligations.
I. Les obligations qui dépendent d’un événement futur
La condition et le terme de d’obligations sont tous les deux des événements futurs.
La condition est un événement futur mais sa réalisation est incertaine (article 107). Elle est
aléatoire : Sa réalisation est incertaine. La condition affecte l’existence même de l’obligation.
Exemple : Si je trouve un emploi à l’étranger, je te vendrai ma voiture. Ça n’est pas sûr que
je trouverai un emploi à l’étranger. Donc la vente n’est pas encore parfaite.
Le terme quant à lui est un événement futur et qui arrivera certainement. Ça peut être un délai,
une échéance (article 128 du D.O.C) ; ça peut être événement qui arrivera certainement même
si on ne sait pas quand. Le terme affecte l’exigibilité de l’obligation, c’est-à-dire l’échéance
de son exécution. Exemple : Quand je mourrai, ma maison t’appartiendra (donation). La
mort arrivera certainement mais on ne sait pas quand. Donc la donation est parfaite. Il reste le
moment où le donataire va commencer à jouir de la maison.
La condition et le terme peuvent être stipulés par les parties (articles 107 et 128, 2ème alinéa du
D.O.C).
Mais attention :
1. La condition ne peut dépendre de la pure volonté du débiteur (condition potestative).
L’obligation, qui en dépendrait, serait nulle (article 112 du D.O.C). La condition doit
être casuelle, c’est-à-dire laissée au hasard.
2. L’obligation est nulle également lorsqu’il revient au débiteur de fixer le terme (article
129 du D.O.C).
On distingue d’une part, la condition (A) et d’autre part, le terme (B).
A. La condition
1. La condition suspensive
Une obligation sous condition suspensive naît au moment où la condition se réalise (article
107 du D.O.C). Avant la réalisation de la condition suspensive, l’obligation n’existe pas.
L’existence de cette obligation dépend de la réalisation de la condition suspensive. Le
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créancier ne peut donc prendre aucune mesure contre son débiteur. Exemple d’une
obligation sous condition suspensive : Yacoub et Ayoub ont loué un studio sous condition
suspensive d’avoir une inscription dans une université de la ville. Ici, le bail n’est pas conclu.
La cause du contrat (habiter dans le studio pendant les études) n’existe même pas encore. La
conclusion du contrat est donc suspendue à la réalisation de la condition suspensive. Et il
n’est pas certain que cette condition se réalisera. Si les deux jeunes gens n’obtiennent pas
l’inscription dans une université de la ville, il n’y aura pas de location. Dès qu’ils obtiennent
l’inscription, la location de cette maison sera conclue.
A retenir : Si la condition suspensive ne se réalise pas, l’obligation ne naîtra pas. Les parties
sont considérées comme n’ayant jamais contracté d’obligation.
2. La condition résolutoire
Ici, on est en face d’une obligation qui existe. Mais sa confirmation dépend de la non-
réalisation de la condition résolutoire.
Exemple : Yacoub vend sa maison à Ayoub sous condition résolutoire de ne pas faire faillite.
Yacoub n’a pas encore fait faillite. Donc la vente est faite (article 121 du D.O.C). S’il ne fait
pas faillite, la vente survivra. Mais la faillite est possible. S’il fait faillite, la vente sera
anéantie rétroactivement. Yacoub restituera le prix ; Ayoub restituera la maison. La vente est
résolue.  La faillite de Yacoub est une condition résolutoire de la vente.
Si la condition résolutoire se réalise, l’obligation sera effacée rétroactivement. On va
considérer que l’obligation n’a jamais existé.
A retenir :
− Si la condition résolutoire ne se réalise pas, l’obligation et tous ses effets seront
confirmés.
− Si la condition résolutoire se réalise, l’obligation sera anéantie et les parties vont se
restituer ce qu’elles ont reçu l’une de l’autre.
B. Le terme
1. Le terme suspensif
Le terme suspensif suspend l’exigibilité de l’obligation. L’exigibilité veut dire l’échéance,
c’est-à-dire le moment où l’obligation doit être exécutée. Donc l’obligation sous terme
suspensif existe avant même que le terme n’arrive (articles 135 et 136 du D.O.C). Exemple :
Yacoub et Ayoub se sont inscris à la faculté en Juin. L’inscription est valable. Le contrat
entre les futurs étudiants et la faculté existent déjà. Mais il prendra effet à la rentrée
universitaire (en Septembre). L’exigibilité du contrat a été suspendue à l’arrivée du terme.
Puisque l’obligation existe déjà :
1. Le créancier peut prendre des mesures conservatoires même avant l’arrivée du terme
(article 138 du D.O.C).
2. Le débiteur qui n’assure plus les garanties de sa solvabilité doit exécuter
immédiatement son obligation, même avant l’arrivée du terme (article 139 du D.O.C).
Mais le créancier n’a pas encore le droit de demander son exécution (article 127 et 130 du
D.O.C.).
A retenir : Le terme doit arriver. Il est certain.

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2. Le terme extinctif
Quand le terme résolutoire ou extinctif arrive, l’obligation prend fin. Exemple : Quand un
vacancier loue une maison jusqu’à une date déterminée, le contrat de bail prend fin à cette
date.
A retenir : Quand un terme résolutoire arrive, les effets déjà produits restent valables mais
l’obligation s’éteint pour l’avenir.
II. Les obligations plurales
Lorsqu’il y a plusieurs créanciers et/ou plusieurs débiteurs dans une obligation, cette
obligation est dite plurale. En général, on parle d’obligation plurale en cas de pluralité de
parties (débiteurs et/ou créanciers) et pour un seul objet. La pluralité d’objets ne crée pas une
obligation plurale : Il y a simplement plusieurs obligations ; chacune portant sur chacun des
objets en question. Mais il y a une exception : L’obligation alternative.
Il y a cinq types d’obligations plurales : L’obligation alternative, l’obligation conjointe,
l’obligation divisible, l’obligation indivisible ou l’obligation solidaire.
A. L’obligation alternative
Il y a obligation alternative lorsque les parties ont le choix entre telle ou telle prestation à
exécuter. C’est la seule obligation plurale dont la pluralité tient dans l’objet.
Les parties ont le choix entre plusieurs prestations ou objets (article 142 du D.O.C) à exécuter.
Le choix de la prestation à exécuter doit être fait dans un délai conventionnel déterminé
(article 141 du D.O.C) ou judiciaire raisonnable (article 144 du D.O.C). L’obligation
alternative doit préciser la partie qui a le droit de choisir la prestation à exécuter. Si non,
l’obligation est nulle (article 141 du D.O.C). Exemple : Pendent la tournée de vacances,
Yacoub et ses amis ont consulté un conseiller touristique. Ce dernier a facturé ses services à
55 Dhs. Mais il a donné aux vacanciers le choix entre payer ce montant ou distribuer 100
flyers lors de leurs visites dans les sites touristiques. Les vacanciers ont immédiatement choisi
de distribuer ces flyers en guise de paiement de la prestation du conseiller touristique. Dans
cet exemple : Payer le prix de 55 Dhs ou Faire la publicité au conseiller touristique sont des
alternatives offertes à Yacoub et ses amis.

B. L’obligation conjointe
Il y a obligation conjointe, lorsque la créance ou la dette doit donc être divisée par tête.
L’obligation plurale est conjointe chaque fois :
1. Qu’elle peut être divisible, c’est-à-dire lorsque l’obligation peut être exécutée en
partie ;
2. Et que les parties ont expressément écarté leur solidarité.
L’existence de l’obligation conjointe est déduite des dispositions du 2ème alinéa de l’article
153 du D.O.C. Cet alinéa prévoit que plusieurs parties peuvent stipuler une seule prestation
conjointement et par un seul acte. Dans ce cas, les parties sont solidaires de plein droit. Elles
sont présumées solidaires. Exemple : Quand vous louez une maison à plusieurs et dans un
même contrat de bail, vous êtes censés être solidaires dans le paiement du loyer. Le bailleur
peut choisir le colocataire qu’il veut pour lui réclamer le paiement du loyer.

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Mais les parties peuvent exprimer leur volonté de ne pas être solidaires. C’est dans ce cas que
leur obligation est conjointe. C’est-à-dire que chaque partie est liée par sa part dans
l’obligation. Exemple : A la rentrée universitaire, Yacoub et Ayoub achètent une moto à
crédit. Le prix est 210 Dhs et doit être payé le lendemain.
1. Si Yacoub et Ayoub n’ont pas écarté expressément leur solidarité, le vendeur de la
moto pourra choisir l’un des deux acheteurs pour lui réclamer le paiement.  Ils sont
solidaires.
2. Mais si Yacoub et Ayoub ont exprimé au vendeur qu’ils ne sont pas solidaires, le
vendeur réclamera à chacun la moitié du prix.  Ils sont conjoints.
Dans l’obligation conjointe :
1. Chaque créancier réclame sa part de l’obligation et non pas la totalité de la créance.
2. Chaque débiteur exécute seulement sa part et non pas la totalité de la dette.
Si un débiteur ne peut pas rembourser sa part, le créancier ne peut pas demander à un autre
débiteur de compenser l’insolvabilité du premier.
En outre, la mise en demeure adressée par un créancier à un débiteur ne produit d’effets
qu’entre ces deux personnes.
A retenir : Une obligation ne peut pas être à la fois solidaire et conjointe. C’est l’une ou
l’autre et jamais les deux en même temps.
C. L’obligation divisible
Comme le nom l’indique, i y a obligation divisible, lorsque la créance ou la dette doit donc
être divisée par tête.
L’obligation conjointe et l’obligation divisible sont similaires.
Entre un seul créancier et un seul débiteur, l’obligation doit être exécutée en entier (article
186 du D.O.C, alinéa 1er). Si non, il y aurait une mauvaise exécution (exécution partielle).
Il y a donc divisibilité de l’obligation entre débiteurs et/ou plusieurs créanciers. Exemple :
Dans l’exemple de la moto achetée par Yacoub et Ayoub : Si Yacoub et Ayoub ont écarté la
solidarité dans le paiement du prix, leur obligation est aussi divisible. Chacun des deux
acheteurs doit payer au vendeur la moitié du prix, soit 105 Dhs.
Mais attention : Leur créance (la livraison de la moto ainsi que les diverses garanties) n’est
pas divisible!
D. L’obligation solidaire
Il y a deux types de solidarité : La solidarité entre créanciers et la solidarité entre débiteurs.
Dans l’obligation solidaire :
1. Un seul créancier solidaire peut agir au nom de tous les autres créanciers solidaires
sans avoir leur autorisation. S’il touche la créance entière, il sera débiteur des autres
créanciers solidaires à hauteur de leur quote-part. Il doit rembourser à chacun sa part.
2. Un seul débiteur solidaire peut être contraint de payer pour tous les autres débiteurs
solidaires. S’il paye la dette entière, il sera créancier des autres débiteurs solidaires à
hauteur de leur quote-part. Ils doivent le rembourser ce qui a payé pour eux.

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1. Solidarité entre débiteurs ou la solidarité passive
Dans la solidarité entre débiteurs, le créancier peut choisir le débiteur le plus solvable (article
166 du D.O.C). Chacun des débiteurs peut être contraint à l’exécution de l’obligation entière.
Il ne peut pas refuser d’exécuter l’obligation entière sous prétexte qu’il n’est pas le seul
débiteur. Le débiteur qui a payé la dette entière devient créancier de ses codébiteurs (article
170 du D.O.C). Il va les contraindre à lui payer ce qu’il a payé à leur place (article 179, alinéa
2 et 3 du D.O.C).
La solidarité entre débiteurs s’appelle aussi ‘solidarité passive’. En matière civile (entre non
commerçants), la solidarité ne se présume pas. Elle doit être expressément stipulée lors de la
conclusion du contrat (article 164 du D.O.C). Entre commerçants et pour affaires de
commerce, la solidarité entre débiteurs est présumée (article 165 du D.O.C).
A retenir : Pour qu’il y ait solidarité entre codébiteurs non commerçants, ces derniers doivent
toujours exprimer leur volonté d’être solidaires. Si non, chaque débiteur exécute sa part dans
la dette.
L’extinction de l’obligation envers un seul débiteur solidaire profite aux autres. Il en est ainsi
de la novation (article 171 du D.O.C) ; de la remise de la dette (article 172 du D.O.C) et de la
transaction (article 174 du D.O.C).
Question : BMCE Bank et Attijari Wafa Bank donnent un crédit à Yacoub pour ses
études, est-ce que la dette (donner à Yacoub le montant de la dette) de BMCE Bank et Attijari
Wafa Bank est solidaire?  Oui, parce que les deux banques sont commerçantes et sont donc
présumées solidaires.

2. Solidarité entre créanciers ou la solidarité active


Dans la solidarité entre créanciers, chacun des créanciers a le pouvoir de demander
l’exécution de l’obligation entière (articles 154 et 155 du D.O.C). Il n’est pas limité à
demander l’exécution de sa part dans la dette. Le créancier qui a recouvré la créance entière
doit donner aux autres créanciers leur part respective dans la créance (article 162 du D.O.C).
La solidarité entre créanciers s’appelle aussi ‘solidarité active’. Elle ne se présume pas (article
153, 1er alinéa du D.O.C).
A retenir : Pour qu’il y ait solidarité entre créanciers, ces derniers doivent toujours exprimer
leur volonté d’être solidaires. Si non, chaque créancier toute sa part dans la créance.
Un créancier solidaire doit agir dans l’intérêt des autres. Ainsi, ses actes (articles 156 et 161
du D.O.C), sa faute ou sa négligence (article 158 du D.O.C) ne doivent pas nuire aux autres
créanciers solidaires.
Question : BMCE Bank et Attijari Wafa Bank donnent un crédit à Yacoub pour ses
études, est-ce que la créance (le remboursement du crédit et des intérêts) de BMCE Bank et
Attijari Wafa Bank est solidaire?  Non, parce que les deux banques n’ont pas exprimé leur
volonté d’être solidaires.

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E. L’obligation indivisible
A la différence de l’obligation solidaire :
1. Le débiteur d’une obligation indivisible doit payer à tous les créanciers conjointement
(article 183, 1er alinéa du D.O.C). Tous les créanciers doivent être présents pour
toucher la créance.
2. Aucun créancier ne peut agir au nom des autres créanciers sans autorisation (article
183, 1er alinéa du D.O.C), sauf pour prendre des mesures conservatoires (article 183,
2ème alinéa du D.O.C).

L’obligation est indivisible lorsqu’elle ne peut être exécutée qu’en entier. Soit les parties ont
voulu que l’obligation soit exécutée en entier soit l’obligation est indivisible par nature
(article 181 du D.O.C). Exemple : Dans l’exemple de la moto achetée par Yacoub et Ayoub,
l’obligation du vendeur est indivisible par nature. Il ne va pas livrer une pièce à Yacoub et
une autre pièce à Ayoub. Il doit livrer la moto toute entière à Yacoub et Ayoub en même
temps.
A retenir :
L’obligation solidaire et l’obligation indivisible sont proches mais différentes.
1. La proximité est que :
a. L’obligation solidaire peut être exécutée en entier si un créancier le veut.
b. L’obligation indivisible doit être exécutée en entier.
2. La différence entre l’obligation solidaire et l’obligation indivisible :
a. Dans l’obligation solidaire :
i. Un seul créancier solidaire peut agir pour tous les autres créanciers solidaires.
ii. Un seul débiteur solidaire peut être contraint d’exécuter l’obligation y compris
la part de ses codébiteurs solidaires.
b. Dans l’obligation indivisible, chaque créancier touche seulement sa part dans la
créance mais le débiteur paye toute sa dette.

Bibliographie sélective
1. PORCHY-SIMON Stéphane, Droit civil 2ème année : Les obligations,. Super Cours
Dalloz, 9ème éd, 2016 ; Bibliothèque virtuelle ScholarVox (Compte Apogée).
2. TERRE François; SIMLER Philippe et LEQUETTE Yves, Droit civil : Les
obligations, Dalloz, 11 éd., 2013; Bibliothèque virtuelle ScholarVox (Compte
Apogée).
3. RENAULT-BRAHINSKY Corinne, Mémento LMD – Droit des obligations, Gualino,
13ème éd., 2013 ; Bibliothèque virtuelle ScholarVox (Compte Apogée).

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