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Igal NATAN
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE............................................................................................... 3
Préambule : La réforme du 2 juillet 1998 ................................................................................ 4
I.A. Le nouveau régime issu de la loi du 2 juillet 1998.......................................................................... 4
I.A.1. Le rachat d’action avec réduction de capital. ............................................................................. 4
I.A.2. Le rachat d’actions aux fins de gestion financière...................................................................... 5
I.A.3. Le sort des titres rachetés. .......................................................................................................... 6
I.A.3.a. La cession des titres achetés.............................................................................................. 6
I.A.3.b. Le transfert des titres achetés. ........................................................................................... 7
I.A.3.c. L’annulation des titres....................................................................................................... 7
I.A.4. Le nouveau traitement comptable et fiscal du rachat.................................................................. 7
I.B. Les différentes mises en œuvre du rachat........................................................................................ 8
I.B.1. Le ramassage boursier. ............................................................................................................... 9
I.B.2. Le rachat de gré à gré de ses propres actions.............................................................................. 9
I.B.3. L’Offre Publique de Rachat (OPRA). ........................................................................................ 9
I.B.4. L’utilisation des bons de rachat d’actions (BRA)..................................................................... 10
PARTIE I : UN OUTIL DE GESTION FINANCIERE........................................................ 11
I. Un levier d’action sur le cours de bourse et l’actionnariat................................................. 11
I.A. Affronter la conjoncture économique et boursière. ....................................................................... 12
I.B. La revalorisation du capital de l’actionnaire. ................................................................................ 12
I.C. Rachat d’actions et relations d’agence. ......................................................................................... 13
I.D. Communication financière : théorie du signal............................................................................... 14
I.E. Le rachat d’actions, une procédure anti-OPA. .............................................................................. 16
I.F. Le rachat d’actions, un outil de restructuration actionnariale........................................................ 17
II. Un levier d’action sur la rentabilité financière et la création de valeur............................ 18
II.A. Le mécanisme de la relution.......................................................................................................... 18
II.B. Impact du rachat sur la rentabilité des fonds propres de l’entreprise. ........................................... 20
II.C. Un outil de création de valeur. ...................................................................................................... 21
II.C.1. Les mécanismes de la création de valeur : la méthode EVA (Economic Value Added). .... 22
II.C.2. L’impact des rachats sur la structure financière et donc sur le CMPR de l’entreprise ........ 23
II.C.2.a. La modification de la structure financière implique une baisse du CMPR ..................... 23
II.C.2.b. Modification de l’actif de l’entreprise : l’impact sur la rentabilité des capitaux engagés23
PARTIE II : Chargeurs, une illustration pertinente du rachat d’actions propres.............. 26
I. Chargeurs : l’ingénierie financière au service de la création de valeur. ........................... 26
I.A. Comment rendre une activité traditionnelle et en crise « sexy »… ............................................... 26
I.B. … en utilisant l’ingénierie financière : Dolly …........................................................................... 29
I.C. … et une gestion active du capital : OPRA................................................................................... 30
II. Le rachat d’actions propres : un outil, des objectifs multiples. ......................................... 31
II.A. L’animation du titre....................................................................................................................... 31
II.B. Restructuration du capital et renforcement du pouvoir des dirigeants. ......................................... 35
II.C. Relution et création de valeur........................................................................................................ 36
CONCLUSION GENERALE ................................................................................................. 39
INTRODUCTION GENERALE
Cependant, largement répandus outre-Atlantique, les rachats d’actions ont été au contraire
grandement freinés en France par une réglementation nationale trop restrictive et
contraignante. C’est pourquoi, la Commission des Opérations de Bourse s’est positionnée
favorablement à une flexibilisation du régime des opérations de rachat d’actions, entamant un
processus de réforme qui a abouti à la loi du 02 juillet 1998 établissant une nouvelle
réglementation pour les opérations de rachat d’actions. Après avoir rappelé ce nouveau cadre
règlementaire, nous tenterons de définir, dans une première partie, en quoi les rachats
d’actions représentent un levier de gestion financière, et d’analyser dans une seconde partie le
cas de la société Chargeurs, une des illustrations les plus éloquentes de l’utilisation du rachat
d’actions comme outil de gestion financière.
1
Bulletin mensuel COB-Mars 2003
Dans une optique de gestion du capital devenue stratégique pour les entreprises, les opérations
de rachat d’actions ont gagné progressivement en importance pour les entreprises françaises.
Pourtant, la réglementation française concernant ces opérations financières est longtemps
restée contraignante et pénalisante pour leur mise en place. Toutefois, suite aux
recommandations faites par Bernard Esambert qui préconisait une réforme profonde du
régime issu de la loi du 2 juillet 1966, une nouvelle loi relative aux rachats d’actions fut
adoptée le 2 juillet 1998 qui modifiait et complétait la précédente.
Dans la mesure où la règle juridique est essentielle à la réalisation et aux modalités pratiques
de ce type d’opérations, nous nous attacherons tout particulièrement à en faire une description
exhaustive (A). Puis nous verrons quelles sont les différentes méthodes mises à la disposition
des entreprises afin de procéder concrètement au rachat de leurs propres actions (B).
Avant l’adoption de cette nouvelle loi, le principe était simple : le rachat par une société de
ses actions propres était interdit. Et même si la loi de 1966 acceptait une certaine souplesse,
les quelques dérogations avaient une portée très limitée et ne permettaient en aucun cas aux
entreprises françaises de réaliser de grandes opérations de rachat à l’instar de leurs
homologues anglo-saxonnes.
Pour l’essentiel, la loi du 2 juillet 1998 qui s’inspire fortement du « Rapport Esambert »,
supprime le principe d’interdiction de l’achat de ses propres actions par une société, autorise
les rachats d’actions dans une limite de 10% du capital social -permettant ainssi aux
entreprises de mettre en œuvre de véritables programmes de rachat d’actions et de satisfaire à
la nécessité d’une gestion économique et financière du capital-, et assoupli bien que très
partiellement les procédures de l’offre publique de rachat d’actions. Ainsi, le principal intérêt
de cette loi est d’affranchir le rachat d’actions de la réduction de capital qui imposait des
règles strictes et contraignantes. Le rachat d’actions aux fins de gestion financière ne se
limitera plus, dès lors, à la réduction du capital.
Pour ce qui est des sociétés non cotées, le législateur n’a pas souhaité faciliter ce type
d’opérations qui reste, il est vrai, tout à fait occasionnelles. Ainsi la procédure, comportant
une décision de l’assemblée générale extraordinaire, un rapport spécial des commissaires aux
comptes, la possibilité pour les créanciers de faire opposition à la décision de réduction de
capital et un délai permettant aux actionnaires de formuler leur demande d’achats, est
maintenue sans modification.
En ce qui concerne les sociétés cotées, la procédure applicable reste l’offre publique de rachat
d’actions (OPRA) qui n’a pas été fondamentalement affectée par la nouvelle loi même si le
rapport Esambert en prônait un allégement important.
La loi du 2 juillet 1998 a apporté deux modifications essentielles par rapport à l’ancienne loi.
D’une part, elle autorise les rachats d’actions en présence d’obligations convertibles et,
d’autre part, elle allége sensiblement les procédures de communications obligatoires
préalables à une opération de rachat.
A travers la loi du 2 juillet 1998, le législateur a profondément modifié les rachats d’actions
en affirmant deux principes fondamentaux nouveaux : le principe de liberté des rachats
d’actions, d’une part, et le principe de non soumission d’un rachat d’actions à une réduction
de capital, d’autre part. Cela ouvre donc la voie à des rachats d’actions à des fins de gestion
financière pure.
Pour ce qui est de l’attribution des actions aux salariés, la nouvelle loi ne prévoit aucun
changement et l’entreprise reste tenue d’attribuer ces titres dans un délai d’une année. En
revanche, en ce qui concerne les rachats d’actions en vue de la régularisation des cours, la
législation s’est fortement assouplie et la seule obligation se résume à limiter l’ampleur des
rachats qui ne peuvent dépasser 10% du capital de la société.
Toujours dans le souci de protéger les petits porteurs et afin que les opérations de rachat ne
soient pas détournées de leurs objectifs originels, le législateur n’a pas hésité à encadrer cette
pratique qui exige, d’une part, des autorisations de l’Assemblée Générale des actionnaires et,
d’autre part, une décision des dirigeants.
L’autorisation de l’assemblée générale des actionnaires :
- L’assemblée désigne les titres concernés.
- L’assemblée est aussi tenu de définir les objectifs de l’opération.
- Enfin, l’assemblée se doit de définir les modalités de l’opération. Elle doit établir
la durée (toutefois limitée à 18 mois maximum) le volume (plafonné à 10%) mais
aussi le sort des actions achetées.
Toujours dans le but de protéger les petits porteurs souvent ignorants des techniques
financières et afin d’éviter les pratiques boursières frauduleuses, le législateur en particulier
Enfin, dans le cas où l’émetteur aurait décidé de procéder à l’annulation de titres, il est dans
l’obligation de le faire savoir à la COB en précisant les caractéristiques et le nombre des titres
à annuler ainsi que leur date d’annulation. Le règlement COB n°98-02 a été réactualisé en
2003 avec notamment un nouveau tableau de déclaration mensuelle, la même année, la COB a
lancé une consultation sur l’utilisation des dérivés dans le cadre de programme de rachats
d’actions aboutissant à une modification du règlement COB n°90-04 qui prévoit désormais
une présomption de légitimité des interventions réalisées par les émetteurs sur leurs propres
titres au moyen de produits dérivés.
Une fois rachetés, les titres doivent alors être utilisés afin de répondre aux objectifs qui
avaient été fixés au début de l’opération. Trois issues sont envisageables : la cession, le
transfert (nous traiterons ces deux possibilités conjointement compte tenu de leur similitude)
et l’annulation des titres rachetés.
La vente des titres reste le moyen le plus simple de débouclage de l’opération. Les modalités
de cession doivent être définies par l’Assemblée Générale. Ces cessions pourront être opérées
par tous les moyens, ce qui autorise les opérations hors marché. Lorsque ces cessions ont lieu
sur le marché, elles doivent l’être en vertu des prescriptions de la COB en ce qui concerne les
interventions d’une entreprise sur le marché de ses titres.
Dans le cas où l’entreprise ferait l’objet d’une offre publique, elle ne pourrait céder ses titres
d’autocontrôle à un éventuel « sauveteur ». En effet, conformément à l’article 3 du règlement
n°89-03 de la COB, « la compétition que peut impliquer une offre publique, s’effectue par le
libre jeu des offres et de leurs surenchères ».
De même que pour la cession de titres, les transferts de titres peuvent être réalisés par tous les
moyens dès lors qu’ils n’entravent pas la législation boursière. Les deux formes de transfert
de titres les plus utilisées sont l’échange ou l’apport.
Apport de la nouvelle loi, l’entreprise ayant procédé à un rachat est autorisée à utiliser les
titres non annulés afin de procéder à une acquisition ou à un échange de titres.
Fonction déjà autorisée par la législation de 1966, les entreprises peuvent attribuer les actions
rachetées à leur salariés sous forme de participation aux fruits de l’expansion ou de stock-
options.
C’est probablement cette disposition qui répond le mieux à l’impératif de création de valeur
cher aux promoteurs de la nouvelle réforme. En effet, l’annulation des actions, en provoquant
une réduction du nombre d’actions en circulation provoque mécaniquement un effet de
relution.
Nouveauté apportée par la loi du 2 juillet 1998, l’annulation est autorisée même s’il existe des
obligations convertibles, échangeables ou à bons de souscription d’actions.
Il a ainsi fixé un principe général qui conduit à inscrire systématiquement les actions propres
parmi les titres immobilisés au compte 2771 « actions propres ou parts propres ». Ces titres
devront suivre les règles d’évaluations spécifiques à cette catégorie de titres. Ainsi, à leur
entrée ils sont comptabilisés au coût historique (coût d’achat). A la date de clôture,
l’entreprise pourra ainsi passer une provision si les titres en question ont été dépréciés. Si la
société affiche de manière explicite que les titres rachetés sont destinés à réduire le capital
(compte 2772), il ne sera alors pas nécessaire de procéder à leur éventuelle dépréciation, leur
annulation devant s’effectuer au prix du rachat.
Une procédure d’exception est cependant prévue dans le cas où les titres rachetés sont
destinés à la régularisation des cours de bourse ou à être attribués aux salariés. C’est à la
condition expresse que l’entreprise affiche dés l’origine et explicitement la destination des
actions rachetés qu’elle pourra, dans ces deux cas, les comptabiliser dans la catégorie des
titres de placement au compte 502 « actions propres ».
D’autre part et indifféremment du compte où les actions rachetées ont été inscrites, les
résultats négatifs ou positifs dégagés lors de leur cession doivent être comptabilisés en résultat
exceptionnel.
Notons que depuis la loi de finance du 1er janvier 2002, le régime fiscal qui s’applique aux
OPRA est spécifique et souvent avantageux. Le rachat d’actions au travers d’une OPRA se
décompose entre, d’une part, le montant des apports, considéré comme un remboursement au
travers du rachat, et, d’autre part, les réserves effectivement distribuées, assimilables à un
revenu mobilier. Cette seconde partie, constituée de la différence entre le prix de rachat et le
montant des apports, détermine la part maximale imposable. La base imposable (considérée
fiscalement comme un revenu de capitaux mobiliers), égale à la différence entre le prix de
l’offre e le prix de revient, est par conséquent plafonnée à hauteur de cette part maximale. A
titre d’exemples, dans le cas de l’OPRA lancée par Naf-Naf en 2003, les apports s’élevaient à
13,08€ par titre, pour un prix de rachat de 22€. Le montant de la part imposable était par
conséquent au maximum de 8,92€.
Suite à l’adoption de la nouvelle loi, les entreprises ont alors eu à se pencher sur les modalités
pratiques du rachat. Aussi, nous présenterons les différentes techniques utilisées par les
entreprises afin de procéder au rachat de leurs propres actions.
Souvent utilisé dans le but de régulariser les cours, le ramassage boursier est sans aucun doute
la technique la plus utilisée par les entreprises françaises. Il consiste à racheter un certain
nombre de ses actions par le biais d’un intermédiaire financier. Afin de ne pas faire varier
brutalement le cours de l’action, le ramassage boursier porte sur une faible quantité d’actions.
Le rachat de gré à gré de ses propres actions consiste en un rachat négocié auprès de
détenteurs de grosses participations. Ces transactions sont souvent effectuées en dehors du
marché boursier et portent dans la plupart des cas sur un nombre important d’actions.
Ce type d’opération peut être considéré comme inégalitaire puisqu’il revient à traiter de façon
différente deux types d’actionnaires à priori égaux, cela explique la faible utilisation de ce
procédé. Cependant cette technique peut permettre de répondre à la sortie d’un actionnaire qui
le souhaiterait.
L’OPRA est une pratique qui consiste à inviter l’ensemble des actionnaires de l’entreprise à
offrir leurs actions en échange de liquidités ou d’autres actions dont la parité aura été fixée par
avance. Cette offre comporte un minimum d’actions à racheter et l’entreprise pourra retirer
l’offre si ce minimum n’est pas atteint. L’OPRA vise en général une quantité d’actions
supérieure au ramassage boursier.
La fixation du prix pose un véritable problème que ne connaît pas le ramassage boursier. En
effet, si la prime est insuffisante l’opération ne rencontrera pas de succès auprès des
actionnaires qui n’apporteront pas leurs actions à l’offre. A l’inverse, offrir une prime trop
élevée revient à faire supporter des charges additionnelles aux actionnaires n’ayant pas
apporté leurs titres.
Le BRA correspond à une option de vente attribuée aux actionnaires leur permettant de
demander à la société émettrice de racheter leurs titres. La période d’exercice tout comme le
prix ou la parité d’échange du titre auront été fixés préalablement.
La procédure d’émission des BRA est la suivante : l’entreprise émettrice doit tout d’abord
fixer la part du capital à racheter, puis décider du nombre de BRA à émettre ce qui
déterminera ainsi la parité. Enfin l’émission des BRA est soumise à l’autorisation de
l’Assemblée Générale. Comme dans le cadre de l’OPRA, les créanciers de la société émettrice
dispose d’un droit d’opposition.
Conclusion :
Les deux dernières décennies ont été marquées par un phénomène d’une importance capitale :
celui de la financiarisation de l’économie. De la désintermédiation bancaire au
décloisonnement des marchés, en passant par la mise en place de nouveaux instruments
financiers, l’ouverture des marchés de capitaux a offert au plus grand nombre de nouvelles
sources de financement. Cette nouvelle tendance a rapidement induit une logique de mobilité
du capital à laquelle les opérations de rachat d’actions participent. En effet, la financiarisation
croissante des économies développées a facilité de manière générale l’accès aux diverses
sources de financement. Les opérations sur capital peuvent donc se succéder facilement, ce
qui n’était pas le cas auparavant. Par exemple, une entreprise pourrait racheter ses actions
parallèlement à l’émission d’obligations convertibles qui à terme donneraient accès au capital,
et annuleraient en quelque sorte l’opération de rachat. En somme, la financiarisation de
l’économie permet une flexibilité nouvelle dans la gestion du capital, flexibilité qui s’illustre
dans le développement des programmes de rachat d’actions.
Le succès rencontré par les opérations de rachat d’actions ces dernières années s’explique par
l’efficacité et la polyvalence de ce véritable outil de gestion financière qui représente un
solide outil d’action sur l’actionnariat et le cours de bourse (I) et sur la rentabilité financière et
la création de valeur (II).
Enfin, les périodes de crises économiques et boursières sont généralement favorables aux
opérations de rachat. En effet, ces périodes se traduisent généralement par une baisse des
cours de bourse, donnant la possibilité aux entreprises de racheter à moindres coûts leurs
actions, envoyant par là même un message de sous-valorisation au marché. En France, le
premier engouement pour les rachats d’actions date de 1987, et cela malgré les difficultés
réglementaires imposées à ce type d’opération. De même, après les krachs de 1998 et
2000/2002, des programmes de rachats d’actions significatifs ont été lancés afin d’une part de
ramasser à bas prix leurs actions et, d’autre part, afin d’envoyer des messages forts au marché
comme l’illustrent les nombreuses opérations initiées par les entreprises high-tech au plus fort
de la dernière crise (Cisco sur le Nasdaq ou SQLI sur le Nouveau Marché).
Que ce soit par le biais d’une OPRA ou par celui d’un programme de rachat, l’actionnaire
désirant sortir du capital de l’entreprise voit sa participation revalorisée et donc récolte une
plus value supérieure à celle qu’il aurait pu réaliser si le rachat n’avait pas eu lieu, toutes
choses étant égales par ailleurs, le programme de rachat d’actions accentuant mécaniquement
la demande de titre.
Plus spécifiquement, dans le cadre de l’OPRA, l’actionnaire apportant ses titres à l’offre
bénéficie de façon certaine et immédiate de la prime offerte par l’entreprise. En effet, afin que
le rachat soit un succès, l’entreprise doit proposer de racheter ses actions à un prix supérieur
au cours de bourse. La prime offerte -qui correspond à une plus value immédiate pour
l’actionnaire apportant ses titres à l’OPRA- doit être suffisamment attrayante afin de décider
le plus grand nombre d’actionnaires à apporter leurs titres. L’OPRA lancée par AB Groupe
(SM) en mars 2003 est éloquente puisque la prime offerte était de 62% !2
Bien que non automatique, l’annonce d’un programme de rachat conduit souvent pour toutes
les raisons que nous avons évoquées précédemment à l’augmentation du cours de Bourse de
l’entreprise. Ces résultats ont été démontrés par les différentes études empiriques menées par
Masulis et Vermaelen puis Comment et Jarrell au cours des années 1980, puis plus
récemment par JP Morgan. La banque d’affaires américaine a effectué de 1990 à 1996 une
étude concernant 52 opérations (dont une majorité de britanniques), ses résultats étaient sans
équivoque : la réaction du marché à l’annonce de plans de rachat d’actions est positive.
Appréhender l’impact d’une opération de rachat sur les composants de l’entreprise, c’est
avant tout comprendre l’apport de la théorie de l’agence. La théorie de l’agence est une
théorie d’origine anglo-saxonne, dans la lignée directe des recherches de Modigliani-Miller.
Développée par M.C. Jensen et W.H. Meckling, cette théorie met en avant les problèmes de
convergence entre un mandant et un tiers chargé d’exécuter une tâche : l’agent. Une opération
de rachat d’actions modifie les relations entre les deux parties ; elle peut être source de
réduction des conflits et donc aller dans le sens de l’intérêt général de l’entreprise, ou bien au
2
Avis CMF 203C0546 14/04/03.
contraire être une source de conflit supplémentaire et grever la valeur de l’entreprise par des
coûts d’agence supplémentaires.
La théorie de l’agence, ou théorie des mandats, dévêtit l’entreprise de son caractère d’entité
économique à proprement parler pour en faire un espace juridique dans lequel se conjuguent
et s’affrontent trois types d’acteurs : les actionnaires, les dirigeants, et les créanciers
« financiers ». Ces derniers sont inhérents à la vie de l’entreprise, et peuvent donc être
considérés comme une constante des contraintes de celle-ci.
Ces trois types d’acteurs ont des intérêts différents, voire divergents, et des conflits peuvent
naturellement naître lorsqu’un des acteurs se sent lésé, ou n’est pas satisfait de la qualité de ce
qu’il reçoit. Ces conflits sont d’autant plus importants aujourd’hui que l’entreprise moderne
est caractérisée par la séparation entre propriétaires et gestionnaires. Cette théorie analyse
donc les conséquences de certaines décisions financières en terme de rentabilité, de risque ou
plus simplement d’intérêt des trois parties. Elle met ainsi en exergue le fait qu’une décision
puisse être plus favorable à l’une des parties, ou puisse être prise au détriment d’une autre
partie.
La théorie d’agence donne donc une perspective nouvelle aux rachats d’actions. De telles
opérations induisent inévitablement des modifications dans les relations d’agence de
l’entreprise générant ou réduisant les coûts d’agence, et donc créant ou détruisant de la valeur.
La fidélisation des actionnaires, on l’aura compris, réside dans la démonstration d’une gestion
optimale de l’entreprise. Cette démonstration justement laisse entendre que les dirigeants
envoient des signaux aux actionnaires pour les rassurer sur la gestion de l’entreprise. La
théorie du signal conceptualise cet effet des décisions managériales sur l’information des
actionnaires. Il existe des signaux qui permettent de réduire l’asymétrie d’information entre
actionnaires et dirigeants et par conséquent de réduire les problèmes liés à celle-ci. Pour que
ces signaux soient efficaces, il faut qu’ils soient fiables. Et en particulier, il faut que les
« mauvaises » entreprises ne puissent pas émettre ces signaux. Comme la distribution de
dividendes est un exemple de signal qui incite les investisseurs à prendre part dans le capital
de l’entreprise, les rachats d’actions représentent eux aussi des signaux envoyés au Marché.
Un rachat d’actions a un effet relutif de création de valeur. Une telle opération se place donc
dans la lignée des exigences du marché. L’annonce d’un rachat est donc, tout d’abord, perçue
par le marché comme la preuve que les dirigeants sont bien dans une optique de création de
valeur actionnariale. En outre, la décision de rendre leur argent aux investisseurs plutôt que
d’investir dans un projet non rentable constitue un autre signal positif du rachat d’actions. Ce
signal se concrétise par une prime accordée par les investisseurs aux entreprises redistribuant
les capitaux non exploités. Enfin, et c’est le cas le plus fréquent, une opération de rachat peut
être lancée pour signaler au marché que l’entreprise est sous-valorisée aux yeux des
dirigeants. Tel est le cas du programme de rachat d’Alcatel lancé en 1998 devenu un cas
d’école ou plus récemment le programme lancé par la société Ubiqus qui après avoir
rencontré des difficultés lancent un programme de rachat d’actions avec une prime de 35% en
avril 2003 pour signifier au marché qu’elle a retrouvé une santé opérationnelle et financière et
que son cours de bourse est largement sous-valorisé.
La théorie du signal est très éclairante sur ce point. Elle souligne l’asymétrie informationnelle
existante entre les dirigeants et les investisseurs qui conduit ces derniers à une sous-estimation
de la stratégie et de la création de valeur de l’entreprise. L’opération de rachat d’actions
prend alors la forme d’un puissant outil de communication financière. De plus, il est
intéressant de noter que les signaux sont parfois demandés et attendus par le marché.
N’oublions pas que beaucoup d’entreprises se sont faites sanctionner sur les marchés
boursiers du fait d’une communication financière insuffisante. Le programme de rachat a
donc répondu aux attentes des investisseurs en tant qu’éclaircissement sur la valeur de
l’entreprise perçue par les dirigeants. Enfin, le rachat d’actions est également un signal positif
envoyé au marché par les dirigeants puisqu’ils estiment que le meilleur investissement du
moment est de racheter leurs propres actions. Le rachat doit donc être analysé comme un
signal positif de la confiance que les dirigeants ont dans leur entreprise. Enfin, ce signal serait
d’autant plus positif que les dirigeants actionnaires n’y souscrivent pas ou que l’opération soit
réalisée dans un dessein de redistribution aux salariés ; cela tendrait à démontrer que les
dirigeants et les salariés ont confiance dans l’avenir de l’entreprise et qu’il y a réellement
asymétrie informationnelle avec le marché.
En revanche, le rachat d’actions peut induire un signal négatif au marché s’il traduit
l’incapacité du dirigeant à identifier des projets stratégiques. Ainsi, les investisseurs
apprécient les rachats d’actions lorsqu’ils sont sûrs que les dirigeants de la société ont étudié
toutes les autres possibilités d’accroître la valeur pour ses actionnaires.
Pourtant, l’effet signal des rachats d’actions tend à se réduire du fait de la banalisation de
telles opérations. En effet, les opérations de rachat annoncées mais non réalisées se sont
multipliées. Ainsi, sur les seules entreprises faisant partie du CAC40, de septembre 1998 à
septembre 1999, des programmes de rachats d’actions ont été lancés à hauteur de 66,2
milliards d’euros, en fort contraste avec les rachats réalisés qui n’ont atteint que 7,3 milliards
d’euros3. L’impact d’une opération de rachat est donc aujourd’hui nuancé par cette
banalisation de l’opération. S’il y a signal, il en ressort affaibli. Désormais, il semble que le
marché attende les premiers signes probants de la mise en place réelle du programme de
rachat pour en tirer les conséquences qui s’imposent. L’impact du signal est donc de plus en
plus difficile à lire dans le cours de bourse, ce qui en nuance donc l’usage en tant que simple
outil de communication financière.
Les marchés financiers sont friands d’opérations d’envergure telles que les OPA. Une telle
opération apporte aux actionnaires une plus-value immédiate, et normalement des
perspectives de rendement bien supérieures (synergies attendues). Toutefois, comme nous
l’avons vu, dans le cadre de la théorie d’agence, les dirigeants se sentent menacés par le
risque d’une prise de contrôle inamicale. Plus largement, la prise de contrôle est souvent
perçue comme une menace pour la pérennité de l’efficacité de l’entreprise et les dirigeants, à
défaut de trouver un allié, sont alors tentés de verrouiller le capital. Les opérations de rachat
d’actions s’inscrivent alors en phase avec cette stratégie défensive. En effet, d’une part, le
nombre d’actions présentes sur le marché diminue d’autant, ce qui parfois suffit à faire
échouer une OPA, et d’autre part, l’opération permet de recentrer l’actionnariat sur les blocs
d’actionnaires existants.
Lors d’une tentative de prise de contrôle inamicale, les dirigeants de la société cible tentent,
en effet, de convaincre les actionnaires que le projet de fusion ou d’absorption n’est pas
souhaitable stratégiquement ; certains actionnaires, confiants dans leurs dirigeants, s’y
raccrochent, mais d’autres préfèrent miser sur la plus-value immédiate qu’offre l’opération.
Or, pour prendre le contrôle, le prédateur vise en générale au moins 50,1 % des droits de
vote ; on comprend alors que face à un actionnariat au point de vue mitigé, une diminution de
10 % des actions sur les marchés peut suffire à faire pencher la balance. Toutefois, cet
argument reste nuancé dans la mesure où aucune opération sur le capital ne peut être activée
après l’annonce d’une opération de prise de contrôle tel que l’OPA. Le rachat d’actions doit
donc s’opérer par anticipation d’une probable OPA en renforçant le contrôle de la firme, et en
diminuant la vulnérabilité boursière de l’entreprise.
Par ailleurs, en terme de contrôle, l’attrait le plus important de l’opération de rachat d’actions
est la possibilité de recentrage sur les blocs d’actionnaires qu’elle offre. En effet, une OPRA
peut permettre de ramasser les titres de petits porteurs, potentiellement plus favorables à une
OPA, tandis que les blocs d’actionnaires n’apportant pas leurs titres peuvent voir leur contrôle
3
COB, rachat par les sociétés de leu propres actions : bilan et propositions, 31 janvier 2000.
se renforcer. Le rachat d’actions peut donc s’avérer une arme très efficace pour lutter contre
une menace de prise de contrôle inamicale en confortant le pouvoir des actionnaires, ou bloc
d’actionnaires, acquis à la cause de l’entreprise.
Si le rachat d’actions peut jouer le rôle de garant ou de protecteur de l’actionnariat, il peut tout
aussi bien être un outil de restructuration de ce dernier. Une telle opération implique, en effet,
le déplacement d’une partie non négligeable du capital, ce qui peut être spécifiquement utilisé
dans un but précis. On dénombrera, notamment, la possibilité d’assurer ou de faciliter la sortie
d’un actionnaire et de débloquer des participations croisées
De fait, la sortie d’un actionnaire important est un événement qui doit être géré avec la plus
grande précaution. L’impact d’une sortie massive non organisée peut avoir des conséquences
dramatiques pour l’entreprise et ses actionnaires. Elle peut, d’une part, faire chuter les cours
de bourse et donc la valorisation de l’entreprise avec toutes les conséquences préjudiciables
que cela peut avoir pour l’entreprise et bien évidemment pour l’actionnaire. D’autre part, dans
certains cas, la sortie d’un gros actionnaire non organisée peut faire perdre le contrôle de la
société au bloc majoritaire d’actionnaires. Le rachat d’actions s’inscrit comme une solution
face au souhait de sortie rapide d’un important actionnaire. Une opération de rachat lui
permettrait notamment de revendre ses titres sans impacter le cours de bourse. Par ailleurs,
l’entreprise n’est pas obligée d’annuler les titres en question, dans la limite de 10 % du
capital, et peut les céder ensuite sur les marchés peu à peu avec un effet minimum sur les
cours de Bourse. L’argument est d’autant plus vrai qu’il s’agisse d’une entreprise aux titres
très peu liquides. Pour une telle société, une vente massive de titres sur le marché aurait pour
conséquence un effondrement du cours ; le rachat d’actions permet d’éviter ce phénomène.
Les opérations de rachat d’actions s’affichent donc comme un outil financier facilitant la
sortie d’un ou plusieurs actionnaires sans impacts négatifs pour les autres actionnaires. A titre
d’illustration, au cours du premier trimestre 2002, France Telecom a acheté 50 millions de ses
propres titres détenus par Vodafone suite au rachat d’Orange.
Par ailleurs, si sortie d’actionnaire(s) il y a, ce peut aussi être dans le cadre du dénouement de
participations croisées. Ce type de montage financier est très fréquent en France. Lorsqu’une
participation croisée est dénouée, l’entreprise se retrouve avec des liquidités supplémentaires
en lieu et place des titres auparavant détenus. Or, les titres auparavant détenus représentaient
une part de l’entreprise partenaire et donc affichait un taux de rentabilité en accord avec
l’exigence des actionnaires de cette société. Autrement dit, les ressources utilisées créaient
indirectement la valeur attendue par les actionnaires. Lors du dénouement de la participation
croisée, ces ressources deviennent des liquidités non utilisées et non nécessaires à
l’exploitation de l’entreprise, et induisent une dilution de la valeur actionnariale. Une
réduction de capital permet alors de maintenir les niveaux de rentabilité de la société
antérieurs au dénouement des participations. Le rachat d’actions se présente donc comme un
outil fort utile dans le cas d’un dénouement de participations croisées.
Les opérations de rachat d’actions se révèlent être de formidables outils pour l’entreprise face
aux contraintes de marché toujours plus fortes, à tous les niveaux, et à la nécessité d’atteindre
et de concilier les objectifs des dirigeants et actionnaires. Créer de la valeur pour l’actionnaire
est devenu le leitmotive de nombreuses entreprises au point que les indicateurs traditionnels
d’évaluation de la performance des entreprises tombent un peu en désuétude et laissent place
à de nouveaux concepts dont le plus célèbre reste la création de valeur. Plus largement, si les
rachats d’actions s’alignent avec la stratégie de l’entreprise, ils représentent par-dessus tout un
formidable levier de valeur actionnariale.
Le terme purement financier qu’exprime la relution peut être défini comme l’inverse de la
dilution, terme bien plus connu et utilisé par les financiers tant l’augmentation de capital est
plus fréquente que sa diminution !
Prenons comme illustration une société S procédant à une réduction de capital de 100 M€
(c’est l’actionnaire A2 qui cèdent ses titres à l’entreprise afin qu’elle les annule).
Les droits financiers et les droits politiques se partagent donc de la sorte avant la réduction de
capital :
Société S Actionnaire A1 Actionnaire A2 BPA
Valeur des capitaux 500 M€ 500 M€ 100.000.000 actions
propres : 1000 M€ 50% des droits 50% des droits
Benefice net total : Droit sur les Droit sur les 1€
100 M€ bénéfices: bénéfices:
50 M€ 50 M€
Il y a donc un phénomène de relution qui se produit pour l’actionnaire A1. Celui-ci, voit son
pourcentage de contrôle augmenter de 50% à 55,5%. A court terme, et tout à fait
mécaniquement, l’actionnaire A1 retirera un bénéfice supérieur à celui escompté avant la
réduction de capital. Il a un surplus de bénéfice de 5,5 M€.
Ainsi, le rachat d’actions et l’attribution de ces actions aux porteurs des titres donnant un droit
d’accès au capital à une période donnée permettent d’éviter les augmentations de capital et
donc la dilution des actionnaires déjà présents au capital de l’entreprise.
Bien que non systématique, un rachat d’actions suivi d’une réduction de capital peut modifier
la structure de l’actif de l’entreprise. En effet, l’actif de l’entreprise est modifié à chaque fois
que les rachats sont financés par du cash et non de la dette.
Or, dans leur écrasante majorité, les programmes de rachat sont financés par la trésorerie
disponible de l’entreprise. La structure de l’actif de ses sociétés se trouve donc modifiée, cette
modification de l’actif peut dans certains cas avoir un impact sur la rentabilité de l’entreprise,
en particulier sur la rentabilité des fonds propres.
Les restructurations menées ces dernières années par les entreprises ont eu pour conséquences
de réduire leur endettement, d’améliorer leur productivité et d’amasser des liquidités
importantes. La rentabilité des actifs des entreprises a fortement augmenté, d’autant plus que
ces entreprises n’ont pas hésité à se défaire des activités déficitaires ou peu rentables. D’autre
part, les taux d’intérêt ont atteint des taux historiquement bas, l’Euribor 3 mois s’établissait en
septembre 2004 aux alentours de 2,12%. Dans ce contexte, les capitaux mobilisés par la
trésorerie offrent une rentabilité moindre que les capitaux utilisés dans l’exploitation, ce qui
pénalise donc la rentabilité globale des fonds propres.
Prenons deux exemples afin de clarifier ce processus. Le premier illustre le cas où l’entreprise
accumule de la trésorerie, et le second, le cas où l’entreprise reverse son surplus de liquidité
aux actionnaires.
Nous supposerons dans ces exemples que l’entreprise est financée à 100% par des fonds
propres. Le taux de rentabilité de son exploitation est de 15% tandis que le taux de rentabilité
de la trésorerie est comparable à l’Euribor 3 mois soit 2,5%. Afin d’isoler l’impact que peut
avoir la modification de la structure de l’actif, nous nous sommes volontairement placés dans
un cadre théorique où le résultat d’exploitation de l’entreprise reste stable.
Dans ce cas là, on voit que la rentabilité des fonds propres reste inchangée.
L’actionnaire trouve deux intérêts à l’augmentation de la rentabilité des fonds propres. D’une
part, une rentabilité des fonds propres accrue assure à l’entreprise une capacité distributive
meilleure, ce qui se traduit pour l’actionnaire par des dividendes supérieurs. D’autre part, un
meilleur Return On Equity (le terme anglo-saxon désignant la RFP utilisé par les analystes)
aura des conséquences positives sur le cours de bourse. Ce ratio est un des ratios les plus
suivis par les analystes.
de la création de valeur défini par le cabinet Stern & Stewart, puis nous verrons en quoi les
incidences de la réduction de capital liée au rachat sur la structure financière et la structure de
l’actif peuvent entraîner une modification de la valeur de l’entreprise.
Le cabinet Stern & Stewart définit l'EVA comme la différence entre le revenu net d'impôts
tiré de l'exploitation et de la rémunération des capitaux engagés au coût de capital, c'est-à-dire
au coût moyen pondéré des ressources financières. on peut donc écrire :
EVA= RE*(1-Tis)-CMPR*CE
En d’autres termes, l’EVA est la valeur ajoutée par l’entreprise, pendant un exercice, aux
capitaux employés. L’EVA est donc un résultat économique après rémunération de tous les
apporteurs de capitaux. En conséquence, une EVA positive correspond donc à un
enrichissement des actionnaires. A l’inverse, une EVA négative s’apparente à une destruction
de richesse, les actionnaires n’ayant pas reçu une rémunération en adéquation avec le risque
qu’ils ont pris.
Ce concept de EVA permet d’évaluer une entreprise au regard de la valeur qu’elle créera.
Pour ce faire, on utilise un nouveau concept, la Market Value Added (MVA) qui n’est autre
que l’accumulation de la valeur créée (EVA) actualisée sur une période donnée.
Ainsi, la réduction de capital ayant un impact à la fois sur la rentabilité des capitaux engagés
(elle modifie l’actif) et sur le CMPR (modification de la structure financière) peut avoir un
double impact sur la création de valeur et la valorisation de l’entreprise.
Cette société procède à un rachat d’actions pour 100 (ce rachat est fait à la valeur comptable)
et annule ensuite les titres rachetés. On obtient le bilan suivant :
Actif Passif
Immobilisation 1500 Capital 1100
BFE 300 Dettes 800
Cash 100
Total 1900 Total 1900
On voit donc que la structure financière a été modifiée. En effet, le ratio Dettes / Fonds
propres est passé de 0,66 à 0,72.
Avec un coût du capital de 15% et un coût de la dette de 7% qui restent inchangés, le CMPR
de l’entreprise se trouve donc modifié :
− CMPR avant rachat = (1200/2000)*15% + (800/2000)*7% = 11,8%
− CMPR après rachat = (1100/1900)*15% + (800/1900)*7% = 11,6%
Cette modification du CMPR n’est rien d’autre que l’illustration de l’effet de levier de la
dette. En effet, la dette coûtant moins cher que le capital, un modification de la structure
financière en faveur de la dette abaisse mécaniquement le CMPR.
Bien que la méthode EVA définie par le cabinet Stern & Stewart ne tienne compte que des
capitaux engagés au sens strict ( immobilisation + BFE) et du simple résultat d’exploitation,
de nombreux praticiens ont pris l’habitude d’utiliser les capitaux engagés au sens large
EVA= (RE+PF)*(1-Tis)-K*CEE
Ainsi en utilisant cette définition élargie, la modification de l’actif permise par un rachat
d’actions permet donc de créer plus de valeur. En effet, comme nous l’avons vu
précédemment, l’actif économique présente (dans la plupart des cas) une rentabilité
supérieure à la trésorerie.
Prenons un exemple afin d’illustrer cela. Nous prenons volontairement, dans cet exemple, une
entreprise financée à 100% par du capital afin d’isoler la création de valeur induite par le
différentiel de rentabilité existant ente l’actif économique et la trésorerie, et ainsi supprimer
l’impact sur la création de valeur que pourrait avoir un changement de la structure financière.
Avant le rachat :
Actif économique 1800 Capital 2000
Cash 200
Total Actif 2000 Total Passif 2000
Après le rachat :
Actif économique 1800 Capital 1800
Cash 0
Total Actif 1800 Total Passif 1800
En conclusion si l’on utilise pour le calcul de la création de valeur, les capitaux engagés au
sens large et s’il existe un différentiel de rentabilité entre la trésorerie et l’exploitation en la
faveur de cette dernière (ce qui est souvent le cas comme nous l’avons déjà évoqué), la valeur
créée par le rachat est encore plus importante.
Conclusion :
Les opérations de rachat d’actions apparaissent bien comme un outil puissant de gestion
financière à la disposition des entreprises. En effet, représentant un réel outil de fidélisation
des actionnaires et de communication en direction des marchés financiers (outil sigal à faible
coût), les opérations de rachats se révèlent être un précieux levier à l’usage des dirigeants
d’entreprise. Elles offrent, par ailleurs, de nouveaux horizons dans la gestion du capital de
l’entreprise qui devient plus active et efficiente. Elles permettent ainsi de prévenir
efficacement les OPA, mais aussi de restructurer rapidement et sans dommage l’actionnariat
de l’entreprise. Mais c’est dans le cas où elles sont suivies d’une réduction de capital que l’on
peut mesurer la portée véritable de cet outil. En effet, de par la relution, l’augmentation de la
rentabilité des fonds propres mais aussi pour la création de valeur additionnelle qu’elles
procurent, les opérations de rachats d’actions apparaissent comme un puissant levier de la
valeur actionnariale. C’est pourquoi, les études empiriques menées sur le marché américain
ont toujours fait ressortir une hausse du cours après l’annonce d’une opération de rachat
d’actions.
4
Le rachat d’actions : une politique de valorisation des actions ?, Jacques HAMON.
PARTIE II : Chargeurs,
une illustration pertinente du rachat d’actions propres
Bien loin de se limiter au simple objectif de la régularisation des cours, l’entreprise Chargeurs
a utilisé ce nouvel outil qu’est le rachat d’actions propres couplée avec une ingénierie
financière innovante de manière très audacieuse. Comme le présente le management dans son
rapport annuel 2003 : « Optimiser les capitaux employés afin d’assurer un rendement durable
en intégrant la mesure du risque à chaque actif ou action opérationnels, s’appuyer sur un
réseau de partenaires industriels et financiers : telle est l’équation du ‘reengineering’
stratégique forgé par Chargeurs ».
Né en 1996 de la scission en deux sociétés du Groupe Pathé après la tentative avortée de prise
de contrôle par Vincent Bolloré, Chargeurs est un groupe mondial, leader dans quatre métiers
très spécialisés : le peigné de laine, les tissus à base de laine, l’entoilage pour l’habillement
ainsi que les films de protection temporaire de surfaces. En 2003, le chiffre d’affaires a atteint
940 milliards d’euros avec 84% des ventes réalisées à l’international.. La société emploie
4600 personnes réparties dans 37 pays.
La société est principalement détenue par la famille Seydoux et Eduardo Malone le PDG.
L’activité de Chargeurs est d’une part, en faible croissance sur un marché mature, et, d’autre
part, fortement dépendante du cours de la laine et du cours du dollar. Comme le résume
Eduardo Malone, PDG du groupe : « L’année 2003 a été marquée par la grave crise de la
laine qu sévit depuis 2002 et la très forte dévaluation du dollar face à l’euro (35% en deux
ans). A la chute de l’offre de laine brute et la forte augmentation consécutive de son prix s’est
ajoutée en 2003 la rupture de la demande de produits lainiers, provoquée par la dégradation
de la compétitivité de la laine par rapport aux fibres concurrentes. »
Ces trois facteurs justifient largement un désintérêt des marchés boursiers et, par conséquent,
une très mauvaise valorisation des capitaux investis dans une activité aussi risquée. Fort de ce
constat, « Chargeurs souhaite faire la démonstration que la performance du management et
les compétences de ses équipes sont plus importantes que les caractéristiques des secteurs
dans lesquels le Groupe exerce ses activités ».5
5
Message aux actionnaires d’Eduardo Malone, PDG de Chargeurs. Rapport annuel 1999.
Lancé en 1998 au sein de l’activité Chargeurs Laine Dolly est un montage financier original
et sophistiqué permettant de réduire les capitaux employés et de générer des liquidités qui
seront reversées aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions propres.
Afin d’illustrer cette mécanique prenons l’exemple de l’activité Chageurs Laine. Les contrats
sur des peignés de laine sont externalisés auprès d’une société totalement indépendante de
Chargeurs, C.W.P., Chargeurs Laine conservant la maîtrise de la clientèle et le contact
exclusif avec elle. C.W.P. se finance auprès d’une autre société : Wool Finance. Chargeurs
n’immobilise plus de capitaux pour acheter la laine brute et la financer pendant les opérations
de transformation. Elle perçoit la rémunération de ses activités de peignage, cœur de son
métier. L’externalisation se fait par l’intermédiaire d’une titrisation des créances clients.
Début 2000, le système Dolly était d’ores et déjà appliqué à 40% du chiffre d’affaires de
Chargeurs Laine. Son coût de mise en place de 0,7M€ à permis une réduction des capitaux
investis de 138,7M€. Dolly permet en outre d’importantes économies induites, d’une part,
grâce à la rationalisation liée à la centralisation de l’organisation interne, d’autre part, grâce
aux critères de sélection imposés par le système qui permettent une diminution des risques et
des pertes éventuelles sur les contrats.
A fin 2003, la société Chargeurs a « dollysé » 100% des actifs « dollysables », ceci dans une
vingtaine de pays. Ces opérations ont porté à la fois sur les besoin en fonds de roulement et
sur l’outil de production générant ainsi une dynamique financière d’économie de capitaux
employés et de rémunération des fonds propres redoutable.
La dynamique « Dolly »
Croissance externe
en titres,
augmentation du
Rachat Roce et de
Mise à niveau des
d’actions l’attractivité du
fonds propres avec
développement
le métier après
interne.
reengineering et
externalisation.
Reengineering
du métier
Actifs
Dollysation opérationnels
transformés en
Génération de actifs financiers
cash et à risque faible.
réduction du
risque et du
besoin en FP.
1ère OPRA du 20 mai 1999 : Cette opération avait été présentée comme « la volonté affirmée
de Chargeurs de créer davantage de valeur pour ses actionnaires en organisant le rachat de
près de 15% de son capital au travers d’une offre publique de rachat d’actions. Cette
opération offrait aussi à ceux qui le souhaitaient une opportunité de liquidité. Elle a permis
d’éviter que ne s’installe une distorsion anormale entre la valeur économique intrinsèque des
métiers de Chargeurs et sa reconnaissance par les marchés financiers. »7
2ème OPRA du 5 juin au 2 juillet 2001 : Cette OPRA portait sur 28,4% du capital hors auto
détention. Au total, 1,65 millions d’actions ont été rachetées au prix de 92€. Soit 150 millions
d’euros reversés aux actionnaires. Cette opération avait été saluée par le management : « La
réussite de cette deuxième OPRA confirme le bien fondé de la stratégie financière de
Chargeurs qui lui permet d'optimiser le coût moyen du capital investi, de renforcer le cours
du titre, d'offrir à intervalle régulier une grande liquidité aux actionnaires et de faciliter le
paiement d'acquisitions en actions. »8
Juin 2002 : le nombre de titres Chargeurs triple et leur valeur est divisée par trois. Le groupe
Chargeurs a procédé à une augmentation de son capital social par incorporation de réserve
destinée à accroître la liquidité de son titre, mis à mal notamment, par l’annulation de 28,4%
du capital, en juillet 2001, consécutive à la seconde OPRA. Le groupe émet 8,546 millions
d’actions nouvelles, attribuées aux actionnaires à raison de deux supplémentaires pour une
existante. Le nombre de titres composant le capital passe donc de 4,273 millions à 12,819
millions d’actions, par conséquent, la valeur intrinsèque de chaque action est divisée par trois.
3ème OPRA du 25 mai 2004 : Après avoir successivement racheté 15% et 28% de son capital
en 1999 et 2001 puis triplé le nombre d’actions en circulation en 2002, Chargeurs procède en
2004 à une nouvelle OPRA géante portant sur 24% du capital.
L’objectif premier de cette stratégie de gestion active du capital au moyen d’OPRA géantes et
successives est de rendre possible sur le long terme la cotation d’une activité de taille
modeste, aux activités risquées et en faible croissance. « Le PDG de Chargeurs estime que
cette externalisation des capitaux a permis au groupe de rester en Bourse en offrant aux
investisseurs « un produit financier attractif et liquide », ce qui n'était pas le cas en 1996. »9
6
‘Jérôme Seydoux et Pathé apporteront la moitié de leurs titres à l’OPRA de Chargeurs.’, in Les Echos, 21
mars 2001.
7
Message aux actionnaires d’Eduardo Malone, PDG de Chargeurs. Rapport annuel 1999.
8
Communiqué du 17 juillet 2001.
9
‘Jérôme Seydoux et Pathé apporteront la moitié de leurs titres à l’OPRA de Chargeurs.’, in Les Echos, 21
mars 2001.
La demande de titre étant stimulée par les OPRA successives et la liquidité du titre étant
assurée par l’augmentation de capital géante de 2002.
D’autre part, ces opérations successives ont permis à la société de faire face à une conjoncture
économique et sectorielle difficile en limitant la baisse du cours de l’action, voire en
surperformant le SBF 250 de 1999 à 2001.
Enfin, ces OPRA successives ont toujours été lancées en proposant aux actionnaires une forte
prime. La dernière en date (mai 2004) a porté sur 24 % du capital. Le prix proposé était de
31€ ; ce qui offrait une prime de 20,6 % par rapport au dernier cours coté.
Annonce de
l’opération :
hausse du cours
et des volumes
échangés
Ainsi, ces opérations ont permis d’améliorer le rendement global de l’action, de 1996 à 2001,
le cours de Chargeurs a été triplé et le rendement global de l'action augmenté de 50 %. « Les
actionnaires ont reçu 1,8 milliard de francs, soit 400 millions de dividendes et 1,4 milliard
dans le cadre des deux Opra. »
Ainsi, sur 6 ans , le cours de Chargeurs a été multiplié par 2,3, passant de 12€ à environ 28€,
permettant à la société de largement surperformer l’indice SBF 120.
Cependant, dans le cas de Chargeurs la notion d’effet signal a peu joué, l’annonce comme la
mise en œuvre des programmes de rachat ne se traduisant pas par un hausse immédiate et
nette du cours de l’action en rapport avec l’envergure des opérations annoncées.
1ère OPRA
2ème OPRA
Augmentation de
capital et division
du titre par trois
3ème OPRA
Jérôme Seydoux, actionnaire principal de la société depuis son origine a fortement réduit sa
participation entre 1999 et 2004, celle-ci passant de 28,85% à 19,9% du capital. M. Seydoux
n’a pas participé à la première opération (pour des raisons fiscales), en revanche, il a apporté
la moitié de ses titres lors de la seconde opération et a participé à la troisième au prorata de sa
participation.
La consolidation du pouvoir d’un ou plusieurs actionnaires est une autre conséquence des
trois rachats d’actions. En 1999, la société a obtenu le visa de la COB pour le lancement
d’une OPRA à hauteur de 25,93 % de son capital. L’actionnaire principal, Jérôme Seydoux,
détenait à ce moment là 28,9 % du capital et 46,5 % des droits de vote. Du fait d’effets
fiscaux spéciaux, il avait interdiction de céder ses titres ; il ne pouvait donc pas participer à
l’opération de rachat. Au 31 janvier 2000, les sociétés contrôlées par J. Seydoux détenaient
34,5 % du capital de Chargeurs, un seuil permettant à M. Seydoux de détenir tout de même la
majorité des droits de vote. Ainsi, la société a diminué son capital de 280 000 actions en mars
2000 et de 24 000 actions en mai 2000, portant la réduction de capital à 20 %. D’autre part,
M. Malone, le PDG de la société a pu lui aussi consolider sa participation de 14,2% achetée à
M. Seydoux en décembre 2001.
Enfin, la dernière, des utilisations faites des rachats d’actions dans une optique de gestion
active du capital réside dans la défense anti-OPA issue du resserrement de l’actionnariat. Les
opérations de rachat d’actions se présentent à point pour limiter la possibilité de prise de
contrôle en limitant le nombre d’actions en circulation en dehors des blocs d’actionnaires. Un
rachat d’actions permet en effet un resserrement sur les actionnaires dits stables et empêcher
par là même une prise de contrôle. Ainsi, le cumul des participations des actionnaires de
référence est passé de 51,23% en 1999 à 75.35% en 2004.
Le cas du fonds anglo-saxon The Baupost Group est intéressant, puisque entre 1999 et 2004
sa participation est passée de 7,87% à 13,33% du capital. Le tableau ci-dessous montre
clairement que le fonds a profité des différentes opérations de rachat puis d’annulation de
titres pour renforcer mécaniquement sa participations.
Le mécanisme de relution pour Chargeurs est significatif compte tenu du nombre d’opérations
de rachat et de leur envergure, ce sont potentiellement 56% des titres de la société qui
pourraient être rachetés à fin 2004 puis détruits.
Le tableau ci-dessous, montre l’impact de cette relution sur le Bénéfice net par action. Les
pertes de 2002 et 2003 empêchent pourtant de mesurer pleinement celui-ci, cependant, en
2001, le BPA est quasiment le double du BPA théorique (hors réduction du capital). Autre
illustration, un BPA théorique de 1€ en 1998 (soit RN de 7 710 528€) deviendrait en 2004 un
BPA théorique de 2,36€ !
Le tableau ci-dessous illustre l’impact de la diminution des Capitaux Propres sur leur
rentabilité. Corrigé de la volatilité des résultats de la société, la rentabilité des capitaux
propres passerait de 11,5% en 1998 à 16,3% en 2003 !
Tout aussi significatif est l’impact de ces opérations successives sur la structure du bilan de la
société Chargeurs. La société partait en effet en 1998 avec un bilan largement déséquilibré
puisque le gearing n’était que de 13%, ce rapport a été rééquilibré par les opérations de rachat
successives qui ont été financées par recours à l’endettement. Cet aspect n’est pas neutre –
comme nous l’avons vu en partie I- en terme de création de valeur, puisqu’il a pour effet de
diminuer le Coût moyen pondéré du capital de Chargeurs.
Le tableau suivant montre l’impact sur le CMPR, celui-ci diminue de plus d’un point.
Hypothèses :
- Prime de marché action : 8%
- Béta : 1,15
- Taux sans risque : 3%
- Coûts de la dette : 6,5% (en 2003, 16M€ de frais financiers pour 240M€ de dette
financière)
L’impact des opérations de rachat sur la création de valeur (au sens où l’entend Stern &
Stewart) est plus difficile à matérialiser compte tenu de la forte volatilité du résultat
d’exploitation de la société Chargeurs. Le tableau ci-dessous montre cependant, qu’avec un
CMPR constant, la société aurait détruit plus de valeur qu’elle ne la faite…
EVA théo. avec Rex cst -12,80 -20,73 -58,13 -49,33 -37,24 -26,81
EVA théo. avec CMPR cst -12,80 -26,72 -63,40 -55,57 -66,20 -69,42
Conclusion :
La politique financière active des équipes de Chargeurs concernant la gestion de son passif est
un exemple éloquent de l’efficacité et de la polyvalence de l’outil : « rachat d’action ». En
appliquant un reenginering financier original lui permettant de diminuer les capitaux propres
investis et en redistribuant ces liquidités à ses actionnaires sous forme de rachats d’actions
successifs et massifs, la société à réussi à se maintenir en bourse et à « limiter » les
conséquences de la volatilité de son activité sur ses résultats financiers.
CONCLUSION GENERALE
Avant la réforme du 2 juillet 1998, les opérations de rachat d’actions qui souvent ne pouvaient
s’envisager que suivies d’une réduction du capital, étaient juridiquement contraignantes et
fiscalement désavantageuses. Aussi, les entreprises françaises n’avaient recours à ce type
d’opérations que très exceptionnellement et se trouvaient donc amputées d’un outil de gestion
financière que leurs homologues anglo-saxons utilisaient déjà à grande échelle. Afin de
réduire ce déséquilibre, le législateur engagea une mission de réflexion sur ce sujet prenant la
forme du rapport Esambert et qui déboucha, le 2 juillet 1998, sur l’adoption d’une nouvelle
loi relative au rachat par une entreprise de ses propres actions.
Les opérations de rachats sont donc venues s’ajouter aux outils de gestion financière à la
disposition des dirigeants des entreprises françaises. Formidable moyen de communication
financière et de fidélisation des actionnaires, les opérations de rachats permettent aussi de
gérer activement et efficacement le capital de l’entreprise. Lorsqu’elles sont suivis d’une
réduction de capital, elles permettent de valoriser le capital de l’actionnaire au travers de la
relution et d’un renforcement de la création de valeur.
Bien conscientes de l’intérêt que pouvait avoir ces opérations de rachats pour elles-mêmes et
leurs actionnaires, les entreprises françaises se sont donc adonnées massivement à ce type
d’opérations. L’ampleur de ce mouvement est telle que plus des trois quarts des entreprises
cotées en France se sont déjà lancées dans au moins une opération de rachat.
Le cas Chargeurs illustre parfaitement les bénéfices qui peuvent être retirés d’opérations de
rachat d’actions propres, mais il nous s’apprend surtout, que le rachat d’actions propres est un
levier d’action renforcé s’il s’intègre à une stratégie globale et dynamique de gestion du bilan.
De là à démonter que la finance d’entreprise crée de la valeur…