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SBIYBI 26/11/2021

Wedyane

Commentaire d’arrêt : Bosman, C-415/93, 15 décembre 1995


La Cour de Justice de la Communauté Européenne rend le 15 décembre 1995 dans l’arrêt Bosman
une décision relative au droit à la libre circulation des sportifs ressortissants des pays membres de
l’Union Européenne.

« Au sein de l’arrêt Bosman, il s’agissait de tout sauf de l’ultra-libéralisme. Il était au contraire


question de mettre l’être humain au centre, de garantir ses droits, de faire du sportif un travailleur
comme un autre. » Marc Bernard, Dictionnaire des footballeurs étrangers du championnat
professionnel français.

Des association sportives mettent en place des règlements qui instaurent à l’intérieur de clauses de
nationalité des quotas fixant à un nombre limité les joueurs professionnels ressortissants d’autres
États membres de l’Union Européenne dans une équipe.
La question préjudicielle posée à la Cour de Justice des communautés Européenne porte sur
l’interprétation de l’article 48 du Traité de Rome au regard des clauses de nationalités qui limitent le
nombre de joueurs d’un autre État Membre

Les clauses de nationalité fixées par les association sportives portent-elles atteinte au droit de
liberté de circulation des travailleurs garantit par le droit de l’Union Européenne ?

La CJCE considère que les règlements des associations sportives, notamment celles instaurant un
quota de joueurs étrangers par club sont contraires à l’article 48 du Traité de Rome sur la libre
circulation des travailleurs entre États membres qui précise que « la libre circulation des travailleurs
est assurée à l’intérieur de la communauté. ». Elles constituent ainsi une entrave à la liberté de
circulation des joueurs professionnels communautaires.

L’arrêt Bosman possède une portée très importante qui va profondément impacter le monde sportif
dans son ensemble.Celui-ci est incontournable d'autant plus qu’il se fonde sur deux principes
fondamentaux inscrits dans les traités européens, sur des droits de base des citoyens européens ;
celui de la libre-circulation et celui de la non-discrimination. La Cour de Justice européenne le dit
très clairement, ces principes s'appliquent à tous les citoyens, aussi aux sportifs, aussi aux
footballeurs.

Dans un premier temps la CJCE considère que le sport peut constituer une activité économique et, à
ce titre, entrer dans le champ d’application du droit communautaire ( I ). Le sportif professionnel
peut, en conséquence, se prévaloir, notamment, du principe de libre circulation des personnes à
l’intérieur de l’Union européenne en cas de réglementation contraire à celui-ci ( II ).
I./ Le sport et la reconnaissance d’une activité économique

Le sport constitue une activité économique et entre de cette façon dans le champ d’application du
droit communautaire ( A ), le sportif obtient le statut du travailleur et bénéficie de ce fait de la
liberté de circulation des travailleurs garantie par le droit de l’UE ( B ).

A. L’applicabilité du droit communautaire au sport

L’arrêt Bosman constitue à première vue une surprenante révélation de la portée du droit
communautaire sur le sport.
La Cour s’était déjà prononcé sur le sport professionnel à l’occasion de l’arrêt Donà du 14 juillet
1976 en considérant que « l’exercice des sports relève du droit communautaire dans la mesure où il
constitue une activité économique, ce qui est le cas des joueurs professionnels dès lors qu’ils
exercent une activité salariée ou effectuent des prestations de service rémunérés ».
La Cour reprendra d’ailleurs ce même arrêt pour justifier l’activité économique du sport en
l’espèce.
En outre, constatant que le sport générait une activité économique de plus en plus importante, la
CJCE a considéré que s’il revenait aux association sportives de fixer des quotas de joueurs, le volet
économique devait être soumis au droit communautaire.
Toute activité sportive n’est pas automatiquement économique, mais dès qu’elle le devient, les
règles du droit communautaire doivent recevoir application.
La CJUE rappelle que le principe de libre circulation des personnes s’applique aux sportifs
professionnels dès lors qu’ils exercent leur sport en qualité de salariés ou de prestataires de services
rémunérés. En effet, ils exécutent alors une activité économique.
La cour énoncera dans le considérant 120 que « Dans la mesure où la participation à ces rencontres
constitue l'objet essentiel de l'activité d'un joueur professionnel, il est évident qu'une règle qui la
limite restreint également les possibilités d'emploi du joueur concerné. »
Ainsi, s’agissant d’une activité économique, les règles communautaires s’appliquent, et notamment
le principe de libre circulation. Toute règle contraire constitue une entrave à la libre circulation des
personnes.
Dès lors, les juges de la CJCE ont tiré les conséquences de cette prise de position en appliquant
strictement le droit communautaire.
L’occasion est donnée pour s’interroger sur la situation juridique du sportif professionnelle.

B. Une nouvelle ère de mobilité pour les joueurs professionnels

L’arrêt Bosman vient profondément impacter le monde du football ainsi que le monde sportif dans
son ensemble. Celui-ci vient inaugurer cette nouvelle ère de mobilité pour les joueurs
professionnels.
Des limitations sont apportées au principe de libre circulation des joueurs lorsque l’appréciation du
nombre de sportifs étranger est laissée aux associations sportives. En effet, des clauses de
nationalité mises en place limitent la trop nombreuse présence de joueurs étrangers au sein d’une
équipe.
Selon une jurisprudence constante, la Cour de justice des Communautés européennes considère que
le sport peut constituer une activité économique au sens de l’article 2 du Traité de Rome, et, à ce
titre, entre alors dans le champ d’application du droit communautaire.
Le sportif peut, en conséquence, en l’espèce se prévaloir, notamment, du principe de libre
circulation des personnes à l’intérieur de l’Union européenne.
L’arrêt dispose que « L’article 48 du Traité CEE s’oppose à l’application de règles édictées par des
associations sportives, selon lesquelles : un joueur professionnel de football, ressortissant d’un État
membre, à l’expiration du contrat qui le lie à un club, ne peut être employé par un club d’un autre
État membre que si ce dernier a versé au club d’origine une indemnité de transfert, de formation ou
de promotion ; lors des matchs de compétition qu’elles organisent, les clubs de football ne peuvent
aligner qu’un nombre limité de joueurs professionnels ressortissants d’un autre État membre. »
La CJCE va poser un premier principe dans lequel les joueurs citoyens de l’Union européenne ne
puissent plus connaître d’entrave à leur mobilité professionnelle en Europe et que toute règle
contraire constitue une entrave à la libre circulation des personnes.
Le joueur professionnel peut désormais s’exporter dans tout les États membres sans restriction. Il
fait valoir son droit à la libre circulation des travailleurs garantit par le droit communautaire.
Cette mobilité entraine la fin des quotas pour les ressortissants européens.
De cette nouvelle mouvance résulte un changement significatif dans la composition des effectifs au
sein des équipes ce qui va entrainer le nouveau monde du football tel que nous le connaissons
aujourd’hui.
Une vague de joueurs ressortissants des États membres vont re-configurer les équipes marquants
d’importants changements.

II./ Une réglementation contraire à la libre circulation des travailleurs

Après avoir démontré que le droit communautaire s’appliquait en l’espèce, la Cour va en


considération de l’article 48 du Traité de Rome démontrer le caractère illégal des clauses de
nationalité ( A ), discriminantes au regard de l’égalité de traitement des joueurs ( B ).

A. Les clauses de nationalité contraire à l’article 48 du Traité de Rome

Des règlements d’associations sportives comprennent en leur sein des clauses de nationalités qui
sont en fait des quotas limitant l’alignement de joueurs communautaires.
Les objectifs de cette clause sont méconnues.
Il s’agira en l’espèce pour la Cour de déterminer si elles constituent une entrave à la liberté de
circulation des travailleurs.
Afin d’étayer son argument la Cour raisonne en s’appuyant sur l’article 48 du Traité de Rome qui
dispose que la libre circulation des travailleurs constitue un des principes fondamentaux de la
Communauté et que les dispositions qui empêchent ou dissuadent un ressortissant d'un Etat membre
de quitter son pays d'origine pour exercer son droit à la libre circulation constituent, dès lors, des
entraves à cette liberté même si elles s'appliquent indépendamment de la nationalité des travailleurs
concernés.
L’article vise à faciliter l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de la
Communauté pour les ressortissants communautaires. Il s’oppose aux mesures qui pourraient
défavoriser les ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire
d’un autre État membre.
La Cour souligne également qu'une règle qui restreint le nombre de joueurs non nationaux
participant à des matches restreint également les possibilités d'emploi de ces joueurs, et par
conséquent, tombe sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 48 « Dans la mesure où la
participation à ces rencontres constitue l'objet essentiel de l'activité d'un joueur professionnel, il est
évident qu'une règle qui la limite restreint également les possibilités d'emploi du joueur concerné. »
La Commission ajoute que le fait de « participer à des compétitions est l'objectif essentiel d'un
joueur professionnel. Une règle restreignant cette participation limite à l'évidence les occasions
d'emploi qui se présentent à un joueur et est incompatible avec l'article 48 ».
Par voie de conséquence, la Cour conclut que les clauses de nationalités constituent une violation de
l'article 48 du Traité, source du litige, elles seront écartées par la Cour de justice

B. Une discrimination au regard du droit à l'égalité de traitement

Les « restrictions de nationalités » comme moyen de limiter le nombre de joueurs étrangers dans un
club de football ont été déclarées illégales dans la mesure où elles impliquaient une forme de
discrimination contre les joueurs des pays membres de l’Union Européenne.
En l’espèce, une discrimination directe se produit lorsque, sur la base du quota de joueurs
communautaires dans les équipes, les sportifs ressortissants de l’Union Européenne sont traités de
manière moins favorable, que les joueurs nationaux durant les matchs de compétition.
Le droit à l’égalité de traitement reconnu aux ressortissants des pays membres de l’Union
Européenne est différent du principe de la libre circulation applicable aux ressortissants.
Le droit à l’égalité de traitement s’oppose à toute forme de discrimination, l'application du principe
de non-discrimination suppose donc que les personnes concernées soient régulièrement employées
sur le territoire d'un Etat membre.
Les association sportives adoptaient des quotas qui limitaient la présence de joueurs ressortissants
d’autres États membre au sein des équipes, à cet égard la Cour dispose que l'article 48, paragraphe
2, énonce expressément que la libre circulation des travailleurs implique l'abolition de toute
discrimination, fondée sur la nationalité.
La libre circulation des travailleurs impose le respect des principes de non-discrimination et
d’égalité de traitement. Par conséquent, tout citoyen qui recherche un emploi dans un autre Etat
membre doit avoir accès à l’Office national pour l’emploi de ce pays, bénéficier du même
accompagnement et des mêmes aides qu’un ressortissant de l’Etat membre d’accueil.
L'arrêt Walrawe et Koch du 12 décembre 1974 peuvt être considéré comme la première intervention
communautaire dans le domaine du sport. Selon le juge, l'interdiction de discrimination fondée sur
la nationalité s'impose aux règlementations d'une autre nature visant à régler de façon collective les
prestations de services.

La position de la Cour est très claire, des quotas fondés sur la nationalité constituent une entorse
inacceptable au droit communautaire. Cela viole deux principes essentiels ; la libre circulation des
travailleurs et la non-discrimination.
À court terme, la jurisprudence de la CJCE a eu cet effet majeur, l'accroissement de la mobilité
internationale des joueurs professionnels, accompagné d’une extension de cet espace libre de
transferts, sans quotas limitatifs du nombre de joueurs, aux pays ayant une convention avec l’UE,
les pays membres de l’Espace économique européen, mais également les pays de l’ACP (Afrique,
Caraïbes, Pacifique).

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