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L
e suivi thérapeutique pharmacologique (STP) est
défini par l’Association Internationale de Suivi Médicament
Thérapeutique Pharmacologique et de Toxicolo- Posologie
gie Clinique (IATDMCT) comme « une spécia-
lité clinique pluridisciplinaire visant à améliorer la prise en
charge du patient en ajustant individuellement la dose de Facteurs de variabilité
certains médicaments (ceux pour lesquels l’expérience cli-
nique ou les essais cliniques ont démontré que cette pratique
apportait un bénéfice au patient) dans la population générale Traitement
ou dans une population particulière. Il repose a priori sur Concentration efficace Concentration
des informations pharmacogénétiques, démographiques et basse Aucune élevée
cliniques et/ou a posteriori sur la mesure des concentrations toxicité
sanguines du médicament (suivi pharmacocinétique) ou de
composés endogènes de substitution ou de paramètres biolo-
giques d’effet (suivi pharmacodynamique) » [1].
Il s’agit du dosage dans les milieux biologiques du patient (en Arrêt du médicament
Echec Résistances Effets
général dans le sang) de certains médicaments afin d’optimi-
thérapeutique Rechutes toxiques
ser le traitement curatif ou préventif. Il fait partie des outils
Complications
de personnalisation du traitement qui a un double objectif :
diminuer le taux d’échecs thérapeutiques liés à une mauvaise
observance ou à une dose insuffisante de médicament ; et Figure 1 : Intérêt du suivi thérapeutique
diminuer la fréquence des effets indésirables et/ou toxiques pharmacologique dans l’optimisation du traitement
des médicaments liés à une dose ou une posologie excessive
(Voir Figure 1) [2].
L’histoire du STP a commencé avec l’essor de la pharmaco- tients traités pour une épilepsie et l’efficacité de ce traitement
logie clinique en tant que discipline indépendante dans les [3]. Par la suite en 1967, Baastrup et Schou ont démontré la
années 1960 et le développement des concepts fondamen- relation entre la concentration plasmatique et l’effet pharma-
taux de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique. cologique du lithium [4]. Plusieurs publications sont appa-
En 1960, Buchthal a montré qu’il existait une relation entre rues dans les années 70 illustrant l’intérêt de l’ajustement de
les concentrations plasmatiques de la phénytoïne chez les pa- la posologie dans la prise en charge de certaines pathologies,
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dossier
Réponse insuffisante au traitement Distinguer entre résistance pharmacologique Crises convulsives survenant malgré un traite-
ou défaut d’exposition appelant une adapta- ment antiépileptique
tion posologique
Manifestations cliniques ambiguës Distinguer entre réponse insuffisante ou Augmentation de créatine chez un greffé
toxicité rénal sous ciclosporine
Dysfonction d’organe Prévenir les conséquences sur l’imprégnation Adaptation de la dose de gentamicine en
médicamenteuse en adaptant la posologie rapport avec la fonction rénale
Interaction médicamenteuse Prévenir les conséquences en adaptant la Suivi des antirétroviraux chez un patient
posologie recevant la RIF
surtout avec le développement des méthodes d’immuno- même dose du médicament, la concentration plasmatique
dosages homogènes des médicaments. est différente d’un patient à un autre en rapport avec une
Le concept repose sur l’hypothèse que les effets cliniques variabilité interindividuelle de la pharmacocinétique. Cette
sont mieux corrélés avec les concentrations de médicament variabilité pourrait être en relation avec des facteurs respon-
qu’avec la dose. Le médicament doit avoir une action rapi- sables d’un sous-dosage comme une mauvaise absorption
dement réversible et le développement de la tolérance ne digestive, une accélération du métabolisme (interaction mé-
doit pas se produire sur son site d’action. Il devrait agir en dicamenteuse), une augmentation de l’élimination, une mal-
soi et non par l’intermédiaire des métabolites (mais, si oui, observance… ou d’un surdosage en cas par exemple d’insuf-
les métabolites doivent être mesurés) et la concentration du fisance hépatique ou rénale.
médicament sur le site (généralement dans le sang) devrait • Relation concentration-effet du médicament est meilleure
idéalement être fortement corrélée avec la concentration du que la relation dose/effet. Une même dose ne produit pas
médicament sur les sites récepteurs [5]. les mêmes effets thérapeutiques ou toxiques d’un individu
La première étape du processus du STP est de répondre à à l’autre en raison d’une variabilité interindividuelle d’ordre
la question : est-ce que le médicament est candidat au STP ? pharmacodynamique, comme les polymorphismes géné-
Les autres étapes consistent en : tiques, les interactions médicamenteuses et la sensibilité des
• un dosage par une méthode précise et fiable de la concen- récepteurs.
tration sanguine d’un médicament ou ses métabolites sur un • Présence d’une variabilité intra-individuelle faible ou prévi-
échantillon prélevé selon des conditions bien respectées ; sible au moins à court terme.
• une interprétation de cette valeur de concentration en • Zone thérapeutique étroite. Dans ce cas, on a besoin de
fonction des connaissances disponibles sur les relations faire un dosage plasmatique du médicament pour savoir si on
concentrations-effets du médicament ; est dans une zone d’efficacité thérapeutique afin d’éviter les
• l’adaptation posologique afin d’optimiser le succès du effets toxiques du médicament ou l’échec thérapeutique.
traitement par ce médicament. • Absence d’outils cliniques ou biologiques de surveillance
du traitement. Le STP est utile pour les médicaments dont
Quels sont les médicaments candidats au suivi la surveillance clinique et biologique est difficile (certains
thérapeutique pharmacologique ? anticancéreux, antipsychotiques…). Il est inutile si les effets
pharmacologiques (ou toxiques) sont directement mesurés
Le STP ne peut pas être appliqué à tous les médicaments. Plu- comme les antihypertenseurs, les hypoglycémiants…
sieurs critères sont à prendre en considération dans le choix • Disponibilité d’une méthode de dosage approprié à un coût
du médicament [6] : supportable. Les indications de STP en pratique clinique
• Relation dose-concentration du médicament présente une sont résumées sur le tableau ci-dessus [7]. Dans plusieurs
grande variabilité interindividuelle. Dans ce cas, pour une pays, comme c’est le cas de la France, le STP est sujet à des
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Suivi thérapeutique pharmacologique Concepts, intérêt et modalités pratiques
Concentration
2 médicament. C’est le marqueur par excellence d’efficacité
5 fois la demi-vie : Seuil de toxicité
Temps d’équilibre
Cmax
du traitement. La Cmax (Concentration maximale) permet de
Ci Zone
rechercher la toxicité du médicament (médicaments à marge
1,5 thérapeutique thérapeutique étroite). La Cmin (Taux résiduel) permet quant
à elle de s’assurer qu’au taux le plus bas, on restera toujours
au-delà de la concentration où on a le minimum d’effet (mé-
1 Cmin Taux résiduel Seuil dicaments à zone thérapeutique étroite). Enfin, la Cmax et la
d’inefficacité
Cmin sont utiles pour les médicaments à zone thérapeutique
et marge thérapeutique étroites (exemple des aminosides).
0,5 • Il faut également : vérifier qu’il existe des valeurs de réfé-
AUC
Intervalle
entre 2 doses
rence dans la littérature pour le délai de prélèvement adopté ;
prélever dans le bras opposé à celui de l’administration, ja-
0 mais à travers la ligne ayant servi à l’injection (médicaments
0 12 24 36 48 60 72 84 96 injectables) ; et éliminer un volume de sang au moins égal à
Temps (h) celui du cathéter lors de prélèvement sur une voie existante
Figure 2 : Les différents paramètres pharmacocinétiques afin de prévenir la dilution.
pour le choix du délai de réalisation du prélèvement • Par ailleurs, il faut éviter les prélèvements sur voie centrale,
dans le suivi thérapeutique pharmacologique utiliser le tube approprié, et envoyer l’échantillon selon les
recommandations d’acheminement du laboratoire (délai,
température de conservation).
recommandations selon le niveau de preuve afin de position- • Enfin, il faut accompagner le prélèvement d’une fiche du
ner clairement le rôle du STP pour chacune des molécules patient où figurent toutes les informations qui vont orienter
dans la prise en charge thérapeutique des patients. Le niveau l’analyste dans l’interprétation des résultats du dosage [7].
de recommandation est établi pour chaque médicament Ainsi en rapport avec le patient, il faut noter : identité du pa-
concerné à partir d’études dédiées [8]. tient, âge, sexe, IMC, pathologie, antécédents notamment une
dysfonction d’organe, traitements associés prescrits, habi-
Quand et comment réaliser un prélèvement pour tudes toxiques, prise de plantes ou automédication, dysfonc-
un suivi thérapeutique pharmacologique ? tion d’organe ; date et heure du prélèvement. Et en rapport
avec le médicament à doser, doivent être mentionnées : dose
Choix de la matrice administrée, posologie, voie d’administration, date du début
Le dosage se fait en général dans le sérum ou le plasma et ou de changement du traitement, date et heure de la dernière
pour certains médicaments comme les immunosuppresseurs prise, indication du dosage.
dans le sang total [9]. Certains auteurs ont proposé le dosage
au niveau salivaire ou au niveau des gouttes de sang séché Méthodes de dosage
[10].
La méthode d’analyse doit être sensible, précise, fiable, rapide
Modalités pratiques de prélèvements et ne nécessitant qu’une quantité minime de sang quand il
• Il faut demander le dosage à l’équilibre de l’accumulation s’agit de nouveau-né. Les techniques analytiques varient d’un
pharmacocinétique (trois à cinq fois le temps de demi-vie laboratoire à un autre.
après l’introduction ou le dernier changement posologique). Les méthodes les plus utilisées sont : les méthodes
Concernant les médicaments à libération prolongée, il faut d’immunodosage (FPIA, EMIT®…) ; les méthodes chroma-
compter au minimum deux semaines pour réaliser le premier tographiques [chromatographie en phase gazeuse (GC) et
dosage, notamment chez les patients atteints d’insuffisance chromatographie liquide haute performance].
rénale et qui sont sous médicaments éliminés par voie rénale Quelle que soit la méthode utilisée, le laboratoire doit s’assu-
(exemple de la digoxine). Chez le nouveau-né, l’évolution rer qu’un contrôle de qualité interne et externe approprié est
rapide de l’état clinique, le degré d’hydratation et les exi- entrepris [13].
gences posologiques font de l’état d’équilibre un concept
théorique plutôt qu’un objectif dans de nombreux cas. Il est Interprétation des résultats
peu utile donc de retarder les dosages pour qu’un tel état et adaptation posologique
d’équilibre soit établi [11,12].
• Il est nécessaire de prélever le sang dans la phase tardive L’interprétation se fait selon la fourchette de référence du
d’élimination par rapport à la dernière prise médicamenteuse, médicament. Il s’agit en effet de l’intervalle entre la concen-
pour déterminer le taux « résiduel », à savoir avant la pro- tration minimale efficace et la concentration maximale sans
chaine dose. En général, le choix de l’heure de prélèvement effets toxiques. Entre ces deux limites, le traitement est
est par rapport à la dernière prise et dépend du paramètre efficace pour la plupart des patients avec un risque minime
pharmacocinétique qu’on veut chercher et donc de l’objec- d’effets indésirables ou d’échec thérapeutique [14].
tif recherché par le STP selon le type de médicament (Voir Le clinicien devrait être prudent en analysant cette interpré-
Figure 2) [11,12]. L’AUC (air sous la courbe) permet d’éva- tation. Cette analyse doit être individualisée, selon l’état cli-
luer la biodisponibilité totale et donc l’exposition totale du nique du patient et la sévérité de la pathologie sous-jacente.
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Suivi thérapeutique pharmacologique Concepts, intérêt et modalités pratiques
dossier
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